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Le veuvage de l'épouse d'un maà®tre- initié, mère de jumeaux dans la société Akélé du Moyen- Ogooué

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par Janny DIVAGOU IBRAHIM KUMBA
Université Omar Bongo - Maà®trise en sociologie de la connaissance 2009
  

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2. La domination masculine dans la société Akélé

La mise en évidence de la domination des hommes sur les femmes dans la société Akélé se traduit au sein de l'organisation politique et religieuse. En effet, au plan politique, les femmes sont quasiment exclues de la prise de décision et de la gestion du village ; même si la mère des jumeaux, les ngangas (mères spirituelles) et les femmes des feus hauts dignitaires siègent au corps de garde. Cela ne veut pas dire qu'elles ne prennent pas de décisions ; toutefois, leurs points de vue peuvent être pris en compte dans le corps de garde.

134Maurice GODELIER, Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l'anthropologie, ibid., pp.38-39.

135 Ibid., p.38.

136 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scène, Paris, Balland, 1992, p.14.

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Si les femmes sont dominées au plan politique, c'est parce que la gestion du village est aux mains des hommes. Il en est de même pour le plan religieux où le culte lié aux ancêtres137 par exemple, est régi par les hommes, tout comme la circoncision, le Mungula, Ondoukoué etc., même si les femmes dans ces rites ont une place importante et apparaissent comme nourricières, gardiennes voire conseillères.

En d'autres termes, dans cette société traditionnelle Akélé, la domination masculine sur les femmes est l'expression de la mystification du pouvoir en général, le pouvoir politique et religieux en particulier. Nonobstant cette situation de domination des hommes, il y a certaines femmes qui peuvent avoir un statut dominant sur les hommes.

Ce point de vue est partagé par Pierre BOURDIEU138, quand il estime que la domination masculine est tellement ancrée dans nos inconscients que nous l'apercevons plus, tellement accordée à nos attentes que nous avons du mal à la remettre en question. Mieux, BOURDIEU nous invite à explorer, à travers « cette domination masculine », les structures symboliques de l'inconscient androcentrique qui survit chez les hommes et les femmes. On pourrait ajouter à la suite de l'auteur que cette domination nous paraît même naturelle souvent d'où notre étonnement quand on voudrait la remettre en cause.

2.1. La mère des jumeaux, symbole de la domination des femmes sur les hommes

La mère des jumeaux a un statut particulier que lui confère la naissance des ses enfants. En effet, elle est la mère de deux génies et représente un médiateur chez les Akélé entre les hommes et les génies. C'est elle qui a la charge de relayer les faveurs des génies pour des prières de la communauté, par l'intermédiaire de ses enfants dans l'espoir d'obtenir des réponses favorables. A cela s'ajoute qu'il est formellement interdit aux hommes de la fixer dans les yeux. Par ailleurs, elle a à sa

137 Mayonze na nkeyi

138 Pierre BOURDIEU, La domination masculine, Paris, Seuil, (Coll. « Liber »), 1997, 134 p.

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disposition d'autres femmes mères de jumeaux et des enfants qui l'aident pour sa cuisine, sa toilette, sa beauté. De même, les hommes de retour de la chasse peuvent lui réserver, pour la circonstance, les meilleures parts de gibier, pour rendre plus fructueuse la chasse ; comme il en est de même pour la pêche et la cueillette. De plus, certains hommes sont à sa disposition qui l'aide pour ces travaux champêtres.

Claudine-Augée ANGOUE139 souligne à ce propos que la mère des jumeaux a une place au dessus de toutes les femmes. Elle acquiert un statut égal à celui de l'homme par la naissance des jumeaux. Claudine-Augée ANGOUE, dans ses propos s'intéresse particulièrement à la nature du statut de la femme qui met au monde les jumeaux, considérés comme des êtres supérieurs dotés de pouvoir. Cette naissance lui permet l'accès au milieu des initiés et d'être « un nganga-Mongala ». Soulignons également que chez les Akélé du Moyen-Ogooué du village de Bellevue, la mère des jumeaux, qui s'appelle aussi « nganga Mungala », occupe une place importante dans la société Akélé. Par ailleurs, c'est ce statut de nganga Mungala qui lui donne l'accès au corps de garde. De même, certains de nos informateurs ont affirmé que « les mères des jumeaux sont des ngangas puisqu'elles ont la possibilité de soigner, bénir, maudire les habitants du village ».140

Ces deux illustrations nous permettent d'affirmer que la mère des jumeaux est un « homme » dans cette société symbolique et lignagère, en ce sens qu'elle détient le pouvoir que lui confèrent ces enfants, ces êtres sacrés.

En partant du fait que nous sommes dans la société lignagère où c'est le groupe qui est valorisé; il est évident que la conscience individuelle est phagocytée. C'est dans cette même société lignagère que la mère des jumeaux est considérée comme détentrice d'un pouvoir que lui confère la naissance de ses enfants, que

139 Claudine-Augée ANGOUE citée par Eddy Blaise MABADI MAHEBA in Ambivalence et pouvoir : Mongala et le culte des jumeaux chez les Mahongwè, Mémoire de Maîtrise en Anthropologie, Libreville, UOB/FLSH, sept.2006, p.46.

140Propos de nos maîtres-initiés que nous avons rencontrés pendant notre période de terrain à Bellevue à Lambaréné.

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somme toute elle est, au même titre que ses enfants, perçue comme un fétiche politique, dans le sens où elle dotée de pouvoir, comme l'entend BOURDIEU141.

En un mot, « les fétiches politiques sont des gens, des choses, des êtres, qui semblent ne devoir qu'à eux-mêmes une existence que les agents sociaux leur ont donnée ; les mandants adorent leur propre créature. »142 Comme nous l'avons vu plus haut pour ses enfants, cette définition du fétiche politique attribuée à la mère des jumeaux lui convient parfaitement en ce sens qu'elle est aussi « objet » d'attentions toutes particulières de la part de la communauté et pourquoi pas « idolâtrée ». Aussi, nous ne pouvons qu'aller que dans le même sens que BOURDIEU.

L'auteur va plus loin en présentant le fétiche politique qu'il range sous l'angle de la délégation du pouvoir où intervient le mandant (c'est-à-dire la collectivité) qui « donne le pouvoir, comme on dit à une autre personne »143, c'est-à-dire le mandataire (la mère des jumeaux qui reçoit la sacralisation des Akélé). De ce fait, la mère des jumeaux se voit affectée d'un pouvoir charismatique. Tant qu'elle est mère des jumeaux, donc fétiche politique pour les Akélé, elle a le privilège de siéger au corps de garde avec les hommes initiés puisqu'elle est vue comme un « homme initié ». Par ailleurs, la communauté lui voue un culte, un rituel144 dans lequel elle est maquillée avec du kaolin rouge, (Mboulé) et du kaolin blanc, (Pembe).

Elle frotte malê ma magniang145, l'huile d'amande et malê ma mambila146, l'huile de palme sur son corps, sur sa poitrine elle porte une corde croisée fait à base d'une tige de plante que l'on appelle : `'Ledenka''147. Elle ne se tresse pas comme les autres femmes, elle fait juste deux tresses dites civiles148. Et sur ces tresses elle porte deux

141 Pierre BOURDIEU, Choses dites, Paris, Editions de Minuit, (coll. « Le sens Commun »), 1987, 228 p.

142 Ibid., p.187.

143 Ibid., p.187.

144 Ce rituel s'appelle en Akélé Niamawassa.

145L'huile d'amande sert à purifier la mère des jumeaux, mais surtout, lui rendre hommage d'avoir mise au monde des « génies ».

146 L'huile de palme est utilisée dans le cadre de bénédiction car elle vient de mettre au monde des « êtres sacrés», mais aussi lors du rituel des hommes qui s'initient au Mungala et à l'Ondoukoué, pour les préparer à être des hommes et à recevoir les connaissances du monde mystique.

147 Ledenka, symbolise la maternité des jumeaux.

148 Appellation des deux tresses qui divisent la tête en deux ou trois zones bien isolées les unes des autres par des allées.

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plumes rouges149 de perroquet au niveau du front. Elle doit avoir un grelot (legun) obligatoirement pour être en contact avec les esprits. Et tout cela se fait jusqu'à la maîtrise des forces invisibles pour permettre à la mère et aux jumeaux de mieux se porter mais aussi d'éviter à la mère des naissances rapprochées et pour attendre que les enfants marchent et atteignent un an.

C'est à peut près le même rituel que les Myènè font dans le cadre des cérémonies vouées à la mère des jumeaux et à ses enfants. Dans ce rituel, la mère des jumeaux s'appelle « Ngompaza qui signifie : ngwè y'ampaza »150 ou « Obata y'ampaza »151 Autrement dit, à travers la lecture du statut de la mère des jumeaux considérée comme fétiche politique avons dit, nous nous inscrivons dans un univers typiquement symbolique et surtout imaginaire. Symbolique parce qu'intervient toute une panoplie d'objets dotés de sens liés à des rituels. Imaginaire parce que nous sommes dans l'ordre des croyances, en tant que faculté de la communauté à se représenter la mère des jumeaux comme « objet » de culte.

Mieux encore, la mère des jumeaux exercerait une sorte de violence de l'imaginaire au sens où l'écrit Joseph TONDA : « Elle est violence de l'imaginaire parce qu'il s'agit d'une violence administrée par, ou organisée autour de l'imaginaire constitué par des entités invisibles au moyen de symboles ou de fétiches. »152 Nous parlons de violence de l'imaginaire parce qu'il est question d'une imposition de symboles qui a pour effet de causer un impact sur la conscience collective en ce sens qu'elle choque, qu'elle traumatise les membres de la communauté susceptible de la rencontrer dans ses divers maquillages.

149 Ces 2 plumes rouges du perroquet symbolisent l'autorité et la royauté. Cf. la page 89 du Mémoire.

150 Pasteur OGOULA M'BEYE, Galwa ou Edôngô d'antan, op.cit., p.107.

151 Propos de monsieur Laurent IGAMBONTSYNA, 68 ans, médecin, enquêté que nous avons interrogé sur les questions de jumeaux et leur place dans la société symbolique Galoa.

152 Joseph TONDA, Le Souverain moderne. Le corps du pouvoir en Afrique centrale (Congo, Gabon), Paris, Karthala, 2005, p.32.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard