WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La dualité étude-travail chez les étudiants

( Télécharger le fichier original )
par Seydina Ousmane Ndong
Université de Poitiers - Master1 2015
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

    SOMMAIRE

    Sommaire..................................................................................................................................1

    INTRODUCTION...................................................................................................................2 PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE........................5

    Chapitre 1:L'état de l'art...........................................................................................................6

    Chapitre 2:Quelques notions à préciser...................................................................................18

    Chapitre 3:Démarche méthodologique....................................................................................23

    DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES DONNEES. .......................................................39

    Chapitre 4 : Les motivations et les raisons de partir. ..............................................................40

    Chapitre 5: Les conditions de vie des étudiants étrangers en France......................................53

    Chapitre 6:A la recherche d'une activité numéraire.................................................................60

    CONCLUSION.......................................................................................................................85

    Références bibliographiques.....................................................................................................87

    Table des matières..................................................................................................................93

    INTRODUCTION

    De nos jours, avec la mondialisation où le monde est considéré comme un «village planétaire», presque aucune région du monde n'est épargnée par le phénomène des migrations. Elles sont toutes concernées soit par le départ, le transit ou encore l'arrivée de populations devenues de plus en plus mobiles. C'est dans cette perspective d'ailleurs que certains considèrent ce phénomène comme un « fait social total » (M. Mauss, 1923-1924 ; A. Sayad, 1999). Presque toutes les catégories sociales sont touchées particulièrement les étudiants. En effet, d'après les chiffres de l'Unesco, en 2010, le nombre d'étudiants en mobilité dans le monde a été estimé à 3.600.000. Ce nombre important d'étudiants étrangers dans le monde a fait de la mobilité étudiante l'une des questions les plus traitées dans les migrations internationales contemporaines. C'est d'ailleurs dans cette optique que Caroline Barrera souligne que :

    « L'étudiant étranger, longtemps négligé au profit d'autres figures de l'immigration est depuis quelques années de plus en plus présent dans le paysage historiographique européen et s'intègre dans différentes thématiques de recherche: étude des diasporas et des migrations, géopolitique de la culture, enseignement supérieur, formation des élites, relations internationales etc. » (Barrera, 2007)

    En effet la question de la mobilité des étudiants étrangers a été abordée sous plusieurs angles. Elle a d'abord fait l'objet d'un traitement à travers les statistiques du Ministère de l'Éducation Nationale et de l'Enseignement Supérieur ou encore l'Observatoire national de la Vie Étudiante. Dans ces publications officielles, les chercheurs se sont le plus préoccupés de l'aspect quantitatif (le nombre d'étudiants étrangers présents en France, leur part dans la population étudiante française, leur évolution etc.) Ce n'est que par la suite, avec les travaux d'Emmanuel Amougou, Serge Slama, Latreche et de bien d'autres que l'aspect qualitative apparaitra. On commencera alors à s'intéresser aux démarches faites par les étudiants pour s'installer dans le pays d'accueil (visa, titre de séjour), de leur accueil et de leur intégration, aux conditions de vie et de leur adaptation.

    Dans cette étude, il s'agira d'essayer de comprendre le cumul étude-travail chez les étudiants venus d'Afrique et particulièrement les Sénégalais et Maliens. En effet, parce qu'elle est au croisement des problématiques de la réussite étudiante, de l'insertion professionnelle des diplômés et du financement des études, la question de l'activité rémunérée constitue un thème central dans l'analyse des parcours des étudiants, d'autant plus qu'elle concerne près de la moitié des étudiants.1(*)D'après l'Observatoire de la vie étudiante, 8 étudiants sur 10 exercent au moins une activité rémunérée (emploi régulier, jobs d'été ou petits boulots) pendant l'année et 5 sur 10 travaillent pendant l'année universitaire, au risque de compromettre leurs études (OVE, 2004). Ainsi, la dualité étude-travail est devenue un véritable fait social. D'où la nécessité d'essayer de comprendre les logiques qui sous tendent ce phénomène. En effet, le cumul étude-travail est souvent traité dans des généralités. Le financement des études constitue l'aspect principal apporté pour son explication. Comme pour les étudiants français ou ceux qui résident dans le pays d'accueil, l'on considère souvent que l'exercice d'une activité parallèle aux études se justifie par la cherté du logement, le coût de la vie, les inscriptions etc. ; autrement dit, ce phénomène est expliqué en ne tenant compte qu'à des aspects qui sont liés aux conditions de vie économique dans le pays d'accueil. Ce qui rendrait en quelque sorte homogènes les causes du recours au travail chez les étudiants.

    Cette recherche propose une autre vison de la réalité sur le cumul étude-travail chez les étudiants venus d'Afrique. Elle part sur l'idée selon laquelle, tous les étudiants ne travaillent pas pour les mêmes raisons. Derrière le statut d'étudiant se cache un ensemble de caractéristiques sociales, économiques et culturelles qui distinguent les uns des autres. Ainsi, la compréhension du cumul étude-travail nécessite de prendre en compte la particularité de chaque catégorie sociale. On ne peut réduire la problématique de la dualité étude-travail aux seuls facteurs endogènes c'est-à-dire aux réalités socioéconomiques du pays d'accueil (conditions de vie, la question du logement, cherté de la vie etc.), mais il importe d'avoir un cadre global en portant aussi son regard sur les facteurs exogènes ou externes au pays d'accueil et qui précèdent même le voyage en France. Ainsi, il s'agira de faire une analyse complète de ce phénomène en montrant comment les étudiants étrangers viennent en France, pourquoi, dans quelle situation, etc. Ces questions et d'autres encore logent au centre des préoccupations de notre recherche. Mais on ne peut utilement considérer ces questions sans faire un détour du côté de la relation que ces étudiants entretiennent avec le groupe socio familial d'origine. De fait, ce dernier n'est pas sans influence sur leur comportement une fois dans le pays d'accueil. Ce lien entre les étudiants que nous interrogerons et leur groupe socio familial d'origine, demeure capital dans cette recherche et s'impose donc comme une sorte de toile de fond pour mieux connaître la problématique du travail rémunéré pendant les études.

    D'une manière plus spécifique, le mémoire sera divisé en deux parties de trois chapitres chacune. La première partie présentera un premier chapitre intitulé l'état de l'art dans le lequel nous exposerons comment sommes nous arrivés à s'intéresser à cette question et pourquoi s'intéresser aux étudiants Maliens et Sénégalais. Ensuite, après avoir présenté la problématique et la revue de littérature, nous présenterons nos hypothèses ainsi que les objectifs de la recherche. Dans le second chapitre, il s'agira d'expliciter d'avantage les notions qui sont clés à notre recherche. Le chapitre 3 quant à lui présentera la méthodologie de l'étude qui est essentiellement qualitative.

    La deuxième partie de ce travail rend compte des résultats de l'enquête réalisée du 15 février au 30 avril auprès d'étudiants Sénégalais et Maliens. Il trace un exposé complet des éléments évoqués par nos enquêtés et qui expliquent leur mobilité vers la France, des conditions de vie dans le pays d'accueil et les principales raisons avancées pour expliquer le travail rémunéré pendant les études.

    PREMIERE PARTIE :

    CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE.

    Chapitre 1 : L'état de l'art.

    1.1. Construction de l'objet d'étude.

    Comme tout travail scientifique le choix de s'intéresser à la dualité étude-travail chez les étudiants contient une dimension subjective, donc liée à une vision personnelle mais aussi une dimension objective qui, elle, justifie l'intérêt et l'originalité de ce travail. En réalité, j'avais plutôt envisagé de travailler sur les associations des migrants Sénégalais et du rôle qu'elles peuvent jouer dans le processus intégratif de ces derniers. C'est à ce propos d'ailleurs que j'avais décidé de m'intégrer dans l'Association des Sénégalais de Poitiers (ASEP) dans le but d'avoir une vision beaucoup plus complète sur le rôle de ses associations mais aussi d'avoir une proximité avec mes enquêtés. Ainsi j'en suis devenu le secrétaire général. Depuis, je suis en contact en permanence avec les étudiants Sénégalais de même que ceux qui sont d'autres nationalités et qui nous sollicitent souvent pour avoir des informations. Disons que c'est à partir des échanges que j'ai eu avec deux étudiants Sénégalais qui sont en leur première année en France que j'ai décidé de porter mon travail sur la dualité étude étude-travail. En effet, en les orientant sur les démarches administratives (aller à l'OFII pour avoir leur titre de séjour, inscription à l'université, ouverture d'un compte bancaire etc.), l'un d'entre eux m'avait demandait une question qui a profondément attirée mon attention: «comment faire pour trouver du travail? » A cette question, l'autre ajouta qu'« il a déjà commencé à faire des recherches sur internet. ». En réalité, cette question a été posée presque à tous les membres de l'association qui, à leur tour ont décidé d'organiser un atelier sous la demande de ces derniers pour les aider à faire des CV pour trouver un petit boulot. C'est à partir de ce moment que j'ai pensé qu'il serait intéressant de travailler sur cette question du travail des étudiants. Pourquoi se soucier d'un travail alors qu'ils viennent à peine d'arriver en France? Ainsi, en faisant la recherche documentaire, en consultant tout ce qui peut me renseigner sur cette question, je suis tombé sur un extrait d'entretien que j'avais fait l'année dernière avec un étudiant Sénégalais. En l'interrogeant sur ses motivations à vouloir partir à l'étranger, celui-ci disait.

    « Nous avons une certaine façon de vivre qui est particulière à la société sénégalaise. C'est la solidarité. A la fin du mois chacun participe pour qu'on puisse subsister. Et vu que tous mes frères et soeurs ont une profession et que moi je suis le seul étudiant avec mon petit frère, j'avais cette envie de réussir automatiquement, coute que coute dans ma vie quoi, de faire quelque chose, d'être utile. J'ai eu ma maitrise depuis 2010. Et de 2010 à 2013, j'ai tenté pas mal de chose, j'ai secoué le monde privé et le monde public et rien a marché et du coup comme je ne voulais pas toujours être pris en charge, je me suis dis peut être qu'il faut sortir (Sortir dans le sens de voyager, de partir à l'étranger). En France peut être ils (c'est-à-dire la famille) vont te financer le voyage mais si tu es là bas (à l'étranger) tu peux espérer trouver quelques choses (un travail, une source de revenu) pour te prendre en charge financièrement. Voilà pourquoi j'ai décidé de voyager en France pour venir trouver mieux et pour appuyer financièrement ma famille.» (Extrait d'entretien avec M.S, étudiant en master 2 de droit)

    Cet extrait d'entretien parle en effet, de lui même. N'ayant pas d'opportunité dans son propre pays pour soutenir sa famille, cet étudiant juge nécessaire de s'expatrier vers la France, symbole de la réussite, du travail et de l'autonomie. Voilà le point de départ de notre recherche qui vise à comprendre le travail des étudiants s'orientant sur le pays de départ. Mais pourquoi porter la recherche sur les étudiants Sénégalais et Maliens?

    En effet, depuis le début des années soixante, la France a connu une forte croissance du nombre d'étudiants, au point qu'on a pu parler d'une véritable explosion des effectifs de l'enseignement supérieur qui a aussi connu une diversification des filières et une dispersion géographique des établissements. Dans le même temps nous avons aussi assisté à une augmentation considérable du nombre d'étudiants étrangers qui viennent divers horizons.

    En 2012, derrière les Etats Unis, la Grande Bretagne et l'Australie, la France occupait la quatrième position parmi les destinations privilégiées des étudiants étrangers.2(*) Toutefois, elle reste la première destination des étudiants africains désireux de poursuivre leurs études à l'étranger. Selon les chiffres publiés par Campus France, en 2010, la France accueillait 111 195 étudiants originaires du continent africain soit 29,2 % du total des étudiants africains et 43 % du total des étudiants étrangers dans l'hexagone. La très grande majorité de ces étudiants africains en France provient des pays du Maghreb et d'Afrique sub-saharienne francophone sur lesquelles porte la recherche. En effet, la décolonisation n'a pas entraîné la fin des relations entre la France et ses anciennes colonies. En réalité, les citoyens des anciennes colonies (Sénégal, Mali, Guinée, Cote d'ivoire par exemple) ont une certaine proximité culturelle avec la France qui peut sembler "naturelle" et évidente. Selon Georges Balandier, la colonisation a entraîné l'assujettissement - quand ce ne fut pas la disparition - de la quasi-totalité des peuples qualifiés d'attardés, archaïques, primitifs ou encore a historique. Ainsi il préciser que :

    « toute étude actuelle des sociétés colonisées, visant à une connaissance de la réalité présente et non à une reconstitution de caractère historique, visant à une compréhension qui ne sacrifie pas la spécificité pour la commodité d'une schématisation dogmatique, ne peut se faire que par référence à ce complexe que nous avons nommé, situation coloniale » (Balandier, 2001, p. 9-29)

    Dans cette optique, il est presque primordial à tous chercheurs qui désirent faire des études dans ces sociétés anciennement colonisées, de ne pas omettre ces conditions spécifiques. De nos jours, pour de nombreux jeunes de ses pays, la France représente un rêve. Elle est toujours perçue comme un lieu où la réussite est chose facile où du moins beaucoup plus facile dans leurs pays d'origine. La France a pris une place importante dans l'imaginaire d'une large partie de la population étudiante des ces pays. Plus encore, elle constitue un point focal de conceptions des projets et s'impose presque « naturellement » comme une voie, un passage possible vers l'avenir professionnel. (Gérard, 2008, p.1) Dans ce sens, la mobilité des étudiants de ces anciennes colonies doit susciter des interrogations spécifiques car elle a beaucoup de points différents par rapport à celles que peuvent susciter les émigrations sud-européennes, asiatiques voire latino-américaines vers la France. Des différences historiques, géographiques, politiques, sociales et culturelles dont l'analyse scientifique doit prendre en compte.

    Au-delà de leur importance numérique dans le pays d'accueil ainsi que les liens historiques qui unissent la France à ces anciennes colonies, le choix de porter notre étude sur les étudiants Sénégalais et Maliens est aussi motivé par le fait que les étudiants venant de cette partie du monde (de l'Afrique) sont ceux qui sont souvent entendus sous le terme d'étrangers. Sur le plan juridique, est étrangers aussi bien les étudiants Espagnols, Allemands, de même que ceux Sénégalais, Maliens ou encore Ivoiriens. Même si les différences de traitement varient en fonction des accords signés entre les pays, admettons que les Africains semblent être '' plus étrangers que les autres étrangers ''.

    Jadis, les étudiants étrangers en particulier ceux venant principalement des pays dits du Sud, ont toujours bénéficié d'une belle image et ce, jusqu'au début des années soixante-dix. Cette image positive est surtout liée à la politique qui a été mise en place par la France. En effet, le fait d'accueillir les étudiants originaires des pays nouvellement indépendants était souvent « présenté par les autorités publiques comme un élément de la politique de prestige de la France. L'étudiant étranger est jugé comme répondant aux intérêts de la France dans ses relations internationales [...] Cette ouverture idéologique se traduit par une politique d'accueil et un statut juridique extrêmement libéraux » (Slama, 1999, p18.). Ainsi, l'étudiant étranger se présente alors comme un élément qui favorise le rayonnement de la France qui fait tout pour les attirer et les conserver. Néanmoins et au fil du temps, l'immigration des étudiants n'est plus seulement une immigration souhaitant former des élites mais une immigration de masse issue d'un grand nombre d'étudiants souhaitant poursuivre leurs études et surtout « « l'incapacité de leurs universités (dans les pays d'origine à y répondre ». (Hemery, 1980, p.2)

    Ce n'est qu'à partir des années 70 avec la publication du rapport Dischamps que la situation des étudiants étrangers connaitra un véritable tournant. En effet, dans ce rapport, pour la première fois les étudiants étrangers ne sont pas perçus comme «les acteurs du rayonnement de l'université française», mais constituent «une menace contre son prestige». Ils sont dès lors présentés comme une «charge» pour les universités, en terme d'effectifs mais aussi en terme de qualité car l'on considère maintenant qu'«ils font baisser le niveau» Sur ce point, il est clair que les étudiants étrangers qui, ici sont mis en cause «sont bien évidemment, ceux venus des pays du Tiers-Monde et non pas ceux venus des systèmes éducatifs équivalents.» (Slama, 1999, p.9) Dés lors, un changement radical fut noté dans les représentations qui tournent autours de l'étudiant étranger en particulier ceux venus des pays du tiers monde. Depuis, la France a modifié sa politique d'accueil. Nous avons assisté à un durcissement des conditions d'entrée dans le pays mais aussi ces derniers doivent chaque année, justifier leur séjour en France. Certains agents du Ministère de l'Intérieur considèrent que les étudiants étrangers sont des fraudeurs potentiels et prennent les mesures qu'ils jugent nécessaires au contrôle de cette fraude comme la demande de documents de plus en plus difficiles à obtenir.

    En Novembre 2009, le Ministre de l'Immigration de l'Intégration, de l'Identité Nationale et du Développement Solidaire Eric Besson, précisera à son tour dans un communiqué que «l'utilisation de visas touristiques de court séjour pour entrer sur le territoire et s'y maintenir au-delà de la durée autorisée constitue l'un des cas les plus répandus de fraude au droit de l'entrée et du séjour en France. Elle ne doit faire l'objet d'aucune bienveillance, quand bien même le fraudeur revendiquerait le statut d'étudiant.»3(*) Toujours dans la même logique, en 2012, la circulaire de Guéant appelle les préfets à durcir les conditions de délivrance des autorisations de travail ainsi que le changement de statut. Ce qui ne manque pas d'avoir des répercussions au niveau de l'action des agents de préfecture comme le souligne Alexis Spire car elles renforcent les croyances de certains agents de préfecture qui estiment agir au nom de «l'adhésion au maintien de l'ordre national.»

    Cette logique du soupçon pour reprendre les expressions de Yann Elimbi4(*), nous conduit à croire que la catégorie «étudiant étranger» et plus précisément ceux de l'Afrique constitue une catégorie particulière, d'où la pertinence de porter notre étude sur ce groupe. Cependant, précisons que le but en choisissant de se focaliser sur les africains ne constitue en aucun cas de les montrer sous une lumière plus positive ou encore de tenter de démontrer la vacuité des clichés qui leur sont attachés. Il s'agit plutôt de chercher à comprendre le rapport que ces derniers entretiennent avec le travail pendant les études.

    1.2. Etat des lieux

    L'objectif de ce travail est de saisir les facteurs permettant de comprendre la dualité étude-travail chez les étudiants venus de l'Afrique subsaharienne (Sénégal et Mali). Le travail étant défini dans cette recherche comme toute activité rémunérée déclarée ou pas, menée pendant les études à temps plein ou à temps partiel excepté ceux ayant un lien avec les études (stage obligatoire faisant parti de la formation, auxiliaire ou assistant de recherches, auxiliaire d'enseignement, correcteur ou chargé de cours etc.)

    En France et dans de nombreux autres pays, beaucoup d'étudiants s'adonnent au travail rémunéré pendant les études. Désormais, les étudiants ne travaillent plus que pendant l'été au moment des vacances jadis considérées comme la période ou ils auront plus de temps libre, mais aussi ils travaillent de plus en plus pendant l'année scolaire. Ainsi, s'établit une articulation entre étude-travail qu'on peut qualifier de concomitante plutôt que de séquentielle. (Moulin et al, 2011) D'après le rapport du Conseil économique et social sur le travail étudiant en 2007, 15 à 20 % des étudiants travaillent de façon régulière pendant leurs études. Cette proportion d'étudiants salariés a assez fortement augmenté pendant les années 1990, avec une augmentation de 4,4 points entre 1990 et 2002.5(*) En 2006, l'enquête sur le coût de la vie étudiante publiée par l'Unef, montrera que 48% à des étudiants interrogés avaient déclaré exercer une activité salariée. Six ans plus tard, le nombre d'étudiants salariés augmentera pour atteindre 73% de la population étudiante.6(*)

    Ces chiffes nous renseignent sur l'ampleur de ce phénomène. Celui ci se développe un peu partout en Europe (M. Wolbers, 2001) et ailleurs et le terme d'étudiant-travailleur ou d'étudiant-salarié est de plus en plus utilisé dans la littérature sur les étudiants.7(*) Ce fait est également très fréquent chez les étudiants étrangers. Déjà en 1998, l'enquête de S. Paivandi sur les étudiants de Paris 8 montrait que, 62% des étudiants étrangers travaillent (52% pour les étudiants français) pour gagner leur vie tout en bénéficiant d'autres types de ressources financières (aides familiales ou publiques). Pour ce qui concerne la durée de travail, l'auteur montre que près de 60% des hommes étrangers et 35% des femmes étrangères qui exercent une activité professionnelle, travaillent entre onze heures (surtout les femmes) et vingt heures par semaine (Paivandi, 1998, p.29).

    Aujourd'hui, même les autorités françaises sont interpellées par cette question. Presque chaque année, des mesures sont prises pour trouver une solution face à ce phénomène. Le 31 mai 2011, Claude Guéant, ministre de l'Intérieur, et Xavier Bertrand, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé, ont envoyé aux préfets une circulaire durcissant les conditions d'obtention d'un permis de travail mais aussi de changement de statut pour passer d'étudiant à travailleur. L'objet était ainsi de « maitriser l'immigration professionnelle ». Le but était chiffré : passer de 30 000 visas de travail à 20 000. En effet, les étudiants étrangers étaient au coeur de ces mesures. Selon la circulaire, « une grande part du flux migratoire à caractère professionnel provient des changements de statut demandé par les étudiants. » C'est à ce propos d'ailleurs qu'il faudrait comprendre les propos de Abdelkader Latreche qui se demande si « Le travail salarié ne risque pas de tuer, ou de transformer, la migration des étudiants (migration universitaire) en une migration traditionnelle, de force de travail, et d'éloigner les étudiants de leurs études» (Latreche, 1999)

    Comment expliquer cette forte propension des étudiants étrangers qui cumulent étude et travail? Telle est la question directrice de cette recherche. En réalité, cette question de la dualité étude-travail a fait l'objet de beaucoup de travaux. Si certains se sont préoccupés de l'impact du travail dans les études ou de ses avantages ou inconvénients, d'autres se sont intéressés aux causes de ce phénomène. Des recherches américaines ont montré qu'il existait un lien positif entre le travail en cours d'études et l'insertion professionnelle. Les écrits Catherine Béduwé, Jean-François Giret montrent que l'emploi étudiant permet d'acquérir des compétences comportementales, d'obtenir des informations sur le marché de l'emploi. De plus, il a un effet positif sur la rémunération des diplômés à leur sortie du système éducatif. (Béduwé, Giret, 2004) Quant à Erlich, le cumul étude-travail signifie pour de nombreux étudiants une préparation à l'insertion professionnelle :

    « Le travail rémunéré des étudiants ne s'oppose pas au travail scolaire, mais constitue au contraire une forme complémentaire d'activités pendant les études. On assiste à une sorte de consécration institutionnelle du travail salarié par les étudiants, en tant que pratique ou modèle de pratique étudiante qui est basé sur un modèle de professionnalisation axé sur l'expérience de la vie active et l'apprentissage de l'autonomie financière, beaucoup plus que sur le « besoin » à proprement parler. » (Erlich, 1998).

    Tous ces travaux cités ci haut montrent bien que le travail pendant les études dispose de nombreux avantage pour les étudiants. Cependant nous soulignons que dans le cadre de notre recherche, nous ne nous intéressons pas à cette question. Notre étude cherche à examiner les aspects pouvant induire les étudiants à se consacrer au travail pendant la période d'étude. A cette question, quelques travaux ont essayé d'apporter des réponses.

    Ducharme R. identifie deux raisons: pour accroître leur autonomie financière et pour se payer plus de confort. L'auteur montre que 38 % de ces répondants ont affirmé qu'ils se sont adonnés au travail pendant les études pour pouvoir s'assurer une vie de luxe et surtout être dans un confort. (Ducharme, 2012). La réalisation du projet professionnel a aussi été évoquée pour expliquer la ruée des étudiants vers le travail pendant la période d'étude. Domingo, dans ses travaux a dégagé deux types de relations entre les activités rémunérées et le projet professionnel des étudiants. Pour lui, dans un premier temps ces activités contribuent à l'élaboration du projet professionnel, elles permettent aux étudiants «d'acquérir des informations précises sur un métier, une profession, un secteur d'activité, de découvrir un milieu professionnel avec ses codes et ses contraintes et de ce fait permettent aux étudiants de tester, affiner, (ré) orienter leur projet professionnel » (Domingo, 2005, p.3). Et dans un second temps pour les étudiants âgés avec des projets professionnels bien précis, les activités rémunérées pendant les études participent à la future insertion professionnelle. Ces activités :

    «(...) successives depuis le début de leurs études leur permettent de construire leur CV ainsi qu'un réseau actif de relations professionnelles. Les étudiants adoptent de véritables stratégies dans leur recherche d'emploi. Leur objectif est de faire des expériences variées, dans différentes structures (...), mais néanmoins cohérentes avec leur projet professionnel. Ils jugent leurs activités rémunérées décisives en termes d'acquisition d'expériences professionnelles. Elles participent véritablement à la construction de leur qualification». (Domingo, 2005, p.3).

    L'étude intitulée Investir dans leur avenir: une enquête sur le soutien financier en matière d'éducation postsecondaire en 2006, souligne que l'activité rémunérée parallèle aux études s'explique par les difficultés financières que rencontrent les étudiants. Selon cette étude, le travail constitue un moyen essentiel pour les étudiants de financer les études.8(*) En effet, la question financière reste au coeur des explications de ce phénomène chez les étudiants étrangers. D'après Ennafaa Ridha et Paivandi, parmi les étudiants étrangers, une très large majorité vient en France dans le cadre d'une initiative individuelle sans bénéficier d'une aide financière institutionnelle permettant de financer entièrement les études. Ainsi ces derniers ont distingué trois sources financières : la famille, les différentes aides publiques (bourses et autres allocations) mais aussi l'activité rémunérée. Leur enquête a permis de montrer que près de deux étudiants sur trois doivent travailler d'une façon régulière ou occasionnelle. (Ennafaa et Paivandi, 2008) Joubert, Baritaud et Lhuillier abonderont eux aussi dans le même sens en évoquant les conditions de vie précaires, voire acrobatiques, de beaucoup d'étudiants étrangers, surtout les non boursiers. (Joubert, Baritaud et Lhuillier, 1985). Quant à Latreche Abdelkader il est presque obligatoire pour les étrangers à cumuler étude et travail. Dans sa thèse de 3° cycle à l'Université Paris 1 il montre qu'en moyenne 58% des étudiants maghrébins financent leurs études en France par le travail salarié. (Latreche.A, 1999, p. 158). Le travail étant le moyen privilégié de ses étudiants pour le financement des études.

    1.3. Les contours du problème

    Depuis quelques années, nous avons assisté à un engouement majeur des étudiants au travail, en lien ou pas avec leurs formations pendant les années d'étude. Ainsi, la problématique de l'emploi pendant les études est devenue un phénomène social en pleine ascension. Dans une étude portant sur les jeunes collégiens du Cegep, Jacques Roy souligne que si deux étudiants sur dix occupaient un emploi rémunéré durant l'année scolaire avant les années 1980, cette proportion atteint maintenant sept étudiants sur dix (Roy, 2006). Cette propension extraordinaire du nombre d'étudiants qui cumulent les études et le travail pousse certains observateurs à penser que ce phénomène tendrait à s'imposer comme la norme plutôt que l'exception. (Gauthier et Labrie, 2013). Cette propension des étudiants vers le travail est un fait qui s'observe également chez les étudiants étrangers et plus particulièrement chez les étudiants africains. En effet, même s'il n'existe pas encore de statistique permettant de mesurer la part des étudiants africains qui exercent une activité parallèle aux études, l'observation permet d'avoir une idée sur ce phénomène chez ces derniers. Pour comprendre cela, il suffit de faire un tour dans la plupart des restaurants de la ville, dans les grandes surfaces, dans les boites de nuit etc. pour s'en rendre compte. Comme le souligne Aline Mandrilly, ces derniers sont devenus de vrais petits vigils et plongeurs, et les étudiantes africaines, de vraies petites techniciennes de surface et spécialistes du service à domicile. Les étudiants africains sont réputés être des « petits travailleurs infatigables », car ils effectuent la plupart du temps des tâches pénibles, ont parfois un travail de nuit ou même en cumulent deux, et souvent travaillent dans l'illégalité, puisque la durée maximale de temps de travail par semaine ne suffit pas toujours à joindre les deux bouts. (Mandrilly. A., Septembre 2007) C'est à ce propos d'ailleurs que l'Association des Stagiaires et Etudiants Africains en France (ASEAF) avait tiré la sonnette en tentant de rappeler aux étudiants l'objectif premier de leur présence dans le pays d'accueil. Dans son site internet, elle précise : « Si votre venue en France est liée aux études, il faut alors consacrer l'essentiel de votre temps à cet effet. La priorité est d'obtenir un diplôme, de finir une formation, qui vous seront utiles à vous et à votre pays. En ce sens, toute activité salariale doit être un moyen et non une fin en soi »9(*)

    Comment comprendre ce penchant des étudiants (Sénégalais et Maliens) vers le travail rémunéré ? Telle est la question sur laquelle cette recherche tentera d'apporter des réponses.

    En effet, l'exercice d'une activité rémunérée pendant les études nous semble intéressant à questionner car ayant pour la plupart du temps des conséquences aussi bien sur l'étudiant que sur ses études. Dans une étude sur les étudiants salariés en France, la sociologue Vanessa Pinto nous apprend que l'emploi étudiant et en particulier la forme non institutionnalisée, peut induire chez ceux qui l'exercent une « incohérence statutaire » caractérisée par des difficultés d'organisation et des problèmes de définition de soi. D'une part, il s'agit de gérer simultanément deux emplois, scolaire (cours et révision) et salarié, en tentant dans la mesure du possible de ménager des périodes de « loisirs » d'autres part, si certains emplois ont une certaine cohérence avec la filière suivie, d'autres exposent ceux qui les occupent à une sorte de dédoublement identitaire (mi-étudiants, mi-salariés, ni étudiants ni salarié) lié à un redoublement des contraintes.( Pinto V. , Mars 2014, p.3)

    L'Insee, quand à lui soulignera qu'un étudiant salarié aura deux fois plus de risque d'échouer à ses examens que s'il pouvait se consacrer entièrement à ses études. L'occupation d'un emploi régulier réduit significativement la probabilité de réussite à l'examen de fin d'année universitaire. S'ils ne travaillaient pas, les étudiants salariés auraient une probabilité plus élevée de 43 points de réussir leur année. (Beffy, M., Fougère, D., et Maurel, A. 2009)

    Ce chamboulement des comportements étudiants a souvent été expliqué par la crise économique survenue dans la deuxième moitié des années 1970: sur fond de difficultés dans les activités industrielles et face au développement rapide des services, commerciaux avant tout, la demande d'une main d'oeuvre flexible, disposée à accepter des emplois précaires, le plus souvent à temps partiel et avec des horaires fractionnés, aurait buté sur le rétrécissement de l'offre de main d'oeuvre juvénile, lié tant à la baisse des effectifs des jeunes générations qu'à leur propension à rester plus longtemps dans le système scolaire (Conseil supérieur de l'éducation, 1992: 48). Cette situation aurait exercé un puissant effet d'aspiration sur la population scolarisée tout en lui offrant de nouvelles opportunités, notamment celle d'accéder à une source de revenu propre. (Eckert, 2009) C'est dans cette perspective d'ailleurs que, les études qui s'intéressent à cette question de la dualité étude-travail évoquent le plus souvent les soucis financiers pour expliquer ce phénomène. L'occupation d'une activité rémunérée pendant les études est toujours mise en lien avec les conditions de vie des étudiants, la cherté de la vie, le logement etc. Qu'en est-il pour les étudiants Sénégalais et Maliens? En effet, notre revue de littérature sur le thème nous a permis de savoir que les éléments mobilisés pour expliquer ce phénomène ne prennent en compte que le pays d'accueil. Ce que nous appelons des facteurs endogènes c'est-à-dire cet ensemble de variables qui, dans la société française vont déterminer le devenir de l'étudiant. Pour bien comprendre ce phénomène, il faut nécessairement avoir une vision à la fois diachronique (historique) et synchronique (présente). En réalité, à partir du moment où il ya une diversité au sein de la catégorie étudiante, peut on généraliser les causes de ce phénomène? A cette question, il semble que, se limiter à ces seuls éléments, constituerait une occultation d'autres facteurs qui préexisteraient même à la venue en France. Même si les circonstances économiques dans le pays d'accueil peuvent constituer une incitation vigoureuse à la recherche d'un travail rémunéré, il y a tout de même lieu de penser qu'elles n'ont pas constitué pour autant une condition suffisante.

    Ce travail, part sur l'idée selon laquelle, la mobilité étudiante, au-delà des études universitaires, est aussi sociale et économique. Elle se situe dès lors dans la même perspective qu'Etienne Gérard pour qui, la mobilité n'est pas cantonnée à un ou des circuits permanents; elle est aussi le produit d'un ensemble de condition et d'histoire particulière; celle de l'étudiant, celle de sa famille, celle du groupe social auquel il appartient combinés à celle des institutions en particulier scolaires qui ont influé la mobilité de l'étudiant à l'étranger. (Gérard, 2008, p.22) Ainsi, pour comprendre ce phénomène, il est important voire nécessaire d'orienter son regard sur les conditions de départ des étudiants vers la France car ce dernier se trouvant au centre de deux systèmes en interaction. On ne peut faire la sociologie de l'immigration sans esquisser, en même temps et du même coup, une sociologie de l'émigration ; immigration ici et émigration là sont les deux faces indissociables d'une même réalité, elles ne peuvent s'expliquer l'une sans l'autre. (Sayad, 1999, p.15). En d'autres termes, on ne peut faire une étude sur les étudiants étrangers sans tenir compte de ce que nous appelons ici des variables exogènes c'est-à-dire des caractéristiques sociales, l'ensemble des dispositions et d'aptitudes socialement déterminées, dont les étudiants sont porteurs avant même l'obtention du visa pour études.

    Ainsi, pourquoi ils partent en France? Comment ? Qu'est ce qui caractérise ces étudiants ? Comment cette expérience (conciliation étude-travail) est-elle vécue par les étudiants? Quel sens lui attribuent-ils? Essayer de répondre à toutes ses questions subsidiaires nous servira de fil conducteur pour comprendre le recours au travail des étudiants étrangers pendant leurs études.

    1.4. Hypothèses

    Pour comprendre la dualité étude-travail chez les étudiants venus du Sénégal et du Mali, nous posons dans cette recherche deux hypothèses qui sont les suivantes :

    ü Le choix d'aller étudier à l'étranger implique à la fois une décision d'investissement en formation mais aussi un choix de migration en fonction des opportunités de travail offertes par la France. En d'autres termes, un rapport coût/bénéfice s'observe dans la décision de partir à l'étranger. Un contact possible avec le monde du travail, en lien ou pas avec les études, constitue une dimension non négligeable dans la décision de partir.

    ü L'exercice d'une activité rémunérée pendant les études, se situe dans une logique d'émancipation et d'autonomisation des étudiants vis-à-vis de la famille ou du groupe social d'origine.

    1.5. Objectifs.

    En effet, la mobilité étudiante a été traitée sous plusieurs angles mais très peu d'études se sont attelées à analyser le recours au travail des étudiants étrangers. Ce ''vide'' est intéressant en ce sens où il y a peut-être matière à fournir une nouvelle grille d'analyse puisque, comme souligner ci-dessus, le financement des études reste au coeur des explications données à ce phénomène. En effet, il n'est point dans cette recherche question de prétendre rejeter cette explication, mais plutôt de voir cette réalité sous un nouvel angle. L'objet en lui même, comme rappelé précédemment, n'est pas une nouveauté mais la grille d'analyse l'est un peu plus. L'objectif majeur étant de :

    -porter notre regard sur le pays de départ pour expliquer la dualité étude-travail chez les étudiants Sénégalais et Maliens. Il s'agira de mettre en lien les projets d'émigration des étudiants et leur recours au travail dans le pays d'accueil. En des termes clairs, il s'agit de montrer que chez les étudiants Sénégalais et Maliens, la raison du départ est toujours double pour eux: à la raison proprement universitaire se trouve toujours associée aux opportunités d'insertion dans le marché du travail dans le pays d'accueil.

    Nous avons également comme objectifs secondaires de:

    -Saisir les motivations pour des études à l'étranger. En effet, ceci nous permettra de mieux comprendre la préparation, les stratégies, les attentes, les projets des étudiants étrangers en France. Pourquoi la France et pas un autre pays pour effectuer ses études ? Qu'est ce qu'on privilégie en choisissant la France comme pays d'études ?

    -Analyser le rapport que les étudiants entretiennent avec le travail rémunéré pendant les études : comment le perçoivent-ils ?comment se perçoivent-ils ?

    Chapitre 2 : Quelques notions à préciser.

    2.1. L'étudiant étranger ?

    Avant de s'investir sur la question du cumul étude-travail chez les étudiants étrangers, une question s'impose : qui est étudiant étranger ? En effet, beaucoup de données statistiques sont publiées en France et dans un certain nombre de pays alors qu'ils ne reflètent pas complètement la réalité concernant les étudiants étrangers. D'après le rapport d'étude effectué par Borgorno et Vollenweider-Andresen sur les étudiants maghrébins en France, il existe deux catégories d'étudiants étrangers qui se fondent d'une part sur la nationalité et d'autre part sur le type de mobilité.

    -La première catégorie est composée d'étudiants étrangers venus en France dans le but d'effectuer des études. Cette catégorie encore appelée les étudiants étrangers expatriés, est composée d'étudiants dont les parents sont de nationalité étrangère et qui réside à l'étranger. Il s'agit plus précisément des étudiants qui sont titulaires d'un diplôme étrangers.

    - La seconde est composée d'étudiants étrangers de parents de nationalité étrangère résidant en France. Il s'agit donc des étudiants issus de l'immigration mais aussi de ceux dont l'installation des parents peut être considérer comme temporaire.

    Selon Alain Coulon dans la grande majorité des pays, la nationalité reste encore la seule dimension pour définir l'origine d'un étudiant. Or, un étudiant peut très bien avoir une nationalité étrangère mais être un résident non-permanent du pays d'accueil, ou issu d'une famille étrangère qui réside dans le pays d'accueil.10(*)Il en est de même pour les étudiants qui sont des réfugiés politiques. Ces derniers sont considérés et recensés comme «étrangers» alors qu'ils ne se sont pas déplacés pour continuer leurs études. Il existe cependant un trait commun avec les étudiants étrangers en mobilité qui est sans doute leur origine étrangère mais leurs conditions de vie et leur statut sont assez différents et particuliers. Par étudiants étrangers en mobilité, nous entendons ceux qui sont de «nationalité étrangère», de parents de nationalité étrangère et résidant à l'étranger, nés et ayant effectué leur scolarité à l'étranger, titulaires d'un titre étranger d'accès à l'université (F. Aubert, M. Tripier, F. Vourc'h, 1996). A ce propos, l'UNESCO abonde dans le même sens. Selon cet organisme est étudiant étranger, « une personne inscrite dans un établissement supérieur d'un pays ou d'un territoire où elle n'a pas sa résidence permanente» (1999). Une distinction est alors faite entre «étrangers résidents» et «étrangers en situation de mobilité».

    La population d'étudiants étrangers en France est composée de plusieurs catégories en fonction de leur situation et du cadre de leur voyage en France. Ainsi, dans le rapport d'information sur l'accueil des étudiants étrangers, Alain Clayes distingue cinq types d'étudiants qu'il classe dans deux groupes :

    a) Les étudiants en situation de mobilité :

    1. Les étudiants boursiers (bourse française, bourse du pays d'origine)

    2. Les étudiants dans un système d'échanges

    3. Les étudiants prenant des initiatives individuelles : leur démarche de venir étudier en France résulte d'une initiative personnelle et ils ne bénéficient d'aucune aide spécifique. On les appelle les étudiants « individuels » ou « privés ».

    b) Les étudiants étrangers résidents :

    4. Les étudiants réfugiés politiques

    5. Les étudiants étrangers résidents, temporairement ou non

    Dans ce travail de recherche, nous avons choisis de s'intéresser aux étudiants étrangers en situation de mobilité et qui viennent de l'Afrique subsaharienne.

    2.2. Projet migratoire

    Le projet migratoire est une notion dont l'usage est de plus en plus courant dans la littérature sur les migrations. Cette notion occupe une place centrale dans cette étude. Avant de procéder à sa définition, il convient de s'attarder un peu sur le mot « projet ».

    Dans son ouvrage intitulé Anthropologie du projet, Boutinet précise le caractère prévisionnel du projet. Il le définissant comme « une anticipation opératoire, individuelle ou collective d'un futur désiré » (Boutinet, 1990, p.77). Cette définition renvoie à un futur souhaité, le projet s'intègre dans l'histoire de son auteur singulier ou collectif. Selon cet auteur, la notion de projet se rapporte à plusieurs situations quotidiennes de la vie : les situations existentielles à projet, les activités à projet, les objets à projet, les organisations à projet et le projet de société.

    La dimension stratégique sera par la suite posée par Lévy et Lussault pour qui le projet peut se définir comme une procédure stratégique, pragmatique et contextuelle dont la fabrication est intentionnelle (Lévy et Lussault, 2003) Cette définition met en avant d'une part le rôle des éléments contextuels dans l'élaboration du projet, d'autre part, la conscientisation de sa construction et son caractère actif sur la réalité.

    Pour définir la notion de projet migratoire nous nous sommes appuyés sur les travaux de plusieurs auteurs issus de différentes disciplines tels qu'Emmanuel Ma Mung, Florence Boyer, Paul-André Rosental ou encore Mihaela Nedelcu. En effet, ces derniers ont tous mobilisé l'expression « projet migratoire » dans leurs travaux et s'accordent tous sur le caractère dynamique du projet migratoire. Ainsi ils s'accordent sur l'idée selon laquelle le projet migratoire est révélateur de la capacité des migrants à se projeter dans le temps d'une part, et du fait qu'il est en constante évolution d'autre part.

    Selon Emmanuel Ma Mung (2009) le projet migratoire est un concept peu éclairci dont l'explication donné est l'intention de quitter un lieu pour un autre et/ou l'accomplissement même de la migration avant que celle-ci ait atteint son terme. En effet, pendant longtemps, le modèle push and pull a servi d'explication à la migration. Selon ses théories, il existe dans le pays d'accueil des facteurs attractifs et positifs et des facteurs négatifs répulsifs dans le pays d'origine favorisant le départ. Ces derniers s'inscrivant donc dans une logique cause/conséquence de type déterministe ou les réalités du milieu conduiraient les migrants à quitter leur pays à la recherche d'une vie meilleur. Aujourd'hui, de nombreux penseurs prônent l'idée selon laquelle il faudrait dépasser ses théories. Ainsi comme le souligne Mihaela Nedelcu:

    « Si l'absence d'une infrastructure performante ou d'opportunités de développement dans le pays d'origine participe à pousser les spécialistes au départ, leurs trajectoires et projets de vie sont souvent très complexes, fruits de la capacité des individus à négocier avec des infrastructures étatiques qui encadrent leurs migrations, à mobiliser des ressources variées et à adapter leurs attentes dans un jeu permanent des possibles ». (Nedelcu, 2005, p.5)

    Dans une étude sur les migrants circulaires (2005), Florence Boyer précise que pour expliquer les migrations, il ne faudrait surtout pas qu'on se limite sur les facteurs répulsifs propres à l'espace de départ ni des caractéristiques du pays d'accueil. Dès lors l'introduction de la notion de projet migratoire permet de ne plus considérer le migrant comme un agent social dont ses actions et comportements sont guidés par des facteurs extérieurs. Mais il conviendra de considérer le migrant comme un acteur indépendant, capable de donner un sens à ses actions. Il s'agira alors de redonner une place aux actions des hommes en partant du point de vue du migrant. Cette notion devient alors suffisamment large pour rendre compte à la fois des intentions de mobilité et des conditions de réalisation de cette mobilité. F. Boyer inscrira également la notion de projet migratoire dans une vision dynamique en l'associant à deux dimensions : temporelle et contextuelle. Pour l'auteure :

    « En tant que projection dans l'avenir, le projet se caractérise par une dimension temporelle fondamentale; il s'inscrit dans un continuum temporel qui participe de sa redéfinition constante. Le présent n'étant qu'une actualité de l'avenir et l'avenir n'étant qu'un futur prochain, le projet est sans cesse amené à être redéfini au fil du continuum en fonction du contexte et des stratégies sociales et/ou individuelles. Si nous ramenons cette remarque à l'analyse du projet migratoire, cela revient à dire qu'il se construit certes au départ, mais tout au long de l'histoire migratoire, lors des séjours à l'étranger, comme lors des retours. » (Boyer, 2005, p.52)

    Parler de projet migratoire conduit alors à privilégier une analyse dynamique qui se fonde sur le continuum temporel. Si au départ le migrant dispose d'un certain nombre d'informations et de connaissances sur la ou les possibilités du lieu de destination, celles-ci ne sont que partielles et déformées ; il éprouve par ailleurs des besoins qui le conduisent à partir et suppose qu'il pourra satisfaire ces besoins en migration.

    Emmanuel Ma Mung (2009) dans ses travaux, nous apprendra que la notion de projet migratoire nous permet de comprendre les migrations non plus comme les résultats de mécanismes agissant à l'insu du migrant, comme par exemple la combinaison de forces économiques, mais plutôt comme la réalisation d'une intention propre au migrant. Cette notion nous a ainsi paru essentielle voir même centrale pour construire la problématique de notre objet de recherche. Ainsi, en nous appuyant sur la conception de ces deux auteurs, nous utiliserons cette notion pour comprendre la dualité étude-travail chez les étudiants. Toutefois, nous intégrerons dans cette recherche la dimension sociale dans le projet migratoire. A notre avis, de même que les migrations de travail, la mobilité étudiante est aussi très complexe et que plusieurs raisons entrent en jeu dans la décision partir. Loin d'être uniquement individuelle, le projet est aussi social puisque l'individu s'insère dans un groupe plus ou moins large et son départ implique l'ensemble de ce groupe. Cette implication peut être le financement du voyage comme c'est le cas de nombreux étudiants étrangers. D'où l'importance pour nous de s'intéresser au condition de départ de ces étudiants pour pouvoir avoir une lecture complète sur les facteurs explicatifs de la dualité étude-travail. Ainsi pour répondre à notre question, il est important d'identifier les éléments contextuels et individuels qui interviennent dans le processus décisionnel. Pour cela il est nécessaire de s'intéresser aux motivations des étudiants à aller étudier à l'étranger. Dans cette perspective, nous estimons que la possibilité de travailler pendant les études constituerait un élément majeur dans la prise de décision pour aller en France. Dés lors pour expliquer le recours au travail, nous jugeons nécessaire de porter notre regard depuis la constitution du projet migratoire ainsi que des modifications dans le temps.

    Chapitre 3 : Démarche méthodologique

    La nature de la recherche qui se propose de comprendre le travail rémunéré des étudiants nous commande une méthodologie essentiellement qualitative. Celle-ci nous permettra en effet, de saisir les logiques qui sous tendent la dualité étude-travail chez les étudiants Maliens et Sénégalais mais également de comprendre par la suite les dynamiques et les stratégies que les étudiants adoptent afin de concilier le travail et les études. Cette méthodologie qualitative nous apparait essentielle dans la mesure où il nous servira afin de produire une analyse plus complète de la réalité des étudiants qui sont engagés dans la dualité « travail rémunéré et études ».

    Ici, les étudiants sont vus dans la perspective de l'acteur au sens wébérien du terme. Ce dernier part sur l'hypothèse selon laquelle l'action sociale est le comportement auquel l'homme donne un sens orienté par rapport à autrui. Ainsi la sociologie doit être compréhensive en ce qu'elle doit rechercher le sens, les motifs des comportements humains puisque ceux qui sont constitutifs des actions dont il s'agit de rendre compte. L'homme est un être de conscience qui agit en fonction de sa compréhension du monde et des intentions qu'il a. A ce propos, l'étude de la dualité étude-travail nécessite une pénétration profonde des croyances et des motivations à l'action, les mobiles d'agir et les sentiments exprimés par ces étudiants dans l'exercice d'une activité rémunérée pendant les études. D'ou l'importance de la notion de projet migratoire. Cette dernière nous permettra d'être en possibilité de comprendre l'attitude des étudiants ainsi que leur comportement sachant au préalable leur fondement et leur raison.

    3.1. Choix du terrain

    Cette étude s'est effectuée dans la ville de Poitiers. Ce choix est en grande partie lié au statut de la ville comme étant étudiante mais aussi une des destinations privilégiées des étudiants étrangers. En effet, l'aire urbaine de Poitiers est la première ville étudiante de France pour sa densité d'étudiants, devant Montpellier, Rennes, Nancy, Grenoble et Besançon avec une population constituée de 20 % d'étudiants11(*).Avec plus de 10% d'étudiants étrangers, l'Université de Poitiers se situe légèrement au-delà de moyenne nationale. Sur ce, nous estimons qu'il est plus pertinent mener la recherche dans cette ville.

    Aussi, faudrait-il ajouter à cela que, étant étudiant dans la ville depuis deux ans, j'ai eu à côtoyer beaucoup d'étudiants qui exercent une activité salariale. Cette proximité que j'ai avec eux, surtout ceux venant du Sénégal et du Mali, me pousse à penser qu'il sera plus facile de les aborder pour espérer obtenir des entretiens. En réalité, aller dans une autre ville m'obligera à trouver un logement mais aussi à prendre le temps nécessaire pour trouver nos enquêtés et d'établir les relations de confiance qu'il faut pour espérer avoir des entretiens de qualités. Ce qui sera non seulement couteux mais aussi, nous prendra beaucoup de temps. Ainsi le choix de rester dans la ville de Poitiers reste stratégique compte tenu des moyens et du temps que nous disposons.

    3.2. La population d'étude.

    3.2.1. Critère de sélection.

    En conformité avec l'objectif de la recherche, qui est d'explorer les logiques qui sous tendent la dualité étude-travail, nous avons ciblé, en général, les étudiants originaires de l'Afrique de l'Ouest, et en particulier, ceux qui sont issus du Mali et du Sénégal. Toutefois,

    « Il est très rare qu'on puisse étudier exhaustivement une population, c'est-à-dire en interroger tous les membres. Ce serait si long et si coûteux que c'est pratiquement impossible. D'ailleurs c'est inutile : interroger un nombre restreint de personnes, à condition qu'elles aient été correctement choisies, peut apporter autant d'informations, à une certaine erreur près, erreur calculable et qu'on peut rendre suffisamment faible. Le problème est de choisir un groupe d'individus, un échantillon, tel que les observations qu'on fera sur lui, pourront être généralisées à l'ensemble de la population ; il faut donc que l'échantillon présente les mêmes caractéristiques que la population, qu'il soit représentatif. » (Ghiglione et Matalon, 1982)

    Dans cette optique, il nous faut un nombre limité d'individus dont on va observer et mesurer un caractère dans le but de tirer des conclusions applicables à la population entière à l'intérieur de laquelle le choix a été fait. Toutefois, nous précisons avant tout que, par travail, nous entendons ici toute activité rémunérée déclarée ou non, menée pendant les études à temps plein ou à temps partiel par l'étudiant exceptés ceux ayant un lien avec les études faites par l'étudiant (stage, charger de cours, moniteurs etc.) ne car contribuant à nos yeux à la formation de l'étudiant et de son carrière et donc présentent moins de risques pour ses études. Dans la recherche, nous exprimons le travail à travers plusieurs expressions : activité rémunérée, travail rémunérée, petit boulot, job étudiant etc. En réalité, l'observation montre qu'une grande part de cette population d'étudiants sénégalais et Maliens comme pour la plupart des étudiants Africains qui exercent une activité rémunérée s'investissent dans des petits boulots comme restauration, plonge, caissier, garde d'enfant etc.

    Il existe comme souligné dans les paragraphes précédents, une diversité dans la catégorie d'étudiant étranger : «étrangers résidents» et «étrangers en situation de mobilité». C'est dans ce sens que nous avons choisi de délimiter notre choix et de porter notre étude uniquement sur les étudiants en situation de mobilité. En effet, les étudiants étrangers qui correspondent effectivement à la mobilité sont de «nationalité étrangère», de parents de nationalité étrangère et résidant à l'étranger, nés et ayant effectué leur scolarité à l'étranger, titulaires d'un titre étranger d'accès à l'université (Aubert, Tripier, Vourc'h, 1996). Si nous avons choisi cette catégorie, c'est dans le but d'être en parfaite accord avec les hypothèses que nous avons posées. En d'autres termes, si nous voulons prendre en compte la notion de projet migratoire dans cette étude, il semble plus pertinent de porter cette recherche sur les étudiants qui sont en situation de mobilité. Toutefois, cette catégorie d'étudiant est loin d'être homogène Alain Clayes cité ci haut, cette catégorie peut aussi être scindée en trois groupes. Il s'agit :

    -des étudiants boursiers (bourse française, bourse du pays d'origine),

    -les étudiants dans un système d'échanges

    - les étudiants qui prennent des initiatives individuelles.

    C'est à partir de là que nous avons choisi de n'interroger que les étudiants qui viennent en France par leur propre initiative. Selon Alain Clayes, leur démarche de venir étudier en France résulte d'une initiative personnelle et ils ne bénéficient d'aucune aide spécifique. On les appelle les étudiants « individuels » ou « privés. Ces derniers ont pour particularité du moins pour l'écrasante majorité, de ne pas vivre avec leurs parents dans le pays d'accueil.

    Ainsi, pour constituer notre population d'enquête, nous avons tenu compte entre autres de la nationalité, de l'exercice d'une activité rémunéré pendant les études ou d'avoir eu l'expérience, de la durée dans le pays d'accueil. Ce choix inclut des hommes, des femmes et des jeunes d'âges variés.

    3.2.2. Présentation des personnes enquêtées.

    L'objectif de cette partie est de faire une description fine des caractéristiques des répondants qui composent notre enquête. Cette partie nous semble pertinente dans la mesure où elles nous permettront d'avoir une idée sur les propriétés sociales de nos répondants. En réalité, il est clair que la situation sociale de nos répondants n'est guerre identique. Dans les deux cas, nos répondants présentent l'hétérogénéité des mondes migratoires puisqu'elles rassemblent en leur sein des individus qui ne sont pas venus en France pendant la même période et qui sont aussi issus de classes sociales différentes.

    Rappelons que nous avons interrogé 11 personnes dont 6 Sénégalais et 5 Maliens. De ce nombre, on y compte 8 hommes et 3 femmes. Un seul parmi nos répondants est marié, sa femme se trouvant au Mali. Tout le reste est composé de célibataires. Quand à leur tranche d'âge, elle est située entre entre 24 et 30 ans. Concernant leur domaine d'étude, seuls deux parmi eux font des études en sciences (informatique, génie système industriel). Les autres sont inscrits en droit, géographie, anglais et philosophie. Pour ce qui est de leur durée de résidence en France, elle est tout aussi variée. A ce titre, deux des répondants vivent à France depuis 5 ans, trois autres en sont pour leur troisième année, trois autres sont en France depuis 2013 et trois parmi eux sont venus pour l'année 2015.

    Durée de Résidence en France

    5ans

    3ans

    2ans

    1an

    Total

    Sexe

    H

    F

    H

    F

    H

    F

    H

    F

    Sénégalais

    1

    1

    0

    1

    2

    0

    0

    1

    6

    Maliens

    0

    0

    2

    0

    1

    0

    2

    0

    5

    TOTAL

    1

    1

    2

    1

    3

    0

    2

    1

    11

    Toujours concernant nos répondants, nous soulignons également qu'ils ont des parcours migratoires très différents. Six parmi eux ont quitté leur pays d'origine pour s'installer directement à Poitiers. Ensuite trois autres ont fait d'autres villes comme Châtellerault, Lille et Reine avant de s'établir à Poitiers. Parmi les personnes interrogées, trois sont passés dans d'autres pays avant de s'installer à Poitiers. Il s'agit de deux Maliens qui ont eu une bourse après le bac pour poursuivre leurs études en Algérie et une fille Sénégalaise. Cette dernière, après son master 2 au Sénégal avait commencé à travailler dans une entreprise au Sénégal. Ce n'est que par la suite, par l'influence de ses soeurs qui sont aux états Unis et en Italie qu'elle est partie en Italie en 2010 pour honorer un contrat de travail en tant que auxiliaire de vie. Par la suite, elle est venue en France à Reine pour s'inscrire dans un master. Chose qu'elle n'a pas pu faire. Elle est restée là bas pendant toute l'année avant de venir à Poitiers pour s'inscrire en master 2.

    La plupart des activités exercées par ses étudiants ne sont pas qualifiées. On pourrait même parler d'une discrimination à l'embauche puisqu'il existe des boulots « spécial étudiants étrangers, de préférence africains». Depuis quelques années, il s'est développé une « véritable spécialisation des étudiants noirs d'Afrique dans certains métiers : gardiennage, hôtellerie, mais aussi ménage, services à la personne. (Amougou, 1997, p.97) Sur 11 répondants, la plonge est le travail le plus effectué soit 09 personnes. Quant aux filles, l'une a fait de la plonge, l'autre fut une femme de chambre et une dernière qui, parce qu'elle sait faire des tresses a eu sa propre clientèle. Elle reçoit ses clients dans sa chambre. Elle travaille aussi dans un salon de coiffure qui se trouve au centre ville.

    Pour clore cet exposé sur les caractéristiques générales de nos répondants, seule une personne parmi nos répondants nous donne des éléments qui laissent penser qu'elle provient d'une famille aisée. D'une mère qui est une ancienne dactylo secrétaire et d'un père qui est expert comptable, commissaire au compte cette fille sénégalaise a fait ses études primaires et secondaires dans des écoles privées catholiques ou la scolarité est très chère. Après son bac, son voyage a été entièrement financé par son père. Elle raconte que depuis son arrivée en France en 2010, c'est son père qui le prend en charge elle et sa soeur qui est aussi en France. Tous ces éléments combinés nous autorisent à dire qu'elle appartient à un milieu social favorisé.

    Quand aux autres répondants, ils proviennent tous de zones urbaines. Toutefois, ils sont issus de famille de classe social moyenne. Sept parmi eux soulignent que leurs parents sont à la retraite. Quant aux autres, leurs parents ne travaillent pas. Leur famille est prise en charge par leurs frères et soeurs qui sont parfois à l'étranger. Aucun parmi eux n'est boursier.

    3.3. Outils de collecte des données.

    Dans la mesure où le choix de la méthode est toujours assujetti à la nature du sujet à explorer et que notre étude porte sur des questions d'opinion faisant appel à des données discursives, nous estimons que la méthode qualitative est la mieux appropriée à utiliser. Celle-ci consiste en un ensemble de techniques qui donne un aperçu sur le comportement, les attitudes et la perception des gens sur lesquels porte l'étude. Elle permet aussi d'étudier leurs opinions sur un sujet particulier, de façon plus approfondie que dans un sondage. Elle génère des idées et des hypothèses pouvant contribuer à comprendre comment une question est perçue par la population cible et permet de définir ou cerner les options liées à cette question. La démarche qualitative regorge de plusieurs méthodes. Dans notre étude, l'entretien semi directif et les récits de vie sont mobilisées pour la collecte des informations.

    3.3.1. L'entretien semi directif

    Conformément à la spécificité de notre objectif de recherche, nous avons choisi de réaliser une recherche de type qualitatif. A ce titre, nous avons utilisé l'entretien semi directif en guise de technique de collecte de données. Le choix de cette approche s'explique par le caractère exploratoire de notre recherche. Ainsi, vu l'objectif spécifique de la présente recherche qui est d'analyser les motivations, les expériences, les conduites et les logiques individuelles des étudiants à l'exercice d'une activité rémunéré, l'entretien semi directif nous a paru comme l'outil le plus adapté pour recueillir des données de nature subjective comme celles dont il est question ici. À ce propos, Blanchet et Gotman nous renseignent que:

    « l'enquête par entretien est particulièrement pertinente lorsque l'on veut analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques, aux événements dont ils ont pu être les témoins actifs, lorsque l'on veut mettre en évidence les systèmes de valeurs et les repères normatifs à partir desquels ils s'orientent et se déterminent. » (Blanchet et Gotman, 1992, p.27)

    C'est «un système d'interrogation à la fois souple et contrôlé» nous apprennent Guibert et Jumel. Ces derniers la définissent comme la méthode qui «consiste à faciliter l'expression de l'interviewé en l'orientant vers des thèmes jugés prioritaires pour l'étude tout en lui laissant une certaine autonomie. » (Guibert et Jumel, 1997, p.102) Toujours dans le but de montrer le bien-fondé de l'entretien semi directif, Quivy et Campenhoudt soulignent que cette méthodologie de recherche qualitative convient particulièrement lorsqu'il est question d'analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés; leurs systèmes de valeurs, leurs repères normatifs, leurs interprétations des situations conflictuelles ou non, leurs lectures de leurs propres expériences, etc. (Quivy et Campenhoudt, 1995) Dés lors, l'entretien semi directif nous permettra de recueillir des informations concernant le sens que ces étudiants accordent au travail rémunéré. Comme le souligne Blanchet et Gotman (1992, p. 24) l'enquête par entretien peut aussi s'inscrire dans la sociologie compréhensive de Weber dont l'objectif spécifique comme nous nous l'avons souligné dans les paragraphes précédentes est l'activité, définie comme un comportement compréhensible par le sens que lui attachent les acteurs, sens à la fois subjectif et intersubjectif. »

    Pour la réalisation des entretiens, nous avons utilisé un guide d'entretien sur lequel nous nous appuierons pour mener à bien notre enquête. Dans ce guide d'entretien, nous avons proposé des thèmes à chaque répondant sous forme de questions ouvertes ou à développement. Afin de mieux travailler les concepts qui sont au coeur de notre réflexion, notre guide d'entretien compte les dimensions suivantes :

    Ø Emergence du projet. En effet, la question de la préparation vers la France nécessite des préalables. Ici, nous nous sommes intéressé à l'image et les représentations que les enquêtés avait de la France, au contexte social et économique de l'étudiant dans le pays de départ, de ses motivations pour partir en France mais aussi de ses attentes une fois dans le pays. Qui a eu cette idée (projet élaboré de longue date, hasard d'une rencontre) : le jeune, la famille etc. Pourquoi vouloir parti ? pourquoi la France ?

    Ø Mise en oeuvre du Projet : Dans cette partie, nous avons pensé à relever des informations très précises sur l'ensemble des démarches que l'étudiant a du accomplir pour partir (démarches administratives auprès de l'ambassade, financement etc.) comment le voyage s'est réalisé ?, les acteurs impliqués dans la réalisation du projet (qui a fait quoi ?) le rôle joué par la famille et l'entourage etc. Nous nous sommes également intéressés aux conditions de vie de l'étudiant dans le pays d'accueil, du financement de ses études, de sa perception actuelle de la France etc.

    Ø Rapport au travail : la question du travail de l'étudiant pendant les études a été directement abordée ici. Pourquoi travail t-il ? Comment perçoivent-ils ce travail ? Ces différentes questions nous ont permis de recueillir les opinions et points de vu des enquêtés par rapport à l'exercice d'une activité rémunérée.

    Ø Liens avec le pays de départ : Cette dernière partie consiste à recueillir des données sur les types de relation que les étudiants entretiennent avec leurs origines sociales. Bénéficient-ils d'un soutien familial ? s'adonnent-ils à des transferts d'argent ? pourquoi ? Envisagent ils un retour au pays de départ ?si oui pourquoi ? si non pourquoi ? ces questions subsidiaires nous permettront de compléter nos informations.

    3.3.2. Récit de vie

    A coté de l'entretien, nous nous sommes aussi fait des récits de vie. Cette méthode constitue une méthode qualitative congruente pour appréhender le sens des phénomènes humains à travers leurs temporalités, tels la construction identitaire individuelle, les trajectoires sociales, les changements culturels, etc. C'est un type d'entretien particulier puisqu'il est demandé à quelqu'un de se remémorer sa vie et de raconter son expérience propre. L'intérêt de cette méthode dans notre travail est qu'il nous nous a permis de saisir les logiques d'action selon le sens même que nos enquêtés confèrent à leurs trajectoires migratoires. Loin de singulariser les cas, le récit de vit permet de situer le réseau dans lequel les enquêtés se positionnent et d'inscrire les phénomènes sociaux dans un enchaînement de causes et d'effets. Nous nous situons dés lors dans une approche compréhensive du vécu (Kaufmann, 1996, p.23) qui conçoit les enquêtés comme des « producteurs actifs du social, des dépositaires d'un savoir important qu'il s'agit de saisir de l'intérieur, par le biais du système de valeurs des individus ». Le vécu est donc envisagé comme source d'un savoir phénoménologique (Bertaux, 2003).

    Nous avons utilisé cette méthode dans le but de saisir la trajectoire de chaque personne interrogée. Au cours de cet exercice, trois points fondamentaux ont été pris en compte: l'avant départ, l'arrivée en France et la vie présente en France. Ce qui nous permettrait de compléter les informations obtenues avec les entretiens en ayant des idées larges sur les motifs de départ, les moyens de financement du voyage bref sur ce qui a engendré la décision de partir à l'étranger. Cette méthode a permis aussi de savoir s'il existe un lien entre les motifs de départ et le recours au travail dans le pays d'accueil mais aussi d'analyser le type de lien social que les personnes interrogées entretiennent avec leur nouvel environnement d'accueil, les différents passages qui ont marqué leur séjour dans le pays et qui pourrait influer sur la décision de travailler.

    3.4. L'analyse thématique comme méthode d'analyse.

    Une fois les données de terrain recueillies, le chercheur doit maintenant les traiter. En effet, les entretiens retranscrits contiennent un ensemble d'informations qu'il nous faudra repérer, classifier, analyser et interpréter pour en extraire la ou les signification(s). En d'autres termes, les discours qui sont produits par nos enquêtés englobent un ensemble d'informations, des données brutes dont il faudra découvrir le sens, en un mot qu'il faut 'décortiquer.

    Selon Mucchielli et Paillé « toute analyse qualitative passe par une certaine forme de thématisation » (Mucchielli, 2008, p.161). Ainsi, dans notre étude, l'analyse thématique est retenue comme la méthode la plus appropriée. Celle-ci s'insère dans la panoplie des méthodes et techniques d'analyse de contenu.

    L'analyse thématique consiste à « transposer d'un corpus donné en un certain nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé, et ce, en rapport avec l'orientation de la recherche (la problématique)» (Mucchielli, 2008, p.162). Elle a comme but de dégager les éléments sémantiques fondamentaux en les regroupant à l'intérieur des catégories. Les thèmes sont des unités sémantiques de base, c'est-à-dire qu'ils sont indifférents aux jugements ou aux composants affectifs. Contrairement à l'analyse textuelle qui étudierait individuellement chaque entretien, il s'agit ici, avec l'analyse thématique de repérer et regrouper les thèmes du corpus, en traversant tous les entretiens transcrits12(*)comme nous l'explique Bardin : « La manipulation thématique consiste ainsi à jeter l'ensemble des éléments signifiants dans une sorte de sac à thèmes qui détruit définitivement l'architecture cognitive et affective des personnes singulières. » (Bardin in Blanchet, 2010, p.96) L'analyse thématique peut être considérée ainsi comme un outil d'analyse des unités de base qui ensuite peuvent être classifiées en opinions, attitudes et stéréotypes. Ainsi, il s'agit ici, de repérer les unités sémantiques qui constituent l'univers discursif des entretiens.

    Nous avons mis en évidence au sein de la partie concernant les résultats de la recherche les thèmes évoqués qui composent notre guide d'entretien oui qui ont été évoqué par nos répondants lors des entretiens. Ainsi, nous allons réaliser une analyse de ces thèmes, en fonction des variables recherchées dans notre étude et en nous appuyant sur les éléments théoriques présentés dans les chapitres précédents.

    3.5. Négocier notre terrain

    Après l'élaboration de la partie théorique, le passage au terrain pour recueillir des données d'enquête est une obligation pour les chercheurs. Cependant, trouver des personnes à enquêter n'est pas aussi évident qu'on le pense. Pour la plupart du temps, établir des relations de confiance est presque une obligation pour mener à bien son terrain. Cette partie s'intéresse à la manière dont j'ai négocié mon terrain, c'est-à-dire la série de démarches (prises de contacts, entretiens, échanges oraux ou écrits...) que j'ai eu à faire pour récolter des données empiriques que j'analyserais plus tard.

    Etant moi même étudiant étranger venu du Sénégal, je peux sans risque dire que je mène une étude auprès d'un groupe à lequel j'appartiens. Résidant dans une cité universitaire, je suis en contact en permanence avec les étudiants de diverses nationalités en particulier ceux venant de l'Afrique subsaharienne comme les Sénégalais et les Maliens. En réalité j'entretiens avec eux de bonnes relations. Mon plan était de me servir de mon engagement associatif pour espérer élargir mes chances de trouver des enquêtés avec qui nous pourrons effectuer des entretiens qui nous permettront de pouvoir répondre à nos hypothèses. C'est d'ailleurs pourquoi je pensais qu'il serait plus facile pour moi de trouver des personnes à enquêter. Toutefois, les réalités du terrain m'ont montré le contraire. En effet, j'ai contacté plusieurs étudiants qu'ils soient Sénégalais ou Maliens qui ont montré leur réticence par rapport à mon sujet ou qui on même refuser catégoriquement à m'accorder un entretien.

    Dans cette situation, il m'a fallu user de mon propre réseau d'interconnaissance et de ma proximité avec eux en leur faisant savoir que ce mémoire compte beaucoup pour moi et qu'il n'y a aucun danger puisque les entretiens seront à l'anonymat. Il m'a fallut instaurer d'avantage cette relation de confiance pour avoir des répondant sénégalais.

    Concernant les étudiants maliens, l'idée à été de se rapprocher de l'Association des Etudiants et Stagiaires Maliens de Poitiers pour être en contact avec eux. Ma porte d'entrée a été un étudiant Malien qui fait parti de cette association et avec qui je loge dans la même résidence. J'ai pris le soin de bien l'expliquer mon sujet et de mon souhait d'interroger des étudiants Maliens. Après avoir fait un entretien avec lui, il m'a donné le numéro de téléphone d'autres étudiants Maliens que j'ai contacté par la suite. La méthode boule de neige étant donc ma stratégie pour constituer nos répondants. En précisant que je n'ai pas pu interroger des Maliennes. Ceci étant du aux réalités du terrain. En effet, je tenais toujours à demander aux étudiants Maliens que j'interroge s'ils pouvaient me mettre en contact avec une étudiante malienne qui effectue à la fois les études et le travail. À ce propos, la réponse a été la même « cet année, il n'y a pas d'étudiante Malienne à Poitiers. » La seule fille qui peut être considérer comme Malienne est née en France et a fait toutes ses études en France. Elle n'est Malienne que de par ses parents. Ceci étant, j'ai jugé de ne pas l'interrogé car elle ne répondait pas à mon choix qui porte sur les étudiants en situation de mobilité.

    Au total, j'ai interrogé dans cette recherche 11 personnes dont six (6) Sénégalais et cinq (5) Maliens, parmi lesquels, on compte trois (3) femmes et huit (8) hommes tous âgés entre 24 et 30 ans.

    Enquêtés

    Hommes

    Femmes

    Total

    Etudiants Sénégalais

    03

    03

    06

    Etudiants Maliens

    05

    00

    05

    Total

    08

    03

    11

    En effet, le nombre de personnes interrogées s'explique par les réalités du terrain. En un moment donné, nous avons senti une redondance des réponses qui nous sont données par nos enquêtés. En fait, on s'est vite aperçu que la productivité de nos entretiens décroît. À chaque nouvel entretien, on obtient de moins en moins d'informations nouvelles. Voilà pourquoi nous avons pensé avoir atteint notre seuil de saturation pour reprendre les termes de Jean Pierre Olivier de Sardan13(*).

    Toujours dans la même logique de compléter les informations reçues lors des entretiens, je n'hésitais surtout pas à favoriser des discussions sur ce sujet lors des rencontres que j'avais avec des camarades étudiants. Puisque je suis en contact en permanence avec ces étudiants, je profitais toujours des moments de rencontres dans les cuisines des résidences universitaires avec les étudiants Sénégalais ou avec les étudiants Maliens. Pendant ces moments de complicités ou tous les sujets sont abordés dans les discussions, la question du travail et des relations avec les familles au bled sont souvent évoqué. C'était toujours l'occasion de favoriser ce sujet et de pousser ainsi les étudiants à s'exprimer. A la fin, j'écrivais toujours les informations qui me semblent capitales dans mon carnet de note. En somme, voilà comment j'ai fait pour réaliser cette enquête.

    Pour chacun de ces entretiens, j'ai utilisé le même guide d'entretien qui comportait 4 grandes parties :

    -L'avant départ : le parcours scolaire, la prise de décision pour partir à l'étranger, les motivations, le financement du voyage et les acteurs impliqué dans la réalisation du projet.

    -La vie en France : l'accueil en France, les conditions de vie, le financement des études.

    -Le rapport au travail : comment trouver du travail, les acteurs impliqués, les raisons du travail, l'alliance étude- travail.

    - Liens avec le pays d'origine : transfert d'argent, relation actuelle avec la famille ou le groupe social d'origine, projet de retour.

    Avant chaque entretien, il a été nécessaire de rappeler l'objectif de mon travail et ensuite préciser que ça sera à l'anonymat afin d'obtenir d'avantage la confiance de mon enquêté. Les entretiens effectués tournent autours d'une durée de 25 à 50 minutes. Cependant, lors des premiers entretiens, je me suis rendu compte ce n'était pas trop productif. Certaines questions n'avaient comme réponse que des oui ou des non. Je sentais que les enquêtés n'étaient pas forcément à l'aise. Toutefois, je me rendais compte qu'ils étaient plus libres à me parler à la fin de l'entretien c'est-à-dire dés que j'arrête l'enregistrement. C'est ainsi que j'ai commençais à continuer de poser des questions même à la fin des de l'enregistrement et je prenais des notes. Par là j'ai eu à avoir souvent des informations qui ne me sont pas données pendant l'enregistrement.

    Afin de compléter les informations reçues lors des entretiens, j'ai aussi effectué deux récits de vie avec une fille Sénégalais qui est en France depuis 3 Septembre 2009 juste après son baccalauréat. Puis un autre récit de vie avec un étudiant Malien en thèse qui est quant à lui en France depuis le 14 Octobre 2010. Ces deux récits de vie effectuée ont insisté d'avantage sur les conditions de vie de ces derniers avant leur arrivée en France, sur la situation socio économique de la famille ou du groupe social, des motivations de départ, des démarches effectués ainsi que le financement du voyage, l'accueil en France, la vie en France, sur leur parcours scolaire et les moyens de financement des études. J'ai aussi insisté pour savoir comment ils ont fait pour trouver du travail et pourquoi et aussi sur leur vie présente, de leur rapport avec les pays d'origine ainsi que les projets d'avenir.

    3.6. Approche réflexive de notre terrain

    Comme dans toute recherche, il est toujours nécessaire de faire une approche contextuelle des conditions de production des discours recueillis dans cette enquête. En effet, la situation de recueil des données, peut d'une manière ou d'une autre influer sur les réponses que nous obtentions de nos répondants. L'idée étant donc de montrer comment notre implication dans cette recherche peut influer sur notre détermination en tant que chercheur. De ce point de vue, nous devons à tout pris prendre conscience cette dimension humaine, prendre compte finalement de la légitimité de notre observation.

    Tout d'abord, il est important de préciser que, comme toute étude en sciences sociales, la démarche d'enquête utilisée connait aussi ses limites. En effet, faudrait il souligner que la méthode qualitative ne génère pas de données statistiques et les résultats ne peuvent être extrapolés à l'ensemble de la population. Ainsi, avec le nombre de personnes interrogées et qui n'excède pas 11 répondants et la spécificité de cette recherche qui est à caractère exploratoire, je ne peux pas m'autoriser à une généralisation exponentielle des résultats à l'ensemble de la population étudiante dans la ville de Poitiers. C'est pour cette raison que les données qualitatives sont relativement peu concluantes au plan statistique et qu'elles ne devraient être utilisées à titre de pourcentages ou de chiffres que dans une approche de quantification des informations qualitatives. Il s'agit donc ici d'une recherche empirique qualitative à caractère exploratoire qui devrait plutôt alimenter la compréhension de cette dualité études-travail.

    Un deuxième obstacle d'ordre épistémologique peut aussi être évoqué. Il est lié à la position que j'ai par rapport à mon objet d'étude. En plus de mon statut de chercheur, rappelons que socialement, je suis enraciné dans cette recherche car étant étudiant étranger venant du Sénégal et ayant déjà effectué une activité rémunérée. En d'autres termes je suis sujet et objet de ma recherche ou encore observateur et observé. Cependant, cette position ne devra en aucun cas être prise comme un atout pour la validité des données recueillies. En effet si la distance sociale du chercheur par rapport à son objet d'étude peut être un obstacle pour sa recherche, il en est de même pour sa proximité ou son implication dans la recherche. C'est dans cette perspective d'ailleurs que Mara Viveros, une anthropologue colombienne souligne que :

    « Un des risques auquel on est exposé quand on fait de l'anthropologie chez soi, c'est de rester aveugle à sa propre culture. Comment s'étonner de ce que nous vivons quotidiennement dans la société dans laquelle nous sommes nés? Comment avoir le regard étonné de l'étranger quand on étudie le comportement d'une population qui participe de sa propre culture ? Le chercheur a un double statut, d'acteur et d'observateur de la société. Comment passer de l'un à l'autre sans mélanger les genres ? » (Viveros, 1990)

    De toutes les manières, les conditions concrètes d'exercice de l'enquête commandent en grande partie l'attitude du sociologue, tout autant que l'objet qu'il étudie. Aucune science, et surtout pas la sociologie, n'est produite dans un milieu préservé des influences du monde extérieur. (Javeau, 1986) Dés lors l'importance réside dans la réflexivité en analysant à la fois les refus et les acceptations d'enquête.

    Analyser les refus et les acceptations d'entretien.

    Tout au début de la recherche, j'avais pensé qu'avec la proximité avec mess enquêtés, je ne serais pas confronté à des problèmes de refus. Mais à travers les premières démarches, ces présupposés de départ se sont très vite infirmés. D'abord au moment de fixer les rendez-vous avec les informateurs, quelques unes des personnes contactées m'ont systématiquement refusé des entretiens en me faisant savoir qu'ils ne sont pas à l'aise en parlant de ce sujet. Encore plus, ils me mettaient même en garde en me demandant de faire attention à ce que je dirai.

    En effet, ces cas de refus pourraient s'expliquer par le caractère de du sujet qui est un peu sensible. Le travail des étudiants étrangers pendant les années d'études reste d'actualité. Aujourd'hui les étrangers sont parfois traités avec un soupçon de fraude. L'idée est que certains viendraient en France avec le statut « étudiant » ou « malade » avec pour seul but de s'installer définitivement en France et de profiter du système.14(*) Notamment avec la circulaire de Guéant qui a suscité un tollé dans le monde des étudiants étrangers. Malgré son abrogation le 31 mai 2012, beaucoup se souviennent encore de cette épisode et reste très vigilant. Voilà pourquoi, en refusant d'accorder un entretien, certains étudiants m'ont fait savoir qu'ils ne sont pas à l'aise de parler de leur vie parce qu'ils ne savent pas entre les mains de qui, ce mémoire peut tomber. D'autres soutiennent que l'information qu'ils donneront pourrait peut être servir contre eux.

    De même, devant chaque année justifier au niveau de la préfecture qu'ils réussissent à leurs examens et qu'ils sont assidus aux cours magistraux, beaucoup d'étudiants n'aimeraient surtout pas parler de leurs activités rémunérées car dépassant largement le nombre d'heures autorisées pour un travail. D'autres par contre sont plutôt réticents car ayant peur de la préfecture qui pose souvent des problèmes aux étudiants lors du renouvellement des titres de séjours. Persuadés que certains sont venus pour s'installer, le passage à la préfecture est une véritable épreuve pour les étudiants étrangers et surtout ceux venant des pays sous développés.

    Toutefois, ces cas de refus ne devraient en aucun cas être considérés comme des biais à la recherche car ils font parti de la recherche en sociologie. Ces refus de terrain devraient être considérés comme normaux et nous renseignent sur les enjeux qui tournent autours de cette problématique de recherche.

    Quand aux personnes qui ont accepté de me parler, faudrait-il de même être vigilant aux réponses données. Il faut toujours tenir compte du fait qu'on a affaire à des êtres humains, doués de raison, capable d'innovations et de motivations. Ils acceptent de parler parce qu'ils ont des dispositions et des intérêts à parler. Etant Sénégalais qui effectue une étude auprès d'autres sénégalais et faisant parti de l'Association des Sénégalais, cette proximité sociale que j'entretiens avec la population d'étude peut pousser mes enquêtés à vouloir être à la hauteur de ce que j'attends d'eux. D'où une tentative parfois d'en diminuer ou d'en rajouter aux informations au risque de fausser la réalité sous prétexte de me satisfaire ou de bien me faire comprendre D'ailleurs, certains des enquêtés n'hésitent pas à demander après l'entretien si je suis satisfait des réponses qu'ils m'ont données. D'autres encore me proposer un autre rendez-vous si jamais je ne suis pas satisfait des réponses. Ce qui semble intéressant à souligner dans la mesure où ceci peut être un biais pour mon travail Cette tentative de vouloir rendre service ou encore d'être à la hauteur des attentes peut soulever la question sur la fiabilité de leurs propos. D'où la nécessité d'établir des stratégies de distanciation par rapport aux interlocuteurs. Ce que Gérard Althabe a nommé « l'opération fondatrice ». « L'absence de vigilance à l'égard de la perspective engendrée par l'opération fondatrice a des effets singulièrement négatifs dans la pratique d'enquête, cela d'autant plus que chercheur et sujets vivent dans un même monde social, partagent normes et codes, un langage surtout. Dans sa rencontre avec les sujets, l'ethnologue court le risque de perdre son autonomie, de se voir imposer par ses interlocuteurs des réponses que seule la démarche d'investigation peut fournir. [...] Il lui faut donc reconquérir en permanence son autonomie ; celle-ci passe par la distance qu'il réintroduit dans chaque rencontre, les représentations que les sujets lui donnent de leur monde social ou de celui des autres étant replacées dans la problématique de l'édification du mode de communication et interprétées dans ce cadre » (Althabe, 1990) Dés lors, il s'agira alors, parce qu'étant très proche de mon terrain, d'adopter en permanence des stratégies d'autonomie. Quelle que soit la proximité que j'entretiens avec mes enquêtés, il faudra mettre en oeuvre des stratégies marquant une dés-implication dans les jeux sociaux.

    Deuxième Partie :

    Analyse des données

    Chapitre 4: Les motivations et les raisons de partir

    Dans cette partie, il sera question de traiter les raisons qui poussent les étudiants Sénégalais et Maliens à la mobilité. En effet, la question des motivations des étudiants pour partir à l'étranger constituent une thématique très présente dans les études faites sur les étudiants étrangers. En réalité, s'intéresser aux motivations permettrait dans une large mesure d'avoir une idée beaucoup plus claire sur la préparation du voyage, les stratégies mises en place par ces étudiants, les attentes et projets de ces derniers. Pourquoi la France et pas un autre pays pour effectuer ses études ? Qu'est ce qu'on privilégie en choisissant la France comme pays d'études ?etc.

    Ce qu'il faut surtout savoir c'est que chaque composante de la population étrangère des universités peut avoir ses propres raisons pour s'inscrire dans une université à l'étranger. Compte tenu des nombreuses théories15(*)faites à ce propos, il est facile de repérer un ensemble de variables qui sont évoquées et pouvant être qualifiées de facteurs d'attraction comme la qualité de l'enseignement dispensé dans les pays occidentaux comme la France, au prestige associé au diplôme français sur la scène internationale mais aussi aux opportunités de trouver du travail offerte par la France.

    Toujours parmi les facteurs qui favorisent la mobilité étudiante, il existe aussi des facteurs qualifiés de répulsifs ou de facteurs « centrifuges » telle que la situation économique des pays d'origine, la défaillance de l'enseignement supérieur des pays d'origine, au chômage des jeunes, mais aussi des problèmes socio-familiaux des étudiants.

    4.1. Les raisons pédagogiques.

    Aujourd'hui, le système universitaire de nombreux pays de l'Afrique est touché par des crises sans précédant. La vulnérabilité des milieux universitaires et scolaires est d'autant plus grande face à la tentation de migrer que les perspectives d'emploi, voire même de réussite scolaire tout simplement, sont devenus sombres. Les universités des pays d'origine souffrent de carences, de défaillances qui obligent parfois les étudiants à la mobilité. En réalité, nos répondants ont désigné dans l'unanimité, le blocage que les universités de leurs pays ont connu dans ces dernières années suite aux nombreuses perturbations, à la qualité de l'enseignement qui se dégrade de plus en plus, comme un des motifs les poussant au départ vers l'étranger. A ce propos, la situation de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar peut servir d'exemple pour illustrer ce malaise qui traverse l'enseignement supérieur de ces pays. Alors considérée comme la plus ancienne structure d'enseignement supérieure francophone de la sous-région Ouest africaine avec ses 25 établissements de formation et de recherche, celle-ci a connu une véritable explosion de ces effectifs qui passent de 24 776 en 2001 à 75 188 en 2012.16(*)Ces transformations sur le plan démographiques ont même poussées le gouvernement à créer d'autres universités comme celle de Bambéy dans la région de Diourbel, mais aussi l'université de Ziguinchor dans le but de permettre à l'UCAD de réduire ces effectifs. A cela ajoutons, les nombreux amphithéâtres qui sont construits à l'UCAD. Toutefois, force est de constater que ces efforts n'ont pas eu les résultats escomptés. La population étudiante ne cesse d'augmenter. Chaque année, on note des conflits entre le syndicat des enseignants et le gouvernement. L'augmentation des salaires et des indemnités de logement constituent les principales revendications des enseignants qui se lancent dans des grèves qui ne terminent jamais.

    Les étudiants de leur coté, revendiquent eux aussi l'amélioration des conditions d'étude et réclament leur bourse que l'Etat n'arrive plus à payer, paralysant ainsi le système universitaire. Il suffit que ces étudiants s'agitent pour qu'il ait une intervention des forces de l'ordre. Chaque année, plusieurs affronts entre les étudiants et les forces de l'ordre donnant ainsi lieu à des coups de gaz lacrymogène, de matraques. Chaque revendication universitaire fait l'objet de bastonnade, d'interpellation entraînant des blessés et parfois même des morts.17(*)

    Le taux de chômage des jeunes sortant de ces universités ne cesse de s'accroitre. Au Sénégal, celui-ci est a atteint 49 % avec plus de 100000 nouveaux diplômés qui arrivent chaque année sur le marché du travail. Le gel des recrutements dans la Fonction publique et la prorogation de l'âge de la retraite ont un impact négatif sur l'entrée des jeunes dans la vie active en particulier chez les diplômés du système éducatif dont la formation est jugée inadaptée aux besoins exprimés par les chefs d'entreprise.18(*)

    Compte tenu des situations exprimées ci haut, entreprendre un voyage vers l'étranger s'impose aux yeux de beaucoup d'étudiants. La réussite est au bout du voyage semble t-il. Ainsi, sans hésitation, beaucoup d'étudiants se sont lancé dans des procédures pour un voyage vers l'étranger. A ce propos, la France reste la destination privilégiée pour de nombreux étudiants étrangers.

    Tableaux représentant les 5 premiers pays d'accueil des étudiants sénégalais en 2011.

    Pays

    Effectifs

    Pourcentage (%)

    France

    9 142

    77,1

    CANADA

    615

    5,2

    ETATS UNIS

    589

    5,0

    MAROC

    504

    4,3

    ARABIE SAOUDITE

    188

    1,6

    SOURCE : Unesco (extractions novembre 2013)

    Ce tableau ci-dessus place la France en tête des destinations privilégiées des étudiants Sénégalais désirant poursuivre leurs études à l'étranger. En effet ce nombre colossal des étudiants Sénégalais en France aurait pu être largement dépassé, avec l'effectif sans cesse grandissant des bacheliers et autres diplômés supérieurs désireux de poursuivre leurs études dans l'Hexagone et à qui le visa est refusé.

    Cette forte attraction de la France s'explique sans doute par l'enseignement de qualité dont font office les universités françaises sur la scène internationale. A travers le réseau campus France qui veille à la promotion de l'enseignement supérieur français, il y est indiqué que « l'excellence de l'enseignement supérieur français est largement reconnue à travers le monde. »19(*) En effet, ce pays bénéficie d'un prestige universitaire qui ne souffre d'aucune contestation. Selon l'enquête TNS Sofres pour Campus-France, 51% des étudiants africains de leur échantillon ont mis la volonté de bénéficier de meilleures conditions d'enseignement comme l'une des deux raisons principales ayant conduit à leur mobilité.

    A travers les entretiens effectués aussi, la qualité de la formation française revient très souvent et il ne fait aucun doute que cette bonne réputation de l'enseignement supérieur français constitue une des raisons principales de la mobilité des étudiants Sénégalais et Maliens. D'ailleurs ils le disent assez clairement :

    «Moi je voyais la France comme un pays qui pourra m'apporter beaucoup d'opportunités surtout au niveau des études. Puisque je faisais des études dans le domaine de la technique, je me disais qu'en France, il y a du matériel technique dont j'aurais besoin au cours de ma formation. » (Extrait d'entretien avec S.B, étudiant malien, étudiant Malien)

    L'idée étant réellement de venir en France pour bénéficier du système scolaire qui est, selon eux, réputé prestigieux et plus valorisé. Il faudrait cependant mettre en corrélation la qualité de l'enseignement aux défaillances des systèmes mais aussi aux difficultés d'insertion dans le monde du travail. En effet, pour de nombreux étudiants, il est beaucoup plus facile de s'insérer dans le monde du travail avec un diplôme étranger, français en particulier qu'avec un diplôme des pays d'origine. En réalité, dans ces pays comme dans nombreux autres pays anciennement colonisés par la France, même si la cela change petit à petit, force est de reconnaitre qu'il existe ce qu'on peut qualifier d'une survalorisation du diplôme français au détriment des diplômes nationaux. Une telle importance est attachée pour ces personnes détenteurs de diplômes étrangers au détriment des diplômés nationaux. En réalité, être titulaire d'un diplôme français ou simplement d'un pays occidentaux, c'est jouir d'un grand prestige. De telle sorte que ceux qui sont issus des universités locales, en plus d'un déficit d'emploi dans le pays, ont moins de chance à s'insérer dans le monde du travail. Ainsi, beaucoup d'étudiants préfèrent partir à l'étranger dans le but d'obtenir un diplôme qui leur permettra de s'imposer au futur dans le pays de départ. M.D, étudiant Sénégalais qui a fait ses études supérieures en droit à l'Université Cheikh Anta Diop souligne dans son entretien qu'

    «  Au Sénégal, la vie est très difficile. Des gens comme moi ont eu leur diplôme et n'arrivent pas à trouver du travail. Déjà dans la faculté ou j'étais, il y avait une association des diplômés chômeurs. Plus de 5000 étudiants qui ont eu leur diplôme et qui restent sans travail. Avec tout cela, je me disais que, une fois en France, tout va changer. Je me disais que quand j'aurais mon diplôme, je trouverai facilement du travail. D'autant plus que presque tous les gens qui sont dans les entreprises ou qui occupent un bon poste ont fait leurs études en France ou aux Etats Unis. De même que mes profs à l'université aussi comme je l'ai déjà dit. (Extrait d'entretien avec M.D, étudiant Sénégalais)

    Cette survalorisation du diplôme étranger est d'autant plus amplifiée par le fait que grande majorité des dirigeants des pays africains comme Léopold Sédar Senghor, ont, sous la période coloniale, effectué leurs études en France et sont ensuite rentrés dans leurs pays d'origine. C'est ainsi que beaucoup de jeunes estiment que partir en France pour continuer les études est un moyen efficace pour pouvoir s'insérer dans le monde du travail. Face à l'incapacité du marché de l'emploi à absorber les vagues successives de diplômés qui sortent chaque année du système éducatif, et l'inadéquation de la formation aux nouvelles exigences du marché de l'emploi, présenter un diplôme français constitue aux yeux de ces jeunes un véritable atout pour se distinguer du lot.

    4.2. La situation socio économique du pays de départ.

    Comme de nombreux autres pays africains, le Sénégal et le Mali connaissent une crise économique et sociale sans précédant entrainant ainsi d'amples phénomènes migratoires à l'intérieur du continent africain ou à l'étranger. Aujourd'hui, nombreux sont les écrits qui font recours à la situation économique pour expliquer l'exode vers d'autres cieux.

    Si l'essentiel de la population active du Sénégal évolue dans le domaine de l'agriculture, force est de constater que le secteur agricole de ce pays n'est plus rentable à cause des vagues de sécheresses successives. L'agriculture présente de graves faiblesses structurelles liées en partie à la désertification : les vents chargés de sable en provenance de la Mauritanie transforment progressivement le Ferlo (zone de culture de l'arachide située au centre du pays) en une zone aride. L'insuffisance de la production agricole s'explique aussi par l'insuffisance de quantité pluviométrique du pays mais également par la quasi-inexistence de moyens de production modernes (mécanisation, engrais, etc.). Ainsi, malgré les applications des politiques de redressement, les problèmes sociaux et le chômage se sont accentués et les conditions de vie des ménages sont devenues précaires.

    Selon l'ANSD20(*)(Agence National des Statistiques et de la Démographie), après l'Enquête de Suivi de la Pauvreté au Sénégal (ESPS-II) qui permet le suivi des principaux indicateurs d'emploi et d'activité au Sénégal, les régions les plus touchées par le chômage sont respectivement Diourbel (17,5%), Saint-Louis (15,2%), Dakar (13,9%) et Louga (13,6%.). Dans cette enquête, l'ESPS-II a utilisé la même définition du chômage que celle utilisée en 2005 à savoir celle du Bureau international du travail(BIT). Pour la mesure du chômage, le BIT retient trois critères devant être remplis concomitamment : être dépourvu d'emploi sur la période retenue (ne pas avoir travaillé une heure au cours des 7 derniers jours précédant le jour de l'interview ou date de l'enquête), être activement à la recherche d'un emploi et être disponible pour occuper un emploi dans les quinze (15) prochains jours.21(*)

    Répartition (en %) du taux de chômage selon la région.

    Source : ANSD. ESPS-II, 2011.

    L'analyse selon la strate montre que c'est le milieu urbain qui est le plus touché par ce phénomène. En effet, le taux de chômage en milieu rural est de 7,7% alors qu'il est de 13,9% pour « Autres urbains » et 14,1% pour « Dakar urbain ». Les jeunes qui constituent une part importante de la population active restent les plus touchés par le phénomène du chômage. En 2011, l'ESPS-II estime le chômage des jeunes de 15 à 24 ans à 12,7% au Sénégal.

    Quant au Mali, outre la situation chaotique du pays avec le passage des djihadistes, l'économie est également en crise. Comme le Sénégal, l'agriculture qui domine l'économie de ce pays connait un frein à cause des sécheresses répétitives, de la baisse du prix des matières premières produites comme le coton, de la hausse des coûts de production (intrants et carburants). La plupart des biens de consommation est encore importée car le secteur industriel reste également peu développé. Dans son dernier rapport sur les perspectives économiques mondiales, publié début octobre, à l'occasion de l'assemblée annuelle prévue à Washington, le Fonds Monétaire International (FMI) dresse un bilan négatif de l'emploi au Mali. Il a revu à la hausse le taux de chômage; c'est-à-dire, 10, 8% en 2014 et 11, 3% en 2015 contre 9,8% en 2013.

    Au vu et au su de ce qui précède, nous avons assisté progressivement à ce que Momar Coumba Diop appelle la culture de la « débrouille » d'où l'expression « goor goorlu, » chez les Sénégalais. (Diop, 2008) En d'autres termes c'est tenter de se trouver une place dans le secteur informel (marchand ambulant) pour ne pas être l'objet d'un oubli de la société. Dans le milieu scolaire, les étudiants mettent en place toutes sortes de stratégies pour s'en sortir. A l'Université Cheikh Anta Diop, il est fréquent de voir des étudiants qui s'adonnent à la vente de produits cosmétiques, de crédits téléphoniques ou à la coiffure pour sortir de cette inactivité sociale mais également pour compléter leur bourse qui ne les suffit plus. Toujours dans cette logique de fuir cette situation de crise, entreprendre un voyage à l'étranger est perçu par de nombreux jeunes comme une condition sine qua non pour la réalisation de soi. L'occident étant souvent perçu comme une garantie pour la réussite comme le montre les propos de cette étudiante Sénégalaise :

    « Avant de venir, je pensais que c'était... c'était... c'était... c'était le pays des merveilles quoi ! (elle éclate de rire.), le pays de rêve. Je croyais que c'est la fin des difficultés une fois en France. On aura plus de soucis. Pour moi, on trouve rapidement du travail une fois en France. C'est pourquoi j'ai pris le risque de venir ici sans bourse. J'avais cet espoir de trouver du travail, c'est pourquoi j'ai pris ce risque. Pour moi ça serait trop facile de trouver du travail par ici alors que c'est tout à fait le contraire. » (Extrait d'entretien avec F.A, étudiante Sénégalaise)

    Cette perception de l'occident comme une forteresse est également partager par K. B étudiant Malien qui abonde dans le même sens :

    « Par opposition à nos pays, moi je voyais la France comme un pays ou on avait tout à notre disposition en fait. L'argent, faire un job étudiant et gagner énormément d'argent, faire des études de bonnes qualités, ou tu es soigné quand tu es malade, ou il n'y a pas de corruption ni de népotisme. »

    Ces propos montrent clairement que même si certains partent pour les études, force est de reconnaitre que la recherche d'une vie meilleure reste au coeur du voyage. D'ailleurs ne pourrait on pas se demander si les études ne constituent pas un moyens pour certains pour entrer partir à l'étranger ? Comme le soulignent V. Borgogno et L. Vollenweider-Andresen (1998), il existe trois types de migration étudiante parmi lesquels une migration à dimension sociétale (économique et social) qui se base sur une recherche d'un meilleur environnement de vie. Pour ces deux étudiants cités ci haut, partir en France équivalait à la fin des difficultés car espérant trouver du travail. En effet, les informations recueillies auprès de nos répondants sont de nature à confirmer que l'aspiration à émigrer est extrêmement forte chez eux. Le voyage en France, même par la voie des études, reste aussi le produit des difficultés économiques auxquelles font épreuve ses étudiants. La conception d'une France riche, synonyme de réussite permettant de comprendre que la recherche d'une vie meilleure reste un motif sous jacent du voyage de ses étudiants. Malgré la procédure très longue pour l'obtention du visa pour étude, la cherté du financement du voyage, beaucoup de personnes estiment que ça en vaut la peine. Les résultats attendus pour le voyage sont plus importants à leurs yeux. En effet, avant de prendre la décision de partir, l'individu examine les coûts, de même que les bénéfices liés à la migration potentielle. Cette approche de la migration est souvent associée au texte de Larry Sjaastad publié en 1962 (chapitre 3), dans lequel il se propose d'identifier les coûts et les bénéfices importants, à la fois individuels et sociaux. L'auteur considère la migration comme un « investissement qui augmente la productivité des ressources humaines », investissement qui comporte des coûts et rapporte également des bénéfices. Harris et Todaro, s'inspirant d'un article de Lee (1966), considèrent quand à eux que la décision de migrer relève d'un choix rationnel qui prend en compte les avantages et les désavantages liés à la migration. La rentabilité de migrer ou non relève donc d'un calcul coûts-bénéfices. Toutefois, il est important de souligner que les bénéfices ne sont pas que d'ordre économique. Elles sont aussi sociales en ce que la migration peut dans une large mesure accorder plus de légitimité et de considération au migrant vis-à-vis de son groupe social d'origine.

    En effet, la perception de l'occident comme un eldorado est largement alimentée par les migrants qui retournent au pays. Considérés aux yeux de certains comme des acteurs au développement, des modèles de réussite, ces derniers profitent de l'admiration et de l'estime que leur accordent ceux qui restent au pays. En réalité, la décision de partir, même pour les études, est dans une grande mesure influencée par l'image que propagent les émigrés une fois de retour au pays. Certains se comportent de façon ostentatoire à l'égard des autres. Circulant à bord de belles voitures, ils possèdent dans certaines localités rurales les plus grandes maisons. Ils font étalage de biens matériels acquis en Europe. Ces signes extérieurs de richesse font penser à une grande partie de la jeunesse restées au pays, qu'aller à l'étranger, c'est réussir. L'ailleurs est devenu ainsi le lieu de tous les fantasmes, le pourvoyeur de tout ce dont ils ont besoin pour acquérir une place dans l'échiquier social d'origine.

    « Quand on voyait nos tontons ou des gens qui étaient en France et qui venaient au Sénégal en vacance, ils venaient avec des choses qu'on n'avait pas chez nous. Il y a des gens qui venaient et construisaient des maisons et conduisaient de belles voitures. Ces gens là, on les appelle des « Moodu-Moodu ». Ce sont des gens qui sont partis en France, pas pour des études mais pour travailler ou bien des gens qui ont, peut être terminé leurs études. Donc ils ont peut être le temps d'économiser de revenir au Sénégal et de construire quelque chose. La plupart des maisons, les R+1 ou R+2 sont construites par eux. En fait leur famille vit bien. Tous les gens que je connaissais et qui étaient en France, en Espagne ou en Italie, voilà quoi, leur famille vit bien. Et quand ils revenaient, ils s'habillaient bien, et leur manière de se comporter changer par rapport à notre manière de vivre. En fait ils nous vendaient l'image de la France. Une belle image de la France. Et c'est cette belle image de la France que j'avais dans la tête. Je voyais, les belles routes, la belle vie et tout ça. Et ce n'est pas quelques choses qu'on a au Sénégal. Et quant on a une telle chose dans la tête, on pense que c'est comme ça et on veut aller découvrir et vivre cette chose là. Ceci m'a beaucoup influencé. On voit cette belle image de la France à travers ces gens qui revenaient de ce pays. » (Extrait d'entretien avec CT.D, étudiant sénégalais,).

    Cette même idée est aussi soulevait par K.B qui indexe à son tour les immigrés maliens qui retournent au pays.

    « Je peux parler des immigrés Maliens qui sont en France, qui envoient de l'argents, qui construisent des maisons etc. ces gens là quand tu les vois, tu te dis voilà, ces gens sont parti et ils sont revenu avec beaucoup d'argents. Tu te dis que ça veut dire qu'il y a quelque chose là bas. » (Extrait d'entretien avec K.B, étudiant Malien)

    L'exemple des migrants qui ont réussi constitue un élément non négligeable pour comprendre la motivation à la migration. En effet, une fois de retour dans leurs terroirs, certains migrants encore appelés les « Moodu-Moodu », véhiculent une belle image de la France en s'habillant parfois avec de beaux habits avec les marques les plus célèbres; ce qui laisse croire aux autres qui sont restés qu'ils sont devenus riches et que l'Europe symbolise la richesse. Ce qui n'est pas toujours le cas. C'est dans ce sens qu'il faudrait comprendre les mots de Sayad qui parle d'un mensonge collectif. Dans La double absence, il a largement abordé le mécanisme de la reproduction de l'immigration pour les immigrés algériens en décrivant en détail comment l'immigration est reproduite. Il souligne que de nombreux immigrés sont amenés à ne pas dire la vérité et à passer sous silence les souffrances causées par leur émigration, la vie dure qu'ils mènent dans le pays. Ils ne disent point la vérité par respect pour eux-mêmes mais aussi pour leur communauté, ainsi ils donnent envie à d'autres de partir. Sayad fait parler un émigré kabyle qui nous raconte son histoire : « C'est ainsi que la France nous pénètre jusqu'aux os, une fois que tu as ça en tête, ça ne sort plus de ton esprit, finis pour toi les travaux, finie l'envie de faire quelque chose d'autre, on ne voit plus d'autres solutions que partir » (Sayad A., 1999, p.31)

    Toutefois, même si les migrants qui retournent aux pays racontent certaines de leurs difficultés, certains de leurs interlocuteurs ne vont pas toujours les croire. Parfois les plus jeunes accusent les migrants qui les mettent en garde de vouloir les décourager parce qu'ils ne veulent pas qu'ils puissent accéder aux mêmes avantages qu'eux, que c'est par esprit de compétition. Les mots ont moins de poids que les habits et les cadeaux que ces migrants rapportent de la France. Ce pays reste à leurs yeux reste un véritable pays de cocagne. En réalité la fluidité des informations, avec l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, contribue à la construction de ces fantasmes qui renforcent la fabrication de représentation. (Tandian, 2005).

    4.3. Partir à l'étranger, une condition de la réalisation de soi.

    Si le voyage vers l'étranger peut être une décision personnelle, elle peut aussi être le fruit d'une forte pression familiale. Le besoin d'émigrer peut relever aujourd'hui d'une stratégie pour fuir le chômage et répondre aux attentes du groupe socio familial pour ainsi devenir « utile ». Quelles qu'en soient les destinations et les mobiles du voyage, les modalités, les difficultés financières et d'obtention du visa ainsi que les risques encourus, il faudra reconnaitre que les mouvements migratoires, collectifs ou individuels ont toujours été présentés comme des actes de bravoure, de maturation et de maturité. Pour comprendre cela, il suffit de regarder la grande affluence des demandeurs de visa devant les représentations consulaires et l'ampleur des migrations dites clandestines. (Dieng, 2008) Ainsi, la perception du voyage dans l'imaginaire collectif de beaucoup de pays du sud constitue sans doute un élément fondamental pour pouvoir saisir les mobiles de la mobilité. En effet, dans la tradition africaine, le voyage revêt d'une place prépondérante. Les populations ont toujours été caractérisées par la mobilité, qui fait partie d'une ancienne tradition rurale où, pendant la saison sèche la famille délègue un ou plusieurs membres vers la ville pour trouver du travail. Dans cette situation, voyager était une sorte d'initiation qui confère la maturité, la connaissance de l'ailleurs et mène à la sagesse.

    De nos jours, il est évident qu'aux yeux de nombreux jeunes, l'émigration constitue une opportunité de trouver une solution contre cette sorte de mise à mort sociale, le temps de s'octroyer les moyens de murir, de pouvoir faire face à ces obligations. Dés lors l'ailleurs devient un lieu incontournable à leurs yeux pour pouvoir devenir utile. En réalité, beaucoup de jeunes sont prêts à tenter l'aventure à l'étranger à cause de la forte pression sociale qui pèse sur leurs épaules. L'envie de servir et de devenir utile semble être un des éléments majeurs qui peuvent expliquer la migration. Dans la tradition africaine, porter assistance à sa famille est non seulement un devoir mais aussi un geste de réciprocité et de reconnaissance souligne Abdoulaye Bara Diop. Ce dernier poursuit pour dire que toute personne munie de quelque autorité dans la famille se doit elle de respecter et de soutenir par son attitude de bienveillance et de bienfaisance, les plus faibles et les plus petits.  Voilà pourquoi, à un certain âge, beaucoup de jeunes se sentent coupables car n'ayant pas la possibilité de soutenir leur famille. Ainsi, toutes sortes de stratégies est mises en place: passer des concours, se lancer dans le secteur informel en devenant marchand ambulant mais aussi partir à l'étranger considéré comme un moyen efficace qui leur permettra de s'acquitter des lourdes attentes des parents de la famille ou du groupe social d'origine.

    Le rôle de la famille comme incitation ou plutôt motivation au départ est indéniable. Derrière les études, le voyage s'explique aussi par la recherche de moyens financiers suffisants pour réaliser leurs propres désirs et répondre aux attentes du groupe social d'origine. D'après notre enquête, beaucoup étudiants ont déclaré être des soutiens de familles. Ainsi, ne pouvant pas satisfaire leurs besoins propres de même que le besoin familial, donc contraint par le principe de la solidarité familiale, ils cherchent dans la migration la possibilité de sortir de cette situation. Beaucoup de personnes mettent en avant le manque de perspectives professionnelles dans leur pays, même après avoir fait des études. Ceux qui avaient réussi à trouver un travail quant à eux, soulignent qu'ils ne gagnent pas assez d'argent pour subvenir aux besoins de leurs familles, fonder une famille et avoir suffisamment etc. Par exemple, au Sénégal et au Mali, comme dans de nombreux autres pays de l'Afrique, on retrouve ce qu'on appelle des familles élargies ou on trouve facilement plus d'une dizaine de personnes dans une maison dont une ou deux personnes seulement travaillent et souvent pour des salaires modestes. Celles-ci assument alors généralement toutes les charges financières du ménage. Elles sont donc contraintes à limiter leurs désirs et à différer de manière souvent persistante, la réalisation de leurs projets. Cette situation entraine souvent une dépendance totale d'autres membres de la famille qui peuvent produire être parfois frustrer comme l'exprime M.S dans ces propos.

    Etant étudiant, il raconte avoir été dans une maison familiale ou son père est à la retraite. Et c'étaient ces grands frères qui prenaient en charge la maison de même que ses études. En vue de sortir de cette situation de dépendance qui « l'infantilise » pour ainsi se rendre utile, il raconte avoir effectué des concours nationaux comme la gendarmerie, la police, magistrature, la douane en vue d'intégrer la fonction publique. Malgré tout cela, ses efforts sont sans récompense. Ainsi, n'ayant aucune perspective devant lui, il accuse le système de l'avoir éjecté. Pour lui, partir à l'étranger fut la seule option qui lui restait.

    « Etant jeune étudiant, je portais un lourd fardeau puisque je voyais les gens qui étaient fonctionnels, opérationnels et qui participaient à la vie familiale et moi je ne pouvais rien faire. A chaque fois que j'annonçais que je devais aller à la l'université on me finançait mon voyage. Mes conditions de vie à la fac aussi étaient alarmantes et pourtant j'avais une bourse de 60000fcfa. Mais pour quelqu'un qui fait des recherches, mais aussi le logement, le transport et les loyers, la bourse ne pouvait pas tout couvrir. J'étais une charge pour ma famille et moi j'avais cet envie de réussir et de participer comme tout le monde puisque mon père a pris de l'âge, à la retraite quoi. Donc moi je pensais à prendre la relève et assurer les dépenses familiales. Parce que c'est comme ça chez nous. Chez nous, c'est la solidarité. On vit en famille. On a des familles de dix à onze personnes. Donc une seule personne ne peut pas gérer tout. Donc le parent a des enfants qui sont en mesure de l'aider. Si celui-ci prendre l'électricité, l'autre paiera les factures d'eau, l'autre assure les dépenses. C'est comme ça qu'on vit chez nous. Même pendant les fêtes comme la Tabaski, tu voyais un frère qui se charge d'acheter le mouton, d'autres achetaient la boisson, d'autres paient l'électricité etc. moi je suis un grand consommateur d'électricité et je ne pouvais pas participer. J'avais toutes les compétences que me fallait pour intégrer la fonction publique mais je ne pouvais pas l'intégrer. Ce sentiment d'échec, de mécontentement, de vouloir faire alors que je ne peux pas alors que j'ai les compétences, tout ceci m'a poussé à chercher un terreau beaucoup plus fertile. Et c'est à la France que j'ai pensé. J'avais d'autres projets comme partir au Canada mais c'est la France qui était beaucoup plus accessible. (...) je n'ai pas eu ce que je voulais. Donc il me fallait un plan B pour combler ce vide. Ainsi, comme je n'ai pas réussi aux concours, je me suis dit que je vais me couvrir des études pour entrer en France. Sous couvert des études, je vais chercher d'autres possibilités étant donné que j'ai tout ce qu'il me faut. Donc je suis venu sous couvert des études pour espérer trouver quelque chose. Mais aussi pour compléter mon cursus bien vrai que j'ai une maitrise et un DEA. Maintenant, je veux avoir la thèse que je n'ai pas pu faire au Sénégal.» (Extrait d'entretien avec Mamadou, étudiant Sénégalais)

    Dans ce contexte de crise, cet étudiant relève le fait que, psychologiquement, il devient de plus en plus insupportable pour lui de devoir dépendre de ses frères pour financer des études dont l'issu est quelque fois hypothétique. Et cela à un âge très avance parce qu'ayant effectué des études poussées. Il met donc en avant pour expliquer son départ, la possibilité de pouvoir trouver « quelque chose » qui n'est rien d'autre ici que le travail qui lui permettra d'être utile à la famille mais aussi de pouvoir terminer ses études. Ainsi, il y'a clairement donc dans ce voyage l'idée de partir pour pouvoir servir. Dés lors, il y a un avant et un après de la migration exprimé ici : on est a priori quelqu'un de « normal », c'est-à-dire «  qui n'a rien » «  qui n'a aucune perspective de réussite devant lui » et qui ne peut pas participer aux charges de la famille ; puis, le fait de migrer permet a posteriori de conjurer cette « insignifiance sociale», le sentiment de « ne pas être ». (Timera 2001, p.38) Aussi le projet migratoire s'inscrit-il dans une logique de partir dans l'optique d'un futur retour glorieux permettant d'obtenir la reconnaissance sociale de son groupe et d'accéder à une véritable majorité sociale. Le voyage étant alors motivé en partie par la valorisation sociale aux yeux des membres de la communauté. En effet, un jeune est généralement minimisé s'il ne parvient pas à se rendre utile en participant aux charges familiales. Plus que nécessaire, soutenir sa famille est un devoir, une obligation. Ne pas le faire à un certain âge entraine une sanction sociale. Dés lors la migration devient en ce sens aussi une véritable stratégie de reconnaissance, un moyen de promotion sociale ou de mobilité ascendante. En réalité, le simple fait de partir, même en étant étudiant, est déjà en soi un remède contre l'ennui, la honte, la désolation et le désarrois qu'ils vivent ou quotidien. Partir constitue alors un pari pour l'avenir, une sorte de protection contre la dépression et un remède efficace contre le sentiment de castration qui les envahit depuis fort longtemps.

    Chapitre 5 : Les conditions de vie des étudiants étrangers en France.

    5.1. Vivre une expérience étrangère

    Toute immigration entraîne habituellement « un déracinement à la fois géographique et historique, culturel et linguistique, social et spirituel. Tout immigrant [...] est un déraciné, un transplanté. » (Buzzanga, 1989,). Ces mots de Mario Buzzanga renseignent d'avantage sur la situation de ces immigrés qui découvrent une nouvelle société. En effet, quittant leurs pays d'origine, ils affrontent un nouveau système social dont les pratiques, les lois et la culture sont différentes de celles qu'ils ont intériorisées antérieurement. Ainsi, comme le souligne Dalila Chérif (2002) : «Destin» ou «fatalité», «nostalgie» ou «tragédie» rejoignent «départ», «émigration», «exil» (el ghorba) pour exprimer ce malaise existentiel dont souffre tout «étranger». Ce malaise a aussi été très bien exprimé à travers un des entretiens de Sayad: «Est-ce une vie si, pour nourrir tes enfants, tu es obligé de les quitter; pour remplir ta maison, tu commences par la déserter, toi le premier ; pour travailler pour ton pays, tu l'abandonnes ?» (Sayad, 1999, pp. 94-95)

    En effet, il n'est pas toujours facile de s'installer et de se retrouver dans une société que l'on ne connait pas. Au-delà de la séparation géographique avec son pays, l'immigration consiste également en une rupture avec son environnement sociale de naissance. Ces étudiants ont dû quitter leurs anciens liens sociaux (famille, amis, voisins et connaissances) pour s'établir loin de ceux ci. Ainsi les premiers contacts avec son nouvel environnement sont surtout marqués par des difficultés à s'adapter au normes, pratiques et moeurs du pays d'accueil car comme l'exprime Sayad, immigrer, c'est immigrer avec son histoire (l'immigration étant elle-même partie intégrante de cette histoire), avec ses traditions, ses manières de vivre, de sentir, d'agir et de penser, avec sa langue et sa religion ainsi que toutes les autres structures sociales, politiques, mentales, structures caractéristiques de la personne, et, solidairement, de la société, les premières n'étant que l'incorporation des secondes, bref avec sa culture» (Sayad, 1999, p. 18). Ce vécu entre deux cultures entraine souvent un isolement social accompagné d'une solitude que souligne bien M.B dans ces propos:

    « Moi j'ai quitté une culture où c'est le groupe qui prime quoi. Ce n'est pas chacun pour soi contrairement à ici. C'est l'individualisme ou chacun est dans sa petite chambre surtout dans les 9 mètres carrés dans les cités universitaires. Donc j'ai quitté une culture différente ou on prenait le thé ensemble, ou on discutait jusqu'à telle heure, bavarder etc. mais ici tout le monde vaque à ses occupation. Donc ça m'a beaucoup marqué. Je me rappelle en première année quand je suis arrivé, j'ai même arrêté un cours une fois parce que je n'étais pas habitué à arriver en classe et rester seul à coté. Je ne discute avec personne. Dans notre promo, il y avait presque toutes les nationalités : des français, des asiatiques, des gens qui venaient du Brésil. Du coup chacun restait à coté. J'avais réussi à sympathiser avec un Chinois et un français. Un jour j'ai arrêté le professeur et je lui ai dit que je ne suis pas habitué à ses genres d'environnement parce que tu viens, tu dis bonjour, personne ne te regarde, tu vois quoi. Donc du coup, depuis ce jour, quand on arrive, tout le monde fait la bise, on discute, on part manger ensemble tu vois quoi. Je peux dire que ceci m'a un peu frappé parce qu'on quitte une culture ou quand vous vous rencontrez, vous vous serrez la main, comment tu vois, ça va bien etc. mais bon ici, c'est chacun pour soi. Quand tu arrives et que tu vois ce phénomène, ça te marque quoi. » (Extrait d'entretien avec M.B, étudiant Malien)

    Ces étudiants réactualisent les conflits des valeurs entre l'occident et l'Afrique. Le voyage étant souvent pris comme une perte. En tout cas, ce qui est sûr c'est qu'en plus d'être affecté par l'émigration et de faire face à des besoins de type nouveau, ces étudiants devront continuer à interagir avec leur nouvel environnement dans le but de pouvoir réduire progressivement les difficultés car ils doivent aussi s'adapter et s'intégrer. Cet effort d'adaptation et d'intégration peut impliquer, plus d'une souffrance aiguë. En effet, ce qu'il faudrait surtout retenir c'est que, vivre dans une société qui nous est étrangère, comprendre, décoder les normes et s'adapter à la culture du pays d'accueil est avant tout un vécu, une expérience. C'est dans les interactions avec les autres que l'étudiant étranger se constitue et apprend à vivre dans le nouvel environnement que dans les interactions qu'il entretient avec les autres. Comme le soulignent Alain Coulon et Saeed Paivandi dans leur rapport sur l'observatoire de la vie étudiante (Mars 2003), une fois arrivé au pays d'accueil et inscrit à l'université, le fait d'être étudiant et étranger, implique des différences de langue, de mode de vie, de normes et d'organisation pédagogique, de préparation psychologique.

    Au-delà de l'adaptation sociale et culturelle, les étudiants étrangers doivent aussi s'adapter dans leur nouvel environnement scolaire. Généralement, l'environnement universitaire, les méthodes et modes d'enseignement sont différentes de celles que l'étudiant étranger a dans son pays d'origine. Ce qui lui pose d'énormes problèmes surtout pour la première année.

    E. Cohen a souligné dans son rapport les différences entre les pratiques pédagogiques en France et celles d'autres pays. Selon lui, les étudiants étrangers expriment très souvent des difficultés de repérage et d'adaptation à l'égard de certaines pratiques pédagogiques caractéristiques de l'enseignement supérieur français. La compréhension de l'organisation pédagogique des cursus et des activités d'enseignement suscite, pour certains d'entre eux, une perte de repères et des difficultés d'adaptation (Cohen, 2001, p.76). Ce dernier mentionne également la rigidité d'un système de formation dans lequel les cursus sont délivrés de façon directive en laissant à l'étudiant des possibilités limitées de choix ou d'options dans l'organisation de son parcours de formation, et dans lequel le travail personnel est très peu valorisé. La relation pédagogique entre enseignants et enseignés, les modes de participation des étudiants dans les activités universitaires, ou l'approche didactique plus structurée et plus directive fréquemment appliquée en France nécessitent selon E. Cohen, un important effort d'adaptation de la part des étudiants étrangers (2001, p.77). La pratique de notation et le mode d'évaluation sont aussi soulevés dans ce rapport. Pour E. Cohen, ces derniers qui privilégient les tests sur des connaissances pointues: c'est un système de notation auquel les étudiants étrangers ont besoin de s'accoutumer.

    Dans leur nouvel environnement universitaire, ces étudiants découvrent un système qui est complètement différent. Au Sénégal par exemple, les cours sont le plus souvent dictés par les professeurs qui ne demandent que la restitution de tout le cours ou bien d'une partie pour l'examen. En plus de cela, avec les nombreuses perturbations dans l'année scolaire, les étudiants ont généralement le temps de s'en sortir. Tandis qu'en France, les cours sont donnés par diaporama et des références sont souvent données pour obliger aux étudiants à faire des recherches. Alors que le niveau de technologie est largement supérieur à celui des pays d'origine, l'étudiant étranger éprouve d'énormes difficultés pour faire ses recherches. Ce qui fait que certains nouveaux arrivants perdent leur repère et n'arrivent pas à se retrouver. Ces différences sur le mode d'enseignement se font ressentir sur la performance et le résultat des étudiants après les examens. D'ailleurs, bon nombre d'étudiants reprennent leur première année. Un sentiment de doute et de regret s'installe le plus souvent. Cet étudiant Malien explique sa situation :

    «  Après mes examens, j'ai comme l'impression que je n'ai plus le niveau. Et pourtant j'avais toujours de bonnes notes quand j'étais au pays. Jamais je ne me suis senti incapable. En fait, c'est parce que je n'arrivais surtout pas à me familiariser avec le système. Les profs nous donnent tout le temps des documents et les manières d'évaluer sont différentes de celles de mon pays. Mais bon, maintenant ça va mieux parce que je commence à s'adapter.» (Extrait d'entretien avec A.B, étudiant Malien)

    Ces mots nous renseignent sur la perte de confiance notée chez les étudiants. Ces derniers qui s'attendaient pour la majeure partie à trouver un système auquel ils pourraient réussir facilement se retrouvent désormais perdus et sans confiance d'où la déception. Ces éléments combinés font de l'étudiant étranger, quelqu'un qui est perdu dans un milieu qu'il ne connait pas. Cette expérience interculturelle des étudiants au sein de leur nouvel environnement social et universitaire est très bien relatée dans les travaux de C. Soto (1984). Effectuant une recherche sur les étudiants mexicains, ce dernier tente de relater deux moments qui sont capitales et qu'il considère comme douloureux chez les étudiants. Ces deux moments se produisent au cours de la première période du séjour des étudiants en France: il s'agit d'abord de la séparation, observée au début du séjour. Celle-ci se présente comme un conflit d'ambivalence, l'émergence d'un sentiment de perte, de culpabilité, qui réactive d'autres expériences de séparation. Ensuite vient le moment de la désillusion, dans la mesure où, chez tous ces étudiants, on observe l'existence d'un mythe de la France considérée comme un lieu de satisfaction des désirs. L'étudiant est déçu par sa première expérience. Il est confronté à une autre réalité qui brise son illusion et identifie le pays d'accueil comme le «mauvais», et le pays d'origine comme le «bon».

    5.2. La question du logement et du financement des études

    Un des éléments les plus cités par nos enquêtés concernant leurs conditions de vie reste le logement et le financement des études. De nombreuses études ont révélé que les étudiants étrangers vivent dans des situations financières alarmantes. Les non boursiers étant les plus touché par cette situation. S'appuyant parfois sur un réseau familial qui n'est pas toujours en mesure d'aider, certains étudiants éprouvent d'énormes difficulté pour le financement de leurs études, trouver un logement ou effectuer certaines démarches administratives (carte de séjour). (Borgogno et Vollenweider-Andresen 1998) En effet, les faibles revenus de ces étudiants entrainent des façons de vivre qui sont précaires.

    Toutefois on pourrait se demander pourquoi ses étudiants sont dans ses situations alors qu'ils ont justifié avant de venir en France qu'ils allaient avoir les ressources nécessaires pour s'établir en France. En effet, la première étape du voyage est sans nul doute d'obtenir le visa qui est délivré par le consulat de la France dans le pays d'origine. Pour cela il est demandé à l'étudiant désireux de poursuivre ses études à l'étranger de fournir un ensemble de documents. Les documents les plus importants sont l'attestation bancaire et l'attestation de logement. L'étudiant doit toujours justifier qu'ils disposent de moyens de subsistance. En d'autres termes, il s'agit de prouver qu'il part avec de l'argent ou qu'il dispose dans son compte personnel la somme de 6150 euros ou encore qu'il a un garant qui se chargera d'effectuer pour lui un virement de la somme de 615 euros par mois. Ce qui est presque impossible pour certains. Vu le taux de change du franc CFA à l'euro, trouver cette somme ou un garant pose d'énormes difficultés à ces étudiants. En réalité, avec la crise qui frappe ces pays, le revenu de leurs parents est parfois inferieur à la somme demandée par mois. Les 615 euros demandés à ces étudiants sont presque le salaire de certains fonctionnaires. Dans cette situation, certains d'entre eux n'hésitent pas à faire recours à un réseau de trafiquant pour l'obtention de ce document. Ils font recours à des groupes de personnes qui créent des sortes d'agence dans le pays, dans la capitale surtout pour prétendre aider les étudiants dans leurs démarches consulaires. Ces derniers proposent à ses étudiants de trouver pour eux des garants qui sont le plus souvent fictifs en échange de sommes faramineuses qui tournent parfois aux environ de 200000Fcfa à 300000Fcfa. Beaucoup d'étudiants, avec le soutien d'un membre de la famille qui travaille ou encore de leurs propres économies, parviennent à payer cela.

    Quant à l'attestation de logement, ce sont ses mêmes agences qui s'occupent de cela. L'obtention de ce document est tout aussi compliqué pour les étudiants qui font une demande de visa. Certains d'entre eux n'ont pas souvent de contact en France, donc ne connaissent pas de personnes qui se chargeront de les accueillir une fois en France. Quand à la procédure du Crous qui s'occupe des logements étudiants en France, ses demandeurs de visa ne sont pas trop informés ou parfois ne connaissent même pas l'existence de cette structure. Ainsi, comme pour l'attestation bancaire, ils font recours à ces passeurs pour trouver ce document.

    Voilà comment certains étudiants arrivent à rassembler tous les documents nécessaires pour pouvoir déposer leur demande de Visa. Même si tout le monde ne réussi pas à avoir le visa, une grande partie d'entre eux réussissent à s'échapper de la rigueur dont font preuve les agents du consulat. Ce sont ouvrent ceux là qui, une fois en France éprouvent d'énormes difficultés, pour vivre car n'ayant pas de ressources nécessaires, pour se loger etc. Les sommes d'argent envoyée par leurs parents n'arrivent pas à couvrir leur besoin. Rappelons qu'un euro est l'équivalent de 655Fcfa. De ce fait, certains parents réussissent à collecter une forte somme qui, une fois en France n'est presque rien pour ses étudiants. Ces sommes d'argents qu'ils reçoivent ne parviennent même pas à couvrir les plus petits besoins. Beaucoup d'étudiants n'arrivent pas à assurer les repas de la journée ou encore le transport.

    Quant à leur logement, une fois arrivé dans le pays d'accueil, ce sont le plus souvent les Associations de leur pays respective qui les accueillent et les accompagnent jusqu'à l'obtention d'une chambre auprès du Crous. Etant les seules structures en place sur lesquelles ces étudiants peuvent compter, les associations étudiantes sont toujours sollicitées par les étudiants qui viennent d'arriver. Ainsi, à travers un réseaux d'interconnaissance, l'étudiant arrive toujours à avoir une personne qui peut l'héberger pendant les premiers jours.

    « C'est à la veille de ma venue en France que j'ai consulté sur internet et je suis tombé sur l'ASEP (l'Association des Sénégalais de Poitiers). Là je les ai envoyé un message leur faisant savoir que je serai à Poitiers demain et que je ne connaissais personne là bas. A peu prés 10 min plu tard, le président m'a répondu me disant qu'il n'y a pas de problème et il m'a donné ses coordonnées. C'est eux qui m'ont accueilli et m'ont hébergé pendant quelques jours le temps que je trouve un logement. A part ça je ne connaissais personne en France. » (Extrait d'entretien avec M.D, étudiant Sénégalais)

    Il faut dire cependant que la question du logement reste l'une des problématiques qui reviennent le plus souvent dans les enquêtes sur les étudiants. Il en est donc de même pour les étudiants étrangers. D'ailleurs dans l'enquête TNS Sofres - Campus France, le logement est cité comme le problème majeur que les étudiants étrangers rencontrent en France après le coût de la vie. Déjà trouver un logement est un véritable casse tête et encore plus, quand il s'agit d'un étudiant puisque que par définition l'on considère souvent que celui-ci n'a pas de revenus suffisamment élevés pour rassurer les bailleurs. C'est d'autant plus compliqué pour un étudiant étranger car faudrait il souligner qu'ils sont parfois victimes de discrimination. Dès lors, le logement demeure une question essentielle dans la vie de ces étudiants étrangers. Il peut être un motif de satisfaction dans la mesure ou l'étudiant se contentera d'avoir un logement stable, fixe ou il pourra recevoir tout son courrier. Le logement peut aussi être source d'inquiétude car il faut nécessairement trouver les revenus s'acquitter de son loyer.

    En plus de cela, s'ajoute la préfecture qui est aussi une des sources du stress que les étudiants étrangers sont obligés de vivre. Dés la venue sur le territoire français, il faut pouvoir prouver qu'on a une adresse fixe et pour ce faire il faut fournir les quittances de loyer (pour un locataire), les factures EDF et parfois les fiches d'imposition. Il demande également que l'étudiant justifie chaque année ses ressources financières de l'année précédente pour ce qui ont durée, de même pour l'année suivante, une inscription administrative et la preuve que l'étudiant était assidu au cours et qu'il a produit de bon résultat.

    Compte tenu de toutes ces expériences et de la venue en France quelque fois « bricolée » sans compter les dépenses personnelles, les conditions de vie des étudiants étrangers en particulier ceux venant de l'Afrique sont souvent alarmantes. Certains étudiants vivent le calvaire et dans le stress en permanence. D'ailleurs, ils sont les plus nombreux à recourir au service sociaux pour pouvoir bénéficier d'une aide. Les étudiants africains font plus souvent appel à une assistante sociale que les étudiants français.( Mandrilly, 2007) En effet, l'Etat français a destiné le Fonds de Solidarité Universitaire (FSU) qui permet aux CROUS d'accorder, sous forme de prêts, d'allocations exceptionnelles ou de dons, une aide financière rapide aux étudiants momentanément en difficulté. De nombreux étudiants étrangers font des demandes qui feront l'objet d'un dossier instruit par une assistante sociale. Ensuite, c'est à la commission du Crous de décider de l'attribution ou pas d'une aide.

    Chapitre 6 : A la recherche d'une activité numéraire.

    Avant de s'intéresser aux facteurs permettant de comprendre la dualité étude-travail chez les étudiants, il est plus judicieux de montrer d'abord en quelques mots comment font ces derniers pour trouver du travail. En réalité, l'obtention d'un job étudiant n'est pas aussi facile surtout quand il s'agit de petite ville comme Poitiers. D'ailleurs beaucoup d'étudiants préfèrent partir dans des villes comme Paris, Bordeaux, Rennes etc. ou, même si la vie est plus chère, offre plus de perspectives de travail. Cependant les étudiants ont plusieurs modes et sources d'informations. D'après les travaux d'Etienne Gérard, trouver un travail chez les étudiants peut relever soit d'un effort personnel, soit, par des connaissances ou encore par des relations familiales.

    Source : Gérard E. et al, (2008), p.84.

    Après notre enquête, nous avons pu savoir que la plupart des étudiants trouve du travail à partir d'initiatives personnelles. On note des efforts personnels fournis par les étudiants à travers la consultation des annonces qui sont faites dans la presse écrite, des recherches sur les sites internet (Jobrapido, Météojob, leboncoin, pole emploi, etc.). Ces sites internet sont très souvent visités par les étudiants car ils mettent en place un très grand nombre de publications concernant les offres d'emploi. Ils font également des portes à portes dans les restaurants et les grandes surfaces ou encore dans les agences d'intérim pour déposer leur CV ou candidature spontanée.

    D'autres aussi s'appuient sur leur propre réseau d'interconnaissance pour trouver un travail. En réalité, dans le cadre des étudiants Sénégalais et Maliens, il est fréquent de rencontrer un étudiant qui a trouvé un travail grâce à une personne de même nationalité. Il s'agit le plus souvent des ainés encore appelés par les étudiants les anciens qui servent de piston pour insérer les nouveaux qui viennent d'arriver ou qui n'ont pas encore trouvé de travail. D'autres par contre peuvent solliciter un étudiant qui n'a pas de travail pour qu'il le remplace lorsqu'ils ne sont pas disponibles ou encore partent en vacance. Toujours dans le même sens, il est aussi important de souligner le rôle que jouent certaines associations étudiantes dans la recherche d'un emploi. Ces dernières qui sont les premiers réseaux à être en contact avec les étudiants, sont très souvent sollicitées par les nouveaux pour trouver un travail. C'est la raison pour laquelle, elles organisent souvent des ateliers pour aider les étudiants à se faire un bon CV qui leur permettra par la suite de pouvoir avoir du travail. Dans leur site internet aussi, elles publient fréquemment des offres d'emploi.

    Dés lors, il est perceptible que dans la vie quotidienne de ces étudiants, le travail rémunéré pendant les études occupe une place importante. Mais comment faut-il comprendre l'intérêt majeur à exercer une activité rémunérée ? Après notre enquête, les résultats sont exposés dans les parties suivantes.

    6.1. Le travail, une quête d'autonomie financière?

    Compte tenu de cette forte propension d'étudiants africains en particulier Sénégalais et Maliens qui cumulent étude et travail, il est nécessaire de s'interroger sur les mobiles de leurs actions. Sur ce, le désir d'autonomie a été le facteur le plus évoqué par nos enquêtés. Sur 11 répondants, 09 parmi eux expliquent leurs activités rémunérées par le fait de vouloir être indépendant de leurs familles qui sont dans leur pays d'origine. Mettant en avant la situation sociale et économique de leur pays d'origine et des membres de leur groupe social, le travail rémunéré s'impose à leurs yeux comme une façon de s'autonomiser. Mais Comment faut-il comprendre cette puissante revendication d'autonomie financière ?

    En effet, le voyage à l'étranger constitue, pour les étudiants interrogés, une période de transition et de passage à la responsabilité. Cette transition se traduit notamment par un processus d'indépendance et d'autonomisation vis-à-vis des parents. Précisons que par autonomisation, nous entendons cette capacité de pouvoir se prendre entièrement en charge et de ne plus dépendre financièrement des autres pour vivre et satisfaire ses besoins. Comme souligner dans les paragraphes précédents, ces jeunes se situaient souvent dans une situation ou ils n'avaient aucune perspective devant eux et furent pris en charge par la famille. Partir à l'étranger constituait pour ces eux le préalable intangible, le moyen le plus sûr de pouvoir, plus tard plonger dans le versant valorisant et gratifiant de l'univers adulte. Il faut partir, s'éloigner du groupe et de la famille pour devenir adulte et responsable. C'est-à-dire faire mourir l'enfant qui dort en eux. Partir leur permet de devenir adultes, en tuant en eux la partie infantile que leur maintien dans leurs univers social et familial entretient.22(*)Beaucoup de jeunes n'envisagent plus d'être pris en charge par la famille. En réalité, aux yeux de leurs sociétés, c'est une honte d'être encore sous la charge des parents à un certain âge d'où la nécessité de trouver une solution à cette situation qui les minimise socialement. Dés lors, la première étape sur le chemin de l'indépendance après le départ vers l'étranger, constitue de trouver le moyen de se prendre en charge. Ainsi, quel que soit les motifs du voyage, le travail constitue la première étape pour rendre effectif ce désir d'autonomie. A ce propos, travaillent-ils pour pouvoir s'acquitter de leurs besoins sans attendre la famille:

    « Si je ne travaillais pas, j'allais être dans la merde. Je n'allais pas pouvoir payer mon loyer et vivre comme il le faut aussi. Moi je suis quelqu'un qui n'aime pas dépendre des gens. Je veux être autonome. Moi je préfère vivre de moi même que de vivre sur le dos des gens. Dans la vie, il faut vraiment vivre de soi même quoi. A un certain moment, il faut vraiment prendre sa vie en main quoi. Surtout à 23 ou 24ans. Je pense que c'est à l'âge à laquelle ou on estime que la famille a tout fait pour nous et qu'il est temps de prendre sa vie en main et de les aider en retours. C'est comme ça que je suis éduqué» (Extrait d'entretien avec S.B, étudiant Malien)

    Cet étudiant met surtout en exergue le rapport entre l'âge et la prise de responsabilité qui se traduit par sa capacité de se prendre en charge. En réalité, les sociétés traditionnelles étaient caractérisées par la vie de communauté ou l'esprit de partage était au centre des relations. Il appartenait à la famille de soutenir le jeune qui ne parvenait pas à subvenir à ses besoins. Cela s'est longtemps manifesté par les longues nuits blanches ou des séances de thé toute la journée, tout en étant assuré d'avoir les trois repas quotidiens. Mais aujourd'hui, nous avons assisté à de profondes mutations. « Les conditions de vie très difficiles ont fini par détériorer les rapports interpersonnels y compris au sein des familles qui assument de moins en moins leurs fonction de remparts sécurisant. Pour les jeunes,  chez soi, c'est désormais là où l'on pourra trouver du travail et gagner sa vie. Chez soi, c'est là où l'espoir leur est encore permis. »23(*) En effet, le jeune homme qui reste sur la tutelle de ses parents jusqu'à un certain âge est de plus en plus mal perçu voire même considérer comme un paresseux voué à vivre au crochet des autres. Ceux là sont très souvent considérés comme de mauvais fils car certains parents se lancent souvent à des comparaisons avec d'autres personnes qui, parce qu'ils ont réussi à se trouver un travail, s'occupent de leurs parents ou même entament des travaux de réfection de leurs maisons par exemple. Dans ces sociétés, un jeune est en effet généralement minimisé au niveau social s'il n'a pas la capacité de s'auto prendre en charge et d'être en mesure de participer dans les dépenses quotidiennes de la maison. Cette situation est encore beaucoup plus amplifiée lorsque la personne se trouve à l'étranger et qui continue de dépendre de ses parents. Dans cette situation, leur seule possibilité de mise à contribution réside dans l'accès à l'emploi et à des revenus. Mais, le fait d'être pris en charge par la famille développe chez eux un sentiment d'être un éternel assisté. Cette situation les confine dans une impossible réalisation sociale, une impossibilité d'entrer par la grande porte dans l'espace public. L'exercice d'une activité rémunéré permettant de mieux assurer l'accession à la majorité sociale en gagnant plus d'estime et de considération aux yeux des autres. En effet, Il existe une multitude d'étapes de la vie qui viennent marquer le passage à la majorité ou l'entrée dans la vie adulte. Parmi elles le mariage, l'autonomie résidentielle qui définie comme le fait de quitter la résidence familiale pour accéder à son propre logement, à titre de locataire ou de propriétaire et la recherche d'un emploi. Ce dernier point représente qui constitue un moment crucial puisque l'accès au travail conditionne en grande partie la réussite sociale et économique. L'autonomie financière constitue en quelque sorte une condition préalable nécessaire pour déclencher les différentes phases devant conduire à la pleine indépendance. Selon les travaux de Philippe Antoine, l'entrée dans la vie adulte pourrait se définir comme le franchissement d'un seuil au-delà duquel on sort de la catégorie des personnes à charge pour prendre en main son existence et devenir un véritable acteur de la société, notamment en assurant sa reproduction. Ce passage d'un statut à un autre ne se fait toutefois pas aussi aisément que sa définition peut le laisser paraître, ni selon un modèle unique, en suivant un chemin déjà tracé par les aînés.24(*)

    En plus de cela, il faut aussi admettre que la situation économique des parents de la plupart d'entre eux ne permet pas aussi de bénéficier d'une aide. La plupart d'entre eux sont issu de famille pauvre n'ayant une pas une situation financière solide.

    « Je pense que moi réellement, je ne viens pas d'une famille riche entre guillemet donc voilà quoi. Je peux dire que je suis là... bon..., en fait c'est vrai que c'est pour les études mais souvent quand on est France, les gens penses que tu peux étudier et travailler. Donc pour quelqu'un qui, effectivement ses parents ne sont pas des fonctionnaires internationaux ou des ministres qui peuvent t'envoyer de l'argent, c'est difficile que des gens t'envoient de l'argent. Donc du coup, la seule chose que tu peux faire c'est de travailler à coté. Je pense que la plupart des étudiants africains ont ces petits plans là. Ce n'est pas évident que les parents envoient tout le temps de l'argent. Ils peuvent le faire au début mais ils ne peuvent pas le faire continuellement quoi. Donc il faut faire des efforts et de trouver un petit plan quoi. Moi je trouve ça formateur. Ça m'a permis en tout cas d'évoluer et de faire ce que je veux, d'acheter ce que je veux acheter et de faire des économie et de pouvoir aller en vacance quand je veux. Ça te permet d'avoir un peu d'économie parce que c'est toi même qui te prend en charge. Tu n'es pas lié à quelqu'un. Tu essaies de gérer comme tu peux. » (Extrait d'entretien avec M.B, étudiant Malien.)

    A travers cet extrait d'entretien, l'on peut tout de suite dire que ce désir d'autonomie est inextricablement lié à la situation socio économique de la famille du pays de départ. Travailler devient une façon de libérer la famille de cette lourde tache. En effet, étant obligé d'honorer le loyer, manger, payer les inscriptions à l'université, acheter ses fournitures scolaires, payer ses factures d'électricité, de gaz, d'eau, de téléphone, son abonnement de transport etc., certains étudiants sont conscients du fait que leurs parents ne peuvent pas les prendre en charge. Leurs familles n'ayant pas la capacité financière pour le faire. Dans ces conditions, il est donc nécessaire de trouver des ressources. Voilà pourquoi, nombreux parmi eux sont prêts à tout pour se trouver un travail considéré comme un moyen de s'acquitter de ses propres besoins. Ainsi, en fonction de leur histoire et de leurs valeurs socioculturelles, les jeunes sont amenés à élaborer des choix propres à leur génération. Mais aussi, le contexte socioéconomique spécifique de la période constitue une contrainte à laquelle doit se plier le candidat à l'insertion.

    Ces étudiants cherchent alors dans le travail, la possibilité d'assurer les rôles qui leur sont dévoués et de retrouver la place et la considération dans la famille ou du groupe social d'origine. Cependant, pour satisfaire cette attente, il faut d'abord avoir les moyens. Avant de pouvoir être autonome, il faut d'abord avoir. L'affirmation individuelle se réalise dans une large mesure dans l'acte d'avoir et de donner. Au vu et au su de ce qui précède, l'on peut tout de suite comprendre pourquoi certains étudiants travaillent à des heures supérieures à la limite autorisée. D'autres par contre, s'adonnent au travail au noir appelé encore travail dissimulé. En d'autres termes, ils s'autorisent à faire un travail alors que leur employeur ne les a pas déclarés à l'URSSAF ("déclaration préalable d'embauche"). Dans cette situation, l'employeur échappe aux charges patronales et l'étudiant ne reçoit ni contrat de travail, ni bulletin de salaire. Ce qui est illégal. Au-delà de s'enfreindre à une activité illégale, l'étudiant court de nombreux risques. Si l'étudiant a par exemple un accident, une blessure dans son lieu de travail, il ne lui sera pas remboursé ses frais médicaux par la sécurité sociale via la cotisation accident du travail. En effectuant un travail au noir, l'étudiant ne cotise pas ne cotise pas pour la retraite et peut vous licencier du jour au lendemain par son employeur, sans qu'il ait la possibilité de faire un recours. En plus de cela, si par exemple il arrive que l'employeur ne lui verse pas son salaire ou encore lui donne un salaire moins élevé que prévu, il ne pourra en aucun cas aller devant les tribunaux pour contester (la seule solution sera alors de le dénoncer, en apportant des preuves de votre travail : témoignages, documents).

    Malgré tous ses risques, il est avéré qu'il y a beaucoup d'étudiants étrangers qui font cette pratique. F.A est pour sa première année à Poitiers. Après avoir recherché du travail, elle tombe sur un employeur sénégalais qui a un restaurant. Ce dernier la demande de travailler pour lui. Ce que F.A accepte en se basant juste sur une promesse de faire un contrat pour elle. Elle raconte à travers cet extrait d'entretien son histoire :

    « Je ne peux pas le considérer comme du travail. C'était un Sénégalais qui m'avait embauché. Je ne dirai même pas qu'il m'a embauché parce qu'il n'y avait pas de contrat de travail. On peut dire que c'était du travail au noir parce qu'il m'avait promis un contrat mais il n'a pas tenu sa promesse. Ce monsieur n'est pas logé à Poitiers mais à Paris. Il a juste un restaurant à Poitiers. Il m'a contacté pour me dire qu'il a besoin d'une cuisinière dans le restaurant parce qu'il n'y avait qu'une seule personne là bas et elle ne pouvait pas tout faire. Comme ça j'ai accepté mais je lui avais demandé qu'on fasse un contrat. Il m'a dit que je peux commencer à travailler et qu'il sera à Poitiers d'ici la fin du mois et il me fera le contrat. Là j'ai accepté. Et j'ai commencé à travailler le 12 Janvier. Il m'avait dit qu'il allait me payer les jours que j'ai commencé après on fait un contrat et j'étais d'accord parce que j'avais confiance en lui. Le 3 février, la gérante m'a appelé pour me dire que le propriétaire a appelé mais il veut que tu travailles tous les jours désormais parce que l'autre cuisinière doit partir au Sénégal. Là j'ai répondu par le négatif en lui faisant savoir que j'ai des cours à faire et je suis venu en France pour des études. Donc je ne peux pas travailler tous les jours. et c'est là qu'il y a eu problème. Il voulait que je travaille tous les jours. Donc je lui ai dis que j'arrête de travailler parce que je suis étudiant.

    Là, la gérante m'a fait savoir que le propriétaire viendra dans la semaine et il te paiera ton argent. Elle m'a même donné un jour pour venir récupérer mon argent. Je suis allé mais elle m'a dit que le propriétaire n'est pas encore venu alors qu'il était là. C'est l'autre cuisinière avec qui je travaillais qui me l'a fait savoir. Le lendemain, je suis allée de nouveau et j'ai pu rencontrer le propriétaire. Là, le monsieur m'a donné encore rendez vous le soir parce que dit il n'avait pas d'espèce avec lui. Il m'a alors donné rendez vous le soir alors qu'il devait voyager. En ce moment, je devais partir à Paris alors je lui ai dis que je ne pouvais pas parce que je devais partir. Alors il m'a dit qu'il aller me l'envoyer dans mon compte une fois arrivée. J'étais d'accord. Et je lui ai demandé de faire le tout pour me l'envoyer avant le 10 Février parce que je devais payer mon loyer. Quand je parti à Paris, je l'ai appelé à plusieurs reprises et je suis tombé sur sa messagerie. Et j'ai laissé des messages là bas mais il ne m'a jamais rappelé.

    Un soir, l'autre cuisinière m'a appelé pour me demandé des nouvelles et je l'ai mis au courant de tout. Après qu'elle ait raccroché, je ne sais pas ce qui s'est passé mais le propriétaire du restaurant m'a appelé. Il disait qu'il a entendu que j'allais appeler la police et que j'allais porter plainte etc. il me dit que tu peux faire ce que tu veux mais tu n'auras rien. Tu peux même saisir le président François Hollande, il ne peut rien contre moi. Et puis je n'ai pas ton temps. Je lui ai dis ok et j'ai raccroché. Depuis lors il ne m'a plus rappelé, il ne m'a pas payé. J'en ai parlé avec la personne qui m'avait mis en contact avec lui mais jusqu'ici il n'y a pas du nouveau. »

    Cette forte obsession de travailler s'exprime à travers cet extrait d'entretien. Cette étudiante ayant accepté de travailler sans contrat en se basant juste sur des promesses explique par la suite les raisons qui l'ont poussé à accepter cela :

    « Ce n'était pas parce que je voulais faire du travail au noir mais c'était la seule chose que j'avais trouvé. Je voulais avoir un contrat après et j'avais aussi confiance en lui. Mais il n'a pas respecté ses engagements. Avec ce travail j'espérais beaucoup de choses. C'est pourquoi, quand il m'a escroqué, j'avais vraiment mal. Je me disais que j'ai enfin trouvé du travail et que je pourrais payer mon loyer chaque fin du mois, je pourrais également subvenir à tous mes besoins sans demander à mes parents et même faire des économies. Parce qu'à mon âge, je ne dois plus demander à mes parents. Ils ont déjà tout fait pour moi. Maintenant, il faut que je me débrouille. Malheureusement, on m'a trahi. » (Extrait d'entretien avec F.A, étudiante Sénégalaise)

    Ainsi, il est perceptible que cet idée de s'autonomiser reste toujours l'élément central qui favorise la recherche d'un travail chez nos enquêtés. Se tenir à l'écart du travail entraine une dépendance total vis-à-vis de la famille ou d'un membre de la famille, surtout lorsque l'étudiant n'est pas boursier. Dés lors il faut par tous les moyens possibles s'auto prendre en charge. Cette forte revendication d'autonomie de la part des étudiants traverse et transcende les situations économiques dans le pays d'accueil mais inclus une dimension sociale qui se traduit par cette injonction morale à la responsabilité que la plupart des jeunes ne peuvent esquiver sous peine de rester en deçà des réquisits auquel doit satisfaire tout individu de leur âge. Le travail constitue un moyen possible de se réaliser personnellement. Détenir un emploi est encore aujourd'hui synonyme de réalisation de soi et surtout d'intégration sociale (Méda, 1995). Elle permet de se procurer une valorisation de soi et d'être reconnu comme responsable aux yeux des autres. Dès lors, il constitue une sorte de sociabilité et s'inscrit comme une logique sociale qui favorise ou réconforte la maturité.

    En réalité, le travail rémunéré chez les étudiants Sénégalais et Maliens peut même être pris comme une revendication généralisée et par là même a un caractère sociale, dans la mesure où même ceux qui sont issus de famille aisée s'autorisent à exercer une activité rémunérée comme l'exemple de cet étudiante sénégalaise qui a fait ses études dans des écoles privées prestigieuses de Dakar et qui bénéficiait de l'aide de ses parents chaque moi. D'une mère ancienne dactylo et d'un père expert comptable, elle affirme avoir exercé une activité rémunérée malgré le fait qu'elle recevait une somme de la part de ses parents. Ceci pour prouver qu'elle peut se débrouiller seule. Même étant malade, alors que ses parents l'ont suggéré de ne pas travailler et qu'ils s'occuperaient de tout, elle n'a pas manqué de travailler quand même. Dans l'entretien qu'elle nous a accordé, elle dit :

    « Je voulais faire comme tout le monde. C'est-à-dire faire comme tous les étudiants étrangers qui sont là qui cherchent du travail et qui... qui souffrent quoi ! Il fallait que je vive cette expérience là. Je peux dire que je ne suis pas en très bonne santé c'est pourquoi mes parents me disaient pourquoi tu travailles ? Ne travailles pas surtout quand tu sais que tu n'as pas la santé. Mais je disais non ! Ça va, ça va, ça va ; Il fallait que je travaille. J'avais besoin de travailler pour pouvoir faire de mon argent ce que je voulais. Parce que quand même mon père n'est pas jeune, il n'a pas non plus une bonne santé, donc voilà il se tue quand même pour envoyer de l'argent à moi et à ma soeur. Je ne pouvais pas me permettre de faire certaine chose. Alors que quand je travaillais et que c'étais mon argent à moi, je pouvais en faire ce que voulais. Je ne sais pas si vous voyais ce que je veux dire. Donc voilà j'ai travaillé. Et voilà ça me permettais de dire à mon père de m'envoyer la moitié de ma somme habituelle. J'ai trouvé un travail. Paies moi le loyer, le reste je gère. Voilà mes parents étaient d'accord. Ma mère m'encourageait. Mais après c'est mon père qui n'était pas d'accord car il se soucier de ma santé. Mais j'insistais quand même et c'est quand même une belle expérience. Moi je n'ai pas envie d'être traité d'une fille à Papa. Moi je n'ai pas envie d'être traité d'une fille à Papa. Ça c'est un truc qui m'énerve quoi. Ça m'énerve! Je veux être autonome. Je ne veux pas dépendre des autres. Après tout je rends grâce à Dieu parce que quand j'ai besoin d'une chose, il me suffit d'appeler et d'être aider par la grâce de Dieu. Mais il fallait que je fasse comme tout le monde pour pouvoir connaitre la vraie valeur de l'argent. Moi j'ai eu le bac et je suis venue ici directement sans passer à l'université Cheikh Anta Diop comme les autres. Je n'ai jamais été là bas. La seule fois ou je suis passé là bas j'accompagnais ma soeur mais j'étais choquée. Je me disais intérieurement est ce que tu réalises la chance que tu as ? C'est pour prouver que c'est bien de souffrir de temps en temps. Pour mon premier jour de travail, quand je suis rentrée, je pleurais comme une malade. J'avais les pieds enflés. C'était dur. C'était très dur mais j'avais besoin de faire ça. J'avais besoin de prouver que ce n'est pas parce que papa et maman sont là que tu dors. Parce que nos papas et mamans ne sont pas éternels sur terre. Tôt ou tard, ils partiront. Donc il faut que je sache me débrouiller, savoir comment faire en cas de besoin. C'est pourquoi je voulais faire comme tout le monde. Les garçons faisaient la plonge et nous les filles, on faisait le ménage. Celles qui avaient plus de chance étaient serveuses. (Extrait d'entretien avec ND. C, étudiante sénégalaise)

    Dés lors, le désir de s'autofinancer dépasse largement le clivage des classes sociales. On voit que l'exercice d'une activité professionnelle s'observe également chez les jeunes d'origine favorisée. En réalité, le sens de l'honneur, qui implique chez les Sénégalais les notions de jom (fierté) et de nawlé (égaux sociaux) assigne à l'individu de relever le défi social en se hissant à la hauteur des performances de gens de sa classe d'âge (Mboup, 2000, p.91). Il constitue sans doute des éléments qui favorisent la recherche d'une activité rémunéré pour ne pas dépendre des autres. Ce désir d'autonomie pouvant ici être compris comme des dispositions, ces étudiants, étant déjà préparer et socialisé à apprendre à être autonome. Le travail étant alors un important intégrateur pour reprendre les termes d'Yves barrel. Ce dernier, qualifié le travail de "Grand Intégrateur". Selon l'auteur, ce modèle remplirait trois fonctions essentielles qui sont l'organisation sociale, le maintien de l'ordre et la création du sens. Le travail, qui est lui-même une norme, permet l'intégration sociale et constitue l'une des formes majeures du lien. Le travail, outre qu'il permet le gain financier qui autorise la consommation, définit les identités sociales, les appartenances et organise les rapports sociaux.25(*)Le travail constitue donc une méthode d'affirmation personnelle, un gage de réussite et, pour reprendre les termes de Bourdieu, un élément de positionnement social.

    Sur un plan analytique, l'on peut tout de suite affirmer que le travail salarié en marge des études semble agir comme un révélateur des rapports familiaux et sous certaines conditions, comme le producteur de dynamiques singulières qui articulent les nouvelles tensions entre les différents ancrages de la vie quotidienne. On approche ici du « travail des individus » qui, en combinant des logiques d'action contradictoires, met les individus en mouvement par la tension qu'il crée entre des principes qui s'opposent. (Froment, 2012)

    Toutefois, il est important de souligner que même si le désir d'une autonomie financière vis-à-vis de la famille est bien un motif de la recherche d'une activité rémunérée, force est de reconnaitre, cette autonomie financière s'accompagne quelques fois de nouvelles obligations pour l'étudiant vis a vis du groupe familial. A partir du moment ou l'étudiant parvient à vivre et à s'entretenir seul sans l'aide de la famille, la relation de dépendance avec la famille ou le groupe social d'origine change de nature. Une sorte de pression morale l'oblige à aider et à soutenir sa famille.

    6.2. Le travail comme une contrainte.

    6.2.1. La pression famille.

    Même étant séparé géographiquement avec leur pays d'origine, ces étudiants maintiennent toujours des relations avec leurs familles. Cependant ces relations sont pour la plupart du temps pour des raisons économiques, leurs contributions au fonctionnement de la maison et des dépenses quotidiennes. Comme mentionner dans les paragraphes qui précédent, la décision d'émigrer est fonction des perspectives d'emploi et de l'espérance de revenu plus élevé dans le pays de destination. Donc, l'espoir de remédier à cette situation demeure au coeur du voyage. Plus il y a des opportunités de travail ou de revenu dans le pays d'accueil, plus la propension de partir est forte. Toutefois, il faut tout de même souligner l'influence de la famille dans le départ. Beaucoup de jeunes partent vers d'autres cieux dans le but de répondre aux attentes de la famille qui devient de plus en plus un fardeau pour eux. La forte injonction de réussite pousse ces personnes à voyager vers d'autres cieux dans l'espoir de trouver les moyens nécessaires pour servir. D'ailleurs, pour diversifier les sources de revenus et ainsi échapper aux risques liés à des chocs pouvant affecter l'activité économique dans le pays d'origine (Azam et Gubert, 2002), certaines familles sont prêtes à envoyer un membre vers l'étranger. En effet, dans beaucoup de sociétés africaines, la migration est le plus souvent posée dans un contexte familial. La migration reposerait sur une stratégie familiale au sein de laquelle l'individu se trouve confiné. Du fait qu'en Afrique la famille (ou le ménage) fonctionne comme une unité de production, de consommation et de socialisation, elle jouit d'une rationalité économique et constitue en même temps un centre de décisions stratégiques (Stark, 1980; Harbison, 1981 ; Gregory et Piché, 1986; Root et De Jong, 1991). Dans ce cadre, le groupe familial exerce une forte pression sur la personne, pouvant entrainer ainsi la décision de migrer d'un ou de plusieurs de ses membres. Cette pression sociale ou familiale est encore beaucoup plus accentuée lorsque la personne arrive à réaliser son voyage. A cet effet, même les étudiants n'y échappent pas. Ils sont eux aussi considérés comme tous les autres migrants donc ayant la capacité d'aider. Dans l'imaginaire de la plupart de familles d'origine, le voyage est synonyme de réussite, d'accession à la fortune.

    « Il faut étudier et travailler à coté pour s'en sortir. Non seulement pour financer les études mais aussi pour se nourrir et avoir quelque chose. Sans oublier aussi ceux qui nous attendent au pays. Déjà, quand ils savent que tu es à l'étranger, ils ont une autre vision sur toi. Ils se disent qu'il doit avoir de l'argent puisqu'il est en France. Du coup, on ne peut pas rester là les bras croisés en ne faisant que les études. Parce qu'il espère qu'on pourra les aider. De ce fait avec le travail à coté on finance les études mais aussi on aide la famille. » (Extrait d'entretien M.D, Etudiant Sénégalais)

    Ces étudiants se voient dans l'obligation de satisfaire les demandes et les attentes qui ne peuvent se réaliser que par l'exercice d'une activité rémunérée. Ainsi, le travail étudiant étant ici directement lié à la situation sociale et économique de la famille du pays de départ. Si l'on part de notre idée de départ qui postule que la migration relève d'une stratégie familiale et d'une forte pression sociale qui répond à la précarité économique du ménage, on peut tout de suite s'attendre à ce que la personne tente à tout pris de redistribuer les profits de la migration avec la famille d'origine. Ce qui se traduit par les nombreux transferts d'argent des étudiants. En principe, c'est la famille qui devait aider l'étudiant en finançant ces études mais la réalité montre le contraire. Les flux de transferts partent plutôt du pays d'accueil au pays de départ. De nombreux étudiants s'adonnent à ces transferts d'argent. Certains prennent même en charge les besoins de base du ménage d'origine (alimentation, cérémonies, santé, logement).

    L'obsession de travailler peut être aussi le fruit d'un comportement altruiste de ses étudiants. En d'autres termes, ils travaillent pour envoyer de l'argent parce qu'ils souhaitent par eux même soutenir leur famille qui sont parfois aussi dans le besoin. En réalité, quelques uns de nos répondants expliquent leurs activités rémunérées par le fait de vouloir aider leurs familles. Ces derniers évoquent toujours un sentiment de redevance vis-à-vis de leurs parents. Ils estiment que ces derniers ont tout fait pour eux et que c'est à leur tour de rendre la monnaie de la pièce. Il s'agit d'une sorte d'exécution d'un contrat moral par lequel l'étudiant cherche tant bien que mal à satisfaire en aidant à son tour ses parents. On peut même parler d'une sorte de contre don dans le sens de M. Mauss26(*), l'étudiant étant obligé de rendre à ses parents l'investissement faits sur lui.

    « Aujourd'hui, les temps ont changé, nous ne sommes plus des enfants, on a grandi. Avec tout ce que les parents fait pour nous ont fait pour nous...ils se sont occupés de nos études, ils ont tout fait pour nous. Maintenant qu'on a grandi jusqu'à atteindre certain niveau, en un instant, il faut vraiment les aider et les prendre en charge comme ils l'ont fait pour nous. Parce qu'ils n'ont plus la même force et les mêmes moyens. Ils sont agés maintenant. Certes, il y a en qui ont des parents qui ont toujours les moyens. Et même si c'est le cas, ce n'est pas une raison de ne pas le faire pour eux. Mais il y a des gens qui ont des parents qui ne font plus rien comme moi. Ma mère est une femme au foyer, elle ne fait plus rien et elle a presque 60 ans. C'est nous qui l'avons pris en charge. C'est nous qui l'envoyons de l'argent, c'est nous qui faisons tout pour elle. Si elle a besoin de quoi que ce soit, elle nous demande. C'est pourquoi je me débrouille et je travaille pour l'aider. » (Extrait d'entretien avec A.D, Etudiante Sénégalaise)

    La souffrance de la plupart de ses jeunes est autant de ne pas avoir que de ne pas pouvoir rendre souligne Mahamet Timera. Selon ce dernier, cette logique du don et du contre-don, du remboursement de la « dette sociale », structure les relations interpersonnelles dans l'espace familial, mais aussi dans l'espace public communautaire ou local, voire national. Les jeunes adultes sont, en tant que cadets, fortement tributaires de cette logique. Et, alors qu'arrive le moment de la restitution, leur tour de donner, ils vivent une crise de mobilité qui les confine dans une impossibilité d'être socialement. C'est particulièrement le cas des jeunes citadins qui, à la différence de leurs homologues ruraux ne peuvent, par une mobilisation dans les travaux agricoles, rendre ou commencer à rendre ce qu'ils ont reçu. Pour les jeunes citadins, la seule vraie reconnaissance passe par l'accès à l'emploi rémunérateur. C'est la condition de leur entrée dans l'espace public comme individus majeurs ayant un statut social.27(*)

    Ainsi, à l'image du jeune citadin évoqué par Timera, l'emploi rémunéré constitue pour l'étudiant une moyen pour assurer non seulement son autonomie financière mais aussi de pour pouvoir s'acquitter de cette dette sociale en soutenant la famille ou le groupe social d'origine. En réalité, le soutien apporté à la famille constitue une sorte d'assurance pour ses étudiants qui pensent avoir accomplir leur mission. Cette étudiante continuera pour expliquer son attitude envers ses parents par la culture. En effet, dans la plupart des sociétés africaines, la réussite et la réalisation de la personne est en étroite relation avec ses parents. L'individu qui arrive à rendre heureux ses parents en les aidant et en les entretenant est perçu comme le bon fils qui a toutes les chances pour s'enrichir. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre A.D qui considère que le fait d'envoyer de l'argent à ses parents ne fait que l'enrichir :

    « C'est juste que comme je l'ai dis tout à leur, ça fait partie de notre culture. Quand tu partages ce que tu gagnes avec ta maman, ça ne fait que t'enrichir. Pour moi, le fait que j'envois de l'argent à ma mère, c'est quelque chose qui m'aide beaucoup ici. A chaque fois que je le fais, je vois que ça m'enrichi. Aujourd'hui, si je gage 50 euros par exemple, si j'envois les 25euros à ma mère, avant la fin de la semaine je vois que je gagnerai encore plus. Ça va se multiplier d'avantage. Et ça ne diminuera en rien l'argent que je gagne. Au contraire ça m'enrichira. C'est comme si je gagne des intérêts quoi. » (Extrait d'entretien avec A.D, Etudiante Sénégalaise)

    Ces transferts d'argents remplissent un rôle très important dans l'économie de ces familles. Nombreuses sont les études qui défendent l'idée selon laquelle la migration et les transferts d'argents des migrants peuvent représenter pour les pays en développement, en particulier ceux de l'Afrique subsaharienne, un moyen efficace pour participer à l'économie mondiale, de financer leur développement et de réduire la pauvreté.28(*) Dans un rapport intitulé Global Development Finance 2005: Mobilizing Finance and Managing Vulnerability, la Banque mondiale précise clairement que les transferts de fonds des migrants constituent une source de plus en plus importante de financement du développement, qui, dans certains pays, dépasse même l'aide publique au développement. « Les fonds envoyés dans les pays en développement par des émigrés travaillant à l'étranger, résidents ou non résidents ont augmenté, d'après les estimations, de 10 milliards de dollars (8 %) en 2004, pour atteindre 126 milliards de dollars », indique la Banque.29(*)Toutefois, il est important de souligner que si l'on y ajoute les flux non-officiels (le convoyage par des parents, des amis ou par le migrants lui même et le versement à des intermédiaires pour les transferts informels) qui n'ont pas été pris en compte par la banque mondiale, le montant total pourrait être encore beaucoup plus élevé.

    Au fil des ans, la région de Kayes, au Mali, a bénéficié de tels transferts de fonds. D'après la Banque mondiale, l'argent envoyé par des Maliens vivant en France a contribué à la construction de 60 % des infrastructures. Environ 40 associations de Maliens émigrés en France ont apporté leur appui financier à près de 150 projets, dont la valeur totale sur 10 ans a été évaluée à 3 millions d'euros. Quant au Sénégal, la BAD estime dans une enquête en 2007 à 822milliards de francs CFA le montant total des envois d'argent reçus par le Sénégal en 2005, Soit 19% du PIB.

    L'ampleur des transferts d'argents des émigrés témoigne donc de leur poids sur l'économie nationale mais aussi dans le budget de consommation des ménages bénéficiaires. Ils constituent une forme d'assurance contre la précarité des conditions de vie des familles qui en bénéficient. Leur progression nous renseigne sur le fait que, de simples revenus d'appoint, ils sont devenus une source de revenu permanente pour ces derniers. Ce qui entraine quelques fois une sorte de dépendance entre le migrant et les bénéficiaires. Une fois en place, l'étudiant est parfois obligé de subvenir régulièrement aux besoins de consommations courantes de la famille. Certaines familles n'hésitent pas à solliciter l'étudiant pour des besoins secondaires comme par exemple des mariages ou encore les fêtes religieuses qui sont fréquents au pays. En raison de la fréquence de ces demandes, ces étudiants ne profitent presque pas de ce qu'ils gagnent ici. Ce sont généralement les parents qui restent au pays qui en profitent.

    « On est obligé. Déjà les parents se glorifient du fait qu'on soit en France. Ils crient partout que leur fils est en France. C'est une joie pour eux quoi ! Ils pensent tous qu'on a réussis. Surtout quand tu leur dis que tu travailles à coté. Ah là ils pensent que tu as assez d'argent. Donc on est obligé de travailler. A la fin du mois, on partage ce qu'on gagne avec eux. Et je pense que c'est parfois très difficile de notre coté. Parce qu'on ne peut pas le faire parfois. Si par exemple On gagne 400 euros par mois, on paie le loyer à 200 euros, 100 euros pour la nourriture et le reste on l'envoie à la famille et tu n'as plus rien. » (Extrait d'entretien M.D, Etudiant Sénégalais)

    Ces transferts d'argent constituent un véritable risque pour l'étudiant. L'observation nous montre d'anciens étudiants qui ont finit par abandonner les études à cause du travail et des transferts d'argent. En effet, qu'ils soient étudiants ou travailleurs, celui qui est à l'étranger est toujours perçu comme quelqu'un qui a réussi et qui a donc des obligations vis-à-vis de sa famille. Dans cette perspective, dés qu'ils obtiennent un travail, certains étudiants tentent à tout prix d'honorer ses obligations qui finissent par faire d'eux des sortes de prisonniers. Une fois effectué, le transfert d'argent devient une sorte de tache à répéter. Ainsi, le travail qui, en principe devait être un accessoire, devient de plus en plus une priorité au détriment des études. Lors d'une réunion organisée par le dahiras chez est un des plus agés de la communauté Sénégalaise à Poitiers, celui-ci a invité les étudiants à ne pas tomber sur le même piège que lui :

    « A mes débuts en France, j'étais étudiants comme vous. Je travaillais souvent à coté pour soutenir ma famille. Mais c'était trop dur pour allier les deux. Causes pour laquelle j'ai choisi d'arrêter les études pour continuer à travailler. Aujourd'hui je regrette beaucoup parce que mes promotionnaires qui sont restés au Sénégal ont plus fait des réalisations que moi. Je vous conseille de ne pas faire comme moi. Concentrez-vous sur vos études. »30(*)

    La multiplication des demandes d'aides financières émanant de la famille est très souvent abordée par les étudiants. A ce propos, un étudiant malien nous a confié lors d'une discussion que nous avons eu avec lui à la cité marie curie qu'il déplore fermement le fait que, alors même qu'il est obligé de se priver de beaucoup de loisirs et de bien matériel, à travers la pratique de métiers peu valorisant comme la plonge afin d'accroitre ses revenus, certaines personnes avec qui il a des liens de parenté envoient des messages pour solliciter de l'argent souvent destinés à des dépenses de nécessité secondaire. Il nous a aussi fait savoir que souvent, les parents surestiment leur capacité financière. Ce qui se traduit par une tendance à élever encore le niveau des attentes. Dans cette même perspective, un autre étudiant Sénégal nous confie à son tour qu'un jour, il a reçu le coup de fil d'un de ses oncles qui le sollicitait financièrement. A ce propos, cet étudiant raconte que quand il était au Sénégal, il ne connaissait même pas cet homme mais aujourd'hui, parce qu'il est à l'étranger, il est sollicité très souvent.

    De nombreuses anecdotes circulent également dans le milieu des étudiants concernant par exemple des personnes qui sont sollicitées à travers les réseaux sociaux ( Facebook, Viber etc.) par des frères, amis ou même de leur petite amie qu'ils laissent au pays. Jusqu'ici, il faut reconnaitre qu'il existe rarement des cas de refus. Par contre, certains développent d'autres stratégies pour s'en sortir par exemple dire qu'ils ne travaillent pas, d'autres soulignent qu'ils ne répondent plus à des appels téléphoniques provenant de leurs pays d'origine. Cependant, il y'en a qui quand même admettent la part de gratification qu'il y a à se sentir ainsi «  quelqu'un d'important » parce qu'ils sont sollicités. Ce qui en soi contrebalance les difficultés qu'ils rencontrent au sein de la société d'émigration et même si cela doit s'inscrire dans un faux jeu.

    6.2.2. Travailler pour étudier

    Quoi qu'on puisse dire, les études restent quand même un motif du voyage. D'ailleurs, il est clairement mentionné sur le titre de séjour de ses étudiants qu'ils ont un visa pour étude. Après la séparation géographique avec leur pays d'origine, ces étudiants doivent maintenant s'établir dans leur nouvel environnement et souvent dans des conditions acrobatiques. Leur situation économique les oblige à vivre dans des conditions très difficiles. Et pourtant, ils doivent s'acquitter de leur logement, des inscriptions etc. En effet, presque toutes les personnes que nous avons interrogées dans cette enquête (10 sur 11) proviennent de familles défavorisées socio économiquement. Ils ne reçoivent aucune aide financière de la part du gouvernement de leurs pays d'origine. Pour faire face à l'ensemble des dépenses de subsistance et d'études, ces étudiants sont dans l'obligation de travailler régulièrement pour pouvoir s'en sortir.

    En effet, depuis quelques années, la France a connu une massification sans précédent du nombre d'étudiants étrangers. Toutefois, il existe une diversification du profil social de ces étudiants. Dans ce lot important, une grande partie d'entre eux, surtout ceux provenant des pays du sud, on note une part importante d'étudiants issus de familles défavorisées pour lesquelles le financement des études de leurs enfants est une vraie question. L'étudiant, après avoir été appuyé financièrement pour qu'il effectue son voyage, il est laissé à lui-même une fois dans le pays d'accueil. Il lui revient alors de se prendre en charge. Dans ces conditions, beaucoup d'étudiants de notre échantillon éprouvent des difficultés à la fois économiques et psychologiques. Déjà, ils doivent s'intégrer dans leur nouvel environnement social et scolaire mais aussi, ils doivent s'acquitter de leurs besoins quotidiens.

    Pour le premier point, la plupart arrive à s'en sortir grâce aux réseaux de solidarité avec les associations des différents pays d'origine qui jouent un rôle très important. Ces dernières accueillent souvent les étudiants, les hébergent pour les premiers jours et les accompagnent pour certaines démarches administratives. Ainsi, l'étudiant parvient à se faire un réseau d'interconnaissance puis s'adapte progressivement dans le pays d'accueil.

    Toutefois un deuxième problème survient lorsque l'étudiant arrive à se trouver un logement et à s'occuper tout seul pour vivre. A cet effet, en ce qui concerne le coût des études, faudrait il prendre en compte plusieurs paramètres. D'abord, selon les filières, les coûts directs des études peuvent être très variables, en suite, il ne faut pas oublier les coûts indirects que constituent le logement et les frais de transports. Ces deux paramètres pèsent un poids non négligeable dans la vie de ces étudiants. Aujourd'hui, étant dans des situations économiques assez critiques, certains étudiants ont de sérieux problèmes pour se payer le transport (avoir une carte bus annuelle ou mensuelle). L'observation nous montre parfois des étudiants qui marchent pour rejoindre leur faculté le matin et parfois même sous le froid pendant l'hiver au risque de tomber malade. D'autres encore ont des mois de retard par rapport à leurs logements ou encore n'arrivent pas à satisfaire leurs besoins vitaux. Pour comprendre les difficultés que traversent certains étudiants étrangers, il suffit de faire un tour chez les assistantes sociales. Chaque jour, de nombreux étudiants les sollicitent pour se payer leur loyer ou encore avoir de quoi se nourrir. D'autres font recours à des structures comme les épiceries solidaires à la maison des étudiants ou encore au restaurant du coeur pour s'approvisionner. Toutefois, il est clair que certains en abusent parfois pour profiter des oeuvres offertes par ces services.

    Dans toutes ses situations, travailler devient une obligation pour pouvoir s'en sortir. Exercer une activité rémunérée s'impose pour certains pour pouvoir payer leur inscription chaque année mais aussi payer le loyer et leurs besoins vitaux. Évidemment, cela ne veut pas dire que le rapport au travail se résume à cette dimension; certains éléments mis en évidence précédemment reviennent. Cependant, la situation socio économique des uns et des autres oblige souvent à travailler:

    « Ah, je suis obligé de travailler pour financer les études. Pour une inscription à 500 euros, et un logement à 1500 euros dans une chambre traditionnelle par ans ; si tu as la caf bien sure. Donc à peu prêt 2000 euros par ans, ce n'est pas facile que la famille t'envoie ça vu les conjonctures économiques au pays. Et surtout il faut tenir compte du franc CFA qui est très faible par rapport à l'euro. Donc pour avoir 2000euros, il faut que tes parents t'envoient 2 millions de franc CFA à peu prêt. Et cette somme là au mali c'est pratiquement le salaire de beaucoup de Maliens en 5 ou 6 mois. Donc c'est une somme énorme. Donc je ne peux pas m'attendre à ce que la famille me fournisse ça, je ne peux pas dépendre d'elle. Donc voilà, pour pouvoir étudier, ce qui m'a amené ici, je suis obligé de trouver un job étudiant à coté pour pouvoir financer mes études et pouvoir m'entretenir. » (Entretien avec K.B, étudiant Malien, 26ans)

    Les mots de cet enquêté abondent dans le même sens que nos paragraphes précédentes et mettent en exergue la situation économique des parents qui ne peuvent souvent pas les accompagner financièrement. La différence du taux de change entre le FCFA et l'Euro est très souvent soulevée pour expliquer l'incapacité des familles d'origine à aider. Comme l'affirment Ronan Vourc'h et Saeed Paivandi, « les étudiants étrangers, plus particulièrement les étudiants non européens, doivent donc faire face à des dépenses personnelles plus élevées et se retrouvent plus souvent en situation de difficulté financière. Pour y faire face, ils doivent plus fréquemment se restreindre. » Ainsi, ces étudiants sont contraints de se débrouiller pour pouvoir s'en sortir. L'activité rémunéré devient plus que jamais une nécessité voire même une obligation pour certains. La poursuite des études est strictement subordonnée à l'exercice d'activités rémunérées régulières. Leurs salaires, oscillant entre 350 et 700 euros par mois, sont juste suffisants pour vivre et laissent peu de place aux dépenses de loisirs.

    En tout cas ce qui est sûr c'est que, réussir ses études nécessite d'être dans de bonnes conditions économiques mais aussi d'avoir une tranquillité psychologique. Il est avéré que dans une large mesure, la sommation de difficultés économiques affecte les conditions d'études de ses étudiants. Beaucoup parmi eux affirment qu'avec des difficultés pour payer leur logement ou encore de se nourrir comme il faut, ils n'arrivent pas à se concentrer comme il faut pour les études.

    « Si j'avais laissé mon travail, ça allait être un problème parce que vous savez, quand tu étudies et que tu as un problème financier, c'est déjà difficile hein. Parce que les études, c'est des trucs qui donnent à réfléchir, et si tu as un problème financier, tu vas mal réfléchir. Vous imaginez ? Moi je me rappelle, c'était en 2012 avant de commencer mon premier travail au restaurant universitaire, j'avais à peu prêt six mois de loyer impayé. Il y avait la secrétaire de la cité Rabelais qui m'envoyait des messages dans ma boite à lettre pour me dire qu'il faut que j'aille régler mes loyers impayés. Tout ça me perturbait. Ça me stressait. Vous savez, quand tu es nouveau dans un pays et qu'on appelle souvent sur ton numéro personnel pour te demander d'aller payer le loyer, ça te stresse quoi. Vraiment ça a failli avoir un problème sérieux dans mes études. Mais j'avais un ami qui m'a suggérer d'aller voir l'assistance social. Je suis allé la voir et je les expliqué ma situation. Donc ils ont été très gentils, ils m'ont écouté et m'ont dit de ne pas me soucier de la cité et que c'est normal qu'ils font ça. Ils m'ont aussi aidé financièrement en me donnant 140 euros et un mois de loyer. Et ça m'a beaucoup aidé. Même le fait de parler avec eux, ça m'a beaucoup fait de bien. Donc si je ne travaillais pas, je pense que je n'allais jamais réussir mes études. Donc il fallait vraiment que je travaille pour poursuivre mes études.» (Entretien avec S.B, étudiant Malien)

    Cet extrait d'entretien met en exergue le caractère impératif et contraignant de travailler. Cet étudiant explique son recours au travail par le fait de vouloir avoir de la concentration. Pour lui, le travail lui permettrait de sortir des difficultés économiques et de pouvoir ainsi se concentrer aux études. Le travail étant ici perçu comme la condition sine qua non pour pouvoir réussir leurs études. En effet, les études à l'université demandent beaucoup de réflexions mais aussi des recherches. De ce fait, cet étudiant estime qu'il est impossible de se concentrer lorsqu'on a des problèmes pour payer son logement ou encore se nourrir. Souvent, dans les résidences universitaires, on ne prend pas en compte la situation économique des étudiants qui y logent. Voilà pourquoi, en conformité avec le règlement, ils envoient des courriers à ces étudiants qui ont du mal à s'acquitter de leurs logements. Des courriers qui dictent l'étudiant à payer son loyer au risque de se faire sortir de la résidence ou même parfois de se faire traduire en justice. Ce qui ne manque pas d'affecter psychologiquement ses étudiants qui jouent souvent au cache-cache avec la direction des résidences. Cette situation est encore beaucoup plus critique lorsque l'étudiant réside dans un privé. Avant même la fin du mois, quelques uns de nos interlocuteurs nous ont fait savoir que le propriétaire se présente pour le paiement. Une situation qu'il les stresse tout le temps. Cependant, il arrive parfois qu'il tombe sur des propriétaires qui sont compréhensibles comme le souligne cette étudiante:

    « En ce moment, si je reste toujours là (en parlant de sa chambre), c'est grâce à Dieu. J'arrive à m'en sortir !alhamdoulilah. Parce que bien vrai que je n'arrive pas payer mon logement toutes les fins du mois. Si je vous dis que je le fais, alors je vous mens. Je fais une avance au propriétaire parce que je ne peux pas tout payer en entier. Heureusement que je suis tombé sur quelqu'un qui me comprend et qui est tolèrent. Je lui fais des avances quand mon père m'envoie une somme parce que ce n'est pas suffisant. Au cours du mois, si je gagne quelque chose, je complète. C'est comme ça que je fais. » (Extrait d'entretien avec F.A, étudiante Sénégalaise.)

    Tant de situations qui au final amènent à penser que l'étudiant étranger est en quelque sorte obligé de travailler , non pas parce qu'il est étranger mais parce que le statut de l'étudiant est un statut précaire en soi et étant issu de familles défavorisées.

    6.3. Etudier ou travailler ? le conflit !

    Même si travailler pendant les études peut être bénéfique comme le souligne certaines études, force est de constater que ce n'est pas toujours le cas. L'activité rémunérée, parce qu'elle peut empiéter sur le temps des études, présente de nombreux risques en ce qu'elle peut venir perturber la réussite des études. Si certaines conditions ne sont pas respectées par l'étudiant, le cumul des études et du travail peut avoir des retombées négatives non négligeables, incluant une diminution du rendement scolaire, un désengagement à l'égard des études, voire le décrochage scolaire. Toutefois il est urgent de pousser encore plus la réflexion en s'interrogeant sur la manière dont l'activité rémunérée peut affecter le bon déroulement des études mais aussi et surtout d'analyser les facteurs susceptibles de concourir à la réussite des études. Tout d'abord, il faut préciser que deux éléments permettent de mieux saisir l'influence négative du travail rémunéré sur les études. Il s'agit de la nature même du travail exercé mais aussi du temps que l'étudiant lui accorde.

    En effet, le type d'emploi occupé et les conditions de travail qui y sont rattachées sont des éléments qui influent sur les études. En d'autres termes, plus l'activité rémunérée est intense et éloignée des études, plus le temps consacré aux études se réduit. La plupart des jobs exercés par les étudiants sont très peu qualifiés. Les enquêtes effectuées sur le monde étudiant étranger donnent une image des emplois principalement occupés par les étudiants. Lorsqu'ils travaillent, les étudiants sont le plus souvent dans le domaine de la restauration (plonge, agent polyvalent etc.) caissiers dans les grandes surface, agent de sécurité, veilleurs de nuit dans les hôtels ou les centres d'accueil, livreur de pizza, femme de ménages, baby-sitter etc. Des Mc jobs pour reprendre l'expression de Roy (2008). Le domaine de la restauration est le plus partagé par nos enquêtés. Sur 11 personnes interrogées, 09 parmi eux ont déclaré qu'ils font de la plonge ou sont des serveurs ou serveuses dans un restaurant de la place. Il s'agit d'emplois n'ayant pas de lien avec leurs études et qui présentent une charge horaire lourde : ils sont exercés au moins trois jours par semaine et nécessitent aussi beaucoup de temps mais aussi de la force physique. En effet, l'intensité du travail étudiant est sans doute un facteur pouvant empiéter la performance des étudiants. La concurrence entre ces types d'activités rémunérées et les études est réelle pour ces étudiants. En réalité l'enchaînement parfois rapide des périodes en emploi et en étude dans une même journée ou au cours de la semaine n'est pas toujours « conciliable » et s'effectue le plus souvent au détriment du travail universitaire. Ces derniers rentrent souvent chez eux épuiser ou le temps de révisons des cours ou de faire des exercices se substitue à un sommeil ou un temps de repos. Parfois, certains d'entre eux arrivent en retard à la classe à cause du travail et n'ont pas forcément la concentration nécessaire qu'il faut pour suivre le cours.

    « Les jobs étudiants sont très durs. Que tu bosses 5h ou 10h par semaine, ce n'est pas du tout facile. Vous savez, les études, la recherche en générale, ça demande beaucoup d'efforts. Il faut dédier à la recherche énormément de temps. Souvent le travail peut être un handicap. Moi j'ai eu l'expérience. Je travaillais aux restaurants du Crous, 10h par semaine. Je ne travaillais que 2h par jour mais ces 2h ça me paraissaient être 4h ou 5h vue la rigueur du travail, la fatigue et tout. Donc c'est vraiment difficile de combiner à la fois les études et le travail. Parfois quand je rentrais chez moi, je ne faisais que dormir, je ne pouvais pas réviser parce que je suis tellement épuisé.» (Extrait d'entretien avec K.B, étudiant Malien)

    Dans cette perspective, il est clair que la nature du travail exercé par l'étudiant demeure un facteur essentiel pour comprendre l'impact négatif sur les performances de ces étudiants. Ainsi, on peut se permettre de poser l'hypothèse comme quoi plus l'activité exercée est intense, plus il y a des chances pour qu'il ait un impact négatif sur les études.

    Au-delà de la nature du travail et de l'effort physique et psychologique que l'étudiant fournit, faudrait il aussi s'interroger sur le temps de travail qui est aussi fondamental pour comprendre les effets du travail rémunéré sur les études. En effet, il existe un seuil au-delà duquel le travail en cours d'études augmente considérablement les risques d'échec. Ce seuil est en général évalué à 15 heures ou 20 heures par semaine. Ceci relève d'un consensus international validé par de nombreuses enquêtes dans plusieurs pays de l'Ocde. En France, les enquêtes montrent que le dépassement de ce seuil, tout au long de l'année, dans l'exercice d'un travail peu qualifié et sans lien avec la formation suivie, a toutes les chances de perturber le bon déroulement des études, de conduire à l'échec et à l'abandon des études plus tôt que prévu.31(*)

    Tout d'abord, notons que les étudiants qui exercent une activité très concurrente des études sont bien les plus nombreux à s'exposer au risque d'abandon ou encore de produire de mauvais résultats. En effet, à force de d'accorder plus de temps au travail, l'étudiant court le risque de considérer cette activité comme plus importante. Ce que Vanessa Pinto, analysant le rapport à l'activité rémunérée des étudiants, décrit comme le « pôle de l'éternisation », dans lequel l'emploi étudiant « devient durable, au point de prendre progressivement la place des études, aussi bien dans les occupations que dans les préoccupations quotidiennes » (Pinto, 2010.) En d'autres termes, exercer une activité rémunérée pendant les études peut conduire progressivement à une négligence des études. L'étudiant accordant plus de temps et d'énergie au travail d'où une sorte de d'inversion par laquelle l'étudiant salarié devient peu à peu un salarié étudiant, son activité rémunérée prenant le pas sur ses études.

    En effet, il est avéré que la présence, le suivi des enseignements et le travail personnel constitue des éléments indispensables pour penser à une réussite par rapport aux études effectuées. Cependant, l'expérience montre que l'exercice d'une activité rémunérée influence assez nettement les temps studieux des étudiants. En principe, les étudiants qui ne travaillent pas sont ceux qui consacrent le plus de temps et de concentration aux études. Dans tous les cas, des écarts s'observent entre les étudiants qui n'ont pas d'activité rémunéré et ceux qui ont des heures de travail élevées. Ces derniers consacrent moins de temps aux cours et aux heures de travail personnel. Le travail sur l'enquête de 2006 de l'OVE en rapport avec les étudiants inscrits en sciences de l'éducation révèle l'existence d'un lien statistique entre le fait d'exercer une activité rémunérée et les phénomènes « négatifs » des études ou la « contre-performance » des étudiants. Par exemple, le fait d'exercer une activité augmente 35% la chance d'être absent.32(*) En réalité beaucoup d'étudiants s'autorisent à s'absenter aux cours à cause du travail.

    « Au début, comme tout travail, c'est difficile. Chaque jour j'avais cours à la fac de 08H à 18H. Du coup, j'ai négocié avec eux pour ne travailler que les soirs. Comme j'avais un contrat de travail de 15h par semaine, je travaillais là bas à partir de 19h jusqu' la fermeture à 23h. Mais si on avait beaucoup de clients, on pouvait aller jusqu'à une heure ou deux heures du matin. Comme moi j'habite à Rabelais et que le KFC c'est à Chasseneuil, il fallait prendre le bus pour y aller. Moi je n'avais pas de voiture. Parfois il fallait que j'attende le manager pour qu'il me ramène ou bien j'appelais un ami pour qu'il vienne me cherché au KFC. Donc le temps d'arriver chez moi, supposons que je termine à minuit, j'arrive chez moi à 2h du matin. J'arrive chez moi, je prends ma douche ; étant donné que j'avais des rapports à rendre aussi parce qu'on faisait des TP de 4h et on est obligé de rendre des rapports de quelques pages. Du coup j'arrivais chez moi à 2h du matin et le temps de prendre ma douche, il est presque 2h 30, je me couche pour me réveiller à 6H. Et ça continue encore, c'est comme une boucle. Chaque jour je faisais ça et j'étais vraiment épuisé. En un moment donné, j'avais envi de tout plaqué parce que j'étais fatigué et je n'arrivais pas à suivre le rythme. (...) Mais c'est vrai qu'il y a eu vraiment des moments ou je ne partais pas au cours. Surtout les cours du matin, les 8h, c'était difficile de coucher à 2H ou 3h pour me réveiller à 6h et prendre le bus à 7h 24 et puis voilà commencer les cours à 8h 15. C'était vraiment difficile et j'étais vraiment fatigué. J'étais fatigué physiquement puis psychologiquement. J'avais des rapports à rendre et ce n'était franchement pas facile.» (Extrait d'entretien avec S.B, étudiant Malien)

    Ces propos de S.B qui réside à la cité Rabelais et qui partait jusqu'à Chasseneuil pour travailler comme plongeur nous apprennent en quelque sorte que c'est lorsque l'étudiant exerce une activité très concurrente des études que l'impact sur le travail studieux est le plus important. En réalité, gérer deux emplois du temps en même temps semble être une obligation pour ses derniers. Toutefois, admettons quand même que la conciliation est très difficile. Comme le souligne les propos de cet étudiant cité ci haut, une des conséquences de l'exercice d'une activité rémunérée, particulièrement lorsqu'elle est physique ou encore nocturne, est sans doute la réduction du temps de présence aux cours, ou encore à la bibliothèque pour mener des recherches ou réviser. Ainsi, pour les étudiants qui sont inscrits dans des filières scientifiques par exemple, ou l'emploi du temps est très chargé, cumuler les deux est très difficile. Ne pouvant être aussi présents en cours que leurs camarades, ces étudiants sont donc dans l'obligation de compenser en étudiant de manière plus autonome et en allant chercher ailleurs une partie de l'information que les autres étudiants reçoivent par le biais de cette présence.

    « Je n'avais pas le temps pour réviser suffisamment. Je me rappelle bien, je révisais souvent à la pause. Entre midi et 14h, quand les gens partaient manger, c'est en ce moment que je révisais. Si je n'avais pas fait ça, je ne pouvais pas être au même niveau que mes camarades de classe. Eux, ils étaient en avance puisqu'ils n'avaient pas ce problème d'argent. Du coup, ils étaient bien. Mais moi, il fallait vraiment que je m'arrange pour suivre le rythme. Et pour ça, je travaillais tous les jours de midi à 14h à la BU. A chaque fois que j'avais une pause, parfois je pouvais même passer une journée sans manger pour aller travailler. J'essaie de finir mon rapport. Parfois je faisais les choses à la dernière minute. Il y a même certains profs qui m'on fait des remarques là-dessus. » (Extrait d'entretien avec S.B, Etudiant Malien)

    Ce qui ressort des entretiens est qu'il est difficile d'aller en cours tout en travaillant. Pour certains étudiants, le travail a eu un impact plus négatif allant jusqu'à leur faire redoubler une année. En effet, le salariat induit nécessairement à un aménagement de l'emploi du temps car l'étudiant devant alors gérer à la fois les études et le travail. Selon les travaux du sociologue Claude Grignon, dans un rapport en décembre 200333(*), basé sur les chiffres de 2000, l'exercice régulier d'une activité rétribuée sans rapport avec les études diminue les chances de réussite et va de pair avec le retard dans les études. Horaires lourds et incompatibles, désorganisation, fatigue...dans certains cas, le job étudiant devient un handicap pour les études.

    « C'est très difficile de travailler et de vouloir étudier. Sérieusement ! Parce que c'est à cause de ça que je n'ai pas pu terminer mon master de l'année dernière. Parce que sinon, je pouvais faire le master en une année, une bonne fois. Parce que j'avais validé toutes mes unités d'enseignement. Mais j'étais tellement pris par le travail. Il fallait que je gagne de l'argent pour pouvoir euh ... voilà quoi ! C'est pourquoi je me suis dit que je vais faire le master en deux années pour pouvoir gagner un peu de temps. Mais c'est vraiment quelque chose de difficile. » (Extrait d'entretien avec A.D, Etudiante Sénégalaise)

    Selon Grignon et Gruel, quelles que soient la filière et l'année d'étude, exercer un travail rémunéré régulier diminue de 42% la probabilité de valider complètement l'année. Les auteurs montrent lorsque les activités rémunérées ne sont pas intégrées aux études, sont statistiquement associées à des parcours chaotiques, à de moindres chances de réussite totale chances de réussite aux examens de premier et deuxième cycle. (Grignon et Gruel, 2000, p.186) D'après notre enquête, même ceux qui ont pourtant réussi à être admis à l'examen de fin d'année avouent qu'ils ont cependant régressé de leur niveau. Ils passent de justesse avec une moyenne comprise en 10 et 12.

    Cependant, il faut souligner que chaque étudiant ne vit pas cette expérience de la même façon, le travail n'a pas la même influence pour chaque étudiant. Si pour certains le travail constitue un handicap pour leurs études, admettons quand même que d'autres parviennent à s'en sortir. En tout cas, beaucoup d'étudiants acquièrent au fil du temps des techniques, des méthodes qui leur permettent de pouvoir au moins valider leurs années d'études. Certains étudiants salariés ont choisis un rythme « ralenti » pour pouvoir étudier à l'université tout en travaillant à mi temps ou à plein temps. Afin d'échapper aux risques encourus dans la conciliation études/travail, les étudiants mettent en place plus d'une stratégie comme par exemple réduire le nombre d'heures de travail en négociant avec son employeur pour libérer un peu la charge de travail. D'autres par contre réaménage leurs habitudes de vie par exemple en se couchant tôt le soir pour pouvoir se lever plus tôt et étudier. D'autres vont faire une gestion très serrée de leur horaire de vie, auquel ils seront fidèles, malgré les imprévus.

    CONCLUSION

    Devant l'évolution sans précédent du phénomène de la conciliation entre le travail et les études chez les étudiants africains en particulier Sénégalais et Maliens, nous avons cru nécessaire de faire le point sur cette question. De ce fait, puisqu'il existe de rares travaux sur ce phénomène chez les étudiants étrangers, il apparaissait pertinent de s'investir sur cette problématique pour mieux rendre compte de l'ampleur et des mobiles de la dualité étude-travail.

    Ainsi, bien que notre échantillon ne soit pas représentatif sur le plan statistique, nous pensons que les récits recueillis témoignent, à n'en point douter que la situation économique du pays d'accueil ou le financement des études ne suffisent pas pour comprendre le recours au travail chez les étudiants Maliens et Sénégalais. L'exercice d'une activité rémunérée inclut une dimension sociale qui précède même la venue en France de ses étudiants. Par conséquent, il est indispensable de toujours prendre compte des conditions sociales et économiques de départ de ses étudiants vers la France ainsi que leurs motivations. En réalité, même s'il est mentionner dans le titre de séjour que les études constituent le motif du voyage, notre enquête montre tout de même qu'il y a des motifs sous jacents qui conduisent les étudiants à partir à l'étranger. Pour ces étudiants, la situation économique de leur pays ne leur offre pas des lendemains meilleurs. Le fait de rester sans perspective sous la tutelle des parents ou d'un membre la famille, constitue une dimension qui favorise le départ. Beaucoup de jeunes se lancent dans cette aventure car, à un certain âge, à force d'être vu par la société comme paresseux parce que n'ayant pas un travail, ne pouvant pas participer aux dépenses quotidiennes et surtout vivant au dépend des autres, ils voient dans la migration, un moyen efficace pour sortir de cette situation. Même étant étudiant, les migrants qui sont de retour constituent sans doute des éléments de référence pour eux. Ces derniers étant perçus comme des modèles de réussite. A ce propos, rappelons que réussir dans ces pays, n'est rien d'autres qu'avoir la capacité de se prendre en charge ainsi que sa famille. C'est dans cette optique qu'ils partent, certes par la voix des études qui restent aux coeurs du voyage mais aussi dans l'optique de pouvoir bénéficier des avantages offertes par la France. Ainsi, les études constituent même aux yeux de certains comme un moyen pour pouvoir partir à l'étranger. Sachant que les conditions à remplir pour obtenir un visa sont de plus en plus difficiles, les études seraient le moyen le plus sûr et le plus rapide pour réaliser le voyage vers la France, symbole du travail et de la réussite. Voilà ce qui explique leur forte obsession à se trouver du travail, dés leur arrivée dans le pays d'accueil.

    Cependant, le fait de travailler semble être un choix uniquement de la part des étudiants mais ça ne l'est pas vraiment puisque la famille ou le groupe social d'origine y joue un rôle prépondérant. L'étudiant travail pour s'acquitter de son loyers, son inscription, sa nourriture etc. mais aussi pour satisfaire les attentes de la famille à son égard. C'est-à-dire de ne plus demander mais plutôt participer aux charges familiales. Ainsi, les hypothèses posées au début de la recherche semblent être confirmé. Le désir d'une autonomie financière vis-à-vis de la famille constitue le sens et l'essence du recours au travail. Toutefois, notre enquête nous a aussi montré que certains étudiants sont contraints de travailler. Une contrainte liée aux difficultés sociales et économiques dans le pays d'accueil qui conditionnent quelque fois les études mais aussi à la forte injonction sociale. La famille qui reste encore au coeur de la recherche d'un travail. dés lors, il est toujours nécessaire de tenir compte d'un ensemble de facteurs et d'acteurs pour pouvoir comprendre l'exercice d'une activité rémunérée de la part des étudiants étrangers. Il faut tenir compte à la fois des variables d'origine et des variables d'aboutissement. (Sayad, 1999)

    Cependant, cette expérience ne reste pas sans conséquences. Si certains réussissent à cumuler les deux, il faut admettre que les risques de cette dualité étude-travail sont très nombreux. En réalité le travail rémunéré a surtout des conséquences sur la performance scolaire des étudiants et entraine parfois un virement des objectifs en devenant prioritaire plutôt que facultatif. Ce qui ouvre encore les débats sur une probable modification de la mobilité étudiante en une migration de travail. En effet, les enquêtes sur l'activité rémunérée des étudiants étrangers tendent à soulever un ensemble d'enjeux aussi bien théoriques que pragmatiques dans le champ concernant la sociologie de l'étudiant. Ces enquêtes ouvrent les débats sur la figure de l'étudiant d'aujourd'hui et ceux étrangers en particuliers. Ces derniers étant dans un double statut étudiant/salarié. Ce double statut peu sans doute avoir des influences sur la manière de se positionner par rapport aux études (Wolbers, 2001). Pour certains, les études peuvent être« secondaires » par rapport à l'activité professionnelle exercée. D'autres conçoivent leur job étudiant comme une activité professionnelle comme toutes les autres car leurs permettant d'avoir une source de revenue sûre. Ainsi, l'exercice d'une activité rémunérée parallèle aux études, ne risque t-il pas de transformer la mobilité étudiante en une migration de travail en éloignant les étudiants étrangers de leurs études ? Le travail des étudiants étrangers ne favorise t'il pas l'installation des étudiants dans le pays d'accueil et hypothèque la question du retour au pays de départ »

    Références bibliographiques

    Ouvrages

    Amougou E., (1997) Étudiants d'Afrique noire en France, une jeunesse sacrifiée ?, l'Harmattan, 137 p., 1997.

    Barrera C., (2007), Etudiants d'ailleurs. Histoire des étudiants étrangers, coloniaux, français de l'étranger de la faculté de droit de Toulouse (XIXe-1944), Albi, Presses du centre universitaire Champollion, 240 p.

    Bertaux, D., (2003), Les récits de vie, Paris, Nathan Université.

    Boutinet, J.P., (1990), Anthropologie du projet, Paris, PUF, 301p.

    Blanchet Alain, Gotman Anna, (2010), L'enquête et ses méthodes. L'entretien, Paris, Armand Colin, 126 p.

    Buzzanga, M., (1974), « L'intégration socioculturelle et ses problèmes », Montréal: Éditions Paulines, 189 p.

    Diop M.C., (2008), Le Sénégal des migrations. Mobilités, identités et sociétés, édition Karthala, 434p.

    Ducharme, R. (2012), La voie de la réussite, la voix des étudiants, Rapport d'enquête sur les facteurs de réussite réalisée auprès des étudiants du collégial qui ont réussi tous leurs cours de première session à l'automne 2010, Montréal, Carrefour de la réussite au collégial et Fédération des cégeps.

    Erlich V., (1998), Les nouveaux étudiants. Un groupe social en mutation, Préface de Roger Establet, Paris, Armand Colin, « Références » Sociologie.

    Gérard E. et al, (2008), Mobilité étudiante Sud-Nord : trajectoires scolaire de Marocains en France et insertion professionnelles au Maroc, Editions PUBLISUD, 379p.

    Ghiglione R. et Matalon B., (1982), Les enquêtes sociologiques. Théories et Pratiques, Paris: Armand Colin, 301p.

    Joubert J.-L., Baritaud F. et Lhuillier M., (1985), L'enquête sur l'accueil des étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur, AUPLEF.

    Javeau, C. (1985), L'enquête par questionnaire, Manuel à l'usage du patricien, Éditions de l'Université de Bruxelles, 3e éd., Les Éditions d'Organisation, Paris.

    Javeau C., (1986), Leçons de sociologie, Paris, Librairie des Méridiens, Klincksieck et Cie.

    Kaufmann J.-C. (1986), L'entretien compréhensive, Paris: Nathan Université, 128p.

    Mucchielli R., (1984). L'analyse de contenu des documents et des communications, (5ème édition).Paris : ESF-éditeurs.

    Levy J. et Lussault M., (2003), Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés Paris, belin, 1033p.

    Roy J., (2007), Les logiques sociales de la dualité travail-études : le cas des jeunes de l'enseignement collégial, in Les jeunes et le travail, sous la direction de S. Bourdon et de M. Vultur, Québec, Les Presses de l'Université Laval et Les Éditions de l'IQRC.

    Méda D. (1995), Le travail. Une valeur en voie de disparition, Paris, Aubier, 358 pages.

    Moulin S., (2010), «Statistical Categorization of Young People's Entry into the Labour Market: a France/Canada Comparison», International Journal of Comparative Sociology, 51(1-2), pp. 85-110.

    Mboup M., (2000), Les Sénégalais d'Italie. Emigrés, agents du changement social, L'Harmattan, 171p.

    Paille P., Mucchielli A., (2008), L'analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Armand Colin, Paris, 315 p.

    Sayad, A., (1999), La double absence Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré. Paris: Seuil, 437p.

    Slama S., (1999), La fin de l'étudiant étranger, issu d'un mémoire de troisième cycle (DEA Libertés Publiques et Droits de l'Homme à l'Université de Paris X - Nanterre), L'Harmattan, Paris.

    Spire, A. (2008). Accueillir ou reconduire. Enquête sur les guichets de l'immigration. Éditions Raisons d'agir, Paris, 119p.

    Stora, B., (1991), La gangrène et l'oubli, la mémoire de la guerre d'Algérie. La Découverte, 376p.

    Pinto V., (2014), À l'école du salariat. Les étudiants et leurs « petits boulots », Paris, PUF, collection: Le lien social, 350 p.

    Wolbers M. (2001). Learning and working: Double statuses in youth transitions within the European Union. Working paper, Research Centre for Education and the Labour Market, Faculty of Economics and Business Administration, Maastricht University.

    Articles

    Béduwé Catherine, Giret Jean-François, (2004), Le travail en cours d'études a-t-il une valeur professionnelle?, In: Economie et statistique, N°378-379, Bilan Formation-Emploi. De l'école à l'emploi : parcours. pp. 55-83.

    Borgogno V., Vollenweider-Andresen l,(1998) "Les étudiants étrangers en France, trajectoires et devenir : nouveaux éclairages", Migrations-Etudes, n° 79, ARIC.

    Bonnet F., (2008), « La distance sociale dans le travail de terrain: compétence stratégique et

    Compétence culturelle dans l'interaction d'enquête », Genèses, n°73, pp. 57-74.

    Boyer, F., (2005), Le projet migratoire des migrants touaregs de la zone de Bankilaré: la pauvreté désavouée. Vienna Journal of African Studies, Special issue, no 8.

    Dieng S. A., (mars 2008), "Déterminants, caractéristiques et enjeux de la migration sénégalaise", REVUE Asylon(s), N°3, Migrations et Sénégal., url de référence: http://www.reseau-terra.eu/article709.html.

    Ennafaa R. et Paivandi S., (juillet-septembre 2008), « Le non-retour des étudiants étrangers : au-delà de la « fuite des cerveaux » », Formation emploi [En ligne], 103 |, mis en ligne le 01 septembre 2010, consulté le 28 juillet 2015. URL : http://formationemploi.revues.org/2356

    Eckert H., (2009), «Étudier, travailler... Les jeunes entre désir d'autonomie et contrainte sociale», Sociologie et sociétés, 41, Les Presses de l'Université de Montréal, pp. 239-261.

    Froment B., « Les effets du travail salarié en première année universitaire », SociologieS [En ligne], Premiers textes, mis en ligne le 09 mai 2012, consulté le 02 août 2015. URL : http://sociologies.revues.org/4006

    Gauthier, M.-A. et M.-P. Labrie, (2013) « Conciliation études-travail : les étudiants québécois s'investissent davantage dans un emploi rémunéré pendant leurs études que l'ensemble de leurs homologues canadiens », Données sociodémographiques en bref, Institut de la statistique du Québec, Vol. 17, No 2, pp.1-5.

    Gaye Daffé, les transferts d'argent des migrants sénégalais, entre espoir et risques de dépendance, in Diop M.C, Le Sénégal des migrations, (2008), Karthala, p.105

    Lilian Negura, « L'analyse de contenu dans l'étude des représentations sociales », SociologieS [En ligne], Théories et recherches, mis en ligne le 22 octobre 2006.

    Math A. et al. , (2006), « La fabrique d'une immigration choisie. De la carte d'étudiant au statut de travailleur étranger (Lille et Bobigny, 2001-2004) », La Revue de l'Ires, n° 50, pp. 27-62.

    Mbodji M., Imaginaire et migration, le cas du Sénégal, in Diop M.C, (2009), Le Sénégal des migrations, mobilités, identités et sociétés, Karthala, p.310.

    Nedelcu M., (2005),  Stratégies de migration et d'accès au marché du travail des professionnelles roumaines à Torontoin, Revue européenne des migrations internationales, volume 21, n°1, pp.1-24.

    Olivier de Sardan, J.P., (1995), La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie, Enquête, Archives de la revue Enquête, (1), pp71-109.

    Antoine Philippe, Razafindrakoto Mireille, Roubaud François, « Contraints de rester jeunes? Évolution de l'insertion dans trois capitales africaines: Dakar, Yaoundé, Antananarivo. », Autrepart 2/2001 (n° 18), p. 17-36

    Sandra F., (2003)«Studying and Working: The Busy Lives of Students with Paid Employment», Canadian Social Trends, n° 1, pp. 22-25.

    Stinebrickner R., (2003), Stinebrickner T. R., «Working during School and Academic Performance», Journal of Labor Economics, 21, 2, pp. 473-9.

    Tall S.M., les émigrés Sénégalais en Italie: transfert financiers et potential de développement de l'habitat au Sénégal, in Diop M.C, (2008), Le Sénégal des migrations, Karthala, pp153-177.

    Y. Barel, (1990), "Le Grand Intégrateur", Connexions, n° 56, pp. 85-100.

    Thèses et Mémoires.

    Elimbi Y., (2012) Le parcours des étudiants étrangers africains en France, Mémoire de master 2 recherche Sociologie et institutions du politique, Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne UFR 11 - Science Politique, 110 p.

    Jetté M., (2001) Je travaille, tu étudies, nous sommes étudiants. La conciliation études/travail chez les étudiants et les étudiantes de premier cycle de l'Université Laval, Mémoire de maitrise, Université Laval, faculté des sciences sociales, Québec.

    Latreche A., (1999), La migration internationale des étudiants : le cas des étudiants maghrébins en France. Thèse de 3° cycle, Université Paris 1.

    Ma Mung E., (1999), Autonomie, migrations et altérité, (Dir. Gildas Simon) H.D.R, MIGRINTER, Université de Poitiers

    Mandrilly A., (Septembre 2000), Les étudiants africains en France : Un cerveau pour les études, deux bras pour le boulot et des jambes pour courir, DUT Gestion du Développement et l'Action Humanitaire.

    Viveros M., (1990), L'herbe de l'endurance. Discours et pratiques thérapeutiques des habitants de villeta, une commune colombienne, Paris, EHESS.

    Rapports

    Beffy M., Fougere D., et Maurel A., (2009) L'impact du travail salarié des étudiants sur la réussite et la poursuite des études universitaires. Economie et statistique, vol. 422.

    Claeys A., (1999) ; L'accueil des étudiants étrangers en France : enjeu commercial ou priorité éducative ? Assemblée Nationale.

    Claude Grignon, (2003) « Les étudiants en difficulté - précarité, pauvreté », Rapport au ministre de la Jeunesse, de l'Education Nationale et de la Recherche, Paris : OVE.

    Communiqué du Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité Nationale et du Développement Solidaire titré Régularisation des étudiants étrangers - Eric Besson répond à l'UNEF, Paris le 30 Novembre 2009.

    Coulon A. et Paivandi S., (Mars 2003), Les étudiants étrangers en France: l'état des savoirs, Rapport pour L'Observatoire de la Vie Étudiante.

    Fall P.D., (2010), Faire des migrations un facteur de développement : une étude sur l'Afrique du nord et l'Afrique de l'ouest.

    Gauthier, M.-A. et M.-P. Labrie (2013), « Conciliation études-travail : les étudiants québécois s'investissent davantage dans un emploi rémunéré pendant leurs études que l'ensemble de leurs homologues canadiens », Données sociodémographiques en bref, Institut de la statistique du Québec, Vol. 17, No 2, p.1-5.

    Paivandi S., (1998), L'enquête sur les conditions de vie des étudiants à Paris 8, OVE de Paris 8.

    Rapport effectué par le groupe ad hoc sur la réforme de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Mai 2013.

    TABLE DES MATIERES.

    Sommaire...............................................................................................................................1

    INTRODUCTION................................................................................................................2

    PREMIERE PARTIE : CADRE T///ORIQUE ET METHODOLOGIQUE.......................5

    Chapitre 1 : L'état de l'art.....................................................................................................6

    1.1. Construction de l'objet d'étude......................................................................................6

    1.2. Etat des lieux.................................................................................................................10

    1.3. Les contours du problème..............................................................................................14

    1.4. Hypothèses.....................................................................................................................17

    1.5. Objectifs.........................................................................................................................17

    Chapitre 2 : Quelques notions à préciser. ............................................................................18

    2.1. L'étudiant étranger? .....................................................................................................18

    2.2. Projet migratoire............................................................................................................20

    Chapitre 3 : Démarche méthodologique...............................................................................23

    3.1. Choix du terrain.............................................................................................................24

    3.2. La population d'étude....................................................................................................24

    3.2.1. Critère de sélection..........................................................................................24

    3.2.2. Présentation des personnes enquêtées. ...........................................................26

    3.3. Outils de collecte des données.......................................................................................28

    3.3.1. L'entretien semi directif. ................................................................................28

    3.3.2. Les récits de vie...............................................................................................30

    3.4. L'analyse thématique comme méthode d'analyse..........................................................31

    3.5. Négocier notre terrain.....................................................................................................32

    3.6. Approche réflexive de notre terrain. ..............................................................................35

    DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES DONNEES.......................................................39

    Chapitre 4 : Les motivations et les raisons de partir.............................................................40

    4.1. Les raisons pédagogiques...............................................................................................40

    4.2. La situation socio économique du pays de départ.........................................................44

    4.3. Partir à l'étranger, une condition de la réalisation de soi................................................50

    Chapitre 5: Les conditions de vie des étudiants étrangers en France....................................53

    5.1. Vivre une expérience étrangère..................................................................................53

    5.2. La question du logement et du financement des études............................................56

    Chapitre 6: A la recherche d'une activité numéraire..............................................................60

    6.1. Le travail, une quête d'autonomie financière?.................................................................62

    6.2. Le travail comme une contrainte.....................................................................................70

    6.2.1. La pression familiale...................................................................................................70

    6.2.2. Travailler pour étudier................................................................................................76

    6.3. Etudier ou travailler? le conflit!........................................................................................80

    CONCLUSION......................................................................................................................85

    Références bibliographiques....................................................................................................87

    Table des matières............................................................................................................93

    * 1 Observatoire national de la vie étudiante, l'activité rémunérée des étudiants. une diversité de situations aux effets contrastés, par feres belghith, chargé d'études à l'OVE.

    * 2 Étude principale Septembre 2012 du Réseau européen des migrations (REM): L'immigration des étudiants étrangers en France.

    * 3 Communiqué du Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité Nationale et du Développement

    Solidaire titré Régularisation des étudiants étrangers - Eric Besson répond à l'UNEF, Paris le 30 Novembre 2009

    * 4 Elimbi Y., Le parcours des étudiants étrangers africains en France, Mémoire de master 2 recherche Sociologie et institutions du politique, Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne UFR 11 - Science Politique, p.25, 2012.

    * 5 Sur la question du travail étudiant salarié, des premiers éléments de cadrage sont contenus dans les études de Gruel et Thiphaine (2004) et Coudin et Tavan (2008) ainsi que dans le rapport du Conseil économique et social consacré au travail des étudiants (2007)

    * 6 Source: UNEF, enquête sur le coût de la vie étudiante rentrée 2012

    * 7 Les étudiants salariés des sciences de l'éducation. Cumul des études et d'un travail salarié : quelles conséquences sur la réussite au diplôme ? Sur l'efficacité de la formation ?, Coordination Patrick Berteaux, Université de la Réunion, CIRCI Françoise F. Laot, Université Paris Descartes, CERLIS, p.2

    * 8 Cette étude a été publiée en 2006 par la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Elle portait sur la situation financière des étudiants du postsecondaire au Canada.

    * 9 http://aseaf.free.fr/

    ASEAF (Association des Stagiaires et Etudiants Africains en France), fondée en 2000 par un groupe d'étudiants

    * 10Coulon. A, Paivandi S., Les étudiants étrangers en France: l'état des savoirs, Rapport pour L'Observatoire de la Vie Étudiante, mars 2003

    * 11 Printemps de la géographie 2002 Journées géographiques Université de Poitiers/ Département de Géographie

    * 12 Lilian Negura, « L'analyse de contenu dans l'étude des représentations sociales », SociologieS [En ligne], Théories et recherches, mis en ligne le 22 octobre 2006.

    * 13 Olivier de Sardan, J.P. (1995). La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie. Enquête. Archives de la revue Enquête, (1), 71-109.

    * 14 Op.cit, Elimbi Y., p.25.

    * 15 La théorie des « pull et push factor » a été développé par Lee en 1966. Dans cette approche, la migration est causée à la fois par des facteurs positifs (pull factors) qui caractérisent les lieux de destination et des facteurs négatifs (push factors) qui caractérisent les zones de départ. Plus la différence entre ces deux types de facteurs dans les lieux de destination et de départ est grande, plus la probabilité de migrer augmente.

    * 16 Rapport effectué par le groupe ad hoc sur la réforme de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Mai 2013.

    * 17 En Aout 2014, l'étudiant Bassirou Faye été tué par balle, lors affrontements entre ses camarades et les policiers à l'Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar.

    * 18 Fall P.D., Faire des migrations un facteur de développement : une étude sur l'Afrique du nord et l'Afrique de l'ouest, 2010

    * 19 91 http://www.campusfrance.org/fr/page/pour-la-qualite-de-son-enseignement-superieur.

    * 20 L'Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) est le service officiel des statistiques du Sénégal et a été créé en 2005. Ses activités s'organisent dans le cadre plus général du système statistique du Sénégal. Il est l'équivalent de l'Insee en France. Leurs résultats sont le produit d'enquêtes menées tout au long du territoire sénégalais.

    * 21 Situation Economique et Sociale du Sénégal Ed. 2011 | EMPLOI.

    * 22 Mbodji M., Imaginaire et migration, le cas du Sénégal, in Momar Coumba Diop (2008), Le Sénégal des migrations, mobilités, identités et sociétés, Karthala, p.310.

    * 23 Op.cit. Mbodji M., p.313.

    * 24 Antoine Philippe, Razafindrakoto Mireille, Roubaud François, « Contraints de rester jeunes? Évolution de l'insertion dans trois capitales africaines: Dakar, Yaoundé, Antananarivo. », Autrepart 2/2001 (n° 18), p. 17-36

    URL: www.cairn.info/revue-autrepart-2001-2-page-17.htm.

    * 25 Y. Barel, "Le Grand Intégrateur", Connexions, n° 56, 1990, pp. 85-100.

    * 26 Mauss M., (1923-1924), Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques.

    À l'aide d'exemples empruntés à des sociétés diverses, l'auteur montre que le don est obligatoirement suivi d'un contre-don selon des codes préétablis. Dons et contre-dons, articulés autour de la triple obligation de « donner-recevoir-rendre », créent un état de dépendance qui autorise la recréation permanente du lien social.

    * 27 Tîmera Mahamet, « Les migrations des jeunes Sahéliens : affirmation de soi et émancipation. », Autrepart 2/2001 (n° 18) , p. 37-49

    URL : www.cairn.info/revue-autrepart-2001-2-page-37.htm.

    * 28 Gaye Daffé, les transferts d'argent des migrants sénégalais, entre espoir et risques de dépendance, in M.C.Diop, Le Sénégal des migrations, (2008), Karthala, p.105.

    * 29 Transferts de fonds : une aubaine pour le développement : Les sommes rapatriées par les émigrés concurrencent l'aide au développement, par Gumisai Mutume, Afrique Renouveau, Octobre 2005, page 10.

    * 30 Paroles d'un des plus agés des Sénégalais de Poitiers. C'était lors d'une visites que les membres du dahira l'on accordé.

    * 31 Catherine Béduwé, Jean-François Giret, « Le travail en cours d'études a-t-il une valeur professionnelle? », Économie et Statistique n° 378-379, 2004, pp.55-83.

    * 32 Les étudiants salariés des sciences de l'éducation. Cumul des études et d'un travail salarié : quelles conséquences sur la réussite au diplôme ? Sur l'efficacité de la formation ? Coordination Patrick Berteaux, Université de la Réunion, CIRCI Françoise F. Laot, Université Paris Descartes, CERLIS

    * 33 Claude Grignon, (2003) « Les étudiants en difficulté - précarité, pauvreté », Rapport au ministre de la Jeunesse, de l'Education Nationale et de la Recherche, Paris : OVE.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore