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Epargne et dépenses de consommation des ménages en milieu rural. Cas du village d'Adjamé Bingerville en Côte d'Ivoire

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par Fabrice Oswald TANOH
Université Félix Houphouët Boigny Abidjan - Master 1 de sociologie économique 2012
  

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UNIVERSITE FELIX HOUPHOUET BOIGNY

UFR: DES SCIENCES DE L'HOMME ET DE LA SOCIETE

INSTITUT D'ETHNO-SOCIOLOGIE

ANNEE UNIVERSITAIRE : 2012 -- 2013

MEMOIRE DE MASTER I

OPTION : SOCIOLOGIE DE L'ECONOMIE

Epargne et dépenses de consommation des ménages en
milieu rural: cas du village d'Adjamé Bingerville
dans la commune de Bingerville

SUJET:

AUTEUR:

TANOH TANOH FABRICE OSWALD

SOUS LA DIRECTION DE:

M. YAO GNABELI ROCH Professeur Titulaire de Sociologie

2

SOMMAIRE

LISTE DES TABLEAUX&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&& &&&& 5

LISTE DES FIGURES &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 5
LISTE DES ABREVIATIONS
&&&&&&&&&&&&&&&&&& &.&&& 6

DEDICACE &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 7
AVANT- PROPOS
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.& 8 REMERCIEMENTS &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 9 RESUME &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&.&&&&& 10

INTRODUCTION GENERALE &&&&&&&&&&&&&&&&& &.&&&& 11

PREMIÈRE PARTIE: CONSTRUCTION DE L'OBJET ET

METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE &.& & &&. 14

Chapitre 1 - CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ETUDE&&.&& & &.&&& 15

I-1 Problématique &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& & && & 15

I-1-1 Contexte de l'étude &&& &&&&&&&&&&&& &&&.& &.&.& 15

I-1-2 Emergence du sujet &&&&&&&&&&&&&&&.& &&&&.&.& 20

I-1-3 Les constats de recherche &&&&&&&&&&&&&&.& &&&& 21

I-2 La revue critique de la littérature &&&&&&&.&&&& & &&.& 26

I-2-1 Les approches théoriques de la consommation des ménages && & 27

I-2-2 Les approches théoriques relatives à l'épargne des ménages &&.&& 39

I-3 Les objectifs de l'étude &&&&&&&&&&&&&&&&& &.& && 44

I-3-1 Objectif général &&&&&&&&&&&&&&&&&&&& && && 44

I-3-2 Objectifs spécifiques &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 44

I-4 Modèle d'analyse &&&&&&&&&&&&&&&&&&&& &&.&& 45

I-4-1 Hypothèse de la recherche. &&&&&&&&&.&&&&&&&.&&.&& 45

I-4-2 Définition des concepts clés de l'hypothèse &&&&&&&.&&&&.& 46

Chapitre 2 - APPROCHE METHODOLOGIQUE &&&&&&&.&&&&& 52

I- Délimitation du champ de l'étude &.&&&&&&&&&&&&&.&&.& 52

3

I-1 Le champ géographique &&.&&&&&&&&&&&&&&&&&.&.&&& 52

I-2 Le champ social &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& &.&&& 52

II- Les techniques de collecte de données.&&&&&&&&&&&&&&&&53

II-1 La documentation &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 53

II-2 L'enquête exploratoire &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 54

II-3 L'échantillonnage &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 55

II-4 Le questionnaire &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 56

II-5 Le guide d'entretien &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 57

II-6 Le dépouillement &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 58

II-7 Les conditions sociales de l'étude &&&&&&&&&&&&&&&&&&& 59

DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE &&&&&. 61 Chapitre I : MONOGRAPHIE DE L'ORGANISATION SOCIALE

DES EBRIE D'ADJAME BINGERVILLE &&&&&&&&&&& 62

I - Historique du peuplement &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 62

II - La situation géographique d'Adjamé Bingerville &&&&&&&&&&&. 62

III- Les caractéristiques physiques et démographiques du village &&.&& 62

III-1 Les caractéristiques physiques &&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 62

III-2 Les caractéristiques démographiques &&&&&&&&&&&&&&&& 63

IV- Organisation politique du village d'Adjamé-Bingerville &&&&&&& 63

IV-1 La chefferie des ~'Nanans'' ou les chefs de terre &&&&&&&&&&&& 63

IV-2 La chefferie villageoise &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 64
IV-2-1 Le chef du village &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&& 64 IV-2-2 La notabilité du village &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&. 64

IV-3 Les générations de classes d'âge &&&&&&&&&&&&&&&&&&& 65

V- Organisation économique du village d'Adjamé Bingerville &&&&&& 66

V-1 Le foncier rural &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 66

V-2 Les infrastructures socioéconomiques &&&&&&&&&&&&&&&&&. 66

V-3 Les activités économiques &&&&&&&&&&&&&&& &&&&&&& 66

VI- Organisation culturelle du village &&&&&&&&&&&&&&&&&. 67

4

TROISIEME PARTIE: ANALYSE DES DETERMINANTS SOCIAUX

DE L'EPARGNE DANS LA STRUCTURATION DES DEPENSES

DE CONSOMMATION DES MENAGES D'ADJAME BINGERVILLE&&&&&. 68

Chapitre 1 - PRESENTATION DE QUELQUES DONNEES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES DES ENQUETES DE L'ETUDE &&&&& 69

I-1 Le sexe des chefs de ménages &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 69

I-2 L'âge des chefs de ménages &&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&. 69

I-3 Le statut matrimonial des chefs de ménages &&&&&&&&&&&.&&&. 70

I-4 Le nombre d'enfants des chefs de ménages &&&&&&&&&&&.&&&& 70

I-5 Le niveau d'instruction des chefs de ménage &&&&&&&&&&.&.&&& 71

I-6 La taille des ménage &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&& 71

I-7 Les catégories socioprofessionnelles des chefs de ménage&&&&.&&& 72

I-8 Les catégories socioprofessionnelles du conjoint des chefs de ménage. &&72

I-9 L'ethnie des chefs de ménages &.&&&&&&&&&&&&&&&&&&.& 73

I-10 Les religions pratiquées par les chefs de ménage &&&&&&&&&&& 73

Chapitre 2- LA STRUCTURE DES DEPENSES DE CONSOMMATION

DES MENAGES&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&&& 74

I - Les différents postes de dépenses de consommation des ménages&&74

II- Hiérarchisation des dépenses de consommation

 
 

des ménages en termes de priorité et de revenu alloué&&&&&.&

 

75

II-1 Dépenses primaires &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&

75

 

II-1-1 L'alimentation : premier souci des ménages pauvres &&&.&&&&&

75

 

II-1-2 Le logement : un poste important dont le milieu rural

module en partie le poids &&&&&&&&&&&&&&&&&.&&

&

 

76

II-1-3 L'éducation et la santé &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

&

76

II-2 Dépenses secondaires &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

77

 
 

II-2-1 Les dépenses cérémonielles &&&&&&&&&&&&&&&.& &&& 77

II-2-2 Le transport et la communication &&&&&&&&&&&&&&&&& 78

II-2-3 Les loisirs et l'habillement &&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&& 78

II-3 La clé de répartition des dépenses de

consommation dans le ménage &&&&&&&&&&&&&&&&&&& 79

Chapitre 3- LES REPRESENTATIONS SOCIALES LIEES

A L'EPARGNE DES MENAGES &&& 80

5

I - Les représentations sociales liées à l'épargne des ménages&& &&80

I -1 Idéologies culturelles liées à l'épargne des ménages 80

I -2 Croyances religieuses liées à l'épargne des ménages&&&&&& && 82

I -3 Les perceptions psychosociales de l'épargne des ménages &&&&&& 84

II - Les structures formelles ou informelles d'épargne

des ménages d'Adjamé Bingerville &&&& &&&&&&&&&&&& 85

II-1 Les Institutions de Microfinance (IMF) &&&&&&&&&&&&&&&& 85

II-2 Les mutuelles &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 86

II-3 Les tontines &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 87

II-4 Les associations coopératives &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 89

Chapitre 4- LES FORMES ET LES ENJEUX DE L'EPARGNE

DES MENAGES D'ADJAME BINGERVILLE &&&&&&&& 90

I - Les formes d'épargne des ménages &&&&&&&&&&&.&&&&&&. 90

I -1 L'épargne religieuse &&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&&&&&& 90

I -2 L'épargne à la maison ou épargne thésaurisée &&&&&.&&&&&&& 90

I -3 L'épargne communautaire &&&&&&&&&&&&&&.&&&&&&&& 91

I -4 L'épargne tontinière &&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&.& 92

I -5 L'épargne sur pied ou en nature&&&&&&&&&&&&&&&.&&&& 92

II- Les enjeux sociaux de l'épargne des ménages &&&&&&&.&&&& 94

II -1 Lien social et accès au crédit &&&&&&&&&&&&&&.&&&&.&& 94

II -2 L'épargne : un instrument de solidarité mais aussi de distinction

sociale&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&& 94

CONCLUSION&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& &&& 95

BIBLIOGRAPHIE&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&& 98

WEBOGRAPHIE 101

TABLES DES MATIERES &&&&&&& &.&&&&&&&&&&&&&&& 102

ANNEXES &&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&&&&&&&&& 106

6

Liste des tableaux

Tableau 1 : Opérationnalisation de la variable dépendante &&&&.&&&& 49 Tableau 2 : Opérationnalisation de la variable indépendante &&&&&&&& 53

Tableau 3 : récapitulatif du plan d'échantillonnage par quota &&&&&& 58

Tableau 4 : Calendrier d'exécution des travaux de recherche &&&&&&&& 62 Liste des figures

Figure 1 : Répartition des chefs de ménages selon le sexe &&&&&&&&&. 69

Figure 2 : Répartition des chefs de ménages selon l'âge &&&&&&&&&& 69

Figure 3 : Répartition des chefs de ménages selon le statut matrimonial && 70

Figure 4 : Répartition des chefs de ménages selon le nombre d'enfant&.&&&.70

Figure 5 : Répartition des chefs de ménage selon le niveau d'instruction && 71

Figure 6 : Répartition des chefs de ménages selon la taille du ménage &.&& 71

Figure 7 : Répartition des chefs de ménage selon leurs catégories

socioprofessionnelles &&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&& 72

Figure 8 : Répartition des chefs de ménage selon leurs catégories socioprofessionnelles du conjoint &&&&&&&&&&.&&&&&&. 72

Figure 9 : Répartition des chefs de ménages selon l'ethnie &&&&& &&&&. 73 Figure 10 : Répartition des chefs de ménages selon leur religion &&.&&&&. 73

Figure 11 : Les postes de dépenses de consommation des ménages &.&&& 74 Figure 12 : La clé de répartition des dépenses de consommation &&&.&&&. 79

Figure 13 : Les motivations psychosociales de l'épargne des ménages &.&& 84

Figure 14 : Les formes d'épargne des ménages &&&&&&&&&&&.&&&& 90

Figure 15 : Synthèse analytique des formes et du système de réseau

d'épargne des ménages d'Adjame Bingerville &&&&&&&&&.&. 93

7

Liste des abréviations

DRSP-CI

Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté de la Côte d'Ivoire

INS

Institut National de la Statistique

ENV

Enquête sur le Niveau de Vie

CERAP

Centre de Recherche et d'Action pour la Paix

INADES

Institut Africain pour le Développement Economique et Social

BCEAO

Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest

UEMOA

Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

ENSEA

Ecole Normale Supérieure d'Economie Appliquées

FMI

Fonds Monétaire International

BM

Banque Mondiale

UNICEF

Fonds des Nations Unies pour l'Enfant

NPI

Nouveaux Pays Industrialisés

IMF

Institution de Micro-Finance

Dédicace

Au Maitre de la science et des savoirs,

A mon père TANOH Koua,

A ma mère KOUADIO Aya Suzane,

A mon oncle KOUADIO Kouamé et à son épouse,

Et à toute ma famille,

8

« L'épargne est l'origine du capital comme elle est la justification morale du capitalisme, puisqu'elle représente une privation, un effort et même un sacrifice. Car celui qui ne consomme pas tout ce qu'il a gagné pense aux autres au lieu de penser à lui-même. Il pense à ses enfants, à ses successeurs. Il pense, sans le savoir à tout le monde. Il n'y a eu de civilisation qu'à partir du jour où des hommes, au lieu de manger tout le gibier de leur chasse et de se gaver, ont fumé ou salé de la viande, ce qui a permis à la tribu de se livrer à d'autres travaux ».

6 juin 1925, Jacques Bainville

9

Avant-propos

Ce mémoire a été conçu à partir d'un constat personnel. En effet, alors que nous étions étudiant en licence de sociologie à l'Université Félix Houphouët Boigny d'Abidjan-Cocody, nous avons en Août 2008, eu la chance de participer au faste cérémonial d'intronisation du XXème chef du village d'Adjamé Bngerville. Ce fut l'occasion pour nous, d'une part, de découvrir dans ce village Atchan, la capacité des ménages à dégager ensemble des ressources matérielles afin d'organiser la passation de pouvoir à la génération `'Dougbo». Et ce, malgré la précarité relative dans laquelle vie cette population rurale. Et d'autre part, impressionnante fut notre surprise de cette solidarité villageoise, de constater l'inexistence de structures bancaires ou du moins d'institution de micro-finance dont le rôle en matière de mobilisation de l'épargne des populations est indéniable.

Ainsi, comment se fait-il qu'une population à revenu précaire, à priori pauvre parce que rural, peut-elle mobiliser autant de ressources en particulier financières pour l'organisation d'une cérémonie fastueuse? Quels enjeux cachent cette cérémonie d'intronisation? Ce paradoxe, par la suite, nous a vivement inspiré dans la réalisation de cette étude sur l'épargne des ménages ruraux.

En somme, cette étude n'est qu'une oeuvre d'un étudiant commençant ces premiers pas dans la recherche scientifique. Nous attendons donc de votre part, des critiques et des suggestions constructives. Il va s'en dire que ce mémoire n'est qu'un modeste support de travail que nous entendons mettre à là disposition des spécialistes qui ont la lourde charge de résoudre les problèmes cruciaux de mobilisation de l'épargne des ménages dans les pays en voie de développement en général et particulier en Côte d'Ivoire.

10

Remerciement

Nous voudrions remercier le Professeur Yao Gnabéli Roch, de l'Institut d'Ethno-sociologie, Professeur titulaire de sociologie et directeur du Laboratoire de Sociologie Economique et d'Anthropologie des Appartenances Symboliques (LAASSE), pour son profond attachement à la recherche scientifique, aux valeurs cardinales qui le caractérisent et à l'intérêt qu'il a accordé à notre étude. Notre reconnaissance va à l'endroit du Docteur N'Doly Christophe dont la direction de ce travail revient en premier lieu et à tous ces collègues dont les docteurs Lidah Serge, Lognon Jean Louis, Droh Rusticot Bouaki Baya qui n'ont ménagé aucun effort à nous orientera à travers des conseils avisés.

Nous tenons, également, à remercier Mr et Mme Kouadio Kouamé qui par leur soutien moral et financier, ont permis à la réalisation de ce mémoire. Aussi, notre gratitude va à l'endroit de Mr Honoré Agbo, chef du village d'Adjamé Bingerville et à travers lui à toute la communauté villageoise pour leur hospitalité à notre égard.

Enfin nos remerciements s'adressent à tous les amis, organisations et à ceux qui d'une manière ou d'une autre, ont bien voulu nous prêter de leur précieux concours quant à la conception de cet ouvrage. Nous citons Niava Landry, doctorant au département de sociologie, Paterne AHUI, N'Dri Lautheur, Yobouët Dermères, Marie Pierre Agbo, Salomon Jeanine, la jeunesse de la communauté méthodiste de John Wesley de la Riviera Palmeraie et la classe Philadelphie.

11

Résumé

Cette étude montre qu'au-delà des facteurs économiques, il existe des déterminants sociaux qui caractérisent l'épargne des ménages vivant dans la précarité en milieu rural. Les résultats obtenus révèlent l'existence de croyances culturelles et religieuses liées à l'épargne des ménages. Ces croyances sont perceptibles dans les structures sociales (génération de catégorie de classe d'âge, les églises, les mutuelles...) dans lesquelles s'inscrivent les ménages d'Adjamé Bingerville.

Ces différents cadres sociaux contraignent les ménages à dégager des sommes parfois élevées pour honorer des obligations sociales et culturelles. Ce qui conduit les ménages à posséder plusieurs formes d'épargne allant de l'épargne collective à l'épargne individuelle.

Ainsi, ces différents comportements d'épargne des ménages contribuent à l'identification du mode d'appartenance et à la reproduction de l'identité culturelle des ménages.

12

Introduction générale

Le développement économique et social s'est jusqu'ici présenté sous deux paradigmes distincts: celui de l'économie dirigée d'intérêt général et l'actuel modèle issu du consensus de Washington. Le premier avait valu à la Côte d'Ivoire une notoriété internationale, grâce à ce qui passait alors pour son « miracle économique ».

Ainsi de 1960 à 1980, ni la Banque mondiale (BM), ni le Fonds monétaire internationale (FMI) n'étaient directement intervenus dans la conduite de la politique économique de la Côte d'Ivoire. Bien au contraire, la Banque avait toujours financé sans réserve, tous les investissements publics présentés par la Côte d' Ivoire. Elle était même le premier bailleur de fonds du pays, malgré le modèle1 de l'économie dirigée d'intérêt général appliqué en Côte d'Ivoire au cours de cette période. Mais à partir de 1981, les Institutions de Bretton Woods ont commencé à remettre en cause l'intervention directe de l'Etat dans les secteurs productifs, lequel a fini par se désengager complètement à partir de 1990, au profit du secteur privé, comme le recommande le consensus de Washington» (Zadi, 2011, p 18-19).

Dès ce moment, la population ivoirienne dans son ensemble en particulier les ménages, peu familier des valeurs liées à l'économie néolibérale et privés de la tutelle de l'Etat-Providence, ont vu leur revenu et leur niveau de vie baisser considérablement. Ainsi, Le taux de pauvreté a connu une hausse tendancielle passant de 10,0% en 1985 à 36,8% en 1995 et à 33,6% en 1998

1 Ce modèle qui s'oppose à la détermination de l'économie par les seules initiatives du secteur privé, a été conçu en France, en 1934, en pleine crise économique. La Conférence économique de la France métropolitaine et d'Outre-mer avait introduit le thème du rôle de l'Etat non plus seulement comme financier, mais comme concepteur, et avait ajouté au principe dorénavant admis de l'outillage celui, plus nouveau, de l'impulsion industrielle par le secteur privé.

13

avant de remonter à 38,4% en 2002 puis à 48,9% en 2008, en raison des crises économiques, sociopolitiques et militaires successives (DSRP, 2008 pp.12).

C'est dans un tel contexte que notre étude ambitionne d'appréhender la structure sociale des dépenses de consommation en particulier la place qu'occupe l'épargne des ménages précarisés en milieu rural.

En effet, il peut sembler singulier, a priori, de s'intéresser au rôle de l'épargne des ménages dans le développement économique et social d'un pays, quand on a été longtemps prisonnier du dogme selon lequel l'entreprise et l'Etat travaillent solidairement pour le bien être des ménages. Pourtant, il suffit d'observer le niveau de vie des populations africaines pour comprendre que rien n'est aussi éloigné de la vérité que cette théorie illusoire. L'exemple des pays industrialisés tels que la Corée, l'Inde et Taïwan... est révélateur (Améthier, 1989). Ces Nouveaux Pays Industrialisés (NPI)2 d'Asie du Sud-est et de l'Amérique latine ont impulsé leur développement par la base dans les années 70-90. Ces pays ont connu respectivement, des croissances moyennes du Pib de 7,7%, 9,4%, 8% et 7%, pour des taux moyens d'épargne de 35,5%, 33,4%, 36,2% et 27,7% (Zadi, 2011). Ces chiffres montrent tout simplement le rôle de l'épargne des ménages dans le processus de développement économique et social d'un pays.

En toute évidence, comprendre la problématique des déterminants sociaux de l'épargne des ménages ivoiriens est un enjeu majeur dans la réduction de la pauvreté et dans la mobilisation de capitaux internes dans un processus de développement endogène.

2 La Malaisie, la Thaïlande, la Corée et le Chili dans la période (1986-1995), ont mobilisé l'épargne intérieure composée en grande partie de l'épargne des ménages pour financer les changements structurels de leurs économies, tout en s'assurant des taux de croissance très élevés. On note ainsi, le lien très éclairant entre les taux de croissance de ces pays et l'épargne des ménages.

14

Pour nous résumer, ce travail de recherche nous a inspiré pour trois raisons. La première répond à un souci académique. En effet, c'est un passage obligé pour atteindre le troisième cycle que nous ambitionnons de faire. La seconde a une portée scientifique. Nous voulons inaugurer une nouvelle approche qui apparaît comme un troisième paradigme de développement économique et social qui, partirait de la réalité concrète des ménages afin d'élaborer des politiques de développement et de croissance inclusive parfaitement adapté. En effet, les ménages sont l'objet et non le sujet du développement. La troisième raison est plus personnelle. Nous voulons apporter notre contribution à la communauté scientifique et à tous ces spécialistes, qui ont la lourde tâche de réfléchir à la mobilisation d'une source interne de capitaux à même de susciter un développement endogène et participatif des populations concernées. Par conséquent, cette étude a pour objectif d'analyser les déterminants sociaux de l'épargne des ménages en milieu rural. Plus spécifiquement:

· Décrire la structure sociale des dépenses de consommation des ménages du village d'Adjamé Bingerville.

· Saisir et comprendre les représentations sociales du comportement d'épargne des ménages.

. Montrer les formes et les enjeux de l'épargne de ces ménages

En somme, ce mémoire comporte trois grandes parties. La première est relative à la construction de l'objet d'étude et la méthodologique. La seconde présente le cadre de l'étude. Enfin, la troisième partie porte sur l'analyse des résultats de l'enquête.

15

PREMIERE PARTIE

CONSTRUCTION DE L'OBJET ET AXE METHODOLOGIQUE
DE LA RECHERCHE

16

Chapitre 1 : CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ETUDE

I-1 Problématique

I-1-1 Contextualisation du sujet

La pauvreté des ménages est un concept complexe et multidimensionnel dont la définition suscite des polémiques entre les scientifiques et les chercheurs spécialistes de la question (Rapport Unicef, 2005). Elle se présente généralement sous deux dimensions: la dimension monétaire et la dimension non monétaire.

S'agissant de la première dimension, elle se rapporte aux notions de précarité de revenu et de chômage. Ainsi, les économistes définissent la pauvreté d'un ménage comme étant « l'incapacité d'un individu ou d'un groupe à acquérir une quantité de biens et de services» (Citro et Michael, 1995) ou encore un ménage vivant en dessous du seuil de pauvreté c'est-à-dire avec moins de 1 Dollar U$/jour (moins de 500F/jour), (Banque Mondiale, 2010). Cependant, cette approche par le revenu en tant que mesure unique de la pauvreté à ses limites parce que la pauvreté des ménages revêt de nombreux aspects qui ne sont pas forcement causés par la précarité de revenu. En effet, (Adam Smith, 1776) l'avait déjà noté dans la Richesse des Nations: « (...) est pauvre celui qui n'a pas le moyen de participer à la vie sociale ». Ce qui conduit à la définition de la seconde dimension de la pauvreté: la dimension non monétaire.

L'approche non monétaire de la pauvreté des ménages est appréhendée par les sociologues comme une insatisfaction des besoins de base (éduction, santé, hygiène, eau potable, emploi, habitat, etc.) qui sont nécessaires à l'atteinte d'une certaine qualité de vie. Pour (Sen, 2000), la pauvreté s'explique par une privation de capacités élémentaires qui se traduit, par l'illégalité dans la distribution des libertés substantielles et individuelles, par l'inaccessibilité aux opportunités économiques et au manque d'opportunités sociales des

17

populations. Quant à (Paugam, 2005), il définit la pauvreté comme étant un phénomène structurel3 dont les croyances et les pratiques sont encastrées dans les structures familiales et les relations sociales et qui sont reproduites de génération en génération. Aussi, cette pauvreté est traduite par les notions de privation de travail et de disqualification sociale qui renvoient à la pauvreté extrême et la rupture du lien social. Mais la pauvreté s'exprime aussi par une très grande souffrance liée au sentiment de l'inutilité sociale, la souffrance, l'absence de reconnaissance et le mépris social. (Paugam, 2009).

En somme, la pauvreté n'est plus un phénomène strictement monétaire mais est liée à la question de la précarité de l'emploi, à la dévalorisation du statut social, à la rupture du réseau relationnel et cumule bien souvent des problèmes de santé, de difficultés d'accès au logement, d'insalubrité et d'insécurité sociale.

Au regard de ces deux approches définitionnelles du concept de la pauvreté, quelle est le constat actuel de la pauvreté des ménages en Côte d'Ivoire?

Selon le DRSP (2008), le taux actuel de pauvreté en Côte d'Ivoire est de 48,9% contre 10% à 33,6% entre 1985 et 1998. Ce qui signifie qu'une personne sur deux est pauvre, et que ce nombre a été multiplié par 10 en l'espace d'une génération. L'analyse de l'évolution de l'incidence de pauvreté entre 1985 et 2008 montre que la pauvreté est plus accentuée en milieu rural qu'en milieu urbain. Le taux de pauvreté est passé en milieu rural de 15% en 1985 à 49% en 2002 puis à 62,45% en 2008. En milieu urbain, la pauvreté est passée de 5% en 1985 à 24,5% et 29,45% sur la même période.

3 Caractéristiques de la pauvreté des pays en voie de développement. Attachés aux valeurs familiales et traditionnelles, les individus conçoivent par exemple comme une richesse le fait d'avoir plusieurs enfants. Avoir de nombreux enfants, malgré la précarité permet de reproduire cette croyance. Cette conception de la famille est un indicateur de la culture de la pauvreté.

18

Aussi, les statistiques disponibles issues de (l'ENV, 2008) indiquent que le taux de chômage s'est accru. De 6,4% en 2002, le taux de chômage de la population active est estimé à 15,7% en 2008. Le chômage des jeunes âgées de 15-24 ans est le plus important. Le taux de chômage de la population active de ce groupe d'âge est de 24,2% en 2008 et celui des 25-34 ans est de 17,5%. Le chômage touche plus les femmes que les hommes. Il est plus important en milieu urbain qu'en milieu rural et particulièrement dans les grandes villes comme Abidjan. En effet, le taux de chômage des femmes est de 19,8% contre 12,1% chez les hommes. Il est de 27,4% en milieu urbain contre 8,7% en milieu rural.

De plus, la situation de l'emploi c'est-à-dire le salaire des fonctionnaires s'est fortement détérioré au fil des années. Les dernières décennies se sont caractérisées par une hausse constante de la précarité des travailleurs et de la baisse de leur pouvoir d'achat dû aux effets conjugués de deux phénomènes : le plafonnement des salaires depuis 1996 et la cherté de la vie. Comme l'indique Joseph Ebagnérin4 « Nous ne pouvons plus joindre les deux bouts, nos salaires peinent dans les escaliers quand les prix se sont envolés dans les ascenseurs. Savez-vous que beaucoup de familles dans notre pays n'arrivent plus à s'offrir deux repas par jour ? Chaque jour, les prix des denrées de première nécessité s'envolent vers le firmament. Mr. Le Premier Ministre faites baisser les prix de tous les produits de consommation. Nous ne supportons plus la cherté de la vie ». Ces propos illustrent les difficultés qu'ont la plupart des ménages ivoiriens à se nourrir, à se loger et à soigner leurs membres.

Toutes ces difficultés ont pour conséquence social l'affaiblissement des solidarités traditionnelles qui fonctionnent comme des filets de sécurité sociale

4 Secrétaire général de l'Union Générale des Travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI). Propos tenus à l'occasion de la célébration de la fête du Travail le samedi 01 Mai 2013 en présence du Premier Ministre Daniel Kablan Duncan. Il a fait l'état des lieux de la situation dans laquelle se trouvent les travailleurs de Côte d'Ivoire et leurs familles.

19

(Akindès, 2001). Cela se traduit d'abord par un mode de vie de plus en plus individualiste qui a pour effet la remise en cause de l'hébergement et de la scolarisation prolongée d'enfants de parents proches. Aussi, des risques accrus de chômage qui frappent surtout la population masculine. Enfin, la montée de la délinquance juvénile et de la criminalité dans les villes constitue également l'un des effets de la précarité de revenu des ménages et de la cherté de la vie.

Face à cette situation, les ménages ivoiriens développent des stratégies de résilience. Pour Akindès (2001), ces stratégies peuvent être classées en deux catégories. La première stratégie renvoie à une élévation du pouvoir d'achat des ménages jusqu'au niveau des dépenses incompressibles. Elle se traduit d'une part, par l'ajustement du budget des dépenses de consommation. En effet, les ménages modifient la structure de consommation en réduisant la part de certains postes de dépenses. La différence économisée est réinjectée dans d'autres dépenses dites prioritaires. D'autre part, les ménages cherchent à accroitre leurs revenus à travers la pluriactivité qui consiste à diversifier les sources de revenu par l'exercice d'activités parallèles et pour certains par la mise au travail des enfants.

La seconde stratégie mise en oeuvre par les ménages en vue de résister contre la précarité de revenu et la cherté de la vie consiste à ajuster les habitudes de consommation aux ressources réelles. Ce comportement s'explique par deux habitudes. Tout abord, les ménages rationalisent l'accès à certaines dépenses de consommation en excluant les membres qui ne s'inscrivent pas dans le cercle de système de parenté rapproché (Akindès, 1999). Ensuite, les ménages rabaissent leur prétention dans les pratiques de consommation en réduisant la qualité des produits de consommation. Ce qui justifie par exemple, chez bon nombre de ménages citadins à Abidjan l'intérêt pour les woro-woro, espèce de taxi-ville dont le fonctionnement s'est, pendant longtemps, inscrit dans une logique informelle (Aloko N'Guessan et Aka,

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1996: 41-64), cité par Akindès. Cette option de transport collectif, plus pratique et plus rapide que les moyens de transport en commun et moins coûteux que les taxis de course individuelle, s'inscrit dans les pratiques urbaines de gestion collective et individuelle de la crise de la cherté de la vie.

En résumé, partant de ces conditions de vie précaires où les ménages déploient de nombreuses stratégies d'ajustement tant dans la restructuration de leurs dépenses de consommation que dans la recherche de nouvelles sources de revenu afin de résister à la crise, quelle est la place de l'épargne dans ces processus stratégiques d'adaptation et de réorganisation des dépenses ? Comment expliquer la tendance des ménages à l'épargne dans ce contexte de cherté de la vie, où les revenus tendent à baisser plutôt qu'à augmenter? En d'autres termes, pour quelles raisons les ménages ivoiriens, en particulier les ménages vivant en milieu rural, épargneraient-ils sachant qu'ils sont sujets à la précarité?

Autant de questionnement qui conduit a cette étude approfondie de l'épargne des ménages dans un contexte de précarité de revenu et de cherté de la vie.

I-1-2 Emergence du problème

Dans son acception la plus large, l'épargne désigne tout comportement qui inclut un sacrifice dans l'espoir d'obtenir un meilleur rendement futur. Elle est définit par les économistes comme la partie non consommée du revenu (Keynes, 1959), celle qui ne se détruit pas immédiatement. Ainsi, les économistes considèrent que les facteurs explicatifs du comportement d'épargne des ménages sont essentiellement liés au taux d'intérêt (pour les néoclassique) et au revenu (pour les partisans de Keynes). Ce qui revient à dire que, seuls les ménages à revenu élevé peuvent épargner. Par contre, les ménages à bas revenu c'est-à-dire les ménages dont la situation salariale est

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précaire et instable n'ont pas la capacité de dégager une partie de leur revenu pour le consacrer à l'épargne.

Cette assertion économique réduit la conception multidimensionnelle de la notion de l'épargne des ménages parce qu'elle met en veilleuse les déterminants socioculturels de l'épargne. Autrement dit, l'approche économique relègue au second plan les dimensions psychologiques et sociologiques de l'épargne dont l'importance dans la décision des ménages, dans l'acte d'épargne, est corroborée par de nombreuses études (Beverly et sherraden, 1999).

Ainsi donc, la sociologie appréhende l'épargne comme un phénomène social fondé sur des croyances qui structurent les relations sociales et orientent l'action d'épargne des ménages. (Sindzingere, 2005). Par exemple, le fait qu'un ménage achète une maison ou une voiture, cela est certes considéré comme un acte de consommation ou d'investissement du point de vue économique. Cependant, dans une orientation sociologique, ces dépenses peuvent être prises comme des actes d'épargne parce qu'elles reproduisent une logique légitime d'acquisition de statut, d'identité ou de prestige social. En effet le milieu social, les croyances et les pratiques culturelles et même religieuses influencent les ménages quant à la décision et l'utilisation de leur épargne. De sorte que la capacité, les enjeux et les pratiques d'épargne des ménages varient en fonction de la stratification sociale (si on est riche, pauvre ou dans la classe moyenne) ou de l'appartenance socioculturelle des ménages.

C'est donc pour mieux comprendre les réalités sociales entourant la question des déterminants sociaux de l'épargne qu'une enquête exploratoire a été menée auprès de 70 ménages du village d'Adjamé Bingerville. A l'issu de cette enquête, différents constats se sont dégagés, montrant la prééminence de déterminants autres qu'économiques du comportement des ménages dans leur actions d'épargne.

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I-1-3 Les constats de recherche

Deux constats essentiels se dégagent autour de la question des déterminants sociaux de l'épargne dans le village d'Adjamé Bingerville. Le premier constat concerne la façon dont les Ebrié d'Adjamé Bingerville se représentent eux même l'épargne. Le second, évidemment, se situe au niveau des logiques de budgétisation de l'épargne par les ménages.

Constat 1 : Une logique de budgétisation de l'épargne en termes de revenu alloué afin d'honorer des obligations sociales malgré la précarité de revenu et l'insatisfaction des ménages dans les dépenses de consommation dites prioritaires

La budgétisation de l'épargne est le fait qu'un ménage octroie une part de son revenu à l'épargne, qui est considérée comme un poste dans la structure des dépenses de consommation des ménages.

Selon certains économistes, les ménages à bas revenu sont dans l'incapacité de dégager une partie de leur revenu pour le consacrer à l'épargne (Keynes, 1959). Seuls les ménages à revenu élevé peuvent épargner. Du coup, selon ce postulat économique, le revenu et le taux d'intérêt bancaire seraient les seuls déterminants de l'épargne des ménages. Ce qui conduit les économistes à ne prendre qu'en compte dans leur analyse de l'épargne la dimension monétaire ou financière.

Or, au cours de l'enquête exploratoire, le constat qui a été fait est que, malgré le caractère précaire du revenu des ménages d'Adjamé-Bingerville qui se situe en moyenne au seuil du SMIG, c'est-à-dire entre 37.000f et 100.000f CFA par mois, 93% de ces ménages5 consacrent environ 5000f à 20.000f CFA

5 Calculs issus de l'enquête exploratoire menée dans le village d'Adjamé-Bingerville dans la commune de Bingerville.

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de leur revenu chaque mois au poste épargne. Pour la plupart, l'épargne constitue un poste de dépense en termes de revenu alloué qui s'élève à environ un quart (1/4) du revenu disponible. Et ce, malgré le fait que ces ménages sont considérés comme pauvres du fait de leur statut social et de la faiblesse de leur revenu.

Cette budgétisation systématique de l'épargne met en perspective, au delà des facteurs économiques, des déterminants sociaux qui influencent les comportements des ménages dans l'acte d'épargne. Comme le souligne T. S6 « je gagne 60.000 F CFA chaque mois. Aujourd'hui qu'est-ce qu'on peut faire avec un tel salaire. Il y a beaucoup de dépenses à effectuer à la maison et pour les enfants, les parents qu'il faut aider de temps à autre et sans oublier les évènements tels les sorties de génération et les autres cérémonies traditionnelles ici au village que je dois préparer. Cette année je dois faire ma sortie de génération. Donc, je garde un peu d'argent chaque fin du mois pour payer ma contribution au niveau de la génération qui s'élève à 35.000 F CFA pour les hommes et 80.000 F CFA pour les femmes, C'est pour cela que si je ne garde pas de l'argent ce ne sera pas bon pour moi. C'est mon nom qui va se gâter ».

Constat 2 : Deux représentations de l'épargne socialement marquées différentes de la perception économique de l'épargne.

Dans une perspective phénoménologique, le décryptage du discours populaire et l'observation des pratiques sociales liées à l'épargne mettent en relief deux perceptions sociales distinctes de la rationalité économique dans la manière dont les ménages d'Adjamé Bingerville perçoivent l'épargne.

6 Verbatim de l'entretien réalisé avec T.S, contremaitre dans une plantation industrielle

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Il existe d'un côté, une perception de l'épargne fortement imprégnée des valeurs culturelles traditionnelles que transmettent les structures sociales telles que les générations de catégories de classes d'âge, les associations ou les mutuelles de solidarité villageoise. Comme en témoigne les propos d'A.Y7 « En tout cas monsieur, chez nous ici là, tous les membres de la mutuelle de notre génération savent qu'on doit respecter les règles surtout quand il s'agit d'apporter un soutien financier c'est-à-dire quand on doit lever des cotisations mensuelles ou spéciales pour une oeuvre communautaire, pour organiser un évènement ou pour soutenir l'un d'entre nous qui est malade. (...) Celui qui ne s'acquitte pas de toutes ces obligations morales risque de passer devant le conseil de discipline de la génération et recevra une amende ».

Et de l'autre côté, une perception de l'épargne marquée par des croyances religieuses véhiculées par les différentes communautés religieuses constatées sur le terrain. Selon le discours de K.C8, « chaque fin de semaine, je retire toujours dans le bénéfice de mes ventes d'attiéké, la part de Dieu pour faire les offrandes dans ma communauté religieuse. La dime9 que je donne chaque dimanche à l'église là, pour moi c'est une forme d'épargne! Et ce que je gagne en retour là, c'est plus que ce que je donne même. Pour moi c'est une obligation de donner. Si je ne le fait pas, je ne suis pas en paix dans mon esprit. (...) De plus je préfère donner une partie des bénéfices de la vente de mon attiéké à Dieu parce que je sais que c'est ce qui fait que mon commerce marche bien ».

Ces deux propos, parmi tant d'autres, font apparaitre une double perception sociale de l'épargne au niveau des ménages du village d'Adjamé Bingerville et qui influencent l'allocation de l'épargne des ménages.

7 Propos d'A.Y, vice-président de la mutuelle de la génération de la catégorie Dougbo

8 Propos de K.C, commerçant `'d'Atiéké» dans le village d'Akwè-Djèmin lors de l'enquête exploratoire.

9 La dîme est considérée dans la religion chrétienne comme le dixième du revenu qui revient à Dieu selon les écrits bibliques.

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Cette double perception se traduit en pratique, tout d'abord par une différenciation dans l'appartenance aux structures sociales qui régissent la vie quotidienne des ménages d'Adjamé Bingerville. Ensuite, par une logique d'acquisition de l'épargne grâce à des stratégies d'ajustement dans les dépenses de consommation mise en oeuvre par les ménages et enfin par un emploi conditionné de l'épargne dans les structures d'appartenance qui déterminent fortement l'épargne des ménages grâce aux normes et valeurs sociales qu'elles véhiculent. Comme en témoigne T.H10 « (...) En tant que notable et chef de catégorie, je suis obligé de garder de l'argent pour régler les problèmes de notre génération. Donc pour cela je ne dépense pas n'importe comment ce que je gagne. Je me prive de beaucoup de choses pour honorer à mes responsabilités... ». Ainsi, qu'elle soit culturelle ou religieuse, ces croyances orientent l'allocation de l'épargne dans la structure sociale à laquelle s'identifie le ménage. Dans cette optique, les ménages rationalisent leurs dépenses dans une logique de budgétisation de l'épargne afin de pouvoir remplir leurs obligations sociales.

I-1-4 Problème de recherche

Suite aux deux constats ci-dessus présentés, on note que l'épargne traverse et régule les relations sociales entre les individus partageant des valeurs culturelles ou religieuses communes. Dans cette situation, comment expliquer ce paradoxe dans lequel les ménages d'Adjamé Bingerville ont tendance à budgétiser leur épargne afin d'honorer des obligations culturelles ou religieuses (fête de génération, fête des moissons...) malgré la précarité de leur revenu et l'insatisfaction dans leurs dépenses de consommation. Quel enjeu se cache derrière un tel comportement social?

10 Verbatim de T.H, notable et chef de la catégorie Dougbo

Question principale de recherche

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Dès lors, la question principale qui se pose est de comprendre « quels sont les déterminants sociaux de l'épargne dans la structuration des dépenses de consommation des ménages du village d'Adjamé-Bingerville? ».

· Questions subsidiaires de recherche

Dans le souci d'appréhender au mieux la question principale de recherche, trois interrogations subsidiaires s'imposent:

- Quelles est la structuration des dépenses de consommation des ménages d'Adjamé Bingerville ?

- Quelles sont les représentations sociales liées à l'épargne des ménages d'Adjamé-Bingerville?

- Quels sont les formes, les pratiques et les enjeux de l'épargne de ces ménages?

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I-2 La revue critique de la littérature

La littérature sur l'épargne et la consommation des ménages est assez fournie en ce qui concerne les ouvrages de la science économique. Toutefois, le constat est que ces termes n'ont pas suffisamment été abordés dans une perspective sociologique. Ainsi, nous avons pu inventorier les documents existants et qui sont en rapport avec notre sujet de recherche.

Ces documents ont été fournis par les bibliothèques de l'Institut d'Ethno-sociologie (IES), de la Faculté de Science Economique, du CERAP, de l'Ecole Nationale de Statistique et d'Economie Appliquée (ENSEA) et du Centre Culturel Américain. Aussi, nous avons eu à consulter des documents sur le niveau de l'épargne des ménages et son évolution au siège de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). Enfin, nous avons eu recours à des sites Internet pour la documentation en ligne.

Au terme de nos lectures, nous avons classé les documents consultés en deux catégories. La première partie traite de la question des différentes approches économiques, psychologiques et sociologiques de la consommation des ménages. Et la seconde partie est structurée autour des différentes théories développées relativement à l'épargne des ménages.

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I-2-1 Les approches théoriques de la consommation des ménages

I-2-1-1 Les approches économiques de la consommation des ménages

La consommation intéresse les économistes. La réflexion économique sur la consommation continue aujourd'hui d'être très féconde. Ces derniers sont d'avantage tournés vers le comportement du consommateur, qui tient une place essentielle dans l'analyse des économistes classiques et néoclassiques dont les précurseurs furent Pareto, Becker, Friedman et Modigliani. Il est à souligner que la réflexion économique, du moins dans ses débuts, considérait peu les dimensions microéconomiques de la fonction de consommation et raisonnait sur le plan macroéconomique où l'on fait l'hypothèse d'un individu représentatif.

Dans cette analyse, le consommateur est cessé être rationnel et cherche toujours à optimiser son revenu. Ainsi la modélisation du comportement du consommateur telle qu'elle est suggérée en microéconomie repose sur trois postulats: le choix individuel du consommateur, l'information parfaite sur l'offre de biens ainsi que sur le niveau de ses besoins et l'hypothèse de rationalité qui insiste sur le fait que le consommateur cherche à maximiser la satisfaction retiré d'un bien sous la contrainte de son budget.

Ainsi, pour les économistes néoclassiques dont Vilfredo Pareto est l'un des fers de lance, le consommateur dispose d'un budget limité pour acquérir tous les biens souhaités. Il ne peut donc acheter tout ce qu'il désire et doit opérer des choix entre les biens désirés. Pour effectuer ces choix, le consommateur établit une hiérarchie dans ses préférences. Pareto construit un procédé de représentation graphique des références entre deux biens de consommation X et Y. Donc, le choix du consommateur va s'effectuer selon le critère de l'utilité U(x, y). Au terme de la confrontation de la courbe d'indifférence avec le revenu, le consommateur choisit la combinaison idéale de biens lui apportant la plus grande satisfaction, ce que Pareto appelle

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« l'utilité maxima ». Dans ce modèle, les agents sont considérés comme rationnels en ce qu'ils ont une fonction objective (les consommateurs cherchent à maximiser leur utilité U (X, Y) compte tenu de leur contrainte budgétaire, c'est à dire leur revenu) et qu'ils sont censés avoir une information parfaite sur le prix des biens de consommation.

J.M. Keynes (1969), fut incontestablement l'un des plus grands penseurs de la science économique contemporaine. Contrairement aux néoclassiques, l'approche Keynésienne stipule que le niveau de consommation dépend essentiellement du revenu. Ainsi, Keynes s'appuyant sur l'existence d'une loi psychologique fondamentale selon laquelle « (...) En moyenne et la plupart du temps, les hommes tendent à accroître leur consommation au fur et à mesure que le revenu croît, mais non d'une quantité aussi grande que l'accroissement du revenu ». Pour lui, les facteurs qui déterminent la propension à consommer11 des ménages sont souvent très subjectifs.

Dans son ouvrage intitulé « Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie », il parle de l'importance de la précaution, de la prévoyance, du calcul, de l'ambition, de l'indépendance, de l'initiative et même de l'orgueil et de l'avarice. Pour Keynes, ces différents facteurs subjectifs peuvent être considérés comme stables à court terme. Par conséquent, une relance artificielle de la consommation par l'Etat au moyen d'une injection de revenus dans l'économie est donc forcement efficace à court terme. Ainsi, des études empiriques ont démontré que l'analyse de Keynes était vérifiée lorsque l'on compare à un moment donné les budgets des ménages ayant des niveaux de revenu différent et ceci sur une court période.

Toutefois, l'économiste Simon Kuznets a montré, en se fondant sur une étude de la consommation aux Etats-Unis de 1869 à 1938 ( c'est-à-dire sur un

11 La propension à consommer se définit comme le rapport consommation/revenu (C/R). Ce rapport représente la fraction du revenu consacrée à la consommation.

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longue période) que l'analyse de Keynes se trouvait invalidée par le fait que la propension moyenne à consommer des Américains était restée constante sur cette période.

Aussi, certains paradigmes économiques ont été élaborés dans le prolongement et parfois même en opposition à la théorie Keynésienne.

Il s'agit de la théorie du revenu permanent de Friedman (1957), chef de file des monétaristes. Friedmann est l'économiste le plus opposé qu'il soit au modèle Keynésien. Dans sa théorie, Friedman définit la consommation, comme « la valeur des services qu'on prévoit de consommer pendant la période considérée ». Il pense que le comportement du consommateur n'est pas lié au revenu qu'il perçoit à un moment donné mais au revenu qu'il prévoit. Le consommateur anticipe donc ses gains, et prend ses décisions d'épargne ou de consommation en tenant compte non seulement de son revenu actuel mais surtout de ses revenus futurs.

Quant à Becker (1960,1965), il montre que le consommateur a tendance à arbitrer entre les produits non seulement en fonction de leur prix mais également des gains de temps permis par l'usage de ces produits. Le temps est ainsi introduit sous l'angle d'une contrainte. Considéré comme une ressource rare qui s'impose au même titre que le revenu, le temps devient indissociable de la décision d'achat.

En outre, certains économistes à travers leurs théories économiques, se retrouvent en pleine analyse sociologique. C'est le cas de Duesenberry.

Dans son ouvrage, Duesenberry (1949), avance l'idée que chaque population constitue une sorte de sous-culture qui exerce des pressions spécifiques sur ces membres afin de les pousser à consommer. Ce principe d'émulation sociale s'exercerait de manière plus forte sur les bas revenus qui peine alors à épargner. Ainsi, la consommation d'un ménage à une période

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donnée dépend non seulement du revenu mais aussi des habitudes de consommation acquises antérieurement.

En effet, selon Duesenberry, la consommation évolue en raison de l'existence d'un double effet : un effet de démonstration (qui évolue en effet de différenciation) et un effet d'imitation. Les catégories sociales les moins favorisées cherchent à imiter la consommation des catégories favorisées, qui optent pour un nouveau mode de consommation afin de se différencier. Ce comportement peut se définir comme une tendance du consommateur à maintenir voire augmenter son niveau de consommation même en cas de baisse de son revenu. Sous ce rapport, le consommateur peut être amené à prélever sur son épargne.

De nos jours, les différences de consommation se sont amoindries. Les nouvelles théories économiques de la consommation tendent à l'homogénéisation des pouvoirs d'achats locaux, qui a pour conséquence une uniformisation des besoins et des modes de vie.

Cette orientation théorique de la consommation a été largement développée par Fourastié et Bazil (1981). Elles indiquent qu'un modèle de consommation très uniforme s'est progressivement mis en place entre 1963 et 1978 dans le monde occidentale. Et nous citons : « (...) à revenu égal - et les revenus se rapprochent sans cesse - on se nourrit, on s'habille, on se meuble, on se déplace, on se distrait, on se cultive de plus en plus de la même façon...». Ainsi, elles montrent que les ménages des communes rurales et ceux des grandes villes ont vu leur mode de consommation se rapprocher considérablement. Cette homogénéisation de la consommation s'insère dans un mouvement plus large d'unification culturelle, lui-même dû à de nombreux facteurs : décloisonnement des régions, école pour tous, diffusion des médias, mobilité géographique...

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En somme, nous pouvons conclure ce chapitre réservé aux différentes approches économiques de la consommation en disant que, depuis la théorie de la modélisation du comportement du consommateur par les néoclassiques à la théorie d'homogénéisation des pouvoirs d'achats des nouvelles théories économiques, ces paradigmes évoluent vers une forme d'uniformisation des comportements des consommateurs.

Sous cet angle, est-ce à dire que la consommation des ménages aboutirait selon la nouvelle science économique à un certain degré de norme ou de standardisation au même titre que la production? Il semblerait que non. Si l'on s'en tient aux données de recherche empirique et à la littérature issue de la psychologie et de la sociologie de la consommation.

I-2-1-2 L'approche psychologique de la consommation

La consommation ne se limite pas à l'acte de consommer, elle s'inscrit également dans un contexte psychologique. Consommer, c'est avant tout satisfaire un besoin. Les études du comportement du consommateur permettent aujourd'hui de dresser des profils types.

Partant du principe que les ménages consomment pour satisfaire leurs besoins de consommation et que ces derniers sont de différentes natures, A. Maslow (1943) a proposé une hiérarchie des besoins à cinq niveaux. En effet, la satisfaction des besoins physiologiques doit précéder toute tentative de satisfaction des besoins de protection (sécurité) ; lesquels doivent être satisfaits avant les besoins d'appartenance (d'amour), qui précèdent les besoins d'estime de soi (reconnaissance) ; au sommet de la pyramide se trouvent les besoins spirituels (dépassement).

Le modèle de Maslow se fonde sur la hiérarchisation des besoins, alors que cette hiérarchisation stricte n'est pas pertinente. En effet, le besoin de reconnaissance sociale, est pour l'homme, un besoin aussi important que les

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besoins physiologiques. Ou tout au moins, il est arbitraire de hiérarchiser des besoins qualitativement différents sans justifier cette hiérarchie. Il n'y a donc pas a priori de hiérarchie aussi directe entre les besoins physiologiques, sécurité du corps, relationnels et affectifs.

Par exemple, le besoin de reconnaissance sociale ou celui du lien social, apparaît comme une composante à part entière de la personnalité à satisfaire pour son développement. On peut citer le cas des « enfants sauvages », évoqué par Strivay (2006) qui ont satisfait jusqu'à leur découverte leurs besoins physiologiques et de sécurité du corps, mais n'ont pas pour autant développé une personnalité humaine normale.

Certes, Maslow apporte une explication psychologique à la consommation des individus, cependant la question de savoir si chaque individu ne cherche qu'à satisfaire un besoin d'un certain niveau que s'il a complètement comblé ses besoins d'un niveau antérieur, est toutefois controversée. Car, la plupart des biens de consommation ont un caractère dual parce qu'ils ont une double fonction : une fonction d'usage et une fonction symbolique. Ainsi une voiture sert à effectuer des transports mais elle peut aussi faire rêver, être un signe de richesse...

I-2-1-3 Les approches sociologiques de la consommation

Dans l'analyse de la consommation, les sociologues s'intéressent plus aux styles de vie des ménages qu'au montant de leurs dépenses, plus à l'usage des biens commercialisés qu'à leur mise en concurrence sur le marché et plus aux obligations sociales qu'à la rationalité des arbitrages. Ainsi, les récentes études sociologiques portant sur les budgets de familles et leurs consommations s'inspirent toutes de deux grandes écoles : celle de Frédéric Le Play et de Maurice Halbwachs.

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La théorie sociologique de Le Play (1947), est centrée sur la famille; selon lui la famille constitue l'unité sociale par excellence, celle qui reflète le mieux les caractéristiques de la structure sociale. Pour Le Play, ce qui révèle le type de famille, c'est l'observation de son mode de vie. Ainsi, le mode de vie que Le Play observe est la structure des dépenses et de revenus de l'année. Pour lui donc, la structure de revenu et des dépenses est un indice qui sert à déterminer le type de famille. Frédéric Le Play a donc été le premier à insister sur la nécessité de mettre la structure de revenu et des dépenses en relation avec le comportement global de la famille.

L'approche de Halbwachs (1912), est toute différente, à la fois du point de vue de son contexte théorique et de sa méthode. Sa préoccupation principale est de déterminer le caractère plus ou moins social des habitudes de consommation propres aux différentes classes sociales. Selon Halbwachs, les besoins et les manières de les satisfaire ne sont pas les même d'une classe sociale à l'autre. Et lorsque les mêmes besoins se retrouvent dans toutes les classes, ils n'y sont pas nécessairement hiérarchisés de la même façon. Ainsi, Halbwachs montrera que chez les ouvriers, la proportion des dépenses pour le logement et celle pour le vêtement avait tendance à augmenter en même temps que le revenu. Il expliquait ce comportement grâce au postulat qui dit que quand le revenu augmente, les individus cherchent à satisfaire moins de besoins primaires qu'auparavant et davantage de besoins sociaux qui permettent une plus grandes intégration au reste de la société.

Les travaux de Chombart De Lauwe (1956), réunissent les deux traditions de Le Play et de Halbwachs. Il cherche ainsi à intégrer dans l'analyse sociologique l'étude des besoins subjectivement définis par divers groupes sociaux, la recherche des motivations qui déterminent les conduites de consommation et les aspirations propres aux divers groupes de consommateurs. De façon générale, la structure du revenu ou des dépenses et le niveau de vie

sont mis en relation avec toutes les dimensions de la famille, c'est-à-dire l'environnement de la famille, les conditions de travail de l'homme et de la femme, les rapports intrafamiliaux, les activités de loisir et tout le domaine des aspirations et des besoins subjectivement définis.

De plus, pour certains sociologues, la consommation est considérée comme un marqueur social, un signe d'appartenance ou de différenciation d'un groupe social à l'autre.

Le sociologue Français Jean Baudrillard (1970), dans son ouvrage « La société de consommation », présente la consommation comme un acte symbolique. Le consommateur n'achète pas uniquement pour la satisfaction qu'il retire de son utilisation, mais pour afficher son appartenance à un groupe social qui lui sert de référence. La consommation est alors un élément du système de relations sociales. Par conséquent, un individu par sa consommation expose son statut et sa personnalité.

Bourdieu (1979), quant à lui, lie la consommation à la notion d'habitus. Les individus ont des goûts et des préférences qui leur paraissent naturels, mais qui sont en réalité le résultat d'un habitus qui lui-même résulte de la société, de la classe sociale et de l'histoire personnelle de l'individu. Par exemple, en guise d'explication, dans son ouvrage Bourdieu oppose les repas traditionnels fortement énergétiques des catégories populaires durant lesquels règnent profusion et décontraction aux repas raffinés, équilibré et « distingués» des classes dominantes.

De même, dans leur ouvrage, Douglas et Isherwood (1978) soulignent que la consommation est un moyen que les individus ou les groupes sociaux utilisent pour construire leur symbolisme culturel, c'est-à-dire les significations et les sens qu'ils veulent donner à leurs actions. Qu'il s'agisse de suggérer une

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appartenance familiale, communautaire ou de classe, la consommation agit comme un marqueur culturel pour chacun d'entre nous.

En outre, Veblen (1899), parlant d'effet d'imitation et de consommation ostentatoire, montre dans son ouvrage « La théorie de classe de loisir », que certains groupe sociaux occupent une place à part dans l'échelle du prestige social et que leur mode de vie ainsi que leurs loisirs constituent un modèle pour d'autres groupes. Les membres de cette classe aiment consommer des produits qui leur permettent de se différencier des classes moyennes et populaires afin d'affirmer leur statut de classe privilégiée. Ainsi, par mimétisme, ce comportement tendrait à se répandre dans l'ensemble de la société. Par conséquent, pour Veblen il existe une domination culturelle qui va des classes supérieures vers les classes inférieures.

Certes ce phénomène sociologique est toujours présent, cependant un autre mouvement en sens inverse n'est pas moins prégnant de nos jours. La culture de masse véhiculée par les mass médias exerce aussi une forte influence en particulier chez les jeunes. En effet, à partir du comportement de certains groupes (stars de la télévision ou du cinéma, loisir de cadres...), il existe de plus en plus un effet d'imitation des groupes sociaux entre eux et une diffusion progressive de certains modes de vie et de consommation. C'est ainsi que l'on pourrait expliquer le phénomène de la mode et celui de l'accélération de la consommation. Ainsi, la culture des classes supérieures prônées par Veblen perd de sa légitimité pour les nouvelles générations.

Corroborant cette thèse antinomique à la pensée de Veblen, Pasquier (2005) démontre que dans le cas des lycéens par exemple, la transmission culturelle verticale dans les milieux favorisés n'est absolument pas automatique. Elle ne se maintient que dans des conditions très particulières, au prix d'une ségrégation sociale par le haut, dans des établissements qui échappent au principe de la sectorisation et ont une certaine maîtrise du

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recrutement de leurs élèves. Une implantation géographique de centre-ville semble également jouer un rôle très important. Quand ces conditions ne sont pas réunies, les mécanismes de socialisation horizontale risquent de contrecarrer les mécanismes de socialisation verticale : autrement dit, la culture entre pairs peut « neutraliser » les acquis de la culture que les parents essaient de transmettre.

Dans tous les cas, les concepts d'imitation et de démonstration sociale sont fondateurs en analyse sociologique de la consommation et on les retrouve sous une forme ou une autre dans la sociologie de Pierre Bourdieu, de Robert K. Merton et dans une autre mesure dans l'oeuvre de Jean Baudrillard. Par ailleurs, les contributions de ces auteurs tendent à fournir des orientations macrosociologiques dans la compréhension du phénomène de la consommation. Plutôt qu'inscrire les acteurs au centre du système de relations sociales, la nouvelle sociologie place les réseaux sociaux au coeur de l'analyse.

Ainsi, pour enrichir cette nouvelle orientation théorique Herpin (2001) apporte une réflexion sur la consommation de masse et l'évolution des valeurs collectives relatives à la consommation. En effet, pour Herpin l'ordre social dépend moins de la quantité de produits accessibles que des usages collectifs et des modes de vie auxquels donnent naissance des réseaux sociaux et les nouveaux services de la consommation de masse. La sociologie de la consommation de Herpin se résume donc dans son ouvrage « Sociologie de la consommation» en trois pôles d'analyse.

- La vie domestique: comment expliquer les permanences, les changements

et les spécificités des pratiques budgétaires de différents milieux sociaux? - La société de consommation de masse: intégration, domination ou jeu

d'acteurs?

- Enfin, les bien conviviaux et les valeurs collectives c'est-à-dire les usages collectifs des biens de consommation?

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Dans le prolongement de cette conception théorique, Swedberg et Granovetter (1994) définissent le réseau comme un ensemble régulier de contact ou de relations sociales continues qu'entretiennent tous les individus ou groupes d'individus. Ce réseau de relations sociales est un contexte qui recouvre d'une part les opportunités et les contraintes associées aux relations sociales bilatérales des agents (l'encastrement relationnel) et d'autre part les opportunités et les contraintes que fait peser sur eux l'architecture des réseaux à l'intérieur desquels il réalisent leurs actions (l'encastrement structurale).

Par ailleurs, Granovetter (1985), dans une critique adressée à la thèse

« d'encastrement» et de « desencastrement » de
Karl Polanyi (1983)12, affirme que ces deux visions extrêmes (encastrement et desencastrement) n'ont que peu de choses à nous apprendre sur le fonctionnement actuel de la vie économique. Pour Granovetter, les acteurs ne se comportent pas et ne prennent pas leurs décisions comme des atomes indépendants de tout contexte social; pas plus qu'ils ne suivent docilement un scénario écrit pour eux et qui serait fonction de l'ensemble des catégories sociales auxquelles ils appartiennent. Dans sa thèse « d'embeddednes » : les actions que les acteurs entretiennent pour atteindre un objectif sont encastrées dans un système concret et continu de relations sociales.

En mettant en évidence le rôle des réseaux, Granovetter remet en cause le postulat selon lequel le marché résulte de choix rationnels d'individus indépendant. L'action économique, dit-il, est une action sociale ne se réduisant

12 Polanyi, dans son ouvrage a proposé la notion de l'encastrement qui consiste à intégrer les faits économiques à l'intérieur des faits sociaux, ensuite avec l'apparition du troisième modèle c'est-à-dire celui de l'économie d'échange, le « desencastrement » apparaît. En quelques sorte, il analyse le système de marché autorégulateur de sa naissance jusqu'à sa mort. De ce système résulte la séparation de l'économie et de la société qui se soumet alors au marché. Ainsi, quand le marché en vient à maitriser le système économique, la société subit une mutation importante. En somme, le marché n'est plus intégré dans la société, c'est la société et les relations sociales qui y sont encastrées.

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pas à l'intérêt, elle a d'autres motivations comme la quête de reconnaissance, de statut, de socialité ou de pouvoir. La nouveauté de son approche est qu'il considère que la dimension sociale de l'activité économique n'est pas une entrave à l'expression d'une rationalité maximisatrice. Ainsi, il ne faut plus prendre comme point de départ de l'analyse l'agent isolé mais les interactions des agents pris dans un contexte social global. Et ce contexte renvoie au réseau de relations sociales.

Toutefois, Bourdieu (2000) qualifie la démarche de Granovetter d'interactionnisme méthodologique. Il lui reproche de ne reconnaître que l'effet de l'anticipation consciente et calculée que chaque agent aurait des effets de son action sur les autres agents et de faire disparaître tous les effets de structure et toutes les relations objectives de pouvoir.

En outre, l'analyse de Trentemann (2008), sur le rôle de l'Etat et des mouvements sociaux, tend à montrer qu'en encourageant ou en décourageant la consommation, ils jouent un rôle important dans la fabrique sociale et politique du consommateur comme citoyen mais également comme acteur économique.

De leur coté, Paul Di Maggio et Hugh Louch (1998) insistent sur la prise en compte des réseaux sociaux dans l'acte d'achat. Ils montrent ainsi comment les consommateurs s'appuient sur leurs réseaux de relations pour acheter un bien ou un service.

En somme, les déterminants de la consommation sont nombreux. Certes, l'individu dispose d'un choix individuel, mais ses goûts et ses préférences sont en partie déterminées par son groupe d'appartenance. De ce point de vue, sa consommation ne sert pas uniquement à satisfaire un besoin d'usage, elle sert aussi à satisfaire un besoin social, à montrer son identité culturelle ou à exhiber le statut social auquel il se réfère.

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I-2-2 Les approches théoriques relatives à l'épargne

Nous pouvons regrouper les théories relatives à l'épargne en deux catégories : les théories économiques de l'épargne et les théories psychosociologiques du comportement d'épargne.

I-2-2-1 Les théories économiques de l'épargne

L'épargne a toujours alimenté les recherches des économistes de sorte que la construction d'un modèle théorique de base repose essentiellement sur un examen approfondi de la littérature économique. Cette littérature repose sur deux postulats: l'approche classique de l'épargne et la théorie Keynésienne de l'épargne.

Pour les économistes néoclassiques, l'épargne (censée être investie) est une consommation différée dans le temps. L'épargne désigne donc tout comportement de renoncement à une consommation immédiate et ce, dans l'espoir d'obtenir un meilleur rendement futur et par suite une meilleure consommation future. l'arbitrage entre consommation immédiate et consommation future est donc déterminé par l'évolution prévisible du revenu durant la vie de l'individu, par son degré de préférence pour le présent et par le niveau du taux d'intérêt. Selon le raisonnement néoclassique, l'épargne précède la consommation: L'agent économique qui cherche à maximiser son utilité vérifie ce que peut lui rapporter l'épargne en fonction du niveau du taux d'intérêt. Si celui-ci est élevé, l'agent sera incité à épargner pour s'assurer des revenus plus importants dans le futur. Lorsque le taux d'intérêt est faible, l'agent a tendance à peu épargner: l'épargne ne lui rapportera que peu de revenus dans le futur.

L'approche keynésienne du comportement d'épargne est tout autre. Dans cette approche, c'est la consommation qui précède l'épargne. Le niveau d'épargne est un résidu qui est déterminé non pas par le taux d'intérêt mais par le niveau de revenu de l'agent. Celui-ci consomme d'abord et attribue le reste

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de son revenu (celui qui n'a pas été consommé) à l'épargne ou à la thésaurisation en fonction du taux d'intérêt i. Si le taux d'intérêt i est élevé, alors l'individu est amené à réduire sa préférence pour la liquidité et augmenter sa préférence pour l'épargne. Par contre si le taux d'intérêt est faible, il penchera en faveur de la liquidité qui peut être utilisée à des fins de consommation, de précaution, voire de la thésaurisation.

En effet, pour Keynes (1969), l'épargne est plutôt une fonction croissante du niveau de revenu. Ce qui est épargné est simplement ce qui n'est pas dépensé en bien de consommation. Dans les expressions mathématiques de la théorie Keynésienne, l'épargne en fraction ou en pourcentage, est le complément de la consommation. C'est-à-dire que si la consommation représente les (4/5) ou les 80%, l'épargne représentera les (1/5) ou les 20% du revenu. Ainsi, pour un revenu nul, l'épargne est négative c'est-à-dire l'agent désépargne pour financer la consommation incompressible.

Cependant, hormis ces deux grands postulats de l'analyse économique de l'épargne, il existe d'autres déterminants économiques explicatifs du comportement d'épargne des ménages.

La théorie du revenu permanent, développée par Friedmann (1957), stipule que l'épargne ne dépend pas (à long terme) du revenu courant mais du revenu permanent, entendu comme le revenu dont l'agent peut disposer à chaque période de sa vie sans entamer son patrimoine. Cette théorie prévoit donc que l'épargne sert d'outil de lissage de la consommation, et que l'épargne varie davantage lorsque le ménage vit momentanément une variation transitoire de son revenu.

Quant à l' économiste Modigliani (1954), qui est l'un des tenants de la théorie de l'épargne qui relativise les déterminants mis en avant par les néoclassiques ( le taux d'intérêt) ou les keynésiens ( le revenu) au profit d'une

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explication par l'âge des individus, considération qui aboutit à distinguer deux grandes périodes dans le cycle de vie de l'individu: celle de la vie active où l'on a plutôt tendance à épargner, et celle depuis la retraite jusqu'au décès où la personne désépargne. Sa théorie part du principe selon lequel pour chaque ménage, il existe un cycle de vie caractérisé à chaque âge par une étape dans la carrière et la vie familiale. Ainsi, à chaque étape de la vie active et de la retraite correspond un niveau de revenu et certains besoins spécifiques.

Ce modèle prévoit ainsi que les ménages plus jeunes auront une épargne négative car ils sont à un stade de leur vie où leur revenu est relativement faible et où ils font généralement plusieurs dépenses importantes (par exemple dépenses en éducation, acquisition d'une maison, etc.) dont plusieurs sont des investissements. Aussi, passé l'âge de la retraite, le modèle prévoit une épargne négative des ménages compte tenu de la diminution du revenu associé à la perte de travail13. Ainsi, en cas de contraction cyclique, le niveau de consommation reste stable de période en période aux dépens de l'épargner et en l'absence d'héritage et d'incertitude sur le revenu ou la durée de vie, la richesse finale est nulle. Par conséquent, toute l'épargne accumulée par un individu est dépensée au cours de sa vie. En somme, selon la théorie du cycle de vie, l'âge des ménages a un impact sur leur niveau d'épargne. Dans cette perspective, le taux moyen d'épargne d'une économie serait davantage conditionné par sa structure démographique.

13 Ce qui suppose cependant que l'individu ne désire pas laisser de legs après sa mort, et qu'il profite de sa retraite pour consommer la richesse qu'il a accumulé sans chercher à en laisser. Ceci est remis en question par d'autres théories comme la théorie du legs (« bequest motive ») qui soutien que l'individu veut laisser une certaine richesse après sa mort. Bernheim (B.D), (1991), « How strong are bequest motive? Evidence Base on Estimates of the Demand for Life Insurance and Annuities », The Journal of Political Economy, 99(5), 899-927.

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Cette dernière théorie économique met en perspective certains déterminants psychosociologiques du comportement de l'épargne des ménages.

I-2-2-2 Les théories psychosociologiques de l'épargne

Dans cette approche, Dorothy et Friedmann (1947) postulent
l'interdépendance des préférences individuelles. Selon leur théorie, il existerait un phénomène d'imitation sociale ou un effet de démonstration sociale qui expliquerait que la fonction d'épargne soit globalement stable sur longue période.

Plusieurs auteurs ont, au cours des années 1990, soulevé l'importance de l'épargne préventive. Ainsi, l'épargne préventive est accrue lorsque l'incertitude associée au revenu se combine à des contraintes de liquidité.

Deaton (1991) s'est penché sur cette question en rappelant que certains ménages font face à des contraintes de liquidité qui limite leur capacité à emprunter lorsqu'il en aurait le plus besoin. Ainsi, la seule véritable option s'offrant à eux si ces derniers veulent s'assurer de disposer des fonds nécessaires pour les jours plus difficile est d'épargner lorsque les temps sont meilleurs.

Quant à Carrol (1998), il a cherché a expliqué pourquoi les riches épargnent plus que ce que ne le suggère la nécessité de financer leur consommation future ou celle de leur proche descendants. Il conclut que ce phénomène est cohérent avec un modèle où l'individu perçoit que l'épargne lui fournit certains « services » comme le statut social et le pouvoir.

Aussi, Beverly et sherraden (1999) font mention dans leur étude de plusieurs déterminants sociaux qui influenceraient l'épargne des ménages. Notamment la perception qu'ont les individus de la situation économique dans laquelle leur ménage et leur pays se trouvent, des croyances religieuses par

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rapport à l'épargne, l'influence familiale, la situation matrimoniale, la taille du ménage...

Dans ce registre, Sindzingere (2005a, 2005b) montre que l'appartenance à un groupe de parenté peut entraîner des coûts et des bénéfices. L'appartenance à un groupe peut empêcher toute épargne et peut créer des coûts importants : par exemple un commerçant célibataire qui a réussi doit héberger de nombreux parents de telle sorte qu'il n'épargne et n'investit rien.

La théorie standard des choix consommation/épargne d'un individu n'explique pas cette absence d'épargne. Par ailleurs dans les ménages polygames, même s'ils n'accueillent pas de membres de la parenté, le nombre de personnes à nourrir augmente avec les ressources de l'homme, ce qui peut réduire l'épargne.

Par contre, la même appartenance peut aussi être déterminante pour accéder au crédit ou au capital. Ainsi l'appartenance à un groupe de parenté entraîne des facteurs favorables à l'épargne. Par exemple, un ménage nucléaire pauvre qui ne pourrait donner aucun bien en caution, peut emprunter à un membre du groupe immédiatement et à un taux faible ou nul. Si ce ménage vit dans un village, il peut confier son enfant à un parent qui vit en ville et financera l'éducation de cet enfant. Celui-ci acquiert un capital humain que ses parents n'auraient jamais pu lui faire obtenir.

En résumé, l'épargne est un moyen pour se constituer un patrimoine matériel (biens d'équipement, logement, flux financier...) et immatériel (investissement dans l'éducation afin d'accroitre le capital humain, solidarité familiale...). Ainsi, les déterminants de l'épargne des ménages sont multiples c'est-à-dire économiques, sociologiques et psychologiques. Toutefois, malgré le fait que certains déterminants sociaux ont été identifiés comme influençant l'épargne des ménages, cette notion n'a pas été approfondie par la sociologie du point de vue de sa définition. De sorte que la plupart des définitions

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développées autour de l'épargne sont toutes économiques, faisant ainsi fi des déterminants sociaux dans les constructions théoriques de l'épargne des ménages. Par conséquent, une relecture du cadre définitionnelle du concept de l'épargne des ménages s'impose afin d'intégrer à celle-ci toutes les implications sociologiques du comportement des ménages à l'égard de l'épargne.

I-3 Les objectifs de l'étude

Les objectifs sont constitués de l'objectif général de l'étude et des objectifs subsidiaires.

I-3-1 Objectif général

L'objectif général de cette étude vise donc à comprendre et à analyser les déterminants sociaux de l'épargne des ménages en milieu rural.

I-3-2 Objectifs spécifiques

De façon plus spécifique, nous voulons:

· Décrire et analyser la structure des dépenses de consommation des ménages du village d'Adjamé Bingerville.

· Saisir et analyser les représentations sociales du comportement d'épargne des ménages.

. Etudier les formes et les enjeux de l'épargne de ces ménages.

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I - 4 Modèle d'analyse

Par définition le modèle d'analyse est le lieu d'opérationnalisation des concepts clés de la recherche. Cette logique de recherche permet de faire la jonction entre la théorie et la pratique. Il s'agira dans cette partie de présenter notre hypothèse de recherche et de définir les concepts clés de notre étude.

I-4-1 Hypothèse de la recherche

L'hypothèse est une présomption non gratuite portant sur le comportement des objets réels étudiés. Elle procure à la recherche un fil conducteur particulièrement efficace qui, à partir du moment où elle est formulée remplace la question de recherche dans cette fonction, même si celle-ci doit rester présente à l'esprit. Il s'agit dans cette logique de la recherche de donner à titre provisoire la réponse à notre question principale de recherche.

Avant de dévoiler l'hypothèse de recherche, rappelons la question centrale que soulève notre étude. Celle-ci se présente ainsi : « quels sont les déterminants sociaux de l'épargne dans la structuration des dépenses de consommation des ménages du village d'Adjamé-Bingerville ? ».

Notre hypothèse14 provisoire à cette question est celle-ci : « les logiques sociales d'épargne dans la structuration des dépenses des ménages du village d'Adjamé-Bingerville sont influencées par des représentations sociales ».

14 L'hypothèse de cette étude ne cherche pas nécessairement à être vérifier. L'orientation à la fois quantitative et qualitative de cette recherche ne l'exige pas. Toutefois, elle conduit et oriente la collecte des données.

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I-4-2 Définition des concepts

Selon Durkheim (1968 : p35), « tout discours scientifique doit utiliser des concepts clairs et précis afin de se démarquer de la confusion qui caractérise le sens de chacun ». Ainsi, une clarification des concepts s'avère nécessaire à la compréhension de notre étude.

Elle est également utile pour mieux organiser et orienter notre recherche. Il s'agit pour nous de définir ici les termes qui sont essentiels à la compréhension de notre étude. Ces concepts sont ceux: de l'épargne et de la représentation sociale.

· L'épargne des ménages

Selon le dictionnaire Larousse l'épargne, c'est l'action d'épargner, d'économiser, de mettre en réserve. Pour le dictionnaire général des sciences humaines, l'épargne est définit comme étant la part non consommer du revenu disponible d'un ménage. Ainsi, supposons:

E L'épargne

R Le revenu

C La consommation

E = R - C.

On en déduit alors que les variations de la consommation induisent celle de l'épargne, et que c'est lorsque le revenu excède les dépenses de consommation qu'il existe une épargne.

L'épargne est aussi définit comme un fait social (Carrol, 1998). Elle reproduit à la fois des comportements d'appartenances sociales, d'imitations, de démonstrations et de solidarités sociales au sein d'un groupe ayant des intérêts communs.

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Dans le cadre de cette étude, cette seconde définition de l'épargne des ménage est celle qui ce rapporte le plus à notre perspective de recherche à savoir comprendre les facteurs sociaux qui influencent l'épargne des ménages dans le contexte rural.

Tableau 1 : Opérationnalisation de la variable dépendante

CONCEPTS DIMENSIONS COMPOSANTE INDICATEURS

L'épargne des ménages

- financière

- sociale

- Compte d'épargne

- Thésaurisation - Solidarité

- Prestation de

service, Entraide

- Revenu - Le sexe - L'âge

- La situation matrimoniale - La profession - L'ethnie

 

· La représentation sociale

Représenter vient du latin « repraesentare », rendre présent. Le dictionnaire Larousse précise qu'en philosophie, la représentation est ce par quoi un objet est présent à l'esprit et qu'en psychologie, c'est une perception, une image mentale dont le contenu se rapporte à un objet, à une situation, à une scène (etc.) du monde dans lequel vit le sujet.

C'est au sociologue Français (E. Durkheim, 1898), que l'on doit l'invention du concept de représentation. Il abandonne la représentation collective pour s'intéresser aux représentations sociales. Il essaye de voir en quoi la production intellectuelle des groupes sociaux, joue un rôle dans la pratique sociale

Mais c'est à (Moscovici, 1961), que l'on doit la reprise et le renouveau des acquis Durkheimiens. Selon lui « les représentations sont des formes de savoirs naïfs, destinées à organiser les conduites et orienter les communications.

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La représentation sociale est donc un mode de connaissance spécifique. Dans un groupe social donné la représentation d'un objet correspond à un ensemble d'informations, d'opinions et de croyances relatives à cet objet. « Ainsi, comprendre une représentation revient à observer comment cet ensemble de valeurs, de normes sociales et de modèles culturels, est pensé et vécu par des individus de notre société» (Herzlich,1969).

D'après (Jodelet, 1989), la représentation est une forme de connaissance socialement élaborée et partagée ayant une visée pratique et concourante à la construction d'une réalité commune à un ensemble social.

Placées à la frontière du psychologique et du social, les représentations sociales permettent aux personnes et aux groupes de maîtriser leur environnement et d'agir sur celui-ci. (Abric, 1987), définit la représentation sociale comme le produit et le processus d'une activité mentale par laquelle un individu où un groupe, reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique. C'est savoirs naturels constituent les spécificités des groupes sociaux qui les ont produits. Ainsi, une représentation sociale est caractérisée par plusieurs éléments corrélés.

§ Les constituants de la représentation sociale

Dans la plupart des définitions psycho-sociales des représentations, on retrouve trois aspects caractéristiques et interdépendants.

- La reconstruction du réel

Elle a un caractère constructif. La représentation construit la réalité sociale. Pour Abric, toute réalité est représentée, c'est-à-dire appropriée par l'individu ou le groupe, reconstruite dans son système cognitif, intégrée dans son système de valeurs dépendant de son histoire et du contexte social et idéologique qui l'environne. L'étude des représentations permet de mettre

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en évidence que la pensée sociale élabore la réalité selon différents modèles. Pour reprendre le domaine de la maladie, François Laplantine estime qu'elle peut être considérée d'après plusieurs modèles : maladie exogène / maladie endogène ; modèle épistémologique (biomédical, psychologique ou relationnel) ; modèle des systèmes thérapeutiques.

- La communication

Elle a un caractère symbolique et signifiant puisque les représentations sociales offrent aux individus « un code pour leurs échanges et un code pour nommer et classer de manière univoque les parties de leur monde et leur histoire individuelle ou collective. La représentation sociale a deux faces, l'une figurative, l'autre symbolique. Dans la figure, le sujet symbolise l'objet qu'il interprète en lui donnant un sens. Pour Rouquette et Rateau, c'est le sens qui est la qualité la plus évidente des représentations sociales.

- L'autonomie créative

Elle a un caractère autonome et créatif. Elle a une influence sur les attitudes et les comportements. C. Herzlich a bien montré comment les représentations de la maladie (destructrice ou libératrice) induisent des comportements : refus des soins et de recours au médecin dans le cas de la maladie destructrice ; rupture avec les contraintes sociales, enrichissement sur le plan personnel, lorsque la maladie est vécue sur le mode d'une libération.

§ Les fonctions des représentations sociales - La fonction cognitive

Les représentations dotent les acteurs sociaux, d'un savoir qui est commun, donc partagés, ce qui facilite la communication. Cette fonction de

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communication permet aux individus d'intégrer des données nouvelles à leurs cadres de pensée.

- La fonction d'orientation des conduites

Les représentations sociales guident les comportements et les pratiques. Elles sont porteuses de sens, elles créent du lien ; en cela elles ont une fonction sociale. Elles aident les gens à communiquer, à se diriger dans leur environnement et à agir. Elles engendrent donc des attitudes, des opinions et des comportements.

- Une fonction identitaire

Les représentations ont aussi pour fonction de situer les individus et les groupes dans le champ social... (Elles permettent) l'élaboration d'une identité sociale et personnelle gratifiante, c'est-à-dire compatible avec des systèmes de normes et de valeurs socialement et historiquement déterminés. Jodelet parle d'affiliation sociale. Partager une idée, un langage, c'est aussi affirmer un lien social et une identité.

- Des fonctions de justification des pratiques

Elles nous semblent très liées aux fonctions précédentes. Elles concernent particulièrement les relations entre groupes et les représentations que chaque groupe va se faire de l'autre groupe, justifiant a posteriori des prises de position et des comportements. Selon Abric, il s'agit d'un nouveau rôle des représentations : celui du maintien ou du renforcement de la position sociale du groupe concerné.

Dans le contexte de notre étude, l'objet de la représentation sociale s'identifie à l'épargne des ménages du village d'Adjamé-Bingerville. Quant au sujet, il renvoie à deux entités sociales c'est-à-dire les institutions sociales et

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les acteurs véhiculant les normes, les codes et les valeurs influençant l'épargne de ces ménages.

Tableau 2 : Opérationnalisation de la variable indépendante

CONCEPT

DIMENSIONS

COMPOSANTES

INDICATEURS

 
 
 

- Opinions sur l'épargne

 

- Cognitive

- Croyances et
idéologies

- Groupe social

Représentation
sociale de
l'épargne des
ménages

 
 

- Valeurs culturelles et religieuses sur l'épargne

 

- Normative

- Institutions et
acteurs

- Lien social

 
 
 

- Pratiques sociales

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Chapitre 2 : APPROCHE METHODOLOGIQUE

La méthodologie se définit comme l'ensemble des démarches intellectuelles (méthodes et techniques) destinées à la construction, à l'analyse et à l'explication d'un objet de recherche.

I- Délimitation du champ de l'étude

I-1 Le champ géographique

Pour mieux cerner la réalité que nous étudions, nous avons circonscrit le cadre de l'étude au village d'Adjamé-Bingerville situé dans la commune de Bingerville. Le choix de ce village s'explique par le fait qu'il est situé en milieu rural. En effet, connaissant l'influence des normes sociales traditionnelles sur le comportement des ménages, cette localisation géographique nous permet d'identifier sans trop de difficultés les cadres sociaux et les acteurs qui influencent l'épargne des ménages.

I-2 Le champ social

Pour la réalisation de notre enquête à Adjamé-Bingerville, nous avons interrogé d'une part certains acteurs sociaux du village. Et d'autre part, des spécialistes locaux de l'épargne capable de nous donner des informations afin de consolider notre travail de recherche. A cet effet, nos différents instruments de collectes de données se sont adressés aux acteurs suivants :

- Chefs de ménages du village.

- responsables des structures économiques à caractère associative du

village (mutuelle, tontine, association, catégories de classes d'âge...). - Spécialistes de l'épargne.

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II- Les techniques d'enquête

C'est le lieu de préciser quels outils heuristiques nous avons utilisé pour mener à bien notre étude. Successivement, nous parlerons de la recherche documentaire, de l'enquête exploratoire, de l'échantillonnage, du questionnaire des entretiens, du dépouillement et en fin des conditions sociales de l'étude.

II-1 La documentation

Elle fut la première orientation de notre travail, voire la plus décisive puisqu'elle nous a donné de comprendre et de circonscrire notre thème d'étude. Elle nous a ainsi permis d'avoir, des informations relatives à l'épargne et à la consommation des ménages, à construire non seulement notre problématique, mais également notre revue critique de la littérature.

Dans le cadre de la recherche documentaire, nous avons eu recours à deux catégories de documents écrits :

- Les documents théoriques, à savoir ouvrages et manuels de bases en

sociologie, en économie et en démographie, susceptible de nous aider à réviser certaines notions afin de cerner notre sujet.

- Les documents spécialisés officiels: essais, rapports d'études et articles de journaux se rapportant plus ou moins à notre thème.

Toute cette documentation, qui constituent l'armature sur laquelle nous nous sommes appuyés pour mener notre recherche ont été consulté dans les bibliothèques :

- de l'Institut d'Ethno-Sociologie (IES)

- de la Faculté de Science Economique

- de l'Ecole Nationale de Statistique et d'Economie Appliquée (ENSEA)

- du CERAP

- du Centre Culturel Américain

- des archives de la mairie de Bingerville.

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Enfin, nous avons eu recours à des sites Internet (wikipedia, google...) et des bibliothèques numériques comme celle crée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi, pour la documentation en ligne.

II-2 L'enquête exploratoire

Après la phase de la documentation, l'enquête exploratoire fut celle du contact avec le terrain. C'est à cette étape de notre travail que nous avons établi les premiers contacts avec les autorités du village, des chefs de ménages au nombre de soixante dix (70) et des responsables d'institutions sociales. Ainsi, nous avons jugé le moment propice pour tester notre guide d'entretien. Cette opération de recherche, a permis d'adapter notre outil de recueil des données à la réalité du terrain. Aussi, de peaufiner notre question de recherche et de connaitre les limites et les difficultés inhérentes au terrain en vue d'une adaptation judicieuse de nos outils de recherche. Ainsi, certaines questions ont été reformulées, complétées ou supprimées et d'autres ont été rajoutées pour faire la lumière sur certains points qui nous paraissaient confus pour les enquêtés.

Enfin, la constitution de notre échantillonnage et l'élaboration de nos questionnaires d'entretien ont été facilitées par elle. C'est à la fin de cette opération que nous sommes passés à l'enquête proprement dite.

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II-3 L'échantillonnage

La détermination de l'échantillon s'est opérée à deux niveaux. En effet, pour notre questionnaire nous avons opté pour la méthode de quota qui consiste à obtenir une représentation suffisante en cherchant à reproduire rigoureusement dans l'échantillon les paramètres de certains critères importants connus dans la population de référence. Ainsi, pour notre étude, on a retenu des critères tels que « le sexe », « la religion », « la profession» et « l'âge» des chefs de ménages pour construire notre échantillon. De ce fait, nous avons enquêté 30 chefs de ménage sur environ 500 à 800 ménages que compte le village d'Adjamé-Bingerville selon les statistiques de la mairie de Bingerville.

Concernant l'administration du guide d'entretien, la détermination des enquêtés a été faite par la technique « d'échantillonnage en boule de neige » ou « par réseau ». Cette technique consiste à choisir un noyau d'individus (des personnes considérées comme influentes et relationnelles par exemple) ; noyau auquel s'ajoute tous ceux qui sont en relation (de travail, d'affaire, d'amitié, etc.) avec eux. On se fonde donc sur des réseaux sociaux, d'où l'expression « par réseau ».

Dans le cadre de cette étude, nous sommes entrés en contact avec des notables, des responsables de classes d'âge, les jeunes du village... Ces différents acteurs nous ont permis d'identifier les responsables de structures d'épargne informelle qu'ils connaissent.

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Tableau 3 : récapitulatif du plan d'échantillonnage par quota

Variable

Sexe

Effectif par composante de variable

Homme: 15

Effectif total d'enquêté par
variable

30

Femme:

 

15

Religion

Catholique:

 

13

30

Protestante:

 

9

Harriste :

 

5

Pas de religion:

 

4

Profession

Fonctionnaire:

 

5

30

Agriculteur:

 

5

Commerçant

:

13

Ouvrier :

 

4

Etudiant :

 

1

Retraité:

 

2

Age

[20-30[ :

 

5

30

[30-40[ :

 

6

[40-50[ :

 

6

[50-60[ :

 

8

[plus de 60[ :

 

5

 

Effectif total des enquêtés de l'étude

30

II-4 Le questionnaire

A l'issue de nos premiers contacts avec les chefs de ménages du village d'Adjamé-Bingerville, les informations recueillies nous ont permis de retenir les principaux axes autour desquels le questionnaire ouvert a été élaboré.

Articulé autour de six thèmes centraux, le questionnaire utilisé sur le terrain comprend 47 questions relatives aux:

I- Caractéristiques sociodémographiques des chefs de ménage.

II- Revenus des chefs de ménages.

III- Structuration des dépenses de consommation

IV-

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Représentations sociales et les enjeux liés à l'épargne des ménages.

V- Formes et pratiques sociales liés à l'épargne.

Toutes les questions ont été pré-codifiées au moment de l'administration du questionnaire afin de facilité les travaux de dépouillement après l'enquête.

II-5 Le guide d'entretien

La méthode d'entretien se distingue par la mise en oeuvre des processus fondamentaux de communication et d'interaction humaine. Correctement mis en valeur, ces processus permettent au chercheur de retirer de ses entretiens des informations et des éléments de réflexion très riches et nuancés.

Ainsi, afin d'approfondir les différents aspects des axes identifiés dans le questionnaire, des guides d'entretien semi-directif ont été élaboré pour compléter le questionnaire destiné aux chefs de ménages qui avait surtout une orientation quantitative dans le traitement des données.

Ces guides ont été adressés aux responsables de structures économiques et sociales (tontine, mutuelle, associations villageoises, catégories de classes d'âge...) et aux spécialistes de l'épargne des ménages (responsable d'IMF...).

Les principaux thèmes retenus pour les guides d'entretien tournaient autour :

I- De l'identification de ces structures

II- Du fonctionnement et du rôle de ces structures.

III- De la nature et des motifs d'adhésion à ces structures.

IV- Des difficultés rencontrées par ces structures.

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II-6 Le dépouillement

Pour Comoé Krou (1985 p.28), le dépouillement consiste à regrouper les réponses identiques se rapportant à un même caractère ou en une modalité de manifestation afin de rendre possible la description, l'analyse et l'explication des données de l'enquête.

Deux types de dépouillement sont à la disposition du chercheur. Le dépouillement manuel et le dépouillement informatique. Dans le cadre de cette étude, nous avons opté pour le dépouillement informatique s'agissant du questionnaire et le dépouillement manuel pour le guide d'entretien.

Pour ce qui concerne le dépouillement informatique, il s'est agit particulièrement de la saisie et du traitement des données quantitatives. Concrètement, nous avons d'abord, constitué un masque. Ensuite, la saisie des données de l'enquête et la présentation sous forme de tableaux statistiques avec des possibilités diverses de croissements de variables. Le logiciel Excel de Microsoft a permis l'élaboration des diagrammes et des tableaux et le logiciel Word a servit au traitement du texte.

Quant au dépouillement manuel, il est généralement plus ou moins long mais à l'avantage de permettre une meilleure appréciation des réponses recueillies et de procéder à leur catégorisation : ce qui a facilité les analyses et les interprétations qui ont été faites. De façon pratique, les entretiens avec les acteurs sociaux on été réalisés à l'aide d'un enregistreur numérique. Ainsi, nous avons d'abord procédé à la retranscription intégrale des informations enregistrées pendant notre enquête. Ensuite, il s'est agit de construire une « matrice des concepts» pour chaque question posée, de dénombrer et de classer les réponses obtenues par groupe de concepts identiques.

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II-7 Les conditions sociales de l'étude

Lors de la collecte des données, nous avons été confrontés à trois difficultés essentielles, à savoir la barrière linguistique, le refus de certains acteurs de ce soumettre à notre enquête malgré la présentation de notre attestation de recherche et de notre lettre de recommandation et enfin à une crise opposant la chefferie du village et les jeunes à propos du foncier rural.

En effet, pour surmonter la première difficulté, nous avons bénéficié des services d'un interprète qui par ailleurs est membre de l'association de la jeunesse du village afin de faciliter notre intégration et la réalisation de notre étude.

Quant à la seconde difficulté, la cause principale du refus de certains ménages de répondre à notre questionnaire résidait dans le fait que la plupart des ménages n'aiment pas révéler les informations relatives à leur situation financière. A cela s'ajoute une réelle volonté de maintenir secrète, vis-à-vis de l'entourage, la constitution d'une épargne. Donc, de garder dans l'anonymat leur éventuelle participation à une structure d'épargne formelle ou informelle à cause des différents enjeux stratégiques liés à l'épargne. Ainsi, nous avons dû négocier et expliquer longuement l'importance que revêt cette étude. C'est à la suite de plusieurs négociations et explications, que certains ont accepté de participer à l'enquête.

Enfin, la crise sur le foncier rural du village d'Adjamé Bingerville opposant la chefferie et les jeunes du village à propos d'une partie de la propriété foncière qui a été cédé à l'Etat ivoirien par les autorités villageoises dans une convention, pour la construction de logements sociaux, a constitué un blocage dans le déroulement de nos enquêtes du fait de l'indisponibilité des autorités villageoises et de la suspicion qui régnait dans ce village.

61

Toutes ces difficultés ont influencé notre chronogramme de travail et ont constitué des obstacles à l'avancement de notre étude.

Tableau 4 : Calendrier d'exécution des travaux de recherche

CHRONOGRAMMES D'ACTIVITES

PHASE I

Janvier 2013

Idée de
recherche ou
esquisse de
problème

Février 2013

Recherche
documentaire
+
Enquête
exploratoire

Mars 2013

Rédaction du
rapport
d'enquête
exploratoire
+
problème de
recherche

Avril- Mai 2013

Rédaction de la
problématique
+
Revue critique de
la littérature
+
modèle d'analyse

PHASE II Juin-Juillet 2013 : Rédaction du cadre méthodologique + outils de collecte de données+ test des outils de collecte + Travail de collecte

PHASE III Août-Septembre 2013 : Restitution du rapport intégral des données brutes d'enquête + Analyse des résultats d'enquête + conclusion

DEUXIEME PARTIE

62

PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE

63

Chapitre I : MONOGRAPHIE DE L'ORGANISATION SOCIALE DES EBRIE D'ADJAME BINGERVILLE

I. Historique du peuplement

Le village d'Adjamé Bingerville est une bourgade Ebrié. Les Ebrié font partir du grand groupe Akan. Ce groupe qui forme une unité linguistique est originaire du Ghana actuel. La tradition orale indique que les Ebrié seraient venus du Nord-Est, d'une région voisine du pays Ashanti au Ghana. Ils émigrèrent à partir du XVIIIe siècle à la suite d'une guerre avec une ethnie voisine. Cette migration s'est déroulée par vagues successives. En Côte d'Ivoire, ils se sont regroupés en neuf phratries, possédant chacune sa propre dénomination : Kwè, Bidjan, Yopougon, Nonkwa, Songon, Bobo, Dyapo, Bya et Gnangon. Ainsi, les Ebrié d'Adjamé Bingerville font partir du clan familial Kwè.

II. La situation géographique d'Adjamé Bingerville

Le village d'Adjamé-bingerville est situé à l'Ouest de la sous-préfecture de Bingerville, à l'est se trouve le village voisin d'Eloka et au nord la lagune Ebrié qui s'étend jusqu'au village d'Adjin. Ce village est bâti en longueur et s'organise le long d'une artère principale qui traverse le village d'un bout à l'autre. Le village d'Adjamé-bingerville est divisé en quartiers et le nom de chaque quartier tient compte de l'inclinaison de terrain sur lesquels ils sont bâtis.

III. Les caractéristiques physiques et démographiques du village

III-1 Les caractéristiques physiques

Comme la plupart de toute la zone sud de la Côte d'Ivoire, le paysage est principalement dominé par des formations végétales. La végétation de forêt est marquée par la présence d'essences rares. Le relief est assez accidenté avec l'existence de nombreux plateaux. La température moyenne est d'environ 26°C

64

avec une amplitude estimée à 5°C. La pluviométrie annuelle est en moyenne de 2000 mm reparti sur 90 à 180 jours de précipitation. Dans l'ensemble, le climat de type équatorial est caractérisé par quatre (04) saisons relativement marquées par: une grande saison sèche allant de décembre à mars, une grande saison des pluies allant d'avril à la mi-juillet, une petite saison sèche allant de mi-juillet à mi-septembre et une petite saison des pluies allant de mi-septembre à novembre.

III-2 Les caractéristiques démographiques

Le village Ebrié d'Adjamé Bingerville compte une population estimé aujourd'hui à plus de 11.000 habitants. Il comprend sept (07) grandes familles que sont: la famille Locomman, la famille Godouman, la famille Assiédoman, la famille Kouédoman, la famille Tchadoman, la famille Gbadoman et la famille Djouman-Abrômando. Ces sept (07) familles sont subdivisées en plusieurs sous familles.

IV- Organisation politique du village d'Adjamé-Bingerville

L'organisation politique des Ebrié du village d'Adjamé Bingerville repose sur une sorte de `'démocratie parlementaire» où le pouvoir est transmis de génération à génération. Cette organisation repose sur trois institutions politiques clés :

- La chefferie des `'Nanans» ou les chefs de terre - La chefferie villageoise

- Les générations de classes d'âge

IV-1 La chefferie des `'Nanans» ou les chefs de terre

Les Ebrié d'Adjamé Bingerville accordent une très grande importance à cette institution politique. La chefferie des `'Nanans» est composée des chefs terriens qui sont les sages du village. Les `'Nanans» sont les garants moraux de la tradition du village d'Adjamé Bingerville. Ce sont eux qui

65

sont les détenteurs des pouvoirs traditionnels. En effet, un seul parmi eux qui est le plus âgé des doyens, appelé `'Nanan titulaire», le chef de toutes les terres, détient tous les pouvoirs à qui la chefferie du village issue de la génération de la classe d'âge au pouvoir rend compte.

IV-2 La chefferie villageoise

La chefferie villageoise est constituée du chef du village et de ses notables. IV-2-1 Le chef du village

Le chef du village est l'intermédiaire entre l'administration locale et la population d'Adjamé Bingerville. A ce titre, il représente l'administration au village. Il rend compte au sous-préfet et au `'Nanan titulaire» qui l'on investi. Compte tenu de l'âge avancé du `'Nanan titulaire», le chef du village détient les prérogatives dans les affaires administratives du village. Sa désignation obéit à des critères de sélection basés sur l'intégrité morale, l'aptitude physique et surtout son appartenance à la génération de la classe d'âge au pouvoir. En effet, le chef est désigné par la génération à qui revient le pouvoir.

IV-2-2 La notabilité du village

La notabilité du village d'Adjamé Bingerville est constituée des chefs de famille des différents clans familiaux issus de la génération de la classe d'âge au pouvoir. Les notables sont les premiers conseillers du chef du village. Ils rendent compte directement au chef du village et au `'Nanan titulaire».

66

IV-3 Les générations de classes d'âge

L'une des structures fondamentales de la société Ebrié, c'est les générations de classes d'âge. Une génération regroupe tous ceux qui sont nés dans un espace de temps de quinze ans au moins. Les membres de la même génération se considèrent tous comme des frères. Cette organisation prend en compte les deux sexes (homme et femme) et l'on distingue quatre générations désignées sous les appellations suivantes: Blessoué, Gnando, Dougbo et Tchagba. Chaque génération comprend quatre classes d'âge dont les noms sont:

- Les Djehou : les aînés, les sages d'une génération.

- Les Dongba : les puînés - Les Agban : les cadets

- les Assoukrou : les benjamins.

Le cycle complet des quatre générations dure soixante ans. Il faut noter que cette organisation sociale repose essentiellement sur des clans qui sont fonctions du lignage maternel. Les rapports entre les générations sont institutionnalisés. Cette disposition fait que chez les Ébriés, tous les individus sont égaux en droits et en devoirs et sont chargés de diriger les affaires du village. Ce qui fait de la société Ébrié, une société égalitaire et démocratique. Dans le village d'Adjamé Bingerville, la génération de classe d'âge au pouvoir l'exerce pendant 15 ans avant de la transmettre à la génération suivante. C'est dans cette génération qu'est choisie le chef du village et les notables.

67

V- Organisation économique du village d'Adjamé Bingerville

L'organisation économique du village repose sur le foncier rural, les infrastructures et les activités économiques.

V-1 Le foncier rural

Les terres du village d'Adjamé Bingerville appartiennent aux chefs de terres qui sont les chefs des clans familiaux du village. Au regard des enjeux géostratégiques et économiques liés à l'usage de la ressource foncière, la terre n'est pas en accès libre pour tous les membres du village. Du coup, les étrangers (allogènes ou allochtones) sont exclus du système d'acquisition de propriété foncière du village. En effet, n'importe qui ne peut faire n'importe quoi sur la terre. Ainsi, le droit de gestion ou de cessation de la terre familiale est un droit détenu exclusivement par le chef de famille. Néanmoins, ce droit s'accompagne généralement d'un ensemble de devoirs de solidarité envers les autres membres de la famille. Un gestionnaire qui ne remplirait pas son devoir d'assistance vis-à-vis de la famille peut se voir contester son droit. Raison pour laquelle, de nombreux conflits sur le foncier rural d'Adjamé Bingerville existent d'une part entre les membres d'une même famille et d'autre part entre le village d'Adjamé Bingerville et d'autres villages voisins.

V-2 Les infrastructures socioéconomiques du village

A ce niveau, le village d'Adjamé Bingerville dispose d'une école primaire, d'un dispensaire, d'une gare de transport, de trois (03) boutiques, d'une adduction en eau potable et d'une connexion au réseau électrique de la ville de Bingerville.

V-3 Les activités économiques

Dans ce village la principale activité économique est l'agriculture. En effet, ce sont de grandes plantations d'hévéa et de palmier à huile qui

68

constituent les principales cultures d'industrielles du village. La culture du manioc est la production vivrière la plus importante. Les femmes sont fortement impliquées dans la transformation et la commercialisation de ce produit vivrier. Aussi, les Ebrié d'Adjamé Bingerville pratiquent la pêche du fait que le village est bordé par les lagunes Ebrié et Adjin.

VI- Organisation culturelle du village

La célébration de la fête de génération est la principale activité culturelle du village d'Adjamé Bingerville. La fête de génération est une fresque commémorative qui passe en revue, tous les deux ans, les institutions régissant la vie sociale des Ebrié d'Adjamé Bingerville. La fête de génération ou « Fatchué » en langue local est une cérémonie initiatique qui marque le passage d'une étape à une autre dans la vie des jeunes filles et garçons des classes d'âge qui composent une génération. C'est le passage de l'adolescence à l'âge adulte, à l'âge de la maturité. A partir de cette cérémonie, ces hommes auront le droit de prendre la parole au cours des assemblées. Ils auront le droit de prendre part aux décisions du village.

La fête de génération s'exprime par des chants traditionnels scandés par les femmes du groupe, pendant que les hommes, par catégories d'âge et de rang, font des démonstrations de danses mystiques et guerrières. Elle est faite en l'honneur des génies protecteurs et en la mémoire des ancêtres fondateurs et initiateurs des classes d'âge.

C'est aussi la période pour les individus de démontrer leurs richesses matérielles en portant des pagnes somptueux avec des chaines et des bracelets en or nimbés à leur cou. Signe de richesse et d'appartenance à un statut social respectable.

TROISIEME PARTIE

69

ANALYSE DES DETERMINANTS SOCIAUX DE L'EPARGNE
DANS LA STRUCTURATION DES DEPENSES DE
CONSOMMATION DES MENAGES

70

Chapitre 1 : PRESENTATION DE DONNEES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES DES ENQUETES DE L'ETUDE

I-1 Répartition des chefs de ménages selon le sexe

50%

50%

FEMME HOMME

Figure 1 - Source : données d'enquête

Dans le cadre de cette étude, 50% des chefs de ménage interrogés sont des hommes et 50% sont des femmes. La proportion des femmes chefs de ménage est élevée parce que dans la plupart des ménages, les hommes sont sans emploi et c'est l'activité commerciale de vente d'attiéké de la femme qui permet au ménage de réaliser quasiment toutes les dépenses.

I-2 Répartition des chefs de ménages selon l'âge

30% 25% 20% 15% 10%

5%

0%

 
 
 
 

Age des chefs de ménage

[50-60[ [40-50[ [30-40[ [20-30[ [ 60- plus[

Figure 2 - Source : données d'enquête

La majorité des chefs de ménage enquêtés ont un âge compris entre 50 et 60 ans, soit 26,66%. Vient ensuite la tranche d'âge des 40 et 50 ans, soit 20%; 30 et 40 ans 20%. Enfin, les 20-30 ans et les plus de 60 ans représentent chacun 16,66% des enquêtés.

71

I-3 Répartition des chefs de ménages selon le statut matrimonial

80% 60% 40% 20%

0%

 

STATUT MATRIMONIAL DES CHEFS DE MENAGE

Marié avec Célibataire Veuf (ve) Marié (e)

enfant(s) avec avec sans
enfant(s) enfant(s) enfant(s)

Figure 3 - Source : données d'enquête

Les chefs de ménage en couple c'est-à-dire mariés ou vivant en concubinage représentent 70% des enquêtés. Par contre, les célibataires avec enfant sont autour 16,66%, les célibataires sans enfants représentent 3,33% et les veuves constituent quand à elles 10% des enquêtés.

I-4 Répartition des chefs de ménages selon le nombre d'enfants

50% 40% 30% 20% 10%

0%

 
 
 
 

NOMBRE D'ENFANT DES CHEFS DE MENAGE

[3-6[ [0-3[ [6-9[ [9-12[

Figure 4 - Source : données d'enquête

40% des chefs de ménage enquêtés ont entre 3 à 6 enfants. Contre 36,66% de ceux qui en ont entre 0 et 3 enfants. Les ménages ayant entre 6-9 enfants et 9-12 enfants représentent respectivement 20% et 3,33%.

72

I-5 Répartition des chefs de ménage selon le niveau d'instruction

50% 40% 30% 20% 10%

0%

 
 
 
 

NIVEAU ' D'INSTRUCTION DES CHEFS DE MENAGE

Secondaire Primaire Aucun Supérieur

Figure 5 - Source : données d'enquête

46,66% des chefs de ménage enquêtés ont atteint le niveau secondaire et 43,33% le niveau primaire. 3,33% ont pu réaliser des études supérieures. Cependant, 6,66% d'entre les enquêtés sont analphabètes.

I-6 Répartition des chefs de ménages selon la taille des ménages

35%

30%

25%

20%

15%

10%

0%

5%

LA TAILLE DES MENAGES

Figure 6 - Source : données d'enquête

33,33% des ménages comprennent 9 à 12 membres. Contre 26,66% de ceux qui en ont entre 6 et 9 membres. Les ménages ayant entre 3-6 membres, 0-3 membres et 12-15 membres représentent respectivement 16,66%, 13,33% et 10%.

73

I-7 Répartition des chefs de ménage selon leurs catégories socioprofessionnelles

50%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

40% 30% 20% 10%

0%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

La catégorie socio-

professionnelle des chefs de ménage

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Figure 7 - Source : données d'enquête

La catégorie des commerçants représente 43,33%. Viennent ensuite les agriculteurs et les fonctionnaires avec 16,66% chacun. Les chefs de ménage ouvrier constituent 13,33%. Les retraités et les étudiants quant à eux ont un taux relativement moins élevé.

I-8 Répartition des chefs de ménage selon la catégorie socioprofessionnelle de leur conjoint

La catégorie socio-

professionnelle du conjoint des chefs de ménage

40%

30%

20%

10%

0%

Figure 8 - Source : données d'enquête

Les sans emplois constituent la frange la plus important du statut professionnel du conjoint avec 36%. Vient ensuite, les commerçants et les agriculteurs avec 16%, les ouvriers 12% et enfin les étudiants et les retraités représentent 4% des enquêtés.

74

I-9 Répartition des chefs de ménages selon l'ethnie

Ebrié Agni Avikam Guéré Attié Gnanboua

3,33%

3,33% 3,33%

6,66%

3,33%

80%

Figure 9 - Source : données d'enquête

80% des chefs de ménage interrogés sont de l'ethnie Ebrié. En effet, cela s'explique aisément parce que la zone d'étude est un village Ebrié. Par contre, 6,66% sont de l'ethnie Agni et 3,33% sont Avikam, Guéré, Attié et Gnanboua.

I-10 Répartition des chefs de ménages selon leur religion

50% 40% 30% 20% 10%

0%

 
 
 
 

Confession religieuse des chefs de ménage

Catholique Méthodiste/

Evangélique

Harriste Pas de religion

Figure10 - Source : données d'enquête

43,33% des chefs de ménage enquêtés pratiquent la religion catholique, contre 30% de méthodistes/Evangéliques, 13.33% d'harriste et 13,33% de chefs de ménage sans religion.

75

Chapitre 2- LA STRUCTURE DES DEPENSES DE CONSOMMATION DES MENAGES

I - Les différents postes de dépenses de consommation des ménages

30

25

20

15

10

0

5

Postes budgétaires des ménages

Figure 11 - Source : données d'enquête

La nomenclature des dépenses de consommation des ménages d'Adjamé Bingerville laisse apparaitre 10 grands postes budgétaires. Ce sont les dépenses alimentaires, d'éduction, de santé, les dépenses liées au logement, les loisirs, les dépenses cérémonielles, les dépenses de communication, le transport, l'épargne et l'habillement. En effet, sur 30 ménages enquêtés, la totalité des chefs de ménage ont indiqué réaliser des dépenses alimentaire. S'agissant des dépenses liées à l'éducation, 86,66% des enquêtés budgétisent cette dépense. Concernant les dépenses de santé 29 chefs de ménages ont indiqué effectuer cette dépenses contre 1 seul qui ne réalise pas de dépense de santé. A propos du logement, 93,33% des ménages réalisent des dépenses liées au logement. Aussi, 80% des ménages effectuent les dépenses cérémonielles et 33,33% le poste épargne. Concernant les dépenses de transport, de loisir, de communication et d'habillement, elles sont réalisées respectivement à hauteur de 66,66%, 6,66%, 53,33% et 3,33% par les ménages.

76

II- Hiérarchisation des dépenses de consommation des ménages en termes de priorité et de revenu alloué.

L'analyse de la structure des postes de dépenses des ménages permet de distinguer deus grandes catégories de dépenses selon la priorité et la part du revenu alloué à ces dépenses. Ceux sont les dépenses dites primaires et les dépenses secondaires.

II-1 Dépenses primaires

II-1-1 L'alimentation : premier souci des ménages pauvres

La prédominance du poids de l'alimentation dans la consommation des ménages d'Adjamé Bingerville est perceptible, quelle que soit la configuration familiale. En effet, le coefficient budgétaire de l'alimentation représente environ 60% des dépenses des ménages. Ce qui est un trait caractéristique des ménages pauvres15. Cette situation est due en partie à la précarité de l'emploi des chefs de ménage qui pour la plupart sont des commerçants et des sans emplois et surtout à la taille élevée des ménages qui se situe en moyenne entre 6 et 12 membres. Dans cette configuration, la famille exerce une pression sur le revenu du chef de ménage qui est contraint d'ajuster régulièrement son budget en supprimé certaines dépenses au profit des dépenses alimentaires ou en réduisant la qualité des produits consommés afin de pouvoir satisfaire du point de vue alimentaire les membres du ménage. Toutefois, le milieu rural réduit cette pression du fait de l'autoconsommation pratiqué par les ménages. En effet, la plupart des ménages d'Adjamé Bingerville disposent d'un champ où la culture de certains produits alimentaires tels que le manioc et les produits vivriers est pratiquée. Les produits de base consommés sont principalement l'attiéké et

15 La loi de (Ernet Engel, 1857) stipule que plus une famille est pauvre, plus importante est la part des dépenses totales qu'elle doit pour se procurer sa nourriture.

77

le poisson. Ces deux composantes constituent le mode alimentaire des Ebrié du village d'Adjamé.

II-1-2 Le logement : un poste important dont le milieu rural module en partie le poids

Le poste logement occupe toujours une place de choix dans les dépenses de consommation des ménages quelques soient le revenu et la configuration familiale. Les dépenses liées au logement constituent en termes de priorité et de revenu alloué le second poste budgétaire après l'alimentation. Il regroupe le loyer, les dépenses d'eau, de gaz, d'électricité... Cependant, le milieu rural atténue les charges liées au logement. En effet, 83,33% des ménages sont les propriétaires de leur maison. Ainsi, ces ménages n'effectuent pas les dépenses de loyers. On note aussi un très faible taux d'équipement en appareils électroménagers, ce qui traduit un faible niveau de confort des ménages d'Adjamé Bingervillle. De plus, l'une des caractéristiques des dépenses liées au logement est celle de l'utilisation collective par des ménages de certaines ressources telles que les compteurs d'eau et d'électricité commune.

II-1-3 L'éducation et la santé

Ces postes budgétaires constituent a en point douté des dépenses primaires à cause de leur importance dans la détermination du niveau de vie des ménages. Toutefois, ces dépenses sont effectuées de manière contingente et occasionnelle par les ménages. Ainsi, la plupart des ménages disent réaliser très peu de dépenses liées à la santé puisque selon les dires des enquêtés : « ce n'est toujours qu'on tombe malade ». Cependant, le poste santé est une priorité en termes de revenu alloué pour la plupart des ménages dont l'âge du chef se situe au-delà des 60 ans. Ces derniers du fait de la précarité de leur santé consacrent une bonne partie de leur revenu au poste santé. Ainsi, pour les personnes du troisième âge les dépenses liées à la santé constituent une priorité en termes de revenu alloué. S'agissant des dépenses d'éducation c'est

78

pendant la rentrée scolaire que celle-ci fait surface avec les frais de scolarité des enfants à payer et les fournitures d'école. Dans l'ensemble, ces deux dépenses quoique primaires ne constituent pas pour les ménages des postes budgétivores en terme de revenu alloué.

II-2 Dépenses secondaires

II-2-1 Les dépenses cérémonielles

Les dépenses cérémonielles ne constituent pas une priorité pour les ménages. Toutefois, en termes de revenu alloué, elles représentent environ 10% du budget mensuel des ménages du village d'Adjamé Bingerville. En effet, 86% des ménages interrogés réalisent des dépenses liées aux pratiques sociales traditionnelles notamment les cérémonies liées à la fête de la génération.

Aussi, les ménages de ce village pratiquent à plus de 80% la religion chrétienne. Ainsi donc, Les dépenses liées aux cérémonies se résument à l'organisation de baptême, de mariage... Aussi, à la célébration de certaines pratiques religieuses telles que la fête de la moisson pour les ménages méthodistes et harristes, et la fête de la charité pour les catholiques. Ces ménages dépensent des sommes faramineuses allant de 50.000 F CFA à 200.000 ou 300.000 F CFA pour certains afin d'honorer ces obligations religieuses qui sans laquelle la vie n'a pas de sens. Comme le souligne Dame A.V, « (...) Mon fils ça sert à quoi de chercher de l'argent si ce n'est pas pour honorer Dieu avec. En tout cas, moi je préfère prendre mon argent pour le mettre au service de Dieu ». En somme, même si les dépenses cérémonielles ne constituent pas une priorité pour les ménages elles mettent en perspective l'appartenance sociale des ménages. Elles participent ainsi donc à la construction sociale de leur identité culturelle et religieuse.

79

II-2-2 Le transport et la communication

Les dépenses des ménages liées au transport, quoique prioritaire, fluctuent peu quelque soit la configuration du ménage. En effet, installés en zone rurale, les ménages d'Adjamé Bingerville ne disposent que du transport en commun appelé communément `'Gbaka» pour effectuer les cours. Ainsi, les charges liées à ce type de transport se récente beaucoup chez les ménages ayant de nombreux enfants qui fréquentent les collèges et lycées de la ville d'Abidjan. Aussi, effet de mode ou véritable phénomène de consommation, les dépenses liées à la communication représente en moyenne 2,3% de part du revenu de la plupart des ménages.

II-2-3 Les loisirs et l'habillement

Pour les ménages d'Adjamé Bingerville, les dépenses de loisir sont peu importantes notamment les ménages dont les femmes sont les chefs. Tandis que les hommes sont plus enclins à ce type de dépenses. Ainsi, ce poste de dépense est souvent révélateur de conflits intrafamiliaux entre l'homme et la femme. En effet, la plupart des femmes interrogées trouvent que les dépenses de loisirs constituent un gaspillage de ressources financières que le ménage ne peut se permettre à cause de la précarité de revenu. Enfin, s'agissant des dépenses liées à l'habillement, elles apparaissent très réduites dans les ménages quoique le coefficient budgétaire du poste habillement soit plus élevé quand le ménage est dirigé par une femme.

80

II-3 La clé de répartition des dépenses de consommation dans les ménages

40%

90%

80%

70%

60%

50%

30%

20%

10%

0%

Homme Femme

Figure 12 - Source : données d'enquête

Les données de terrains montrent une différence significative de comportement entre hommes et femmes dans la manière d'allouer les ressources du ménage aux différents postes de dépenses. En effet, la clé de répartition des dépenses dans le ménage est plus favorable aux dépenses alimentaires, d'éducation et d'épargne lorsque les choix de dépenses dépendent plus de la femme. Comme le graphique l'indique, sur les 30 ménages enquêtés, dans 53, 33% des ménages, ce sont les femmes qui réalisent les dépenses alimentaires, 38% effectuent des dépenses d'éducation et dans 34% des cas, se sont-elles qui détiennent l'épargne du ménage. Les hommes à l'opposé privilégient les dépenses liées au logement, à la santé et surtout les dépenses dites `'secondaires». Ainsi, la répartition des dépenses dans le ménage, met en perceptive la répartition des pouvoirs décisionnels dans le couple. De sorte que, la propension à épargner du ménage ou à réaliser les dépenses alimentaires ou d'éducation par exemple, seront d'autant plus élevé que la part de la femme dans les décisions du ménage est plus importante. Ainsi donc, le capital santé et le niveau d'instruction des enfants dépendent directement de la part des femmes dans la répartition des revenus et par la suite des pouvoirs.

81

Chapitre 3- LES REPRESENTATIONS SOCIALES LIEES A L'EPARGNE DES MENAGES DU VILLAGE D'ADJAME BINGERVILLE

I - Les représentations sociales liées à l'épargne des ménages

I -1 Les idéologies culturelles liées à l'épargne des ménages

La société Ebrié est organisée en plusieurs générations de classes d'âge. La plupart part des ménages sont fortement conditionnés par les valeurs culturelles que véhiculent cette institution sociale villageoise. En effet, la génération est l'institution sociale par excellence au travers de laquelle les valeurs culturelles Ebrié de l'épargne sont transmises. Ces valeurs sont subtilement intériorisées et soigneusement transmises de génération à génération. L'enquête de terrain révèle que 60% des ménages admettent l'existence de ces valeurs culturelles liées à l'épargne des ménages. Ces valeurs se résument à la solidarité, à l'entraide, à la pérennisation de la culture et au développement communautaire grâce à la mutualisation des membres de la génération.

Comme l'indique K.Y « Chez nous, il y a un proverbe qui dit : il y a toujours cérémonies. C'est pourquoi, les membres de la génération doivent cotiser 100 F CFA par mois dans le registre financier de la génération et 3000 F CFA en cas de décès pour faire face à toutes les situations. Donc, si un membre du village qui ne sait pas que notre tradition nous demande de cotiser lors d'un décès, quand son tour va venir lui seul il va soulever le cercueil de son parent ». Ce discours, montre l'aspect coercitif des normes sociales sur l'épargne des ménages qui se traduit dans le cas du village d'Adjamé Bingerville, par la mis en place d'un registre financier qui constitue un dispositif de mobilisation de ressources financières de la part de la génération pour faire face aux vicissitudes de la vie que pourrait connaitre l'un de ces membres. Ainsi, ces pratiques participent à la reproduction de l'identité culturelle et à la construction de l'appartenance des ménages à leur groupe

82

social par la mise en jeu de leur épargne matérielle ou immatérielle dans les institutions sociales.

Aussi, 70% des ménages interrogés ont indiqué qu'ils budgétisent le poste de dépense épargne pour honorer les obligations culturelles telle la fête de génération. En effet, ces ménages épargnent durant deux (02) ou trois (03) ans pour dans un premier temps, s'acquitter des droits individuels de leurs membres qui doivent effectuer leur sortie de génération. Ces droits sont obligatoires pour tout prétendant à la sortie de sa génération. Cette participation individuelle à l'organisation de la sortie de la génération s'élève à 40.000 F CFA pour les hommes et à 80.000 F CFA pour les femmes. Ce montant est fixé par les autorités du village. Cette contribution financière peut être revue à la hausse si les responsables de la génération sortante considèrent que le montant global n'est pas à mesure d'organiser une sortie digne de leur rang.

De plus, une fois engagé dans le processus de sortie de leur génération, les membres sont obligés de rechercher des ressources additionnelles qui varient entre 200.000 F CFA à 1.000.000 F CFA, qui t'à puiser totalement dans l'épargne familiale ou à contracter un crédit, pour organiser la cérémonie. Comme le souligne T.H, chef de la catégorie Djehou « Mon fils, chez nous ici, c'est génération on connait. Un Ebrié qui joue avec la sortie de sa génération, ce n'est pas quelqu'un à qui on peut confier une responsabilité dans le village. (...) chacun doit bien se préparer. S'il faut demander crédit à un frère ou à un ami, nous le faisons pour que les invités soient à l'aise et que les autres sachent que toi aussi tu es homme ».

Ainsi, le respect strict de ces dispositions sociales à travers la mise en jeu de leur épargne dans les institutions sociales, symbolise l'attachement des ménages d'Adjamé Bingerville à leurs valeurs culturelles. Cette logique d'action procure aussi aux ménages une forme de reconnaissance et d'intégration sociale qui participe au maintien de leur statut social. Se

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soustraire de ces obligations culturelles, peut conduire dans très souvent des cas à une exclusion ou du moins à une disqualification sociale16. Par exemple l'individu qui ne s'impliquerait pas financièrement ou matériellement dans le décès d'un membre de sa génération se fera à son tour abandonné par les autres membres de la génération en cas de décès dans sa famille. Et part la suite, ce dernier assiste à la dévalorisation de son statut social par les autres membres de la communauté qui le qualifie socialement d'incompétent ou d'irresponsable.

I -2 Croyances religieuses liées à l'épargne des ménages

Les ménages enquêtés du village d'Adjamé Bingerville pratiquent à 86,66% le christianisme. Trois communautés se partagent l'espace religieux du village. Ce sont la communauté catholique, méthodiste et harriste. Des croyances religieuses liées à l'épargne sont véhiculées par cette religion entre les membres des différentes communautés.

Au cours de nos enquêtes, 80% des ménages interrogés ont indiqué l'existence de croyances religieuses sur l'épargne. Dans la pratique, ces croyances se manifestent par des dons en nature et en espèce. Ces dons sont communément appelés dans le langage chrétien les offrandes, la dime, le denier de culte, la collecte... Le fait qu'il s'acquitte de ces prescriptions religieuses, le croyant est sensé recevoir une bénédiction matérielle ou une forme de sécurité divine en retour. Ainsi, les ménages attachés à cette valeur religieuse ne se refusent pas de faire un don en argent en échange de ces promesses.

16 La disqualification sociale selon Serge Paugam, est un processus à double dimension, celle liée au fait de manquer d'appui et d'être vulnérable du point de vue de la protection que l'on peut avoir, mais aussi d'être sous un regard méprisant mettant en relief l'inutilité de l'individu ou son incompétence social.

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Ces croyances sont légitimées par la bible17. A ce titre, tout chrétien doit s'acquitter à cette recommandation divine qui constitue un `'devoir sacré»pour tout croyant. Ainsi, des mécanismes sont mis en oeuvre pour inciter les

fidèles à la pratique de cette exigence divine. Entre autre, l'association d'une guérison miraculeuse ou la résolution d'un problème quelconque à celui d'un don proportionnel au miracle voulu. Pour Soko (2010) dans le cas du pentecôtisme par exemple, les pasteurs organisent des rituels sur le modèle de la vente aux enchères ou à l'américaine au cours desquels certains fidèles peuvent offrir des sommes faramineuses. Ces dons procurent une importante consécration sociale à ceux qui les font en augmentant leur prestige social auprès des autres fidèles.

Egalement pour Soko (2010) « Il y a là une manipulation du principe de réciprocité, c'est-à-dire du système d'échange qui constitue une composante importante du répertoire symbolique des couches inférieures de la société, et qui oriente leurs rapports sociaux comme leurs rapports avec la divinité ».

Aussi, ces valeurs religieuses conditionnent fortement la vie sociale des ménages d'Adjamé Bingerville. A. R souligne que « Dans notre église ici, si tu ne participe pas aux activités de l'église, aux cotisations, le jour ou tu meurs, les gens n'assisterons pas à ta veillée au village et le jour de l'inhumation, il n'y aura pas de messe de requiem pour toi à l'église ».

17 La bible est le `'livre saint» de la religion chrétienne. Les pratiquants de cette religion affirme que tous les écrits qu'elle contient sont incontestables parce que d'origine divine. Ainsi, `'ce livre sacré» prescrit (Dt 14 : 22 ; Mal 3 : 8-10 ; Luc 6 : 38) aux fidèles de donner une partie de leur revenu ou de leur bien aux clergés ou aux nécessiteux afin de recevoir la bénédiction divine.

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I - 3 Les perceptions psychosociales de l'épargne des ménages

35%

30%

25%

20%

15%

10%

5%

Les motifs d'épargne des ménages

0%

Figure 13 - Source : données d'enquête

La réserve de précaution (33%) est le premier motif de constitution d'une épargne pour les ménages. Cette épargne est formée pour faire face au risque de réduction du revenu, aux imprévus, au chômage et à la maladie. Ensuite, vient l'investissement (16,45%) pour financier soit la construction d'une maison et d'un commerce. La retraite (12,46%) et les obligations sociales (12,46%) constituent la troisième raison pour laquelle les ménages épargne. Enfin, l'acquisition de biens matériels (11,39%), les transferts de fonds familiaux (11,39%) et l'éducation (2,85%) représentent les derniers motifs d'épargne des ménages d'Adjamé Bingerville. Ainsi, les motivations de l'épargne des ménages résultent d'un double processus à la fois psychologique et social. Les ménages souhaitent d'une part anticiper l'incertitude liée à leur avenir en ayant une épargne préventive. Et d'autre part, assurer le sentiment de responsabilité sociale et de solidarité réciproque au sein du groupe d'appartenance avec qui ils ont un lien social et partagent les mêmes valeurs.

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II- Les structures formelles et informelles d'épargne des ménages

II-1 Les Institutions de Microfinance (IMF)

La microfinance désigne l'offre de produits et services financiers aux populations pauvres, exclues des systèmes financiers traditionnels. Il existe deux conceptions de la microfinance. D'abord, celle qui utilise au préalable l'épargne c'est-à-dire les ménages se doivent d'épargner dans une IMF avant de bénéficier de services tel que le crédit ou le financement d'un projet. Ensuite, celle de la Banque Mondiale qui indique que certaines catégories de la population vivant dans l'extrême pauvreté se trouvent dans une situation d'exclusion bancaire. Ceux-ci devraient bénéficier d'un financement de projet malgré l'absence de revenu et d'épargne.

Ainsi, au cours des enquêtes, 21,27% des ménages issus pour la plupart de la catégorie des commerçants et des fonctionnaires du village ont indiqué avoir un compte d'épargne dans les IMF. Ce qui traduit une intégration relative des ménages d'Adjamé Bingerville au système bancaire malgré l'inexistence d'IMF dans cette zone rural. Cette intégration vise pour la plupart à bénéficier de crédit pour le financement des activités commerciales et des projets de création de plantations ou de construction de maison.

Toutefois, la majorité des ménages d'Adjamé Bingervile continuent d'être des exclus du système financier formel à cause de la faiblesse de leur revenu qui ne leur permet pas d'avoir accès au service bancaire compte tenu des conditions exigées avant l'ouverture d'un compte. Aussi, l'éloignement des IMF qui se retrouve toute au centre-ville de Bingerville rend difficile la participation des ménages ruraux au système bancaire.

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II-2 Les mutuelles

Une mutuelle est une association à but non lucratif qui offre à ses membres, appartenant à une même branche professionnelle ou générationnelle, un système d'assurance ou de prévoyance volontaire. La philosophie mutualiste, consiste en la mise en commun des moyens de chacun, dans le but de faire face aux aléas de la vie. Cela sous-tend un système de collecte financier qui est indépendant du risque individuel à couvrir par chaque adhérent. Moyennant une cotisation, la mutuelle offre à ses adhérents un complément de remboursement de certains frais médicaux, une protection sociale en cas de maladie grave, de maternité, d'invalidité ou de décès). Ainsi, les caractéristiques d'une mutuelle sont:

· Une gestion démocratique (1 personne = 1 voix lors des assemblées générales).

· Une cotisation mensuelle et individuelle

· Un capital collectif et inaliénable

A ce titre, Le village d'Adjamé Bingerville compte deux (02) mutuelles. La mutuelle des enseignants de l'école primaire et la mutuelle de la génération Dougbo. 30% des ménages interrogés appartiennent à l'une des deux mutuelles. Dans le cas de la mutuelle des enseignants par exemple, les cotisations sont de l'ordre de 1000 F CFA par mois pour chaque adhérent. En cas de mariage, un cadeau de l'ordre de 20.000F à 30.000f CFA est fait à l'adhérent. Pour des cas de maladie qui nécessite une hospitalisation, la mutuelle octroie 35.000 F CFA au membre. Enfin, en cas de décès d'un ayant-droit d'un membre de la mutuelle la somme de 60.000 F CFA est accordée au mutualiste et si c'est le mutualiste lui-même qui décède, c'est la somme de 200.000 F CFA qui est déboursé par la mutuelle.

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Ainsi donc, le système de relations sociales s'établissant dans les mutuelles se résume par les notions de solidarité et d'entraide entre les membres. Comme l'indique T.B, président de la mutuelle des enseignants d'Adjamé1 « L'objectif de notre mutuelle est d'aider au cas où survint un malheur ou bien un bonheur. S'il y a un décès par exemple, votre argent ne pourra soulever votre cercueil pour aller au cimetière. Il faut des gens et ces gens là, il faut les aider afin que quand vous êtes dans les difficultés, ceux-là puisse vous aider, c'est ça la mutualité ».

II-3 Les tontines

La tontine est un contrat aléatoire dans lequel chaque souscripteur verse une somme dans un fonds et touche les dividendes du capital investi. Dans une acception sociologique, les tontines sont des associations regroupant des membres d'un clan, d'une famille, des voisins ou des particuliers exerçant une même activité professionnelle, qui décident de mettre en commun des biens ou des services au bénéfice de tout un chacun, et cela à tour de rôle. Il existe deux grandes familles de tontines: les tontines rotatives et les tontines à accumulation.

II-3-1 Les tontines rotatives

Les participants d'une tontine rotative s'engagent à verser une somme pré-déterminée à une fréquence donnée. Pour chaque tour de versement, un des participants est désigné pour être le bénéficiaire des fonds des autres participants. Deux modes de désignation du bénéficiaire existent: soit il y a tirage au sort avant chaque versement, soit le tirage au sort est fait selon certains critères sociodémographiques tels que l'âge des participants.

89

90

II-3-2 les tontines à accumulation

Dans une tontine à accumulation, les cotisations ne sont pas redistribuées à un des membres mais accumulées dans la caisse de la tontine. Les fonds ainsi collectés appartiennent à la tontine jusqu'à ce que les membres décident d'effectuer un partage, c'est-à-dire de redistribuer tout l'argent accumulé aux membres, au prorata de ce qu'ils ont cotisé. Entre-temps l'argent de la tontine est investi de la façon dont les membres en ont décidé collectivement. Le plus souvent, les fonds sont octroyés aux membres sous forme de crédit. Les conditions du crédit sont décidées collectivement (conditions d'obtention, durée, intérêt, échéances de remboursement, recouvrement et sanctions en cas de retard dans le remboursement, etc.).

Ainsi les membres empruntent auprès de la tontine pour mener des activités économiques. Ils remboursent ensuite la tontine, capital et intérêts. Les crédits étant souvent courts avec des intérêts relativement élevés, les fonds disponibles s'accroissent rapidement, ce qui permet aux membres d'emprunter plus, plus longtemps, et ainsi de développer progressivement leurs affaires. Au moment du partage, les membres reçoivent nettement plus que ce qu'ils ont cotisé. Ainsi, ceux qui ont avant tout besoin d'épargner et ceux qui ont avant tout besoin de crédit y trouvent tous leur compte. La somme importante ainsi récupérée peut permettre un investissement à plus long terme, ou de faire face à une dépense importante prévisible (fête religieuse ou familiale, frais de scolarité, etc.).

Ainsi, 26,66% des ménages enquêtés s'inscrivent dans la forme rotative de la tontine. La majorité des participants à ces tontines du village d'Adjamé Bingerville sont des femmes. Ce sont des sommes allant de 2.500 F CFA à 10.000 F CFA qu'elles cotisent à intervalle d'une à deux semaines. En plus des conditions d'accès difficiles au système bancaire et de la faiblesse du revenu

des ménages qui constituent des causes de la participation à une tontine, il existe des formes de rapports sociaux telles que le regroupement entre amis pour des échanges d'idées, la participation à des réseaux d'influence sociale. C'est aussi le lieu de partage des joies familiales, de soutien pour les moments difficiles et notamment pour les décès.

II-4 Les associations coopératives

Une coopérative ou un groupement coopératif est une entreprise dont les associés contribuent volontairement à part égale en droits et en obligations. Le système coopératif est fondé sur le principe de la coopération (ou mutualisme) et de la solidarité. Le pouvoir y est exercé démocratiquement et les membres de la coopérative travaillent avec le souci de l'intérêt général de tous les associés. L'objectif économique des coopératives n'est pas la recherche du profit, mais la satisfaction des aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels des membres, comme, par exemple, la réduction de coûts de revient ou le coût d'achat de certains produits agricoles.

Ainsi, 20% des ménages enquêtés d'Adjamé Bingerville s'inscrivent dans cette forme de structure sociale. La plupart d'entre eux sont issus de la catégorie des planteurs du village. Ils ont intégré la coopérative d'hévéa du village pour bénéficier de prêts sociaux et de soutien agricole. Comme l'indique B. P, planteur d'hévéa « il y a une fois où mon revenu issu de mon activité de production d'hévéa n'est pas vite arrive. Alors que la compagnie d'électricité venait d'enlever mon compteur. La coopérative m'a fait un prêt de 25.000 F CFA pour récupérer mon compteur ». Les coopératives assurent ainsi l'assistance sociale en organisant un soutien au sein des couches les plus pauvres de la population.

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Chapitre 4- LES FORMES ET LES ENJEUX DE L'EPARGNE DES MENAGES D'ADJAME BINGERVILLE

I - Les formes d'épargne des ménages d'Adjamé Bingerville

30%

25%

20%

15%

10%

5%

0%

Les formes d'épargne des ménages

Figure 14 - Source : données d'enquête

I -1 L'épargne religieuse

Le graphique montre que 28% des enquêtés pratiquent l'épargne religieuse. Cette épargne se pratique au sein de l'église méthodiste, de l'église catholique et de l'église harriste. L'épargne religieuse est constituée des deniers de culte ou collectes, de la dîme et autres offrandes spéciales. Ces dons sont destinés à faire face aux dépenses ordinaires, telles que les factures d'eau, d'électricité, la rémunération du clergé, ainsi qu'aux dépenses extraordinaires liées à la construction des temples, aux campagnes d'évangélisation... Cette épargne est très importante pour les ménages parce qu'elle constitue un capital immatériel qui renvoie à une protection divine pour les ménages qui la pratique.

I -2 L'épargne à la maison ou épargne thésaurisée

Le graphique indique que 27% des ménages interrogés pratiquent l'épargne à la maison. Elle est largement pratiquée par les ménages à revenu irrégulier et qui ont un revenu de moins de 50.000 F CFA par mois. Cette

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épargne est destinée premièrement, à résoudre les imprévus tels que les cas de maladie. Ensuite, elle constitue pour les ménages un instrument stratégique qui vient en appui aux autres postes de dépenses en cas de déficit de ressource financiers alloué à ceux-ci. Enfin, la troisième raison pour laquelle cette épargne est pratiquée par la plupart des ménages relève des conditions d'accès difficiles des établissements bancaires qui demandent la plupart du temps beaucoup à fournir avant l'ouverture d'un compte. Documents dont ne disposent souvent ces ménages qui ont en majorité un niveau d'instruction moins élevé.

I-3 L'épargne communautaire

Il y a 16% des ménages qui pratiquent l'épargne communautaire. Cette épargne se fait le plus souvent dans les générations de catégories de classes d'âge, dans les mutuelles, dans les coopératives et dans les associations. Cette épargne des ménages va dans une caisse commune et sert à aider les membres en cas d'urgences familiales telles que la maladie, les décès... ou pour des situations heureuses (baptême, mariage).

Ces prestations sociales sont accordées uniquement aux membres qui cotisent. Du coup, l'épargne communautaire constitue une sorte de filets de sécurité sociale ou de protection sociale pour tous les membres de la communauté. Ainsi, selon (Soko, 2010) « cette épargne présente un aspect coercitif très visible lors des entretiens. Un ménage du village ne peut se soustraire à cette obligation, au risque d'être rejeté par sa communauté. Ce bannissement serait alors quelque chose de grave aussi bien au niveau moral (interdiction de se faire enterrer sur la terre de ces ancêtres) qu'économique (ne pas bénéficier de soutien financier en cas de problème) ».

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I -4 L'épargne tontinière

L'observation du graphique montre que 10% des ménages pratiquent l'épargne tontinière. La plupart de ces ménages sont dirigées par des femmes dont les hommes sont sans emplois, donc sans revenu. L'enquête montre que cette épargne se constitue dans un réseau de personne exerçant la même profession (vendeuse d'attiéké, enseignante de l'école primaire...). Elle regroupe peu de membres. Ces membres peuvent s'inscrire dans deux ou trois tontines à la fois. Les montants pratiqués varient entre 2.500 F CFA et 10.000 F CFA à une fréquence de cotisation d'une à deux semaines d'intervalles. Ce qui indique que la plupart des personnes qui pratiquent une tontine ont un revenu relativement faible. Cette épargne permet aux femmes de financer leur activité commerciale informelle de vente d'attiéké et aussi elle contribue à la satisfaction des besoins de consommation (ustensiles de cuisine, vêtements pour les enfants).

I -5 L'épargne sur pied ou en nature

Enfin, il y a 5% des ménages du village d'Adjamé Bingerville qui pratiquent l'épargne en nature. Elle consiste à épargner sous forme de cheptel (porcs, poulets, cabris), sous forme d'objet comme les bijoux, l'or ou d'autres biens de valeurs qui peuvent être facilement revendus plus tard contre de l'argent en cas de crise ou de difficulté financière. Cette épargne traduit dans la plupart des cas l'inexistence de structures d'épargne dans les zones où elle est pratiquée. Elle est difficilement concevable parce qu'elle a tendance à être moins facile à transporter, plus difficile à stocker et très risquée (le bétail est sensible aux maladies, les bijoux peuvent être volés), moins facile à convertir en espèces et plus visible (parfois, les gens ne souhaitent pas que les autres voient qu'ils ont désormais plus de poulets ou de porc qu'avant).

FIGURE 15 - SOURCE: Données d'enquête

SCHEMA TYPOLOGIQUE DES FORMES D'EPARGNE DES MENAGES
D'ADJAME BINGERVILLE

EPARGNE DES MENAGES

EPARGNE COLLECTIVE

EPARGNE COMMUNAUTAIRE

EPARGNE RELIGIEUSE

· EPARGNE MUTUALISTE DE LA GENERATION DE CLASSE D'AGE

· EPARGNE MUTUALISTE PROFESSIONNELLE

· EPARGNE TONTINIERE

· EPARGNE COOPERATIVE

· EPARGNE ASSOCIATIVE

· LA DIME

· LES DENIERS DE CULTE

· LA QUETE OU LA COLLECTE LORS DES CULTES

· LES DONS OU LES OFFRANDES FINANCIERES ET MATERIELLES

· COMPTE COURANT

· COMPTE D'EPARGNE

· THESAURISATION

· COMPTE D'ARGENT ELECTRONIQUE

· IMMOBILIER

· METAUX ET OBJETS PRECIEUX (or, pagnes, bijoux...)

· CHEPTEL (porcs, poulets...)

EPARGNE FINANCIERE

EPARGNE EN NATURE/ INVESTISSEMENT

EPARGNE INDIVIDUELLE

 
 

CAPITAL FINANCIER ET MATERIEL

CAPITAL SOCIAL ET IMMATERIEL

 
 

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II - Les enjeux sociaux de l'épargne des ménages

II-2 Lien social et accès au crédit

La famille, le voisinage, le réseau professionnel ou amical représente le réseau social de la plupart des ménages d'Adjamé Bingerville. En effet, 40% des ménages enquêtés mobilisent ces liens sociaux afin de bénéficier d'un crédit de proximité. Ce crédit, sans taux d'intérêt, est octroyé dans la plupart des cas par les plus proches parents (oncle, tante, frère ou soeurs), les amis, les membres de la génération de la catégorie de classe d'âge ou même le voisinage. Il sert à faire face à des problèmes liés aux dépenses de consommation tels que l'éducation des enfants, le logement, la maladie ou pour financer un projet. Ainsi, ce mécanisme à la fois de solidarité et protection sociale met en perspective le degré de confiance dans l'octroi du crédit. De ce fait, le lien familial, le réseau professionnel ou le voisinage constituent des facteurs déterminants dans l'accès au crédit des catégories sociales exclus du système bancaire.

II-3 L'épargne : un instrument de solidarité mais aussi de distinction sociale

L'épargne des ménages revêt un double enjeu social. D'abord, celui de la solidarité entre les membres d'un groupe, d'un réseau ou d'un espace social donné et qui partageant les valeurs d'entraide, d'amitié. La mise en jeu de l'épargne des ménages dans ces structures d'appartenance permet la reproduction des valeurs et des normes communes, en d'autres termes de la solidarité collective. Toutefois, dans certains cas, l'utilisation de l»épargne des ménages dans les structures sociales renvoie à une forme de démonstration du statut et de consolidation du prestige social. Ce qui crée une distinction sociale entre les différentes catégories que composent la communauté ou le groupe social.

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Conclusion générale

La réflexion structurant cette étude sur l'épargne des ménages part d'un constat théorique de la science économique selon lequel la formation de l'épargne des ménages est principalement déterminée par des facteurs économiques tels que le revenu et le taux d'intérêt bancaire. Ces approches théoriques ont fait émerger de nombreuses définitions de l'épargne, occultant ainsi l'importance des variables socioculturelles dans la manière de concevoir l'épargne des ménages.

Alors que, les constats empiriques de cette étude ont montré l'existence de logiques sociales, d'idéologie culturelle et de croyances religieuses capable d'influencer significativement les différents choix des ménages quant à l'utilisation de leur épargne. Partant de ces constats, l'objectif de cette étude a été de saisir les déterminants sociaux de l'épargne des ménages du village d'Adjamé Bingerville.

Pour cela, nous avons cherché à comprendre d'abord la structure des dépenses de consommation des ménages d'Adjamé Bingerville. Ensuite, nous avons saisi les représentations sociales liées à leurs épargnes. Et enfin, nous avons analysé les formes et les enjeux sociaux de l'épargne des ménages de ce village.

Ainsi, pour atteindre cet objectif, une démarche méthodologique a été mise en oeuvre. En effet, des techniques de collecte de données à la fois quantitatives et qualitatives ont été mobilisées telles que l'entretien semi directif, le questionnaire, l'observation... pour recueillir des données auprès des ménages et des personnes ressources pouvant nous donner des informations précises sur notre sujet de recherche.

Après le traitement de toutes les données de terrain, les résultats obtenus s'articulent autour de trois points essentiels.

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Le premier résultat concerne la nature de la structure des dépenses de consommation des ménages d'Adjamé Bingerville. En effet, dans cette structuration, le poste alimentation constitue en termes de priorité et de revenu alloué, le premier poste de dépense des ménages. Ainsi, l'observation des pratiques alimentaires ont permis de constater une similitude dans le mode de consommation alimentaire des ménages qui repose sur la consommation quasi journalière du manioc sous la forme d'attiéké et le poisson. Aussi, les dépenses cérémonielles du point de vue subjectif sont considérées comme des dépenses intermédiaires. Alors que pour les ménages d'Adjamé Bingerville, elles constituent une priorité en termes de revenu alloué. En somme, sur ce point, nous pouvons retenir que les logiques de consommation des ménages d'Adjamé Bingerville constituent des systèmes appartenances qui construisent les statuts sociaux des ménages et qui permettent de reproduire l'identité culturelle des Ebrié d'Adjamé Bingerville.

Le second résultat de cette recherche, se rattache aux représentations sociales associées à l'épargne des ménages. En effet, cette étude a mis en perspective l'existence de perceptions culturelles et de croyances religieuses. D'un côté, ces valeurs culturelles de l'épargne renvoient à la solidarité, à l'entraide sociale dans la communauté villageoise d'Adjamé Bingerville. Et de l'autre, le respect de certaines prescriptions religieuses telles que le paiement de la dîme, des deniers de culte et autres fêtes de moisson, influencent considérablement les choix d'épargne des ménages. De ce fait, ces deux logiques sociales à la fois distinctes et complémentaires orientent la participation des ménages d'Adjamé Bingerville à certaines structures sociales telles que les mutuelles, les tontines, les églises... dans lesquelles l'épargne des ménages constitue un instrument intégrateur.

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Enfin, le troisième résultat qui est la conséquence des deux premiers, renvoie aux formes et aux enjeux sociaux de l'épargne des ménages d'Adjamé Bingerville. En effet, s'agissant des formes d'épargne, nous retrouvons un ensemble de forme collective et de forme individuelle d'épargne des ménages. D'un côté, la forme collective fait référence à l'épargne communautaire, tontinière ou religieuse. Et de l'autre, la forme individuelle renvoie à l'épargne bancaire, thésaurisée ou sur pied. Dans tous les cas, ces formes d'épargne participent à la formation du capital social/immatériel et du capital financier/matériel des ménages d'Adjamé Bingerville. Ces capitaux socioéconomiques des ménages constituent un enjeu majeur dans la cohésion sociale du groupe et dans le renforcement des liens sociaux qui représentent pour beaucoup de ménages d'Adjamé Bingerville des moyens d'accès au crédit et des filets de sécurité sociale face à la pauvreté.

De tous ce qui précède, nous pouvons affirmer que les idéologies culturelles, les croyances religieuses et autres perceptions psychosociales sont des déterminants sociaux capables d'influencer le comportement des ménages dans leurs choix d'épargne.

En définitive, cette étude de l'épargne des ménages en situation de précarité met en évidence une double perspective dans la conception de l'épargne. La première, relève des approches définitionnelles. En effet, l'influence des déterminants socioculturels sur l'épargne des ménages est incontestable. Du coup, ils justifient une relecture des définitions de l'épargne qui se doivent d'intégrer la particularité des facteurs sociaux. La seconde perspective de cette étude invite les acteurs sociaux chargés de mobiliser des capitaux en particulier endogènes pour le financement des projets de développement à prendre d'avantage en compte, les cadres sociaux dans lesquels s'inscrivent les ménages où leur épargne constitue dans la majeure partie des cas, l'instrument intégrateur.

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http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

103

Table des matières

LISTE DES TABLEAUX&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&& &&&. 5

LISTE DES FIGURES &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 5 LISTE DES ABREVIATIONS &&&&&&&&&&&&&&&&&& &.&&. 6 DEDICACE &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 7 REMERCIEMENTS &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 8 AVANT-PROPOS &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 9 RESUME &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&& 10 INTRODUCTION GENERALE &&&&&&&&&&&&&&&&& &.&&& 11

PREMIÈRE PARTIE: CONSTRUCTION DE L'OBJET ET

METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE &.&&.& 14

Chapitre 1 - CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ETUDE&&.&&&& &.&& 15

I-1 Problématique &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& & & & 15

I-1-1 Contexte de l'étude &&& &&&&&&&&&&&&.&&&.&.&.& 15

I-1-2 Emergence du sujet &&&&&&&&&&&&&&&.& &&& &.& 20

I-1-3 Les constats de recherche &&&&&&&&&&&&&&.& &&& 21

I-2 La revue critique de la littérature &&&&&&&.&&&& & && 26

I-2-1 Les approches théoriques de la consommation des ménages &.&&. 27 I-2-2 Les approches théoriques relatives à l'épargne des ménages &&.&. 39

I-3 Les objectifs de l'étude &&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&.& 44

I-3-1 Objectif général &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& & 44

I-3-2 Objectifs spécifiques &&&&&&&&&&&&&&&&&&&& && 44

I-4 Modèle d'analyse &&&&&&&&&&&&&&&&&&& &&.&& 45

I-4-1 Hypothèse de la recherche. &&&&&&&&&.&&&&&&.&& && 45

I-4-2 Définition des concepts clés de l'hypothèse &&&&&&.&&& && 46

Chapitre 2 - APPROCHE METHODOLOGIQUE &&&&&&.&&&& & 52

I- Délimitation du champ de l'étude &.&&&&&&&&&&&&&&&& 52

104

I-1 Le champ géographique &&.&&&&&&&&&&.&&&&&&&&.&&& 52

I-2 Le champ social &&&&&&&&&&&&&&& &&&&&&&&.&&& 52

II- Les techniques de collecte de données.&&&&&&&&&&&&&&&&53

II-1 La documentation &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 53

II-2 L'enquête exploratoire &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 54

II-3 L'échantillonnage &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 55

II-4 Le questionnaire &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 56

II-5 Le guide d'entretien &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 57

II-6 Le dépouillement &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 58

II-7 Les conditions sociales de l'étude &&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 59

DEUXIEME PARTIE: PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE &&&&&. 61 Chapitre I : MONOGRAPHIE DE L'ORGANISATION SOCIALE

DES EBRIE D'ADJAME BINGERVILLE &&&&&&&&&&&& 62

I - Historique du peuplement &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 62

II - La situation géographique d'Adjamé Bingerville &&&&&&&&&&&. 62

III- Les caractéristiques physiques et démographiques du village &&.&& 62 III-1 Les caractéristiques physiques &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 62

III-2 Les caractéristiques démographiques &&&&&&&&&&&&&&&& 63

IV- Organisation politique du village d'Adjamé-Bingerville &&&&&&& 63

IV-1 La chefferie des ~'Nanans'' ou les chefs de terre &&&&&&&&&&&& 63

IV-2 La chefferie villageoise &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 64
IV-2-1 Le chef du village &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&& 64 IV-2-2 La notabilité du village &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&. 64

IV-3 Les générations de classes d'âge &&&&&&&&&&&&&&&&&&& 65

V- Organisation économique du village d'Adjamé Bingerville &&&&&& 66

V-1 Le foncier rural &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 66

V-2 Les infrastructures socioéconomiques &&&&&&&&&&&&&&&&&. 66

V-3 Les activités économiques &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 66

VI- Organisation culturelle du village &&&&& &&&&&&&&&&& 67

105

TROISIEME PARTIE : ANALYSE DES DETERMINANTS SOCIAUX

DE L'EPARGNE DANS LA STRUCTURATION DES DEPENSES

DE CONSOMMATION DES MENAGES D'ADJAME BINGERVILLE&&&&&. 68

Chapitre 1 - PRESENTATION DE QUELQUES DONNEES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES DES ENQUETES DE L'ETUDE &&&&& 69

I-1 Le sexe des chefs de ménages &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 69

I-2 L'âge des chefs de ménages &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&. 69

I-3 Le statut matrimonial des chefs de ménages &&&&&&&&&&&&&&. 70

I-4 Le nombre d'enfants des chefs de ménages &&&&&&&&&&&&&&& 70

I-5 Le niveau d'instruction des chefs de ménage &&&&&&&&&&&.&&& 71

I-6 La taille des ménage &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 71

I-7 Les catégories socioprofessionnelles des chefs de ménage&&&&&&& 72

I-8 Les catégories socioprofessionnelles du conjoint des chefs de ménage. &&72

I-9 L'ethnie des chefs de ménages &.&&&&&&&&&&&&&&&&&&.& 73

I-10 Les religions pratiquées par les chefs de ménage &&&&&&&&&&& 73

Chapitre 2- LA STRUCTURE DES DEPENSES DE CONSOMMATION

DES MENAGES&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&&& 74

I - Les différents postes de dépenses de consommation des ménages&&74

II- Hiérarchisation des dépenses de consommation

des ménages en termes de priorité et de revenu alloué&&&&&.& 75

II-1 Dépenses primaires &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&& 75

II-1-1 L'alimentation: premier souci des ménages pauvres &&&.&&&&& 75

II-1-2 Le logement : un poste important dont le milieu rural

module en partie le poids &&&&&&&&&&&&&&&.&&.&& & 76

II-1-3 L'éducation et la santé &&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&& & 76

II-2 Dépenses secondaires &&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&& 77

II-2-1 Les dépenses cérémonielles &&&&&&&&&&&&&&& & &&&. 77

II-2-2 Le transport et la communication &&&&&&&&&&&&.&&&&& 78

II-2-3 Les loisirs et l'habillement &&&&&&&&&&&&&&&.&&&&.&& 78

II-3 La clé de répartition des dépenses de

consommation dans le ménage &&&&&&&&&&&&&.&&&&&& 79

Chapitre 3- LES REPRESENTATIONS SOCIALES LIEES

A L'EPARGNE DES MENAGES &&& 80

106

I - Les représentations sociales liées à l'épargne des ménages&& &&80

I -1 Idéologies culturelles liées à l'épargne des ménages 80

I -2 Croyances religieuses liées à l'épargne des ménages&&&&&& && 82

I -3 Les perceptions psychosociales de l'épargne des ménages &&&&&& 84

II - Les structures formelles ou informelles d'épargne

des ménages d'Adjamé Bingerville &&&& &&&&&&&&&&&& 85

II-1 Les Institutions de Microfinance (IMF) &&&&&&&&&&&&&&&& 85

II-2 Les mutuelles &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 86

II-3 Les tontines &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& 87

II-4 Les associations coopératives &&&&&&&&&&&&&&&&&&& & 89

Chapitre 4- LES FORMES ET LES ENJEUX DE L'EPARGNE

DES MENAGES D'ADJAME BINGERVILLE &&&&&&&& 90

I - Les formes d'épargne des ménages &&&&&&&&&&&.&&&&&&. 90

I -1 L'épargne religieuse &&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&&&&&& 90

I -2 L'épargne à la maison ou épargne thésaurisée &&&&&.&&&&&&& 90

I -3 L'épargne communautaire &&&&&&&&&&&&&&.&&&&&&&& 91

I -4 L'épargne tontinière &&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&.& 92

I -5 L'épargne sur pied ou en nature&&&&&&&&&&&&&&&.&&&& 92

II- Les enjeux sociaux de l'épargne des ménages &&&&&&&.&&&& 94

II -1 Lien social et accès au crédit &&&&&&&&&&&&&&.&&&&.&& 94

II -2 L'épargne : un instrument de solidarité mais aussi de distinction

sociale&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&& 94

CONCLUSION&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&& &&& 95

BIBLIOGRAPHIE&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&& 98

WEBOGRAPHIE 101

TABLES DES MATIERES &&&&&&& &.&&&&&&&&&&&&&&& 102

ANNEXES &&&&&&&&&&&&&&&&&&&.&&&&&&&&&&&&& 106

Annexes

Photo 1 : Sortie du chef guerrier de la génération Blessouè Djehou / Tanoh Fabrice - Août 2013.

Photo 2 : Procession ponctuée de chants et de danses guerrières des membres de la génération Blessouè Djehou / Tanoh Fabrice - Août 2013.

107






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld