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La vente à  l'essai face au régime juridique des contrats à  distance

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par Florent SUXE
Université Panthéon-Sorbonne Paris 1  - Master 2 droit du commerce électronique et de l'économie numérique  2013
  

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SECTION 2 : L'indétermination du prix de la vente totale et du prix propre à chaque bien

Comme nous l'avons déjà précisé, le gestionnaire du site web ne mentionne qu'un prix maximal au moment où l'acheteur valide définitivement son achat, en précisant que la valeur de la malle ne dépassera pas, en tout état de cause, la somme de 1500 euros. Ainsi non seulement l'acheteur ne connaît pas précisément le prix total qu'il aura à débourser s'il souhaite conserver l'intégralité du contenu de la malle, mais surtout, il ne connaît pas en toute logique le prix propre à chaque vêtement et accessoire.

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Il convient donc, en premier lieu, de se demander si la détermination du prix est une condition de validité du contrat de vente avant de comprendre dans quelles circonstances cette condition est respectée.

La jurisprudence a été très fluctuante en la matière. Considérant d'abord que le prix était une condition de validité de tout contrat et qu'il devait être déterminé ou déterminable, elle a fait du prix une condition de la validité des contrats par principe en considérant ça et là que certains contrat faisaient exception, comme le contrat d'entreprise ou encore le mandat.

Ainsi dès lors que la détermination du prix supposait un nouvel accord des parties en cours d'exécution du contrat ou que cette détermination dépendait de la volonté unilatérale d'une des parties le contrat devait être annulé.

La Cour de cassation a ensuite assoupli ses exigences par deux arrêts du 29 novembre 199478 en considérant que le prix devait toujours être déterminé ou déterminable, mais qu'il pouvait néanmoins être déterminé de manière subjective par une des parties dotée du pouvoir de fixer unilatéralement le prix. Ainsi, en l'espèce, une clause du contrat faisait référence au tarif fournisseur de sorte qu'une des parties avait la possibilité de fixer unilatéralement le prix.

La juge contrôlait alors l'abus dans la fixation du prix en sanctionnant celui qui fixait le prix, sous l'angle de la bonne foi exigée dans le cadre de l'exécution des contrats.

Après quoi, la Cour de cassation s'est réunie en assemblée plénière le 1er Décembre 199579 afin de modifier sa jurisprudence, en renversant le principe et l'exception.

Au vu de sa nouvelle décision, elle considère d'une part que l'article 1129 du Code civil n'est plus applicable à la détermination du prix, d'autre part que lorsqu'une convention

78 C.Cass. Civ 1ère, 29 Nov 1994, I D.1995.122 note Aynès, JCP 1995.II.22371 note Ghestin, CCC 1995, n° 24, note Leveneur, RTD civ. 1995. 358, obs. Mestre, RTD Com. 1995.464, obs. Bouloc.

79 C. Cass. Ass. Plén., 1er déc 1995 (4 arrêts), Gaz Pal. 9 Déc 1995, note P. de Fronbressin, JCP 1996.II.22565 concl.Jeol, note Guestin, JCP E 1996, II, 776, note Leveneur, et N., I, 93, obs. D.Boulanger, D.1996.13 concl. Jéol ; note Aynès, LPA, 27 Déc 1995, n° 155, p.11, note D.Bureau et N. Molfessis, CCC 1996, n° 5 et chron. Leveneur, RTD civ. 1996. 153, obs. J. Mestre, Defrénois 1996.748, obs. Delebecque, Grands arrêts, t. 2, n° 152-155. - V. aussi, M. A. Frison-Roche, De l'abandon du carcan de l'indétermination à l'abus dans la fixation du prix, RJDA, 1996, n°1, p. 3.

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prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l'indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n'affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la validité de celle-ci, l'abus dans la fixation du prix ne pouvant donner lieu qu'à résiliation ou indemnisation.

Depuis cette jurisprudence réaffirmée par la suite80, il semble que le prix ne soit plus une condition de validité des contrats sauf lorsque la loi en dispose autrement.

Ainsi, à l'égard de la vente, l'article 1591 consacre clairement une exception au principe posé par la jurisprudence rendue par l'assemblée plénière de la Cour de cassation en 1995 dans la mesure où il dispose :

Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.

La jurisprudence entend néanmoins de manière assez souple cette exigence en considérant, qu'il n'est pas nécessaire que le prix soit déterminé dès la conclusion du contrat pourvu qu'il soit déterminable. Tel est notamment le cas lorsqu'un individu commande une automobile auprès de son concessionnaire qui la lui vend en insérant dans le contrat une clause au terme de laquelle le prix à payer sera celui du constructeur au jour de la livraison. En effet, auquel cas, la jurisprudence considère que le prix est déterminable dans ce cas dans la mesure où sa détermination était indépendante de la volonté du vendeur81.

A priori, il semble difficile de considérer que le contrat conclu par Internet, tel que l'envisage aujourd'hui le vendeur gestionnaire du site web, comporte un prix déterminé ou déterminable.

En effet, la fixation d'un prix maximal, ne permet pas de connaître de manière précise le prix qui serait à payer. Par ailleurs, nous pensons que l'exigence d'une détermination du prix oblige les parties à définir le prix correspondant à chacun des vêtements et objets vendus dans la malle. Aussi, la situation actuelle laisse entendre que le prix est déterminé de manière purement subjective par le vendeur, ce qui n'est pas permis dans

80 En toute matière :arrêt Civ 1ère 12 mai 2004 n° pourvoi 03-13847, pour le prêt à intérêt : Cass. Com 9 juillet 1996.

81 C. Cass Civ 1ère 2 décembre 1997, n° de pourvoi 95-16720.

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le cadre d'une vente, dans la mesure où ce dernier ne communique pas le prix des vêtements et accessoires qui pourraient composer la malle.

Une solution pourrait consister à déterminer le mode de calcul du prix total en précisant ainsi un prix correspondant à chaque type de vêtement et accessoires, ainsi par exemple, 100 euros pour un pantalon, 35 euros pour une ceinture, 150 euros pour une veste... L'acheteur pourrait alors se faire une idée du prix qu'il aurait à payer dans la mesure où il connaîtrait le montant maximal que le prix total de la malle ne pourra dépasser, ainsi que le prix des catégories de vêtements qu'il a demandés, sans connaître tout à fait précisément le prix total de sa commande, ne sachant pas en quelle quantité lui seront livrés les catégories de vêtements qu'il a achetés.

Le vendeur pourrait même s'abstenir d'affecter un prix à chaque catégorie de vêtement, ce qui serait commercialement plus réaliste, en indiquant à l'acheteur que le prix des vêtements et accessoires sera celui de leur fournisseur, majoré d'un pourcentage de 20 % correspondant à sa marge.

Auquel cas, la déterminabilité du prix ne serait qu'indirectement subjective, car le vendeur pourrait faire monter le prix total en remplissant en majorité la malle des catégories de vêtements les plus chères.

La question de la détermination du prix est donc liée à celle de la détermination de la chose dans la vente surprise. Il ne fait aucun doute que la sanction de l'indétermination du prix consisterait en la nullité du contrat conclu dans la mesure où le prix est une condition de validité du contrat de vente. Cependant, on peut débattre de la nature de la nullité.

En effet, la théorie classique des nullités enseigne qu'un contrat privé d'un de ses éléments essentiels est nul de nullité absolue, en se fondant sur le critère de la gravité.

Au contraire, la théorie moderne des nullités prévoit que la nature de la nullité est fonction de l'intérêt qu'on entend protéger. Ainsi, un contrat serait nul de nullité absolue lorsque la règle qui a été violée entend protéger l'intérêt général tandis que la nullité ne devrait être que relative lorsque celle-ci entendait protéger une personne en particulier.

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Il n'existe pas de jurisprudence considérant qu'un contrat est nul de nullité absolue dès que le prix est indéterminé ou indéterminable82.

Il nous semble par conséquent que la théorie moderne des nullités devrait être appliquée à une telle situation dans la mesure où la règle relative à la détermination objective du prix entend protéger l'acheteur et non la société tout entière. Ainsi, il serait possible de considérer que l'acheteur a renoncé à agir en nullité en confirmant de manière tacite l'acte qu'il a conclu dès lors qu'il a procédé au paiement.

Comme nous venons de le voir, l'originalité du modèle économique mis en oeuvre par le gestionnaire du site web rend très difficile l'application du Droit, tant du point de vue de l'obligation d'information que le Code de la consommation fait peser sur ce dernier, qu'en ce qui concerne la procédure d'échange des consentements, et les règles relatives à la détermination de l'objet du contrat.

Le régime juridique des contrats à distance pose d'autres difficultés en ce qui concerne le droit de rétractation dont bénéficie l'acheteur lorsque la vente conclue à distance correspond également à la qualification de vente à l'essai.

82 A la différence de la conclusion que tire une partie de la doctrine d'un arrêt Cass. Com, 9 mai 1985, n° de pourvoi 83-16578 83-16823 ,faisant référence à la caducité du contrat et non à la nullité absolue. Un arrêt rendu le 30 novembre 1983,n° pourvoi 82-12045, par la même chambre a cependant considéré qu'un contrat était dépourvu d'existence légale dans le cas où le prix était inexistant, ce qui est selon nous une situation différente du cas où le prix n'est que déterminable subjectivement.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld