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La réduction de la fracture numérique en Afrique centrale: cas du Cameroun

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par LEO GAËL ATANGA ONDOA
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master 2015
  

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SECTION I : DEFINITION DES NOTIONS FONDAMENTALES

L'une des meilleures façons de faire connaître un concept est de définir la forme sous laquelle il est évalué. Pour le cas d'espèce, il est question de définir l'expression fracture numérique sous l'angle de l'intégration et de l'appropriation des TIC. Cette expression émerge au milieu des années 90 pour laconiquement désigner « les inégalités liées à la diffusion des TIC34 ». Il importe de fournir une définition plus approfondie de ce concept afin de mieux cerner ses différents contours.

1.1 La fracture numérique : notion aux contours flous

Le premier emploi de l'expression fracture numérique ou « digital divide » (traduction anglaise de la notion) remonterait en 1995 lorsque l'américain Long Scott voulait mettre « en évidence les risques d'exclusion des plus pauvres et des minorités communautaires des technologies de communication du point de vue de la participation à la

33 Alain Ambrosi, Valérie Peugeot et Daniel Pimienta , Enjeux de mots : regards multiculturels sur les sociétés de l'information, Paris, Edition C&F, 2005.

34 Rallet Alain et Rochelandet Fabrice, « La fracture numérique : une faille sans fondement ? », Réseaux, n° 127128,2004, page 23.

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vie démocratique35 ». Au fil des temps et avec la montée en puissance des TIC, l'utilisation de ce terme a évolué.

Si l'on s'accorde à la définition de ce terme par Long Scott, on peut tout de même admettre qu'elle demeure partielle car, elle n'est pas assez englobante. Selon Rallet et al36, la fracture numérique est causée par des déséquilibres en matière de possession et de maîtrise de l'information qu'ils caricaturent en deux groupes : les « inforiches » ou « information have » qui détient l'information et les « infopauvres » ou « information have-not » ne possédant pas l'information. Pour Elie Michel, la fracture numérique fait référence à une : « Inégalité face aux possibilités d'accéder et de contribuer à l'information, à la connaissance et aux réseaux, ainsi que de bénéficier des capacités majeures de développement offertes par les TIC 37». C'est cette dernière définition qui paraît intégratrice parce qu'elle prend en compte non seulement l'accès, la contribution et à la possession de l'information, mais aussi, elle accorde une importance à l'acquisition des connaissances dans l'optique de bénéficier des capacités majeures offertes par les TIC. Pour bien le montrer, nous allons tour à tour passer en revue ces différents aspects.

1.1.1 Inégalités face aux possibilités d'utiliser les TIC

Une inégalité au sens le plus large est une différence dans l'accès à une ressource sociale rare et valorisée. On parle généralement d'inégalités sociales, c'est à dire celles qui sont le résultat d'une distribution inégale des ressources au sein d'une société.

Dans le domaine des TIC, des inégalités existent. Celles-ci peuvent s'observer entre les espaces géographiques ou entre les individus au niveau de l'accès à l'information. Généralement, l'accès à l'information requiert l'utilisation d'un dispositif technologique tel qu'un téléviseur, une radio, un ordinateur, un téléphone mobile ou une connexion internet. En Afrique centrale, cette possibilité d'accès n'est pas donnée à tout le monde. C'est le cas par exemple des personnes résidant en campagne qui n'ont très souvent pas la possibilité de se connecter soit au réseau électrique, ou même, au réseau téléphonique faute d'infrastructures adéquates. Les inégalités face aux possibilités d'accéder à l'information font référence à la

35 Rallet et al, Op. cit page2.

36 Ibid., Page 23.

37 Elie Michel, « Le fossé numérique, l'internet facteur de nouvelles inégalités ? », Problèmes politiques et sociaux, N° 861, 2001, pp 33-38, page 32. Document cité par Bernard Conte dans son article portant sur « La fracture numérique en Afrique », Centre d'Economie du développement, Université Montesquieu-Bordeaux IV, 2001, page 3.

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dimension matérielle de la fracture numérique38. On parle alors de la « fracture numérique au premier degré39 ». Aujourd'hui avec l'explosion des moyens de télécommunications, le problème reste à ailleurs.

1.1.2 Inégalités à contribuer à l'information

Ces inégalités se rapportent à la dimension intellectuelle et sociale de la fracture numérique40. En clair, elles renvoient aux disparités de type sociocognitif notamment : le défaut de maîtrise des compétences et des connaissances fondamentales pour l'usage des TIC et l'exploitation de leurs contenus ainsi que, le manque de ressources sociales pour développer des usages permettant de négocier une position sociale valorisante au sein des milieux sociaux côtoyés41. Ces deux aspects constituent ce qu'on appelle la « fracture numérique au second degré 42». Cette dernière désigne une sorte de fracture dans la fracture. Dans ce sens, les clivages ne se situent plus au niveau de l'accès matériel aux TIC, mais parmi les utilisateurs de ces outils selon les usages qu'ils font non seulement de ces technologies mais aussi, des services et contenus accessibles en ligne43. C'est d'ailleurs dans cette logique que Warschauer affirme que « la question clé devient alors non plus l'accès inégal aux ordinateurs, mais bien les manières inégales dont les ordinateurs sont utilisés.44 »

1.1.3 Inégalités d'accès au réseau

Les inégalités d'accès au réseau renvoient aux disparités existantes en matière d'infrastructures entre les pays ou entre les villes et les campagnes. Il s'agit précisément de la densité des réseaux électriques, de la densité des équipements de télécommunications et des infrastructures internet45 (nombre de terminaux et de serveurs, taux d'équipements...). Ces inégalités se classent dans la perception techniciste du concept fracture numérique. D'ailleurs, Rallet et al affirme que « la fracture numérique est conditionnée par l'accès aux infrastructures de télécommunications ». Ceci montre que l'équipement en infrastructures est

38 Périne Brotcorne, Gérard Valenduc Construction des compétences numérique et réduction des inégalités. Une exploration de la fracture numérique au second dégré, Namur, SPP Intégration sociale, 2008, pp 88, p 10.

39 Ibid.

40 Ibid.

41 Ibid.

42 Ibid.

43 Périne Brotcorne et al, Diversité et vulnérabilité dans les usages des TIC. La fracture numérique au second degré, Gent, Academia Press, 2010, 239 pp, p 44.

44 Warschauer M., Technology and social inclusion. Rethinking the digital divide, MIT Press, Boston, 2003.

45 Rallet Alain et Rochelandet Fabrice, « La fracture numérique : une faille sans fondement ? », Réseaux, n°127-128, 2004, page 27.

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un facteur important de démocratisation des TIC. Ainsi, que les Etats qui se caractérisent par une faible densité d'équipements (réseau électrique et télécommunications) ont un accès restreint à la société de l'information car, une bonne partie de leurs habitants ne peuvent pas contribuer à l'économie numérique au même titre que les ressortissants des nations bien loties.

Au-delà des inégalités que celles observées ci-dessus, la fracture numérique peut aussi s'opérer à diverses échelles de comparaison.

1.2 La fracture numérique entre les Etats

La répartition géographique inégale des technologies de l'information et de la communication (TIC), conjuguée à l'impossibilité d'accéder à l'information par la majeure partie des habitants de la planète souvent désignée sous le vocable de « fracture numérique » - n'est autre que le reflet des fractures sociales existantes. Qu'il s'agisse des inégalités entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres, les hommes et les femmes, les populations urbaines et rurales, ou encore entre ceux qui ont accès à l'information et ceux qui n'y ont pas accès, ce sont là autant de formes que revêt la fracture numérique. De telles disparités peuvent aussi s'observer entre cultures au sein d'un même pays. Dans le cadre de cette étude, notre attention sera focalisée spécialement sur les écarts observés entre les pays développés et les pays en développement, entre les pauvres et les riches et entre les populations urbaines et rurales.

1.2.1 Fracture numérique Nord-Sud

Elle renvoie aux inégalités observées entre les Pays Développés (PD) et les Pays en voie de Développement (PVD) au niveau du développement des TIC. Compte tenu de la faible pénétration de ces outils dans les Etats en développement, le fossé numérique entre le Nord et le Sud se décline en termes d'indicateurs de diffusion des TIC46. L'obsolescence des données statistiques fait porter les efforts de comparaison sur trois variables. La première concerne les infrastructures de télécommunications, c'est-à-dire le nombre de lignes fixes et mobiles, le coût des produits et services TIC. La deuxième renvoie aux données informatiques (le nombre estimé d'ordinateurs). La troisième variable fait référence à la technologie internet

46 Rallet Alain et Rochelandet Fabrice, « La fracture numérique : une faille sans fondement ? », Réseaux, n°127-128, 2004, page 33.

(le nombre de serveurs et le nombre d'utilisateurs). Au vu des indicateurs fournis annuellement par l'UIT, il semble plus facile de percevoir les écarts numériques existants entre les PD et les PVD.

Si on se focalise sur le niveau de développement des infrastructures de télécommunications, nous constatons que d'après une publication de l'organisation mondiale du secteur concerné, on remarquait déjà un gap considérable au niveau du nombre de lignes téléphoniques fixes entre les deux catégories d'Etats de la société internationale (voir graphique 1 ci-dessous).

Graphique 1 : Nombre de lignes téléphoniques fixes pour 100 habitants

Source : UIT, base de données « Indicateurs des télécommunications dans le monde », 2006.

Au vu de ce graphique, l'UIT dénombrait 54 lignes téléphoniques fixes pour 100 habitants dans les pays développés contre seulement 13 lignes dans les pays en développement en 2006. Un tel état de fait démontre avec suffisance qu'il existe un large écart au niveau de l'usage de la téléphonie fixe entre le Nord et le Sud. Le gap s'observe également au niveau de la télédensité mobile (voir graphique 2).

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Graphique 2 : Nombre d'abonnements au cellulaire mobile dans le monde et en fonction du niveau de développement, 2001 - 2011

Source : Base de données de l'UIT sur les indicateurs de télécommunications dans le monde, 2012.

A la lecture de ce graphique, nous remarquons que la téléphonie mobile connait une forte progression depuis le début des années 2000 aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Toutefois, un écart important s'observe dans la mesure où on dénombrait 122,3 lignes téléphoniques mobiles au Nord contre 77,8 au Sud en 2011.

Par ailleurs, certains dispositifs technologiques (ordinateurs et téléviseurs) et bon nombre de services dérivés de l'usage des TIC (internet haut débit) sont encore relativement coûteux dans les pays en développement. Une telle situation ne permet pas à tous les foyers de se doter d'un téléviseur, d'un ordinateur et d'une connexion internet haut débit pour accéder et contribuer à l'information de manière effective. Dans un de ses rapports publié en 2012, l'UIT faisait ressortir un gap important entre les pays développés et les pays en développement au niveau du nombre de ménages équipés de ces trois dispositifs technologiques (voir graphique 3).

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Graphique 3 : Nombre de ménages équipés d'un téléviseur, d'un ordinateur et ayant accès à la technologie internet, en fonction du niveau de développement

Source : Base de données de l'UIT sur les indicateurs de télécommunications dans le monde, 2012.

Au vu de ce graphique, nous voyons que dans les pays développés il existe une légère différence (24%) au niveau de l'usage de la télévision, de l'ordinateur et de l'outil internet dans les ménages. Certes, le téléviseur est plus répandu (dans 100% de domiciles), mais il n'en demeure pas moins que les autres dispositifs restent aussi largement utilisés (75% pour l'ordinateur et sensiblement 73% pour Internet). En revanche, dans les pays en développement, le gap est trop élevé (67%). Environ 70% de foyers possèdent un téléviseur, seulement 25% disposent d'un ordinateur tandis que 20% sont connectés à la technologie internet. Ces inégalités se justifient essentiellement par les coûts prohibitifs de ces dispositifs dans les pays du Sud. A ces éléments s'ajoute le manque de compétences numériques de plusieurs habitants des nations en développement au niveau de l'usage de l'ordinateur et d'Internet.

Il convient de noter que tous les écarts qu'on observe entre le Nord et le Sud en matière de développement des TIC s'expliquent essentiellement par des variables socioéconomiques différentes47. En dehors du fossé numérique entre PD et PVD, il existe aussi une profonde fracture entre les pays en développement.

47 Rallet Alain et Rochelandet Fabrice, « La fracture numérique... page 33.

1.2.2 Fracture numérique Sud-Sud

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Elle renvoie aux inégalités existantes entre les pays en développement en matière d'accès et d'utilisation effective des TIC. Ces disparités s'observent essentiellement dans les Etats africains où on retrouve généralement très peu d'infrastructures de télécommunications et une faible couverture du réseau électrique dans les campagnes. Toutefois, au regard de l'indice de développement des TIC publié annuellement par l'UIT (voir tableau 1), beaucoup de pays se démarquent dans le continent. C'est le cas par exemple des pays d'Afrique du Nord qui comparativement aux pays d'Afrique subsaharienne comme ceux d'Afrique Centrale, se caractérisent par un niveau appréciable de pénétration des TIC.

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Tableau 1 : Indice de développement des TIC (IDI), 2011 et 2012

Source : Base de données de l'UIT sur les indicateurs de télécommunications dans le monde, 2013.

Comme l'illustre ce tableau, les Etats d'Afrique du Nord tels que l'Egypte, le Maroc et la Tunisie ont respectivement un IDI se situant à 3,65, 3,59 et 3,58. En revanche, les pays

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d'Afrique Centrale ont un IDI très faible par rapport à ceux d'Afrique blanche. Excepté le Gabon dont la moyenne se situe à 2,46, les autres pays de la sous-région oscillent entre 1,66 et 1,00. Ces différents chiffres attestent que le taux de pénétration des TIC reste relativement faible en Afrique subsaharienne. Ce qui confirme l'existence d'une fracture numérique Sud-Sud. Le fossé numérique peut également s'observer entre les villes et les campagnes.

1.2.3 Fracture numérique entre villes et campagnes

Selon le dictionnaire Larousse48, une ville fait référence à une agglomération relativement importante dont les habitants mènent des activités professionnelles diversifiées. Très souvent, la ville se caractérise par une forte démographie et par un grand degré d'urbanisation. La tendance n'est pas toujours la même en campagne. Celle-ci désigne un paysage rural qui se caractérise par l'absence de haies et de clôture, la juxtaposition de parcelles souvent allongées et par la division du territoire en quartiers de culture49. Les villes sont généralement pourvues en infrastructures diverses tandis que les milieux ruraux sont pour la plupart sous-équipés comme c'est le cas en Afrique Centrale.

En nous appuyant sur les travaux de Rallet et al50 qui distinguent trois types de territoires dont les grandes villes, les zones grises ou périurbaines et les zones blanches ou rurales, on comprend mieux ce qu'on entend par fracture numérique entre villes et campagnes. En fait, les grandes agglomérations se caractérisent par des infrastructures importantes : électricité, fibre optique, câble, boucle locale radio ... De même, on y retrouve une multiplicité de fournisseurs d'accès et de services et, l'accès permanent au haut débit est plus ou moins garanti. Les localités périurbaines bénéficient aussi des équipements divers notamment l'électricité, le signal de télécommunication, le haut débit (qui très souvent est assuré par l'opérateur historique) et bien d'autres. Cependant les milieux ruraux demeurent des espaces sous-équipés. Ici, on note fréquemment une vétusté des équipements disponibles51. Par extension, nous dirons que certaines zones blanches ne disposent même pas d'infrastructures. C'est le cas par exemple des pays de la sous-région suite au faible niveau de développement d'une part et au manque d'intérêt accordé aux localités enclavées par les investisseurs du secteur des télécommunications/TIC d'autre part et surtout, les entrepreneurs

48 Le petit Larousse. Grand format, Paris, Larousse, 2005.

49 Ibid.

50 Rallet et al, op cit. Page 34.

51 Ibid. Page 34.

privés qui considèrent ces villages peu rentables. Le fossé numérique se manifeste également entre les hommes et les femmes.

1.2.4 Fracture numérique entre hommes et femmes

Cette dimension du fossé numérique fait référence aux écarts qui existent entre les hommes et les femmes en matière d'usage effectif des TIC. En fait, il est constaté que les hommes utilisent plus les technologies innovantes que les femmes aussi bien dans les services administratifs que dans les ménages. C'est d'ailleurs dans cette logique qu'on parle d'une fracture numérique de genre52. De plus, d'après une étude menée par Patricia Vendramin et Gérard Valenduc53, les disparités entre les hommes et les femmes persistent, mais elles s'atténuent progressivement avec la généralisation de l'outil internet.

1.2.5 Fracture numérique entre jeunes et vieux

La fracture numérique entre les jeunes et les vieux désigne les inégalités observées entre ces deux classes d'individus dans l'usage des TIC. Elle se justifie par le fait que la proportion d'utilisateurs réguliers de ces outils diminue avec l'âge54. En s'appuyant sur les travaux de Vendramin et Valenduc55, on constate qu'il existait déjà des disparités entre classes de personnes dans l'usage des technologies innovantes. Les taux suivant l'illustrent clairement : 76% d'utilisateurs entre 15 et 21, 67% de 22 à 29 ans, 29% de 45 à 54 ans, 30% de 55 à 64 ans et 6% de 65 ans et plus. Toutefois, on note une progression considérable au niveau de l'usage de ces dispositifs chez les individus âgés de 55 ans et plus56. Cette évolution est particulièrement due à deux facteurs. Premièrement, l'arrivée dans cette tranche d'âge des personnes qui ont pu bien se familiariser avec internet au cours de leur vie professionnelle. Deuxièmement, le dynamisme des associations dans l'usage d'internet et leur offre de formation pour leur public57. Bien que ces données statistiques résultent d'une étude menée en occident, il n'en demeure pas moins qu'en dépit de l'obsolescence des données quantitatives, ces réalités sont plus ou moins similaires en Afrique Centrale et au Cameroun précisément.

52 Robertine Tankeu, Fracture numérique de genre au Cameroun : Quelle ampleur ?, Yaoundé, Anaïs-AC, 2005.

53 Vendramin P, Valenduc G., « Fractures numériques, inégalités sociales et processus d'appropriation des innovations », in Internet et inégalités - Une radiographie de la fracture numérique, Bruxelles, Editions Labor, 2003.

54 Vendramin P., Valenduc G., La lettre EMERIT numéro 39, Namur, Juin 2004, page 4.

55 Vendramin P., Valenduc G., « Fractures numériques, inégalités sociales et processus...

56 Ibidem

57 Ibid.

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Ici, la fréquence d'utilisation des dispositifs technologiques diminue de plus en plus que l'individu vieillit.

Au vu de ces variantes de la fracture numérique, nous pouvons dire qu'il existe de profondes inégalités en matière de diffusion des TIC entre les pays, les espaces géographiques et les catégories d'individus. Ces dernières favorisent l'élargissement des disparités politiques, économiques et socioculturelles entre les Etats développés et les nations en développement. Dès lors, la résorption du fossé numérique demeure une grande nécessité surtout, pour les pays en développement dont ceux d'Afrique Centrale. En y parvenant, les Etats de la sous-région pourront davantage s'insérer dans la société de l'information. De même, il sera plus facile pour eux d'atteindre les objectifs du millénaire pour le développement qui jusque qu'ici restent une priorité majeure.

Il convient de préciser que dans le cadre de ce travail qui se focalise à l'examen et à l'évaluation du processus de réduction de la fracture numérique en Afrique Centrale et au Cameroun précisément, nous nous intéresserons à la fracture numérique Sud-Sud et au fossé numérique entre les villes et les campagnes. Pour attester et mesurer l'existence de la fracture numérique, divers indicateurs ont été élaborés.

1.3 Indicateurs du fossé numérique

Selon le dictionnaire Larousse, le terme indicateur fait référence à ce qui indique, ce qui fait connaître. Dans le cadre de cette étude, les indicateurs du fossé numérique renvoient aux différents éléments caractéristiques, aux instruments de mesure, aux diverses données statistiques qui permettent d'attester et d'évaluer l'existence de la fracture numérique entre les Etats, les zones géographiques et entre les groupes sociaux. Nous distinguerons ici, les indicateurs primaires, les indicateurs secondaires et les indicateurs composites.

1.3.1 Les indicateurs primaires

Cette première catégorie d'indicateurs renvoie aux indices de base, du premier degré, aux caractéristiques élémentaires de la fracture numérique. Ces indicateurs englobent plusieurs aspects58 notamment : le nombre d'infrastructures de télécommunications en prenant

58 Methamem Raouchen, « Note critique sur les indicateurs de la fracture numérique », Réseaux, 2004, n°127-128, pp 211229.

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en compte la télédensité59, le niveau de pénétration de la téléphonie fixe et mobile, le nombre de serveurs connectés à internet et les coûts de connexion.

En se focalisant sur les réalités de l'Afrique Centrale, on constate que les infrastructures de télécommunications demeurent insuffisantes. En effet, on note presque une obsolescence du réseau de téléphonie fixe60 dans la sous-région. Excepté le Gabon et la Guinée Equatoriale, tous les autres pays de cette partie de l'Afrique possédaient moins de 7 lignes téléphoniques fixes pour 1000 habitants61 en 2009. De même, les coûts de connexion à la technologie internet restent inaccessibles pour un bon nombre d'individus. Au Gabon par exemple, le prix d'un abonnement internet mensuel représente plus de 70%62 du SMIC63 tandis que dans les autres pays, il faut débourser environ 67 dollars (près de 30.000 FCFA64) pour s'offrir une connexion internet illimitée alors que la moyenne mondiale pour le même service oscille autour de 21 dollars (environ 10.000 FCFA).

Par ailleurs, les indicateurs primaires de la fracture numérique s'intéressent également à l'accessibilité des TIC en se focalisant précisément sur le coût de ces technologies et en cherchant à connaître les divers endroits où les individus y accèdent (les lieux de services ou les ménages). Dans la sous-région et précisément au Cameroun, en dehors des coûts prohibitifs de connexion au haut-débit internet, on observe également que plusieurs dispositifs technologiques tels que la télévision, l'ordinateur, l'imprimante, le scanner etc. demeurent hors de portée pour les citoyens moyens. Beaucoup de foyers sont certes équipés d'un téléviseur comme c'est le cas au Cameroun65, mais il n'en demeure pas moins que très peu disposent d'un ordinateur ou encore moins d'une imprimante et d'un scanner. De plus, d'après Jean Lucien Ewangue66 72% des utilisateurs de l'outil internet surfent dans les cybercafés où le coût de connexion environne 300 FCFA l'heure contre 28% dans leur lieu de travail ou à domicile. Ces différents éléments confirment l'existence d'une fracture numérique à l'échelle primaire en Afrique Centrale en général et au Cameroun en particulier. Hormis les indicateurs primaires du fossé numérique, on distingue également les indicateurs secondaires.

59 Selon un rapport de l'UIT de 1999, elle renvoie au nombre de lignes principales de téléphone pour 100 habitants.

60 Etat d'avancement du processus d'intégration en Afrique Centrale, Prospectus 2010, Yaoundé, CEA/BSR- AC, 2010, p 31.

61 Drissa Badiel Ali, Etat actuel des infrastructures de télécommunications/TIC en Afrique Centrale, UIT, 2009, p 9.

62 Etat d'avancement du processus d'intégration en Afrique Centrale...

63 Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance

64 Banque Mondiale, Document officiel d'évaluation du projet CAB, Septembre 2009, page 12.

65 En 2009, au vu des données fournies par la Banque Mondiale sur le pourcentage de ménages possédant un téléviseur, 33% de foyers disposaient d'une télévision au Cameroun.

66 Ewangue Jean Lucien, « La politique de développement des Technologies de l'Information et de la Communication au Cameroun : une dynamique d'accès inégalitaire à la société de l'information », Symposium Netsud, 2009.

1.3.2 Les indicateurs secondaires

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Les indicateurs secondaires sont des indices de second degré. Ces derniers se focalisent sur le niveau d'utilisation des TIC par les individus. Notons que pour bien évaluer le niveau d'usage, les études se focalisent très souvent sur le coût d'utilisation du téléphone fixe, du téléphone portable, de l'internet etc. En Afrique Centrale en général et au Cameroun surtout, le niveau d'utilisation des technologies numériques reste faible en dépit des nombreux efforts consentis par les pouvoirs publics pour promouvoir la vulgarisation des TIC. En fait, on observe que la téléphonie fixe n'est pas suffisamment utilisée. Avec plus de quinze ans d'existence, l'opérateur historique CAMTEL ne parvient toujours pas à franchir la barre des 1 millions d'abonnés au téléphone fixe.

Eu égard au manque d'homogénéité et de fiabilité des indicateurs primaires et secondaires, d'autres instruments de mesure de la fracture numérique ont été élaborés.

1.3.3 Les indicateurs composites

Les indicateurs composites sont composés d'éléments variés. C'est ainsi qu'ils prennent en compte :

- l'IDI (Indice de Développement des TIC de l'UIT) qui évalue les progrès accomplis pour la promotion des technologies numériques dans les PD et dans les PVD en déterminant le niveau d'accès numérique de chaque Etat dans le monde. Cet indicateur est le plus pertinent. C'est une valeur repère présentée sur une échelle de 0 à 10 et composée de 11 indicateurs. L'IDI prend en compte le niveau d'accès des TIC, le niveau d'utilisation de ces outils et le niveau de compétences numériques.

- L'Info-Etat de l'Agence Canadienne de Développement International qui analyse les TIC en s'attardant sur l' « infodensité67 » et l' « info-utlisation68 » nationale.

- Les indicateurs non institutionnels conçus par des chercheurs d'Institutions académiques. Dans cette catégorie on peut citer l'IDIA (l'indicateur synthétique du développement de l'Internet en Afrique) élaboré par Conté Bernard69 qui inclut cinq variables : le nombre d'utilisateurs internet rapporté à la population, la télédensité, le nombre de Fournisseurs d'Accès Internet (FAI), le débit de la connectivité (en

67 D'après Methamem Raouchen, op.cit. l'infodensité symbolise les TIC en tant que biens de production

68 Toujours selon Raouchen, cet indicateur s'intéresse aux technologies numériques comme des biens de consommation

69 Conté Bernard, La fracture numérique en Afrique, Centre d'économie du développement, Université Montesquieu-Bordeaux IV, 2000, page 1.

33

Mégabits ou en Kilobits/secondes) et le nombre d'ordinateurs connectés rapportés à la population.

En plus de ces indicateurs, nous pouvons ajouter un indicateur des capacités de production des technologies innovantes. Ce dernier prend en compte le nombre d'industries de fabrication des TIC implantées dans un Etat ou dans une région.

Parvenus au terme de cette section, nous pouvons dire que le fossé numérique existant entre les nations du Nord et celles du Sud contribue à l'accroissement des inégalités politiques, économiques et socioculturelles entre ces deux catégories d'Etats de la société internationale. Pour les pays en développement dont ceux d'Afrique Centrale et le Cameroun en particulier, la résorption de ce fossé est un objectif impérieux.

SECTION II : ENJEUX DE LA REDUCTION DE LA FRACTURE NUMERIQUE EN
AFRIQUE CENTRALE

L'enjeu dans l'acception courante, est quelque chose que l'on risque dans une compétition, une activité économique ou une situation vis-à-vis d'un aléa. C'est également ce que l'on peut gagner ou perdre en faisant quelque chose. Parler des enjeux dans le cadre de la réduction de la fracture numérique revient à parler des possibilités qu'offrent les TIC en faveur de la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement. Ainsi, l'objectif de cette section est de montrer les avantages liés à la mise en place d'une société de l'information inclusive.

2.1 Mise en place d'une société de l'information inclusive

La capacité pour chaque individu d'accéder à l'information, aux idées et au savoir et d'y contribuer efficacement est essentielle dans une société de l'information inclusive. L'exclusion numérique renvoie à une coupure sociale entre les « insiders » c'est-à-dire ceux qui ont accès à l'information et les « outsiders »70 ceux qui n'en ont pas à cause des difficultés liées à l'accès aux TIC pour diverses raisons. En Afrique Centrale, les « outsiders » sont pour la plupart victimes de marginalisation sociale, culturelle et économique71. Ces derniers ne participent pas véritablement à l'économie numérique. Cependant, la réduction du fossé

70 Brotcorne Périne et al, Diversité et vulnérabilité dans les usages des TIC. La fracture numérique au second degré, Gent, Academia Press, 2010, p 60.

71 Conseil national du numérique, Citoyens d'une société numérique, Rapport à la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, Octobre 2013.

34

numérique dans la sous-région permettra de mettre en place une société de l'information inclusive qui privilégiera le développement. Dans cette société, chaque citoyen aura la possibilité de créer, d'obtenir, d'utiliser et de partager l'information et le savoir. De même les individus, les communautés et les peuples pourront mettre en oeuvre toutes leurs potentialités dans la société de l'information. Un tel état de fait favorisera le développement durable et l'amélioration des conditions de vie des populations. Ainsi, les pays d'Afrique Centrale se donneront des moyens pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement. En dehors de l'édification d'une société de l'information inclusive, la résorption du fossé numérique permettra également aux Etats de la sous-région d'accroître leurs économies.

2.2 Croissance économique

La croissance économique se perçoit comme un accroissement de la productivité étatique symbolisée par l'augmentation du Produit Intérieur Brut (PIB). Elle dépend généralement d'une forte création d'emplois et de la multiplication des revenus de l'Etat. La réduction du fossé numérique permettra effectivement aux Etats de la sous-région d'atteindre cet objectif de façon continue notamment, par la création des emplois et l'accroissement des richesses.

2.2.1 Création des emplois

La non-professionnalisation des enseignements qui a longtemps prévalu dans plusieurs pays d'Afrique Centrale, a engendré d'énormes difficultés d'obtention d'emploi chez les élèves et étudiants ayant terminé leur scolarité. Malgré leurs hautes qualifications intellectuelles, bon nombre de diplômés de cette partie de l'Afrique peinent encore à décrocher un travail décent leur garantissant une vie stable et paisible. Dès lors, le sous-emploi apparaît souvent comme une issue de secours pour ces individus particulièrement jeunes en quête d'équilibre social. Cependant la réduction du fossé numérique donnera la possibilité aux chômeurs d'occuper des fonctions plus convenables grâce à la création de plusieurs emplois directs et indirects.

a- Les emplois directs

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Un emploi direct peut se définir comme une offre directe des biens et des services aux usagers ou consommateurs. L'avènement des technologies numériques a favorisé l'émergence du commerce électronique. Né de la généralisation et de l'internationalisation d'Internet72, le commerce électronique selon l'OMC désigne « l'ensemble des activités de production, de publicité, de vente et de distribution de produits effectuées par l'intermédiaire de réseaux de télécommunications73 ». Avec cette nouvelle forme d'échange, chaque individu sachant effectivement utiliser un ordinateur et l'outil Internet est en mesure de conquérir divers marchés en proposant des biens et des services sur la toile. Dans plusieurs pays africains, ce négoce rentre de plus en plus dans les pratiques. Au Cameroun à titre indicatif, le site BayamSellam.com74 met à la disposition de tout internaute ayant des produits à vendre un comptoir virtuel où il peut exposer ses objets en offrant des possibilités de transaction à l'africaine75. Ici, le potentiel acheteur négocie le prix avec le vendeur jusqu'à ce que les deux parties tombent d'accord comme sur un vrai marché africain76.

En outre, les populations résidant en milieu rural, avec pour activité principale l'agriculture, sont à même d'écouler le produit de leur labeur sur des marchés extérieurs à meilleur prix notamment à travers la vente de leurs marchandises en ligne. Toutefois, l'efficacité de ce trafic nécessite la sécurisation des modes de paiements pour éviter toutes sortes d'arnaques et l'existence d'une législation adéquate. La réduction du fossé numérique permettra également de créer des emplois indirects.

b- Les emplois indirects

Les services à distance sont devenus une réalité dans la société internationale actuelle grâce aux TIC. Ces technologies facilitent le développement des téléservices qui se définissent comme « la fourniture transfrontières, via des réseaux de TIC, de prestations dans lesquels le fournisseur de services se situe dans le pays de destination de l'externalisation ou de la délocalisation, alors que l'entreprise donneuse d'ordre se trouve dans un autre pays77 ».

72 Jacques Bonjawo, Révolution numérique dans les pays en développement. L'exemple africain, Paris, Dunod, 2011, p 58.

73 Définition tirée de l'ouvrage de Jacques Bonjawo op.cit, p 59.

74 http// www.bayamsellam.com

75 Jacques Bonjawo, op.cit, p 68.

76 Ibid.

77 Ibid. P 71.

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A la lecture de cette définition, le téléservice reste une opportunité à saisir par les Etats de la sous-région pour multiplier les emplois.

En effet, cette nouvelle façon de faire permettra à de nombreux chômeurs de changer leur statut dans la mesure où elle leur procurera des emplois permanents et rémunérés. A propos, quelques pays africains sont déjà engagés dans la fourniture des télétravaux. Au Sénégal par exemple, SESI (Sénégalaise de Saisie Informatique) assure la numérisation, la mise en page, l'indexation et la correction des articles scientifiques en français et en anglais pour les maisons d'édition européennes78.

Par ailleurs, le télé conseil ne cesse de se répandre suite à la délocalisation des centres d'appel de plusieurs entreprises francophones dans les anciens territoires coloniaux français tels que le Maroc, la Tunisie, l'Algérie, le Sénégal, l'île Maurice, Madagascar, le Sénégal79 et même au Cameroun (avec la société Intertis). Ce service permet à plusieurs jeunes télétravailleurs africains de jouer le rôle de conseiller en ligne pour les organisations étrangères d'autant plus que ces sociétés ont constaté qu'en délocalisant certains services sur le continent, elles font d'énormes économies grâce à la main-d'oeuvre bon marché. Si le téléservice se présente comme une chance pour les multiples demandeurs d'emplois africains, les dirigeants d'Afrique Centrale gagneraient à promouvoir le développement des infrastructures modernes de télécommunications et à professionnaliser davantage les enseignements. Hormis la création des emplois, la réduction du fossé numérique favorisera aussi l'accroissement des revenus étatiques.

2.2.2 Accroissement des richesses

Très souvent, la croissance économique d'un Etat se subordonne à la présence d'un système managérial efficace facilitant la productivité. En Afrique Centrale, la gouvernance fait encore l'objet de certaines critiques par diverses institutions internationales telles que le FMI80, la Banque Mondiale et la CEA. Un tel état de fait ne favorise pas la croissance. Avec les TIC, les pays de la sous-région amélioreraient significativement leurs modes de gestion, gage de toute augmentation des revenus nationaux.

78 Ibid. P 73.

79 Ibid. P 71.

80 Fonds Monétaire Internationale

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La diversification des entreprises fournissant les services de télécommunications encourage une meilleure offre des prestations à la clientèle81. En fait, si les avantages proposés par une société de téléphonie mobile intéressent grandement les consommateurs, nombre d'entre eux s'y abonneront. Le cas échéant, l'organisation fera de gros bénéfices. Plus ces bénéfices augmenteront, plus l'Etat accumulera ses recettes issues de la taxe sur le marché des télécommunications haussant ainsi son Produit Intérieur Brut (PIB). D'ailleurs, selon l'UIT, l'accroissement du nombre d'abonnements au service cellulaire mobile a entrainé une forte croissance des revenus dans les pays en développement82.

D'autre part, la vulgarisation des technologies numériques implique l'intensification des importations de ces technologies suite à l'extension de la demande, ceci débouche au redoublement des gains douaniers de l'Etat. Toutes ces multiples rentrées donnent la possibilité au pays de financer plusieurs projets de développement à long terme. Une bonne démocratisation des TIC en Afrique Centrale influera aussi dans les domaines politiques et socioculturels.

2.3. Le développement social

Dans la plupart des Etats du Sud, la garantie de la santé des citoyens quel que soit leur lieu de résidence n'est pas encore un acquis. Malgré tous les efforts consentis par les gouvernants pour assurer ce droit fondamental, les individus résidant dans les campagnes peinent encore à se faire soigner à cause du déficit en infrastructures sanitaires. Certes, il existe plusieurs centres de santé, mais ils sont sous-équipés et ne peuvent pas efficacement répondre aux multiples sollicitations des populations. De plus, on n'y retrouve pas toujours des médecins puisque ceux-ci refusent d'exercer en zones rurales à cause des mauvaises conditions de vie.

Par ailleurs, le manque de moyens financiers des personnes vivant en milieu rural ne favorise guère leur déplacement pour les hôpitaux situés dans les centres urbains. Une telle situation aggrave le taux de mortalité et affaiblit la main d'oeuvre qui doit pourtant être forte pour soutenir l'Etat dans la réalisation de ses projets structurants. Toutefois les technologies numériques donnent la possibilité aux Etats en développement de résoudre ce problème à travers la télémédecine et la cybersanté.

81 M.A NGONO ZINTCHEM, « Problématique de l'appropriation des TIC au Cameroun », op.cit, p 201.

82 UIT, Mesurer la société de l'information 2012. Résumé analytique, Genève, 2013, p 18.

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Selon le Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec au Canada, la télémédecine désigne :

« les soins et les services de santé, les services sociaux, préventifs ou curatifs, rendus à distance par le biais d'une télécommunication, incluant les échanges audiovisuels à des fin d'information, d'éducation et de recherche, et le traitement de données cliniques et administratives effectués à distance par le biais d'une communication électronique83 ».

La médecine à distance devient de plus en plus une réalité en Afrique. En Afrique du Sud à titre indicatif, un projet fut lancé dans ce cadre en 1996 au sein de l'hôpital pour enfant de Tygerberg au Cap afin de permettre aux spécialistes de cette unité sanitaire de communiquer directement avec trois centres médicaux des quartiers défavorisés84. En Ouganda, depuis 2000, un programme similaire relie l'hôpital universitaire de Mulago situé en province à l'hôpital Mengo de Kampala, la capitale85. En dehors de leur appui à l'amélioration des services de santé, les TIC permettent aussi d'accéder à la connaissance.

Pour se développer, une nation a besoin d'Hommes forts capables d'impulser une dynamique positive du progrès et de veiller au suivi permanent des projets d'investissement. Pour acquérir ces aptitudes, les individus doivent bien se former. Rappelons que l'essor des PD aujourd'hui est dû au suivi et à l'efficacité dans la maîtrise des projets et stratégies de développement. Les PVD doivent en faire autant en mettant un accent sur la formation du capital humain. Malheureusement aux vu des limites présentées par certains instituts académiques du Sud, cet objectif s'avère difficile à atteindre. Les Etats recourent fréquemment à l'octroi des bourses d'études aux étudiants pour remédier à cette situation. Toutefois ceci semble insuffisant puisque très peu en bénéficient. En outre lorsque certains boursiers terminent leurs études, ils préfèrent offrir leurs services aux pays d'accueil. Le cas échéant, on parle de la fuite des cerveaux. En recourant à l'enseignement à distance, les dirigeants pourront mieux tirer profit de leurs génies.

En effet, l'e-learning ou enseignement électronique permet aux universités du Sud d'offrir les meilleures formations à distance à leurs étudiants. Il suffit juste que l'Etat intéressé signe un partenariat de coopération avec une université du Nord dans ce cadre et pourvoi les infrastructures nécessaires. Ce genre d'initiative s'observe déjà en Afrique à travers les cinq

83 Définition tirée de l'ouvrage de Jacques Bonjawo, op.cit, p 77-78.

84 Jacques Bonjawo, op.cit, p 81

85 Ibid. P 82.

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universités virtuelles présentes dans les différentes sous-régions du continent. L'Université virtuelle offre la possibilité aux étudiants africains de se former à distance dans les grandes universités étrangères. Ces apprentis acquièrent des connaissances qu'ils mettront au profit de leurs pays.

Sinon, les TIC facilitent aussi l'épanouissement social des individus de par leur dimension ludique. Actuellement, on distingue plusieurs réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Badoo, Hi 5, Skyrock...) et divers sites de rencontres ( Meetic.com, 123 Love.com, Drague.net...) sur Internet qui encouragent le divertissement de l'Homme. Une appropriation suffisante des TIC dans les usages augmentera le nombre d'internautes des pays en développement et partant favorisera davantage le brassage culturel entre les peuples du Nord et ceux du Sud. Cependant, il faudra redouter la prolifération d'actes cybercriminels consécutive au dédoublement des internautes. En outre, le nombre de jeunes passionnés du visionnage des films à caractère pornographiques sur la toile risque s'accroître dépravant davantage les moeurs dans les sociétés précisément en Afrique. Toutefois, les technologies numériques sont aussi un atout d'émergence politique.

2.4 Le développement politique

Si de façon classique la politique se perçoit comme l'art de diriger les Hommes ou un Etat, elle ne fait pourtant pas l'unanimité dans les pays en développement. Plusieurs fois sujette à caution du fait des multiples contestations des processus électoraux et par conséquent de la légitimité démocratique des élus, certains systèmes politiques des Etats sous-développés sont généralement considérés d'immatures ou d'autoritaires par les grandes puissances étrangères. Ces dernières accusent beaucoup de dirigeants politiques en exercice de verrouiller les systèmes électoraux pour se maintenir au pouvoir. En Afrique, ce genre de pratiques est récurrent. Les opposants au régime en place soutiennent toujours l'idée selon laquelle les différents scrutins organisés pour le choix des gouvernants sont entachés de fraudes et très souvent, ceci aboutit à des contestations pacifiques ou conflictuelles. La controverse existant au niveau des processus électoraux s'inscrit alors au rang des facteurs d'instabilité politique du continent. Pour enrayer ces conflits, la plupart des Etats ont informatisé leurs fichiers électoraux. Toutefois l'informatisation seule ne suffit pas puisque le régime en place peut toujours verrouiller le système. En plus de la numérisation, il faudrait par exemple mettre ce répertoire en ligne pour le rendre accessible à chaque citoyen. La mise

en ligne du fichier électoral sénégalais existant depuis 1977 au cours de l'année 200086 est un bon exemple d'attachement et de préservation des valeurs démocratiques. Selon Lamine Cissé, ministre de l'intérieur du Sénégal d'alors « le recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication a permis de clore le débat sur la fiabilité du fichier, mais surtout de banaliser l'accès à ce registre. (...) Cela donne à ces électeurs un sentiment de puissance (responsabilité citoyenne)... 87». Au regard de ces arguments, la place des TIC dans la consolidation de l'idéal démocratique des PVD n'est plus à démontrer.

Au terme de cette section, il convient de dire que la réduction de la fracture numérique en Afrique Centrale demeure un impératif pour le développement de cette partie de l'Afrique.

40

86 Ibid. P147.

87 Jacques Bonjawo citant Lamine Cissé dans son ouvrage Révolution numérique dans les pays..., p147.

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