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Responsabilité civile et assurance des constructeurs au Maroc. Limites et carences de la législation

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par Mohamed Jamal BENNOUNA
Université de Perpignan Via Domitia  - Master en droit  2012
  

Disponible en mode multipage

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Université de Perpignan Via Domitia
Faculté Internationale Droit Comparé
des États Francophones

RESPONSABILITÉ CIVILE ET ASSURANCE
DES CONSTRUCTEURS AU MAROC
LIMITES ET CARENCES DE LA LÉGISLATION

MÉMOIRE

PRÉSENTÉ EN VUE DE L'OBTENTION DU MASTER DE DROIT
OPTION RECHERCHE EN DROIT PRIVÉ

PAR

Mohamed Jamal BENNOUNA

Membres du jury M. Didier BAISSET

Doyen de la Faculté Internationale Droit Comparé des États Francophones - Perpignan

Directeur de recherche : M. Driss ASSOUGUEM

Professeur à l'Université Cadi Iyad - Marrakech

Année Universitaire 2011/2012
Octobre 2012

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Limites et carences de la législation

DÉDICACES

À toutes les victimes

À toutes les familles des victimes

De l'effondrement de l'immeuble de Oulad Oujih à Kénitra survenu en 2008

Que ce travail ; modeste soit il ; puisse contribuer à la révision de la législation marocaine pouvant conduire à la prévention des risques et la protection des personnes et des biens dans les chantiers de construction.

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Limites et carences de la législation

REMERCIEMENTS

Je remercie mes professeurs pour toutes les connaissances et informations qu'ils ont pu me transmettre.

Je saisis cette occasion pour remercier toutes celles et tous ceux qui m'ont aidé à réaliser ce travail d'une façon directe ou indirecte soit elle.

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Limites et carences de la législation

SOMMAIRE

LISTE DES ABRÉVIATIONS 5

INTRODUCTION GÉNÉRALE 7

PARTIE I : LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES DIFFÉRENTS INTERVENANTS

DANS L'ACTE DE CONSTRUIRE 9

CHAPITRE I - LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES CONCEPTEURS DE PROJETS

ET SES LIMITES 10

SECTION 1 - LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES ARCHITECTES EN TANT QUE MAÎTRES D'OEUVRES

13

SECTION 2 - LA RESPONSABILITÉ DES INGÉNIEURS SPÉCIALISÉS 17

CONCLUSION DU CHAPITRE 26

CHAPITRE II - LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES ENTREPRISES D'EXÉCUTION DES TRAVAUX ET LES DIFFICULTÉS LIÉES À LA SOUS

TRAITANCE 27

SECTION 1 - LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES ENTREPRISES DE GROS OEUVRE ET SECOND

OEUVRE DANS LE CADRE DU DOC 27

SECTION 2 - LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE DES SOUS TRAITANTS 34

CONCLUSION DU CHAPITRE 40

PARTIE II : L'ASSURANCE DES RISQUES DE CONSTRUCTION ET LIMITES DE

LA LÉGISLATION MAROCAINE DANS LE DROIT COMPARÉ 41

CHAPITRE I - LA GESTION DES RISQUES CONSÉQUENTS DE FAUTES ET

LEURS ASSURANCES 42

SECTION 1 - LES SINISTRES ET LEURS INCIDENCES SUR LA RESPONSABILITÉ DES

INTERVENANTS 42

SECTION 2 - LES ASSURANCES COUVRANT LES SINISTRES 46

CONCLUSION DU CHAPITRE 56

CHAPITRE 2 - LIMITES DE LA LÉGISLATION MAROCAINE ET

COMPARAISON AVEC D'AUTRES SYSTÈMES LÉGISLATIFS 57

SECTION 1 - LES DIFFÉRENTES CARENCES 57

SECTION 2 - LES ATTENTES DES INTERVENANTS DU BTP ET LES RÉFORMES NÉCESSAIRES 77

CONCLUSION DU CHAPITRE 82

CONCLUSION GÉNÉRALE 83

BIBLIOGRAPHIE 85

TABLE DES MATIÈRES 92

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Responsabilité civile et assurance des constructeurs au Maroc
Limites et carences de la législation

LISTE DES ABRÉVIATIONS

Abréviation

Désignation

Ad

Administratif

Al

Alinéa

Ap

Cour d'appel

Ar

Arrêt

Art

Article.

BA

Béton armé

BCT

Bureau de Contrôle Technique.

BET

Bureau d'études techniques.

BO

Bulletin officiel.

BP

Béton précontraint

Cass

Cour de Cassation (Maroc)

CCAG-MO

Cahier des Clauses Administratives Générales - Maitrise d'OEuvre.

CCAG-T.

Cahier des Clauses Administratives Générales - Travaux.

Cd

Code

Cd Civ.

Code civil français.

Cd Paras

Code parasismique

Cd Pr Civ

Code de la procédure civile.

Ch

Chambre

Ch Civ

Chambre civile

Ch Crim

Chambre criminelle

Civ

Civil

Com

Commercial

CPS

Cahier des Prescriptions Spéciales

Crim

Criminel

DOC

Dahir des Obligations et Contrats.

Dos

Dossier

Éd

Édition.

EC

Engins de Chantiers

Fr

France

GC

Génie Civil

Ins

Tribunal de Première Instance

Jug

Jugement

Ma

Maroc

Ord

Ordonnance

Pén

Pénal

Pr

Procédure

Prv

Pourvoi

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RC

Responsabilité Civile

RCD

Assurance Responsabilité Civile Décennale

RCP

Assurance Responsabilité Civile Professionnelle

Rev

Revue

Soc

Social

Sup

Cour suprême

Th

Thèse

Tr

Tribunal

Tr Adm.

Tribunal Administratif

Tr Com

Tribunal de Commerce

TRC

Assurance Tous Risques Chantiers

TRM

Assurance Tous Risques Montages

V

Voir

VRD

Voirie et Réseaux Divers

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

On peut constater que tout ouvrage à construire ou à monter est exposé aux périls les plus divers. La construction d'ouvrages n'est certainement plus simple à cause de plusieurs paramètres techniques et qui n'ont fait qu'aggraver les risques survenant tant en période de construction de l'ouvrage, que durant son exploitation. En effet, la pression urbaine; conséquente de l'augmentation de la population dans les villes durant les dernières décennies; a fait croitre la demande des logements. Cette situation a généré la rareté des terrains constructibles en zone urbaine au point d'avoir recours à l'utilisation de terrains réputés auparavant inconstructibles tels les anciennes carrières, anciennes décharges publiques et terrains marécageux.

Afin de répondre à cette demande croissante de logements, les ouvrages ont connu une augmentation de leurs volumes et hauteurs ainsi que le recours à l'utilisation de nouvelles techniques de construction ne bénéficiant pas de recul suffisant pour évaluer les risques qu'elles peuvent engendrer. D'ailleurs, la préfabrication en série d'éléments lourds et l'apparition de procédés d'étanchéité nouveaux, n'ont fait qu'aggraver la sinistralité dans le secteur de la construction.

Les marges bénéficiaires des entreprises deviennent de plus en plus réduites à cause du contexte économique défavorable et de la concurrence très prononcée ces dernières années se caractérisant par la venue et l'installation d'entreprises européennes au Maroc (principalement espagnoles et françaises).

A tous ces facteurs de risques tant techniques que financiers, s'ajoutent les phénomènes de corruption, de malversation ainsi que l'absence de contrôle des ouvrages en cours de construction par les autorités locales aggravant ainsi la sinistralité des constructions. Situation qui se traduit malheureusement parfois par l'écroulement d'immeubles en cours de construction et la mort de dizaines de personnes. Le cas de l'écroulement de l'immeuble de Kénitra en 2008, qui s'est soldé par la mort de 18 personnes et la blessure de 26 autres est l'exemple type qui corrobore le manque et même l'absence totale des contrôles de l'administration.

Tous ces facteurs d'aggravation des risques liés à la construction auraient pu être évités si la législation marocaine était en mesure de répondre à cette nouvelle situation caractérisée par la complexité grandissante du secteur de la construction. La législation marocaine est très en retard, voire obsolète et ne répond plus au développement du secteur de la construction. Il est temps de revoir cette législation pour la mettre à niveau, afin de répondre aux exigences et contraintes du secteur de la construction.

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Limites et carences de la législation

Tous ces phénomènes créent des problèmes d'organisation dans les chantiers ou engendrent des litiges entre maître d'ouvrages et intervenants. Il est donc apparu intéressant d'analyser la responsabilité des intervenants dans l'acte de construire, tant à travers les législations marocaines et ses jurisprudences, qu'à travers les législations d'autres pays tels la Tunisie et la France.

La détermination et délimitation de la responsabilité des intervenants suppose ; d'une part l'existence d'une législation propre au secteur de la construction tel un code de la construction, d'autre part les contrats qui lient le maître d'ouvrage aux différents intervenants devraient être précis sur la nature des missions qui seront réalisées par l'intervenant tout en délimitant sa responsabilité. Par ailleurs, le corps de la magistrature devrait se spécialiser pour pouvoir rendre des sentences plus fondées et par conséquent plus pertinentes.

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Limites et carences de la législation

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PARTIE I : LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES
DIFFÉRENTS INTERVENANTS DANS L'ACTE DE
CONSTRUIRE

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Limites et carences de la législation

Chapitre I - La responsabilité civile des concepteurs de
projets et ses limites

Le principe de la responsabilité civile n'est nullement propre au secteur de la construction. C'est un vieux principe d'après lequel tout dommage causé à autrui oblige celui par la faute duquel il a été causé à réparer lorsqu'un lien de causalité a été démontré comme existant entre le dommage et l'acte commis. « La responsabilité civile consiste à assurer à la victime la réparation d'un dommage causé par un tiers. Par conséquent, elle ne se conçoit traditionnellement qu'en présence d'un dommage déjà réalisé, qu'il convient précisément de réparer. »1

Le fait dommageable engendre une obligation légale à la charge de l'auteur qui en est débiteur à l'égard de la victime. La réparation se fait généralement en numéraire au profit de la victime ou de ses ayants droit. La responsabilité civile n'est donc pas fondée que sur des préoccupations juridiques, mais également fondée sur des préoccupations morales. Il est important que le responsable d'un dommage le répare.

La responsabilité civile se rapproche par certains aspects de la responsabilité pénale. Les deux formes peuvent se combiner notamment lorsqu'il y a constitution de partie civile. Toutefois à la différence de la responsabilité pénale, elle est plus générale et n'est pas limitée : on enregistre de plus en plus une évolution des faits entraînant la réparation sur la base de la responsabilité civile. D'ailleurs, on peut constater l'évolution de la responsabilité civile vers une responsabilité civile préventive qui peut être « sollicitée non seulement pour réparer un dommage actuel et certain mais également pour prévenir un simple risque de dommage qui ne s'est pas encore réalisé »2.

La condition sine qua non de la mise en oeuvre de la responsabilité civile réside dans le fait de l'existence d'une faute engendrant un dommage causé à autrui. L'importance du dommage, le taux et la gravité du préjudice détermineront la réparation nécessaire : à dommage total, réparation totale. Par ailleurs, l'existence de plusieurs fautes ; quand elles ont été à l'origine de la réalisation du dommage ; peut entraîner un partage de la dette de réparation. Tel le cas lorsque plusieurs personnes concourent à la réalisation du dommage. Cette situation peut être illustrée par un cas courant où le Bureau d'Études commet une faute de conception au niveau du dimensionnement d'une structure porteuse et le bureau de contrôle ; qui est censé

1 Bacache-Gibeili (M), Droit civil, T5, Les obligations, la responsabilité civile extracontractuelle, Beyrouth, Éditions DELTA, 2008, P 3

2 Ibid

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Limites et carences de la législation

contrôler son travail ; confirme son travail et donc laisse passer la faute. Dans ce cas précis, la responsabilité peut être partagée entre le BET et le BCT.

Il faut noter que l'ensemble des principes de la responsabilité civile est régi par le DOC.

En résumé, la responsabilité civile est couramment définie comme étant l'obligation mise à la charge d'un responsable de réparer les dommages causés à autrui en raison de sa faute.

La responsabilité civile doit être distinguée de la responsabilité pénale. En fait le préjudice causé à autrui dans le cadre de la responsabilité pénale est un préjudice social et une atteinte à l'ordre public. Il est suffisamment grave pour provoquer une forte réprobation sociale et être érigée en infraction tels l'homicide volontaire; l'émission de chèque sans provision; le vol, etc...

Dans le cas de la responsabilité pénale, la sanction est répressive et se traduit éventuellement par l'emprisonnement, la privation de carnet de chèques, etc..

A travers et par la responsabilité civile, le droit cherche à assurer aux individus la réparation de leurs dommages privés afin de remettre les choses en état de rétablir un équilibre. Dans ce cas, la sanction est indemnitaire et non répressive.

La responsabilité peut dériver d'un contrat produisant une responsabilité contractuelle régie par les articles 723 et suivants du DOC et relatifs au contrats de louage de service ou de louage d'ouvrages par opposition à la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle régie par les articles 77 et suivants du DOC et qui oblige le responsable à réparer un préjudice causé à autrui n'ayant aucun lien juridique avec le responsable fautif au moment de la constatation du dommage. D'ailleurs, dans le cadre de la construction, les deux types de responsabilité civile peuvent cohabiter, se produire simultanément ou séparément. Le cas pouvant illustrer ces situations engendrées par un seul et même sinistre se résume en l'écroulement d'une partie de l'ouvrage sur une rue touchant un passant et dégradant l'entrée d'un magasin. Ce type de sinistre générerait éventuellement trois types de dommages engageant ainsi la responsabilité civile des intervenants dans l'acte de construire.

En premier lieu, ce genre de sinistre génère des dommages à l'ouvrage en cours de construction ce qui mettra en jeu la responsabilité civile contractuelle des intervenants vis-à-vis du maître d'ouvrage. Par ailleurs, cet écroulement va se traduire par un dommage corporel touchant le passant et engageant ainsi la responsabilité civile des intervenants vis-à-vis des tiers. En dernier lieu, ce sinistre produira des dommages matériels correspondant à la détérioration de l'entrée du magasin (dommage matériel) ainsi qu'une perte d'exploitation (dommage immatériel) due à la fermeture pour

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réparation ce qui mettra en jeu la responsabilité civile extracontractuelle des intervenants.

Ce genre d'accident illustre à quel point la responsabilité civile des intervenants peut être importante voire énorme suite à un sinistre. Cette remarque nous amène à faire un lien entre le développement de la législation et celui des assurances et des couvertures pouvant être offertes par les assureurs au Maroc.

Il apparait clairement que le Maroc devrait se doter d'une législation propre au secteur de la construction et l'harmoniser avec le code des assurances afin de protéger, aussi bien les acteurs économiques représentés par les promoteurs, les intervenants dans l'acte de construire que le consommateur marocain.

D'ailleurs, si les compagnies d'assurance connaissent de grandes difficultés à réassurer les risques marocains en responsabilité civile, c'est en partie à cause de l'inexistence et de l'absence de lois propres au secteur de la construction. Cette situation défavorise, en grande partie, les professionnels du secteur de la construction et génère de ce fait des litiges importants entre maître d'ouvrage et professionnels du secteur de BTP.

Afin de délimiter la responsabilité tant contractuelle que quasi délictuelle de chaque intervenant dans l'acte de construire, il nous parait nécessaire de définir la fonction de chacun de ces intervenants. Cette définition nous parait importante au vu de l'amalgame et de la confusion souvent constatées dans les différentes publications sur la fonction de l'architecte ainsi que celle des ingénieurs. Cette confusion est d'autant plus marquée dans la langue arabe par l'utilisation du mot « ingénieur » tant pour les ingénieurs1 que pour les architectes2.

Par ailleurs, à ce jour le DOC ne définit nullement les appellations et codifications des différents intervenants dan l'acte de construire.

La définition et délimitation de fonction permettrait aussi de comprendre dans quelle mesure la responsabilité in solidum peut être utilisée en cas de litige ou de conflit entre intervenants dans l'acte de construire3.

La responsabilité contractuelle de ces prestataires de service ne pourra être engagée que s'il est apporté la preuve :

- d'un comportement fautif,

- d'un préjudice,

1 LÏäåãáÇ

2 íÑÇãÚãáÇ L ÏäåãáÇ

3 On a évité d'utiliser le mot constructeur pour qualifier l'architecte ainsi que les prestataires de service dans l'acte de construire tel qu'il est défini dans l'article 1792 du code civil Français vu que ce terme est encore utilisé au Maroc pour désigner l'entrepreneur (entreprise de construction) ou le promoteur dans certains cas.

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Limites et carences de la législation

- d'un lien de causalité entre ce comportement fautif et le préjudice allégué.

Le comportement fautif serait interprété comme tout manquement aux obligations prévues explicitement ou découlant implicitement du contrat qui lie le prestataire (ou l'entreprise dont il dépend) à l'autre partie.

Le comportement fautif pourrait ainsi s'agir de l'une (ou plusieurs) des situations suivantes :

- d'une inexécution totale des obligations contractuelles (absence de livraison d'un matériel, d'une commande, d'une étude...),

- d'un simple retard dans l'exécution (retard dans les délais dans lesquels le prestataire s'était engagé à fournir sa prestation intellectuelle ou matérielle ...),

- ou d'une exécution dite défectueuse des obligations (Exemple : préconisations de l'ingénieur qui se seraient avérées dangereuses pour l'entreprise conseillée...).

Si les obligations explicitement prévues dans le contrat (obligations dites principales) ne posent guère de difficultés pour être identifiées, il y a lieu de noter que les tribunaux imposent d'autres obligations aux prestataires de service et particulièrement à l'ingénieur, liées à sa qualité d'homme de l'art, qui découlent implicitement du contrat (obligations dites accessoires) et que l'ingénieur se doit pourtant de respecter : il s'agit par exemple de l'obligation de conseil, du devoir d'informer l'autre partie des éventuels risques liés à la mise en oeuvre de telle ou telle préconisation, de l'obligation de s'assurer de la sécurité des biens et des personnes dans l'utilisation de tel ou tel outil ou dans la mise en oeuvre de tel ou tel process industriel ou technologique...

Le présent chapitre traitera de la responsabilité civile tant des architectes que des ingénieurs en essayant de démontrer la difficulté de délimitation de leurs responsabilité quasi délictuelle.

Section 1 - La responsabilité civile des architectes en tant que maîtres d'oeuvres

Le rôle de l'architecte dans la gestion et le suivi de chantier est d'une importance capitale en tant que maître d'oeuvre. Il représente le maître d'ouvrage auprès de tous les intervenants responsables de la réalisation du projet et veille au respect de la

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réglementation. Sa responsabilité est très grande en cas de pathologie ou d'effondrement de l'ouvrage.1

§ 1 - La fonction de l'architecte selon la loi 016-89

La profession de l'architecte est précisée par l'article 1 de la loi N° 016-89 relative à l'exercice de la profession d'architecte et à l'institution de l'ordre national des architectes promulguée par Dahir n°1-92-122 du 10 septembre 19932.

L'architecte est la personne qui conçoit l'ouvrage et détermine son programme selon sa destination. Il a un rôle primordial dans la conception, la fonctionnalité et l'intégration de l'ouvrage dans son environnement. Il fait partie des premières personnes contactées par le maître d'ouvrage en vue d'arrêter les premières esquisses et le choix de l'option définitive de l'architecture de l'ouvrage. L'architecte est généralement maître d'oeuvre pour les ouvrages qui ne posent pas de difficultés techniques majeures. Dans le cas contraire, deux possibilités peuvent être envisagées : - soit que la maîtrise d'oeuvre est déléguée conjointement à l'architecte et au bureau

d'études;

- soit que l'ouvrage pose des difficultés techniques pouvant dépasser les

compétences de l'architecte ainsi que celles du bureau d'études, auquel cas le maître d'ouvrage fait appel dans ce cas à un groupement d'ingénieurs appelés en général Ingénieurs conseils et qui possèdent les moyens humains et techniques pour suivre de tels chantiers.

On tient à rappeler que la loi Marocaine N° 016-89 relative à l'exercice de la profession d'architecte et à l'institution de l'ordre national des architectes promulguée par Dahir N° 1-92-122 du 10 septembre 1993 exige de l'architecte un engagement vis-à-vis du maître d'ouvrage pour suivre les travaux de construction. D'ailleurs le permis de construire n'est délivré au maître d'ouvrage que si les plans réalisés par l'architecte comportent tous cet engagement écrit et signé.

1 Dans les deux affaires d'écroulement qui se sont soldées par la mort de personnes (Kénitra en 2008 et Marrakech en 1989), la première personne qui a été inculpée et mise en examen par la justice était l'architecte avant de rechercher la responsabilité éventuelle des autres intervenants.

2Art 1 de la loi N° 016-89 : « L'architecte est chargé de la conception architecturale des bâtiments et des lotissements, de l'établissement des plans y afférents et de la direction de leur exécution.

Il peut être également chargé du contrôle de la sincérité des mémoires comptables des entrepreneurs qui concourent à la réalisation des travaux afférents aux actes précités.

Sous réserve des cas où la loi impose le recours à un architecte pour l'accomplissement d'actes déterminés, l'architecte assure tout ou partie des actes prévus au présent article suivant le mandat qu'il reçoit de son client. »

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Limites et carences de la législation

Par ailleurs, l'article 181 de la loi N° 016-89 précise l'incompatibilité de conception des projets et exécution des travaux et interdit de ce fait à l'architecte de se substituer à l'entreprise.

Il parait d'une façon claire que l'architecte est un prestataire de service et ne participe pas à l'exécution des travaux.

L'exercice de la profession d'architecte est réglementé et la contrevenance à cette réglementation est punie pénalement comme le précise l'article 282 de la même loi

Par ailleurs, les architectes doivent contracter obligatoirement une police d'assurance couvrant leur responsabilité professionnelle tel le précise l'article 26 " ...une assurance couvrant tous les risques dont il peut être tenu pour responsable etc.."

Par ailleurs, la loi 12.90 relative à l'urbanisme et promulguée par Dahir N° 1-9231 du 15 Hijja 1412 (17 Juin 1992) a consacré 5 articles (Art 50 54) à l'intervention de l'architecte et de sa mission.

L'article 54 de la même loi a bien défini les obligations de l'architecte vis-à-vis du maître d'ouvrage et a responsabilisé les architectes du suivi obligatoire des travaux et du contrôle de leur conformité avec les plans architecturaux autorisés conformément au permis de construire délivré par l'administration.

Cette remarque est d'une importance capitale vu que plusieurs chantiers au Maroc ne bénéficient pas de ce suivi des travaux par les architectes malgré la lourde responsabilité qu'ils encourent.

Cet article met en avant l'obligation de résultat de l'architecte dans le cadre de sa mission. Mais cette obligation ne peut concerner que la partie relative aux études techniques et non les démarches administratives entreprises par l'architecte en vue d'obtenir l'autorisation de construire3, l'accord de modification des plans ou encore le permis d'habiter.

Par contre, la jurisprudence française soutient la thèse selon laquelle l'entrepreneur est tenu, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, d'une obligation de résultat, alors que l'architecte répond, pour sa part, d'une obligation de moyen4.

1 « L'exercice, à titre privé, de la profession d'architecte est incompatible avec toute fonction publique non élective dans les services de l'État, des collectivités locales ou des établissements publics. Il est également incompatible avec l'exercice de la profession d'entrepreneur ou industriel, fournisseur de matières ou objets employés dans la construction ».

2 « Est considéré comme exerçant illégalement la profession d'architecte et est puni d'une peine d'emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d'une amende de 1.000 à 40.000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement etc... »

3 Sup Ar N° 1973 du 16/5/2004 Dos N° 95/1/2169

4 Cas Ch Civ 3 Ar N° 10-21273 du 30 novembre 2011

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Limites et carences de la législation

§ 2 - Le contrat liant l'architecte au maitre d'ouvrage et ses obligations

La contrat liant le maître d'ouvrage à l'architecte est considéré tant par les juristes que par les professionnels comme le contrat principal dans l'acte de construire vu que l'architecte est considéré comme le chef d'orchestre dans le chantier et le représentant du maître d'ouvrage devant tous les intervenants en tant que maître d'oeuvre. Par ailleurs, le contrat homologué d'architecte a responsabilisé l'architecte du respect des règlements d'urbanisme et la conformité des plans avec le permis de construire1. Le contrat liant l'architecte au maître est de nature contrat d'entreprise

§ 3 - Sinistralité des architectes et portée de l'article 769 du DOC sur la responsabilité civile des architectes

Le Code d'Hammourabi roi de Babylone, écrit vers 1730 avant Jésus Christ, avait ; en son temps ; responsabilisé l'architecte au point de lui infliger une peine pouvant aller jusqu'à la mort en cas d'écroulement de son oeuvre et la mort de son propriétaire2. Mais en ce moment, l'architecte, faisait fonction de concepteur et de constructeur exécutant les travaux.

A nos jours, la construction est devenue tellement complexe et de ce fait compliquée que la réalisation d'un ouvrage exige l'intervention de dizaines voir de centaines de professionnels directs et indirects3.

A travers l'article 769 du Dahir des Obligations et Contrats, le législateur marocain a responsabilisé l'architecte au même titre que l'ingénieur et l'entrepreneur de la solidité de l'ouvrage dix après sa réception. Mais il y a lieu de noter que cette responsabilité ; malgré qu'elle soit d'ordre public ; elle n'intervient qu'en cas d'écroulement ou de menace d'écroulement. En d'autres termes, elle n'intervient qu'en cas de catastrophe. Or, la sinistralité des architectes n'est nullement associée

1 Art 7 Al 1 : « Missions obligatoires : ...Suivre les travaux de construction, et en contrôler la conformité avec les plans architecturaux et les indications de l'autorisation de construire etc.... »

2 Le code de Hammourabi stipule : « Si un architecte a construit pour un autre une maison, et n'a pas rendu solide son oeuvre, si la maison construite s'est écroulée, et a tué le maître de la maison, cet architecte est passible de mort.

Si c'est l'enfant du maître de la maison qu'il a tué, on tuera l'enfant de cet architecte.

Si c'est l'esclave du maître de la maison qu'il a tué, il donnera esclave pour esclave au maître de la maison.

Si c'est la fortune mobilière qu'il a détruite, il restituera tout ce qu'il a détruit, et parce qu'il n'a rendu solide la construction, et qu'elle s'est effondrée, il restaurera la maison ruinée, à ses propres frais.

Si un architecte a construit une maison pour quelqu'un, et n'a pas solidement basé son oeuvre, si un mur tombe, cet architecte affermira ce mur, à ses propres frais. »

3 Le ministère de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Politique de la Ville a recensé plus de 240 intervenants professionnels directs et indirects dans l'acte de construire.

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Limites et carences de la législation

qu'aux écroulements ou menace d'écroulement puisque les études tant de structures que de sols sont faites par les ingénieurs d'études. Elle est plutôt associée à la maitrise d'oeuvre du chantier et aux pathologies liées au fonctionnement de l'ouvrage telles que la conception d'escaliers non confortables présentant des contremarches très haute ou/et des marches pas assez larges, la conception de rampe d'accès au parking en sous sol de l'immeuble raide, la conception de parking impraticable à cause de la multiplicité de barrières tels les poteaux, etc...

Contrairement à d'autres législations arabes1, cet article reste muet sur la solidarité entre les intervenants. Mais la jurisprudence a expliqué dans certains jugements ce mutisme comme une acceptation implicite de la responsabilité in solidum2 entre intervenants3. Dans d'autres cas, elle a estimé que ce concept de solidarité n'est pas applicable4 et va à l'encontre de l'article 164 du DOC5. En d'autres termes, même si l'architecte n'est pas directement responsable de la solidité de l'ouvrage, le législateur a voulu mettre implicitement un système de solidarité entre les trois principaux intervenants ; à savoir l'architecte, l'ingénieur et l'entreprise ; en cas d'écroulement ou de menace d'écroulement de l'ouvrage après la réception. Mais, cette hésitation de la jurisprudence ne résout nullement la problématique de la solidarité des intervenants en cas de dommages touchant l'ouvrage en cours de construction ou après réception des travaux.

Il y a lieu de noter que le DOC a prévu le cas de solidarité entre plusieurs personnes agissant en concert6 ou encore le cas où la responsabilité est impossible à déterminer entre plusieurs commettants7.

Cette situation serait certainement plus confortable pour les tribunaux si l'assurance était systématiquement obligatoire pour tous les intervenants dans l'acte de construire.

Section 2 - La responsabilité des ingénieurs spécialisés

1 Cd Civ Algérien Art 554 Cd Civ Égyptien Art 651

2 Ap de Rabat Ar du 28 Décembre 1938 : Responsabilité in solidum de l'architecte avec l'entrepreneur pour des dommages à la villa du maître d'ouvrage conséquents à l'utilisation d'un sable argileux.

3 EL ARARI (A), ÈÑÛã áÇÈ íÑÇãÚãáÇ ÓÏäåãáÇæ áæÇÞãáá ÉíÏÞÚáÇ ÉíáæÄÓãáÇ , Traduction Libre: La responsabilité contractuelle de l'entrepreneur et de l'architecte au Maroc, , Rabat, DAR AL AMANE, 2010, p 162

4 Sup Ar du 9/6/1971 in Revue des arrêts de la cour suprême N° du 23 Octobre 1971

5 Art 164 du DOC stipule : « La solidarité entre les débiteurs ne se présume point ; elle doit résulter expressément du titre constitutif de l'obligation, de la loi, ou être la conséquence nécessaire de la nature de l'affaire. »

6 V Art 99 du DOC

7 V Art 100 du DOC

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Afin de réaliser un projet de construction, le maître d'ouvrage fait appel à des ingénieurs de différentes spécialités et dont les responsabilités ne sont délimitées que par le contrat ou par les us et coutumes du secteur : l'ingénieur de Béton Armé, l'ingénieur Géotechnicien, l'ingénieur Géomètre Topographe, l'ingénieur de fluides, l'ingénieur électricien et l'ingénieur Contrôleur. Certes, lorsque le projet de construction dépasse une certaine importance, le maître d'ouvrage peut faire appel à d'autres spécialités d'ingénierie tels les ingénieurs thermiciens, acousticiens, etc...

La responsabilité juridique de l'ingénieur, que celui-ci oeuvre dans le secteur public ou privé, s'est considérablement développée voire accrue durant ces dernières années : mises en cause pénale, civile ou administrative, et ce à l'initiative d'une ou de plusieurs victimes, d'une entreprise concurrente, ou exceptionnellement de l'employeur. En d'autres termes, l'exercice de la profession d'ingénieur ne se conçoit plus sans une analyse préalable du risque juridique.

Cette évolution est due à plusieurs facteurs :

- une « judiciarisation » des relations sociales et professionnelles : ceux qui s'estiment ; à tort ou à raison ; fondés à demander des comptes à l'ingénieur sur son action, qu'ils considèrent comme fautive, le font désormais fréquemment par la mise en oeuvre d'une action judiciaire. Il s'agit pour eux de trouver et désigner un « responsable » du dommage causé, et un débiteur (si possible solvable) pour réparer financièrement ce dommage. D'ailleurs cette situation est très observée en matière de responsabilité médicale;

- le législateur français ; plus que le législateur marocain ; a certainement contribué lui-même à cette évolution des comportements : sensible à l'évolution des mentalités vers la « victimisation », les textes spécifiques dans les domaines les plus variés se sont multipliés et permettent ainsi la mise en cause ; y compris pénale ; des décideurs au sens large et des professionnels prescripteurs (mise en danger d'autrui, harcèlement moral, discrimination...). Ainsi, la sophistication des biens et services offerts s'accompagne d'une exigence concomitante du « risque zéro » dans l'esprit des usagers et des consommateurs, induisant la mise en cause subséquente de l'homme de l'art. Notons que la science de gestion des risques a démontré que le risque « égal zéro » n'existe nulle part ;

- enfin et à vrai dire, l'évolution, la complexité et la sophistication du métier de l'ingénieur lui-même participent à cette augmentation du risque juridique : les fonctions exercées sont de plus en plus étendues (conception et réalisation technique d'un équipement ou d'un produit, conseil ou expertise scientifique et technique sur une organisation, la mise en place d'un procédé de construction, encadrement de personnes gestion d'une équipe, etc...)

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- les secteurs d'intervention évoluent également dans des domaines nouveaux et à risque (environnement, industrie agroalimentaire, ingénierie de la sécurité, développement durable etc...).

La position de l'ingénieur est à la croisée des chemins entre la prise de décision et la mise en oeuvre d'une décision. Dans certaines situations, l'ingénieur peut subir des contraintes directes ou indirectes d'ordre politique, hiérarchique, économique, social et culturel, qui échappent à son contrôle et à son arbitrage, sans que ces circonstances extérieures valent pourtant pour lui exonération de responsabilité.

Devant le constat de l'augmentation du risque juridique, l'ingénieur ne doit pas pour autant trouver dans ces considérations une excuse à freiner son activité et inhiber ses initiatives. Par contre, il doit mettre en garde ses mandants le cas échéant, et si nécessaire en prendre la parfaite mesure et être suffisamment informé des risques lui permettant de concevoir et réaliser son action avec toute la prudence et le discernement que le maitre d'ouvrage et les entreprises ont droit d'attendre d'un homme de l'art.

§ 1 - Responsabilité civile des ingénieurs dans le cadre du DOC

Contrairement à l'unicité de spécialisation du métier d'architecte, celui de l'ingénieur renferme plusieurs spécialités. Il serait difficile d'étudier la responsabilité de chaque métier mais nous nous contenterons des principales d'entre elles à savoir l'ingénieur BET, l'ingénieur géotechnicien et l'ingénieur contrôleur.

La première spécialité rencontrée sur un chantier est celle de l'ingénieur de Béton Armé appelé communément Bureau d'Études Techniques (BET) ou encore ingénieur déstructure.

Sa responsabilité peut être mise en cause en cas de pathologie de l'ouvrage trouvant son origine dans une faute de calcul ou de conception d'une structure porteuse ; et qui n'est autre que la personne physique ou organisme clé pour la solidité et la stabilité de l'ouvrage. Le BET comprend un ou plusieurs ingénieurs qui seront chargés par le maître d'ouvrage d'étudier les structures de l'ouvrage et de dresser les plans d'exécution tels les plans de coffrages et les plans de ferraillages.

Les plans réalisés par le Bureau d'Études sont faits et conçus sur la base des plans de l'architecte. Le bureau d'études essaie de respecter l'idée architecturale avancée par l'architecte tout en veillant à la solidité et la stabilité de l'ouvrage.

Comme l'architecte, le bureau d'études est un prestataire de service et ne participe pas à l'exécution des travaux.

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Il est actuellement impensable de réaliser un ouvrage important sans faire appel à ingénieur géotechnicien ou désigné aussi par l'appellation « laboratoire géotechnique ». Son rôle est d'étudier le sol et de déterminer ses principales caractéristiques afin de dégager, cerner et contrecarrer les difficultés de construction liées à la nature et la morphologie du sol et proposer par delà un système de fondations adéquat. Certes, l'appel à ce genre d'organisme n'est pas toujours automatique et non obligatoire dans toutes les constructions mais néanmoins son association aux grands projets n'est plus discutable.

Le laboratoire géotechnique est aussi un prestataire de service et ne participe donc pas à l'exécution des travaux.

Sa responsabilité pourrait être retenue au cas où l'origine des dommages émane d'un vice de sol

L'ingénieur Contrôleur appelé aussi Bureau de Contrôle Technique (B.C.T): a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages.

Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. D'ailleurs, en assurance décennale, son intervention est obligatoire.

A travers son intervention, le rôle du bureau de contrôle est donc de minimiser les risques et diminuer par conséquent les accidents sur chantier ainsi qu'après la réception des travaux.

Le bureau de contrôle est aussi un prestataire de service et ne participe donc pas à l'exécution des travaux vu le rôle important joué par le BET dans la réalisation de l'ouvrage, sa responsabilité est sont entretienne pour des dommages constatés en période décennale.

Les sociétés de coordination : Leur rôle est de veiller à la coordination entre les différents corps d'état dans un chantier. Le déroulement des différentes tâches dans le temps est d'une importance capitale afin de respecter le planning arrêté lors de l'ouverture du chantier. Les sociétés de coordination sont généralement gérées par des ingénieurs qui ont une grande et longue expérience dans la construction. Mais on peut noter que les maîtres d'ouvrages ne font appel à ces sociétés que dans le cas d'ouvrages assez importants.

Ces sociétés sont aussi des prestataires de service et ne participent donc pas à l'exécution des travaux.

Le métier d'ingénieur dans son contexte général est un métier technique utilisant des règles de calcul dont les hypothèses sont basées sur la connaissance d'un coté de la réaction des matériaux face à des situations de travail et de contraintes spécifiques, et

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d'autre part par la connaissance des méthodes d'exécution des travaux utilisés par les entreprises pour la réalisation des projets dont ils ont la responsabilité.

Le Dahir des Obligations et Contrats a consacré une série d'articles allant de l'article 746 à l'article 758 bis au louage de service et de travail. Mais, il y a lieu de préciser que ces articles semblent ne pas s'adapter aux contrats d'ingénierie mais s'adaptent beaucoup plus aux contrats de travail liant des employeurs à leurs employés. Ils relatent plus une relation de subordination alors que la relation qui lie ces différents ingénieurs au maître d'ouvrage n'est nullement un contrat de travail mais un contrat à caractère commercial, donc un contrat d'entreprise.

La responsabilité contractuelle est plus explicite dans la partie réservée au louage d'ouvrage. Par ailleurs, c'est l'article 769 qui a défini la responsabilité de l'ingénieur quand à la solidité de l'ouvrage pendant dix ans et ce à compter de l'achèvement des travaux. Cet article retient clairement la responsabilité de résultat et écarte le soupçon de responsabilité de moyens. L'article 769 retient la responsabilité de l'ingénieur en cas d'écroulement ou de menace d'écroulement dus à un vice de construction qui se comprend comme une faute d'exécution de travaux, aux vices des matériaux ou au vice de sol.

Même si les investigations de l'ingénieur géotechnicien responsable de l'étude géotechnique du sol se basent sur des sondages ; en l'occurrence sur des probabilités ; l'article retient sa responsabilité dans le sens d'obligation de résultat. En d'autres termes, si un sinistre trouve son origine dans le sol soit par un tassement différentiel par exemple ou une circulation d'eau souterraine entrainant des pathologies de l'ouvrage et se traduisant par un écroulement ou une menace d'écroulement ; même partiel soit il ; la responsabilité de l'ingénieur géotechnicien peut être retenue et sera de ce fait débiteur de réparation à l'égard du maître d'ouvrage. Particulièrement, cette situation des ingénieurs géotechniciens est délicate vu que ces derniers défendent toujours le concept de responsabilité de moyens puisque leur travail scientifique se base sur des sondages et des calculs de probabilité et de statistiques.

Le même raisonnement peut être appliqué aux ingénieurs des Bureaux de Contrôles puisque ces derniers exercent leur contrôle non pas sur la totalité de l'ouvrage mais seulement sur les éléments de la structure porteuse les plus vulnérables donc les plus chargés en général. Comme les géotechniciens, les contrôleurs travaillent par sondage.

Actuellement, une grande discussion sur l'obligation des ingénieurs et sa nature : est elle une obligation de moyens ou au contraire une obligation de résultats? Cette question nous renvoie aux méthodes utilisées : sont elles des méthodes techniques approuvées dans le temps et de ce fait peuvent produire des résultats certains ou par contre sont elles des méthodes probabilistiques et ne sont donc fiables que dans une certaine proportion.

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L'article 769 du DOC retient la responsabilité des trois intervenants ; l'architecte, ingénieur et entrepreneur ; en cas de pathologie liées au vice du sol. Explicitement, le vice de sol est considéré comme une obligation de résultat et non de moyen alors que la géotechnique en tant que science étudiant la géologie du sol à un niveau micro et non macro et de sa constitution ne se base que sur des sondages éparpillées sur le terrain qui recevra l'ouvrage. Ces résultats d'études géotechniques peuvent être faussés par la non détection d'un karst1, ou encore une couche d'argile compressible non détectée entre deux sondages. Cette situation des ingénieurs géotechniciens pourrait être comparable à celle des médecins : L'obligation du médecin est une obligation de résultat ou de moyen ? Est ce que le médecin qui prescrit un traitement à son patient est responsable de la guérison de ce dernier ?

En d'autres termes, l'intervention des ingénieurs diffèrerait d'une spécialité à une autre et de ce fait leur responsabilité serait différente selon leur intervention et leur spécialité.

§ 2 - Délimitation des responsabilités des concepteurs du projet par rapport aux exécutants des travaux

La conception intellectuelle d'un ouvrage ainsi que sa réalisation font appel à plusieurs intervenants. Leurs responsabilités diffèrent selon les missions contractuelles qu'ils ont souscrites avec le maître d'ouvrage en tant que client et futur propriétaire de l'ouvrage réalisé. Ces responsabilités se divisent en deux grandes parties: les responsabilités de conception de l'ouvrage incombant aux concepteurs (architectes, ingénieurs, etc..) et qui se limitent à un travail intellectuel et les responsabilités d'exécution de l'ouvrage (Entreprises d'exécution des travaux) se limitant à l'exécution des travaux sur la base des études techniques réalisées par les concepteurs.

Le vrai problème qui se pose pour les concepteurs et la délimitation de leur responsabilité en cas de sinistre est celui de savoir si leur obligation est une obligation de moyens ou une obligation de résultats. Nous avons essayé de montrer que la réponse à cette question ne peut pas être automatique mais dépend de deux paramètres :

- Le métier analysé : Le métier d'ingénieur diffère beaucoup de celui de l'architecte.

Leurs métiers ; quoi qu'ils soient complémentaires ; génèrent des responsabilités différentes dont les conséquentes peuvent être aussi différents. Le cas de l'architecte sur une estimation des travaux se traduira par une perte financière, alors que l'ingénieur qui se commettra une erreur de calcul, la conséquence peut se

1 Karst est un vide naturel dans le sol

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traduire par une pathologie du bâtiment. La nature du métier générera des fautes et des conséquences différentes.

- La nature de la mission confiée au professionnel : Cette nature a une importance capitale dans la définition de l'obligation envers le maître d'ouvrage. La mission confiée à un BET consistant en l'étude des structures d'un bâtiment simple et pour lequel la connaissance technique est suffisante pour offrir un résultat sûr ne sera certainement pas la même que celle d'un BET auquel on lui confie l'étude d'une digue et pour laquelle les professionnels n'ont suffisamment de reculs pour les résultats pouvant

A notre avis, la nature de l'obligation devrait être analysée dans le cadre de la nature et de la profession et de la mission confiée au concepteur.

§ 3 - Sinistralité des métiers d'ingénieurs

Les ingénieurs ; contrairement aux architectes ; ne se focalisent que sur l'aspect technique de l'ouvrage. Leur rôle s'inscrit principalement dans la solidité et la pérennité de l'ouvrage. Certes une catégorie d'ingénieurs a un autre rôle d'étude du confort et de l'économie d'énergie dans les bâtiments tels les ingénieurs thermiciens mais s'inscrit toujours dans un cadre technique de la réalisation de l'ouvrage.

La sinistralité des ingénieurs est très vaste et dépend de la fonction de l'ingénieur et de son rôle dans la conception de l'ouvrage. En d'autres termes, leur sinistralité ne peut être exhaustive d'autant plus qu'elle évolue dans le temps en adéquation avec l'évolution des techniques et matériaux nouvellement utilisés dans le secteur du BTP. L'étude de sinistralité des ingénieurs nous permet notamment d'étudier et d'analyser les cas de mise en cause de leur responsabilité délictuelle et de mettre en place des moyens de prévention tant techniques que juridiques pour enrayer ou minimiser l'impact de cette responsabilité.

Cas des Ingénieurs de structures (BET)

Le rôle de ces ingénieurs est primordial dans la conception de l'ouvrage. Ils interviennent pour mettre en place la conception technique de l'ouvrage et définir les structures porteuses permettant à l'ouvrage de résister aux différentes charges et surcharges qu'il va subir tout le long de sa vie. La responsabilité délictuelle de ces ingénieurs peut être retenue dans certains cas.

Cas des ingénieurs géotechniciens (Communément appelés Laboratoires)

Les ouvrages qu'ils soient des bâtiments, ou de génie civil tels les barrages, routes, silos, etc ... reposent sur le sol. Leur assise doit être étudiée avant leur

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réalisation, d'autant plus que les charges permanentes (poids propre de l'ouvrage) ainsi que les surcharges d'exploitation (qu'elles doivent supporter en plus de leur propre poids) seront transmises directement au sol formant l'assise de l'ouvrage et devant normalement les supporter. Afin de mettre en place les fondations adéquates, il sera nécessaire tout d'abord de connaitre les différentes caractéristiques du sol. Pour cette raison technique, les maîtres d'ouvrage font appel à des géotechniciens qui vont faire des prélèvements d'échantillons appelées carottes afin d'analyser d'une part les constituants du sol et d'en déduire ensuite les caractéristiques physico-chimiques et mécaniques du sol. Ces études permettent de définir notamment les types de fondation à utiliser pour l'ouvrage (Semelles isolées, semelles filantes, pieux, radiers, etc...). Leur intervention peut engendrer des dommages à l'ouvrage tant durant la construction qu'en période décennale. La responsabilité délictuelle de ces ingénieurs peut être retenue dans certains cas.

Cas des ingénieurs géomètres topographes

Les ingénieurs topographes encourent de lourdes responsabilités se traduisant parfois par des dommages financiers très importants. Leur intervention est d'une importance capitale pour la réussite du projet. Les fautes généralement constatées dans ce métier pourraient être résumées comme suit :

- Erreur d'implantation de terrain se traduisant par le piétinement sur des terrains mitoyens de tiers ;

- Mauvaise estimation de superficies rendant l'exécution des travaux impossible ; - Erreurs de relevés de niveaux rendant les travaux d'exécution impossible.

Mais il y a lieu de noter que les fautes constamment observées dans ce métier est celui des erreurs d'implantation de bâtiments nouveaux se soldant par des empiétements sur des terrains mitoyens généralement non encore bâtis. Même si la jurisprudence va dans le sens de ne pas ordonner la destruction du bâtiment ou du moins la partie qui empiète sur la propriété d'autrui, les tribunaux ordonnent le dédommagement de la victime.

Cette situation corrobore et explique la volonté du législateur à imposer l'obligation d'assurance couvrant la responsabilité professionnelle des ingénieurs géomètres topographes au Maroc.

Cas des Coordinateurs (Sociétés de coordination)

Les projets de construction deviennent de plus en plus compliqués et complexes et le nombre parfois impressionnant du nombre de professionnels de la construction sur un même chantier amène les maîtres d'ouvrage à engager des sociétés professionnelles de coordination qui se chargent notamment de la coordination des différentes tâches sur chantier. Le rôle de ces sociétés est primordial pour la bonne

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marche des travaux et leur responsabilité est entièrement engagée vis-à-vis du maître d'ouvrage en cas d'accidents, de retards ou de chevauchements des travaux produisant des dommages à l'ouvrage.

Les fautes pouvant incomber aux sociétés de coordination et pouvant par delà voir leur responsabilité engagée sont diverses dont les principales sont les suivantes : - Chevauchement de tâches qui doivent se suivre normalement ;

- Absence de communication avec les intervenants engendrant des conflits entre les entreprises ;

- Absence d'anticipation sur les problèmes pouvant entraver les travaux sur chantier ;

- Communication d'informations erronées, incomplètes ou en retard aux professionnels sur chantier.

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Conclusion du chapitre

Les métiers des concepteurs, qu'ils soient architectes ou ingénieurs, peuvent être ; à toute phase du process de construction ; des producteurs de risques et de ce fait être responsables de sinistres touchant l'ouvrage qu'ils réalisent ou encore les biens d'autrui tels les bâtiments mitoyens par la faute de leurs études. Ces risques peuvent être gérés et amoindris dans la mesure du possible par l'utilisation de méthodes scientifiques de Risk Management. Mais ces méthodes ne peuvent suffire à elles seules si la législation n'est pas au niveau de répondre à des situations de responsabilité des différents métiers d'ingénierie participant à la réalisation du projet. Il parait nécessaire de définir les métiers d'ingénieurs et délimiter leur responsabilité selon leur métier et leur intervention sur chantier. Cette situation de conflits naissant entre maitres d'ouvrage et concepteurs ne trouvera aucune issue tant que la législation actuelle est maintenue en l'état et n'est pas revue rapidement.

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Chapitre II - La responsabilité civile des entreprises
d'exécution des travaux et les difficultés liées à la sous

traitance

Les entreprises de construction ; au cours de leurs ; peuvent commettre des fautes qui peuvent s'avérer fatales pour la pérennité de l'ouvrage. Ces fautes peuvent apparaitre durant la période des travaux ou encore après leur réception, provenir d'un manquement contractuel ou tout simplement d'une faute quasi délictuelle. Les sections qui suivront essaieront de traiter la responsabilité des entreprises de construction ; tant celles des gros oeuvres que celles du second oeuvre ; tout en mettant en relief les difficultés de traitement de responsabilité des sous traitants en l'absence de textes législatifs qui gèrent cette catégorie d'intervenants sur chantier.

Section 1 - La responsabilité civile des entreprises de Gros oeuvre et second oeuvre dans le cadre du DOC

En construction, il existe deux grandes classes d'entreprise à savoir l'entreprise de gros oeuvre et les entreprises de second oeuvre.

L'entreprise de gros oeuvre est l'entreprise de construction proprement dite. C'est elle qui va réaliser l'ouvrage sur la base des différents plans et coupes de l'architecte et du bureau d'études. Elle doit suivre les recommandations du maître d'oeuvre en cas de difficulté d'exécution d'une tâche. Elle doit aussi respecter les clauses du marché conclu avec le maître d'ouvrage et se conformer aux spécifications techniques de réalisation portées sur le cahier de prescriptions spéciales ( CPS ). Son expérience et son savoir faire sont primordiaux pour la réalisation de l'ouvrage. Elle détient en général la plus grosse part du marché. Théoriquement, elle devrait donc être la première à être intéressée par la souscription d'une police TRC plus que tout autre intervenant.

Il existe des chantiers où l'entreprise réalise tous les travaux et délivre un ouvrage clef en main. Dans ce cas, on parlera d'entreprise générale.

Les entreprises de second oeuvre sont multiples et ont pour tâche d'exécuter des travaux autres que la construction. Leur liste n'est pas exhaustive et leur intervention dépend de la nature de l'ouvrage. Ces sociétés peuvent avoir le statut de sous-traitant de l'entreprise générale ou travailler pour leur propre compte et avoir dans ce cas un contrat direct avec le maître d'ouvrage. Ces entreprises peuvent réaliser les travaux

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tels que la plomberie, l'électricité, le montage d'ascenseur, les travaux d'étanchéité, la pose de carrelage, etc...

Le travail de ces entreprises qu'elles soient entreprise générale ou de second oeuvre produit des situations de chevauchement. Le travail sur un même lieu et en même période génère des sinistres qui peuvent incomber à une entreprise ou à plusieurs entreprises en même temps. La délimitation du champ d'action de ces entreprises pose le problème de délimitation de responsabilité en cas de sinistre. Le départage de ces entreprises et la désignation de la part de responsabilité ne sont pas toujours aisé sur chantier. Le problème se pose avec acuité lorsque le sinistre est exclu de la police d'assurance qui les couvre ou que l'un des intervenants n'est pas assuré. Nous rappelons que l'assurance tant en période de travaux, qu'en période décennale n'est pas obligatoire au Maroc1.

§ 1 - Les fautes d'exécution des travaux en cours de travaux et en période décennale

La responsabilité tant de l'entreprise de gros oeuvre que celles du second oeuvre peut être retenue en période de travaux. Cette responsabilité s'inscrit dans le cadre contractuel liant ces entreprises au maître d'ouvrage ou dans le cadre délictuel vis-à-vis des tiers (cas de dommage causé par une entreprise à une autre entreprise au niveau de son matériel ou ses fournitures dans le même chantier). Mais l'exécution des travaux génère des sinistres engageant ainsi la responsabilité des constructeurs. Ces situations ne sont pas toujours aisées et peuvent générer des conflits entre entreprises et maître d'ouvrage ou encore entre entreprises en tant qu'assurées et assureurs. La difficulté d'interprétation des responsabilités des intervenants peut être illustrée par le cas réel suivant :

Dans le cadre de son contrat qui la lie avec le maître d'ouvrage, l'entreprise a réalisé des poutres dédiées à un pont. Lors de la pose de ces poutres, le maître d'ouvrage a constaté que la résistance contractuelle du béton n'était pas atteinte. Le maître d'ouvrage a refusé de les réceptionner vu que la résistance du béton n'atteint pas la résistance contractuelle.

Après maintes investigations et tests non destructifs sur les poutres, l'expertise n'a pas pu déterminer l'origine de la chute de résistance de béton.

Dans ce cas précis, l'entreprise s'est trouvée dans une situation des plus fâcheuses puisque d'un coté le maître d'ouvrage a refusé de réceptionner les poutres

1 L'assurance construction n'est obligatoire que pour les marchés de l'État. A ce propos, voir Art. 24 du CCAGT approuvé par le décret N° 2-99-1087 du 29 Moharrem 1421 - 4 mai 2000

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confectionnées et de l'autre côté l'assureur a rejeté le sinistre en avançant l'argument d'absence de dommage et que la résistance est d'ordre contractuel et ne peut en aucune manière être couverte par la police Tous Risques Chantiers qui couvre les travaux de l'entreprise assurée. Rappelons néanmoins que la police TRC ne couvre pas les contractuels manquant.

Il y a lieu de noter que les us et coutumes du secteur du BTP hérités du système français divise la période de responsabilité contractuelle des entreprises de construction en deux périodes : la période de travaux proprement dite allant de la date de début des travaux concrétisée en général par un ordre de service émanant du maître d'ouvrage et une période appelée période de maintenance s'étalant de la réception provisoire (fin des travaux) à la réception définitive. La responsabilité contractuelle des entreprises vis-à-vis du maître d'ouvrage continue et s'étend à la période dite de maintenance comprise entre la réception provisoire et la réception définitive. En d'autres termes, le transfert de propriété ne se fait qu'au moment de la réception définitive.

Quant à la période décennale commençant à compter de l'achèvement des travaux pose un grand problème juridique. En fait, l'article 769 du DOC utilise deux termes pour désigner la fin de travaux et le commencement de la période décennale : « achèvement des travaux » et « la réception ». Or, le secteur du BTP utilise et pratique deux réceptions comme on vient de le préciser. La question posée est de taille : la responsabilité civile décennale telle qu'elle est définie dans le DOC commence à courir à partir de la réception provisoire ou bien à partir de la réception définitive ?

Cette situation est très visible et ressentie lors de la souscription des polices décennales et la discussion engagée entre assureurs et assurés relative à la date d'effet de la police. Les assureurs marocains proposent la réception provisoire comme point de départ de la RCD vu que la plupart des maîtres d'ouvrage commencent à exploiter leurs ouvrages à partir de la réception provisoire. Quant aux assurés, ils préfèrent en général la réception définitive et ce afin de gagner une année d'assurance.

Il y a lieu de noter que le CCAG-T a résolu ce problème pour les marchés publics et a décrété dans son article 24 que la responsabilité civile décennale commence à courir à compter de la réception définitive.

Il faut remarquer que cette situation n'est pas aisée et est source de beaucoup de malentendus et de litiges entre les intervenants dans l'acte de construire. L'existence de ces deux réceptions pose beaucoup de problèmes d'ordre juridique et judiciaire puisque l'acte de réception a des effets juridiques de garantie. Contrairement au législateur marocain, le législateur français a résolu ce problème en instituant une

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seule réception « Les marchés de travaux prévoyaient généralement une réception en deux temps, l'une provisoire, l'autre définitive : désormais la réception est unique » 1.

§ 2 - Les vices cachés en cours de travaux et après réception des travaux

En l'absence d'un code propre à la construction, les problèmes liés aux vices de construction en période de travaux sont réglementés dans un cadre contractuel général du DOC et c'est l'article 89 qui pose les règles générales des vices cachés2.

Quant aux marchés publics, les vices de construction en période de travaux sont réglementés par l'article 41 du CCAGT-T3

La période de maintenance comprise entre la réception provisoire et la réception définitive n'est pas régie par une loi. Elle ne l'est que pour les marchés publics dans le cadre du CCAGT-T qui définit et impose une garantie de parfait achèvement et qui s'étale entre la réception provisoire et la réception définitive4. En d'autres termes, les marchés de travaux privés ne sont régis que par le contrat liant le maitre d'ouvrage aux constructeurs ou dans des cas par les coutumes et pratiques courantes et habituelles du secteur.

§ 3 - Les effets juridiques de la réception des travaux

Telle qu'elle est pratiquée par les professionnels du BTP, la réception est un acte à caractère juridique d'une part et unilatéral d'autre part ; émanant de la seule volonté du maître de l'ouvrage. L'importance et la complexité d'un ouvrage demandent en général des examens et tests techniques étalés sur plusieurs jours et ce en présence et

1 Lambert-Faivre (Y), Risques et assurances des entreprises, Paris, Éditions DALLOZ, 1991, P 709

2 Art 89 «Le propriétaire d'un édifice ou autre construction est responsable du dommage causé par son écroulement ou par sa ruine partielle, lorsque l'un ou l'autre est arrivé par suite de vétusté, par défaut d'entretien, ou par le vice de la construction. .....Lorsqu'un autre que le propriétaire est tenu de pourvoir à l'entretien de l'édifice, soit en vertu d'un contrat, soit en vertu de l'usufruit ou autre droit réel, c'est cette personne qui est responsable.

3 Art 41 « Lorsque le maître d'ouvrage présume qu'il existe un vice de construction dans un ouvrage, il peut, jusqu'à l'expiration du délai de garantie, prescrire par ordre de service motivé les mesures de nature à permettre de déceler ce vice. Ces mesures peuvent comprendre, le cas échéant, la démolition partielle ou totale de l'ouvrage présumé vicieux. »

4 Art 67 « Le délai de garantie est, sauf stipulation contraire du cahier des prescriptions spéciales ou du cahier des prescriptions communes, égal à la durée comprise entre la réception provisoire et la réception définitive. Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application de l'article 68 ci-après, l'entrepreneur est tenu à une obligation dite « obligation de parfait achèvement » au titre de laquelle il doit, à ses frais : ... »

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la participation de plusieurs corps de métiers. Mais un seul procès-verbal est cependant dressé et signé par les participants pour marquer une date unique comme point de départ des différentes garanties à la charge de tous les professionnels intervenant dans la réalisation du projet.

La réception est prononcée «contradictoirement », c'est-à-dire que l'entrepreneur doit être présent ou appelé à la réception, mais celle-ci demeure un acte unilatéral, et l'entrepreneur n'a pas à y donner son consentement.

L'acte de réception est un acte des plus importants dans la construction. Il marque en effet deux effets juridiques : le transfert de propriété de l'entreprise vers le maître d'ouvrage et le commencement de garanties restant à la charge de l'entreprise. Les entreprises ont la responsabilité de parfaire la construction et de réparer les vices détectés au moment de la réception provisoire. Le procès verbal de la réception ainsi établi va comporter des réserves que l'entrepreneur qui en est responsable doit lever avant le prononcé de la réception définitive. Même si le contrat liant le maître d'ouvrage aux entreprises spécifie une période ; généralement d'une année; séparant les deux réceptions, il arrive très souvent que le prononcé de la réception définitive prend plus d'une année après l'acte de la réception provisoire. Les raisons de ce retard sont multiples et peuvent dans certains cas exprimer la mauvaise volonté du maître d'ouvrage à vouloir garder l'entreprise sur les lieux et continuer la garde du chantier. Dans le cas de la France, les effets juridiques de l'acte de réception se résument comme suit :

- L'exonération de responsabilité des constructeurs des vices apparents ce qui vaut

acceptation des travaux par le maitre d'ouvrage.

- La réception marque le point de départ de tous les délais de prescription. En effet, l'article 2270 du Code civil a unifié le départ de trois délais; à compter de la réception ;à savoir :

? le délai d'un an de garantie de parfait achèvement servant à parfaire la

construction et lever les réserves émises dans le procès verbal de la réception ; ? le délai minimal de deux ans de garantie de bon fonctionnement des éléments

d'équipement du bâtiment ;

? le délai de dix ans de la responsabilité des constructeurs dont le point de départ n'est plus reporté comme auparavant à la date de la levée des réserves émises dans le procès verbal de la réception. Cette disposition sert à libérer les constructeurs et transférer la propriété au propriétaire de l'ouvrage même si leur

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responsabilité pourrait être retenue en cas d'apparition de pathologie. Le législateur a refusé de maintenir indéfiniment les entreprises sur chantier.

- Le transfert de la propriété s'opère directement après cet acte de réception. D'ailleurs, l'article 1788 du Code civil français exprime clairement ce transfert la perte de la chose à la charge de l'entrepreneur au maître d'ouvrage après l'acte de la réception. «à la réception s'opère donc un transfert des risques de l'entrepreneur au maître de l'ouvrage.1

Pour ces raisons invoquées, il existe plusieurs types de réceptions : la réception peut être amiable, de manière tacite, expresse ou judiciaire2 que nous définirons ci-après :

a - la réception tacite

Cette forme de réception traduit le caractère amiable émanant du maître d'ouvrage envers les constructeurs et ce en acceptant son ouvrage de façon implicite. Il accepte son ouvrage de manière expresse et sans la formalisation de cet acte dans un procès-verbal. Il paie l'intégralité des travaux aux entreprises et prend possession de son ouvrage.

Au Maroc, cette forme de réception est très largement répandue et pratiquée surtout dans les petits et moyens chantiers. C'est le cas ; notamment ; des personnes qui construisent pour leur propre compte.

En France, cette modalité était largement répandue et admise avant l'application de la loi de 1978 dite « Loi SPINETTA ». Cette dernière a condamné cette forme de réception dans l'article 1792-6 du code civil français et ce en exigeant la formalisation de l'acte de réception par un procès verbal. En effet, la réception est d'une particulière importance vu qu'elle marque le point de départ des différents délais légaux3. Le législateur a voulu écarter et enlever toute incertitude sur la date de la réception et la concrétiser de ce fait par un document écrit et signé qui n'est autre que le procès-verbal de réception.

Mais malgré l'existence de cette loi et son exigence de formalisation de l'acte de la réception, plusieurs petits entrepreneurs et artisans ainsi que des maîtres d'ouvrage ignorant la loi, ont perpétué la tradition d'absence de formalisme. La non application

1 - Risque de la chose (art. 1788 c. civ.): Civ. 1re , 4oct. 1988, Argus 1988, p. 2839.

2 Op.cit. Lambert-Faivre (Y), Risques et assurances des entreprises.

3 Ibid

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de l'article 1792-6 se traduirait par l'absence de réception et entraînait tout simplement la non mise en oeuvre de la responsabilité décennale.

Cette situation non confortable a provoqué de vifs plaidoyers de la doctrine1. Enfin de compte, le COPAL 2 a rendu un avis conforme et la Cour de cassation a finalement admis la validité de la réception tacite dans deux arrêts rendus le 23 avril 19863. Cependant, même si la réception est tacite, l'expression de volonté du maître d'ouvrage et des entreprises doit être non équivoque4.

Par ailleurs, un arrêt rendu le 12 juillet 1989 par la troisième Chambre civile est venu réconforter cette position en reconnaissant la réception tacite alors même que les travaux ne sont pas achevés en raison de la disparition pure et simple de l'entreprise5.

Un autre jugement a reconnu que « la prise de possession sans réserve autre que sur le prix vaut réception tacite »6.

Un autre cas peut se présenter qu'est celui de l'acceptation implicite : un coktail organisé par le maître d'ouvrage a été reconnu comme une acceptation de l'ouvrage et de ce fait une réception tacite7 ou encore le refus de réception de l'ouvrage à cause de malfaçons constatées dans l'ouvrage a été reconnu8.

b - La réception amiable

Ce type de réception se concrétise par l'établissement obligatoire d'un procès-verbal signés par les participants à l'acte de réception et qui peut comporter ou non des réserves. Les réserves sont énumérées et précisent les travaux de réparation qui devraient être entrepris par l'entreprise responsable. Dans le cadre des marchés publics

1 Moniteur des T.P. et du Bâtiment., N° spécial n° 87-43 bis du 230ct. 1987; cf. G. LEGUAY, «La réception tacite sous l'empire de la loi du 4 janvier 1978 ou le choix d'un moindre mal », R.D.I. janv. 1988, p. 114.

2 COPAL (Comité pour l'application de la loi du 4 janv. 1978), 10-12, rue du Capitaine Ménard, 75015 Paris. Rapport du COPAL sur « Le problème de la réception implicite ».

3 Validité de la réception tacite: Doctrine: J.-P. KARILA «Plaidoyer pour la réception tacite sous l'empire de la loi du 4 janvier 1978 », Gaz. Pal. 10 août 1986, p. 13; R. MARTIN, « Sur la réception tacite de l'ouvrage », Ass. fr. 1987.160.

Jurisprudence: Agen, 26 févr. 1985, D., 1986.24, note J.-P. Karila; Paris; 20 nov. 1985, D. 1986.567, note J.-P. Karila; Civ. 3e, 23 avr. 1986 (deux arrêts), J.C.P. 1987.II.20812, note D. Tomasin;

4 Réception tacite, volonté non équivoque requise: Civ. 3e, 4oct. 1989, R.C:A. 1990, n° 202 ; Civ. 2e, 3 mai 1990, R.C.A.1990, n° 336; Civ. Fe, 14févr. 1990, Gaz. Pal. 8 mars 1991, p. 25, note J. Roussel (la preuve de la réception incombant à l'assuré n'est pas rapportée).

Civ. 5e, 4 avr. 1991, Argus 1991.1475 « Caractère contradictoire de la réception non établi ».

5 Réception des travaux inachevés : Civ. 3e, 12 juill. 1989, D. 1989.I.R 238, et R.D.I. 1990, p.l05

6 Civ. 3e , 16 juill. 1987, D. 1987.577, R.G.A.T. 1988.351 « la prise de possession sans réserve autre que sur le prix vaut réception tacite »

7 Civ. 3e, 13 juin 1990, R.C.A. 1990, n° 357 (participation à un cocktail de réception donné par l'entrepreneur avant l'entrée dans les lieux des copropriétaires).

8 Civ. 3e, 21 nov. 1990, R.C.A. 1991, n° 63 (refus de réception en raison de graves malfaçons vaut réception tacite).

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maroucains, cet acte concrétise la matérialité de la garantie de parfait achèvement énoncée dans l'article 67 du CCAG-T.

c - La réception judiciaire

Comme nous l'avions signalé précédemment, il arrive souvent que le maître d'ouvrage ; pour diverses raisons qui lui sont propres ; refuse de réceptionner l'ouvrage et l'entreprise se trouve prisonnière dans le chantier. Dans ce cas précis, l'entrepreneur sera obligé d'assigner le maître d'ouvrage devant la justice afin de prononcer la réception judiciaire. La réception judiciaire est prononcée par le juge1 en l'absence de toute réception amiable, expresse ou tacite, du maître de l'ouvrage. La date de la réception sera celle de la décision judiciaire.

Mais il y a lieu de distinguer cette forme deréception de la la réception tacite constatée judiciairement. En fait, une réception ; tacite soit elle ; peut être contestée par l'une des parties contractantes et sera de ce fait constatée judiciairement par le juge à partir d'éléments qui démontrent la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux tels qu'ils se présentent i.e avec ou sans réserves.

Section 2 - La responsabilité contractuelle des sous traitants

Le recours à la sous-traitance est une pratique largement utilisée par les moyennes et grandes entreprises dans le monde entier. Mais sous-traite une partie de ses activités pour se concentrer sur son coeur de métier est une opération délicate. C'est en vue d'atteindre un niveau respectable de productivité dans la production ainsi qu'un bon niveau de qualité dans la réalisation des travaux, de minimiser les coûts et délais. La stratégie de production et de construction exige de l'entreprise de recourir à l'engagement d'autres entreprises pour la réalisation de tâches ponctuelles ou une partie des travaux. Cette pratique de sous traitance est devenue courante tant dans l'exécution des travaux que dans le domaine de prestation de service (principalement dans le secteur de l'ingénierie).

Les entreprises en ont bien conscience, dès lors qu'un processus de production peut se décomposer en plusieurs étapes distinctes, une ou plusieurs de ces phases sont théoriquement externalisables. De ce fait, la sous-traitance industrielle est présente dans les secteurs les plus variés : construction, montage, chaudronnerie, fonderie, décolletage, plasturgie, automobile etc... L'externalisation industrielle permet à

1 Réception judiciaire: Civ. 3", 22 févr. 1989, R.C.A. 1989, n° 152.

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l'entreprise d'alléger ses coûts fixes (investissements matériels, salaires, matières premières) au profit des coûts variables plus proches de ses besoins réels. Elle permet également de reporter sur le sous-traitant les risques industriel et financier. Les techniques de fabrication étant de plus en plus pointues, les sous-traitants industriels spécialisés deviennent donc incontournables. La décision de choisir entre les deux options « Faire » ou « Faire Faire » est d'une importance capitale et une stratégie pour l'entreprise principale.

La sous-traitance se conçoit comme un partenariat mais qui engendre nécessairement des dépendances. L'arrivée d'un nouveau partenaire peut être déclencheur de nombreuses réactions aux conséquences difficilement mesurables. Le donneur d'ordre peut perdre totalement ou partiellement le contrôle sur sa production et peut ainsi se trouver en situation de dépendance, une position qui peut s'avérer inconfortable lors du renouvellement du contrat de sous-traitance. En outre, des problèmes à l'intérieur de l'entreprise donneuse d'ordre peuvent surgir se manifestant par une démotivation du personnel qui peut croire; à juste titre ; que la sous-traitance (l'externalisation des tâches) est le prélude à une restructuration plus profonde de l'entreprise telle la réévaluation des postes et des plans de carrière, la baisse des coûts, la réduction des formations ou encore des licenciements éventuels.

La mondialisation impose de plus en plus la division de travail et « la spécialisation dans la spécialisation ». Les entreprises sont devenues contraintes de pratiquer la sous traitance et déléguer une part des travaux à une ou plusieurs entreprises. Mais en même temps, il est fort regrettable de voir parfois la sous traitance utilisée à 100% réduisant ainsi l'entreprise principale à un simple intermédiaire entre le maître d'ouvrage et la société sous traitante. De ce fait, le sous traitant réalise les travaux du projet entièrement en place et lieu de l'entreprise principale dont le rôle se réduit à la collecte d'une commission. D'ailleurs, c'est pour cette raison que les marchés publics marocains ne permettent la sous traitance qu'à hauteur de 50 % du montant des travaux de l'entreprise principale (ou même l'interdire pour certains travaux)1.

1 Article 84 du décret N° 2-06-388 du 5 Février 2007 limite le pourcentage de la sous traitance comme suit : « En aucun cas, la sous-traitance ne peut dépasser cinquante pour cent (50 %) du montant du marché ni porter sur le lot ou le corps d'état principal du marché. Toutefois, le maître d'ouvrage peut fixer dans le règlement de consultation ou dans le cahier des prescriptions spéciales les prestations qui ne peuvent faire l'objet de sous-

traitance. »

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§ 1 - Cadre juridique de la sous traitance au Maroc et en France

Hormis le décret N° 2-06-388 du 5 Février 2007 relatif à la passation et contrôle des marchés publics qui a consacré un seul article1 à la sous traitance et d'ailleurs d'une façon sommaire et générale, la législation marocaine est restée muette à ce sujet aussi important que celui de la sous traitance.

Selon la législation française et notamment la loi N° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance2, cette dernière est définie 3 par un contrat par lequel une entreprise demande à une autre entreprise de réaliser une partie de sa production ou des composants nécessaires à sa production.

Le sous-traitant est différent du fournisseur car il fabrique un produit conçu par le donneur d'ordres ou ; souvent ; en commun avec lui. Le produit est fabriqué par le sous-traitant pour le compte exclusif du donneur d'ordre et ne porte pas son nom. Le sous-traitant s'engage exclusivement sur la conformité de son exécution par rapport aux directives du donneur d'ordre. Le sous traitant ne peut être engagé que par l'acceptation du maître d'ouvrage.

Dans la pratique, il existe trois types de sous-traitance :

? Sous traitance de spécialité : l'entreprise ne disposant pas du savoir-faire nécessaire pour fabriquer le produit ou le réaliser et donne l'ordre à une autre entreprise de le faire ;

? Sous traitance de capacité : l'entreprise est dans l'incapacité financière, technique ou d'organisation de répondre ; à un moment donné ; à produire des commandes supplémentaires ;

? Sous traitance de marché : une entreprise confie à une autre entreprise un marché conclu avec un maître d'ouvrage. Le contrat met donc en relation le maître d'ouvrage, l'entreprise en tant que donneur d'ordres, et le sous-traitant.

1 Article 84 du décret N° 2-06-388 du 5 Février 2007 définit la sous traitance comme suit :

« La sous-traitance est un contrat écrit par lequel le titulaire confie l'exécution d'une partie de son marché à un tiers. Le titulaire choisit librement ses sous-traitants sous réserve qu'il notifie au maître d'ouvrage la nature des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que l'identité, la raison ou la dénomination sociale et l'adresse des sous-traitants et une copie certifiée conforme du contrat précité...etc. »

2 Modifiée par la Loi 2001-1168 2001-12-11 art. 6 1° JORF 12 décembre 2001 et la la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises

3 Art 1 « Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie de l'exécution du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage.... »

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§ 2 - La responsabilité civile contractuelle des sous traitants vis-à-vis de l'entreprise principale

Certains secteurs sont particulièrement utilisateurs de la sous-traitance, notamment l'industrie automobile, le bâtiment et le transport. Il arrive même que les sous-traitants externalisent à leur tour certains travaux. Ces pratiques ne sont que le résultat du progrès technique accompagné de l'augmentation croissante du nombre d'intervenants pour la réalisation de tâches de production et créant par delà une multitude de spécialisations. Mais en même temps, ce développement rapide de la science et de la technologie s'accompagne de risques tant technologiques que juridiques. En effet, les relations commerciales traduites par des conventions ou contrats deviennent complexes et génèrent parfois des conflits et litiges pouvant arriver jusqu'aux tribunaux. La sous traitance n'échappe pas à cette règle ; surtout ; lorsque la législation n'encadre et ne cadre pas son environnement et ses relations avec les donneurs d'ordre. En l'absence de lois qui gèrent ces relations contractuelles des sous traitants, les contrats établis entre parties font foie de loi et laissent de ce fait la porte ouverte à l'interprétation des juges des clauses qui les composent.

Tout d'abord, il y a lieu de définir la nature juridique du sous traitant telle qu'elle ressort de la jurisprudence. En effet le tribunal de Montpellier a déclaré que celui qui a la qualité de sous traitant doit avoir réalisé personnellement le montage du produit qu'il a livré même si ce produit a été réalisé sur la base des spécifications de l'entreprise principale1 et qu'il était apte à être incorporé dans l'ouvrage. En d'autres termes, le sous traitant est contraint de réaliser lui-même et personnellement le travail qui lui a été confié par l'entreprise principale.

La relation liant le sous traitant à l'entreprise principale est une relation contractuelle2 dans le cadre d'un contrat d'entreprise et ne peut être considérée comme une relation de subordination telle qu'elle ressort entre employeur et salarié. Cette position a été exprimée par la cour suprême marocaine « L'élément qui caractérise le contrat de travail réside dans la dépendance, la supervision, l'orientation et le contrôle de l'employeur envers le salarié. Éléments qui ne se trouvent pas dans le contrat d'entreprise »3.

1 Cas . Com 13 Mai 1981 Gazette du Palais Tri-hebdomadaire N° 2 Panorama de la Cour de Cassation P 360

2 SAMII (A),ÉÞÕáá äØÇÈáÇ äã ÉáæÇÞãáÇ, Traduction Libre: La société sous traitante du contrat , , Casablanca, SOMADIL,, 2008 P 32.

3 Sup Ar N° 496 du 17 Mai 1994 dossier N° 889637 publié dans la revue Arrêts de la Cour Suprême N° 5354/1999 P 345

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Dans le même sens, la cour d'appel de Settat a déclaré dans un arrêt « la subordination juridique est l'élément essentiel qui différencie le contrat de travail des autres situations juridiques »1.

Quant à la nature de la responsabilité contractuelle du sous traitant envers l'entreprise principale, elle a été considérée comme une responsabilité de résultat par plusieurs arrêts de la cour de cassation. Un pourvoi de la cour de cassation française2 est venu corroborer la responsabilité de résultat du sous traitant envers l'entreprise principale « le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat à l'égard de son donneur d'ordres, qui a la qualité d'entrepreneur principal ». En d'autres termes, le sous traitant est tenu d'un résultat attendu de l'entreprise principale qui l'a engagé. Il ne peut se dérober derrière une quelconque mauvaise connaissance du marché ou encore l'ignorance d'une quelconque disposition l'empêchant de réaliser le travail pour lequel il a été engagé.

Par ailleurs, cette responsabilité ne peut être exonérée même en cas de non paiement des prestations réalisées par le sous traitant. A cet effet, la cour de cassation française 3ème chambre civile dans son arrêt du 14 décembre 201 Pourvoi N° 10281493 n'a pas exonéré le sous traitant de sa responsabilité contractuelle envers l'entreprise principale malgré son non paiement pour les travaux qu'il a réalisés.

La responsabilité contractuelle du sous traitant envers l'entreprise principale apparait très prononcée et ne peut être exonérée qu'en cas de force majeure indépendante de sa volonté et dépassant sa capacité de réagir.

§ 3 - Vices cachés et exonération du sous traitant de sa responsabilité contractuelle

Avant d'analyser les situations d'exonération de responsabilité du sous traitant, nous définissons tout d'abord deux situations de vices. Le vice apparent avant la réception des travaux et le vice caché qui peut ne pas apparaitre avant la réception mais se manifeste bien après la réception des travaux. D'ailleurs, cette manifestation de vices cachés peut prendre des mois voir des années après l'acte de la réception des travaux. Contrairement à l'entreprise principale, le sous traitant n'est tenu pour

1 Ap Settat Ar N° 744 du 25 Septembre 1984 Dos Civ N° 3.84.1 Publié dans la revue « Justice et Droit » du Ministère de la Justice N° 135-136 1985 - 1986 P 148 et Suivantes.

2 Cas Civ 3 16 Juin 1993 N° 91-17212

3 « Mais attendu que le sous-traitant ne peut se prévaloir du contrat de sous-traitance pour obtenir le paiement de ses travaux et le rejeter pour échapper à ses obligations contractuelles ; que le non-respect par l'entrepreneur principal des dispositions relatives aux garanties de paiement dues à son sous-traitant ne le privant pas du droit d'agir à son encontre en réparation des malfaçons affectant les travaux qu'il a réalisés, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a relevé l'existence de malfaçons imputables à la société EPC, a déduit le coût de leur reprise du solde restant dû »

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responsable ; en fin de compte ; que pour les vices apparents et détectables avant la réception des travaux1. Par contre, l'entreprise principale peut voir sa responsabilité engagée envers le maître d'ouvrage et retenue pour réparation des dommages ; telle qu'elle est définie dans l'article 769 du DOC ; pour des vices cachés pouvant apparaitre et se manifester en période décennale.

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1 MALLIVAUD (P) et JESTAZ (P), Droit immobilier 1980, P 111 N° 89.

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Conclusion du chapitre

Les entreprises marocaines se trouvent parfois dans des situations inconfortables face à l'engagement de leur responsabilité pour des sinistres survenant en cours d'exécution des travaux. Leurs interventions n'est pas dénudée de risques qui peuvent s'avérer graves et produire des accidents corporels. Leur responsabilité n'est certainement pas à l'abri en cas de survenance de sinistre sur chantier ou après réception des travaux. Néanmoins, cette situation pourrait être atténuée si le système législatif et d'assurance étaient au niveau de répondre à cette situation. A cela s'ajoute les problèmes juridiques produits par l'effet de la réception. L'existence de ces deux réceptions ; l'une provisoire et l'autre définitive fait naitre des litiges entre maitres d'ouvrages et entreprises et mobilise les entreprises dans les chantiers des mois voir des années après l'achèvement des travaux. La proposition de créer un système de réception unique pourrait résoudre ces problèmes et permettrait aux maitres d'ouvrages d'exploiter leurs édifices et l'entreprise de se libérer de son obligation de garder indéfiniment la construction.

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PARTIE II : L'ASSURANCE DES RISQUES DE
CONSTRUCTION ET LIMITES DE LA LÉGISLATION
MAROCAINE DANS LE DROIT COMPARÉ

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Chapitre I - La gestion des risques conséquents de fautes et leurs assurances

De tous les temps, les artisans, entrepreneurs et concepteurs de projets se sont souciés de la gestion des risques que peut générer leur intervention sur un ouvrage. Les temps actuels ont montré des risques méconnus auparavant. La gestion de ces risques apparait donc ; non plus comme un besoin ; mais comme une nécessité absolue pour se protéger contre les aléas de la profession. Cette gestion des risques ne touche pas que l'ouvrage lui-même, mais s'intéresse aussi aux conséquences de la mise en jeu de la responsabilité civile tant au niveau contractuel que délictuel. La gestion des risques suppose aussi le transfert de certains risques sur les assureurs. Mais cette possibilité n'est vraiment satisfaisante pour les professionnels que si les garanties offertes répondent à leurs besoins et offrent une véritable protection.

Au cours de cette partie, nous essaierons de montrer la relation existante entre la loi et l'assurance et principalement pour la garantie RC Décennale. Pour ce faire, nous ferons une comparaison de trois législations dans ce domaine tout en essayant de faire ressortir leurs points forts et faibles. Cette comparaison nous permettra peut de repenser notre système législatif et proposer un système d'assurance adéquat et up date par rapport à l'évolution technique et technologique de la construction au Maroc.

Section 1 - Les sinistres et leurs incidences sur la responsabilité des intervenants

Il n'est pas rare ; et même devenu courant ; de voir des maîtres d'ouvrage porter des litiges avec les intervenants devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits d'application des contrats signés avec les prestataires de service ou avec les entreprises d'exécution des travaux.

§ 1 - Les fautes liées aux études architecturales : Impropriété de destination

Comme nous l'avons dit précédemment, le rôle des architectes est très important pour la réussite du projet au vu du rôle qu'ils occupent dans le projet de construction en tant que maîtres d'oeuvres. Leurs interventions peuvent produire des fautes et générer des dommages à l'ouvrage qu'ils dirigent pour le compte du maître d'ouvrage. Or, les architectes oublient parfois que leur responsabilité peut être retenue en cas

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d'impropriété de l'ouvrage à sa destination. Afin d'illustrer ces fautes réelles et vécues au Maroc, nous donnerons quelques cas de fautes (sans prétendre qu'elles soient exhaustives):

- Escaliers non confortables à l'utilisation : Contre marches hautes et/ou marches pas assez larges ;

- Rampe de garage raide rendant le garage du sous sol inaccessible à des voitures basses ;

- Parking impraticable à cause de la multiplicité de barrières tels les poteaux ;

- Conception de pentes d'écoulement des eaux pluviales insuffisantes

- Mauvaise aération de l'ouvrage engendrant l'apparition des traces de condensation et de moisissure ;

- Mauvaise orientation de l'ouvrage engendrant un manque d'ensoleillement.

La nature de responsabilité de l'architecte envers le maître d'ouvrage a longtemps généré des discussions au niveau de la doctrine : est elle une responsabilité de moyens ou de résultats ? La cour de cassation a tranché dans cette affaire1 en énonçant le principe « L'entrepreneur est tenu, sur le fondement de l'article 11472 du Code civil, d'une obligation de résultat, alors que l'architecte répond, pour sa part, d'une obligation de moyen.

§ 2 - Les fautes de conception de l'ouvrage : calcul des structures et contrôle technique de stabilité

Il n'est pas rare de constater que les ouvrages s'écroulent en tout ou en partie suite à une erreur de conception émanant d'un concepteur (ingénieurs en général) ayant la qualité de prestataire de service dans le projet. Ces fautes génèrent la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du prestataire vis-à-vis du maître d'ouvrage en période des travaux ou encore la mise en jeu de sa responsabilité délictuelle après la réception des travaux. Les sinistres générés par ces erreurs de conception sont généralement coûteux et peuvent être à la limite catastrophique pour les propriétaires. Les fautes couramment rencontrées dans le secteur de l'ingénierie et particulièrement dans les études de structure peuvent être résumées comme suit :

- Le manque d'acier dans une structure porteuse peut s'avérer grave pour l'ouvrage surtout pour des structures travaillant en flexion telles les poutres (fissuration

1 Cas Ch Civ 3 Fr 30 Nov 2011 10-21.273 Obligations de Moyens pour l'architecte.

2 Art 1147 : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu 'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

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préjudiciable) ou encore en compression tels les poteaux (flambement du poteau se traduisant par sa ruine);

- La descente de charges a été sous estimée par l'ingénieur tel l'oubli d'un type de surcharge comme la neige ou le vent. Cette catégorie de faute est souvent rencontrée chez des BET qui travaillent dans des régions où ces phénomènes sont inexistants et donc non habitués à les prendre en compte dans leurs calculs ;

- Le sous dimensionnement des structures par souci d'économie commence à être constaté dans les projets. Le souci de l'économie l'emporte sur la sécurité ;

- Les coefficients de sécurité utilisés dans les calculs sont insuffisants ce qui peut générer des pathologies aux structures ;

- L'utilisation d'armatures au lieu de tirants ou d'armatures précontraintes peut être fatale pour les pièces sollicitées.

L'énumération de ces types de fautes incombant aux ingénieurs d'études n'est nullement exhaustive mais permet de situer l'origine des accidents survenus en cours de construction ou après réception des travaux.

Nous pensons que la responsabilité des ingénieurs d'études de structure est une responsabilité de résultat et non de moyens surtout pour des structures traditionnelles et pour lesquelles le secteur du BTP est assez habitué et ayant constitué un recul suffisant pour amoindrir les effets non prévisibles de leurs pathologies. Certes, les études de certains ouvrages posent des difficultés d'atteindre un résultat confirmé. Ce cas se rencontre dans les études maritimes. En effet, le calcul des structures malgré qu'il se base sur des théories maritimes relatives notamment aux structures de digues telle celle de Terzaghi, ne se fait que sur la base d'hypothèses vérifiées par des simulations dans les laboratoires et ce par la création de houle. Les résultats sa basent donc sur des expériences de simulations.

§ 3 - Les fautes liées aux études de sol: Sondages et interprétation des résultats

L'étude géotechnique de sol est d'une importance capitale pour la réussite du projet au niveau sécuritaire de l'ouvrage tant au niveau de sa stabilité en cours des travaux qu'au niveau de sa pérennité dans le temps. En fait, le manque de loi obligeant les maîtres d'ouvrage à recourir systématiquement à des études géotechniques du sol génère beaucoup d'accidents tant en période des travaux qu'après réception de ces derniers.

Lors de l'étude de sol réalisée par les ingénieurs géotechniciens, certaines fautes techniques peuvent être commises et génèrent de ce fait des dommages à l'ouvrage tels que:

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- Mise en place de systèmes de fondation inadaptés au type de sol ou au type d'ouvrage à construire ;

- Non prise en compte ou négligence de l'étude de circulation des eaux souterraines se traduisant par des affouillements de remblais ou par des remontées capillaires rendant le bâtiment inutilisable ;

- Étude de sol incomplète au niveau du nombre ou des profondeurs de sondages exécutés ;

- Non détection d'un karst se traduisant par la remontée de fontis et fissuration des dallages ;

- Sous estimation des effets de groupe de pieux.

Au vu du développement de la technologie et les progrès techniques réalisés cette dernière décennie sur les matériels d'investigation géotechniques sur les sols, les maîtres d'ouvrage vont dans le sens de retenir la responsabilité de résultat et non de moyens pour les ingénieurs géotechniciens. Rappelons tout de même que les études réalisées sur un sol ont un caractère probabilistique puisque ces dernières se basent sur des sondages par prélèvement de carottes qui seront analysés au laboratoire et permettant ainsi de déterminer les caractéristiques physiques et mécaniques du sol qui va supporter l'ouvrage.

D'ailleurs l'article 769 du DOC retient la responsabilité des trois intervenants en cas d'écroulement ou menace d'écroulement dus au vice du sol. Par ailleurs, l'article 7651 retient la responsabilité du géotechnicien ainsi que celle de l'entreprise en cas de vice du sol. Mais en même temps, il avance la possibilité d'exonération de responsabilité au cas où ; implicitement (un ouvrier tel que lui ne pût les connaître) ; la connaissance scientifique n'est pas au niveau de répondre à une telle situation. Explicitement, le législateur marocain retient la responsabilité de l'ingénieur géotechnicien en cas d'accident menant à la ruine ou à la menace de ruine de l'ouvrage qu'il a conçu au niveau géotechnique.

Notons que la géotechnique est une science relativement jeune par rapport à d'autres branches de la construction. Elle se base essentiellement sur des sondages pour analyser la texture d'un sol pour en sortir ses caractéristiques mécaniques qui serviront de base de calcul à bâtir l'ouvrage sur des fondations solides.

Il arrive très souvent que malgré les études, sondages et compagnes de reconnaissance de sol, les géotechniciens ratent un élément géologique important pouvant se traduire dans certains cas par des pathologies très préjudiciables à l'ouvrage2.

1 Article 765 : Lorsque, pendant l'exécution de l'ouvrage, il se produit, ..., dans le sol destiné à la construction, ou autrement, des vices ou défauts de nature à compromettre le bon accomplissement de l'ouvrage, ..... Il répond, en cas d'omission, de tout le préjudice résultant de ces vices et défauts, à moins qu'ils fussent de telle nature qu'un ouvrier tel que lui ne pût les connaître.

2 Cas Ch Civile 3 - 7 Décembre2005 Prv N° 04-17418 Tassement différentiels dus au problème de sol.

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Section 2 - Les assurances couvrant les sinistres

De nos jours, les assurances présentent une nécessité absolue aux ouvrages en cours de construction. En effet, et en l'absence de couverture d'assurance des constructeurs, un seul sinistre peut être à l'origine de l'arrêt du chantier. Les intervenants dans l'acte de construire n'ont pas toujours les moyens financiers pour faire face aux dépenses engendrées par un accident et de ce fait, le maître se trouve face à des entreprises insolvables et incapables financièrement à procéder aux réparations nécessaires.

Afin de présenter les couvertures d'assurance proposées par les assureurs marocains aux constructeurs tels la TRC, la RCP ou la RCD, nous procéderons en premier lieu à une classification des assurances et présenterons ensuite les différentes polices et les garanties qu'elles offrent tout en faisant ressortir aussi leurs limites.

§ 1 - La classification des polices d'assurance

Tout ouvrage à construire ou à monter est exposé aux périls les plus divers. Tout investisseur ; promoteur, organisme de crédit ou maître d'ouvrage soit il ; doit pouvoir être certain que son engagement financier ne soit pas mis en péril par la destruction totale ou partielle de l'ouvrage projeté. Il va donc exiger aux entreprises de construction et des intervenants en général sur chantier de se protéger en achetant une couverture TRC ou TRM1 selon la nature du projet.

Ces couvertures interviennent en phase de construction. Mais, le maître d'ouvrage ou le promoteur peut exiger une assurance couvrant la responsabilité civile dite d'exploitation de l'entreprise et/ou la responsabilité civile décennale des concepteurs du projet et entreprises de construction après réception de l'ouvrage.

Selon le type de maître d'ouvrage, cette assurance de responsabilité peut être obligatoire (cas des marchés publics) ou non (cas des maîtres d'ouvrages privés).

Avant de définir les polices d'assurance souscrites par les professionnels du BTP au Maroc, il serait utile de définir la classification des assurances dans le secteur industriel en général ainsi que le mécanisme d'indemnisation des sinistres dans le cadre des polices d'assurances dommages.

1 Nous rappelons que la police d'assurance TRC est utilisée pour des projets qui ne renferment que de la construction alors que la police TRM est plutôt utilisée pour des projets mixtes renfermant en même temps de la construction et du montage (Exemple des centrales thermiques où le montage des équipements représente plus de 70 % par rapport à la partie GC)

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Le secteur d'assurance est divisé en deux grandes classes d'assurance, divisées elles mêmes en sous classe :

- Les assurances dites « Vie ou Life» coiffent toutes les couvertures de personnes telles l'assurance maladie, la retraite, etc.

- Les assurances dites « Non Vie ou Non Life » sont les assurances autres que les assurances « vie » et sont elles mêmes divisées en deux grandes sous classes : ? Les assurances dites « Dommages » regroupent toutes les polices qui couvrent en général des choses matérielles telles des machines, des chantiers et qui ne s'intéressent qu'au sinistre touchant les choses assurées et ce sans recherche de responsabilité (sauf si l'assureur souhaite faire un recours contre le responsable non assuré)

? Les assurances dites de Responsabilité ou RC et qui couvrent les différentes responsabilités qui peuvent être mises en jeu tant des individus que celles des entreprises : RC Générale, RC Exploitation, RC Travaux, RC Décennale, RC Professionnelle, RC Chasse, etc.

Par ailleurs, le mécanisme d'indemnisation des assurés se base sur la notion de dommage. Or techniquement, un dommage matériel se définit comme une atteinte ou une altération de la substance d'une chose qui diminue la valeur ou l'utilité de cette chose.

En cas de dommage matériel, deux seules alternatives se présenteraient : l'altération de la substance avec diminution de la valeur de la chose endommagée ; ou bien l'altération de la substance avec diminution de l'utilité de la chose endommagée.

Cette définition nous amène à définir la notion de substance telle qu'elle est comprise et interprétée dans le secteur des assurances. La substance d'une chose correspond à la qualité physique et chimique de ses composants, obtenue lors de la fabrication, du montage ou de l'exploitation de ces derniers, ainsi qu'à la capacité de fonctionnement de ceux-ci.

Par conséquent, une simple incapacité de fonctionner sans altération de la substance ne constitue pas un dommage matériel et n'est pas considérée comme sinistre indemnisable. Exemples : la solidification du béton dans une bétonnière, le gel des fours, etc...

Par contre, il y a dommage matériel lorsque des tâches dues à l'action d'un produit chimique se forment par exemple sur le revêtement de la façade d'un immeuble et que la valeur de l'immeuble s'en trouve diminuée.

Or une substance n'est altérée que si son état actuel diffère de son état antérieur. Il y a donc lieu de faire une comparaison entre la situation antérieure à la survenance du sinistre et celle après sinistre.

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Par ailleurs, on entend par défaut, tout écart ; volontaire ou non ; par rapport à l'état actuel de la technique. La référence à l'état de la technique est essentielle : la technique se développe et ce qu'on considère comme défaut aujourd'hui correspondait encore hier aux règles de l'art. D'où l'importance du terme « actuel » dans l'expression « l'état actuel des choses ».

Si le défaut est connu de l'assuré, on dit qu'il s'agit d'un vice. L'assuré est tenu d'éliminer le vice afin d'éviter qu'il ne provoque un dommage matériel. Les frais d'élimination des vices ne sont pas remboursables puisqu'il s'agit de frais qui sont de toute façon considérés comme frais inévitables à l'assuré.

Les règles de l'art sont définies comme les derniers développements pris en compte dans les nouveaux procédés, équipements et conditions d'exploitation qui répondent, d'après les experts, au but recherché notamment au plan de la sécurité. Les aspects commerciaux peuvent être pris en considération. Une bonne application technique est celle qui a fait ses preuves après différents tests et longue utilisation. D'où l'importance du recul observé dans le secteur du BTP pour juger la fiabilité et la qualité de nouveaux matériaux ou procédés de construction.

§ 2 - La police d'assurance Tous Risques Chantiers « TRC » en cours de travaux

L'assurance Tous Risques Chantiers est; comme l'assurance Tous Risques Montage; une branche d'assurance Engineering relativement jeune. Elle est conçue pour les projets de constructions de tout genre.

Les progrès techniques réalisés dans le secteur B.T.P, la valeur de plus en plus grande de chaque projet et l'accroissement du risque technique et commercial qui en résulte, ont fait augmenter dans le monde entier, la demande de l'assurance TRC. La concurrence, de plus en plus vive, a contraint les entreprises de construction à ne plus majorer leur prix de façon suffisante pour tenir compte des risques auxquels elles sont exposées. D'autre part, les assureurs calculent leurs primes d'une façon plus rigoureuse. D'une manière indirecte, l'assurance TRC contribue à faire baisser le coût de construction tout en offrant aux parties intéressées une protection financière.

Contrairement aux polices de Responsabilité Civile appelées communément les polices RC, la police TRC rentre dans la catégorie des polices dites " polices dommages ".

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Dans le cadre d'une police RC, un sinistre ne sera pris en charge que si les responsabilités sont clairement définies par voie amiable ou par voie judiciaire. Cette procédure prend beaucoup de temps et peut parfois durer des mois voir des années même. Il est donc clair que ce genre de couverture n'est pas adapté aux chantiers vu le temps alloué et arrêté pour réaliser l'ouvrage. Si on réparait un dommage sur un chantier seulement lorsque les responsabilités aient été déterminées, cet ouvrage risquerait de ne jamais voir le jour.

La réponse à l'attente des maîtres d'ouvrages et des intervenants a été, bien entendu, à l'origine de la création de cette couverture bien adaptée aux chantiers et qui consiste à indemniser les sinistres sans recherche préalable des responsabilités à condition bien sûr que la police couvre le dommage et qu'aucune clause ne s'oppose à sa prise en charge.

C'est une police ; comme son nom l'indique « Tous Risques Chantiers » ; qui doit garantir tous les risques inhérents à l'activité de réalisation d'un ouvrage qui peut aller d'un simple bâtiment à un barrage ou un tunnel. Elle couvre aussi tous les intervenants sur chantier. Mais il arrive que certaines entreprises s'assurent séparément. Ce schéma est des plus fâcheux scénarios pour le maître d'ouvrage qui peut se peut se trouver dans une situation inconfortable entre deux assureurs qui se rejettent mutuellement la prise en charge du sinistre.

La police TRC est une assurance qui couvre les dommages imprévus et soudains pouvant avoir deux origines différentes :

A - Dommages dus au facteur humain :

Tous les dommages subis par l'ouvrage en cours de construction pouvant arriver à l'effondrement total ou partiel de l'ouvrage. Une erreur humaine, tel qu'un décoffrage prématuré, peut être à l'origine de l'effondrement d'une partie ou de la totalité de l'ouvrage.

L'incendie est le résultat de l'utilisation de matériaux inflammables dans les chantiers et la non observation, par le personnel des entreprises des règles élémentaires de prévention contre les incendies ce qui s'avère à la base d'incendies parfois catastrophiques.

Le vol sur chantier est assez fréquent notamment pour le petit matériel ou pour les matériaux de construction tels que les sacs de ciment ou les barres d'acier.

L'inondation par le fait de l'homme tel le fait d'oublier un robinet ouvert peut causer des dommages importants et particulièrement aux matériaux de construction stockés et pouvant être sensibles à l'eau.

B - Dommages dus aux événement naturels :

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Les tremblements de terre sont néfastes pour les constructions. Les ingénieurs concepteurs connaissent bien les méfaits des tremblements de terre sur les ouvrages et particulièrement sur ceux qui sont en cours de construction.

Les tempêtes peuvent causer des dommages très graves et particulièrement dans les régions réputées exposées à ce genre d'événement naturel.

La foudre peut être à l'origine de défaillances de matériels électriques, électroniques ou téléphoniques montés dans l'ouvrage. Elle peut provoquer aussi des incendies.

L'inondation naturelle peut rendre le chantier inaccessible, endommager les matériaux et matériels et mettre en péril l'ouvrage,

Le raz de marée dans des régions où ces phénomènes sont fréquents peuvent causer des dommages très importants aux ouvrages en construction. L'énergie libérée par l'eau peut être très néfaste à l'ouvrage et peut provoque l'affouillement des fondations par exemple.

Il est fort regrettable que cette police d'assurance ne soit pas obligatoire pour les marchés privés. Elle ne l'est que pour les marchés publics tel qu'il est précisé dans l'article 24 du CCAG-T.

Nous constatons que plus de 60 % des chantiers ne sont pas assurés en TRC. Cette situation génère des arrêts de chantiers très longs à cause de l'insolvabilité des entreprises à réparer les dommages subis par l'ouvrage. Il serait vraiment temps que le prochain code de construction (encore en gestation) rende cette couverture d'assurance obligatoire.

§ 3 - La police RC professionnelle des architectes et ingénieurs

Toute entreprise, qu'elle soit civile ou commerciale, individuelle ou sociale, encourt une responsabilité civile relative à la profession qu'elle exerce (RC exploitation, RC après livraison,...).

Mais le terme de RC professionnelle est utilisé plutôt pour les prestataires de service ayant une activité intellectuelle, là où l'inexécution ou la mauvaise exécution de la prestation est susceptible de causer des préjudices d'ordre économique et qui ne sont pas nécessairement des dommages corporels ou matériels.

La RC professionnelle peut être définie comme étant une assurance qui garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile légale contractuelle et extra-contractuelle de l'assuré :

- en raison des dommages corporels, matériels, et immatériels causés à autrui ;

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- par suite d'omissions, erreurs ou négligences commises dans l'exercice de la profession décrite dans la police.

Dans l'exercice de leurs métiers, les professionnels prestataires de service peuvent commettre des erreurs ou omissions qui pouvant engager leur responsabilité civile vis-à-vis de leurs clients :

? Un médecin qui prescrit un mauvais médicament à un patient1,

? Un avocat qui néglige une procédure empêchant de faire valoir les droits de son client 2;

? Un ingénieur qui commet une faute de conception3 ;

? Un architecte qui commet une faute qui empêche le maître d'ouvrage d'obtenir son permis de construire4.

? Etc...

Dans ce genre de situation, la question qui se pose d'elle-même « Qui va payer les dommages subis par les clients dans ces circonstances ? ». Les dommages peuvent s'avérer importants et élevés que le prestataire ne soit pas en mesure d'en faire face et sera ; dans ce cas ; dans l'incapacité financière d'indemniser le tiers lésé. C'est pour cette raison que l'assurance dite « Responsabilité Civile Professionnelle » est proposée par les assureurs aux prestataires de service. Elle s'adresse aux professionnels qui exercent un métier intellectuel et qui ne participent pas à l'exécution des travaux. Cette assurance vient en complément de l'assurance responsabilité civile générale afin d'assurer une couverture complète.

La doctrine précise qu'une personne qui rend des services professionnels à ses clients a un devoir de prudence et de diligence5. Le professionnel doit aussi faire preuve de compétence dans son travail. Si le professionnel n'exerce pas sa profession avec un degré de compétence attendue, il est considéré comme ayant été négligent et s'expose à des poursuites de ceux qui se déclarent lésés par le fait de ses fautes.

Il parait donc indispensable pour les ingénieurs et architectes ainsi que les entreprises qui les emploient de souscrire une assurance couvrant leur responsabilité

1 Trib Inst Marrakech Jugement N° 3812 21-5-1992 du 21 Mai 1992 Dossier N° 899-90 : La prescription de médicaments inadéquats engendrant la cécité de la victime constitue une faute professionnelle engageant la responsabilité du médecin

2 Sup Arrêt n° 64 du 16 Janvier 2008 Un commerçant qui perd la propriété de son fond de commerce du fait de la négligence de son avocat, qui a omis d'effectuer une procédure impérative.

3 Fr Cas Ch Civ 3 2 Novembre 1982 N° 81-12.651 Ingénieur concepteur responsable des désordres affectant les canalisations qu'il a conçues.

4 Fr Cas Ch Civ 3 du 26 Septembre 2007 Ar N° 06-16420 Non obtention de permis de construire à cause d'une faute Professionnelle de l'architecte.

5 Art 78 du DOC stipule « ... La faute consiste, soit à omettre ce qu'on était tenu de faire, soit à faire ce dont était tenu de s'abstenir, sans intention de causer un dommage. »

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civile professionnelle. Au vu des réclamations qui s'amplifient, de la conscience de plus en plus protestataire du citoyen ainsi que des affaires portées devant les différentes juridictions du Maroc, les professionnels se voient contraints de plus en plus à se couvrir contre de tels risques.

A ce jour, peu de professions se voient obligées par la loi de souscrire de telles assurances :

? Architectes : loi 016-89 Article 26 ;

? Ingénieurs géomètres topographes : Loi 30-93 Article 19 ;

? Intermédiaires d'assurance : Code des assurances Loi 17-99 Art 303.

Hormis les ingénieurs géomètres topographes, aucune loi marocaine n'oblige les ingénieurs de souscrire une police d'assurance couvrant leur responsabilité civile professionnelle. Il est fort regrettable que cette exigence ne puisse pas encore voir le jour au vu des risques grandissants que commencent à vivre ces métiers.

§ 4 - La police RC Décennale

A - Le cadre juridique de la RC décennale au Maroc

L'article 769 du D.O.C. précise que "l'Architecte ou Ingénieur et l'Entrepreneur chargés directement par le Maître sont responsables lorsque, dans les dix années à partir de l'achèvement de l'édifice ou autre ouvrage dont ils ont dirigé ou exécuté les travaux, l'ouvrage s'écroule, en tout ou en partie, ou présente un danger évident de s'écrouler, par défaut de matériaux, par le vice de la construction ou par le vice du sol.

L'architecte qui n'a pas dirigé les travaux ne répond que des défauts de son

plan.

Le délai de dix ans commence à courir du jour de la réception des travaux. L'action doit être intentée dans les trente jours à partir du jour où s'est vérifié le fait qui donne lieu à la garantie; elle n'est pas recevable après le délai."

Cet article a vu le jour en 1913 et a été modifié en 1959. Il fait ressortir les idées

principales suivantes :

- La responsabilité incombe à trois principaux intervenants à savoir l'architecte,

l'ingénieur et l'entrepreneur.

- Cette responsabilité dure dix ans (d'où l'adjectif de décennale attribué par les

assureurs) à compter de la réception des travaux.

- La responsabilité des intervenants directs est retenue dans deux cas :

? l'effondrement total ou partiel de l'ouvrage;

? la menace d'effondrement total ou partiel de l'ouvrage.

- L'action contre le responsable doit être intentée dans un délai de trente jours.

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Cette responsabilité incombe aux intervenants ayant un contrat direct avec le maître d'ouvrage et exclut de ce fait les sous traitants par exemple. Cette situation n'est pas confortable pour les propriétaires qui ne peuvent invoquer la responsabilité décennale que des professionnels qui ont souscrits un contrat direct avec le maître d'ouvrage.

B - Principes de l'assurance décennale

L'assurance décennale a pour rôle de couvrir la responsabilité des intervenants dans l'acte de construire telle qu'elle est définie dans l'article 769 du DOC. Il en résulte que tous les intervenants directs liés au maître d'ouvrage par un contrat doivent figurer parmi les assurés à l'exception du Bureau de Contrôle. Le maître d'ouvrage peut bénéficier de la qualité d'assuré vu qu'il fournit dans certains cas des prestations de services ou/et des matériaux de construction (c'est le cas notamment des promoteurs immobiliers).

Partant de l'article 769 du DOC, cette police doit couvrir les 4 rubriques

suivantes :

? L'erreur de conception ;

? La faute d'exécution ;

? Le défaut des matériaux ;

? Les pathologies de l'ouvrage dues au sol.

Tel que le stipule l'article 769 du DOC, la responsabilité des intervenants (durant dix ans après la réception des travaux) se voit retenue et engagée dans deux cas précis à savoir l'effondrement et la menace d'effondrement. En d'autres termes ; implicitement ; seuls les éléments porteurs (éléments qui concourent à la solidité et stabilité de l'ouvrage : fondations, poteaux, poutres, dalles, murs de refend, cages d'escaliers, etc...) sont concernés par cet article. Par conséquent, l'assurance décennale ne couvre en principe que les éléments porteurs qu'on appelle communément le gros oeuvre : le second oeuvre est exclu de cette couverture.

Néanmoins, le second oeuvre peut être couvert par répercussion dans le cadre de la police décennale : les désordres propres du second oeuvre seront exclus mais par contre les dommages subis par ce dernier suite à un effondrement d'un élément porteur (sinistre de type décennal) sera pris en charge par la police contractée.

La couverture généralement octroyée est décennale, non résiliable et avec prime unique. On peut imaginer néanmoins des cas où la garantie délivrée est annuelle et donc renouvelable : cas pratiquement non rencontré au Maroc : La majeur partie des traités de réassurance des compagnies d'assurance n'envisagent pas ce cas de figure.

Le coût moyen de l'assurance décennale s'élève à environ 1 % du montant de la construction.

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La franchise à la charge de l'assuré varie en général pour des ouvrages courants et des fondations classiques entre 1 et 4 %0 du montant de la construction. Elle a pour effet de réduire les coûts de gestion du contrat d'assurance et donc d'en diminuer la prime pour l'assuré, de moraliser le risque et est opposable au bénéficiaire de la couverture. Mais la franchise pose un sérieux problème au cas où l'entreprise disparaitrait ou vit des difficultés financières. Il serait plus judicieux et profitable ; pour les acquéreurs d'ouvrages ; que la garantie décennale soit octroyée sans franchise au départ quitte à payer la prime y afférente.

L'assurance décennale offre une réelle protection et sécurité au maître d'ouvrage en cas d'effondrement ou menace d'effondrement de son ouvrage. Cette couverture est valable même en cas de disparition des constructeurs de l'ouvrage et les maîtres d'ouvrage sont indemnisés pour réparer le préjudice subi par leur ouvrage.

Cette couverture est adéquate pour prendre en charge les sinistres graves engendrant des coûts insupportables pour l'assuré.

Par contre, elle ne les dispense pas de participer de manière active et permanente à l'entretien de leurs ouvrages. L'expérience a d'ailleurs montré que la pérennité des constructions dépend en grande partie de leur entretien.

Par ailleurs cette police d'assurance n'assure que la responsabilité délictuelle des constructeurs. L'obligation contractuelle de faire n'entre pas dans le champ d'application de l'assurance de responsabilité des entre preneurs. Car il n'appartient pas à l'assureur de responsabilité de se substituer à un assuré pour accomplir les prestations auxquelles celui-ci s'est contractuellement engagé1.

C - Exclusions de la police décennale

L'assurance décennale est une garantie de résultats. Elle exclut notamment un certain nombre de postes qui sont rachetables moyennant l'établissement de rapports spécifiques avant la souscription du risque, d'autres postes ne le sont pas.

Exclusions non rachetables

Comme toute police d'assurance, la police d'assurance RC Décennale comporte des exclusions. Globalement, ces dernières rappellent à l'assuré que la police RC Décennale se différencie des polices d'assurance d'exploitation des ouvrages telles les polices Multirisques. Ces exclusions s'expriment comme suit :

? La fraude, les faits intentionnels de l'assuré.

? L'incendie, l'explosion sauf si elles sont la conséquence d'un sinistre indemnisable au titre du contrat décennal.

? Mouvement non naturel du sol (par exemple : les exploitations minières).

? Événements naturels (inondations, cyclone, tremblement de terre, etc...).

1 LAMBERT-FAIVRE (Y), Risques et assurances des entreprises, Paris, ÉDITIONS DALLOZ,, 1991, P 712

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· La guerre étrangère et civile.

· Effets directs ou indirects d'explosions, de dégagement de chaleur, d'irradiations, etc...

· Les biens autres que la construction.

· Second oeuvre affecté et dont l'origine du sinistre ne se trouve pas dans le gros oeuvre.

· Défaut d'entretien, usage anormal, usure, vieillissement normal.

· Modifications ultérieures (rajout d'étages par exemple).

· Réserves émises et non levées du B.C.

· Équipements autres que les équipements du bâtiment (exemple : machines de production, outils, équipements ménagers, etc...).

· Matériaux nouveaux non acceptés par l'assureur.

Ces exclusions concernent les assurés à savoir les constructeurs, alors que les bénéficiaires réels de la police d'assurance sont les exploitants ultérieurs tels les acquéreurs d'appartements ou locaux commerciaux qui vont subir ces exclusions. En parallèle à cela, le code des assurances dans son article 63 stipule clairement que les manquements de l'assuré ne sont pas opposables aux tiers1.

Exclusions rachetables sous conditions

- L'étanchéité et ses conséquences : une extension à cette exclusion est envisageable moyennant l'examen minutieux des rapports D3 et D3 bis.

- Les travaux de pieux de fondations, puits en terrain difficile, parois moulées, les ouvrages sur remblais, ouvrages sur pente de terrain supérieure à 30 %: exclusion rachetable après examen du rapport "fondations spéciales".

- Les existants : le rapport D4 doit être établi par le bureau de contrôle et examiné minutieusement par l'assureur.

- La responsabilité civile vis à vis des tiers.

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1 Art 62 stipule : « ...Aucune déchéance motivée par un manquement de l'assuré à ses obligations commis postérieurement au sinistre n'est opposable aux tiers bénéficiaires.... »

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Conclusion du chapitre

Les assurances couvrant la responsabilité des intervenants s'articulent autour de deux polices principales : la police RC Professionnelle et la police RC Décennale. La première est tellement restreinte que les exclusions l'emportent sur les garanties et réduisent d'une façon remarquable les couvertures proposées par les assureurs. Quant à la police RC Décennale est une couverture qui n'intervient qu'en cas de catastrophe ; cas d'effondrement ou menace d'effondrement ; alors que les sinistres courants et fréquents ne trouvent pas toujours leurs origines dans l'effondrement ou la menace d'effondrement des constructions. Le secteur d'assurance devrait fournir un effort afin de couvrir au mieux les ingénieurs et architectes tant dans le cadre de la police RC Professionnelle qu'au niveau de la police RC Décennale.

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Chapitre 2 - Limites de la législation marocaine et comparaison avec d'autres systèmes législatifs

Afin d'analyser la carence de la législation marocaine relative au domaine de la construction, il nous apparait utile et nécessaire de la comparer avec d'autres législations qui ont des points communs historiques ou culturels avec le Maroc. Pour ce faire, nous avons choisi le cas de la France ainsi que celui de la Tunisie. Le cas de ce dernier pays est très riche en enseignement vu qu'elle montre l'évolution de lois en relation et les erreurs de copiage et transposition de lois importées à ne pas commettre. Cette étude comparative permettra ; nous l'espérons en tous les cas ; à une réflexion profonde de notre législation et de la mettre au diapason des attentes des professionnels du secteur du BTP au Maroc.

Ce chapitre ; tout en analysant et en comparant les trois législations ; fera sortir les attentes des professionnels et qui sont en relation avec les contraintes et difficultés du secteur de la construction au Maroc.

Section 1 - Les différentes carences

Les différentes carences de la législation dans le domaine de la construction se manifeste à plusieurs nivaux. Le premier niveau est rencontré dans l'absence d'un code spécifique à la construction. La majeure partie des relations contractuelles qui régissent les constructeurs sont définies dans le DOC. Mais ces définitions sont d'ordre général et ne prennent aucunement la spécificité et la particularité du secteur BTP. Parallèlement, on comprend parfaitement l'utilité du code des assurances par exemple qui est venu répondre aux préoccupations particulières du secteur d'assurance. Il serait utile et même nécessaire d'entreprendre la même démarche dans le secteur du BTP.

Par ailleurs, et en l'absence de ce code de construction, les articles du DOC relatifs au secteur de la construction, ne peuvent en aucune façon répondre à toutes les préoccupations des intervenants dans le secteur du BTP et à fortiori les ingénieurs concepteurs.

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§ 1 - Les articles du DOC régissant les contrats de louage d'ouvrage

La responsabilité des constructeurs pendant les travaux de construction de l'ouvrage se distingue de celle durant l'exploitation de l'ouvrage appelée communément "période décennale".

A - Responsabilité contractuelle durant les travaux

Le DOC dans son chapitre III relatif au louage d'ouvrage et louage de services a consacré plusieurs articles à ce sujet1. Les contrats de louage de services et d'ouvrages sont régis par les articles 723 et suivants du DOC.

Les articles réservés au louage de services et qui devraient normalement concerner les prestations de service tels les prestations d'ingénierie ou d'architecture se prête plutôt à régir la relation de service liant le salarié à son employeur. Ces articles ne sont nullement adaptés à la relation d'indépendance et non de subordination qui lie les prestataires de service au maître d'ouvrage. Dans ce cas, la jurisprudence marocaine s'appuie sur les articles 228 et suivants relatifs à l'effet des obligations en général. Un arrêt 2 de la cour de cassation relatif à un litige opposant un maître d'ouvrage à un architecte sur l'interprétation du contenu du contrat et de la définition exacte de la mission de l'architecte corrobore la non adaptation de ces articles de louage de service du DOC aux métiers de prestation de service.

D'autre part, la loi N° 016-893 relative à l'exercice de la profession d'architecte définit la mission de l'architecte dans son article 1er par : "l'architecte est chargé de la conception architecturale des bâtiments et des lotissements, de l'établissement des plans y afférents et de la direction de leur exécution.

Il peut être également chargé du contrôle de la sincérité des mémoires comptables des entrepreneurs qui concourent à la réalisation des travaux afférents aux actes précités."

Par cette loi, le législateur a clairement responsabilisé l'architecte pour le contrôle de sincérité et véracité des dépenses relatives aux travaux de réalisation de l'ouvrage. En d'autres termes, la responsabilité contractuelle de l'architecte ne se limite pas uniquement à la conception architecturale de l'ouvrage et la production de plans mais s'étend à d'autres domaines liés à la vie et survie du chantier.

1 Art 723 à 745 : Dispositions générales, Art 746 à 758 bis : Louage service et Art 759 à 780 : Louage d'ouvrage

2 Cas Ar N° 1973 du 16/05/2004 L'article 230 L'arrêt s'est basé sur l'article 230 du DOC.

3 Loi N° 016-89 relative à l'exercice de la profession d'architecte et à l'institution de l'ordre national des architectes promulguée par dahir n°1-92-122 du 10 septembre 1993.

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Mais la question qui se pose d'elle-même : Est-ce que les architectes marocains sont entièrement et totalement conscient de l'énorme responsabilité qui pèse sur eux dans la direction des chantiers.

B - Responsabilité quasi délictuelle en période décennale

La responsabilité des constructeurs après la réception de l'ouvrage est définie par l'article 769 du DOC1. C'est une responsabilité d'ordre public et ne peut en aucun être écartée ou diminuée par une clause ou une convention.

La législation marocaine renferme un seul article traitant des responsabilités des intervenants dans l'acte de construire en période d'exploitation idem après la réception des travaux. Cet article responsabilise les intervenants pendant une durée de 10 ans de la solidité de l'ouvrage.

L'expérience nous a montré l'insuffisance, la carence et l'obsolescence de cet article menant à des situations des plus fâcheuses pour les professionnels.

Il faut noter que l'article 769 a fait son apparition en 1913 et a été modifié en 1959 et ce en prolongeant la période de garantie de 5 à 10 ans sans pour autant toucher aux autres dispositions. Il parait logique qu'il ne réponde plus aux exigences de l'heure actuelle au vu de la complexité de la construction et la multitude des intervenants pour la réalisation d'un ouvrage.

L'article ne mentionne pas des intervenants qui ont vu le jour récemment et en particulier les bureaux de contrôle technique, les ingénieurs géotechniciens et ingénieurs topographes alors qu'ils ont une responsabilité aussi importante que les autres intervenants.

Le ministère de l'Habitat a dénombré plus de 250 intervenants dans la réalisation d'un ouvrage alors que l'article s'appuie encore sur trois intervenants et limite la responsabilité décennale à ces seuls intervenants.

Par ailleurs, seuls les intervenants ayant un contrat direct avec le maître d'ouvrage sont concernés par cette responsabilité décennale. En d'autres termes, les sous traitants et fournisseurs ne sont nullement concernés par cet article.

1 Art 769 DOC :"L'architecte ou ingénieur et l'entrepreneur chargés directement par le Maître sont responsables lorsque, dans les dix années à partir de l'achèvement de l'édifice ou autre ouvrage dont ils ont dirigé ou exécuté les travaux, l'ouvrage s'écroule en tout ou en partie ou présente un danger évident de s'écrouler, par défaut des matériaux, par le vice de la construction ou par le vice du sol.

L'architecte qui n'a pas dirigé les travaux ne répond que des défauts de son plan.

Le délai de dix ans commence à courir du jour de la réception des travaux. L'action doit être intentée dans les trente jours à partir du jour où s'est vérifié le fait qui donne lieu à la garantie ; elle n'est pas recevable après le délai."

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Un autre problème de taille se rajoute à cette carence est celui de la notion d'ouvrage qui n'est pas définie. En d'autres termes, est ce un ouvrage d'art tel une autoroute, un réservoir, un barrage, etc... peut il être considéré par cet article au même titre qu'un simple bâtiment de deux ou trois étages. Il est devenu nécessaire d'avoir une liste exhaustive des ouvrages concernés par la responsabilité civile décennale des intervenants.

Le point de départ de cette responsabilité est défini tantôt par l'achèvement des travaux tantôt par l'acte de la réception. Or la notion de réception pose beaucoup de problèmes sachant qu'il y a deux réceptions sur chantier : La réception provisoire et la réception définitive.

Il y a lieu de noter que ce problème subsiste pour les maîtres d'ouvrage privé et résolu pour les marchés publics puisque le C.C.A.G.T1 et dans son article 242 relatif aux assurances à souscrire par l'entreprise de construction a clairement défini le commencement de l'assurance couvrant la responsabilité décennale par l'acte de la réception définitive et non pas provisoire.

Par cette définition de la date d'effet de la police décennale, le législateur reconnait implicitement que le transfert de la propriété coïncide avec la réception définitive et non pas avec la réception provisoire. D'ailleurs même cette disposition trouve des difficultés d'application puisque plus de 80% des ouvrages sont exploités par les maîtres d'ouvrages publics à la réception provisoire.

Par ailleurs, l'absence de présomption de responsabilité des professionnels dans la législation marocaine pénalise le consommateur vu que la faute doit être prouvée par ce dernier. Il serait certainement plus logique que ça soit au technicien (l'intervenant) de prouver que sa responsabilité n'est pas engagée vu qu'il a les moyens techniques de le faire.

Le délai de déclaration du dommage est limité à 30 jours alors que la détermination du degré de gravité d'une fissure ; par exemple ; peut prendre parfois des mois.

Par ailleurs, le point le plus inquiétant dans la pratique de cet article par les assureurs réside dans le délai de règlement des sinistres dans le cas où l'ouvrage est couvert par une police décennale. Le temps pris pour déterminer les responsabilités,

1 Cahier des Clauses Administratives Générales applicables aux marches de travaux exécutés pour Le compte de L'État approuvé par le Décret N° 2-99-1087 du 29 Moharrem 1421 - 4 Mai 2000

2 Art 24 CCAG-T: "La période de validité de cette assurance court depuis la date de réception définitive jusqu'à la fin de la dixième année qui suit cette réception."

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étudier la prise en charge du sinistre par l'assureur ou son rejet et l'indemnisation effective de l'assuré peut parfois être compté non pas en mois mais plutôt en années. Or, comme on le sait, une construction endommagée et non réparée à temps, peut voir sa pathologie aggravée et les frais de sa réparation augmenter.

Les assureurs marocains offrent une couverture décennale aux constructeurs sur la base de cet article. La couverture proposée par ces derniers restent en dessous des attentes des professionnels du secteur du BTP. Cette situation ne peut que militer en faveur de ces professionnels en vue de changer la loi et ce en mettant en place une législation adaptée au secteur de la construction.

§ 2 - Les articles 1792 et suivants du code civil français et l'obligation d'assurance

La loi française gérant les responsabilités des intervenants dans l'acte de construire a connu un développement1 et qui a été traduit par la promulgation de la loi du 4/1/1978 dite "loi SPINETTA" du nom de son auteur. Cette loi avait pour objectif de protéger le consommateur français et en même temps améliorer la qualité de la construction à travers l'obligation de contrôle technique pour certains ouvrages.

Avant l'établissement de cette loi, les constats du rapport SPINETTA établi en 1975 font ressortir les points suivants :

A - Accroissement des sinistres en fréquence et en coûts moyens dus à des causes techniques et professionnelles (préfabrication des éléments lourds, les immeubles sont de plus en plus hauts, sous sols de plus en plus profonds, etc...).

Les statistiques montrent que le coût moyen des sinistres progresse de 50 % plus vite que le coût de la construction : les réparations coûtent plus chères que les constructions neuves en raison de la main oeuvre.

B - Les délais de règlement des sinistres par les assureurs sont longs:

L'enquête menée a montré la répartition des délais de règlement des sinistres comme suit2:

25 % 2 ans

25 % entre 2 et 4 ans

1 Ce développement est considéré par certains comme une révolution

2 Lambert-Faivre (Y), Risques et assurances des entreprises, Paris, Éditions DALLOZ, 1991

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25 % entre 4 et 8 ans

25 % au delà de 8 ans et peut arriver à 20 ans

C - La sous assurance du secteur de la construction est constante laissant les victimes

ainsi sans recours :

L'enquête du rapport SPINETTA a conclu à la répartition de la sous assurance

dans le secteur de la construction comme suit:

50 % de non assurés dans l'ingénierie et la maîtrise

oeuvre.

40 % de non assurés dans les entreprises de

construction.

90 % de non assurés chez les fournisseurs, fabricants

des matériaux et équipements utilisés dans la

construction.

Ces constats ont conduit à la conclusion suivante : la création d'un système légal d'assurance est obligatoire sans pour autant imposer un bouleversement symétrique des règles de la responsabilité en la matière.

On peut retenir quatre principaux axes de la loi SPINETTA:

1) Les responsabilités

Les responsabilités des intervenants sont définies par les articles 1792 et suivants ainsi que par les articles 2270 et 1646 du code civil français. Afin d'analyser cette composante de la loi SPINETTA qu'est la responsabilité, nous analyserons les articles concernés et ferons dans la mesure du possible une analyse comparative avec la loi marocaine.

L'article 1792: Définition des responsabilités

"Tout constructeur est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère."

Cet article a fait ressortir deux points importants en matière de responsabilité des intervenants :

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- La responsabilité d'un intervenant est engagée aussi bien envers le maître d'ouvrage qu'envers l'acquéreur. En d'autres termes, la responsabilité de l'intervenant demeure engagée même en cas de cession de l'ouvrage à un nouvel acquéreur. Contrairement à l'article 769 du DOC marocain qui ne retient la responsabilité des intervenants qu'en vers le maître d'ouvrage

- La présomption de responsabilité des constructeurs en tant que professionnels est explicitement exprimée dans cet article « Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère » alors que l'article 769 du DOC marocain n'en parle pas.

- Contrairement à l'article 769 du DOC marocain qui ne retient la responsabilité des intervenants professionnels qu'en cas d'écroulement ou menace d'écroulement, l'article 1792 du code civil français avance le concept selon lequel le dommage est lié à l'impropriété à destination ou encore "l'ouvrage impropre à sa destination". Concept très contesté d'ailleurs par les professionnels du BTP. En effet, ce concept peut être utilisé à tort et à travers pour porter l'affaire devant les juridictions. L'interprétation de la notion de l'impropriété à destination dépend de tout un chacun. On peut remarquer d'ailleurs l'augmentation du nombre des contestations des assurés envers les assureurs et particulièrement envers les bureaux de contrôle suite à des dommages constatés ; même minimes soient ils ; constatés dans l'ouvrage.

Nous faisons remarquer que plusieurs réassureurs étrangers se sont retirés du marché français à cause de cette loi craignant ainsi un déficit de la branche d'assurance décennale.

L'articles 1792-1 : Définition du constructeur

Cet article avait pour vocation la définition exacte du constructeur. Les

constructeurs aux yeux de la loi sont les suivants :

? Architecte

? Entrepreneur

? Tout technicien

? Toute personne liée au Maître d'Ouvrage par contrat

En d'autres termes, tout intervenant dans l'acte de réalisation et ayant la qualité

de technicien ou ayant un lien contractuel avec le maître d'ouvrage a la qualité de

constructeur et de ce fait, sa responsabilité décennale peut être retenue en cas de

sinistre.

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L'article 1646- 1 : Responsabilité du vendeur

Le vendeur d'un immeuble est responsable au même titre que les intervenants directs : Le promoteur immobilier est impliqué autant que les intervenants directs. Les garanties souscrites par le premier acquéreur bénéficient aux propriétaires successifs.

Article 1792-2 : Équipements indissociables de l'ouvrage

Cet article précise que la présomption de responsabilité est retenue aussi pour les équipements indissociables de l'ouvrage 1. En d'autres termes, le législateur ne s'est pas contenté uniquement des travaux de gros oeuvre mais a étendu la responsabilité des constructeurs à la détérioration des équipements indissociables au bâtiment. Il a voulu visé la non seulement la pérennité de l'ouvrage mais la pérennité et la continuité de son fonctionnement dans un environnement techniquement valable et correct.

Par contre le DOC marocain s'est contenté uniquement de la stabilité et la solidité de l'ouvrage et a réduit la responsabilité des professionnels aux seuls dommages pouvant toucher la structure porteuse.

L'article 1792-4 : Responsabilité des fabricants

Cet article précise que la responsabilité des fabricants et importateurs est retenue au même titre que celle des autres intervenants directs objet de l'article 1792. Nous considérons que cet article a rendu une certaine équité aux entreprises de construction qui peuvent être poursuivies pour l'utilisation d'un matériau, matériel ou équipement défectueux sans le savoir.

Alors que le législateur marocain est resté muet à ce sujet et les entreprises doivent se retourner contre les fournisseurs en cas de vice des matériaux tel qu'il stipulé dans l'article 769. Cette procédure ne peut que retarder les recherches de responsabilité et l'aggravation des dommages subis par la construction objet du litige.

2) L'obligation d'assurance

La loi SPINETTA a défini deux assurances différentes et qui se veulent

complémentaires :

- l'assurance "Dommages" devant être souscrite par le maître d'ouvrage,

- l'assurance de "Responsabilité" devant être souscrite par les intervenants dans

l'acte de construire.

Cette obligation est définie par deux articles:

1 Un équipement est dit indissociable de l'ouvrage lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

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L'article 1792 - 3

Outre les assurances Dommages ( Maître d'ouvrage ) et l'assurance de Responsabilité décennale des intervenants, le législateur français a conçu deux autres garanties à savoir la garantie biennale et la garantie de parfait achèvement :

- les équipements dissociés de l'ouvrage doivent bénéficier d'une garantie de bon fonctionnement pour une durée de deux années. Cette garantie connue sous le nom de « garantie biennale ». Par le biais de cet article, on comprend que le législateur français voulait protéger au maximum le consommateur in fine par le truchement de cette garantie biennale.

Le code de la consommation marocain loi 31.08 ; récemment adopté ; applique ce principe de garantie ; dans son article 65 ; de deux ans pour les biens immeubles et une année pour les biens meubles. Mais notons que cet article ne peut s'appliquer qu'à un consommateur défini par l'article 2; du même code ; par une personne physique ou morale qui achète une marchandise, un équipement ou un service pour un usage non professionnel. Les entreprises de construction ne peuvent être considérées comme des consommateurs puisqu'ils aquièrent des équipements à des fins purement professionnelles et en vu de les intégrer dans une construction. Même si encore le DOC précise dans son article 549 que « le vendeur garantit les vices de la chose qui en diminuent sensiblement la valeur, ou la rendent impropre à l'usage ... etc » ne résout nullement les problèmes liés à la garantie des équipements incorporés dans la construction puisqu'il ne définit pas une durée rédhibitoire (durée de vie minimale pour un fonctionnement normal) pour ces derniers.

L'article 1792 - 6

Comme on l'avait dit précédemment, le législateur a prévu une garantie supplémentaire appelée la garantie de parfait achèvement. En fait, l'entrepreneur est tenu par une garantie de pérennité de sa construction pour une durée d'un an. L'idée étant de donner une année au maître d'ouvrage la possibilité de constater les défauts et vices pouvant se manifester durant cette période dans son ouvrage et de les déclarer à l'entrepreneur. Ce dernier sera tenu de les réparer durant cette année dite période de parfait achèvement. En fin de compte, cette période coïncide avec la période de maintenance pour les chantiers couverts par une police d'assurance du type TRC avec la garantie supplémentaire appelée garantie de maintenance. En effet, la garantie maintenance offre deux variantes : la maintenance limitée et qui ne prend en charge que les sinistres survenus pendant la maintenance et ayant leur origine pendant la période de maintenance. Quant à la maintenance étendue, elle couvre tous les sinistres survenus pendant la période de maintenance que leur origine soit en priode travaux ou

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en période de maintenance. Il est clair que la maintenance étendue offre plus de garantie et propose un éventail d'indemnisation plus intéressant que celui de la maintenance limitée. 1

La loi précise que ces défauts constatés par le maître d'ouvrage doivent être mentionnés sur le procès verbal établi lors de la réception de l'ouvrage ou notifiés par voie écrite à l'entrepreneur (après réception).

L'Obligation d'assurance

Le législateur a rendu obligatoire deux types d'assurances différentes et distinctes mais complémentaires.

A - L'assurance de responsabilité est obligatoire pour tous les intervenants dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos de travaux de bâtiments.

En effet, l'article L24-1 du code des assurances français stipule dans son premier paragraphe :

"Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil, doit être couverte par une assurance".

B - L'assurance dommage : Tout propriétaire d'ouvrage, vendeur ou mandataire du propriétaire de l'ouvrage doit souscrire cette assurance avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792 et suivants relatifs aux responsabilités des constructeurs, fabricants, importateurs et bureaux de contrôle.

Cette assurance a pour but de favoriser les réparations rapides des ouvrages endommagés. La recherche des responsabilités et les recours envisagés viennent ensuite. Certes, cette démarche évite les dégradations des ouvrages endommagés et donne la possibilité au maître d'ouvrage de réparer son édifice juste après la survenance du sinistre.

Dans le cadre de l'explication des mécanismes de l'application de cette loi, la circulaire N° 79 - 38 du 5 avril 79 du ministère de l'environnement français précise que ces assurances (responsabilité et dommages) ne sont pas obligatoires pour les ouvrages de génie civil et ; implicitement ; ne concernent donc que les travaux de bâtiment. Par

1 BENNOUNA (M.J), Pathologie et Management de la construction, Mohammedia, IMPRIMERIE FEDALA,, 1998, P 173 et 174

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ailleurs, l'article L243-1-1 précise les ouvrages non concernés par l'obligation de ces deux assurances.

Le législateur marocain ne précise nullement pour quel type d'ouvrage la responsabilité décennale doit être retenue. Ce problème se pose avec acuité au niveau technique. Le cas flagrant est celui des routes. La pérennité de ces ouvrages ne peut pas être garantie pour une durée de dix ans au vu des risques naturels auxquels ils doivent faire face. A ce niveau nous faisons remarquer que rien que le phénomène ; par exemple ; de gel et de dégel peut être à la base de dommages importants qui peuvent apparaitre dès la première année et sans attendre les dix ans.

Art. L242-2 Dans les cas prévus par les articles 1831-1 à 1831-5 du Code civil relatifs au contrat de promotion immobilière, ainsi que par les articles L. 222-1 à L. 222-5 du Code de la construction et de l'habitation les obligations définies aux articles L. 241-2 et L. 242-1 incombent au promoteur immobilier.

Art. L243-1 Les obligations d'assurance ne s'appliquent pas à l'État lorsqu'il construit pour son compte.

Art. L243-1-1

I.-Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les articles L. 2411, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages.

Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d'équipement, sont également exclus des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance.

II.-Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles

3) Le contrôle technique

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La loi SPINETTA a clairement défini les obligations ainsi que le champ

d'action du contrôle technique en précisant les points suivants :

? les missions du bureau de contrôle,

? les cas d'obligation de contrôle technique1,

? les conditions d'agrément des bureaux de contrôle.

La loi SPINETTA (Titre II article 9) précise que le bureau de contrôle est soumis lui aussi au régime de la présomption de responsabilité au titre de l'article 1792.

Par ailleurs, la loi a clairement précisé l'incompatibilité du contrôle technique avec la conception, l'exécution ou l'expertise d'un ouvrage.

Le décret du ministère de l'environnement et du cadre de vie n° 78 - 1146 du 7/12/78 a précisé les types d'ouvrages soumis à l'obligation du contrôle technique (article R.111.38):

- les établissements recevant du public,

- les bâtiments hauts (dépassement du plancher bas du dernier niveau de 28 m les engins des pompiers),

- les bâtiments autres qu'à usage industriel et ayant les caractéristiques spéciales suivantes:

· les portes à faux > 20 m,

· les poutres ou arcs de portée > 40 m,

· les parties enterrées de profondeur > 15 m,

· les fondations de profondeur > 30 m,

· les reprises en sous oeuvres,

· les travaux de soutènement d'ouvrages voisins sur une hauteur > 3 m. En d'autres termes, la responsabilité décennale ne concerne pas tous les ouvrages mais s'intéresse qu'à une catégorie de construction dont la liste est exhaustive.

4) Passage d'un régime de gestion des primes à un autre

La loi SPINETTA a permis le passage du régime de gestion des primes en semi-répartition à un régime de gestion des primes en semi-capitalisation.

Le passage du régime de gestion en semi répartition au régime de gestion en semi-capitalisation a été fixé par l'arrêté du 27/12/1982 pour tous les chantiers ouverts à partir du 1/1/1983.

A - Le principe de la mesure

1 décret 78-1146 du 7 décembre 1978

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Le but de ce passage est le maintien des garanties des contrats d'assurance décennale, après leur résiliation, pour la durée de la responsabilité pesant sur l'assuré en vertu des articles 1792 et 2270 du code civil, sans paiement de prime subséquente. Ce changement de régime a marqué un bouleversement profond du mécanisme financier des assurances de construction.

- Le régime en semi-répartition : les primes acquittées par les assurés au titre de leur polices de responsabilité servaient à constituer des provisions pour régler les sinistres de l'année.

De ce fait, lorsque l'assuré résiliait son contrat, il devait acquitter une prime subséquente pour permettre le maintien des garanties de son contrat, après cette résiliation.

- Le régime en semi-capitalisation : Les primes versées pour une année déterminée vont être capitalisées et servir à constituer les provisions pour le règlement de tous les sinistres à venir pendant 10 ans sur les travaux exécutés au cours de cette année. Le paiement d'une prime subséquente ne sera donc plus nécessaire pour assurer le maintien des garanties après la résiliation.

B - Le domaine d'application

Le domaine d'application de cette mesure est limitée aux garanties obligatoires pour les ouvrages de bâtiments (articles 1792 1792.2)

C - Le but de la mesure

Le but de cette mesure est d'atteindre 2 résultats:

- Une remise à zéro au 1/1/1983 des comptes de l'assurance construction.

- Un maintien certain, dans le temps, des garanties des polices de responsabilité devant entraîner une baisse du coût de l'assurance dommages par la réduction de l'aléa du recours.

1792.4 La responsabilité des fabricants :

Cette responsabilisation solidaire des fabricants répond à la nécessité de fonder juridiquement une démarche de production industrielle génératrice d'une qualité de construction, composante prioritaire de cette qualité de vie espérée de tous;

Par ailleurs, le fabricant ne peut plus désormais se désintéresser de l'utilisation finale de son produit et des conséquences de cette utilisation.

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L'article 1792.5 précise que la garantie décennale est d'ordre public ce qui veut que l'on ne peut réduire ni sa durée ni sa portée à travers une convention telle qu'une police d'assurance ou un traité de réassurance.

Le contrôle technique est obligatoire en vue de la sécurité des personnes dans les constructions : R 111.39

Le mécanisme de la loi SPINETTA

Afin de faciliter la compréhension du mécanisme de fonctionnement de cette loi, nous avons dressé le diagramme suivant :

Mécanisme de la loi SPINETTA

Schéma du mécanisme de la loi dite « SPINETTA »1.

La loi SPINETTA est une loi faite d'abord pour protéger le consommateur. La jurisprudence qui en a résulté a fait qu'elle a dû être révisée à deux reprises. Beaucoup de compagnies françaises se sont vues retirées du marché à cause de l'énorme déficit enregistré par cette branche d'assurance. Il semble donc que ce n'est pas la meilleure solution.

1 BENNOUNA (M.J),Pathologie et Management de la construction, , , Mohammedia, IMPRIMERIE FEDALA,, 1998, P 261

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§ 3 - L'obligation d'assurance décennale en Tunisie et influence de la législation sur le montage des polices RC Décennale et leur réassurance

En matière de législation gérant les responsabilités des intervenants dans l'acte de construire (après réception des ouvrages), la Tunisie a connu une série de lois intéressantes et qui ne manquent pas d'enseignement pour d'autres pays, tel que le Maroc, qui souhaiteraient généraliser l'assurance décennale par le biais de l'obligation.

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A - Étapes de ces différentes lois

En matière décennale, la Tunisie a connu une évolution au niveau de sa législation. - L'article 876 du C.O.C1 qui date du début du siècle précise que la responsabilité est quinquennale et se limite à l'effondrement ou la menace de l'effondrement. En d'autres termes c'est l'équivalent de l'article 769 du DOC marocain.

- Loi du 10/10/1986 : Loi qui a été faite en dehors des parties concernées par l'obligation d'assurance. Les assureurs ; et plus particulièrement les réassureurs ; ont refusé d'assurer les risques Tunisiens sur la base de cette loi. Elle est donc restée mort née et par conséquent non applicable. Mais néanmoins, elle a apporté certains points positifs que nous examinerons dans ce qui suit.

- Loi du 31/01/1994 : Loi qui est venue remplacer la loi précédante du 10/10/1986. Contrairement à la précédente loi, elle a été faite entre les juristes et les concernés à savoir les assureurs et les intervenants dans l'acte de construire. Malgré son apparence de loi innovatrice, elle renferme néanmoins des lacunes qui posent des problèmes entre les assureurs et les assurés.

B - Étude comparative des différentes lois

Afin de tirer profit de cette étude comparative de ces lois, on a regroupé certains points sous deux rubriques à savoir avantages et inconvénients.

Article 876

Cet article a été instauré durant la période de colonisation de l'Afrique du Nord par la France. C'est pour cette raison qu'à la même époque, on trouvait son équivalent au Maroc.

L'article du COC stipule :

« L'architecte ou ingénieur, et l'entrepreneur chargés directement par le maître sont responsables lorsque, dans les cinq années de l'achèvement de l'édifice ou autre ouvrage dont ils ont dirigé ou exécuté les travaux, l'ouvrage s'écroule, en tout ou en partie, ou présente un danger évident de s'écrouler, par défaut des matériaux, par le vice de la construction ou par le vice du sol.

L'architecte qui n'a pas dirigé les travaux ne répond que des défauts de son plan.

Le délai de cinq ans commence à courir du jour de la réception des travaux. L'action doit être intentée dans les trente jours à partir du jour où s'est vérifié le fait qui donne lieu à la garantie ; elle n'est pas recevable après ce délai. »

1 Code des Obligations et Contrats - Tunisie

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Cet article responsabilise les entreprises, ingénieurs et architectes ; après réception de l'ouvrage ; de la pérennité de l'ouvrage pendant 5 ans. Seuls l'effondrement ou la menace d'effondrement sont pris en compte pour que la responsabilité légale des intervenants soit retenue. Implicitement, les causes de l'effondrement ou la menace d'effondrement ; selon l'article ; peuvent avoir plusieurs origines :

? La faute de conception de l'ouvrage;

? La faute d'exécution des travaux ;

? Le défaut des matériaux utilisés dans la construction ; ? Les pathologies de l'ouvrage dues au sol.

Les mécanismes d'application de l'article 876 du C.O.C Tunisien sont exactement les mêmes que ceux de l'article 769 du DOC marocain que nous avons analysé précédemment.

Il faut noter aussi que Jusqu'en 1986, l'assurance couvrant la responsabilité décennale des constructeurs n'était pas obligatoire en Tunisie.

Loi du 10/10/1986

Par rapport à obligatoire aussi bien pour les assurés que pour les assureurs. Mais l'article 876 du C.O.C tunisien, cette loi a pour objectif de rendre l'assurance de responsabilité comme il a été dit précédemment, cette loi n'a jamais pu être appliquée.

a - Nouveautés de la loi du 10/10/1986

Les points forts de cette loi peuvent être résumés comme suit:

1. Cette loi a rendu responsables non seulement les intervenants directs mais aussi les fournisseurs (y compris les importateurs) et les promoteurs. Cela veut dire que la loi vise l'amélioration de la qualité des produits et matériaux utilisés dans la construction ainsi que la protection du consommateur Tunisien à l'achat de son logement.

2. Existence de présomption de responsabilité des constructeurs (Art 2 dernier paragraphe). En d'autres termes et avec cette loi, le lésé (qui n'est pas professionnel en général) n'a plus rien à prouver puisque la responsabilité interpelle le professionnel de la construction de prouver que l'faute ne lui incombe pas et prouver ainsi son innocence.

3. La Responsabilité ne se limite pas uniquement au gros oeuvre mais s'étend également aux équipements qui font corps indissociable avec l'ouvrage : La

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responsabilité incombe aussi aux entreprises installatrices de matériels incorporés dans l'ouvrage.

4. Les autres équipements doivent bénéficier d'une garantie de bon fonctionnement pendant 2 ans (assurance biennale ) : Même les équipements tels que la robinetterie, etc... doivent fonctionner correctement pendant deux ans au moins.

5. Un article entier est réservé au contrôle technique : le Bureau de Contrôle Technique est responsable au même titre que les autres intervenants (dans la limite de la mission qui lui est confiée) : sa responsabilité n'est plus noyée dans le droit commun mais peut être retenue dans la cadre de la responsabilité décennale des constructeurs.

6. Le législateur Tunisien a exigé des intervenants de livrer l'ouvrage à son propriétaire en lui garantissant une année de parfait achèvement (à partir de la réception) : le maître d'ouvrage aura le temps de constater s'il y a des défaillances et les intervenants auront le temps de réparer.

b - Les difficultés d'application de la loi du 10/10/1986

Malgré les nouveautés apportées par cette loi, elle est restée néanmoins lettre morte puisque qu'elle n'a pas pu être appliquée à cause du refus des réassureurs internationaux l'acceptation des risques Tunisiens.

1. Les intervenants sont responsables des dommages qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination. C'est vraiment le point le plus contesté de cette loi et qui a empêché son application. En d'autres termes, n'importe quel sinistre peut rentrer dans cette rubrique. Prouver qu'un ouvrage est impropre ou non à sa destination ne peut que créer une situation de confusion et de malentendu certain et permanent entre assureurs, assurés et tiers demandeurs. Les limites de ce concept ne sont nullement définis et son interprétation peut parfois mener à l'impasse. D'ailleurs, le secteur d'assurance et de réassurance a eu déjà une grande expérience avec l'application de la loi française dite Loi de SPINETTA et qui part du même principe d'impropriété à destination.

2. L'obligation de l'assurance de responsabilité a été instaurée en l'absence d'obligation du contrôle tout en sachant que les assureurs refusent de couvrir les ouvrages non contrôlés.

Les sociétés d'assurance sont obligées d'accepter les risques sous peine de retrait d'agrément (article 20).

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Par ailleurs aucune structure organisationnelle n'était prévue en cas de litige entre assureur et demandeur d'assurance. D'après la loi, l'assureur est obligé d'accepter de couvrir le risque même s'il est inassurable : On rappelle que l'assureur couvre le risque à caractère aléatoire c'est à dire non prévisible et de ce fait, ne couvrira jamais un risque jugé certain.

3. L'assurance dommage obligatoire : le Maître d'ouvrage doit souscrire une assurance dommage pour réparer les dommages en dehors de toute recherche de responsabilité : On est en face de deux assurances, une pour l'intervenant et une autre pour le maître d'ouvrage. Cette situation suppose que l'assureur dommages peut faire un recours automatiquement contre l'assureur de responsabilité lorsque l'faute est supposée incomber à l'un des intervenants.

Aucun texte ne prévoit le mécanisme ainsi que les limites de recours des assureurs "Assurance Dommages" contre les assureurs "Assurance Responsabilité".

Il y a lieu de noter que cette loi a été pratiquement copiée sur la loi française dite Loi SPINETTA. D'ailleurs, depuis la promulgation de cette loi en Tunisie, les réassureurs internationaux ont refusé de réassurer les risques tunisiens sur la base de cette loi et de ce fait ces derniers n'étaient pas couverts en assurance décennale pendant plusieurs années.

Le secteur d'assurance Tunisien était dans l'embarras puisque la loi était inapplicable au vu du refus des réassureurs internationaux d'accepter de couvrir les ouvrages tunisiens en décennale.

Loi du 31/01/1994

a - Avantages de la loi du 31/01/1994

1. En plus des responsabilités des intervenants (y compris le Bureau de Contrôle), le législateur a retenu la responsabilité décennale des promoteurs immobiliers. Ce point revêt une importance capitale aux yeux du consommateur vu que ce dernier, à l'achat d'un logement, ne connaît et n'a de contact direct enfin de compte qu'avec le promoteur qui lui a vendu l'appartement. Il faut reconnaître que cet article de la loi est une innovation dans le sens de la protection du consommateur.

2. Art 3 a essayé; tant bien que mal; de définir la notion d'ouvrage soumis à l'obligation d'assurance au titre de cette loi.

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3. Le législateur a rendu le contrôle obligatoire là où il y a obligation de l'assurance RC décennale. Il est nécessaire de rappeler que l'assurance décennale ne peut être accordée que si l'ouvrage a bénéficié d'un contrôle technique tant au niveau de la conception qu'au niveau de l'exécution.

4. La loi a défini avec exactitude le rôle du Bureau de Contrôle Technique pour préserver la solidité de l'ouvrage ainsi que la sécurité des personnes. Elle a fait ressortir aussi l'incompatibilité entre l'exercice du contrôle technique et celui de la conception (Art 7 ).

5. En matière de souscription de la couverture décennale c'est le maître d'ouvrage qui est tenu de souscrire une garantie décennale pour le compte de tous les intervenants : obligation d'assurance Responsabilité Civile Décennale.

6. Le délai de présenter l'action de Responsabilité Civile Décennale est de 1 an (Art 5), délai qui est tout à fait raisonnable lorsqu'on sait que les pathologies dans les constructions ne sont jamais instantanées ( sauf dans des cas très rares ) mais évoluent dans le temps.

7. L'article 98 stipule qu'à l'exclusion des dommages causés uniquement au complexe d'étanchéité, l'assureur répond, avant toute recherche de responsabilité, des dépenses relatives aux travaux de réparation des dommages.

Si les 2 parties se mettent d'accord pour le montant des réparations, l'assureur est tenu d'indemniser dans les 100 jours à compter de la date du sinistre. S'il n'y a pas accord, l'assureur doit verser 75 % du montant en attendant que le montant définitif de l'indemnité soit fixé par le tribunal. C'est une sorte de préfinancement des réparations en attendant que le tribunal départage les deux parties : assureur et assuré.

c'est presque une assurance dommages.

8. Contrairement à la loi du 10/10/1986, il n'y a qu'une seule assurance Responsabilité Civile souscrite par le maître d'ouvrage, (l'assurance dommages n'existe plus en tant que telle ).

b - Inconvénients de la loi du 31/01/1994

1. Même les ouvrages bâtis sur l'eau (en particulier les digues) ainsi que les routes sont concernés par la Responsabilité Civile Décennale. Or on sait combien ce genre d'ouvrage est soumis à des aléas climatiques qui peuvent les agresser à

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tout moment. Si nous prenons le cas des ouvrages maritimes tels que les digues, leur conception se fait à travers des études de simulation dans les laboratoires vu que l'hydraulique maritime n'est pas encore totalement maîtrisée du fait que la réaction de la houle ainsi que celle des courants marins n'est pas encore suffisamment connue et maîtrisée.

D'ailleurs les sinistres dans ce domaine ne manquent pas. Il est vraiment difficile de responsabiliser les entreprises de construction pour ce genre d'ouvrages pendant une durée aussi longue que 10 ans.

2. La responsabilité des fournisseurs n'est pas explicitement retenue comme l'a fait la loi du 10/10/1986. D'ailleurs l'article 1 précise que tous les intervenants sont responsables ainsi que la personne liée au maître d'ouvrage par un contrat : en dehors

des intervenants habituels (architectes, Ingénieurs, Experts, BC ), la responsabilité
d'un intervenant n'est établie; aux yeux de cette loi; que s'il y a un contrat direct qui lie ce dernier au Maître d'ouvrage.

La Tunisie est passée par trois phases comme il a été dit précédemment. Cette belle expérience nous enseigne qu'une loi doit prendre en considération l'état d'évolution de la société. En d'autres termes, la même loi n'est pas nécessairement valable et applicable dans deux sociétés de niveaux de développement et de culture différents.

Section 2 - Les attentes des intervenants du BTP et les réformes nécessaires

Le secteur du BTP est un secteur très dynamique et participe à hauteur de plus de 12 % du PIB du Maroc. Il participe à la résomption du chaumage pour une grande part. C'est un secteur qui génère aussi beaucoup de risques tant au niveau technique qu'au niveau juridique. Sa participation à l'économie nationale n'est palus à démontrer. Les attentes des acteurs de la construction sont multiples. Elles sont d'ordre organisationnel et législatif.

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§ 1 - Les attentes organisationnelles du secteur de la construction

L'organisation d'un secteur du BTP est une demande permanente chez les professionnels. Cette demande a été formulée chaque fois que l'occasion se présentait : salons de construction, accidents survenus sur chantiers, séminaires, tables rondes, réunions de fédérations, etc. Sans cette organisation tant demandée, les problèmes de mauvaise qualité des constructions subsistera.

Le constat de désorganisation du secteur du BTP n'est pas à démontrer. D'ailleurs, l'augmentation des pathologies constatées par les différents experts ou relatés par la presse ainsi que les litiges portés devant les tribunaux ne sont que la preuve irréfutable de ce malaise vécu par le secteur du BTP.

Afin d'illustrer cette situation, nous énumérons les facteurs les plus importants pouvant aider et concourir à une meilleure organisation du secteur de BTP au Maroc :

- La classification des entreprises devrait être unifiée et mettre des critères

techniques, et d'expérience pouvant amener ce procédé à plus de transparence et

d'équité pour les entreprises ;

- Les ingénieurs de construction marocains devraient bénéficier ; à l'instar de leurs

homologues géomètres topographes et architectes ; d'un ordre leur permettant de mieux s'organiser et exprimer leurs préoccupations et leurs problèmes. L'ordre des ingénieurs de construction ne peut qu'aider cette tranche de professionnels à mieux encadrer et former ses éléments et les mettre up date aux techniques de prévention des risques tant techniques que juridiques liés à leurs métiers. L'ordre permet aussi de mettre en place une déontologie de pratique du métier permettant ainsi de moraliser le secteur ;

- Mise en place d'un système d'assurance obligatoire tant pour les travaux qu'après la réception des travaux ;

- L'instauration d'un système de contrôle des chantiers au niveau de l'hygiène et de la sécurité ;

- La promulgation d'un code de la construction et lois d'obligation du contrôle technique et la réalisation d'étude de sols pour certains travaux ;

- La promulgation d'une loi définissant les métiers et leurs responsabilités sur chantier ;

- La promulgation d'une loi relative à la sous traitance ;

- La transparence des marchés publics.

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Ces propositions d'organisation représenteraient la base minimale permettant au secteur du BTP de jouer pleinement son rôle dynamique dans la vie économique du pays.

§ 2 - Les attentes législatives du secteur du BTP

Au vu de la multitude des attentes d'ordre législatif, il ne sera abordé dans ce paragraphe que celles qui sont considérées essentielles, urgentes et présentant un intérêt consensuel pour tous les intervenants du secteur du BTP :

- La participation du secteur du BTP à la confection des lois le concernant. Il ne nous parait pas normal au 21ème siècle de décréter des lois sur les constructions sans la consultation préalable des professionnels du BTP et en d'autres termes outrepasser ceux qui vont la vivre et l'appliquer dans leur métier ;

- Tous les professionnels sont d'accord aujourd'hui pour dénoncer la non transparence des marchés publics. Cette situation génère des résultats des plus désastreux se caractérisant en général par une très mauvaise qualité des travaux réalisés in fine et des pertes financières pour le pays et pour le contribuable à la fin de la chaine ;

- La refonte des règlements de calcul de béton armé et la mise en place d'un règlement de calcul uniforme et imposable à tous les professionnels. En fait, le Maroc ne dispose pas d'un règlement de calcul propre à lui. Un ingénieur qui était formé en France, utilisera le règlement français et s'il est formé en Russie, il utilisera le règlement Russe. Cette multitude de règlements diversifiés et différents pose des problèmes de communication et crée des situations des plus inconfortables au système judiciaire en cas de litige. Par ailleurs, les experts judicaires ne sont pas sensés connaitre tous les règlements de calcul de béton armé existant dans le monde. Il devient donc nécessaire et urgent d'unifier cette situation par la création d'un règlement de calcul de béton armé et de le codifier d'une façon claire et de le rendre obligatoire d'utilisation à tous les BET et BCT ;

- Face à la pluralité des normes utilisées au Maroc, la marocanisation de ces dernières s'impose comme une priorité offrant ainsi leur uniformisation ainsi que leur unicité. Cette uniformisation permettra de mettre en place un système référenciel unifié, unique et utilisable par tous les professionnels ;

- La réglementation de la sécurité et l'hygiène dans les chantiers doit voir le jour. En effet, le secteur du BTP est le secteur qui génère le plus grand nombre d'accidents corporels. A voir les chantiers marocains dénudés de toute mesure de sécurité ne peut en aucun cas favoriser le développement de l'économie marocaine. Les accidents

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corporels, leur prise en charge ainsi que les problèmes sociaux qu'ils engendrent sont parfois énormes et se traduisent par des tensions sociales incontrôlables. La société civile au Maroc devient de plus en plus contestataire à ce niveau et le pouvoir législatif a l'obligation d'être à l'écoute de cette évolution et apaiser la situation par le fait de décréter des lois qui répondent à ces attentes légitimes. Nous pensons que la réduction des risques et leur minimisation pourrait être atteinte par des lois et surtout l'application de ces lois.

§ 3 - Obligations d'assurance

Le Maroc doit se mettre au diapason du développement du secteur du BTP. La demande croissante des logements due à la pression urbaine, la multiplication des projets d'infrastructure ces dernières années et le développement des techniques de construction ont généré une situation d'industrialisation, de sophistication et de complexité des techniques de constructions. Ces paramètres n'ont fait qu'augmenter les risques sur chantiers générant des sinistres tant matériels que corporels. Les professionnels ne présentent pas toujours une solvabilité suffisante et une capacité financière solide pour faire face à des sinistres qui peuvent se compter parfois en millions de Dirhams.

La gestion technique et scientifique des risques liés aux métiers de construction ne permet plus l'improvisation des méthodes de Risk Management. Ces dernières supposent l'utilisation des techniques se basant essentiellement sur l'identification, la prévention - protection des risques, le contrôle des risques et sur les méthodes de financement de risques.

Le transfert de certains risques sur les assureurs tels les risques liés à la responsabilité civile parait nécessaire. Mais ce transfert devrait se faire dans le cadre d'un système d'assurance murement réfléchi et préalablement organisé permettant ainsi la mise sur pied de polices d'assurance renfermant des garanties suffisantes.

Un système d'assurance obligatoire se voit nécessaire pouvant assurer la protection aussi bien des ouvrages en cours de construction des différents aléas et risques engendrés par les métiers de la construction que la garantie des responsabilités des professionnels du BTP. Mais ce système ne pourrait être efficace et répondre aux aspirations des professionnels que s'il satisfasse à des conditions tirées des expériences passées d'autres pays tels la Tunisie et la France :

- Les lois d'obligation d'assurance devraient être soumises à l'analyse et l'approbation des professionnels avant leur promulgation et ce à travers leurs

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organisations professionnelles tels la CGEM1, les fédérations, les ordres de métiers, etc. ;

- La mise sur pied d'un organisme indépendant pouvant départager les assurés et assureurs en cas de refus d'assurance par les compagnies d'assurance2 ;

- Le code des assurances devrait être revu au niveau du chapitre relatif aux assurances de responsabilité (articles 61 à 63) et adapté aux assurances RC Décennale et RC Professionnelle ;

- La liaison d'obligation d'assurance RC Décennale au contrôle technique des constructions tant au niveau de la phase de la conception qu'au niveau de la phase d'exécution des travaux devrait être systématique. Le système d'assurance devrait être basé sur le concept de la sécurité ; implicitement la qualité ; donc sur le système de contrôle technique. Cette démarche permettra certainement la garantie de protéger les constructions contre les risques ;

- L'agrément des BCT par le secteur des assurances devrait être uniformisé et délégué à un organisme indépendant ;

- Le système de préfinancement des sinistres devrait être instauré et principalement pour les polices RC Décennale. En construction, plus la réparation des constructions endommagées tarde, plus les pathologies s'amplifient et s'aggravent. Cette situation de retard constaté en matière d'indemnisation dans le cadre des polices de responsabilité civile est due au temps pris par les assureurs à rechercher le responsable présumé. Mais ce problème peut être solutionné par l'instauration d'un préfinancement des sinistres sous forme d'acompte avancé à l'assuré lui permettant de commencer les réparations parallèlement aux investigations entreprises par l'assureur pour rechercher et déterminer les responsabilités.

Nous pensons que ces propositions représentent un canevas technique permettant de solutionner des problèmes qui entravent les activités du secteur de la construction et retardent de ce fait son développement.

1 Confédération Générale des Entreprises du Maroc.

2 Le système français a mis sur pied un organisme appelé le Bureau Central de Tarification (BCT) dont le rôle est d'émettre les conditions tarifaires à appliquer ainsi que le choix de la compagnie d'assurance devant garantir le risque.

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Conclusion du chapitre

Une loi n'a de valeur que si elle est applicable dans une société donnée. Importer une loi d'une autre société différente et qui vit dans un contexte différent ne peut mener qu'à l'échec et la fabrication de loi mort-née. Quand on lit la loi Tunisienne du 10/10/1986, on s'aperçoit qu'elle était certainement établie sans consultation des professionnels de la construction et de l'assurance. On peut conclure qu'une loi n'est que le résultat et la conséquence de l'évolution d'une société ou d'un secteur donné.

L'obligation d'assurance est une chose facile à décréter par une loi, mais son application revêt des caractères techniques généralement difficiles qu'il faut étudier avec beaucoup d'attention pour ne pas tomber dans des situations d'impasse. L'obligation d'assurance est une obligation autant pour les assurés que pour les assureurs. Il est du plus grand intérêt de l'appareil législatif de l'autorité de tutelle du secteur des assurances de mettre en place une entité technique qui puisse départager l'assuré et l'assureur dans le cas où ce dernier refuse de couvrir le risque sous prétexte que le risque est mauvais ( certain et non aléatoire ).

D'autre part, il est absolument nécessaire de lier l'obligation d'assurance à l'obligation du contrôle technique afin d'assurer une logique de garantie de la sécurité des biens et des personnes et en même temps la garantie de la qualité de la construction in fine au grand bonheur du consommateur ou utilisateur finaux.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

L'industrie de la construction ne cesse de se développer et d'évoluer. Les risques générés par ses activités vont de paire avec cette évolution et ce développement. Gérer les risques technologiques et juridiques de ce secteur ne peut se faire que par l'instauration de lois et systèmes permettant de répondre au mieux à ces risques.

Le système législatif de responsabilité et d'assurance marocain relatif au secteur de la construction ; et comparativement à d'autres systèmes de pays proches tels la Tunisie ou la France ; n'a pratiquement pas connu d'évolution depuis l'instauration du DOC du 12 Août 1913. Les problèmes générés par cette carence sont multiples et étaient analysés dans les chapitres précédents. La révision de la législation passe nécessairement par une concertation entre autorités et professionnels. Les lois pouvant émaner de ces concertations devraient refléter la situation réelle du secteur du BTP et prendre en considération les préoccupations des métiers.

Les litiges naissant des difficultés du secteur du BTP proviennent essentiellement d'absence de lois définissant les métiers et délimitant ainsi les responsabilités. Par ailleurs, l'insuffisance des couvertures d'assurance, la lenteur d'indemnisation des sinistres couverts par les polices de responsabilité ; professionnelle ou décennale ; n'ajoutent que l'eau au moulin. La révision de la loi sans l'instauration d'un système d'assurance adéquat ne résoudrait les problèmes qu'à moitié et de ce fait les solutions seraient boiteuses.

La sécurité et l'hygiène dans les chantiers est le champ de bataille pour les ingénieurs préventionnistes. La gestion des risques sur chantier passe nécessairement par l'établissement des plans d'hygiène et de sécurité (PHS) mais à condition qu'ils soient normalisés, réglementés et opposables sinon ils ne seraient pas productifs et seraient comme dit l'adage « écriture sur l'eau ».

L'organisation actuelle du secteur du BTP génère des situations conflictuelles et des situations de confusions des métiers et de ce fait génère des dilutions et confusions d'obligations et de responsabilités. Elle ne permet nullement une transparence des marchés publics. La corruption envenime le secteur et produit des résultats de non qualité et de médiocrité des projets. Combien de fois on a assisté au Maroc à la réalisation des mêmes travaux plusieurs fois suite à la constatation de mal façons et pathologies dans l'ouvrage se soldant par des pertes financières pour le pays et des résultats de qualité des plus médiocres. Dans le même sens, la pluralité des normes

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utilisées au Maroc exige une unification de la normalisation1 permettant de mettre en place un référentiel unifié servant de repère pour les professionnels et magistrats et rendant son application obligatoire et opposable à tous les professionnels.

En résumé, il est urgent de repenser les textes législatifs qui gèrent le secteur de la construction et de les rassembler aussi dans un code facilitant ainsi leur accès et de ce fait leur application.

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1 Ensemble des normes techniques dans les différents domaines et métiers de la construction

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CENTRE DE PUBLICATION ET DOCUMENTATION JUDICIAIRE, La jurisprudence de la Cour de cassation française concernant les arrêts de la Cour d'appel de Rabat, T5, Période 1959-1965, Rabat, EDITIONS IDGL, 2007

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Responsabilité civile et assurance des constructeurs au Maroc
Limites et carences de la législation

CENTRE DES ETUDES JURIDIQUES CIVILES ET FONCIÈRES - FACULTÉ DE DROIT DE MARRAKECH,ÈÑÛãáÇ í ÉíÑÇÞÚáÇ ÉãÙäáÇ, Traduction Libre: Les régimes fonciers au Maroc, , Marrakech, CENTRE DES ÉTUDES JURIDIQUES CIVILES ET FONCIERES, 2003

COUR DE CASSATION DU ROYAUME DU MAROC,ÖÞäáÇ ÉãßÍã ÁÇÖÞ ÉáÌã, Traduction Libre: Revue des arrêts de la cour de cassation, Rabat, IMPRIMERIE AL OUMNIA, N° 74, 2012

COUR DE CASSATION DU ROYAUME DU MAROC,ÉíÑÇÞÚ ÊÇáã ÉáÌã, Traduction Libre: Revue des dossiers fonciers, , Rabat, IMPRIMERIE AL OUMNIA, N° 1, 2012

COUR SUPPREME DU ROYAUME DU MAROC,ìáÚáÇ ÓáÌáÇ ÁÇÖÞ ÉáÌã, Traduction Libre: Revue des arrêts de la cour suprême, Rabat, IMPRIMERIE AL OUMNIA,N° 73, 2011

COUR SUPRÊME - ROYAUME DU MAROC,1791 ÉíÑÇÏáÅÇ ÉÑÛáÇ ìáÚáÇ ÓáÌãáÇ ÊÇÑÇÑÞ-1972, Traduction Libre: Arrêts de la cour suprême 1971-1972, , Rabat, ASSOCIATION DE DÉVELOPPEMENT DES RECHERCHES ET ÉTUDES ADMINISTRATIVES, 1983

COUR SUPRÊME - ROYAUME DU MAROC, Arrêts de la chambre civile, Période 1983-2004, Rabat, CENTRE DE PUBLICATION ET DOCUMENTATION JUDICIAIRE, 2007

LE MONITEUR, Responsabilités, contrôle et assurances de la construction, ACTUALITÉ JURIDIQUE PROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE (AJPI), 1980

REVUE MAROCAINE DE DROIT ET D'ÉCONOMIE DU DÉVELOPPEMENT, Journées d'études sur DOC et Société 70 ans après, FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DE CASABLANCA, N° 7, 1984

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Responsabilité civile et assurance des constructeurs au Maroc
Limites et carences de la législation

Thèses et Mémoires

EL ARARI (A),ÈÑÛãáÇÈ íÑÇãÚãáÇ ÓÏäåãáÇæ áæÇÞãáá ÉíÏÞÚáÇ ÉíáæÄÓãáÇ, Traduction Libre: La responsabilité contractuelle de l'entrepreneur et de l'architecte au Maroc, Rabat,

UNIVERSITÉ MOHAMED V - RABAT, 1991

HAISSOUNE (M), La sous traitance dans les industries du textile-habillement cas du Maroc, Mémoire DESS en Sciences économiques UNIVERSITÉ HASSAN I FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES CASABLANCA, Casablanca, 1994

KADA (I), : ÉíÑÔÚáÇ ÁÇäÈáÇ ÉÚÇäÕ ÑíÌ ÉíáæÄÓãá íäæäÇÞáÇ ãÇÙäáÇ Traduction Libre : « Le système juridique de la responsabilité de louage d'ouvrage de la construction décennale »,

Casablanca, UNIVERSITÉ HASSAN II - FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES CASABLANCA, 2002-2003

Articles

MALINVAUD (P) et JESTAZ (P) : La loi du 4 Janv 1978 relative à la responsabilité et l'assurance dans le domaine de la construction, JPC 1978

MALINVAUD (P), BOUBLI (B) : Architectes, entrepreneurs et techniciens Rev Immob 5ème année N° 4- Oct-Déc 1983

DJOUJI (J) : La sous traitance dans le contexte européen, Recueil Dalloz SN 26 Juillet 1992 Ed DALLOZ SIREY

Webographie

www.legifrance.gouv.fr www.jurisprudence.ma www.courdecassation.fr http://jurismaroc.xooit.fr www.lexadin.nl/wlg/legis/nofr/oeur/lxwemar.htm

www.memoireonline.com

www.halshs.archives-ouvertes.fr

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Responsabilité civile et assurance des constructeurs au Maroc Limites et carences de la législation

www.techniques-ingenieur.fr www.ingenieursdumaroc.com www.structureparasismic.com

www.assurancesmaroc.com www.assurancesguide.com

www.lavieeco.com www.universalis.fr www.lexinter.net

www.sgg.gov.ma www.mhu.gov.ma

http://adala.justice.gov.ma/AR/Legislation/TextesJuridiques.aspx

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Responsabilité civile et assurance des constructeurs au Maroc
Limites et carences de la législation

TABLE DES MATIÈRES

DÉDICACES 2

REMERCIEMENTS 3

SOMMAIRE 4

LISTE DES ABRÉVIATIONS 5

INTRODUCTION GÉNÉRALE 7

PARTIE I : LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES DIFFÉRENTS INTERVENANTS

DANS L'ACTE DE CONSTRUIRE 9

CHAPITRE I - LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES CONCEPTEURS DE PROJETS

ET SES LIMITES 10

SECTION 1 - LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES ARCHITECTES EN TANT QUE MAÎTRES D'OEUVRES

13

§ 1 - La fonction de l'architecte selon la loi 016-89 14

§ 2 - Le contrat liant l'architecte au maitre d'ouvrage et ses obligations 16

§ 3 - Sinistralité des architectes et portée de l'article 769 du DOC sur la responsabilité

civile des architectes 16

SECTION 2 - LA RESPONSABILITÉ DES INGÉNIEURS SPÉCIALISÉS 17

§ 1 - Responsabilité civile des ingénieurs dans le cadre du DOC 19

§ 2 - Délimitation des responsabilités des concepteurs du projet par rapport aux

exécutants des travaux 22

§ 3 - Sinistralité des métiers d'ingénieurs 23

CONCLUSION DU CHAPITRE 26

CHAPITRE II - LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES ENTREPRISES D'EXÉCUTION DES TRAVAUX ET LES DIFFICULTÉS LIÉES À LA SOUS

TRAITANCE 27

SECTION 1 - LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES ENTREPRISES DE GROS OEUVRE ET SECOND

OEUVRE DANS LE CADRE DU DOC 27

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Limites et carences de la législation

§ 1 - Les fautes d'exécution des travaux en cours de travaux et en période décennale 28

§ 2 - Les vices cachés en cours de travaux et après réception des travaux 30

§ 3 - Les effets juridiques de la réception des travaux 30

SECTION 2 - LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE DES SOUS TRAITANTS 34

§ 1 - Cadre juridique de la sous traitance au Maroc et en France 36

§ 2 - La responsabilité civile contractuelle des sous traitants vis-à-vis de l'entreprise

principale 37

§ 3 - Vices cachés et exonération du sous traitant de sa responsabilité contractuelle 38

CONCLUSION DU CHAPITRE 40

PARTIE II : L'ASSURANCE DES RISQUES DE CONSTRUCTION ET LIMITES DE

LA LÉGISLATION MAROCAINE DANS LE DROIT COMPARÉ 41

CHAPITRE I - LA GESTION DES RISQUES CONSÉQUENTS DE FAUTES ET

LEURS ASSURANCES 42

SECTION 1 - LES SINISTRES ET LEURS INCIDENCES SUR LA RESPONSABILITÉ DES

INTERVENANTS 42

§ 1 - Les fautes liées aux études architecturales : Impropriété de destination 42

§ 2 - Les fautes de conception de l'ouvrage : calcul des structures et contrôle technique

de stabilité 43

§ 3 - Les fautes liées aux études de sol: Sondages et interprétation des résultats 44

SECTION 2 - LES ASSURANCES COUVRANT LES SINISTRES 46

§ 1 - La classification des polices d'assurance 46

§ 2 - La police d'assurance Tous Risques Chantiers « TRC » en cours de travaux 48

§ 3 - La police RC professionnelle des architectes et ingénieurs 50

§ 4 - La police RC Décennale 52

CONCLUSION DU CHAPITRE 56

CHAPITRE 2 - LIMITES DE LA LÉGISLATION MAROCAINE ET

COMPARAISON AVEC D'AUTRES SYSTÈMES LÉGISLATIFS 57

SECTION 1 - LES DIFFÉRENTES CARENCES 57

§ 1 - Les articles du DOC régissant les contrats de louage d'ouvrage 58

§ 2 - Les articles 1792 et suivants du code civil français et l'obligation d'assurance 61

§ 3 - L'obligation d'assurance décennale en Tunisie et influence de la législation sur le

montage des polices RC Décennale et leur réassurance 71

SECTION 2 - LES ATTENTES DES INTERVENANTS DU BTP ET LES RÉFORMES NÉCESSAIRES 77

§ 1 - Les attentes organisationnelles du secteur de la construction 78

§ 2 - Les attentes législatives du secteur du BTP 79

§ 3 - Obligations d'assurance 80

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Limites et carences de la législation

CONCLUSION DU CHAPITRE 82

CONCLUSION GÉNÉRALE 83

BIBLIOGRAPHIE 85

TABLE DES MATIÈRES 92






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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand