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Le traitement des défaillances bancaires des établissements de microfinance

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par Grégoire TCHOMGUI KOUAM
Université de Dschang Cameroun - Master II recherche 0000
  

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PARAGRAPHE 2 : LA NECESSAIRE READAPTATION DU REGIME DE L'ADMINISTRATION PROVISOIRE

La question de l'administration provisoire dans les entreprises en général et dans les EMF en particulier est aujourd'hui au centre de toutes les préoccupations. Son bilan mitigé divise l'opinion. Certains vont jusqu'à la rejeter en bloc381(*). Le faire serait ignorer l'importance de cette technique qui nécessite une cure de réaménagement pour parfaire sa mise en oeuvre. Il est communément admis que l'administration provisoire est aujourd'hui une technique assez élaborée qui est à mesure de contribuer au sauvetage effectif de l'entreprise en difficulté382(*). Mais les garanties insuffisantes que présentent les professionnels concernés et leurs compétences imprécises relativisent l'efficacité de cette technique383(*). En réalité, certains administrateurs aux compétences douteuses pourraient être la cause des situations désastreuses384(*). Cet état de choses est accentué par les pouvoirs absolus qui leurs sont conférés et qui est parfois une porte ouverte à l'arbitraire. De même, une décision non pertinente de mise sous administration provisoire d'un EMF poserait plus de problèmes qu'elle ne résoudrait. Au vu de tous ces risques, une réglementation contraignante souhaitée ferait d'elle non seulement une technique préventive de faillite385(*), mais aussi et surtout une technique curative des défaillances. Il est donc urgent de concilier l'intervention de l'administrateur provisoire avec la situation de crise de l'établissement (A), et de permettre une collaboration entre l'administrateur provisoire et les dirigeants sociaux (B).

A. La conciliation de l'intervention de l'administrateur provisoire avec la situation de l'établissement

La véritable préoccupation ici est celle de la pertinence de l'administration provisoire. En effet, la simple décision de mise sous administration provisoire d'un établissement est de nature à empirer la situation de cet établissement, non seulement parce qu'elle décrédibilise les dirigeants, mais aussi parce qu'elle peut occasionner une crise systémique. L'attitude des déposants, lorsque la décision est publiée, ne peut pas faciliter la restructuration. Dans la panique, les déposants se précipitent à clôturer leurs comptes avant qu'il ne soit trop tard, ce qui effrite davantage le patrimoine de l'établissement. A titre illustratif, l'annonce de mise sous administration provisoire de Cofinest avait fait perdre à cet EMF près de 4 milliard de francs CFA en trois semaines386(*). Cette attitude n'est pas à négliger. Il doit donc avoir de bonnes raisons pour que l'EMF subisse un tel désagrément. Les conditions de mise sous administration provisoire doivent donc être adéquates (1). Des mesures doivent aussi être prises pour sauvegarder l'actif de l'entreprise (2) ainsi que pour renforcer les compétences de l'administrateur provisoire (3).

1. L'adéquation des conditions de mise sous administration provisoire.

Pour son efficacité, l'administration provisoire doit intervenir pour une juste cause. La grogne de la pratique à ce sujet impose que l'on analyse les circonstances dans lesquelles elle intervient. Au Cameroun par exemple, deux EMF ont été mis sous administration provisoire respectivement en 2007 et 2008. Pour la Cofinest, le « gendarme » du secteur bancaire reprochait aux responsables entre autre l'octroi des crédits de complaisance et un ratio trop élevé sur les engagements de l'établissement en faveur des dirigeants. Plusieurs fautes de gestion étaient reprochées aux dirigeants de First Trust.

En général, la mise sous administration provisoire est le plus souvent justifiée par le non respect des normes prudentielles qui permettent d'assurer la liquidité, la solvabilité et l'équilibre financier de l'établissement. Mais même dans les circonstances où ni la solvabilité, ni la liquidité et encore moins l'équilibre financier de l'établissement ne sont pas compromises, la COBAC n'hésite pas à mettre l'établissement sous administration provisoire387(*) alors que d'autres solutions plus simples et efficaces auraient pu être envisagées. Par exemple, en cas de constat de trop fortes proportions de crédits concentrées sur les dirigeants, la COBAC peut donner un délai raisonnable à ces derniers pour les rembourser, faute de quoi ils seront démis de leurs fonctions. Une pareille mesure se montrerait plus efficace car les dirigeants, ne pouvant accepter de perdre leurs postes, feraient tout pour rectifier le tir.

Bien plus, l'octroi des crédits de complaisance, le plus souvent reproché aux dirigeants est la conséquence du rôle que joue la confiance dans les rapports des établissements avec la clientèle. En effet, un EMF peut sur la base de la simple confiance octroyer du crédit à un client régulier. Le constat de telles opérations par la COBAC suffit pour mettre l'établissement sous administration provisoire. Or ignorer la prédominance de la confiance dans certaines relations en microfinance c'est ignorer la réalité même du mode opératoire essentiellement souple des structures de microfinance.

La rigueur de la COBAC dans l'appréciation des opérations des EMF est sans doute justifiée par l'ignorance de la réalité socio économique de ce secteur en Afrique Centrale. Le constat est que la réglementation du secteur de la microfinance en Afrique Centrale n'a pas été précédée par une étude de l'environnement socio économique dans lequel les EMF devaient exercer388(*). La COBAC ne tient donc pas compte du fonctionnement très particulier des EMF.

Les professionnels estiment que la thérapie que la COBAC applique aux EMF en difficulté est inappropriée et contribue à précipiter les structures défaillantes dans le gouffre389(*). L'ANEMCAM pour sa part soutient que la COBAC est très sévère dans sa décision de suspendre les organes de gestion des EMF390(*). Ces avis méritent d'être pris en compte. Il est donc nécessaire qu'une étude du paysage socio économique de la microfinance soit menée afin de permettre au législateur communautaire de redéfinir les conditions adéquates de mise sous administration provisoire des EMF. Il faudrait surtout chercher à limiter la dégradation de la situation financière de l'établissement en difficulté.

2. La nécessité de limiter la dégradation financière de l'EMF en difficulté

Les difficultés des EMF sont le plus souvent financières. Dans le contexte de l'administration provisoire, le redressement de l'établissement ne peut être possible que si sa santé financière est retrouvée. Pour y parvenir, il importe de prendre des mesures concrètes pour empêcher que la santé financière de l'établissement ne s'effrite pas davantage.

Le salaire de l'administrateur provisoire doit être raisonnablement fixé et ne doit pas constituer une charge pour l'établissement. En effet, le président de la COBAC, sur proposition du secrétaire général fixe le traitement salarial de l'administrateur provisoire en prenant en compte le volume d'activité de l'établissement ainsi que sa situation financière. Cette situation dans tous les cas devrait être celle d'un établissement en difficulté. Pour éviter tout risque d'arbitraire, il serait loisible de calquer ce traitement sur celui des dirigeants évincés et l'ajuster en fonction de la situation de l'établissement.

De plus, le patrimoine de l'établissement en difficulté doit être sauvegardé. En effet, il n'est pas rare de voir un administrateur provisoire procéder à des augmentations de salaire ou de primes alors que la logique voudrait que des mesures contraires soient prises. Aussi, la pression des créanciers peut pousser l'administrateur à entreprendre des actions périlleuses d'apurement du passif alors que dans un contexte de crise, le salut pourrait venir du gel du passif. Dans un cas comme dans l'autre, le patrimoine de l'établissement subit un grand coup qui peut lui être fatal. Il serait donc nécessaire de prendre des mesures qui conduisent à approuver les dépenses envisagées avant leur exécution391(*). De même, un concordat doit être fait avec les créanciers de l'établissement. Une interdiction de payer les créances antérieures doit être envisagée392(*) en attendant que l'établissement soit in bonis pour assumer ses engagements envers ses créanciers.

Bien plus, les déposants devront être rassurés afin qu'ils ne pénalisent pas l'établissement par un retrait massif de fonds. Il serait nécessaire dans ce cas de convoquer une réunion directement après la mise sous administration provisoire de l'établissement au cours de laquelle la situation réelle de l'établissement sera présentée aux déposants ainsi que les mesures de redressement envisagées. Ce qui réduira certainement leur susceptibilité. Par ailleurs, les mesures adéquates doivent être prises pour mener efficacement le recouvrement des crédits à terme ou en cours car les débiteur des EMF en difficulté auront tendance de ne pas se bousculer pour rembourser les crédits, estimant que l'établissement doit mourir du jour au lendemain. Il serait aussi nécessaire d'envisager le renforcement des compétences de l'administrateur provisoire.

3. Le  nécessaire renforcement de la compétence de l'administrateur provisoire

Une gestion hasardeuse de l'EMF en difficulté peut conduire à une situation désastreuse et irrémédiable. Or la compétence avérée de l'administrateur provisoire limite ce risque. La réglementation à ce sujet prévoit que les administrateurs provisoires soient désignés par la COBAC sur une liste dressée par l'Autorité Monétaire Nationale ou à défaut, de sa propre initiative393(*). Cette disposition est un gage pour la compétence des administrateurs provisoires. Le respect de cette disposition ferait en sorte que les administrateurs soient des experts pour la plupart. Ce qui n'est malheureusement pas le cas car en pratique, la désignation de l'administrateur est toujours à l'initiative de la COBAC. Des lueurs d'espoir se dessinent tout de même à l'horizon394(*) et on ne peut que s'en féliciter.

Mais pour une efficacité réelle de l'administration provisoire, une nécessaire collaboration doit être envisagée entre l'administrateur provisoire et les dirigeants sociaux.

* 381 V. WOUAM KONTCHOU, Le remboursement des créances des banques en liquidation, mémoire de maîtrise, Université de Dschang, 1999, p. 44 et s. Selon cet auteur en effet, la fermeture des guichets pour penser un plan de redressement qui aboutirait à un véritable concordat serait plus efficace que l'administration provisoire.

* 382 V. NGUIHE KANTE P., thèse précitée, p. 86 ; MEDAMKAM TOCHE S. J., op. cit., p. 42 et s. ; KENMOGNE SIMO A., thèse précitée, p. 212 et s.

* 383 NGUIHE KANTE P. , op. cit., p.86.

* 384 Par exemple, pour le cas de First Trust, il est révélé que l'administrateur provisoire aurait dépensé en moins de trois mois seulement 60 millions de francs CFA dans les frais généraux (salaires, primes et autre avantages divers) ; CF « Quels administrateurs provisoires », Le Messager du 28 juillet 2008. De plus, cas le plus illustratif, celui de la Banque Méridien Biao du Cameroun où la COBAC a nommé un administrateur provisoire en 1995 et jusqu'en 1996, date de sa mise en liquidation, la banque n'avait réalisée aucun bénéfice, mais plutôt des pertes à hauteur de 24 milliards.

* 385 NGUIHE KANTE P., op. cit., p.88.

* 386 V. AWANA NOAH A., « Cameroun : First Trust et Cofinest, la pénible restructuration », Le Messager, 24 oct. 2008, op. cit.

* 387 Il est révélé que First Trust et Cofinest n'étaient pas à l'état de sécheresse financière au moment de leur mise sous administration provisoire. V. BAMBOU  F.; op. cit, disponible sur http://www.lesafriques.com

* 388 En l'absence d'une étude de l'environnement socioéconomique des EMF en Afrique centrale, on ne peut assister qu'à une appréciation moins pragmatique de la COBAC.

* 389 C'est ce que nous avons appris durant nos enquêtes sur le terrain. Un praticien, pour étayer davantage son propos a pu utiliser cette métaphore : « c'est comme si vous souffrez d'un léger paludisme et on vous place une dizaine de perfusions pour vous affaiblir ».

* 390 CHENDJOU L., op cit.

* 391 Les dirigeants évincés pourront être d'une grande utilité dans ce cas en jouant le rôle du conseil d'administration à qui toutes les dépenses seront soumises.

* 392 KENMOGNE SIMO A., thèse précitée, p. 234.

* 393 Art. 16 de la Convention de 1990.

* 394 C'est par exemple le cas de la CBC où la COBAC a récemment nommé un dirigeant administrateur provisoire.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo