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Responsabilité civile et assurance des constructeurs au Maroc. Limites et carences de la législation

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par Mohamed Jamal BENNOUNA
Université de Perpignan Via Domitia  - Master en droit  2012
  

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§ 3 - L'obligation d'assurance décennale en Tunisie et influence de la législation sur le montage des polices RC Décennale et leur réassurance

En matière de législation gérant les responsabilités des intervenants dans l'acte de construire (après réception des ouvrages), la Tunisie a connu une série de lois intéressantes et qui ne manquent pas d'enseignement pour d'autres pays, tel que le Maroc, qui souhaiteraient généraliser l'assurance décennale par le biais de l'obligation.

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Responsabilité civile et assurance des constructeurs au Maroc
Limites et carences de la législation

A - Étapes de ces différentes lois

En matière décennale, la Tunisie a connu une évolution au niveau de sa législation. - L'article 876 du C.O.C1 qui date du début du siècle précise que la responsabilité est quinquennale et se limite à l'effondrement ou la menace de l'effondrement. En d'autres termes c'est l'équivalent de l'article 769 du DOC marocain.

- Loi du 10/10/1986 : Loi qui a été faite en dehors des parties concernées par l'obligation d'assurance. Les assureurs ; et plus particulièrement les réassureurs ; ont refusé d'assurer les risques Tunisiens sur la base de cette loi. Elle est donc restée mort née et par conséquent non applicable. Mais néanmoins, elle a apporté certains points positifs que nous examinerons dans ce qui suit.

- Loi du 31/01/1994 : Loi qui est venue remplacer la loi précédente du 10/10/1986. Contrairement à la précédente loi, elle a été faite entre les juristes et les concernés à savoir les assureurs et les intervenants dans l'acte de construire. Malgré son apparence de loi innovatrice, elle renferme néanmoins des lacunes qui posent des problèmes entre les assureurs et les assurés.

B - Étude comparative des différentes lois

Afin de tirer profit de cette étude comparative de ces lois, on a regroupé certains points sous deux rubriques à savoir avantages et inconvénients.

Article 876

Cet article a été instauré durant la période de colonisation de l'Afrique du Nord par la France. C'est pour cette raison qu'à la même époque, on trouvait son équivalent au Maroc.

L'article du COC stipule :

« L'architecte ou ingénieur, et l'entrepreneur chargés directement par le maître sont responsables lorsque, dans les cinq années de l'achèvement de l'édifice ou autre ouvrage dont ils ont dirigé ou exécuté les travaux, l'ouvrage s'écroule, en tout ou en partie, ou présente un danger évident de s'écrouler, par défaut des matériaux, par le vice de la construction ou par le vice du sol.

L'architecte qui n'a pas dirigé les travaux ne répond que des défauts de son plan.

Le délai de cinq ans commence à courir du jour de la réception des travaux. L'action doit être intentée dans les trente jours à partir du jour où s'est vérifié le fait qui donne lieu à la garantie ; elle n'est pas recevable après ce délai. »

1 Code des Obligations et Contrats - Tunisie

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Limites et carences de la législation

Cet article responsabilise les entreprises, ingénieurs et architectes ; après réception de l'ouvrage ; de la pérennité de l'ouvrage pendant 5 ans. Seuls l'effondrement ou la menace d'effondrement sont pris en compte pour que la responsabilité légale des intervenants soit retenue. Implicitement, les causes de l'effondrement ou la menace d'effondrement ; selon l'article ; peuvent avoir plusieurs origines :

? La faute de conception de l'ouvrage;

? La faute d'exécution des travaux ;

? Le défaut des matériaux utilisés dans la construction ; ? Les pathologies de l'ouvrage dues au sol.

Les mécanismes d'application de l'article 876 du C.O.C Tunisien sont exactement les mêmes que ceux de l'article 769 du DOC marocain que nous avons analysé précédemment.

Il faut noter aussi que Jusqu'en 1986, l'assurance couvrant la responsabilité décennale des constructeurs n'était pas obligatoire en Tunisie.

Loi du 10/10/1986

Par rapport à obligatoire aussi bien pour les assurés que pour les assureurs. Mais l'article 876 du C.O.C tunisien, cette loi a pour objectif de rendre l'assurance de responsabilité comme il a été dit précédemment, cette loi n'a jamais pu être appliquée.

a - Nouveautés de la loi du 10/10/1986

Les points forts de cette loi peuvent être résumés comme suit:

1. Cette loi a rendu responsables non seulement les intervenants directs mais aussi les fournisseurs (y compris les importateurs) et les promoteurs. Cela veut dire que la loi vise l'amélioration de la qualité des produits et matériaux utilisés dans la construction ainsi que la protection du consommateur Tunisien à l'achat de son logement.

2. Existence de présomption de responsabilité des constructeurs (Art 2 dernier paragraphe). En d'autres termes et avec cette loi, le lésé (qui n'est pas professionnel en général) n'a plus rien à prouver puisque la responsabilité interpelle le professionnel de la construction de prouver que l'faute ne lui incombe pas et prouver ainsi son innocence.

3. La Responsabilité ne se limite pas uniquement au gros oeuvre mais s'étend également aux équipements qui font corps indissociable avec l'ouvrage : La

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responsabilité incombe aussi aux entreprises installatrices de matériels incorporés dans l'ouvrage.

4. Les autres équipements doivent bénéficier d'une garantie de bon fonctionnement pendant 2 ans (assurance biennale ) : Même les équipements tels que la robinetterie, etc... doivent fonctionner correctement pendant deux ans au moins.

5. Un article entier est réservé au contrôle technique : le Bureau de Contrôle Technique est responsable au même titre que les autres intervenants (dans la limite de la mission qui lui est confiée) : sa responsabilité n'est plus noyée dans le droit commun mais peut être retenue dans la cadre de la responsabilité décennale des constructeurs.

6. Le législateur Tunisien a exigé des intervenants de livrer l'ouvrage à son propriétaire en lui garantissant une année de parfait achèvement (à partir de la réception) : le maître d'ouvrage aura le temps de constater s'il y a des défaillances et les intervenants auront le temps de réparer.

b - Les difficultés d'application de la loi du 10/10/1986

Malgré les nouveautés apportées par cette loi, elle est restée néanmoins lettre morte puisque qu'elle n'a pas pu être appliquée à cause du refus des réassureurs internationaux l'acceptation des risques Tunisiens.

1. Les intervenants sont responsables des dommages qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination. C'est vraiment le point le plus contesté de cette loi et qui a empêché son application. En d'autres termes, n'importe quel sinistre peut rentrer dans cette rubrique. Prouver qu'un ouvrage est impropre ou non à sa destination ne peut que créer une situation de confusion et de malentendu certain et permanent entre assureurs, assurés et tiers demandeurs. Les limites de ce concept ne sont nullement définis et son interprétation peut parfois mener à l'impasse. D'ailleurs, le secteur d'assurance et de réassurance a eu déjà une grande expérience avec l'application de la loi française dite Loi de SPINETTA et qui part du même principe d'impropriété à destination.

2. L'obligation de l'assurance de responsabilité a été instaurée en l'absence d'obligation du contrôle tout en sachant que les assureurs refusent de couvrir les ouvrages non contrôlés.

Les sociétés d'assurance sont obligées d'accepter les risques sous peine de retrait d'agrément (article 20).

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Par ailleurs aucune structure organisationnelle n'était prévue en cas de litige entre assureur et demandeur d'assurance. D'après la loi, l'assureur est obligé d'accepter de couvrir le risque même s'il est inassurable : On rappelle que l'assureur couvre le risque à caractère aléatoire c'est à dire non prévisible et de ce fait, ne couvrira jamais un risque jugé certain.

3. L'assurance dommage obligatoire : le Maître d'ouvrage doit souscrire une assurance dommage pour réparer les dommages en dehors de toute recherche de responsabilité : On est en face de deux assurances, une pour l'intervenant et une autre pour le maître d'ouvrage. Cette situation suppose que l'assureur dommages peut faire un recours automatiquement contre l'assureur de responsabilité lorsque l'faute est supposée incomber à l'un des intervenants.

Aucun texte ne prévoit le mécanisme ainsi que les limites de recours des assureurs "Assurance Dommages" contre les assureurs "Assurance Responsabilité".

Il y a lieu de noter que cette loi a été pratiquement copiée sur la loi française dite Loi SPINETTA. D'ailleurs, depuis la promulgation de cette loi en Tunisie, les réassureurs internationaux ont refusé de réassurer les risques tunisiens sur la base de cette loi et de ce fait ces derniers n'étaient pas couverts en assurance décennale pendant plusieurs années.

Le secteur d'assurance Tunisien était dans l'embarras puisque la loi était inapplicable au vu du refus des réassureurs internationaux d'accepter de couvrir les ouvrages tunisiens en décennale.

Loi du 31/01/1994

a - Avantages de la loi du 31/01/1994

1. En plus des responsabilités des intervenants (y compris le Bureau de Contrôle), le législateur a retenu la responsabilité décennale des promoteurs immobiliers. Ce point revêt une importance capitale aux yeux du consommateur vu que ce dernier, à l'achat d'un logement, ne connaît et n'a de contact direct enfin de compte qu'avec le promoteur qui lui a vendu l'appartement. Il faut reconnaître que cet article de la loi est une innovation dans le sens de la protection du consommateur.

2. Art 3 a essayé; tant bien que mal; de définir la notion d'ouvrage soumis à l'obligation d'assurance au titre de cette loi.

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3. Le législateur a rendu le contrôle obligatoire là où il y a obligation de l'assurance RC décennale. Il est nécessaire de rappeler que l'assurance décennale ne peut être accordée que si l'ouvrage a bénéficié d'un contrôle technique tant au niveau de la conception qu'au niveau de l'exécution.

4. La loi a défini avec exactitude le rôle du Bureau de Contrôle Technique pour préserver la solidité de l'ouvrage ainsi que la sécurité des personnes. Elle a fait ressortir aussi l'incompatibilité entre l'exercice du contrôle technique et celui de la conception (Art 7 ).

5. En matière de souscription de la couverture décennale c'est le maître d'ouvrage qui est tenu de souscrire une garantie décennale pour le compte de tous les intervenants : obligation d'assurance Responsabilité Civile Décennale.

6. Le délai de présenter l'action de Responsabilité Civile Décennale est de 1 an (Art 5), délai qui est tout à fait raisonnable lorsqu'on sait que les pathologies dans les constructions ne sont jamais instantanées ( sauf dans des cas très rares ) mais évoluent dans le temps.

7. L'article 98 stipule qu'à l'exclusion des dommages causés uniquement au complexe d'étanchéité, l'assureur répond, avant toute recherche de responsabilité, des dépenses relatives aux travaux de réparation des dommages.

Si les 2 parties se mettent d'accord pour le montant des réparations, l'assureur est tenu d'indemniser dans les 100 jours à compter de la date du sinistre. S'il n'y a pas accord, l'assureur doit verser 75 % du montant en attendant que le montant définitif de l'indemnité soit fixé par le tribunal. C'est une sorte de préfinancement des réparations en attendant que le tribunal départage les deux parties : assureur et assuré.

c'est presque une assurance dommages.

8. Contrairement à la loi du 10/10/1986, il n'y a qu'une seule assurance Responsabilité Civile souscrite par le maître d'ouvrage, (l'assurance dommages n'existe plus en tant que telle ).

b - Inconvénients de la loi du 31/01/1994

1. Même les ouvrages bâtis sur l'eau (en particulier les digues) ainsi que les routes sont concernés par la Responsabilité Civile Décennale. Or on sait combien ce genre d'ouvrage est soumis à des aléas climatiques qui peuvent les agresser à

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tout moment. Si nous prenons le cas des ouvrages maritimes tels que les digues, leur conception se fait à travers des études de simulation dans les laboratoires vu que l'hydraulique maritime n'est pas encore totalement maîtrisée du fait que la réaction de la houle ainsi que celle des courants marins n'est pas encore suffisamment connue et maîtrisée.

D'ailleurs les sinistres dans ce domaine ne manquent pas. Il est vraiment difficile de responsabiliser les entreprises de construction pour ce genre d'ouvrages pendant une durée aussi longue que 10 ans.

2. La responsabilité des fournisseurs n'est pas explicitement retenue comme l'a fait la loi du 10/10/1986. D'ailleurs l'article 1 précise que tous les intervenants sont responsables ainsi que la personne liée au maître d'ouvrage par un contrat : en dehors

des intervenants habituels (architectes, Ingénieurs, Experts, BC ), la responsabilité
d'un intervenant n'est établie; aux yeux de cette loi; que s'il y a un contrat direct qui lie ce dernier au Maître d'ouvrage.

La Tunisie est passée par trois phases comme il a été dit précédemment. Cette belle expérience nous enseigne qu'une loi doit prendre en considération l'état d'évolution de la société. En d'autres termes, la même loi n'est pas nécessairement valable et applicable dans deux sociétés de niveaux de développement et de culture différents.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery