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La protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne

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par Stéphanie Ducret
Université Lumière Lyon 2 - droits de l'homme 2010
  

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§ 2. Une Charte n'étendant pas les compétences de l'Union en matière de droits de l'Homme

Les compétences de l'Union demeurent des compétences d'attribution et sont divisées en trois catégories ; compétences exclusives, compétences partagées et compétences d'appui.

Dès les années quatre-vingt dix, l'on indiquait qu'une adhésion de l'Union à la Convention serait superflue, l'Union respectant les droits de l'Homme. Pourtant, dans le domaine des droits de l'Homme, aucune compétence générale attribuée à la Communauté n'était prévue au sein des Traités, bien que certains droits inhérents à la personne soient reconnus. La rédaction de l'avis 2/94 relatif à l'adhésion de l'Union à la Convention affirme cette vision de l'absence de pouvoir des institutions dans ce domaine263. La Cour de Luxembourg indiquait ainsi que « l'adhésion de la Communauté à la Convention conduirait à un véritable changement de nature de l'objet de la Communauté européenne en intégrant les dispositions de la CEDH »264.

L'article 352 TUE (ex-article 308 TCE) a durant longtemps permis une extension des compétences de la Communauté et formé la base juridique pour des actions de la Communauté

260 BADINTER, Robert, La Charte des droits fondamentaux à la lumière des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.143, p.149

261 KOUKOULIS-SPILIOTOPOULOS, Sophia, De Biarritz à Nice : le projet de Charte des droits fondamentaux

est-il articulé avec le droit de l'Union ?, La Gazette du Palais, 31 octobre 2000, n°305, p.18

262 ibid

263 REDOR, Marie-Joëlle, La vocation de l'Union européenne à protéger les droits fondamentaux, in LECLERC, Stéphane, AKANDJI-KOMBE, Jean François et REDOR, Marie-Joëlle, L'Union européenne et les droits fondamentaux, CRDF Université de Caen, Bruyant, 1999, 235p, p.13,, p.22

264 DRAGO, Guillaume, La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : présentation générale, enjeux

et perspectives, Les Petites Affiches, 13 décembre 2000, n°248, p.5

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en matière de protection des droits de l'Homme. L'action de l'Union serait donc possible si son but était de réaliser un objectif de l'Union.

Rappelons que la référence expresse à la protection des droits de l'Homme comme objectif n'a lieu que dans le cadre d'une action extérieure de l'Union265, notamment par l'insertion de clauses dites « droits de l'Homme » dans les accords conclus par l'Union avec des Etats tiers. Dès 1995, l'on indiquait que l'Union avait compétence en matière de promotion et de protection des droits de l'Homme266. Dans son arrêt de 1996267, la Cour de Luxembourg a indiqué que la Communauté « dispose de la compétence d'adopter des mesures dans le domaine des droits de l'homme, mais celle-ci ne saurait toutefois être considéré comme générale »268 lorsque la Communauté exerce ses compétences dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité commune.

De plus, l'article 83 TFUE prévoit que l'Union peut intervenir en matière pénale, matière hautement liée aux droits de l'Homme, pour définir des règles minimales communes.

Ainsi, pour la Commission, la protection des droits fondamentaux est un « objectif horizontal de la Communauté que l'on retrouverait dans toutes les politiques »269. Il est indéniable que « la protection des droits fondamentaux est au coeur même de l'ordre juridique communautaire, depuis des décennies : sans protection des droits fondamentaux, la primauté du droit européen serait elle-même mise en péril »270.

Le préambule du TUE se réfère à l'attachement de l'Union pour les droits fondamentaux, l'article 2 TUE précisant les fondements. « Cette disposition n'est pas seulement déclaratoire ; elle revêt un caractère concret »271 puisque les Etats doivent respecter certains critères avant l'adhésion et peuvent être exclu en cas de violation272.

265 article 3§5 TUE

266 RACHET, Jean-Michel, De la compétence de l'Union européenne en matière de défense et de promotion des Droits de l'Homme, Revue du Marché Commun et de l'Union européenne, 1 avril 1995, n°387, p.256-260

267 CJCE, 3 décembre 1996, République portugaise c/ Conseil, aff. C 268/94, Rec. 1996-12, p. 6177

268 BOSSE-PLATIERE Isabelle, L'article 3 du traité UE : Recherche sur une exigence de cohérence de l'action extérieure de l'Union européenne, thèse, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2009, 859p, p.176

269 JACQUE, Jean-Paul, Droits fondamentaux et compétences internes de la Communauté européenne, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.1007, p.1013

270 BRUN, Alain, Les droits fondamentaux et le citoyen européen, in Actes du colloque international organisé par le Centre de Recherches Hannah Arendt les 16 et 17 mars 2006, Les droits fondamentaux à l'épreuve de la mondialisation, édition Cujas, institut catholique d'études supérieures, 2006, 166p, p.45, p.51

271 PRIOLLAUD, François-Xavier et SIRITZKY, David, Le traité de Lisbonne - texte et commentaire article par article des nouveaux traités européens (TUE - TFUE), la documentation française, 2008, 523p, p.33

272 article 7 TUE

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L'utilisation de l'article 7 TUE est dissuasive. Premièrement, les termes employés sont peu précis et il serait complexe de mettre en pratique les notions de « gravité », de « risque clair ». Le déclenchement de cette procédure semblerait donc assez arbitraire de la part de la Commission. En outre, « l'impact politique que pourrait avoir une telle procédure, voire même son simple déclenchement »273 a un effet dissuasif sur les Etats.

« Les droits fondamentaux doivent être un terrain privilégié du principe de coopération loyale qui est au coeur du système communautaire »274.

De plus, les objectifs de l'Union sont énumérés à l'article 3 TUE qui indique à plusieurs reprises des droits fondamentaux, tel que l'égalité entre les hommes et les femmes.

Ainsi, « si le respect de ces droits est sans doute une condition indispensable à la légalité de l'action communautaire, il ne suffit pas à donner naissance à un titre de compétence même implicite et l'article 308 (actuel 352 TUE) ne peut être utilisé »275.

Pourtant,

« en se limitant à une définition de la compétence qui est celle d'une seule compétence d'attribution, la Cour s'interdit et interdit par là même aux institutions communautaires de se saisir des droits fondamentaux en tant que compétence communautaire sans une modification explicite des traités qui, soit présenterait une liste de droits fondamentaux protégés par l'ordre juridique communautaire, en une déclaration solennelle, soit rattacherait cet ordre juridique à un autre comprenant des droits fondamentaux, et il est logique de penser d'abord à celui mis en oeuvre par la C.E.D.H. »276.

L'évolution récente de l'Union montre que la protection des droits fondamentaux est de plus en plus au centre des préoccupations des Etats membres et de l'Union.

En effet, le Traité de Lisbonne a permis la mise en place d'un outil de protection des droits de l'Homme et prévoit expressément l'adhésion à la Convention.

Par ailleurs, les compétences de la Cour de Luxembourg, et également de sa saisine par les particuliers, ont été étendues à pratiquement tous les domaines d'action de l'Union. L'Union a-t-elle aujourd'hui compétence dans le domaine des droits de l'Homme ?

273 GORI, Gisella et KAUFF-GAZIN, Fabienne, L'arrêt Matthews : Une protection globale des Droits de l'Homme par une vision réductrice de l'ordre juridique communautaire ?, Revue Europe, 1 janvier 2000, n°1, p.4-8, p.62

274 BRUN, Alain et CRABIT, Emmanuel, Faire respecter les droits fondamentaux à l'intérieur de l'Union européenne - Pistes de réflexion sur le rôle de la Commission européenne, Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.45-63, p.63

275 supra note 269, JACQUE, p.1014

276 supra note 264, DRAGO

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Mais, « la question des droits de l'homme se prête mal à la théorie des compétences. Car les droits fondamentaux existent en soi, du moins selon la théorie naturaliste qui irradie toute la philosophie des droits de l'homme depuis au moins 1789 »277. En effet, « les droits de l'homme ne constituent pas un domaine de compétences »278.

La compétence est définie traditionnellement comme « un pouvoir d'agir dans un domaine déterminé »279 et de créer des normes. Cependant, certains auteurs ont eu une vision beaucoup plus large des compétences de l'Union, indiquant notamment que les droits fondamentaux

« devraient constituer non seulement une compétence mais l'objet de la Communauté, ou autrement dit un principe de répartition des compétences communautaires, à caractère « transversal » (v. en ce sens D. Simon, Europe, juin 1996, p. 3 ; R. Mehdi, Justices, no 6, 1997, p. 58), parce que « les raisons d'être de la Communauté impliquent sa soumission aux droits de l'homme » (P. Wachsmann, R.T.D.E., 1996, p. 481). »280

Au sein du Traité de Lisbonne, les droits fondamentaux sont « confirmés en tant que valeurs de l'Union, ils sont aussi érigés en objectifs à part entière tant au niveau interne à l'Union qu'externe, et justifient, à ce titre, la mise en place d'une politique autonome menée en faveur de leur promotion »281.

La Charte insiste également sur le fait que son adoption n'étend pas les compétences de l'Union. En effet, le TUE précise à l'article 6 § 1 alinéa 2 que « les dispositions de la Charte n'étendent en aucune manière les compétences de l'Union telles que définies dans les traités ». La Déclaration sur la Charte précise que

« la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, juridiquement contraignante, confirme les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres.

La Charte n'étend pas le champ d'application du droit de l'Union au-delà des compétences de l'Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités »282.

277 supra note 239, BLUMANN, p.12

278 IMBERT, Pierre-Henri, De l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH - symposium des Juges au Château de Bourglinster - 16 septembre 2002, Droits fondamentaux, n°2, janvier-décembre 2002, p11-19, p. 17

279 op.cit. BLUMANN, p.12

280 supra note 264, DRAGO

281 KAUFF-GAZIN, Fabienne, Les droits fondamentaux dans le traité de Lisbonne : un bilan contrasté, Europe, n°7, juillet 2008, dossier 5

282 Déclarations annexées à l'acte final de la conférence intergouvernementale qui a adopté le Traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007, Partie A, 1).

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Cette prescription semble difficilement applicable. La Charte ayant force de traité, elle « ouvre des compétences normatives à l'Union pour légiférer dans le champ des principes »283. De plus, les principes reconnus dans la Charte « sont aussi des compétences nouvelles de l'Union européenne, y compris lorsque ces compétences ne sont que des objectifs européens »284. En outre, « lorsqu'on établit une telle Charte des droits fondamentaux, à vocation particulièrement générale et englobante, on tend par là même vers une compétence générale donnée aux institutions communautaires »285.

Pourtant, la Charte précise, et même répète, qu'elle n'étend pas les compétences de l'Union et ne vise pas à mettre en place une compétence générale en matière de droits de l'Homme286. « En réalité, on peut même avancer que l'incorporation de la Charte dans la Constitution [aujourd'hui le Traité de Lisbonne] conduira à limiter, à tout le moins encadrer, les compétences de l'Union, par un respect scrupuleux des droits fondamentaux, sous le contrôle de la CJCE »287.

Il n'en demeure pas moins que, même si une compétence en matière de protection des droits fondamentaux n'est pas inscrite directement dans les Traités, leur place au sein de l'ordre juridique communautaire n'a cessé de s'étendre. Ils ont « atteint un degré de sédimentation tel [...] que nier une compétence normative parait complètement obsolète »288 et qu'il faut admettre, comme le professeur Claude Blumann, « que les droits de l'homme sont un « objet » de la Communauté et de reconnaître à l'Union une compétence générale en la matière »289.

« Que ce soit négativement ou positivement, la Communauté semble [donc] pouvoir légiférer dans le champ des droits fondamentaux dès lors que son intervention constitue l'accessoire d'une compétence qui lui appartient en propre »290. Ainsi, comme le montre l'adoption de la Charte, « rien n'interdit aux Etats membres d'adopter des normes de droit primaire dans le champ des droits fondamentaux »291.

283 supra note 239, BLUMANN p.30

284 supra note 241, PECHEUL, p.104

285 supra note 264, DRAGO

286 supra note 260, BADINTER, p.153

287 ibid., p.149

288 op.cit., BLUMANN, p.30

289 SUDRE, Frédéric, L'Union européenne et les droits de l'Homme. De quelques interrogations..., Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.7-9, p.8

290 op.cit. BLUMANN, p.15

291 ibid, p.21

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L'Union possèderait donc une compétence générale dans le domaine des droits de l'Homme. Elle aurait ainsi l'obligation d'assurer le respect des droits fondamentaux, conformément aux Traités, par le biais du contrôle de la Cour de Luxembourg sur les actes des institutions. Or, cette protection a longtemps été absente des traités, ce qui était d'autant plus préjudiciable à l'Union, et à ses citoyens, que les Etats avaient transféré une partie de leurs compétences à l'Union, organisation supranationale. Cette dernière ayant un impact incontestable sur le droit interne des Etats membres, l'incertitude quant au respect des droits de l'Homme par l'Union devait être levée.

L'on a pu ainsi reprocher à l'Union de mener une politique en matière d'asile et d'immigration, mais également dans le domaine des affaires extérieures, alors même que le Parlement européen ne pouvait être que consulté dans ces domaines et que la Cour de Luxembourg avait une compétence limitée. L'extension progressive des pouvoirs du Parlement européen et des compétences de la Cour de Luxembourg par le Traité de Lisbonne devraient permettre de revenir sur cette limite.

En effet, « le souci de construire un espace de sécurité très nettement affirmé dans le traité d'Amsterdam, ajouté aux préoccupations économiques libérales affirmées par les premiers traités laisse donc quelque peu sceptique quant à la vocation de l'Union européenne à protéger les droits fondamentaux »292.

La Charte insiste sur le fait qu'elle n'étend pas les compétences de l'Union. « Pourtant, si un jour la Charte devait acquérir un caractère contraignant et être interprétée par le juge comme source directe de droit communautaire, les barrières que l'article 51 tente d'opposer à toute extension des compétences de la Communauté pourraient se révéler fragiles »293.

292 supra note 263, REDOR, p.30

293 DUTHEIL De La ROCHERE, Jacqueline, Fascicule 160 : Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, JurisClasseur Europe Traité, mis à jour 3 mars 2009, point 138

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