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Contribution socio-anthropologique à  l'analyse de la protection des civils par les forces de défense républicaine dans les conflits armés en RCA

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par Blandine Laurette NGNOLO
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master 2 2015
  

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B. LES ATTITUDES SPECIFIQUES DES COMBATTANTS A L'EGARD DU DIH

· Le fossé entre connaissances, attitudes et comportements

Un décalage très important existe chez les combattants entre leur connaissance des normes humanitaires et leur faible intention de les respecter lors d'éventuelles hostilités.

Il ne suffit plus de connaitre une norme pour avoir une attitude favorable à l'égard de celle-ci. De même, une attitude favorable à cette norme, voire une adhésion sincère à celle-ci ne signifie nullement que le comportement des combattants en situation réelle sera conforme à cette norme.Le fossé qui existe entre l'adhésion aux normes du DIH et le comportement effectifs des combattants existe également entre la reconnaissance et l'application de ces normes, au sens où nous l'entendons dans cette étude.

Ainsi, les résultats révèlent qu'un consensus se dégage sur la reconnaissance des normes générales (comme le fait que certains comportements sont prohibés en temps de guerre ou que les civils ne peuvent pas faire l'objet d'attaques) et non sur leur application. En effet, lorsque les combattants interrogés doivent se déterminer sur des situations plus concrètes et qui posent un dilemme (peut-on attaquer des civils qui aident l'ennemi?), le consensus se lézarde sérieusement.

· Le désengagement moral

Le fossé observé entre reconnaissance et application des normes est le résultat d'une série de mécanismes conduisant au désengagement moral du combattant et à la perpétration de violations du DIH. Le désengagement moral des combattants se fait principalement en ayant recours :

1) Aux justifications des violations ;

2) A la déshumanisation de l'ennemi.

En règle générale, l'individu adulte adopte des standards moraux et évite les comportements qui violent ces standards, pour ne pas entrer dans une logique d'auto condamnation ni développer un sentiment de culpabilité. Pour que ces mécanismes fonctionnent, ils doivent être activés. Or il existe différentes manières d'éviter cette activation. Le désengagement moral est un processus complexe, et les actes malveillants sont toujours le produit d'interactions entre des influences personnelles, sociales et environnementales. Dans le cas des combattants, nous avons vu que la soumission à l'autorité et le conformisme au groupe sont des caractéristiques importantes de leur environnement.

· Le caractère progressif du désengagement moral

Non seulement le processus de désengagement moral est graduel, mais il détermine aussi des comportements qui puisent dans les actions passées, la force nécessaire pour justifier les actions futures. Chaque action de l'individu exerce une influence sur la suivante et peut rendre difficile un changement de comportement, parce que l'individu devra admettre que s'il cesse d'adopter un comportement répréhensible, tout ce qu'il aura fait jusque là aura été mal. C'est bien pour cela qu'il est plus facile d'influencer des personnes qui admettent avoir commis des fautes que celles qui s'enferment dans des systèmes de justification.

Le tableau suivant pour résumer les principaux facteurs qui déterminent le comportement des combattants :

Figure 4 : Les principaux facteurs qui déterminent le comportement des combattants

Source : Origines et comportement dans la guerre : comprendre et prévenir les violations du DIH, consulté le 18 Novembre 2014, https://www.icrc.org/fre/resources/documents/publication/p0758.htm

Les autres résultats importants de cette autre étude sont :

L'importance de l'encadrement des ordres et des sanctions

L'encadrement des porteurs d'armes, les ordres stricts quant à la conduite à adopter et les sanctions effectives en cas d'inobservation des ordres sont les conditions essentielles qui doivent être réunies pour espérer obtenir un meilleur respect du DIH.

Le comportement des combattants est principalement déterminé par trois paramètres :

1) leur incorporation dans un groupe qui les amène à adopter une conduite conforme à ce que le groupe attend d'eux ;

2) leur insertion dans une structure hiérarchique, qui les amène à obéir à l'autorité (soit parce qu'elle s'exerce sur eux de manière coercitive, soit parce qu'il y a mélange de ces facteurs) ;

3) le processus de désengagement moral, favorisé par la situation de guerre qui autorise le recours à la violence contre celui qui est défini comme étant l'ennemi.

De cela découle très naturellement une première conclusion : encadrement des combattants, ordres stricts et sanctions effectives sont les leviers les plus efficaces pour obtenir un meilleur respect du DIH. Pour que les combattants respectent le DIH, il faut traduire les règles en mécanismes concrets et veiller à ce que les moyens pratiques rendant ce respect effectif soient réunis. En d'autres termes, il faut plébisciter chaque fois que cela est possible (y compris avec les acteurs armés non étatique), une approche intégrée, c'est-à-dire une approche qui prévoit que non seulement le DIH sera inclus dans la doctrine militaire enseigné aux officiers et aux troupes et incorporé dans les exercices de l'entrainement, mais surtout que ses règles seront incorporées dans tous les ordres à tous les niveaux de la hiérarchie et que les moyens nécessaires seront donnés aux combattants pour que leur comportement puisse effectivement être conforme au DIH.

Un ordre qui n'est pas respecté doit faire l'objet d'une sanction. Au vu des mécanismes qui déterminent le comportement du combattant, la sanction est centrale et peut revêtir différentes formes (exemple : disciplinaire, pénale ou sociale). La sanction disciplinaire ou pénale devrait être promue pour son caractère exemplaire et sa vocation préventive. Il est essentiel que les autorités interviennent même pour les infractions qui n'ont pas la gravité d'un crime de guerre à la fois pour assurer la discipline de leurs troupes et pour éviter l'entrée dans une spirale négative où les violations peuvent à la fois devenir de plus en plus graves, mais aussi de plus en plus acceptables aux yeux de ceux qui les commettent.La transmission de la connaissance du DIH peut avoir un impact négatif sur les combattants qui ont déjà développé des justifications pour expliquer les exactions commises.

Les transgressions du DIH relèvent dans la grande majorité de l'aspect psychologique des combattants comme l'a présenté cette étude, l'enseignement du DIH au sein des académies militaires ne garantit donc en rien l'application de ces normes pendant les conflits comme on voudrait le croire qu'il suffit de le dispenser pour avoir des effets positifs sur la protection des civils. L'on est tenté de dire que le DIH qui est respecté est plus coutumier que conventionnel si l'on reconnait la psychologie comme facteur déterminant du respect ou de violation du DIH.

Le caractère homogène des forces armées centrafricainesfavorise les violations du DIH dans les conflits et les civils ne cessent de subir des mauvais traitements, certains sont favorisés à cause de leur appartenance ethnique et d'autre pour cette même raison sont agressés voir tués. C'est pourquoi dans la seconde partie de notre travail, nous mettrons un accent sur les moyens institutionnels qui existent pour avoir une armée hétérogène, une armée multiethnique, une armée républicaine afin d'assurer un meilleur sort aux civils dans les conflits

Le DIH n'est pas pure utopie, il est ancré dans la réalité et forme un réseau complexe de règles impliquant des obligations spécifiques. Et les principes qui régissent ces règles ne sont pas du droit pur, ils sont supérieurs au droit écrit. Comme l'a dit Max Huber, « du point de vue strictement juridique, un véritable droit de l'humanité s'est crée en vertu duquel la personne humaine, son intégrité, sa dignité, sont défendues au nom d'un principe moral qui s'élève bien au-delà des limites du droit national et de la politique ».116(*)

Cependant comme l'a démontré l'étude précédente, le DIH trouve beaucoup d'obstacles dans son application par les forces armées comme l'explique Jean Nicolas Marti qui parle du travail du CICR sur le long terme qui vise à l'intégration du DIH dans les programmes militaires pour ce faire il part d'un postulat simple : 

«  Connaitre n'est pas appliquer » et que l'approche par rapport à la connaissance du droit n'est pas la même que par rapport à l'application du droit ; et tout enseignant militaire sait qu'une matière inculquée dans une salle de cours, bien au chaud est, si elle est assimilée en termes cognitifs, en termes intellectuels, n'est pas forcément acquise, en termes de réflexe, le moment venu, dans le feu de l'action c'est souvent le reflexe, c'est souvent ce que l'on a « drillé » qui réapparait au premier plan et qui devient la réaction automatique. »117(*)

Le général Saqui de Sannes commandant la brigade légère de blindée marine assure qu'il faut absolument connaitre et faire enseigner le DIH pendant son intervention au colloque :

 «  C'est pour moi, pour vous un gage de succès, notamment vis-à-vis de nos soldats qui sont les premiers concernés. Certes c'est une affaire de cadres mais, ce sont les soldats qui en premier doivent l'appliquer. Lorsqu'ils voient leurs cadres agir comme des soldats, comme des officiers, ils ne se posent jamais de question, ce ne sont jamais eux qui tireront les premiers, eux suivront le chef. Deuxièmement, le DIH fait partie de notre éthique et de notre métier. »118(*) 

Il appuie cette déclaration à travers deux exemples de situations assez difficiles qu'il a vécu en Somalie et au Kosovo mais il apporte des limites à son argument par la suite en disant « une fois que l'on y est, une fois que les militaires sont sur place, c'est de la responsabilité des chefs militaires de faire ce que leur conscience leur dicte. Et en aucun cas, notre conscience peut nous dicter de laisser massacrer des gens, en aucun cas.»119(*)Parler de conscience ici n'a pas d'objectivité car c'est une conviction intime à chaque être humain, la qualité subjective de la conscience nous invite ici à penser le droit humanitaire comme une morale intrinsèque à tout militaire.

* 116 Max Huber,  Le droit des gens et l'humanité, in Revue internationale de la Croix-Rouge (RICR), août 1952, pp.646-669, ad 666.

* 117 Les forces armées en opération et le DIH, Colloque Le droit international humanitaire et les forces armées, Centre de recherche des écoles de SAINT SYR COETQUIDAN, 21 Mai 2001, P. 89

* 118Saqui de SANNES, Les forces armées en opération et le DIH, Colloque Le droit international humanitaire et les forces armées, Centre de recherche des écoles de SAINT SYR COETQUIDAN, 21 Mai 2001, P. 147

* 119Ibid., P. 148

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille