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L'armagnac, un produit d'avenir?

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par Floran Bayle
Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III  - Institut d'études politiques 2007
  

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    UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX-MARSEILLE III

    INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES

    MEMOIRE

    pour l'obtention du Diplôme

    L'Armagnac, un produit d'avenir ?

    Par M. Floran BAYLE

    Mémoire réalisé sous la direction de M. Jean-Claude RICCI

    L'IEP n'entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

    Mots-clés : ARMAGNAC- SPIRITUEUX - EAUX-DE-VIE - CRISE - MARKETING - INTERPROFESSION- AOC - BNIA - COMMERCE - VITICULTURE

    Résumé :

    Lé déclin de l'Armagnac de 1980 à nos jours est indiscutable : les ventes ont été divisés par trois. La stabilisation des sorties ces dernières années est-elle un pallier ou un seuil avant une nouvelle phase de croissance ? A partir d'une analyse des causes du déclin si la restructuration de la filière, l'amélioration du produit et les politiques de relance par la communication ont permis ce résultat ou n'ont e aucune incidence. Les conclusions de ce constat, nous permettent d'évoquer les avenirs de ce produit. Cette synthèse sur une eau-de-vie française abordent sur un large éventail les problématiques du produit sur le marché des vins et spiritueux.

    à mon arrière grand-père Cyprien,

    qui vécut près d'un siècle au coeur du Bas Armagnac, « arrosant » son café quotidien de cet élixir mystérieux qu'il appelait « tisane de pied tordu ».

    SOMMAIRE

    Introduction

    1 Le marché de l'Armagnac et la crise

    1.1 La place de l'Armagnac sur le marché des eaux-de-vie et spiritueux

    1.2 L'organisation de la filière Armagnac

    1.3 Les différentes explications d'une crise de l'Armagnac

    2 Les politiques de relance du produit et l'avenir de la filière

    2.1 Un travail sur la production

    2.2 La cohérence du travail effectué sur la communication

    2.3 Quel avenir pour l'Armagnac ?

    Conclusion

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    « Cau segui la modo o quita lo païs. » (Il faut suivre la mode ou quitter le pays.)

    Ce proverbe bien connu des viticulteurs gascons illustre bien le caractère évolutif du monde agricole et plus encore de celui de l'eau-de-vie régionale, l'Armagnac : tenter de décortiquer ce monde de l'Armagnac est une dégustation sans fin, une insertion dans un « mundillo » au savoir-vivre particulier avec ses règles et son travail.

    Ecrire l'histoire d'un produit, réfléchir à son avenir conduit à considérer l'ensemble de l'organisation sociale de la production et de la commercialisation. A la différence d'une synthèse complète sur la filière, cette étude s'attache à mettre en lumière par le prisme du produit les relations au sein de l'interprofession mais de manière générale du producteur au consommateur.

    L'Armagnac dans sa plus simple définition, est une eau-de-vie obtenue par distillation de vin et vieillie en fût de chêne dans une région précise du sud-ouest de la France aux confins de trois départements : le Gers, les Landes et le Lot-et-Garonne. Le décret présidentiel de 1909, appelé « décret Fallières » a conféré l'appellation d'origine à ce produit, un des premiers de ce genre en France. Ce décret ne fait qu'officialiser une des premières démarches collectives de clarification de dénomination d'un produit issu d'un savoir faire pluri-centenaire. Il subdivise cette zone en trois sous-appelations : Haut-Armagnac (3% de la production aujourd'hui), Bas-Armagnac (55%) et Ténarèze (42 %) selon des critères plus politiques que ceux géologiques initiaux. Ces identifiants sont repris dans le décret-loi de 1936 officialisant son Appellation d'Origine Contrôlée.

    L'histoire de l'Armagnac est jalonnée de crises et de prospérités, d'évolutions techniques. Si certains décrètent l'Armagnac la plus vieille eau-de-vie française - débat à des fins souvent plus commerciales qu'historiques -, il semble difficile de dater exactement une naissance officielle. Et quelle filiation existe entre le médicament

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    médiéval du marché de Saint-Sever et le produit à l'ère industrielle de l'agronomie ! Rencontre d'un produit agricole et d'une technique, le vin et la distillation, l'eau-de-vie ne peut en tout cas préexister à la transmission du savoir-faire technique, l'indispensable alambic transmis par les Maures. A usage curatif et remède contre tous les maux, cette eau-de-vie appelée « aygue ardente », est née au moyen-âge. Divers érudits ont trouvé les premières traces dans les documents au XVème siècle Henri Dufor1, historien spécialiste de l'Armagnac. Le développement du commerce mondial au XVII ème profite à l'eau-de-vie produite dans la région. La première mention Armagnac est, selon le même érudit, déjà liée au lieu de production puisqu'elle est écrite sur les tonneaux d'eaux-de-vie entreposés dans les navires en partance pour les pays du Nord.

    Nous pouvons dater la naissance de l'Armagnac en tant que produit à partir de la création de maisons de négoce au XIXème siècle. Nous n'entrerons pas dans la polémique bien gasconne mais représentative de l'attachement au passé des producteurs - à propos de la plus ancienne maison de négoce d'Armagnac entre la maison Dartigalongue installé à Nogaro en Armagnac et la maison Castarède négociant d'eaux-de-vie mais installée hors de la zone d'appellation actuelle auparavant. Le Gers est au dix-neuvième siècle le premier département viticole de France avec 17% de sa surface consacrée à la viticulture. La crise du phylloxéra est la première crise de l'âge moderne de l'Armagnac. Il faut attendre le décret de 1909 signé par le président gersois Fallières pour donner « à l'or blond l'assise régionale et l'identité oenologique qui est la sienne aujourd'hui ».

    Dans cette logique initiale d'une « traçabilité » des produits mis en vente, les produits viticoles se protègent des trafics et fausses appellations. Peut-on parler d'un terroir ou d'une marque Armagnac ? La mention de terroir y est privilégiée dans la logique des AOC viticoles. Aujourd'hui, cette logique est remise en cause face à la concurrence des vins dits de cépage ou de pays. Ces critères de distinction font-ils encore sens, a fortiori pour un produit agricole transformé ? Nous reviendrons sur cette question d'image et de goût, l'essentiel est de retenir l'indissociabilité du produit avec son environnement.

    Le produit Armagnac définit une région de production homonyme différente de la province royale initiale. C'est un produit différencié d'un autre pour l'acheteur grâce à la garantie d'un lieu et d'un mode de production. Si le produit est l'aboutissement d'une

    1 DUFOR Henri, Armagnac, eaux-de-vie et terroirs, Toulouse, éditions Privat, 1982

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    chaîne de production, il n'en reste pas moins, l'acte fondateur d'une entreprise. Toute entreprise se crée sur l'idée d'un produit ou d'un service. Nier cet aspect sous couvert de privilégier exclusivement la tradition, les pratiques ancestrales ou le « bien vivre » gascon serait un mensonge historique et conduirait à la création d'une mythologie incapable de comprendre le monde de l'Armagnac. L'Armagnac est un « business » pas comme les autres, tout le monde en convient, mais il demeure un commerce.

    L'aspect économique se place donc au centre de notre réflexion. Il est donc privilégié puisqu'il nous semble la raison d'être du produit. Ne sont pas omis les aspects socioculturels et institutionnels qui sont intrinsèquement liés au produit fini. Notre travail qui a pour vocation d'être une synthèse ne peut avoir d'autre approche que globale.

    Dans une démarche interdisciplinaire, l'équipe de chercheurs de l'Université du Mirail de Toulouse sous la direction de Bernard Kayser a réalisé en 1992 l'unique travail universitaire sur cette production intitulé « L'Armagnac, un produit, un pays »2 sur une commande du Patrimoine ethnologique au ministère de la culture. Il n'existe aucun travail synthétique sur la filière depuis cette époque. Dans une perspective plus économique, nous notons la thèse très complète mais déjà vieille de vingt ans écrite par Jean-Louis Darréon et Alain Gabriel en 1988, l'Armagnac de la production à la commercialisation : des réponses inadaptées face au déclin3. Depuis, peu d'ouvrages4 même pour les consommateurs si ce n'est la réédition du très complet guide de l'amateur d'Armagnac de ... 1982. A partir de ces ensembles de données et perspectives, il est intéressant de décrire et d'analyser l'évolution de la situation. Pour remédier à cette absence de sources écrites globales depuis une quinzaine d'années, nous avons essayé de rencontrer différents types de professionnels, d'accumuler les documents, cela dans la limite des moyens et de temps. Loin d'être complet et exhaustif, ce travail offre cependant un aperçu que nous avons voulu assez précis du monde de l'Armagnac d'aujourd'hui.

    Il se vend six millions de bouteilles d'Armagnac chaque année. Cette économie est évidemment localisée dans le « noeud gascon » de l'appellation mais n'est qu'une activité mineure du secteur agricole. Cette activité est en déclin depuis l' « âge d'or ». De 34000

    2 KAYSER Bernard, [et al.], L'Armagnac : un produit, un pays. Ressources patrimoniales, identités culturelles et développement local, Presses Universitaires du Mirail, Toulouse, 1993

    3 DARREON J.-C., GABRIEL A., l'Armagnac de la production à la commercialisation : des réponses inadaptées face au déclin, double thèse de sciences économiques, Université duMirail, Toulouse, 1988

    4 Notons LEBEL Frédéric, Esprit de l'Armagnac, éd. Le cherche-midi, 1998 ; GELAS Philipe, L'instant Armagnac, Bleu 17 production, 2000 ;

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    d'hectolitres d'alcool pur (Hl AP) en 1989, la production est tombée autour de 15000 Hl AP ces cinq dernières années. Si ces données brutes ne peuvent masquer un déclin quantitatif, il serait trop facile de n'y voir qu'un changement du comportement des consommateurs faisant de l'Armagnac un mauvais produit.

    Le monde de l'Armagnac est aujourd'hui très partagé entre un fatalisme impuissant vis-à-vis de la lente agonie de ce produit d'un autre temps et les visionnaires prédisant un âge d'or prochain ; les positions sont diverses et toutes intéressantes. Au-delà des mots, des représentations, avec quel degré de pertinence peuvent être entendus ces différents discours, sur quelles logiques sont-ils fondés ? Le terme de crise est le plus utilisé. La crise est évidente selon de nombreux facteurs : baisse des ventes, baisse de la production et baisse du nombre de producteurs. Cette période de dépression économique dure depuis 25 ans. Nous ne mettrons pas en doute cette situation, mais à partir de la crise nous verrons quelles réponses ont été données ainsi que leurs résultats. Lorsque nous évoquions devant eux une crise du monde de l'Armagnac, certains professionnels montraient la hausse de leur chiffre d'affaires et leurs performances à l'exportation. Notre travail, même limité, s'efforce de décrypter et d'actualiser l'économie d'aujourd'hui pour anticiper celle de demain.

    Notre objectif est de comprendre quelle sera la viabilité de ce produit dans l'avenir avec quelle forme, quel marché,... ? D'autant que le produit Armagnac nécessite une prospection à long terme en sa qualité même et pas seulement en terme d'infrastructures, chose rare pour un produit alimentaire. Le producteur doit anticiper le marché de demain, a fortiori pour un produit qu'il faut parfois entretenir plus de quarante ans avant de la vendre.

    Dans ce but, nous nous efforçons dans une première partie, de présenter la polymorphie des agents de la filière et la place du produit Armagnac dans le marché économique afin d'analyser les facteurs et les explications de la crise, c'est-à-dire la chute des ventes d'Armagnac depuis 1978. Dans la seconde partie, nous ferons une lecture des réponses apportées par les différents acteurs du point de vue de la production et surtout du point de vue de la communication et de l'image du produit (il est difficile de critiquer les questions oenologiques et agronomiques pour un étudiant en sciences politiques), cela nous permettra dans une logique de prospective d'esquisser les perspectives du produit Armagnac.

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    1 Le marché de l'Armagnac et la crise

    Dans cette première partie, nous privilégierons l'aspect descriptif pour connaître le produit et le marché (1.1) et les acteurs économiques (1.2). Cette logique nous conduit à évoquer les inadéquations entre l'offre et la demande. Un ensemble de facteurs peuvent les expliquer. Nous essaierons d'identifier ces facteurs au bout de notre raisonnement (1.3). La production et le commerce d'alcool ont des règles spécifiques et plus contrôlées que d'autres produits agro-alimentaire de part la nature du produit. L'Armagnac n'en reste pas moins un produit soumis aux aléas du jeu de la concurrence auquel la filière doit sans cesse s'adapter. La compréhension de la situation permettra de comprendre, voire critiquer les réponses apportées, dans la deuxième partie de notre travail.

    1.1 La place de l'Armagnac sur le marché des eaux-de-vie et spiritueux

    Si notre étude se focalise sur le produit Armagnac, il ne peut être compris sans se référencer à un marché, lieu où se concentre la demande. Nous essaierons de comprendre les caractéristiques de l'Armagnac qui donnent sa spécificité à ce produit sur le marché des spiritueux (1.1.1). Il ne peut exister de produit que s'il se distingue d'autres marchandises (1.1.2). Nous étudierons sa place sur son marché naturel : celui des spiritueux, avant de s'interroger sur la pertinence de ce marché et esquisser d'autres dimensions économiques où s'immisce le produit Armagnac (1.1.3).

    1.1.1 Les qualités du produit Armagnac

    Les produits d'appellation, comme le champagne et l'Armagnac, ont la particularité de confondre le produit, son lieu de production et son label garant d'une origine géographique et d'un savoir-faire. Si l'Armagnac est une eau-de-vie particulière, lointaine descendante de l' « ayga ardente » du marché de Saint-Sever du XVème siècle, de nombreux « éléments de la personnalité » la caractérisent, ou comme dit Fernand

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    Cousteaux « ce qui la rend incomparable »5. Nous verrons dans un premier temps, l'eau-de-vie non mélangée, produit commercial direct, objet de notre étude, puis les « produits dérivés », c'est-à-dire les fabrications et produit non vendus comme Armagnac pur.

    1.1.1.1 Des eaux-de-vie particulières

    Si nous ne nous intéressons qu'aux propriétés intrinsèques du produit et non à l'image « Armagnac », il est possible d'établir des critères de distinction objectifs avec les autres eaux-de-vie mais aussi au sein des produits Armagnac.

    « Quelle est la différence entre un Cognac et un Armagnac ? » Beaucoup de consommateurs sont incapables de différencier les deux produits gustativement selon les nombreuses enquêtes de consommation. Cette ignorance se retrouve même chez des acheteurs réguliers piégés lors de test d'échantillons.

    La nature du produit est une eau-de-vie : « liquides produits par distillation de boissons alcooliques ou fruits en fermentation dont le titre alcoométrique acquis minimum est de 37,5% »6. Chose élémentaire certes, il n'est pas rare de retrouver des erreurs de dénomination ou imprécisions7. Le vin aux caractéristiques particulières (art. 7) doit être distillé avant le 31 mars de l'année suivant la récolte et le distillat doit être maintenu un an au minimum en barriques de chêne.

    La caractéristique essentielle du produit est son Appellation d'Origine Contrôlée. Sans préciser les détails techniques, elle consacre une zone de production des vins et de distillation, une variété limitée de cépage, des limites de rendement8, L'appellation d'origine contrôlée, reconnue au plan européen, a un but de protection du producteur et du consommateur. Elle « est un signe français qui désigne un produit qui tire son authenticité et sa typicité de son origine géographique. Elle est l'expression d'un lien intime entre le produit et son terroir. » Surtout, le produit « ne peut être reproduit hors de son terroir »9. L'AOC a été créée pour le monde viticole en 1935 et l'Armagnac a été une des premières à en bénéficier. La distinction entre la marque, le produit et l'origine géographique devient moins aisée, la dénomination Armagnac peut se décliner sous les

    5 COUSTEAUX Fernand, CASAMAYOR Pierre, Guide de l'amateur d'Armagnac, Editons Privat, Toulouse, 1985, (p. 63). Voir de la page 64 à la page 135 pour une approche plus complète

    6 Art. 401-1-b du code général des impôts

    7 « Liqueur marginalisée » selon Jean-Baptiste Robert, Les exportations de vins et spiritueux français dans le monde, mémoire IEP Aix, 2003

    8 Voir annexe 3.1 : le décret du 27 mai 2005 modifiant le décret du 6 août 1936 (

    9 www.inao.gouv.fr

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    trois formes dans l'esprit du consommateur. Si l'AOC était une garantie, la multiplication des AOC (467 aujourd'hui) a peut-être dénaturé ce label. Les professionnels du vin se détournent en partie des AOC vers de vins de pays pour acquérir une plus grande liberté d'élaboration et s'adapter à la concurrence mondiale. Peut-être l'AOC n'offre-t-elle plus une même garantie commune pour tous les producteurs?

    Les caractères de différenciation des eaux-de-vie commercialisées sont nombreux même s'ils ne sont pas toujours indiqués au consommateur. Nous ne retenons que les principaux et nous les classons par ordre dans la chaîne de production : les terroirs, les cépages, le mode de distillation, l'âge, les mélanges.

    - Terroirs

    L'appellation Armagnac est subdivisés en trois sous-appellations dits « crus » : Bas-Armagnac, Ténarèze et Haut-Armagnac définis par le décret Fallières 1909 puis officialisé par le décret du 6 août 1936 et retouchés par celui du 27 mai 2005. Elles ne correspondent pas toujours à la réalité géologique sables fauves/sols calcimorphes, la classification historique de Jules Seillan en 1860, ni à des regroupements de producteurs. Le Bas-Armagnac est le plus côté en général, certains vantent le « carré magique » à cheval sur les Landes et le Gers ou le triangle d'or (cf.carte), appelé parfois « Grand-bas » sans aucune reconnaissance officielle. D'autres, tel André Daguin, un célèbre restaurateur auscitain, défendent avec ardeur les qualités des Ténarèzes. L'importance du terroir est primordiale, les arguments historiques sont utilisés par les promoteurs du château Neguebouc par exemple pour défendre le Haut-Armagnac, à peine 2% de la production actuelle, reprenant les termes de l'historien Zacharie Baqué « historien incontesté de la Gascogne » qui affirmant le « goût supérieur » des eaux-de-vie du Haut-Armagnac. La commercialisation s'effectue sous l'appellation générique Armagnac pour les plus jeunes et moins prestigieux (50% en 1980, plus de chiffres aujourd'hui, sûrement autant aujourd'hui).

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    -Cépages

    L'AOC limite l'utilisation des différents cépages : « baco blanc B, blanc dame B, colombard B, folle blanche B, graisse B, jurançon blanc B, mauzac B, mauzac rosé Rs, meslier Saint-François B, ugni blanc B. »10 Les trois principaux sont l'ugni-blanc, le baco et la folle blanche. Le colombard est plébiscité aussi par les viticulteurs car il donne aussi des vins blancs corrects contrairement aux autres, destinés plus spécifiquement à la distillation. Les cépages ont-ils un caractère fondamental dans le produit distillé? La réponse positive est évidente, et pourtant nous pouvons nous interroger sur l'intérêt de la communication à partir du cépage. Peu de producteurs indiquent l'espèce d'origine du cep de vigne. Certains, comme le Domaine du Tariquet, commercialisent des Armagnacs monocépages avec une référence explicite11. Cette mise en avant du cépage contre le terroir du monde du vin a-t-elle un sens dans le monde des spiritueux ? S'intéresse-t-on aux variétés de canne à sucre ou de pommes de terre permettant la fabrication du rhum et de la vodka? Il n'en reste pas moins qu'il rappelle le caractère viticole du produit, cela valorise l'aspect artisanal et historique de la culture de la vigne.

    10 Décret du 27 mai 2005 relatif à l'AOC « Armagnac », article 5,

    11 « Les degrés naturels » une gamme de Bas-Armagnac inédite, une sélection aux caractères uniques, réalisée par Yves Grassa avec un 100% folle blanche et toujours la mention des cépages

    14

    - Le mode de distillation

    La distillation transforme le vin en eau-de-vie au moyen de l'alambic. La caractéristique de la distillation de l'Armagnac est l'alambic Armagnacais obligeant un unique passage en continue. Celui utilisé pour le Cognac oblige à une distillation en deux temps pour séparer les différents éléments du distillat. Elle permet une meilleure maîtrise du distillateur su r l'opération. Néanmoins, la double chauffe est autorisée pour la fabrication de l'Armagnac jusqu'en 2019.

    - Age/vieillissement

    Le contact aux fûts de chêne d'une durée minimale d'un an à compter du 1er avril après distillation donne goût et couleur à l'Armagnac. Si certains opérateurs insistent sur l'origine des chênes de la propriété, c'est la durée de conservation qui est essentielle dans le caractère de l'eau-de-vie. Le contact du bois donne un goût caractéristique et révèle les arômes de l'eau-de-vie. L'eau-de-vie ne vieillit qu'en fût. Le produit est stable en bouteille à la différence du vin. Le classement des eaux-de-vie s'effectue en fonction du temps passé en barrique. On parle de compte 0 pour un Armagnac vieilli un an, compte 1 deux ans,...Le vieillissement entre une diminution du volume estimé à 3% par an due à l'évaporation. Il s'agit de la fameuse « part des anges ». Le stockage s'il améliore l'eau-de-vie, il la renchérissent aussi. Le caractère spéculatif de l'Armagnac repose sur ce principe. Un bon négociant sait quand l'eau-de-vie a atteint son meilleur potentiel de rentabilité.

    - millésimes ou assemblages

    L'Armagnac se commercialise sous deux formes : l'assemblage ou le millésime, à la différence du Cognac qui ne se commercialise que sous forme d'assemblage. L'assemblage est un mélange d'eaux-de-vie de différentes années, on se réfère à la plus jeune d'entre elles pour exprimer son âge. On distingue V.S.O.P, hors d'âge, napoléon, X.O.12. Le millésime est une eau-de-vie dont l'année indique l'année de distillation, sans coupe, sans mélange.

    -degrés d'alcoométrie

    S'il doit être supérieur à 37,5°, l'Armagnac est commercialisé avec des degrés supérieurs à 50° parfois. En général, les opérateurs commercialisent des eaux-de-vie avec des degrés compris entre 40 et 45 °. L'abaissement à ces taux inférieur à ceux à la sortie

    12 Voir la simplification effectuée par BNIA tableau § 2.1.3.1

    15

    de l'alambic nécessite une réduction à l'eau réalisée par adjonction en général ou un temps de vieillissement important.

    Cette classification autour des principaux critères de distinction du produit montre l'extrême complexité du produit Armagnac. Il résulte d'un processus d'élaboration plus ou moins long avec une transformation. Il n'est pas rare qu'un consommateur lambda ignore que l'Armagnac est du vin avant la distillation. Nous disons que le produit Armagnac est divers. Loin d'être un produit uniformisé, il est au contraire différencié. La gamme est très large entre un compte 1 et un vieux millésime. Cela implique chez un même vendeur une fourchette de prix très étendue. Son Armagnac peut se distinguer très nettement de celui de son voisin. Enfin, il existe une traçabilité importante, conséquence de l'AOC. Cette traçabilité informe-t-elle le consommateur plus qu'elle ne le rassure ? Peu d'opérateurs indiquent sur leur produit les informations substantielles à l'exception de l'origine géographique et le degré alcoométrique.

    1.1.1.2 « Les produits dérivés »

    L'Armagnac n'est pas seulement commercialisé sous la forme d'un produis fini (62% des volumes sous formes de bouteilles en 2003). Une part importante prend d'autres directions. Il faut relativiser l'importance en valeur de ces volumes par la moindre qualité des Armagnacs utilisés dans ces « produits dérivés ». Ce sont des Armagnacs jeunes donc à faible valeur ajoutée.

    Vrac : la même eau-de-vie qui est vendue sous l'appellation Armagnac mais achetée par des embouteilleurs extérieurs ne distillant pas. Cette activité longtemps prépondérante (65% en 1970) est devenu marginale aujourd'hui (10% des sorties).

    Floc de Gascogne (10%) : vin de liqueur, « type pineau de Charente », obtenu par l'association de moûts de raisin non fermenté et d'Armagnac, le tout vieilli un an en fût de chêne. Il bénéficie d'une AOC depuis 1977, mais si ses ventes ont bien débuté lors du lancement, le produit s'essouffle. « Le floc de Gascogne sauve l'Armagnac », cette confidence d'un producteur ne se traduit pas dans les chiffres, surtout pour ces cinq dernières années- de 1713 Hl AP en 2002 à 1029 Hl AP en 2005-. Un autre propriétaire-

    16

    récoltant évoque le « flop de Gascogne ». Il n'y a pas que les chiffres qui sont têtus dans l'Armagnac !

    Fabrications (16%) : une utilisation de l'Armagnac pour la réalisation de liqueurs (« pousse-rapière, belle Sandrine,...) de fruits confits (pruneaux, cerises, framboises) ou encore d'autres produits alimentaires (pâtisseries, charcuterie ...).

    Blanche Armagnac : elle est obtenue tout de suite après la distillation. Déclarée AOC par le décret du 27 mai 2005 (article 11), il ne s'agit pas d'un produit dérivé, mais d'un produit pré Armagnac (pas de vieillissement en fût de chêne) aujourd'hui reconnu comme un « Armagnac compte 00 » au développement commercial incertain, nous développerons son lancement dans la deuxième partie.

    Ces produits dérivés offrent un complément de débouchés non négligeable plutôt que de réelles opportunités de développement. Les plafonds de vente atteints par les liqueurs et le floc de Gascogne obligent à la modestie. Il s'agit plutôt d'un simple moyen de vente efficace pour écouler les surplus d'eau-de-vie que de produits à fort développement. De plus, notre étude se consacrant au produit commercial Armagnac, nous ne traiterons pas de ces « produits dérivés », à l'exception de la « Blanche Armagnac » en tant qu'Armagnac non vieilli.

    1.1.2 Les concurrents de l'Armagnac

    Un produit doit être apprécié au travers de son environnement de manière comparative. Evaluer un produit en faisant fi de ses concurrents n'a pas de sens économique. Il existe une multitude d'eaux-de-vie françaises et étrangères, sans parler des spiritueux. En se consacrant aux qualités des produits, nous réfléchirons au caractère de différenciation de l'Armagnac, raison d'être du produit.

    1.1.2.1 Les spiritueux : une législation particulière

    Pour la législation européenne, l'Armagnac rentre dans la catégorie des spiritueux définis par le règlement (CEE) n° 1576/89 du Conseil du 29 mai 1989 établissant les règles générales relatives à la définition, à la désignation et à la présentation des boissons spiritueuses, c'est-à-dire qui tirent un degré alcoométrique supérieur à 15°. Produit de consommation alimentaire, l'Armagnac demeure avant tout considéré par le droit et le

    17

    consommateur comme une boisson alcoolisée. Cette catégorie impose un régime fiscal, des contraintes commerciales, des contrôles administratifs particuliers.

    1.1.2.2 Quelques notions « macro » relatives au marché des spiritueux

    La concurrence dans le domaine des spiritueux répond à plusieurs variables, trois apparaissent comme essentielles : la stabilité de la consommation, l'interchangeabilité des produits, la différence de prix.

    -Evolution globale de la consommation d'alcool:

    La consommation d'alcool par habitant dans le monde s'est stabilisée ces vingt dernières années. Celle des spiritueux subit le même sort à quelque 0,1 L d'AP. Ces chiffres mondiaux masquent des disparités radicales entre les pays. Le taux d'abstinence est très variable d'un pays à l'autre (de nombreux pays de confession musulmane ont une consommation nulle voire marginale).

    18

    L'évolution de la consommation d'alcool pur par habitant montre par exemple une évolution plus singulière13, à l'image de celle de la France de 25 l d'AP par habitant en 1960 à 15l d'AP par habitant en 2001.

    -l'interchangeabilité des produits

    Les habitudes de consommation connaissent une évolution très lente entre les familles de produits. Nous pouvons donc supposer que le transfert de consommation du vin au spiritueux en données globales par exemple est marginal d'une année sur l'autre sur la période de 1960 à 2001, il n'y a pas de brusques changement de comportements. Ce ne sont pas des produits concurrentiels. Au contraire, les transferts de consommation au sein d'une même famille connaissent une probabilité plus importante puisqu'il s'agit de produit quasi-identique. La concurrence est donc essentiellement entre les spiritueux. Les vins et les spiritueux correspondent à deux moments de consommation. L'évolution de la consommation de vin de table et vin de qualité confirme cette logique.

    -Le prix des spiritueux ne dépend que faiblement du coût des matières premières

    Il est intéressant de voir que l'Armagnac a un surcoût de fabrication en raison d'une matière première, le vin, extrêmement plus chère que ses concurrents dans le monde des spiritueux14. Ainsi, le jus de canne à sucre, matière première pour réaliser le rhum est vingt fois moins chère, le malt (whisky) cinq...

    Ce surcoût ne se retrouve qu'en partie au moment de l'achat car la matière première ne représente qu'une faible part du prix de revient d'une bouteille d'eaux-de-vie. Ainsi, selon une estimation réalisée par le BNIA pour une bouteille classique de compte 515, les matières premières ne participent qu'à hauteur de 22% au coût de revient. Les 27% de frais de conditionnement et 8% de commercialisation sont plutôt équivalents aux autres produits (à l'exception de la main d'oeuvre si le spiritueux provient d'un pays pauvre). Cette équivalence dans le prix se retrouve par l'imposition, équivalente pour tous les spiritueux depuis l'harmonisation de 1983 (43% du coût total pour une bouteille d'Armagnac). La concurrence sur les prix ne peut expliquer à elle seule le désavantage

    13 BESSON Danielle, « boissons alcoolisées : 40 ans de baisse de consommation », INSEE première, n°966, mai 2004

    14 Jean-Claude Darréon, Alain Gabriel, op. cit. p.170 , tableau III 15

    15 Observatoire économique de l'Armagnac, « «note de conjoncture et d'informations de l'observatoire économique de l'Armagnac », n°4, octobre 2002

    19

    concurrentiel de l'Armagnac, il ne souffre pas excessivement du surcoût du vin à distiller. Néanmoins, le prix est un élément essentiel du choix du consommateur. L'application du « droit à la fabrication » imposée aux eaux-de-vie de céréales tel le whisky est considéré par le droit européen comme une taxe à effet équivalent d'un droit de douane16. Sa généralisation à l'ensemble des eaux-de-vie entraîne une chute de 35% des ventes d'Armagnac en 1983-1984 (« infligées aux Armagnacs »17) à nuancer par les anticipations de l'année précédant l'application de la nouvelle fiscalité.

    1.1.2.3 Le grand frère Cognac

    Le Cognac est la principale eau-de-vie de raisin produite en France. Le processus de production est le même à quelques nuances près (cépages, mode de distillation et absence de commercialisation sous forme de millésimes). Moins prestigieux, moins reconnu en France et à l'étranger, l'Armagnac souffre d'un complexe vis-à-vis du « grand frère charentais », traduction de résultats commerciaux opposés18. Il se vend cinq bouteilles de Cognac pour une d'Armagnac en France, mais surtout il se vend près de cent dix bouteilles de Cognac pour une d'Armagnac à l'étranger. Quelques maisons de négoce sont d'ailleurs aux mains de groupe charentais. Il n'en demeure pas moins que le produit Armagnac sensiblement « similaire » ne peut rougir de complexe gustatif. Nombre de spécialistes vantent la supériorité des eaux-de-vie gasconnes après dix ans. Il ne s'agit donc pas d'un produit inférieur. Fabian Barnes19, journaliste viticole, invoque trois raisons à cette infériorité : la supériorité des eaux-de-vie jeune charentaise (ugni-blanc plus fruité), la puissance des maisons de négoce cognaçaises pour financer les stocks contre la fragilité des maisons Armagnacaises et le cours du Cognac (entre 0 et 10 ans il vaut le double de celui l'Armagnac).

    1.1.2.4 Quel adversaire : le whisky ?

    La concurrence avec le Cognac ne peut exister que sur le marché français vu la différence commerciale à l'exportation. Néanmoins, tous les professionnels s'accordent pour ne pas y voir un concurrent, mais au contraire un partenaire dans la conquête de

    16 Arrêt du 27 février 1980, 168/78, Commission contre France

    17 Fernand Cousteaux, Pierre Casamayor, op. cit., p.44

    18 www.cognac.fr, statistiques Cognac de la zone d'appellation limitée, vente de bouteilles : 4O5 715 Hl AP à l'étranger, 19300 Hl AP en France.

    19 BARNES Fabian, « Aramagnac, quelques chiffres », Vino Veritas, n°114, juillet 2005

    20

    parts de marché pour les eaux-de-vie de vin sur le marché des spiritueux. Cette complémentarité est discutable, en particulier pour le marché restreint du haut de gamme ; pourtant le whisky est présenté comme l'adversaire de l'eau-de-vie de vin. Les produits répondent aux mêmes critères de sélection : alcool brun, même degrés, même étendu de gamme, vieillissement en fût. La différenciation de l'Armagnac doit se réaliser sur l'image, sur ses qualités intrinsèques si l'on présuppose un gage de qualité20. Il ne s'agit plus de « se reposer sur un savoir-faire mais plutôt le faire savoir ». Nous reviendrons sur les évolutions des consommations de spiritueux en France notamment. L'idée essentielle à retenir et qui guide tout notre travail consiste à voir dans l'Armagnac un produit qui ne se vend pas en raison de sa faible qualité, mais d'un impossible positionnement sur le marché des spiritueux.

    1.1.3 Le nain Armagnac perdu dans le marché des eaux-de-vie et des spiritueux

    Les ventes d'Armagnac sont dérisoires à l'échelle mondiale. Il s'agit d'un produit marginal. Par un simple calcul, on peut l'estimer à juste 0,015% de la production totale de spiritueux dans le monde21.Les cinq millions de bouteilles d'Armagnac sont perdues parmi les 32 milliards de bouteilles de spiritueux consommées par an22.

    1.1.3.1 Le marché mondial : expansion /internationalisation/ concentration

    Le marché des spiritueux est un marché en expansion relative compte tenu de la hausse de la population.

    Le marché mondial des spiritueux était estimé à 2,7 milliards de caisse de 9 litres (12 bouteilles), ce qui représente en valeur 158 milliards de $ en 2003. Ce marché a connu une croissance de 6,3% en volume entre 1999 et 2003, il devrait avoir une croissance plus importante entre 2003 et 2008 avec 12,3% en volume et plus de 15% en valeur pour atteindre une somme de près de 182 milliards de $. Cet énorme marché masque d'importantes disparités en terme de produits et de valeurs. Les alcools bruns devraient croître à nouveau (8% pour le Cognac et l'Armagnac) après une décennie difficile grâce au marché asiatique. La mondialisation a accentué les échanges du

    20 Une directrice du service exportation d'une maison de négoce, nouvelle venue dans l'Armagnac, me confiait sa confiance dans le produit car « il était bon tout simplement »

    21

    22 Source des chiffres suivants : Etude Vinexpo/IWSR-GDR, conjoncture mondiale et prospective du secteur vin et spiritueux, 2006 ;

    21

    commerce mondial et transformé plus rapidement les habitudes de consommation des spiritueux. Phénomène ancien, notamment pour les eaux-de-vie, le commerce international des spiritueux s'internationalise plus rapidement. Les consommateurs ne choisissent plus les produits locaux en priorité. Les Américains sont les premiers consommateurs de Cognac et les Français de whisky, alors qu'aucun ne produit chacun des deux produits. La croissance ne bénéficie pas à tout le monde équitablement. Certains produits déclinent sur leurs marchés nationaux et ne peuvent gagner des parts de marché à l'exportation, à l'exemple de l'Armagnac. Le rhum, la vodka et la tequila, les alcools blancs, ont réussi à conquérir des parts de marché considérables hors de leur zone de consommation historique (pays sucriers, pays de l'est et Mexique) au cours des vingt dernières années.

    Cette appréciation en terme de produits génériques ne reflète pas une autre réalité : la prégnance de la marque. La marque donne une autre lecture du marché des spiritueux. Est-elle plus importante que le type de produit acheté ?

    Le marché des spiritueux est constitué de grands groupes multinationaux offrant une gamme complète de produits. Des concentrations horizontales permettent aux grands groupes de couvrir un large éventail de produits. Pernod-Ricard, le roi de l'anisette, illustre cette internationalisation et la polyvalence des produits. Il avait d'ailleurs commencé dans les années 1970 indirectement à investir en rachetant Suze avec dans son panier la Société des Produits d'Armagnac. Aujourd'hui deuxième groupe mondial dans les spiritueux, l'apéritif anisé ne contribue plus qu'à 18% de son chiffre d'affaires. Le groupe réalise à peine plus de 10% de son chiffre d'affaires en France23.

    L'Armagnac est-il réellement intégré dans cette nouvelle donne du marché des spiritueux ? Les ventes d'Armagnac se réalisent principalement en France, par des groupes éclatés et à capitaux français, sans aucune émergence d'une marque forte. L'arrivée d'un grand groupe dans la filière de l'Armagnac avec des capitaux à investir plutôt qu'à reculons est espéré depuis des années comme le préconisent déjà Jean-Louis Darréon e Alain Gabriel24

    23 rapport annuel 2005/2006, Pernod Ricard, www.pernod-ricard.com

    24 « La viticulture pourrait regrouper l'offre et s'adresser directement par l'intermédiaire d'une marque, à un distributeur de spiritueux disposant d'une véritable force de vente et peu impliqué dans la distribution de Cognac » DARREON J-L, GABRIEL A., op. cit., p.223 (II)

    22

    1.1.3.2 La prépondérance du marché français

    Les ventes d'Armagnac ont énormément baissé depuis les années 1980. Les ventes ont été divisées par trois depuis le pic de 1979 : 46 000 Hl AP vendus. Cette baisse rapide et continue a été contenue depuis le début des années 2000. Elles se stabilisent autour de 15 000 Hl AP, en légère hausse ces deux dernières années, mais seuls les deux tiers représentent des sorties en bouteilles (9411 HL AP). Il est plus pertinent de comparer les données après la mise en place d'une imposition unique sur les eaux-de-vie et de la taxe sécurité sociale, en 1983. Les eaux-de-vie de céréales devaient s'acquitter de « droit de fabrication ». Cette taxation a été interprétée par la Cour de Justice des Communautés Européennes comme une surimposition de produits étrangers similaires, donc condamné au nom de la liberté de circulation des marchandises25. La sous taxation favorisaient l'Armagnac dans des conditions différentes de celles d'aujourd'hui. En 1985, dans les mêmes conditions fiscales qu'aujourd'hui les sorties équivalaient à 25 000 Hl AP.

    Les ventes se concentrent encore essentiellement en France, près de 55,7 % des sorties totales de bouteilles, 4868 HL AP, contre 3872 Hl AP pour les marchés à l'exportation, soit 45,3%. En 1985, elles représentaient. En 1977-79 22324/ 22261, 1985/1987 : 17496/16514,

    Les marchés étrangers forment des zones plus instables avec une implantation dont la pérennité est incertaine. Si l'exportation en terme de parts de sorties ne se modifie guère (léger déclin), les volumes ont autant baissé qu'en France, les destinations ont changé. Il est annoncé régulièrement de nouveaux eldorados. Les pays asiatiques à la fin des années 1980, les pays de l'est dans les années 2000, la Russie aujourd'hui. Les classements des pays importateurs varient même si nous notons que la part des exportations vers l'Union Européenne reste constante.

    Ainsi, la comparaison de classement des pays importateurs en 1986 et 2005 montre une chute radicale des principaux marchés d'exportation (divisée par trois). L'absence de destination privilégiée n'est pas nouvelle. Le principal marché atteint à peine plus de 7% des parts de marchés totales hors de France aujourd'hui.

    25 CJCE, 27 février 1980, Commission c/ France, affaire 168/1978

    Comparaison des principaux marchés importateurs en 1986 et 200526

    1986 2005

     

    Pays

    Quantités de
    bouteilles
    importées

    1

    RFA

    1207

    2

    Japon

    766

    3

    G-B

    628

    4

    Belgique

    321

    5

    U.S.A.

    286

     

    Total

    12500

     

    Pays

    Quantités de
    bouteilles
    importées

    1

    G-B

    211

     

    Espagne

    184

     

    Allemagne

    125

     

    Italie

    119

     

    Etats-Unis

    117

     

    Total

    3872

    23

    1.1.3.3 Des résultats de vente à nuancer

    Ces résultats doivent être regardés à l'aune de trois éléments essentiels : hausse du marché mondial et libéralisation, type d'Armagnac vendu et opérateurs directs qui ont réalisé ces ventes.

    26 chiffres BNIA

    24

    Le marché mondial s'est étendu depuis les années 1980. La hausse de la consommation a certes était plutôt faible par rapport à l'explosion démographique mais de nouveaux marchés sont apparus sous l'effet de la libéralisation du commerce mondial. Nous pensons notamment à l'ouverture des marchés de l'ancienne Europe de l'est et de l'ex-U.R.S.S. ainsi que celui à fort potentiel de la Chine.

    L'autre aspect essentiel pour traduire ses résultats concerne le type d'Armagnac vendu. Le critère essentiel de valeur, nous l'avons vu, est l'âge. La demande pour des eaux-de-vie de qualité a moins souffert que celle pour des eaux-de-vie jeunes. Nous assistons à une montée en gamme progressive, surtout à l'exportation : de la moitié de compte 1 à 4 il y a vingt ans pour 27% en 2005. L'exportation s'oriente dorénavant de manière ciblée sur des marchés haut-de-gamme. Ces marchés augmentent les exportations en valeur et compensent partiellement la chute des volumes à condition qu'il s'agisse des mêmes opérateurs.

    Les résultats de chaque opérateur diffèrent et les nouvelles conditions du marché n'ont pas pénalisées tous les opérateurs de la même manière. Certains m'ont confié une chute des ventes de moitié, d'autres arborent un grand sourire de satisfaction. Si nous ne pouvons avoir accès aux résultats de chacun d'eux depuis vingt ans, les deux dernières campagnes montrent que les maisons ayant investi dans le haut de gamme s'en sortent mieux que les grosses maisons jouant sur les volumes. Il existe des signes qui ne trompent pas. Arnaud Lesgourgues, patron de la société Leda (Laubade et Domaines associés) déclare : « Aujourd'hui, alors que Bordeaux souffre, l'Armagnac nous fait vivre. C'était l'inverse dans la décennie 1990 ».27

    1.1.4 Un marché pertinent ?

    Limiter le marché de l'Armagnac à celui des spiritueux correspond à limiter l'Armagnac à ses degrés d'alcool. Certes, les populations qui ne consomment pas d'alcool ne consommeront pas d'Armagnac ; mais il ne faudrait oublier que la consommation d'Armagnac n'a pas pour unique but de s'enivrer, au contraire. Cette vision réduite fait fi des nombreuses significations de la consommation. Nous verrons quelques pistes d'autres significations du produit Armagnac.

    27 « Une stratégie très sud-ouest », Sud Ouest, 23 janvier 2007

    25

    1.1.4.1 Un produit de terroir, voire touristique

    Par sa dénomination, par l'importance de l'AOC, le produit Armagnac incarne les valeurs de son pays. Il est associé intimement à son lieu de production. Comme le souligne Bernard Kayser : « autour du pays, c'est une véritable image générique de l'Armagnac qu'on veut élaborer et transmettre aux eaux-de-vie »28. Il souligne différents traits que l'on retrouve dans les campagnes publicitaires et les discours des producteurs : le doux climat, paysage rural, le bien vivre, les Gascons. Ce bout de Sud-ouest dans le flacon représente l'art de vivre d'une région. Le produit Armagnac permet d'acheter ce pays, de se l'approprier. Cette image est une qualité propre au produit Armagnac, même si elle ne répond pas à des attributs d'élaboration. L'achat touristique comporte cette dimension. Le développement du tourisme dans le Gers avec les thermes de Barbotan mais aussi le tourisme rural «Le bonheur est dans le pré » a multiplié les lieux de ventes d'Armagnac à la ferme. Produit noble, authentique, l'Armagnac perd ici ses attributs spiritueux pour devenir une matière première du pays gascon. Un simple coup d'oeil sur l'ensemble des sites Internet des opérateurs suffit à vérifier cette logique, surtout depuis la loi Evin. Le Gers possède un gisement touristique limité (6 millions de nuitées en 2002) en faible augmentation. Les 25 000 curistes attendus en 1995 ne sont que 16000 en 200229. L'image du terroir importe plus que le poids des achats des touristes.

    1.1.4.2 Un produit technique, la magie de l'alchimie

    Issu de la distillation, le produit Armagnac correspond à une transformation quasi-magique, une alchimie. « Dès sa sortie de l'alambic l'eau-de-vie incolore et d'une limpidité de cristal »30, « magie de l'Homme de l'Art »31, « le distillateur allumait sa chaudière et conduisait sa chauffe avec une science toute empreinte de mystère, attentif aux réactions de son dragon de cuivre, avide de flammes mais dispensateur du trésor inestimable »32 autant de descriptions de la distillation où l'alambic ressemble à la pierre philosophale qui transforme le « vil » vin en eau-de-vie « or ». Cette transmutation apparaît comme une action extraordinaire. Si cette opération peut s'opposer à l'image d'un produit

    28 KAYSER Bernard (Herges), L'Armagnac : un produit, un pays, op. cit. , chap IV p.97-106

    29 CDTL (Comité Départemental du tourisme et des Loisirs), chiffres clefs du tourisme gersois, 2002

    30 www.dartigalongue.com

    31 www.barondesigognac.com

    32 Fernand COUSTEAUX, op. cit., p.95

    26

    naturel, issu de la tradition paysanne, il peut renvoyer aux mystères des légendes gasconnes, d'une substance dotée d'effets surnaturels.

    Il s'agit d'un lointain produit d'une proto-industrie agroalimentaire. Selon les normes de l'Union Européenne et le traité de Rome de 1957, l'Armagnac est un « produit industriel » et non un produit agricole. Cette double image se retrouve dans toutes les perceptions de l'Armagnac même si les professionnels privilégient l'image d'un produit du terroir, naturel, en omettant le caractère transformé du produit ou l'attribuant à des pouvoirs presque surnaturels. Un produit d'alchimiste pour ne pas dire un produit industriel, l'Armagnac peut profiter du caractère magique de sa fabrication, dépassant le commun des produits mortels et périssables.

    1.1.4.3 Un produit de luxe

    Un autre aspect, souvent associé aux spiritueux aux prix élevés, concerne le luxe de l'Armagnac. Beaucoup de boissons festives s'associent à cette idée : pensons au champagne et ses bulles indispensables pour le faste et la fête. Dans un autre registre, le Ricard est associé au soleil, un luxe simple, mis qui n'a pas de prix. La rareté de l'Armagnac, l'investissement, son prix élevé pour le haut de gamme, sont autant de facteurs qui révèlent la capacité de l'Armagnac à investir un monde de valeur. L'Armagnac offre du temps en flacon (fabriqué au temps de la jeunesse), de la rareté (chaque Armagnac est différencié), de la pureté. Associer l'Armagnac au luxe, à une classe sociale privilégiée comporte une dimension dépassant le simple marché du spiritueux. Cette image peut s'oppose à l'idée de produit de paysan, du terroir, ou au contraire le produit survivant d'une civilisation paysanne en train de disparaître au XXIème siècle à l'heure de la mondialisation. Dans une société de l'éphémère, les vieilles eaux-de-vie de l'Armagnac rassurent. « L'Armagnac, un rythme bien à lui » affirme le slogan. Il faut favoriser cette impression, surtout lorsque des stocks d'eaux-de-vie de compte 10 et + croupissent dans les chais, sans en faire une exclusivité.

    1.2 L'organisation de la filière Armagnac

    Existe-t-il une particularité du « monde de l'Armagnac » pour son organisation professionnelle ou répond-il à une même exigence que les autres ? Si nous ne pouvons

    27

    faire une étude comparée approfondie avec d'autres filières, il semble néanmoins que la filière Armagnac est assez spécifique pour des raisons simples. Trois axes se dégagent « naturellement » : la production d'une eau-de-vie est rare, elle répond à des contraintes administratives lourdes de par la nature du produit et elle s'ancre dans un temps historique long appelé « tradition ». A cette particularité de l'organisation professionnelle s'ajoute l'importance du producteur dans la valeur commerciale. Il est donc essentiel de s'attarder sur le mode de production et sa représentativité pour comprendre les différentes valeurs des produits répondant à l'AOC Armagnac afin d'appréhender au mieux les politiques de relance.

    Dans un souci de simplification, pour donner aperçu rapide et presque exhaustif de la filière, nous distinguons trois niveaux d'acteurs : celui des agents économiques directs, c'est à dire ceux dont l'activité est intégrée dans le processus commercial (1.2.1), ensuite les organismes représentatifs (1.2.2) et enfin les organismes parallèles (1.2.3).

    1.2.1 Les agents économiques directs

    La chaîne du producteur au consommateur, du « cep à la bouteille », est relativement courte, néanmoins il existe plusieurs voies33. De la vente « au chai » à l'exportation, les modalités de logistique et de réseau diffèrent. Notre intérêt se portera en priorité sur les producteurs, chaînon essentiel et caractéristique de la complexité du « monde de l'Armagnac », nous présenterons ensuite les autres acteurs dont l'intérêt est réduit car la problématique ne diffère guère des autres produits vitivinicole, voire agro-alimentaires. Ils ont une importance aux yeux des professionnels car comme le rappelle Maurice Papelorey l'Armagnac est « un combat collectif »34.

    1.2.1.1 Les professionnels (vignerons, négociants, coopératives...)

    Qui produit l'Armagnac ? Nous retrouvons dans l'Armagnac la palette « classique » des acteurs du monde viticole. En 1992, Bernard Kayser explique par trois facteurs les caractéristiques de la filière : extrême diversité des acteurs, absence de groupe dominant et absence d'organisation institutionnelle.35

    33 cf. schémas de circuit de distribution et de vente en annexes

    34Lettre d'information du B.N.I.A. à l'intention des professionnels de l'armagnac, n°25, juillet 2006 35KAYSER B. (HERGES), op. cit., 58-59

    28

    Nous reprendrons cette typologie, également présente dans le guide de l'amateur d'Armagnac, avec ses limites puisqu'il est possible qu'un même acteur récolte, distille et vende.

    Les trois types d'acteurs sont les coopératives, les négociants et les producteurs éleveurs (« propriétaires »). Cette taxinomie est encore opérante, vingt ans plus tard. Le BNIA l'utilise pour recenser les professionnels.

    1) Coopératives

    Héritières du mouvement coopératif dans le monde agricole, la première fut crée en 1939 à Vic-Fezensac. Elles regroupent une masse des petits et moyens vignerons pratiquant la polyculture. Il en existe cinq. La vente de produits finis ne représente qu'une faible part de leur chiffre d'affaires. La plupart se contente de revendre le produit distillé ou l'eau-de-vie vieillie aux négociants. De poids inégaux, avec des montages juridiques et associations complexes (Armadis par exemple), parfois associées avec d'autres activités agricoles, elles jouent un rôle essentiel mais décroissant dans le monde de l'Armagnac d'aujourd'hui. L'échec de l'union des coopératives viticoles de l'Armagnac créée en 1976 sur l'idée d'une politique de l'offre maîtrisée autour de produits génériques adaptés au commerce de masse en est une des causes. Cet échec n'a pas mis fin aux volontés de commercialisation de produits finis des coopératives. La cave de Nogaro (Cave des producteurs réunis), pionnière et principale représentante, vend 10% des bouteilles d'Armagnac. Nous verrons l'expérience de Fivigers mené par la cave de Cazaubon (cf. infra).

    2) Négociants

    Le négoce (appelé les « maisons ») achète des eaux-de-vie ou des vins de toute l'appellation pour ensuite revendre après avoir élevé l'eau-de-vie. Cette pratique est caractéristique de tout marché de spiritueux (porto, rhum,...) mais aussi viticoles (champagne, bourgogne). Si les quatre principales maisons du Cognac regroupent 80% des ventes, le nombre de négociants Armagnacais atteint 74 professionnels36. Les professionnels sont polymorphes. Si nous trouvons de grands groupes internationaux (La

    36 chiffres BNIA www.armagnac.fr

    29

    Martiniquaise, Pernod, Rémy Cointreau) qui ont racheté des maisons locales, le négoce est aussi une affaire familiale pour ne pas dire de microstructures. La première maison, La Compagnie Armagnac Ducastaing (groupe La Martiniquaise) réalise 15% des ventes totales de bouteilles (avec notamment 25% du marché français). Quelques regroupements ont eu lieu, mais la structure du négoce Armagnacais demeure morcelée. A côté de structures familiales de près de deux siècles (Croix de salles, Castarède) de nouvelles « maisons » se créent avec succès (ex. ADEX, maison de l'Armagnac).

    3) Propriétaires

    Appelés « propriétaire-récoltant » ou « vignerons » ou producteurs par le BNIA, ils maîtrisent du « cep à la bouteille » le processus de fabrication de l'Armagnac. Ils sont 307 selon le BNIA Si cette pratique n'est pas nouvelle dans le monde paysan de polyculture, la distillation représentait une forme d'épargne pour un investissement futur (pour la dot de la fille à marier ou achat important à venir). L'autre part de la production appartenait aux riches propriétaires fabriquant l'Armagnac annuellement de générations en générations. Cette forme de production « à la ferme » s'est développée à partir des années 1970 sous les effets conjugués des faveurs du consommateur pour le terroir face à l'industrie agro-alimentaire, le développement du tourisme et l'échec des structures collectives dans le domaine agricole. Cette catégorie masque une hétérogénéité entre des producteurs reconnus par une longue tradition familiale, d'origine nobiliaire souvent, ou au prestige intact (Laberdolive pour citer le plus connu) et un nombre important de producteurs moins prestigieux. Les surfaces de production divergent également entre la micro parcelle de vigne d'un hectare et le domaine reconstitué coincé au milieu de 900 hectares de vignes. Nous estimons à 20 % la quantité d'Armagnac vendue par les propriétaires-récoltants, le plus important est le domaine du Tariquet avec 2% du nombre total de bouteilles vendues (18,35 Hl AP).

    Les différents modes de production donnent naissance à des produits différents en terme de qualité mais aussi d'image. Le propriétaire-récoltant utilise une zone de production réduite, ne possède pas des chais dernier cri pour la conservation ou va favoriser l'image de produit de terroir avec une traçabilité maximale. La logique d'une maison de négoce peut être opposé : produit d'assemblage avec des vins des différentes

    30

    sous appellation, communication sur le produit, modernité dans les techniques de distillation. Le mode de production est donc essentiel pour comprendre les qualités et caractéristiques du produit fini (cf. 1.1) pour ensuite favoriser un mode de communication, une image. Si nous constatons une succession générationnelle, la structure de la filière n'a pas connu de modification majeure. Elle demeure répartie entre trois types de professionnels aux intérêts parfois divergents ce qui constitue parfois un frein au développement d'une relance globale de l'Armagnac.

    1.2.1.2 Les autres acteurs (distributeurs, vendeurs, distillateurs)

    Nous accordons une place importante à ces professionnels parce qu'il nous semble que ce sont eux qui possèdent le pouvoir de décision sur le produit fini. Le rôle des autres acteurs, à la différence d'autres secteurs où le processus commercial est plus long et plus segmenté, apparaît réduit sur la forme du produit Armagnac. Les autres acteurs économiques sont principalement situés en aval, à l'exception de la masse de vignerons qui produisent le vin. Ceux-ci sont impliqués et organisés au sein de la filière, mais ils ne font que fournir la matière première. Dans la production, nous pensons aux distillateurs et tonneliers, garants d'un savoir-faire traditionnel et adapté aux techniques modernes. Il s'agit des revendeurs ou importateurs, chaînon indispensable pour l'exportation aux dires des professionnels. En France, l'Armagnac est vendu en grande partie (notamment pour le haut de gamme) dans des réseaux particuliers (cavistes, BHR) et en grande surface. Ces acteurs sont essentiels pour le relais de l'information, les conseils et l'apprentissage du goût. Nous négligeons volontairement ce secteur, car il nous semble que la causalité dans la crise ne provient pas de la distribution, mais d'une inadéquation entre l'offre et la demande dont les distributeurs ne sont que les intermédiaires.

    1.2.2 Les organismes représentatifs

    Le caractère composite de la filière donne une légitimité aux organes de représentation. Après l'échec de l'union des coopératives, la baisse des ventes dans les années 1980 annonçait la nécessité d'une réforme du système de collaboration pour

    31

    coordonner des politiques collectives comme l'affirmaient Jean-Louis Darréon et Alain Gabriel37.

    L'organe essentiel de l'interprofession est le BNIA, organe central de gestion du produit auquel s'ajoutent d'autres organisations secondaires répondant à des intérêts particuliers.

    1.2.2.1 BNIA, l'organe représentatif et décisionnel

    La réforme statutaire du BNIA intervenue en 1991 donne pour la première fois les bases d'une structure commune et représentative de l'ensemble de la filière38. Créé en 1941, modifié à plusieurs reprises, le bureau interprofessionnel coordonne les actions des opérateurs, ou du moins les réunit dans un but de représentativité de l'ensemble de la filière. Il est composé en nombre identique de représentants du syndicat de producteurs (Confédération de la Viticulture Armagnacaise) et du syndicat des négociants (Syndicat de l'Armagnac et des Vins du Gers) à l'assemblée générale, dans les commissions et au conseil d'administration. La présidence est tournante. Il est financé par un prélèvement sur les ventes des opérateurs et les vins à distillation. L'adhésion y est « obligatoire et volontaire »39, d'où une insatisfaction chronique de nombreux opérateurs contre l'inefficacité d'un syndicat qui ne défend pas leurs intérêts40. Le BNIA a un pouvoir réglementaire et assure diverses missions dans les domaines de la collecte d'informations (vente, stocks), de l'assistance technique, du contrôle de qualité, de la promotion collective...41

    Indépendant vis-à-vis des pouvoirs publics (sauf pour une part non négligeable du budget de 1 million d'euros environ), il emploie une dizaine de personnes. Son rôle est central dans la gestion collégiale du produit puisqu'il est un centre de décision crucial pour l'orientation de la filière.

    La légitimité du BNIA peut-elle être contestée ? Existerait-il une autre forme de représentativité ou une dérégulation a-t-elle un sens ? Ces questions renvoient à la logique de l'Appellation d'Origine Contrôlé et de la marque générique et collective

    37 DARREON J.-C., GABRIEL A, op. cit., p.223 (II), « la nécessité de réduire l'incertitude dan s l'investigation commerciale pourrait se matérialiser par l'amélioration du système d'information du B.N.I.A., et surtout par la recherche d'une plus grande coordination des moyens entre les différents partenaires ; »

    38 KAYSER B.,L'Armagnac, un produit, un pays, op. cit. ; p.63

    39 Sébastien Lacroix, directeur du BNIA

    40 « les 14 000F qu'on lui donne, il serait mieux dans ma poche » M.G., propriétaire, région Eauze

    41 dossier presse BNIA 2006, anexe

    32

    Armagnac. Un ensemble d'opérateurs partage une même « marque » Armagnac qui n'appartient à personne si ce n'est à un décret. Le BNIA essaie de défendre au mieux le prestige de la marque Armagnac. Ses décisions ne sont que l'émanation d'un consensus entre les opérateurs. Pourtant, il est souvent perçu, notamment par les opérateurs éloignés du centre de décisions comme un organe autonome aux mains de quelques-uns ou de l'Etat. Beaucoup, les vignerons en particulier, ne participent pas, ou alors de loin, aux activités de cet organe démocratique. L'idée d'une dérégulation contre l'omnipotence du BNIA renvoie au travers des politiques contradictoires du passé des différents opérateurs et ne peut à terme que conduire à nuire au produit, surtout en l'absence de changement structurel.

    Comment le BNIA peut-il conjuguer les intérêts du produit et ceux des différents opérateurs qui s'opposent par nature ? A ce jeu du compromis, avec des moyens limités en comparaison avec les budgets des organes décisionnels des concurrents sur le marché, le BNIA concentre les limites des moyens d'action de l'Armagnac (en terme de communication et de promotion les moyens alloués sont de 500 000 euros)

    1.2.2.2 Les autres organisations (syndicats représentatifs, associations,)

    Les autres organisations ne jouent qu'un rôle secondaire. Diverses, aux activités ponctuelles ou temporaires, elles ne peuvent être considérées comme jouant un rôle essentiel dans le monde de l'Armagnac. Elles n'en restent pas moins des acteurs indispensables au bon fonctionnement de la filière. Loin d'être exhaustif, nous présenterons diverses formes d'organisations collectives.

    -Les syndicats professionnels

    Les deux syndicats réunissent respectivement les deux familles de l'Armagnac : le syndicat professionnel des producteurs et le syndicat professionnel des négociants. Leur rôle s'exprime au sein du BNIA principalement qui coordonne les actions collectives. Au sein de chaque structure les intérêts divergent. Les négociants ne pas tous sur le même segment d'offres, ni les mêmes marchés et ne souhaitent pas les mêmes communications pour l'Armagnac. De même, le syndicat des vignerons comprend des producteurs favorables à des structures communes et d'autres veulent garder leur indépendance. Les groupes d'intérêts dépassent le simple clivage producteurs/négociants. Une logique bipolaire ne permet pas de décrypter la prise de décision au sein du BNIA.

    -Les associations de promotion

    33

    D'autres organismes ont pour objet de la promotion de l'Armagnac. La compagnie des mousquetaires, co-gérée avec le BNIA favorise la promotion de l'Armagnac au travers d'une confrérie où sont intronisés les connaisseurs et des personnalités comme Le Roi Albert de Monaco dernièrement.

    1.2.3 Les acteurs parallèles, une filière très encadrée

    La spécificité d'un produit éthylique et l'importance de son implantation régionale impliquent d'autres acteurs publics ou parapublics. Sans rentrer dans les détails de leurs rôles spécifiques et des interactions avec les différents opérateurs, il nous semblait essentiel de présenter ces organismes.

    1.2.3.1 Les collectivités locales

    L'AOC s'étend sur trois départements, le Gers et les Landes ainsi que plus marginalement Lot-et-Garonne, et deux régions, l'Aquitaine et les midi-Pyrénées. Ce découpage administratif si différent nuisait à une bonne coordination des politiques locales de développement, surtout avant les décentralisations, on parlait d' « un pays fragile ». L'adoption d'une convention cadre le 10 novembre 2000 entre le BNIA et l'ensemble des collectivités publiques pour un plan triennal autour de l'Armagnac constitue un exemple de la volonté commune de coordonner et rationaliser les politiques des acteurs. Ce plan a été renouvelé pour les années 2004 à 2007.

    -départements

    L'activité départementale se caractérise sous deux aspects. Le premier est un soutien financier et logistique via la Direction Départementale de l'Agriculture. Les départements du Gers et des Landes allouent annuellement une subvention au BNIA ( 40 000 € par an pour le second42). Ils financent des opérations de promotion des produits locaux dans une logique de promotion régionale (excellence Gers ou Qualité Landes). Ces activités ne diffèrent pas des actions pour d'autres productions. Plus original est l'implication directe en tant que producteur, chaque département possède un domaine qu'il régit lui-même sous forme de régie. Le domaine d'Ognoas pour les Landes et le château de Mons pour le Gers.

    42 Source orale

    34

    -régions

    Les régions jouent un rôle plus marginal. Ne disposant pas de compétences dans le domaine agricole, le conseil régional agit dans le domaine économique. Elle se contente de subventionner le BNIA de manière plutôt régulière -l'Aquitaine est moins régulière que Midi-Pyrénées- , et de développer une aide ciblée sur certains spécificités du monde agricole, pas en particulier sur l'Armagnac. La région Midi-Pyrénées portent son effort autour de quelques thèmes : le déclin des métiers ruraux, les productions et transformations de qualité, la préservation de l'environnement des espaces ruraux, le développement des solidarités, la défense des origines43. Elle a également développé son propre organisme de développement des produits régionaux : IRQUALIM. La filière Armagnac peut donc solliciter des financements puisque dans chaque domaine, elle apparaît concernée.

    1.2.3.2 Les organismes de contrôle étatiques ou paraétatiques

    L'agriculture est très encadrée administrativement, a fortiori un produit éthylique et d'appellation contrôlée. Garant de la protection du consommateur-citoyen ou protecteur d'un produit surtaxé, le rôle de l'Etat n'en est pas moins accusé par nombre d'opérateurs de tous les maux (« carcan étatique » selon un producteur).

    -l'Institut National des Appellations d'Origine (INAO)

    Il est officiellement chargé de la mise en oeuvre de la politique française relative aux produits sous signes officiels d'identification de l'origine et de la qualité : appellation d'origine ; IGP ; label rouge ; STG et agriculture biologique44. Il contrôle le respect des principes de l'AOC (authentification des parcelles, dégustation d'agrément,...).

    - VINIFLHOR

    Etablissement public à caractère industriel et commercial, successeur de l'ONIVINS depuis sa fusion par décret45 avec l'ONIFLHOR, il n'a pas changé de mission pour la filière Armagnac. « Il participe à l'élaboration de la réglementation, met en oeuvre les soutiens nationaux et communautaires et analyse l'évolution des marchés pour les filières agricoles qui le concerne. » L'Etat a ouvert une ligne au budget de

    43 www.midipyrénées.fr

    44 loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006

    45 décret n° 2005-1780 du 30 décembre 2005

    35

    VINIFLHOR afin de participer au financement du BNIA en vertu de la Convention cadre du 10 novembre 2000.

    - les Douanes

    Les eaux-de-vie font partie des produits qui relèvent des codes NC 2207 et 2208 du tarif des douanes et qui ont un titre alcoométrique supérieur à 1,2 % vol. Les douanes confient par délégation une surveillance des stocks d'Armagnac et de leurs mouvements au BNIA. Elles agissent donc peu directement.

    - les directions régionales et départementales du ministère de l'agriculture

    Ces institutions administratives mettent en oeuvre les politiques de l'Etat dans le domaine de l'économie agricole et gèrent notamment les crédits du FEOGA et le suivi des politiques communautaires. Elles accompagnent et contrôlent les professionnels dans leurs démarches administratives. La position particulière e l'Armagnac entraîne une gestion particulière pour chaque administré selon son département. Ces institutions ont aussi un service de statistiques agricoles.

    1.2.3.3 Les chambres d'agriculture

    Les chambres d'agriculture assurent une représentation syndicale à l'ensemble des membres de la filière agricole. Elles assurent un rôle important dans de nombreux domaines économiques. Une certaine homogénéité syndicale entre les différents départements et régions de l'appellation Armagnac lors des élections de 2007. La FNSEA et la coordination rurale sont les deux principaux sydicats représentés dans ces organes de décision.

    1.3 Les différentes explications d'une crise de l'Armagnac

    Lorsque nous évoquons une crise de l'Armagnac, nous traduisons une baisse durable et quasi-ininterrompue des ventes depuis l'année 1978. Une relative stabilisation apparaît ces cinq dernières années46.

    Nous traduisons aussi le malaise entretenu dans la filière qui a conduit à des états généraux sur l'Armagnac impliquant l'ensemble des acteurs de la filière. Essayer d'expliquer les motifs de changement de comportement des consommateurs semble un exercice périlleux, « des goûts et des couleurs » chacun est libre de son choix. Il s'agit

    46 cf. tableau supra

    36

    d'un ensemble de facteurs qui créent une évolution des consommations. Une approche historique de l'histoire du goût dans un temps long montre que ce changement a toujours existé et qu'il existe une adaptabilité des sociétés à un renouvellement des modes de consommation47. L'histoire de l'Armagnac montre aussi une variation de la production liée aux aléas du temps (phylloxera, guerres, mauvaises récoltes). La production n'était-elle pas tombé à 1700 Hl AP en 1950, soit près de dix fois moins qu'aujourd'hui ! Il n'existe donc pas toujours une fatalité et une chute des ventes doit pouvoir s'expliquer pour ensuite y remédier en apportant des modifications au produit et à sa perception.

    Dans une première sous partie, nous effectuerons une typologie des acheteurs d'Armagnac (1.3.1). Puis, nous essaierons d'identifier un ensemble de causes qui paraissent pertinentes sans être exhaustives à l'origine de ce désaveu des consommateurs. Par souci de clarté, nous les avons différenciées en deux types : celles conjoncturelles et extérieres au monde de l'Armagnac(1.3.2) et, au contraire, celles structurelles et propres à la filière Armagnac (1.3.3).

    1.3.1 Une tentative de typologie de l'acheteur d'Armagnac

    Avant d'essayer de comprendre pourquoi les acheteurs se sont détournés du produit Armagnac, il semble essentiel d'essayer d'identifier ces clientèles. Nous reprendrons les catégories de Bernard Kayser puis nous en discuterons la pertinence.

    1.3.1.1 La typologie de Bernard Kayser

    Bernard Kayser identifie « à très grands traits »48 trois types de clientèles pour le produit Armagnac. Il se défend de toute subtilité et associe la clientèle à « une image du produit ».

    -La première catégorie concerne les consommateurs qui boivent l'Armagnac « sans cérémonie » dans les bars restaurants ou chez eux. Cet acheteur-type est peu soucieux des

    47 Notamment FLANDRIN J.-L., COBBI J., Tables d'hier, tables d'ailleurs, Odile Jacob, 1999

    Jean-Louis Flandrin, « L'invention des grands vins français et la mutation des valeurs oenologiques », Eighteenth-Century Life - Volume 23, Number 2, May 1999, pp. 24-33 ou

    48 KAYSER Bernard, [et al.], L'Armagnac : un produit, un pays., op. cit., p.

    37

    différents aspects de la fabrication qui créent des éléments de distinction entre les produits Armagnac. Il se tourne vers les eaux-de-vie jeunes à des coûts modestes.

    -La deuxième s'oppose à la première. Elle distingue un consommateur connaisseur qui est attentif à tous les éléments de distinction de l'Armagnac. Amateur de « typicité et de raffinement », il perçoit (ou essaie de percevoir) les nuances tant dans les caractéristiques du produit en lui-même que dans la présentation et l'origine du produit. Il entretient une relation avec le produit au-delà du contenu.

    -La troisième catégorie est celle des acheteurs-offreurs de cadeau qui voit dans le produit un élément de distinction sans maîtriser les différentes nuances et s'intéresse plus facilement aux « éléments extérieurs des « qualités » des eaux-de-vie » : terroir, « propriétaires », âge ou millésime.

    1.3.1.2 La pertinence de cette typologie

    Cette typologie « oublie » de nombreux facteurs ; sexe, âge, origine géographique, catégorie socioprofessionnelle. Nous pouvons critiquer la troisième catégorie un peu fourre-tout traduisant à la fois : la réalisation de la moitié des ventes dans le dernier trimestre de l'année, comme pour beaucoup de produits alimentaires haut de gamme (foie gras, champagne,...), la symbolique des millésimes pour les anniversaires et l'achat « touristique » au chai. Les études de motivations d'achat49 confirment cette typologie. En général, l'acheteur a plus de 45 ans, de sexe masculin ; il consomme l'Armagnac en digestif. L'utilisation pour la cuisine est également déterminant. La première catégorie concerne des consommateurs plus âgés, retraités, pour une consommation moins solennelle avec des Armagnacs jeunes et peu chers. La deuxième catégorie représente une population plus connaisseuse du produit, attentive à la distinction sociale, urbaine et 45-65 ans. Entre ces deux acheteur-type, il existe un large éventail de consommateurs.

    1.3.2 Les causes conjoncturelles

    Par le terme de causes conjoncturelles, nous comprenons des causes extérieures au monde de l'Armagnac. Ces changements affectent le produit ou ses ventes. Ce sont des phénomènes socio-économiques dont nous ne chercherons pas à analyser les causes mais

    49 Sources BNIA, 2003

    38

    à voir les conséquences sur le produit. Les phénomènes se superposent parfois, ils peuvent aussi s'opposer rendant la grille de lecture encore plus abscons.

    1.3.2.1 le changement des goûts et les nouveaux modes de consommation -un glissement du quantitatif vers le qualitatif

    Les Français ne consomment pas des boissons comme il y a quarante ans50. Ils consacrent une part plus faible du budget alimentaire aux boissons alcoolisées ( de 12,4 % à 8,9%) et ils en consomment un tiers moins . Le vin de consommation courante en est la principale victime, la consommation de vin s'est déplacé vers des vins de qualité. Ce glissement qualitatif ne se retrouve que partiellement dans les autres familles. Les spectaculaires croissances des whiskies (7% de croissance par an en volume) et du champagne (multiplié par 5 en quarante ans) se singularisent par rapport aux autres produits. Les Cognacs ont aussi souffert que les Armagnacs de ce changement. Ce glissement qualitatif ne concerne pas tous les Armagnacs et peut au contraire favoriser les eaux-de-vie de haute qualité. Les whiskies haut-de-gamme (premiums et superpremiums dans le jargon des limonadiers) ont su fidéliser un public de néophytes devenus connaisseurs comme en témoigne la création d'une revue spécialisée (Whiskymag) et le dynamisme des amateurs de whiskies sur la Toile avec une population jeune.

    -le déclin des alcools forts purs

    La haute teneur en alcool du produit écoeure une grande partie de la population, en partie féminine (la moitié du marché des consommateurs). Les produits alcoolisés sont aujourd'hui plus doux, plus sucrés. Beaucoup des spiritueux se consomment avec un liquide non alcoolisé, un « soft » (de l'eau ou des jus de fruits) pour réduire la concentration d'alcool de la boisson. La mode des cocktails dans les années 1980 a favoriser les alcools blancs plus neutre en goût. Or, une consommation orthodoxe de l'Armagnac commandant de boire pure l'eau-de-vie de raisin, communiquée par les fabricants, n'a pas permis à d'autres types d'utilisation de se développer.

    50 Danielle Besson, INSEE, op. cit.

    39

    Le professionnels du marché ont eux, très tôt pris conscience de ce changement des modes de consommation Cette adaption à la demande des consommateurs se caractérise par l'arrivée de nouveaux produits plus soft, très sucré, à base d'alcool fort (malibu, smirnoff ice). La création collective du Floc de Gascogne ou la mise sur le marché de liqueurs à base d'Armagnac comme la Belle Sandrine ont été des réponses pour s'adapter au marché de la part des producteurs. L'impossibilité de financer une campagne publicitaire à grande échelle et l'absence de différenciation significative avec les autres produits expliquent en partie leur place marginale sur le marché actuel. Elles n'ont pas en aucun cas supplanté le produit original, l'Armagnac.

    Le déclin du « pousse-café »

    Les eaux-de-vie de vin se consomme traditionnellement pur, parfois en accompagnement d'un café en fin de repas en France. La fin des grands banquets, une cuisine plus rapide avec une durée de temps de présence à table réduite peuvent être des explications plausibles. Le digestif, pratique aux origines moyen-âgeuses et à vocation curative apparaît aujourd'hui comme « ringarde », et pas seulement à cause des politiques de lutte contre l'alcool au volant. Les études de motivation d'achat51 de l'Armagnac montrent que le mode de consommation est à 95% en digestif même s'il n'est pas toujours exclusif -l'autre réponse majeure est « pour la cuisine » »-. L'apéritif et les cocktails sont des réponses marginales. Le Cognac connaît le même déclin en France, ses ventes baissent de 2% par an. Nous pouvons considérer cette même désaffection pour une consommation traditionnelle. Ce changement de consommation implique-t-il forcément une mutation du produit pour le réadapter au consommateur ou un travail marketing pour renouveler l'image de la consommation sous cette forme traditionnelle ou sous d'autres formes ? Les deux hypothèses se tiennent. Nous étudierons les travaux réalisés par les professionnels sur ces aspects dans la seconde partie de ce mémoire.

    1.3.2.2 le problème d'image

    La représentation sociale du produit est essentielle pour motiver l'achat.

    L'ignorance du produit semble la première cause de mévente. Beaucoup de consommateurs ignorent le produit et la région d'origine. Le processus de fabrication du

    51 sources : B.N.I.A. (2003)

    40

    produit et la base vinicole sont vaguement connus, mais plus on s'écarte de la région de production, plus l'ignorance gagne. Ensuite, la région est difficilement placée sur une carte de France. Elle ne représente aucune entité administrative ou ville importante, ni une destination touristique prisée. L'Armagnac de par sa même terminaison orthographique que Cognac se rapproche de son grand frère dans l'imaginaire du consommateur.

    Une communication sur le produit permettrait de pallier cette méconnaissance. Selon les enquêtes de perception du produit chez les professionnels52, cette opinion se retrouve chez cavistes sur les priorités d'action pour l'amélioration des ventes.

    Le consommateur, peu sensible aux caractéristiques du produit, peut se détourner vers d'autres spiritueux aisément puisqu'il y retrouve soit l'alcool bon marché (première catégorie) soit les éléments de distinction sociale qu'il recherche (troisième catégorie). Cette clientèle non-captive nécessite un imaginaire plus fort pour compenser l'absence d'attachement aux caractéristiques du produit.

    L'Armagnac et le digestif d'eau-de-vie de vin en général demeurent un alcool masculin dans une société française où les identités sexuelles n'ont plus de frontières clairement identifiées. Il reste associé à l'image d'une famille patriarcale. Sa consommation répandue lors des banquets familiaux, comme les mariages, lui confère un goût de douce nostalgie de la France d'avant. Il ne se consomme pas seul mais dans un cadre de convivialité ritualisé. La spontanéité ou la créativité, valeurs de la société contemporaine ne sont pas celles de l'Armagnac. Le whisky « on the rock » a réussi à percer en France grâce à son image plus individuelle et moderne. Le cinéma hollywoodien et une communication efficiente ont été des vecteurs importants.

    1.3.2.3 Les politiques d'action publique contre l'alcool

    « La politique étatique contre la consommation d'alcool est responsable du déclin de l'Armagnac ! » ce leitmotiv revient sans cesse dans la bouche des professionnels. Cette affirmation victimaire peu argumentée, accompagné d'un sentiment d'injustice et de bouc émissaire, nécessite un examen plus approfondi. Une première évidence contraire à cette dénonciation : si la baisse de la consommation d'alcool en France s'est réduite d'un tiers, elle n'a pas affecté la famille des spiritueux (cf. infra). L'Etat n'est

    52 sources : B.N.I.A (2003)

    41

    donc pas l'unique coupable du déclin même si ses politiques ne répondent pas à des objectifs favorables aux opérateurs.

    Nous distinguons trois types de politique étatique : la lutte contre l'alcoolisme, la prévention routière et les préoccupations de santé publique. Parfois, les actions publiques ne distinguent pas forcément les trois catégories.

    -La lutte contre l'alcoolisme est indiscutable pour tous les professionnels, et depuis la fin du régime fiscal avantageux des eaux-de-vie de vin, l'Armagnac n'est pas plus concerné qu'un autre produit.

    -Des professionnels stigmatisent les politiques de prévention routière concernant l'alcool au volant. Les mises en place d'un taux limite d'alcoolémie en 1970 à 1,2 g/litres et d'un contrôle préventif en 1978 furent les prémisses de cette politique. Son durcissement progressif a conduit à une limite de 0,5 g/L et des condamnations plus sévères53. La peur du gendarme et la prise de conscience des conducteurs entraînent une plus faible consommation d'alcool et la suppression du digestif. Le « pousse-café » est le dernier alcool consommé avec une forte teneur en alcool, donc susceptible d'augmenter le taux d'alcool dans le sang. Les professionnels soutiennent que les taux d'alcoolémie sont trop bas, arguant que les accidents corporels sont le fait de conducteurs avec une alcoolisation forte (1,7 g/L) et de buveurs chroniques54.

    -L'autre action générale de l'Etat concerne la santé publique avec une volonté de modération de la consommation d'alcool55. Cette volonté se manifeste sous différentes formes :

    Il s'agit d'abord d'une taxation importante (42% du prix d'une bouteille d'Armagnac). Cette évolution supérieure à l'augmentation des produits normaux a suivi celle du tabac jusqu'en 1992 puis le taux a été stabilisé.

    L'autre aspect de cette politique de santé publique est une condamnation plus morale de la consommation d'alcool avec la loi Evin de 1991. Cette loi limite la communication pour les produits alcoolisés et la consommation dans certains lieux comme les stades. Ces mesures ne sont pas sans conséquences : « Dans ce contexte de diminution globale, les Français ont modifié leurs comportements en réduisant leur

    53, «Faut-il abaisser le taux d'alcool autorisé sur la route? », Conseil national de la sécurité routière, mars 2004

    54 idem

    55 « 45 000 personnes meurent chaque année des effets directs de l'alcool. Celui-ci est responsable de 90 % des cirrhoses du foie, du tiers des cancers et représente la deuxième cause de retard mental chez l'enfant et la première cause de démence avant soixante ans. 20 % des hospitalisations en hôpital général et 40 % des hospitalisations en psychiatrie sont imputables à l'alcool. »

    42

    consommation de vin au profit des spiritueux et de la bière et en déplaçant leur consommation en fin de semaine (multiplication des ivresses répétitives) »56. L'Armagnac devrait logiquement être favorisé par ce déplacement de consommation. Il n'a pas plus d'handicaps qu'un autre produit. Au contraire, on peut penser que la loi Evin a rétabli le poids de la qualité intrinsèque du produit face à celui de la publicité dans la décision de vente. Si cette loi ne « diabolisent » pas la consommation d'alcool, elle favorise une consommation responsable et saine. Cette loi peut devenir un atout pour un alcool de qualité et d'une région où l'espérance de vie est la plus longue de France.

    1.3.2.4 Un âge d'or prépare des années de plomb

    Les années 1970 ont permis un développement sans précédent de la consommation d'Armagnac du fait d'un effet de mode dû à de nombreux facteurs, notamment l'avantage fiscal dont il bénéficiait. Il ne s'agissait pas d'un ancrage profond dans le marché français, mais d'un développement d'un produit générique adapté à une consommation de masse sans une grande concurrence internationale. Les ventes des années 1960 correspondent à celles d'aujourd'hui. En 1969, 2,8 millions de bouteilles étaient vendues avec déjà un million de bouteilles à l'exportation. La forte croissance des années 1970 (+12%/an) s'est accompagné d'une explosion de la quantité de vin distillé dont la filière subit encore le poids. Les opérateurs trop optimistes sur la croissance de la consommation du produit ont distillé des quantités adaptées à un développement sans fin du marché. Les années de bonnes récoltes, la distillation a produit des quantités énormes d'Armagnac : 116 964 HlAP et 87154 Hl AP en 1973 et 1979 par exemple, alors que jamais plus de 45 OOO Hl AP/an n'ont déjà été vendus. La spéculation sur un produit est risquée. La conjoncture s'est retournée. Il faut tout reconstruire pour retrouver les bénéfices.

    1.3.3 Les causes structurelles

    Les causes structurelles sont propres au monde de l'Armagnac, à son organisation et à son marché. Sa structure particulière ne pouvait le rendre apte à supporter les évolutions ou du moins elle n'a pas permis ou de faire les bons choix pour poursuivre le développement économique des années 1970. Ces caractéristiques structurelles n'ont

    56 « bilan des dix ans de loi Evin », communiqué de presse, ministère de l'emploi et de la solidarité, mars 2001

    43

    pratiquement pas changé, elles appartiennent au patrimoine économique de l'Armagnac. Les explications sont nombreuses et nous verrons les principaux aspects sans être évidemment exhaustif.

    1.3.3.1 L'exportation ne compense pas le déclin du marché français

    L'Armagnac ne s'est pas vraiment implanté à l'étranger. Il profite de circonstances particulières, souvent dans le sillage du Cognac (exemple du Japon à la fin des années 1980). L'eau-de-vie charentaise est prisée par les nouveaux riches : les Vénézuéliens dans les années 1950, les asiatiques dans les années 1980, les minorités noires américaines et les Russes depuis le milieu des 1990. Certes, les professionnels peuvent se targuer de vendre leurs produits dans ces marchés émergents, tout le monde s'y rend avec des ambitions de bénéfices rapides. L'absence d'implantation donne des résultats le plus souvent à court terme, mais il faut des groupes puissants pour pouvoir supporter des marchés à forte variation et être prêts à investir de nouveaux marchés à long terme. La chute des ventes de près de 20% après la crise asiatique 1998 avait entamé les efforts réalisés par les quatre grosses maisons cognaçaises pour redéployer un marché asiatique. Les ventes avaient déjà subi une baisse de 20% entre 1990 et 1997. Le redémarrage, avec de grands efforts marketing pour ne pas laisser la place aux concurrents, a permis au Cognac de retrouver son niveau de 1989 avec des ventes record. La pérennité de ce marché n'en est pas plus assurée57. Ce succès ne profite pas à l'Armagnac comme le montre la comparaison des courbes des deux spiritueux à l'exportation58.

    Or l'Armagnac dépend encore pour plus de la moitié de ses ventes du marché français. Celui-ci est en déclin inexorable pour tous les segments des eaux-de-vie de vin, même si la baisse est plus prononcée pour les eaux de vie jeunes. Où les acteurs doivent-ils accentuer leurs efforts ?

    1.3.3.2 La gestion des stocks

    Une des principales difficultés de l'activité de négoce des eaux-de-vie de vin concerne la prévision de la période de vente du produit final. Les négociants doivent anticiper la demande à une échelle de temps très longue dans un marché hyperconcurrentiel où les comportements des consommateurs fluctuent au gré des modes. Si le stockage permet une régulation en fonction des quantités distillées selon les récoltes

    57 « Pas de chance pour le Cognac la récolte 1999 sera bonne », L'expansion, octobre 1999

    58 voir annexes, expéditions de Cognac,

    et les performances des ventes, il est difficile de juger la consommation à venir. De plus, des stocks trop importants entraînent des coûts de conservation plus importants en favorisant une pression sur les prix. Un stock trop important d'eaux-de-vie de compte 5, 6, 7 par exemple crée une pression sur les prix de ce segment, mais les eaux-de-vie jeunes en pâtissent aussi. Les fluctuations des quantités distillées permettent de rééquilibrer les ventes annuelles. Or, l'Armagnac a souffert d'une surproduction chronique depuis les années 1970 entraînant un stock défavorable pour un relèvement des prix et l'impossibilité de tout écouler.

    Le solde produit distillé/vente est redevenu positif en 2005 après plusieurs années négatives.

    20000 15000 10000 5000 0 -5000 -10000

     

    2002 2003 2004 2005

    Quantité distilléE quantité vendue solde

    44

    La diminution des stocks depuis cinq ans

    Le vin destiné à produire de l'Armagnac peut aussi être commercialisé en vin blanc de table. La hausse qualitative du marché du vin a entraîné une modification des vignobles et l'émergence de l'appellation vins de pays Côtes de Gascogne. La principale caractéristique commune est l'usage des cépages colombard et ugni-blanc. Le Gers, principal département viticole sur les trois de l'appellation Armagnac produit plus de 830 000 hectolitres agréés de vin blanc par an. Sur ses 20000 hectares de vignes, seules 1500 sont désormais destinées à l'alambic. Le succès de ces vins blancs Côtes de Gascogne -dont le meilleur représentant est le domaine du Tariquet connu internationalement-, se caractérise par un doublement de la production entre 1995 et 2005 et par 75% des volumes commercialisés à l'exportation. Cette situation éclatante contraste avec le moribond Armagnac. L'arbitrage distillation dépend du prix de vente le plus avantageux et des variations des récoltes. La distillation permet d'équilibrer la variation des récoltes selon les saisons. Cette complémentarité ne joue plus lorsqu'il y a

    45

    une situation de surproduction vinicole chronique, et les négociants profitent de cette situation pour abaisser le coût d'achat de la matière à distiller. Cette spéculation ne profite pas à un effort qualitatif régulier sur chaque année entraînant des produits inégaux. Les viticulteurs ont choisi leur camp : « il est hors de question de faire de l'Armagnac, du moins pour l'instant, ce n'est pas rentable ! »59.

    1.3.3.3 L'absence de marque leader

    Un des principaux changements dans le commerce contemporain consiste à vendre des marques plus que des produits. Naomi Klein a mis en exergue ce phénomène dénonçant « une nouvelle génération de sociétés qui se considéraient comme des « courtiers en signification » plutôt que comme des « producteurs de produits »60. L'idée que l'on puisse vendre des marques plutôt que des produits dans la logique de la viticulture française est un contresens. Toute la communication, la représentation, est centrée sur le produit, le réel. Le seul mot mis en avant est Armagnac. Les marques de producteurs ont soit le nom du château ou du lieu géographique, soit le nom du négociant ; mais il n'arrive pas à dépasser cette simple signification. La réussite du Cognac à l'exportation s'appuie sur un bon produit, mais elle est avant tout la réussite de quatre marques qui se sont imposées sur les marchés notamment américains, « parce que depuis vingt ans les « marketers » ont su la rendre désirable »61. La moitié des acheteurs parisiens en grandes surfaces citent « Hennessy », « Martell » ou « Courvoisier » lorsque les sondeurs leur demandent de nommer une marque d'Armagnac62. Une marque donne sa reconnaissance au produit, encore faut-elle qu'elle soit connue. Elle offre un gage de prestige que ne peut offrir une simple appellation. Aucune marque d'Armagnac ne peut être identifiée nationalement, sans parler des marchés étrangers. La marque d'Armagnac offre une traçabilité, un lien direct avec le producteur, rien d'autre.

    1.3.3.4 Une structuration mal adaptée

    Le problème du développement des marques d'Armagnac n'a pas changé depuis vingt ans. Les maisons de négoce sont soit des sociétés familiales à capitaux limités pour développer à grande échelle des pénétrations des marchés, soit les sociétés appartiennent à des grands groupes (Pernod, La martiniquaise, Marie Brizard, Rémy Cointreau) depuis

    59CAMPAGNE Caroline, « le vin surpasse l'Armagnac », Sud ouest, 14 novembre 2006 60KLEIN, NO LOGO- la tyrannie des marques, France, Actes Sud, 2001

    61 « Le Cognac relancé par le Rap », op. cit.

    62 Étude de motivation d'achat, BNIA, 2003

    46

    trente ans dans lesquels elles ne jouent qu'un rôle de complément de gamme sans politique de développement à long terme. Les capitaux se portent sur d'autres produits à potentiel de croissance plus important. Pernod a quintuplé les ventes de rhum Havana Club en dix ans et englouti de nombreux groupes étrangers. Seule Gerland pourrait faire exception avec près de 20% des ventes d'Armagnac depuis le rachat de Sempé en 2002 ; mais sa structure coopérative et son organisation complexe entre les différentes filières ne peuvent faire d'elle une entreprise comparable.

    Cette absence de moyens propres fait reposer les politiques de communication sur le BNIA avec les ambiguïtés que cela comporte. Il se retrouve sur les grands marchés face à des géants économiques avec lesquels il ne peut rivaliser. La pression dans les grandes surfaces a conduit à réduire la longueur de linéaire réservée à l'Armagnac et diminué le panel de produits au strict minimum. L'Armagnac s'est rabattu sur le marché des cavistes et magasins spécialisés. « L'Armagnac est un produit qui a besoin d'être expliqué » argue-t-on dans les milieux gersois pour expliquer ce glissement de distribution. « En France, c'est de l'épicerie via un réseau dense de caviste et de restaurateurs animé par 85 agents multicartes »63 explique Arnaud Lesgourgues, propriétaire associé de la maison L.E.D.A., pour définir sa stratégie de distribution française. Il ne faut pas oublier que près de 40% des sorties bouteilles concernent des eaux de vie jeunes dont la vente comme produit fini est difficile et soumis à une intraitable concurrence. Le marché des spiritueux est un marché compétitif avec des produits innovants où le panel de produits s'est accru depuis une vingtaine d'années.

    Une trop lente adaptation et pour quel rattrapage ?

    Le terme de crise semble trop fort pour représenter la situation d'ensemble de la filière aujourd'hui. Nous pourrions plutôt parler d'une lente adaptation au commerce contemporain. Les statistiques montrent une précaire stabilisation des ventes et une baisse des stocks. Comme le précise Sébastien Lacroix, directeur du BNIA, «il est difficile de travailler sur l'Armagnac en raison de l'histoire et des aspects socioculturels». L'action collective peut seule communiquer sur l'appellation. Les pouvoirs du BNIA sont limités et toujours sous réserve de l'accord des deux syndicats. Au-delà du consensus

    63 « Une stratégie très sud ouest », Sud ouest, op. cit.

    47

    nécessaire pour effectuer une politique globale, le directeur du BNIA vante sa cohérence dans les actions individuelles des opérateurs et sa régularité dans le temps et les lieux.

    Plutôt que de crise nous parlerons de déclin. Comme l'ont expliqué Jean-Claude Darréon et Alain Gabriel dans leur thèse, La fin des années 1970 a constitué un pic de croissance pour le produit et celui-ci a connu une chute progressive dans les années 1980. Il nous semble que l'Armagnac a mal su s'adapter aux changements commerciaux des années 1980 et a été victime de ses ambitions démesurées des années 1970. Les auteurs prophétisaient la chute des ventes des années 1990 si aucun changement majeur dans la filière n'intervenait64. Ils prévenaient des dangers de désunion en temps de crise avec des actions à court terme des opérateurs aux risques et périls de la pérennité du breuvage d'or. S'ils refusaient la « solution miracle », ils insistaient sur la nécessité « d'une volonté commune de défense du rayonnement du nom « Armagnac » ». Ils misaient notamment sur le rôle central du BNIA, seul à même de porter les couleurs de l'Armagnac avec ses très limités moyens financiers. De nouveaux comportements sont apparus doucement, une collaboration effective a temporairement pris le pas sur des comportements individualistes. Les progrès enregistrés ces cinq dernières années, et la hausse de 18% des exportations en valeur en 2006 ne sont pas les conséquences d'un simple retournement de conjoncture.

    Comme nous avons pu le voir, la structure de la filière nuit à une efficience indispensable dans le capitalisme contemporain (rapidité de la chaîne de décision, investissements, politique globale de l'entreprise,), néanmoins, il ne faut pas faire de cette diversité un handicap insurmontable. Des complémentarités entre les produits et entre les opérateurs paraissent possibles, à condition de gagner en cohérence et consensus, maîtres mots d'une relance. Celle-ci ne peut que s'appuyer sur un marketing de qualité, ciblé et fondé sur une collecte d'informations actualisées et pointues du comportement du consommateur.

    64 DARREON J.C, GABRIEL A., l'Armagnac de la production à la commercialisation : des réponses inadaptées face au déclin, op. Cité, «conclusion généale», p.221-223

    48

    2 Les politiques de relance du produit et l'avenir de la filière

    « Un pour tous et tous pour un ! » cette devise des mousquetaires de Gascogne65, apparaît bien difficile à mener dans le monde de l'Armagnac. Dans cette deuxième partie de notre travail, nous verrons comment les acteurs ont travaillé et travaillent pour redonner un élan à ce produit. Ce produit n'est pas condamné par le marché de par sa désuétude comme certains produits dépassés par le progrès technique à l'image d'une radiocassette ou d'une machine à écrire. Si « La volonté et la confiance dans le produit sont indispensables »66, il faut la transmettre aux distributeurs et aux consommateurs. La caractéristique du marché des produits alimentaires pour un produit en déclin, a fortiori sur le marché plus concurrentiel des vins et spiritueux, consiste à remettre au goût du moment. Le succès du cousin cognaçais avec ses deuxièmes meilleures ventes et septième année de croissance en 2006 67 prouve qu'il n'existe pas un dégoût du consommateur pour les eaux-de-vie de vin, obstacle insurmontable. La volonté de relance ne s'est jamais estompée même si elle n'a pas été exprimée clairement, ni à bon escient. Quelles démarches ont été entreprises avec quelle vision pour l'avenir de ce produit ; ou plutôt quel produit permettra une survie de la filière ? Cette interaction permanente empêche un développement d'un discours univoque. Si les chiffres de ces cinq dernières années montrent une précaire stabilisation des ventes, par quels facteurs doit-on l'analyser ? Est-ce le signal d'un renouveau ou juste une pause dans le déclin?

    Prolégomènes : Quels objectifs pour la filière ?

    La bonne santé d'un produit se traduit-elle seulement par une hausse des ventes en volume? Sur quels critères peut-on juger de la bonne santé d'un produit et de sa filière ? Ces questions dépassent la simple logique économique et tous les acteurs n'éprouvent pas la même satisfaction face aux résultats économiques. Notre travail se consacre essentiellement sur le produit laissant de côté de nombreuses questions économiques et sociales. La problématique essentielle concerne l'ensemble des formes sous lesquelles le produit Armagnac peut espérer une pérennité et des moyens par lesquels elle essaie d'y

    65 reprise couramment par les défenseurs de l'Armagnac, par exemple Aymeri de MONTESQUIOU, sénateur du Gers, et Jean-Paul SEMPE, Lettre des mousquetaires de l'Armagnac, n°2, janvier 2003

    66 DARREON J.-C., GABRIEL A., l'Armagnac de la production à la commercialisation : des réponses inadaptées face au déclin, p.222 (II)

    67 Sources B.N.I.C.

    49

    parvenir. L'évaluation ne peut se contenter de regarder les ventes globales sans vision à long terme ou sans comparer avec les quantités distillées. La cohérence est le maître mot de toute politique globale objectifs-moyens-actions :

    -une cohérence sur les produits

    -une cohérence sur la communication

    -une cohérence entre les produits et la communication

    « Produire bon pour vendre mieux »68, la devise des professionnels définit la

    stratégie de relance de l'Armagnac: une amélioration de la production (2.1) et une stratégie de vente et de communication efficace (2.2) permettront d'entrevoir un autre avenir pour le produit Armagnac (2.3).

    2.1 Un travail sur la production

    La qualité du produit est essentielle pour ensuite pouvoir le commercialiser dans de bonnes conditions. Il s'agit donc d'un préalable. Si le consommateur se détourne du produit Armagnac, c'est la conséquence d'une insatisfaction vis-à-vis du produit, au mieux d'une lassitude. Paradoxalement, le produit est apprécié des consommateurs, mais il n'est pas acheté. La production ne semble pas la première cause des méventes, elle n'est pas néanmoins exempte de tout reproche notamment sur sa gestion. S'il est impossible d'avoir une maîtrise totale de l'offre du produit, une gestion harmonieuse des stocks et de la production est possible (2.1.1). Elle ne peut s'accompagner que de politiques qualitatives (2.1.2), pour une définition claire des produits finis (2.1.3).

    2.1.1 Une gestion harmonieuse de la production et des stocks

    Nous avons évoqué dans la première partie les problèmes d'un équilibre entre les quantités distillées et les quantités produites. Une rationalisation de la production permet des investissements plus sûrs et des visées à long terme.

    2.1.1.1 Une politique de maîtrise de l'offre

    La maîtrise d'une politique de l'offre avec des quotas préalablement définis était une des idées à l'origine de la création de l'Union des Coopératives Viticoles de l'Armagnac en 1976. La structure commune avait pour but de limiter le caractère spéculatif de l'Armagnac, d'adapter la production à la consommation et de garantir des

    68 in La flamme de l'Armagnac, mars 2005

    50

    prix d'achat aux vignerons. Les perspectives de croissance (+12%/an) nécessitaient une surproduction en fonction des récoltes. Les négociants et les propriétaires récoltants s'opposaient à cette logique estimant nécessaire de conserver le caractère spéculatif de l'Armagnac et surtout de maintenir une diversité dans l'offre des produits. En raison de la surproduction chronique et de la montée vertigineuse des stocks jusqu'à la fin des années 1980, la filière a du s'organiser pour assurer un certain équilibre pour éviter de mettre en péril la quasi-totalité des acteurs et de brader un Armagnac invendable. Cette volonté commune a entraîné une augmentation des pouvoirs du BNIA en 1991. Il lui est conféré un regard sur les stocks via la délégation de pouvoir des douanes et l'audit de 1996 sur les principales maisons lui a permis de connaître leur état de santé. Entre une politique stricte de l'offre et la liberté totale de production, le compromis a donné lieu à une politique de maîtrise raisonnée de la production autour du BNIA.

    2.1.1.2 Les limitations de la production

    Les limitations de la production sont toujours difficiles à mettre en place. Elles s'inscrivent dans des politiques globales conduites dans le cadre de la Politique Agricole Commune appliquent des moyens différents : reconversion des agriculteurs, changement de production (primes à l'arrachage). L'objectif final de la filière Armagnac est d'arriver à obtenir à terme une quantité annuelle de produit distillé en rapport avec l'évolution de la consommation. L'exemple de la viticulture du Bas-Armagnac landais, une des principales zones, donne un exemple significatif de ce travail sur la partie viticole de la filière69. La surface viticole landaise a diminué de 3420 à 2524 hectares, soit de 25%. Le Bas-Armagnac représente 72% de cette surface en 2000. Il a connu une diminution similaire. Pendant cette même période, la concentration des exploitations viticoles a été moindre que dans les autres départements (seulement 70% des exploitations ont une superficie supérieure à 10 hectares). Les campagnes d'arrachage menées avec les primes européennes selon des systèmes complexes de financement (départ à la retraite, renouvellement du vignoble) ont obtenu des résultats significatifs sur les volumes de vin produit. Le succès des vins blancs de pays de Gascogne, déjà évoqué, a aussi à rééquilibrer la quantité de volume distillé.

    Cette réduction a été également fournie par un contrôle plus strict de la vocation des vignes à l'Armagnac. Une grande part de la surface, plus de la moitié, était en cépages

    69 lettre de l'observatoire de l'Armagnac, n°4, octobre 2OO2

    51

    double fin AOC Armagnac. Le vigneron avait le choix de vendre son vin brut ou de le distiller. Pour limiter la quantité de vin à distiller et permettre un développement des cépages spécifiques pour l'Armagnac, le décret du 29 mai 2005 impose un « parcellaire Armagnacais » : une identification préalable des parcelles destinés à la distillation auprès de l'INAO et une déclaration d'intention de destination des vins avant le 31 juillet. Le viticulteur ne peut donc spéculer au dernier moment en fonction des cours.

    Ces mesures s'accompagnent d'incitations financières assez complexes provenant des différents organismes étatiques et européens. Le BNIA n'effectue que des actions normatives et ne subventionne en aucun cas la production agricole.

    2.1.1.3 Le problème des stocks

    La conséquence de cette surproduction chronique entraîne une surcharge des stocks. Or, il ne faut pas oublier qu'une grande part de l'Armagnac sort sous forme d'eau-de-vie jeune (50% environ) autant pour les fabrications et vrac que pour les ventes bouteilles. En 2005, les ventes bouteilles à partir du compte 4 n'ont représenté que l'équivalent de 5032 Hl AP. Si une partie supplémentaire a pu être utilisée dans les fabrications ou vendue en vrac, la quantité n'est jamais supérieure au 7 622 Hl AP passé du compte 3 au compte 4 cette même année. Les stocks de compte 4 et + atteignent 135000 Hl AP. La diminution des stocks est donc due bien plus à l'angélique évaporation qu'à l'augmentation des ventes ou une réduction draconienne de la production d'eau-de-vie70. En six ans 25 000 Hl d'AP ont disparu faisant passer de « douze ans de production en stock à entre neuf et dix ans aujourd'hui »71.La filière Armagnac paye encore aujourd'hui le fardeau des comportements individualistes et irrationnels d'un point de vue collectif d'il y a vingt ans. Compte tenu des stocks, la politique commerciale est claire : il faut vendre des eaux-de-vie vieilles. Le hors d'âge, c'est-à-dire les assemblages de plus de dix ans, est le produit cible. Les millésimes obtenus à partir des stocks très variables selon les années sont moins intéressants, dans cette perspective de diminution des stocks.

    70 cf. tableau et histogramme (chiffres B.N.I.A.)

    71 Sébastien Lacroix, cité dans « bien dans son temps », Sud Ouest, 14 novembre 2006

    52

    L'autre problème des stocks est leur coût d'entretien et de transmission. L'investissement réalisé ne porte ses fruits qu'à long terme. La faiblesse financière des structures familiales du négoce entraîne la mise en hypothèque des biens, voire des emprunts difficilement remboursables. A cela s'ajoutent les problèmes fiscaux et des droits de succession ayant pour conséquence l'impossible reprise des domaines ou négoces familiaux.

    Enfin, il faut préserver un renouvellement des stocks pour garantir l'eau-de-vie du futur. Il serait bien dommage de ne plus avoir de matière à vendre le jour où la situation commerciale sera meilleure. Ces objectifs nécessitent une information continue des producteurs sur la situation commerciale, les visées à long terme et les stratégies appliquées. Ce rôle, aujourd'hui rempli par le BNIA, a cruellement manqué aux acteurs dans les années 1980.

    2.1.2 Une recherche de qualité

    Un autre objectif du BNIA consiste à accompagner les producteurs dans leurs efforts qualitatifs de l'amélioration de l'offre afin de mieux correspondre aux exigences des consommateurs. Les marchés des vins et spiritueux connaissent des croissances

    53

    supérieures en valeur qu'en volume. Il faut donc augmenter les qualités des produits pour maximiser les possibilités de bénéfices.

    2.1.2.1 Une spécialisation des vignerons

    La tradition de polyculture du monde agricole gascon contraste avec la spécialisation des grandes régions viticoles françaises (Cognac, Bordeaux, Champagne). La mécanisation a permis une augmentation radicale des rendements et des surfaces cultivées. Cette production de vin moyen ne nécessitait pas une spécialisation des agriculteurs. Vignes ou maïs, peu importait la culture tant qu'il y avait du rendement. Le renouvellement des générations, les nouvelles formations offertes aux agriculteurs ont permis d'augmenter les compétences techniques des vignerons et d'accompagner ainsi la montée en gamme des produits.

    Cet, effort de spécialisation est accompagné par le BNIA avec la mise en place de stage et formations techniques à disposition des producteurs. Par exemple, pour le second semestre 2006, sont organisés un voyage d'études en Charente et des formations sur la qualité de la Blanche Armagnac et sur la technique sur la distillation Armagnacaise. Les aides à la modernisation des équipements et autres installations sont semblables à celles que touchent les autres agriculteurs de la part du FEOGA.

    2.1.2.2 Une Appellation d'Origine Contrôlée plus stricte

    Le grand combat du BNIA et de la filière depuis la fin des années 1990 concernait la redéfinition du décret AOC qui datait de 1936. Cette évolution était souhaitée pour plusieurs raisons : la création de l'AOC pour la Blanche d'Armagnac, une mise aux normes de l'AOC Armagnac et un meilleur suivi de la production. Nous évoquerons infra la blanche d'Armagnac, et quelques éléments importants de la refonte du décret du 29 mai 2005 après l'accord à l'unanimité du 28 mai 2004 de l'INAO. La longueur de la procédure (six ans à partir de la demande du BNIA et des syndicats représentatifs) s`explique par les nombreux problèmes réglementaires soulevés par l'INAO. En particulier, la controverse portait sur l'utilisation d'un cépage hybride-le baco- pour une AOC. Or, le baco est le cépage majeur du Bas-Armagnac landais et son abandon aurait bouleversé la qualité des eaux-de-vie produites et détruit les vignobles. La réticence de l'INAO était fondée sur des risques phytosanitaires. L'oenologue et directrice technique du BNIA, Marie-Claude Segur, a dû mobiliser des chercheurs pour démontrer le bien-

    54

    fondé et l'inoffensivité de l'utilisation de ce cépage. L'obligation de l'élevage dans les seuls chais agréés et identifiés par l'INAO dans l'aire de production constitue un autre changement majeur.

    2.1.3 Des produits mieux définis

    L'adaptation du produit aux goûts du consommateur nécessite une simplification des dénominations plutôt que des produits vendus. La multiplication des termes perturbe le consommateur, surtout lorsqu'il ignore la signification comme Napoléon ou V.S.O.P. L'âge reste le critère déterminant.

    2.1.3.1 Un exemple de diversification : la « création » de la Blanche Armagnac

    La Blanche Armagnac n'est pas un produit nouveau, mais la volonté d'obtenir une AOC traduit l'ambition de compléter la gamme et de développer de nouvelles approches de l'Armagnac pour un nouveau public. Comme pour le Floc, l'AOC montre au consommateur qu'il ne s'agit pas d'un sous-produit. L'aspect réglementaire a été réglé avec le décret du 29 mai 2005. Pour l'aspect technique, le BNIA et les syndicats représentatifs ont d'abord dû travailler sur la manière de la fabriquer, puis développer l'agrément auprès de l'INAO pur enfin former les producteurs pour que le produit soit assez similaire et réponde aux attentes des consommateurs. La commercialisation n'intervient qu'à partir de l'année 2007. Ce produit permet d'atteindre le marché des alcools blancs, un marché plus dynamique que l'alcool brun. La Blanche Armagnac se pose sur un segment premium en concurrence avec les vodkas haut de gamme type Zubrowka. La commercialisation s'accompagnera d'une campagne de lancement marketing spécifique de la part du BNIA

    2.1.3.2 L'adéquation du produit aux exigences du consommateur

    La volonté d'avoir une cohérence entre les produits et les critères justifiant les différences de prix a nécessité une redéfinition des dénominations communes en vue de mieux orienter le consommateur. Le critère essentiel demeure la durée de vieillissement en fût. Le BNIA a donc conseillé une simplification des termes justifiant la garde et le type d'assemblage. Il a également incité les embouteilleurs à indiquer la date de mise en

    55

    flacon, notamment pour les millésimes. Ces nouvelles définitions sont résumées par le tableau ci-dessous :

    La définition de la qualité du produit est dorénavant plus claire. Le « trois étoiles » pouvait paraître supérieur à un « Armagnac Napoléon » pour le consommateur. La hiérarchisation était difficile, surtout lorsque le panel d'Armagnacs proposés se limitaient à trois différents produits sur les linéaires de supermarchés. Les dénominations d'assemblage devraient néanmoins être précisées au consommateur, par exemple sur la seconde étiquette, pour lui permettre de mieux comprendre les différences de produits et de prix.

    2.2 La cohérence du travail effectué sur la communication

    Un bon produit ne garantit pas de bonnes ventes, les exemples de lente agonie sur le marché des spiritueux sont légions : Lillet, Byrrhe, Ambassadeur. L'Armagnac doit donc entretenir sa bonne réputation. Nous analyserons la stratégie de communication élaborée depuis ces cinq dernières années par le BNIA (2.2.1), nous verrons ensuite la compatibilité de son intégration dans avec les communications des opérateurs et des collectivités locales (2.2.2), enfin nous distinguerons la cohérence plus spécifique d'un travail sur l'exportation et la logique de la distribution (2.2.3).

    56

    Malgré l'internationalisation des modes de consommations et l'intégration des marchés, il demeure pertinent de distinguer la France et l'exportation en terme de communication comme l'effectue le BNIA. Nous étudierons l'exportation dans une autre partie, même s'il est possible que dans vingt ans cette distinction n'ait plus lieu d'être.

    2.2.1 Renouvellement et continuité de l'image de l'Armagnac

    Le terme Armagnac désignant le produit constitue à la fois une AOC et un « produit collectif » de différentes marques. La première est un règlement rigide, à l'opposé du second qui vit en perpétuel mouvement puisque possédait par un ensemble d'opérateurs aux moyens et aux fins de communications diverses, voire opposées. La communication sur l'Armagnac effectué par le BNIA va mettre en valeur le produit et sa représentation. Un retournement de la conjoncture vers le produit après des années de communication sur les valeurs associées aux marques, c'est ce que prédisait Philippe Villemus, professeur de marketing, dans son ouvrage La fin des marques ? Vers un retour au produit72. Ce titre provocateur mettait en garde contre une communication oubliant le produit lui-même. Or, les eaux-de-vie de vin en France, deux tiers du marché de l'Armagnac, souffrent d'une image ringarde, d'un produit désuet. Cette opinion, partagée aussi par Alain Philippe73, directeur du BNIC (Bureau national interprofessionnel du cognac) obligeait le BNIA à repositionner le produit avant qu'il ne disparaisse avec ses consommateurs. Mais, les changements radicaux d'images sont souvent désastreux car ils fourvoient plus le consommateur qu'ils ne le réorientent. Selon Jean-Noël Kapferer74, professeur à HEC Paris, la réponse doit intégrer le concept de « marketing dual » c'est-à-dire qu'il ne faut pas « choisir entre augmenter l'implication de l'entreprise auprès de ses clients actuels ou d'investir sur des cibles et des générations nouvelles », mais combiner les deux. Cette politique a été mené avec un succès relatif par Ricard pour son anisette homonyme avec une implication sur le terrain des jeunes (boîtes de nuit, soirées

    72 Philippe VILLEMUS, La fin des marques? vers un retour au produit, Organisation Eds d', 1996

    73 « Nous nous sommes trop longtemps reposés sur l'image vieillotte du cognac dégusté au coin du feu dans un fauteuil en cuir... et nos consommateurs mourraient sans être remplacés », in newzy, juin 2004

    74 KAPFERER Jean-Noël, les marques à l'épreuve de la pratique, Organisation Eds D', mars 2002

    57

    étudiantes) sans oublier sa clientèle traditionnelle au moyen de son armada de 1100 commerciaux 75...

    Les communicants sur l'Armagnac doivent rajeunir sa clientèle et hausser son segment pour permettre des prix élevés pour assurant une marge à tous les acteurs de la filière et nuancer son surcoût de fabrication par rapport aux autres alcools. En même temps, il faut rappeler la faiblesse des moyens de communication du BNIA : 500000 € pour la France et l'exportation, les limites de ses prérogatives normatives et son caractère interprofessionnel par rapport à une marque classique. Enfin, de nombreux aspects marketing restent entre les mains des opérateurs particuliers.

    Les objectifs de ces campagnes n'ont guère varié et répondent en partie à ce concept de « marketing dual », même si la fidélité au produit est importante. Il s'agit d'accroître la notoriété de l'Armagnac et ses spécificités, de cibler un profil masculin 25-40 ans, urbain et de catégorie socioprofessionnelle supérieure, et de ne pas oublier les clientèles traditionnelles.

    Parmi ces différentes missions, le BNIA va travailler dans plusieurs directions complémentaires : « dépoussiérer l'image de l'Armagnac », associer à un prestige et susciter le désir, rappeler son implantation territoriale et sa vocation de partage.

    2.2.1.1 « Dépoussiérer l'image de l'Armagnac » (S. Lacroix)

    Pour étayer notre argumentation, nous nous appuyons sur les campagnes annuelles financées par le BNIA dans la presse et par voie d'affichage. La principale difficulté est l'absence du produit vendu, le BNIA n'est pas un commerçant. Il ne peut s'appuyer sur le visuel du produit vendu. Il recherche à susciter le désir du consommateur en s'adonnant à l'imaginaire et accroître la notoriété du produit générique Armagnac.

    L'année 2001 a donné lieu à une nouvelle campagne de communication de l'Armagnac avec un changement d'image déclinée jusqu'à aujourd'hui en différentes campagnes. La communication maximise une sobriété caractérisée par le fond noir avec une simple insertion se référant au cadeau pour la fête et un jeu de représentation avec une grappe de raisin. L'Armagnac n'est pas représenté : ni le breuvage, ni le verre si caractéristique, ni une référence régionale. La volonté de toucher un nouveau public en le provoquant façon « porno chic ». Un nouveau slogan accompagne la campagne :

    75 www.ricard.fr

    58

    « l'Armagnac un rythme bien à lui ». Si cette campagne a été récompensée par un prix de la part des professionnels, peut-être s'est-elle éloignée du produit et de la capacité d'identification par le consommateur.

     

    Campagne Noël 2001

     
     

    Campagnes fête des pères et fête des mères 2001

    Slogans :

    « Rendons hommage à ceux sans qui nous ne serions rien »

    « Rendons hommage à celles à qui nous devons tout »

    La campagne 2003 a repris les mêmes caractéristiques en remplaçant la grappe de raisin qui évoque plutôt le vin dans l'imaginaire collectif par le verre galbé rempli au tiers d'Armagnac à la couleur ambrée. La référence au produit gagne en visibilité. Le verre identifie la consommation traditionnelle de digestif, mais ne repose pas sur une table,

    symbole du repas, comme dans les campagnes des années 1980. Le contenant différencie l'eau-de-vie de vin des autres alcools, c'est un élément fédérateur et caractéristique qui est repris dans tous les visuels.

    La campagne 2004 joue avec ce verre dans un jeu d'ombres et lumières et quelques gouttes glissant sur les parois. Le nouvelle message est « larmes de joie » dans le but de symboliser la convivialité. Ces campagnes sont publiées dans la presse traditionnelle et masculine (Figaro magazine, l'Equipe, Auto-Plus) et par voie d'affichage dans des zones urbaines Toulouse, Bordeaux et Paris et des aéroports.

    Encore faut-il comparer ces communications avec celles des concurrents. Par exemple huit annonces pleine page de spiritueux ou champagnes publiées dans les Figaro magazine de fin d'année 2006, au milieu des publicités pour parfums, montres et voitures haut de gamme. Toutes montrent le produit ou une partie symbolique (bouchon, étiquette) sur un fond monochrome sombre en général. La moitié des représentations sont accompagnées d'un court slogan comme « laissez votre empreinte », « l'art d'être soi-même ». Pas de présence humaine n'est constatée, tout comme un minimalisme absolu centré sur le produit. La promotion de l'Armagnac ne se distingue en rien mais elle souffre de l'absence de l'objet vendu. Elle est la seule à ne pas montrer le produit à acheter. Si l'Armagnac s'inscrit dans la même démarche que de produits prestigieux comme Grand-Marnier, Dom Ruinart ou Laurent Perrier sans la même force de frappe.

    59

    Ressemblances entre les communications de Champagne et d'Armagnac

    60

    Il est donc nécessaire de rechercher d'autres moyens de communication que de simples campagnes annuelles classiques aux coûts élevés et aux retombées incertaines auprès du consommateur comme le constate Sébastien Lacroix.

    L'association avec le festival « tempo-latino » de Vic-Fezensac, le premier festival européen de musique afro-cubaine, déjà sponsorisé par Havana Club, s'inscrit dans cette même logique de toucher des univers différents. Une musique festive, tropicale et dansante contraste avec l'austérité de l'Armagnac traditionnel consommé assis, entre intimes et de manière solennelle. L'Armagnac y est présenté comme une boisson pour « long drink » à l'égal du rhum. Le cocktail vendu cette occasion « Gascon'Gas » permet de mettre en contact un public plus jeune avec des eaux-de-vie accessibles au moyen d'une formule mix-drink pour une consommation différente. Cette tentative se renouvelle lors des fêtes traditionnelles de la ville de Vic-Fesanzac, « pentecôtavic ». Ces expériences ne sont pas toujours très concluantes malgré les succès d'un soir, le suivi semble difficile à estimer. Loin des chais poussiéreux, de la basquaise et du grand-père au béret, l'Armagnac rentre dans le cercle des boissons internationales. Cela ne suffit pas à le rendre différent et surtout demandé.

    2.2.1.2 Une boisson prestigieuse

    L'Armagnac n'est pas un produit inaccessible financièrement pour tous les ménages, il ne doit pas pour autant être banalisé au risque de perdre son image de prestige, de cadeau et de luxe. Le BNIA a pour but de repositionner le produit sur le haut et très haut de gamme. A l'image d'autres produits comme le champagne associé au caviar et aux palaces, l'Armagnac doit être présenté comme un produit supérieur pour des gens raffinés autour de deux autres produits : le jazz76 et le cigare. Deux axes de communication illustrent cette politique d'image plus internationale : le festival de jazz « jazz'in Marciac » et le « trofeo Habanos Armagnac ». Le festival de jazz de Marciac est l'évènement annuel le plus important du département du Gers en terme de médiatisation. Initié modestement en 1978, il est depuis devenu un festival incontournable sur la scène européenne et rassemble auquel le BNIA est associé depuis 1994. Cet investissement se compose de dégustation et de campagne d'affichage.

    76 « Dans le cadre de la stratégie de communication définie avec le groupe marketing, il a été décidé d'investir plus et mieux le Jazz » , lettre du B.N.I.A. n°23, avril 2004

    61

    L'association initiée en 2006 avec l'entreprise habanos, leader de la distribution de cigares premium, pour l`organisation d'un trophée « Armagnac y habanas » récompensant la meilleure association d'eau-de-vie avec les cigares rentre dans cette stratégie d'insérer l'Armagnac dans des univers de luxe et de prestige L'Armagnac remplace une marque de whisky dans cette association. L'épreuve finale se déroule au festival de La Havane. Déjà, depuis 2003, le BNIA organisait des rencontres dégustatives d'association d'Armagnac et de cigares auprès de professionnels dans des hauts-lieux parisiens77.

    Le cigare et le jazz rassemblent des valeurs de raffinement, avec une accessibilité réduite pour les non-initiés. Les associer correspond à une volonté d'ancrer l'Armagnac dans des sphères dépassant les frontières nationales pour un monde de connaisseurs et de fidèles. Il s'agit d'associer le produit autour de nouveaux rituels, pas forcément incompatibles avec les anciennes pratiques, avec des produits à forte valeur symbolique. Cette stratégie s'accompagne de publicité dans les magazines spécialisés pour permettre une fidélisation de ces publics et pour provoquer ces associations ponctuelles chez les fumeurs.

    La communication dans le luxe se focalise sur le produit sans le mettre en scène. Le produit ne répond pas à un besoin, il fait rêver. Il n'a pas un avantage comparatif, il est unique78. Les communications du BNIA montrent cet aspect là de l'Armagnac en insistant sur sa couleur, son contenant particulier et ...rien d'autre. « L'Armagnac, un rythme bien à lui ». Chaque produit est unique, donc toutes les publicités se ressemblent, étrange paradoxe marketing. Conscient de la notoriété retrouvée de l'Armagnac confirmé par les études de marché, le BNIA s'organise différemment : « Nous laissons tomber les actions de notoriété, et nous travaillons sur les metteurs en marchés et autres prescripteurs »79.

    2.2.1.3 Un produit de confidence, le pari du « bouche à oreille »

    La difficulté de communiquer efficacement sans grands moyens conduit le BNIA à se focaliser sur des segments plus précis qu permettent de faire comprendre les

    77« Effluves et voluptés » , idem

    78 DUBOIS Bernard, « Leçon de marketing, le luxe un secteur pas comme les autres » in Les Echos, 25 février 2007

    79 Sébastien Lacroix in « Bien dans son temps », Sud Ouest, 14 novembre 2006

    62

    spécificités de l'Armagnac par la voie de professionnels, de passionnés ou des nouveaux moyens de communication comme Internet.

    Partant du principe de la complexité du produit et de son manque de notoriété, le BNIA privilégie le conseil auprès du client. Toujours dans cet objectif de « décloisonner » l'Armagnac, le BNIA communique prioritairement auprès des prescripteurs qui reconnaissent les qualités du produit. Il mène des actions sur les différents modes de vente à l'exemple de la campagne de communication effectuée en 2005:

    - Il s'attache à communiquer un maximum avec la presse spécialisée et générale au moyen de l'organisation de réceptions-dégustation et du travail continu d'une attachée de presse. Cette diffusion garantit des publications sous forme d'articles d'une longueur suffisante pour donner l'environnement du produit et ses caractéristiques.

    - Il cherche à développer des liens particuliers avec les prescripteurs du réseau des cafés-hôtels-restaurants (CHR) et les cavistes en développant leurs connaissances du produit. Il a mis en place un concours auprès des élèves de lycées hôteliers, les prescripteurs de demain, et organise des réceptions pour les cavistes et restaurateurs à l'occasion d'évènements comme la Vinexpo (dégustation, diffusion mignonnette,...). Il a également développé une plaquette informative auprès des cafetiers pour développer une politique cohérente de prix dans ce secteur de l'Armagnac dans l'intérêt du diffuseur et du vendeur.

    Le bouche à oreille est la plus ancienne des méthodes de marketing et la plus efficace80 -on fait plus confiance à ses amis qu'à l'inconnu de la télévision-. Il s'agit surtout de la moins coûteuse, ce sont les leaders d'opinion et les « consomm'acteurs » qui travaillent à promouvoir le produit et non plus les espaces publicitaires. Longtemps, l'Armagnac s'est contenté de sa simple bonne réputation... Avec Internet, l'information se diffuse avec une célérité extraordinaire en touchant des communautés diverses. L'utilisation publicitaire de ce médium a donné lieu au « marketing viral » (ou « buzzmarketing »)81. Le buzz correspond à l'ensemble de tous les bouche-à-oreille, commentaires échangés à tout moment à propos d'une marque ou d'un produit. Cela englobe aussi bien les communications des sociétés vers leurs clients que les échanges de

    80 une évidence confirmée par l'étude de BIGresearch sur un échantillon de 15000 personnes en décembre 2005 à propos sur l'influence des différents médias dans la décision d' achat. www.BIGresearch.com

    81« bouche oreille et marketing vrai », paperjam, 25 juin 2004

    63

    clients à clients comme l'explique Emmanuel Rosen82. Le lancement du buzz de l'Armagnac en 2006 donne une image branchée du produit, même si peu de gens de la filière ni de consommateurs n'ont compris l'idée même. Il s'agit d'un concours de vidéo sur l'Armagnac. L'évaluation des résultats pour la campagne 2006 permet d'entrevoir une sélection de... deux buzz !

    Le buzz montre une créativité marketing et une volonté de s'inscrire dans une modernité avec l'utilisation d'autres médias. Il implique les consommateurs dans le produit et oblige les professionnels à être à l'écoute des évolutions des perceptions de l'Armagnac. Le danger devient une perte de la maîtrise de l'image à la différence d'un discours vertical véhiculé dans les médias traditionnels. Il est trop tôt pour évaluer les retombées de cette nouvelle initiative. La société Absolut, au marketing précurseur et innovant, a effectué une campagne de marketing viral très réussie et interactive autour de son dernier produit avec une campagne avec des chansons de Lenny Kravitz83. Son concours de photos numériques sur la Toile date de 2004... « A l'époque, dans l'Armagnac on utilisait encore le Minitel ! »

    2.2.1.4 Une image gasconne de festivité et convivialité

    L'ambition de travailler autour de l'environnement Sud-ouest dépasse le simple aspect patrimonial. Il existe encore la fête de l'Armagnac à Labastide-d'Armagnac, les écomusées ou le développement d'un tourisme artisanal pendant la distillation. Ces activités marginales sont plutôt destinées à ancrer l'Armagnac dans la vie locale qu'à améliorer l'image de l'Armagnac. « Bienvenue au pays du bien vivre » s'ajoute sur les campagnes d'affichage. Le Gers bénéficie surtout d'une image positive auprès des populations âgées. Selon un classement des départements français où l'on vit le mieux réalisé par L'Express84, le Gers n'est plébiscité que par les seniors. Cette communication ne doit-elle pas être centrée autour de thèmes plus porteurs nationalement que la fête du village ou la tauromachie. Nous pensons qu'il est plus pertinent d'utiliser une image plus dynamique comme celle du rugby, sport en pleine ascension médiatique et fort pratiqué en Armagnac, que « les bonnes valeurs de la campagne » pour cibler le segment des jeunes travailleurs urbains. En novembre 2006, à l'occasion de la rencontre au sommet du

    82 ROSEN Emmanuel, «the anatomy of Buzz, How to create Word-of-Mouth marketing», Doubleday, octobre 2000

    83 LEBRUN Caroline, « La vodka fait fureur », 01men, 18 janvier 2007

    84 Pierre FALGA, Michel FELTIN, »Le palmarès 2006 des départements heureux » in L'Express, 11 novembre 2006

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    championnat de France de rugby Stade Français/ Biarritz, 10 maisons avaient organisé une rencontre avec une centaine de professionnels85. L'Armagnac n'est guère associé aux « férias » du sud ouest, il ne peut non plus y communiquer avec des moyens conséquents. L'expérience des fêtes de Vic-Fezensac, (événements mineurs en comparaison à celles de Bayonne ou de Pampelune et situés hors saison touristique), montrent des limites auprès du jeune public plus sensible au marketing qu'à la qualité.

    En terme de lieu de production agricole la Gascogne bénéficie d'un prestige, il ne faut pas le confondre avec l'environnement géographique qui, en dehors des zones côtières, n'est guère attrayant pour les jeunes populations. L'utilisation abusive de cette image d'une Gascogne festive semble d'autant plus tronquée que l'Armagnac n'est pas la boisson des jeunes au sein même de l'appellation.

    2.2.2 Une communication complémentaire

    L'aperçu des communications réalisées par le BNIA ne doit pas faire oublier qu'il ne s'agit que d'un aspect de l'ensemble de la communication. Le BNIA n'est délégataire que de la « marque collective » Armagnac. Elle doit s'insérer dans deux logiques. D'abord, une logique purement commerciale, la principale, où elle n'est que l'aide collective aux acteurs individuels, les seuls à vendre le produit. Ensuite, s'est développée depuis vingt ans, une logique territoriale voire institutionnelle qui est marquée par une prise en main de la communication par les collectivités locales à propos des produits locaux afin de promouvoir le tourisme et l'image de marque du territoire et de dynamiser les productions locales autour d'un label institutionnel.

    2.2.2.1 Communication collective et communication particulière

    Il est d'abord essentiel de rappeler le lien de subordination entre les communications collectives et les communications des vendeurs. Ce sont les mêmes qui financent les deux types. La volonté de renforcer la communication collective autour de l'Armagnac provient des opérateurs. Les cotisations au bureau interprofessionnel ont augmenté de 40% depuis 2000. L'absence de notoriété de l'Armagnac semblait la principale cause des

    85 « L'Armagnac, c'est B.O.(N.) » in La flamme de l'Armagnac, n°4, novembre 2006,

    65

    méventes et l'effort de communication s'est porté sur l'appellation à une époque où les ventes n'étaient pas stabilisées. La faiblesse des moyens de communication des PME d'un secteur en crise faisant le reste, peu d'opérateurs peuvent se permettre d'avoir une ligne communication dans leur budget et beaucoup concentrent leurs efforts sur les marchés d'exportation aux marges substantielles. Les efforts de marketing vont donc être portés sur le produit, ce qui permet aux consommateurs ou aux distributeurs de distinguer l'Armagnac. N'oublions pas que les études de motivation d'achat sur la région parisienne montre que la marque à la plus importante notoriété n'était connue que de 16% des acheteurs d'Armagnac. Nous verrons deux aspects essentiels de la communication des opérateurs: le packaging du produit et la communication Internet.

    2.2.2.1.1 Le packaging et étiquette: entre tradition et modernité, un virage

    Le packaging est constitué de l'emballage et du conditionnement du produit. Il permet la reconnaissance du produit par son apparence particulière et identifiable grâce à une conception attrayante. C'est l'élément essentiel, surtout en grande distribution où il sera le lien entre l'acheteur et le produit. Le marché des spiritueux, plus que celui des vins, a connu un dynamisme sur cet aspect du produit. Si l'inamovible bouteille de Ricard n'a pas changé, de nombreux produits ont dû subir un « relookage » face à l'innovation et l'agressivité des nouveaux produits lancés sur le marché. La comparaison avec le marché des parfums se justifie. Les contenants doivent représenter le contenu. Néanmoins, il ne faut pas désorienter le consommateur qui s'attache à un produit, le reconnaît. Souvent, modifier par petites touches, les spiritueux subissent les tendances. Les bouteilles vont être légèrement épurées, ou les fabricants créent des contenants plus petits (Cointreau a commercialisé une petite bouteille mieux adapter à une utilisation occasionnelle pour la réalisation de cocktails par exemple).

    Les frais de conditionnement ne représentent qu'une faible part du coût final, les opérateurs ont donc la possibilité d'optimiser le contenant pour rendre attractif le produit. Pourtant, les changements des mentalités ont pris du temps. Dans les grandes surfaces, nous retrouvons encore la vieille basquaise avec une simple mention Armagnac qui occupe une place superflue dans les linaires à cause de sa largeur. Les haut de gamme sont souvent accompagnés du coffret bois. La cohérence entre contenu et contenant est importante. Un packaging luxueux pour une entrée de gamme dessert le produit et

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    l'ensemble de la gamme. Au contraire, l'absence de travail sur les aspects extérieurs du produit, cas trop souvent observé, détourne le consommateur à la vue du prix. Comment vendre un millésime de plus de vingt dans des bouteilles communes. Comment peut-on vouloir repositionner un produit sans modifier son aspect du produit ?

    La bouteille cristallise la politique de chaque opérateur. Certains vont conserver un format traditionnel, jouant sur le côté artisanal/terroir du produit. Ils utilisent des bouteilles aux formats galbées, l'écriture scripturale de l'étiquette et le bouchon à la cire.

    A l'opposé, d'autres ont fait le pari de la modernité, notamment à l'image des whiskys haut de gamme : housse en cuir, bouteille fine aux angles saillants, étiquette « design ».

    Entre ces deux types de packaging, représentatifs des deux familles d'achat de l'Armagnac, se décline tout un panel de contenants86.

    Les informations données sur l'étiquette démontrent la volonté de communication. Il est aberrant de trouver encore des millésimes sans la date d'embouteillement, a fortiori pour du haut de gamme, malgré les recommandations du BNIA. Les mentions minimales légales n'offrent pas beaucoup d'informations, surtout si l'on admet la complexité du produit. A l'image des produits vinicoles qui ne se contentent plus de l'appellation mais mentionne les cépages, les conditions de vieillissement, la géologie du terroir, le producteur doit apporter à sa clientèle les caractéristiques de son produit s'il s'inscrit dans une démarche de prestations de qualité (type de distillation, réduction alcoométrique). Ces mentions ne peuvent être préciser par la plupart des maisons qui les ignorent elles-mêmes, seuls les producteurs-éleveurs qui suivent toute la chaîne du produit peuvent les communiquer. L'absence de marque empêche une forte communication sur le nom, nous nous répétons. Faut-il mentionner les sous-appellations ? Les producteurs y semblent attacher. La dénomination Armagnac simple ne vaut que pour les bas de gamme. Le Bas-Armagnac conserve son leadership auprès des professionnels. Cependant (exemple de Neguebouc en Haut-Armagnac), les complexes et les querelles liés au territoire ne sont plus d'actualité, du moins sont passés au second plan. Une preuve de maturité des opérateurs gascons...

    2.2.2.1.2 L'utilisation d'Internet : la révolution numérique en Armagnac

    86 cf. annexes

    67

    Internet permet aux opérateurs de se doter d'une visibilité pour tous les consommateurs. Si le temps passé sur le Web reste inférieur à la télévision, Internet devient une source d'information essentielle87 et l'e-commerce se développe doucement88. Le monde de l'Armagnac n'a pu ignorer ce changement de communication avec la clientèle. Le BNIA s'est doté d'un site dès 2001, et de nombreux opérateurs privés également au début des années 2000. Internet offre aujourd'hui un environnement au produit Armagnac accessible depuis le monde entier. Comment les professionnels utilisent-ils Internet ?

    Il faut d'abord préciser que les deux principaux opérateurs n'ont pas de site Internet. Certains ont fait le pari de la visibilité sur la Toile avec le moyens du bord, c'est-à-dire très souvent de manière artisanale. Nous verrons quelques aspects de la e-communication en Armagnac : une communication minimale et similaire, l'absence d'interactivité, la timide tentative d'e-commerce.

    La plupart des sites se ressemblent. Ils se concentrent sur la lisibilité et offre un minimum d'informations. Nous retrouvons systématiquement :

    -une description générale du produit Armagnac avec parfois pour illustration l'alambic, les chais et la vigne, et une présentation du domaine où nous retrouvons les caractéristiques patrimoniales et historiques de l'affaire en rapport avec le prestige de la famille et du château.

    -une présentation de la gamme de produits

    - les contacts, les repères géographiques, lieux de vente

    Aucun site n'offre une interactivité entre l'internaute et l'opérateur ou la marque. Peu entretiennent une communication, seul le site Tariquet offre une actualité autour de la région et des événements locaux. Les dernières « news » de Baron de Sigognac (société ADEX) datent de 2004. Janneau n'a rien d'annoncé dans cette page.

    Cela ressemble plus à des prospectus en version numérique qu'à de réels sites de commerce et de communication. Aucune vidéo, aucune animation sonore, les professionnels n'ont pas pris en compte l'aspect publicitaire d'Internet pour le consommateur, sans parler de l'aspect ludique. Le critère informationnel est réduit à son

    87 55% des Français déclarent utiliser internet à la « recherche d'informations pratiques », Enjeux du quotidien, vague 3, TNS SOFRES, mai 2006

    88 11% déclarent acheter des produits, idem

    68

    minimum avec une faible imagination. Nous pourrions imaginer une actualité de l'activité, une vidéo ou webcam pendant la distillation,...

    L'adresse Internet du producteur n'apparaît d'ailleurs même pas sur les bouteilles commercialisées.

    Quelques producteurs tentent de commercialiser directement leurs Armagnacs par Internet. La plupart y sont réticents au motif que cela concurrence leurs revendeurs et que cela oblige à des frais d'envoi et d'emballage trop importantes pour des commandes marginales. Un compromis intéressant est développé par le château de Ravignan : il ne commercialise par Internet qu'une offre découverte de ses produits.

    2.2.2.2 Les communications en partenariat avec un territoire

    L'utilisation de la région d'origine pour garantir une qualité du produit constitue la mission initiale de l'AOC Le problème réside dans l'absence de communication sur cette région, « marque de fabrique » du produit AOC. Cette mission a été pris en charge par les collectivités locales profitant de l'augmentation de leurs prérogatives depuis les lois de décentralisation. Cette association pour communiquer entre produits et territoire administratif a donné lieu à plusieurs initiatives au bénéfice de l'Armagnac : IRQUALIM (Institut Régional de la QUALIté des produits de Midi-Pyrénées) qualités Landes, Excellence Gers,

    2.2.2.2.1 IRQUALIM

    Pionnière dans la volonté de soutenir les produits de sa région, la chambre d'agriculture régionale des Midi-Pyrénées s'est associée dès 1992 au Conseil Régional et à tout un panel d'institutions publiques, des syndicats et chambres de commerce départementales. Le rôle de l'IRQUALIM est explicite : il «a pour objet de développer une politique régionale de qualité des produits agricoles et agroalimentaires par toute action favorisant la mise en oeuvre et la promotion des signes officiels de qualité dans un esprit d'aménagement du territoire ». L'Armagnac apparaît dans la liste du fait de son appellation d'origine contrôlée. L'IRQUALIM favorise les communications fédératrices autour du thème régional et offre une assistance en terme d'expertise économique et d'organisation des filières. Le BNIA participe aux manifestations organisées par l'IRQUALIM dans le but d'asseoir l'assise régionale de l'Armagnac et bien évidemment

    69

    accroître sa popularité. Cette manière de promouvoir complète le plan de communication du BNIA et permet de recueillir des financements directs et indirects.

    2.2.2.2.2 . Association « Excellence Gers »

    Ce « label local » original et privé a été créé en 1998 sous l'impulsion de la chambre d'agriculture du Gers. Ses partenaires institutionnels sont la chambre de commerce et d'industrie et la chambre des métiers départementales. L'association comprend des structures agricoles dont le BNIAet Vivadour, des entreprises commerciales d'Armagnac comme Tariquet ou les Armagnac Gelas, et des festivals locaux. La mission première de cet ensemble hétéroclite était de « structurer et développer des produits et services de qualité du Gers s'inscrivant dans la Démarche Excellence Gers :"qualité - traçabilité, environnement, accueil". Dans un cadre général, elle dépasse le simple binôme agriculture/ territoire pour fédérer « l'ensemble de l'exploitation et de l'entreprise ». Elle s'appuie sur des associations et organismes divers, tous du département mais paradoxalement les acteurs institutionnels sont absents. S'ils subventionnent l'association comme une autre, ils ne sont pas parties prenantes de l'organisme. Quelle est donc la force de l'association ? Elle reconnaît les démarches susceptibles d'avoir la reconnaissance après l'examen de commissions d'évaluation, mais quels sont ses moyens de promotion ? Il nous semble qu'elle implique trop d'acteurs pour avoir une cohérence dans la communication. Quel intérêt pour les silos du Gers d'avoir l' « excellence Gers » ? La présence aussi en tant qu'individu, la seule personne physique, d'André Daguin fait ressembler l'association une coterie de personnalités appartenant ayant la « gersitude » qu'à un organisme ayant une réelle ambition de communication. D'ailleurs les moyens financiers sont très limités.

    2.2.2.2.3 « Qualités Landes »

    L'idée consiste également à promouvoir de manière réciproque les Landes et des produits labellisés du département. L'idée est née en 1999 sous l'impulsion du Conseil Général des Landes au sein d'un Comité de pilotage pour le salon de l'Agriculture de Paris 2000 en partenariat avec la Chambre d'Agriculture. Les deux principales différences avec « Excellence Gers » résident dans le rôle moteur joué par le Conseil Général via son département agricole et la mise en avant nette des produits au moyen de

    70

    leur filière représentative. Il ne s'agit pas de mélanger entreprises, organismes et filières. La volonté de donner une suite à cette collaboration a donné naissance au label « Qualités Landes »89 en 2001 pour un plan triennal. Reconduit en 2004, le programme a un budget de 1,5 million d'euros pour cinq ans. L'Armagnac est impliqué via le BNIA dont une part des subventions est comprise dans cette action. Les actions réalisées sont, entre autres, la présence au salon international de l'Agriculture à Paris, la réalisation d'animation en brasseries et en GMS, l'édition de fascicules promotionnel et gastronomiques,... Cette démarche est la plus aboutie dans l'imbrication produits et territoires. Elle implique le tourisme au moyen des acteurs du tourisme landais (Comité Départemental du Tourisme et tourisme vert). Il existe une réciprocité formant une image commune entre les Landes et ses produits. L'Armagnac bénéficie de l'image plus jeune des Landes, plus océanique et touristique. L'Armagnac est trop souvent associé avec un Gers rural et agricole.

    2.2.3 L'exportation, une communication différente

    La communication à l'exportation repose sur des critères différents que ceux de la France : l'AOC perd de sa protection, l'identité territoriale a peu de signification, aucune habitude de consommation en digestif, sensibilité plus prononcée sur la marque...

    Durant les années 1990, le BNIA a continué une politique de communication collective sur l'Armagnac avec des campagnes d'affichage et l'organisation d'événements en partenariat en particulier avec la SOPEXA. (Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles). Face aux difficultés des retombées des campagnes collectives sur les opérateurs, une politique partenariale a été mise en place : les clubs. L'objectif est de regrouper plusieurs maisons (=un club) sur un marché national étranger dans le but qu'elles organisent avec le soutien du BNIA des campagnes de promotion mieux adaptée à leurs besoins. Une maison principale s'occupe de l'animation du club et les autres collaborent. Les droits d'entrée sont au minimum de 1000 € (gage de motivation), toute maison peut rejoindre le club. Ces collaborations responsabilisent les maisons et assurent un suivi de la campagne collective avec une réelle implication des opérateurs. Aux trois clubs initiaux (Etats-Unis, Royaume-Uni, Espagne) se sont ajoutés

    89 L'Armagnac-floc de Gascogne est un des 8 produits avec l'agriculture biologique, les volailles fermières, les vins, les canards fermiers à foie gras, le boeuf de Chalosse , les kiwis de l'Adour et les asperges des sables

    71

    deux autres clubs aux cours des années suivantes : Italie, puis Russie. Cela montre la souplesse des actions de communication, la capacité d'adaptation d'une structure aussi réglementée que le BNIA et surtout une volonté commune de tous les acteurs de faire avancer l'Armagnac au-delà des querelles intestines.

    Ces clubs fonctionnent apparemment puisque la participation des maisons augmente et de nouveaux clubs se créent. La logique de marque, moteur pour la reconnaissance de l'Armagnac, s'inspire du modèle cognaçais, toutes proportions gardées. La réputation du « french brandy » est assurée par de grandes marques internationales et l'ensemble de la filière bénéficie de cette réputation de l'eau-de-vie. Les critiques d'une politique à l'exportation qui ne favoriserait que les gros aux dépens des autres, aussi justifiées soient-elles, ne peuvent faire oublier la nécessité d'avoir un chiffre d'affaires minimum pour développer à long terme une implantation sur un marché étranger. Nous voyons une fois encore les limites de la structure morcelée des affaires familiales nuire au bon développement de la filière sur un marché de taille international dorénavant. De plus, les campagnes de communications restent toujours les mêmes : repas avec des prescripteurs, accueil de la presse dans l'Armagnac, présentation dans les salons des produits français.

    La communication est plus centrée sur l'image française du produit associée au raffinement, au savoir-faire et à la gastronomie.

    2.2.4 La faiblesse de la distribution

    L'Armagnac devait adapter son offre à la GMS sous peine de disparaître selon Jean-Louis Darréon. Cette prophétie des années 1980 n'a pas résolu les problèmes de sa distribution en grande surface mais a montré la capacité de l'Armagnac à s'adapter à des circuits de distribution différents. On estime à moins de 50% l'Armagnac vendu en GMS contre 70% il y a vingt ans. La baisse des volumes vendus dans les premiers segments n'est pas étrangère à ce phénomène. Il n'en reste pas moins que l'Armagnac peut survivre en passant par d'autres circuits, générateurs de marge supérieure. Le réseau traditionnel séduit puisqu'il prolonge la volonté des professionnels d'un achat conseillé. Cette cible est privilégiée en raison aussi de la bonne image de l'Armagnac auprès de ces prescripteurs, supérieure au Cognac même90, et de la vente de produit haut de gamme par

    90 Études BNIA 2003 sur le réseau caviste

    72

    ces réseaux. Néanmoins, la grande distribution ne peut être ignorée. Si une meilleure segmentation de l'offre et les efforts de « packaging » facilitent le choix du consommateur, les GMS doivent-elles vendre de l'Armagnac de qualité ? Les études91 estiment que la grande distribution va « démocratiser » les produits haut de gamme sans pour autant que les marques dégradent leur image. Il s'agit pour elles d'un « relais de croissance et d'un élément de différenciation » avec le « discount », principal adversaire des GMS en France.

    Cette reconfiguration du marché entraîne les épiceries fines à élargir leur gamme pour recruter de nouvelles clientèles. Les opérateurs d'Armagnac ne doivent pas rester insensibles à cette nouvelle donne et ne pas se focaliser sur un type de distribution.

    La distribution à l'étranger, plus complexe et moins connue, passe par des importateurs locaux. Ils sont le maillon indispensable pour pénétrer de nouveaux marchés, a fortiori pour des PME. Leur rôle est donc essentiel, les relais de croissance étant à l'exportation principalement et de nombreux marchés restent sous exploités. Les clubs l'ont bien compris puisqu'il s'agit de leurs principales cibles dans les actions.

    L'ensemble des efforts réalisés depuis dix ans commence à porter ses fruits. Les acteurs prennent l'habitude de travailler ensemble et les stratégies collectives à long terme semblent l'emporter sur les visions court-termistes de certains opérateurs du passé. Il est regrettable que les opérateurs n'anticipent pas davantage les opportunités de la nouvelle économie et ne prennent le pari de l'innovation, surtout face à des consommateurs ignorant le produit. L'Armagnac est-il encore un produit d'avenir ?

    2.3 Quel avenir pour l'Armagnac ?

    Les tentatives d'amélioration de la production et de la commercialisation ont pour but final une amélioration de la situation de la filière Armagnac. La filière réduite survit et rêve de croissance, d'un renouveau. Le produit s'est modifié depuis trente ans, les goûts et habitudes des consommateurs aussi, mais de nouvelles réponses devront être apportées aux modifications futures du marché. Les anticipations apparaissent comme essentielles. Les décisions d'aujourd'hui sont les bénéfices de demain. Il faudra donc

    91 Eurostaf, « le marché français des produits alimentaires haut de gamme », avril 2004

    73

    faire des choix stratégiques pour ne jamais s'éloigner des marchés. Nous verrons trois exemples de développement d'opérateurs pour mieux comprendre les différentes politiques menées (2.3.1). Et s'il nous semble que l'Armagnac peut poursuivre son redressement sous certaines conditions (2.3.2), son avenir demeure incertain. La reconstruction de l'Armagnac demeure extrêmement fragile et le marché des spiritueux est capricieux comme l'histoire l'a déjà démontré (2.3.3).

    2.3.1 Trois exemples de développement

    Nous évoquons sans cesse la diversité des opérateurs d'Armagnac. Les politiques de développement menées par quelques-uns nous permettront d'illustrer cette hétérogénéité. Si l'Armagnac est un « produit collectif », chaque opérateur doit faire face à ses contraintes propres et bénéficie de situation particulière. Les études des trois cas suivants semblent représentatives d'une part importante de la filière et des dynamiques opérantes.

    2.3.1.1 Le château de Tariquet : la réussite entreprenariale

    Le château de Tariquet est le fleuron de la viticulture gersoise de la fin du XXème siècle. Grâce à un sens entreprenarial hors du commun, Yves Grassa a développé un vin blanc à succès et agrandi le domaine hérité de ses parents avec sa soeur en 1972 pour atteindre aujourd'hui plus de 900 hectares de vignes et des installations dernier cri. La réussite d'Yves Grassa a été saluée par le monde viticole international. Il a été élu dès 1987 « meilleur vigneron en blanc du monde ». Cette réussite dans le vin ne doit pas faire oublier une des vocations premières du Tariquet : l'Armagnac. Si ce secteur réalise moins de 10% des ventes, Tariquet est le premier des propriétaires-récoltants producteurs d'Armagnac. 50 hectares de vigne y sont consacrés avec pour moitié de cépages de folle-blanche, cépage rare en Armagnac. S'il profite de la force de vente et de la notoriété du vin, le secteur Armagnac est en pleine vitalité et a su développer une stratégie commerciale. La politique de la maison est claire : le haut de gamme à l'exportation. La famille Grassa s'engage dans une production de haute qualité adaptée aux standards du marché hyper premium.

    Deux aspects nous semblent essentiel dans la politique de la maison Tariquet :

    -une volonté d'adapter l'Armagnac au marché international des spiritueux

    74

    La famille Grassa s'est dotée d'un service de communication et d'exportation spécifique à l'Armagnac. Il participe activement à la promotion au travers des clubs et n'est pas étranger à l'initiative « Armagnac y Habanas ». Conscient de la qualité du produit, l'entreprise entretient une communication mettant en avant les qualités de chaque produit. Elle assure une transparence complète pour chaque bouteille en indiquant l'âge avec date d'embouteillement, les quantités de chaque cépage, le degré alcoométrique au dixième près, et même parfois le numéro de fût sous acte d'huissier... Ce souci de caractériser le produit donne la sensation à l'acheteur de la rareté du produit et de sa méticuleuse pureté ce qui justifie un prix élevé. Ces visées sectorielles n'empêchent pas une gamme large qui commence au trois étoiles. La particularité est le monocépage folle blanche (cf. image), en rapport avec la référence croissante sur le marché vinicole international au cépage plutôt qu'au terroir.

    Pour justifier le contenu, le contenant doit être approprié. Dans cette logique, l'Armagnac est commercialisé dans de fines bouteilles étirées de 70 cl assurant un maximum de transparence pour faire apparaître la couleur du breuvage. L'addition d'une housse en cuir pour les plus prestigieuses assure le gadget protecteur, de la même manière que les whiskies et à la différence du classique coffret en bois. Des carafes sont commercialisées également pour des versions plus prestigieuses.

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    - la défense d'un Armagnac de propriétaires-récoltants de qualité

    Cette démarche est revendiquée avec quatre autres propriétaires récoltants commune au moyen de l'association «5 crus légendaires en Bas-Armagnac » autour d'une charte de qualité92 « appliquant les règles les plus proches possibles de l'histoire de l'Armagnac, notamment en ce qui concerne son vieillissement »93. Si cette association revendique son ouverture, elle ressemble à un cartel revendiquant une politique de château proche du bordelais contre un produit sous même nom vendu par des négociants. Les critères ne sont pas tous relatifs au simple mode de production, nous trouvons des critères patrimoniaux (« le chai de vieillissement doit être spécifique, [...] construit en matériaux nobles ou assimilés »). Ces derniers sortent du champ du simple produit pour ancrer celui-ci dans des logiques historiques.

    Cette association donne une visibilité à une conception du produit Armagnac non représenté directement au sein du BNIA : l'opposition entre Armagnac haut de gamme et Armagnac jeune de masse n'est pas représentée. La création de l'association est bénéfique car elle met en commun des forces commerciales convergentes à condition qu'elle ait une réelle utilité et des fins purement commerciales. Une nouvelle auto appellation nuirait aux efforts de clarification effectuée par la filière et les querelles d'antan pourraient rejaillir....

    Avec des stocks de plus de 5 500 Hl AP et des ventes de 181 Hl AP e 2005, une forte hausse à l'exportation en volume et en valeur, l'optimisme est de rigueur chez Tariquet.

    2.3.1.2 Les Armagnacs contemporains par Fivigers : une tentative de reconquête

    Fivigers est un exemple intéressant différent de Tariquet tant par sa forme, association de coopératives, que par sa politique commerciale fondée des produits plus génériques et le marché français. Il y a trois ans, Vivadour et les producteurs du Plaimont ont créé une joint-venture Fivigers pour relancer l'Armagnac et écouler leurs stocks importants. La joint-venture, est partie ex-nihilo avec un spécialiste du marché des spiritueux débauché d'une entreprise de whiskies.

    92 extraits en annexe (3.5)

    93 Extraits d'un dépliant publicitaire du château du Taiquet, mai 2006

    76

    A partir d'une étude de marché précise, Fivigers a fondé sa stratégie sur le recrutement d'une nouvelle population de consommateurs autour de produits mieux adaptés aux goûts contemporains. Cette population consomme des whiskies et des vodkas, pas des eaux-de-vie de vin. Il s'agit d'un immense réservoir de population (40 % des foyers achètent du whisky chaque an, contre 2% des foyers de l'Armagnac). Cela correspond à la volonté du BNIA de repositionner le produit, notamment en rajeunissant sa clientèle. Pour arriver à cet objectif, l'entreprise a du créer une nouvelle gamme, de nouveaux produits, une stratégie commerciale.

    -nouvelle gamme

    Les recherches oenologiques ont conduit à une gamme réduite et complémentaire. Cette gamme s'appuie sur la polyvalence des modes de consommation. Celui-ci est primordial et va guider l'acheteur dans son choix des produits, et non l'inverse. Pour chaque moment correspond un seul produit type. Cette simplification ôte la complexité de l'Armagnac et la difficulté du choix du segment idéal. L'image régionale a été changée: le terme Armagnac peu identifié est suppléé par le terme « gascon » plus vendeur.

    -Nouveaux produits :

    Les quatre produits sont : un Armagnac classique hors d'âge « Secret Gascon », un apéritif « Gascon club », une blanche de soirée « gascon kiss » et des liqueurs à base d'eau-de-vie. A l'exception d'un Armagnac spécialement conçu pour l'apéritif « on the rock », aucun produit est innovant en lui-même. Les packaging sont résolument modernes : transparence, bouteilles étirées, étiquette colorée avec peu d'informations.

    -stratégie commerciale :

    Les prix sont alignés sur le milieu de gamme. La cible est d'abord régionale (le triangle Bordeaux-Toulouse-Biarritz) pour donner une assise aux produits et justifier leur appellation gasconne. Elle s'effectue dans les réseaux caviste et des BHR, avec des verres et prospectus donnant à découvrir le produit. La stratégie s'inscrit dans la durée, surtout avec la faiblesse de la force de vente (structure minimale : un directeur commercial et exportation et un commercial). La marque est nouvelle, il faut du temps pour appréhender les premiers résultats. Le directeur commercial évalue à trois ans. Les Armagnacs Contemporains se positionnent aujourd'hui aux alentours du 40ème vendeur avec un nombre à plus de cinq chiffres en à peine un an d'existence.

    77

    (extrait de la plaquette d'information pour les distributeurs)

    Fivigers fait le pari d'un renouveau du marché français. C'est risqué mais possible. Ils disposent du soutien de groupes aux finances solides qui leur permettent de s'inscrire dans la durée et d'investir, chose rare en Armagnac. Reste à savoir si les consommateurs vont suivre...

    2.3.1.3 Le domaine de la Beroje ou de la difficulté d'être petit

    Le domaine de la Beroje à Hontanx reflète les nombreuses difficultés de l'Armagnac contemporain. Situé dans le rectangle d'or, à cheval sur les Landes et le Gers, disposant d'un patrimoine architectural (château) et d'une histoire, ce petit domaine de six hectares de vignes a tous les atouts d'un Armagnac de qualité du terroir. Son propriétaire, co-exploitant avec son oncle à partir de 1979 et propriétaire à part entière à la mort de ce dernier, gascon haut en couleur et au nez légendaire, occupe un emploi dans le civil. 7000 bouteilles vendues par an sont insuffisantes pour faire de la l'Armagnac une activité à part entière. Il emploie un ouvrier agricole à temps plein. La vente s'effectue

    78

    directement au chai ou via un réseau de professionnels. La faiblesse des moyens financiers empêche tout investissement conséquent. La stratégie de communication a commencé par indiquer le château avec un panneau plus visible sur la route départementale la plus proche ! Confiant dans la qualité de son produit, le propriétaire s'attache à reconstruire petit à petit un débouché. Il s'est inscrit récemment dans le club Russie pour profiter de la situation avantageuse du produit dans le nouveau pays.

    La situation du propriétaire du domaine de la Beroje est enviable pour un voisin, agriculteur producteur-récolant, lancé dans l'Armagnac à la fin des années 1960 sur une partie de ses terres et qui possède des stocks d'eau-de-vie de qualité très moyenne sans clientèle, si ce n'est quelques voisins et les visites des touristes égarés. Les absences de réputation et de réseau de commercialisation condamnent ce polyculteur à brader dans le futur son eau-de-vie.

    Les limites de la production à la ferme, mode d'un temps, montre la nécessité d'un minimum de moyens pour avoir une structure commerciale qui puisse donner au produit l'élan de diffusion suffisant, sans évoquer les structures et les compétences nécessaires pour un bon vieillissement.

    2.3.2 Les conditions d'une adaptation aux marchés

    La réussite de l'Armagnac, nous l'avons vu, dépend d'une volonté d'aller chercher des parts de marché sur des secteurs où il n'avait pas l'habitude d'être, ou du moins de cette manière-là. Si la mobilisation des acteurs existe, va-t-elle toujours dans la bonne direction ? La tentative des Armagnacs contemporains sur le marché français est isolée et peu d'opérateurs ont les moyens de mettre en place des opérations de cette envergure. Les seuls qui appartiennent à des grands groupes sont ceux qui investissent le moins, ceux-ci préfèrent investir sur des produits ayant des perspectives de croissance plus sûres et plus rentables. Il reste donc aux opérateurs à s'adapter et anticiper au mieux les évolutions du marché. Trois conditions apparaissent essentielles pour que l'Armagnac sorte de sa confidentialité et retrouve un prestige perdu : soutenir l'effort qualitatif, investir massivement les marchés étrangers et communiquer pour des « consonnaisseurs »

    79

    2.3.2.1 Soutenir l'effort qualitatif : Le haut de gamme ou la nécessité du luxe

    L'effort qualitatif entrepris depuis une quinzaine d'années doit être poursuivi par l'ensemble de la filière. Le produit doit profiter d'une homogénéisation par le haut. La spécificité des terroirs, des savoir-faire et des acteurs ne font pas craindre l'aboutissement à un produit standard haut de gamme mais converge plutôt vers une « excellence dans la diversité ». L'effort qualitatif ne doit pas être seulement en vue d'une montée en comptes, mais un travail sur tous les Armagnacs à tous les niveaux. Cette politique nécessite l'adhésion de l'ensemble de la filière. La redéfinition de l'AOC, les politiques des stocks et l'assistance technique ne sont que les prémisses d'une redéfinition globale d'une politique commune qui permet à chaque acteur d'exploiter au mieux ses ressources.

    Les produits Armagnac correspondent à une image de qualité qu'il faut sans cesse rehausser. Les concours de l'INAO et de la commission technique apparaissent essentiel, et il ne faudrait pas oublier que le produit est le fondement de toute politique de communication. L'organisation régulière de concours d'eaux-de-vie stimule les opérateurs et donnent une reconnaissance aux meilleurs producteurs. Si le produit est mauvais, aucune campagne ne pourra lui donner une bonne image auprès du consommateur. L'image de perfection véhiculée ne doit retranscrire qu'un produit parfait.

    2.3.2.2 Investir à l'exportation, les turpitudes du commerce international

    L'exportation constitue le seul relais à court terme de croissance pour l'ensemble de la filière. Si certains opérateurs peuvent espérer pénétrer le marché français en profondeur, la place n'est pas disponible pour tout le monde. Seul un virage vers de nouveaux horizons permettra à l'ensemble de la filière de trouver sa place. Le rôle du BNIA et de la direction des relations extérieures économiques (DREE) apparaissent indispensables pour accompagner ces exportateurs (nous rappelons une dernière fois que le Cognac ne réalise plus que 4% de son chiffres d'affaires en France). Ces prétentions commerciales nécessitent un accompagnement d'information, de technique et de

    80

    communication de la part du BNIA. La répartition des dépenses au sein du budget de communication doit balancer donc en faveur des marchés étrangers.

    Le budget 2007 prend en compte cette nouvelle donne. L'Armagnac a la possibilité de profiter de la réputation du savoir faire français. « product of France » est une référence mondiale sur le marché des vins et spiritueux, il n'y a pas de raisons que l'Armagnac en soit exclu. Les actions des opérateurs peuvent être complémentaires s'ils n'essaient pas tous d'aller au même endroit au même moment pour se disputer une part de marché réduite, comme au Japon à la fin des années 1980. Les marchés étrangers sont moins stables, il faut savoir répartir les exportations pour s'abriter des brusques changements, parfois de nature politique (boycott des produits français comme aux Etats-Unis en 2003) mais surtout économique (dépression financière comme la crise asiatique de 1998).

    2.3.2.3 Communiquer Armagnac : pour un « consonnaisseur »

    La communication est un élément essentiel dans la société d'aujourd'hui. Selon Baudrillard, « la consommation est une activité de production de significations et un champs d'échanges symboliques »94. L'achat dépasse le simple produit. Il est donc essentiel de donner un sens au produit. Dans une société hypermoderne où le consommateur est nomade95, la communication devient primordiale pour maintenir un lien entre le producteur et le consommateur. Le produit ne se suffit plus à lui-même. Aussi précieux soit-il, le produit ne vaut plus rien s'il n'a plus de sens dans son environnement. Exemple connu : quelles sont les valeurs respectives de l'eau et de l'or dans le désert ? Dans un monde, où les messages affluent auprès du consommateur, un vendeur doit toujours entretenir un lien avec le consommateur au travers du produit.

    L'Armagnac de par sa nature et sa complexité permet au consommateur de se l'approprier, de ne plus être un simple consommateur mais bien un « consonnaisseur ». La communication devient essentielle pour que le produit n'échappe pas à l'acheteur dans un marché hyperconcurrentiel. Cette tâche difficile revient à utiliser tous les moyens qui permettent à l'individu de ressentir un attachement au produit. Les opérateurs communiquent donc sur les caractéristiques du produit mais donnent un sens à la consommation d'Armagnac. Ce sens évolue et la communication avec. Concrètement, le

    94 BAUDRILLARD Jean, La société de consommation, 1970, Paris

    95 LIPOVETSKY Gilles, les temps hypermodernes, Grasset, 2004

    81

    consommateur cherche aujourd'hui à mieux connaître le produit consommé, à mieux l'apprécier. Mais, il ne faut pas oublier que "dans la communication, le plus compliqué n'est ni le message, ni la technique, mais le récepteur." (Dominique Wolton).

    2.3.3 Un avenir plein d'incertitudes

    La réussite du produit Armagnac dans l'avenir dépend de nombreux facteurs rarement identifiables et souvent imprévisibles. L'investissement dans l'Armagnac sur une échelle de temps très long constitue donc aujourd'hui un placement à risque. Si la prise de risque n'entraîne pas des bénéfices importants, personne ne veut investir. Or, nombre de domaines d'activité offrent des bénéfices plus intéressants et plus sûrs que l'Armagnac. Condamner aussitôt l'Armagnac, ce serait, sans doute, oublier trop vite la valeur symbolique d'un produit noble et la passion qui anime tous les acteurs de la filière. Néanmoins, il existe quelques facteurs déjà évoqués brièvement qui conditionnent l'avenir de l'Armagnac.

    2.3.3.1 Politiques publiques de lutte contre l'alcool et Armagnac

    Malgré sa diminution de plus d'un tiers en trente ans, la consommation d'alcool est présentée de plus en plus comme un grave problème de santé publique. Il est « la deuxième cause de mortalité évitable en France avec 45 000 morts »96, il est lié à « un tiers des incarcérations pour crimes, la moitié des violences conjugales, un tiers des violences conjugales »97, « un fardeau financier pour la collectivité de 1,42% du PIB ». La politique de lutte contre l'alcoolisme n'entraîne-t-elle pas des changements dans la perception des produits alcoolisés en France et dans le monde. Les députés favorables au vin et au terroir seraient des « pousse au crime »98. Si les discours prohibitionnistes sont inexistants, la perception médicale et économique de l'alcool ne serait-elle pas annonciatrice d'un changement radical et rapide des politiques publiques à son égard ? Les politiques anti-tabac ont dans un temps relativement bref modifié sa consommation, son coût et surtout sa perception. La lutte contre l'excès d'alcool est à différencier de la lutte contre la consommation d'alcool, mais il ne faut pas négliger l'étroitesse de la frontière entre les deux discours. La culture du vin et de l'eau-de-vie est solidement

    96 Etats généraux de l'alcool, Mission Interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, 2005

    97 propos d'Hervé CHABALIER, rapporteur de la mission de réflexion et de proposition sur la lutte contre l'alcoolisme, interview in Le Monde du 24 novembre 2005

    98 idem

    82

    ancrée en France, cependant dans une perspective à long terme il est logique de s'interroger. La riposte médicale a d'ores et déjà commencé avec les démonstrations des bienfaits d'une consommation modérée d`alcool. En 1992, le professeur Renaud99 dévoile dans ses travaux le « french paradox » révélant les bienfaits du vin pour les maladies coronariennes. L'Armagnac n'est pas en reste, et peut-être l'Armagnac redeviendra-t-il un jour le médicament des origines, avec les études du professeur Nicholas Moore100 analysant l'action d'extraits d'Armagnac sur l'agrégation plaquettaire. Cela révèle des vertus cardio protectrices. A quand l'Armagnac de retour dans les pharmacies ?

    2.3.3.2 Anticiper les modifications des habitudes

    La modification des pratiques de consommation et des goûts sera le facteur de modification du produit Armagnac. Peut-être verra-t-on se généraliser les mélanges d'Armagnac avec du Coca-cola à la manière de consommation des minorités noires des Etats-Unis ou un retour du digestif ? Vraisemblablement, les deux à la fois. Dans une société où les codes sociaux se brouillent, les pratiques sociales ne se réfèrent plus seulement à des normes familiales, culturelles ou professionnelles mais se construisent autour de différents univers dépassant les anciens clivages. La consommation d'Armagnac pourra répondre à une nouvelle mode du monde virtuel de « second life » dans une extrapolation futuriste. L'Armagnac virtuel deviendrait la consommation privilégiée des personnages, dans le monde économique parallèle101. Les limites constatées de la communication virale avec le buzz de l'Armagnac supposent encore un délai important. Pourtant, il semble que si l'Armagnac poursuit sa longue histoire, il connaîtra des hauts et des bas. Les consommateurs se détourneront du produit, peu de produits peuvent prétendre à une stabilité des ventes ad vitae eternam, encore moins une croissance continue. Les produits meurent-ils ou l'Armagnac, boisson privilégiée des anges, est-elle déjà sur le paradis terrestre ? Beaucoup y ont cru et ont entraîné les producteurs au bord de la faillite. Espérons que cela servira de leçon à tous les Prométhée

    99 RENAUD S., De LORGERIL «M. Wine, alcohol, platelets and the French paradox for coronary heart disease.» Lancet 1992;

    100 UMAR A, DEPONT F., JACQUET A., LIGNOT S., SEGUR M.C., BOISSEAU M., BEGAUD B., MOORE N., «Effects of Armagnac or vodka on platelet aggregation in healthy volunteers: a randomized controlled clinical trial». Thromb Res. 2005;115 :31-7.

    101 « Un laboratoire grandeur nature où tous les produits peuvent être testés... et même achetés, voire consommés. Les marques en rêvaient, Second Life le leur offre sur un plateau. Ce jeu en ligne, sorte de simulation sociétale virtuelle, défraye la chronique depuis plusieurs mois » « La vie rêvée des marques sur le net », Les Echos, 27 octobre 2006

    gascons. Une anticipation rationnelle et mesurée des évolutions du marché évite des catastrophes économiques. La filière a aujourd'hui la capacité de prévenir des comportements à risques. Mais l'Armagnac ne perdra pas jamais son caractère spéculatif.

    2.3.3.3 La capacité d'adaptation au marché

    Les acteurs de la filière sont-ils capables de s'adapter au marché ? Les nouveaux vignerons doivent connaître les tendances commerciales pour préparer au mieux les produits de demain. Les maisons s'activent-elles toujours au bon moment pour démarcher vers de nouveaux horizons. La réactivité des acteurs est essentielle. Elle se complète par une bonne coordination à chaque niveau de la filière. Le faible développement du commerce en ligne et le départ des linéaires des grandes surfaces pourraient à terme compromettre les perspectives de croissance de l'Armagnac. L'évocation d'un investissement d'un grand groupe donnant une crédibilité financière et commerciale internationale de l'appellation revient épisodiquement, mais aucune voix sérieuse ne s'est manifestée depuis très longtemps. L'extraordinaire croissance des ventes en 2006 atteignant 15,7% en volume et 16,6% en valeur par rapport à 2005102. Comme l'affirme Philippe Casteja , président de la Fédération des Exportateurs de Vins (FEVS) : " Nos produits ont profité du dynamisme mondial, en particulier aux Etats-Unis et en Asie. Cependant, cette embellie ne doit pas faire oublier la nécessité de poursuivre le travail amorcé dans la filière viticole » 103. Ce rappel du travail à fournir vaut pour l'Armagnac. La forte croissance si elle se poursuit attirera des investisseurs et permettra aux maisons de dégager des fonds propres pour devenir plus compétitifs et communiquer davantage pour conforter leur parts de marché. En seront-ils capables en laissant de côté les comportements individualistes et déraisonnables des visées de bénéfice à court terme, rien n'est moins sûr... « L'Armagnac, un temps bien a lui ».

    83

    102 Sources : Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS)

    103 2006 est une année record pour les exportations françaises de vins et spiritueux, www.vitisphère.com, 20 février 2006

    84

    Conclusion

    La stabilisation des ventes d'Armagnac ces cinq dernières années et la croissance des exportations en 2006 permettent d'affirmer que l'Armagnac est en sortie d'une phase de déclin. Une nouvelle phase de croissance s'amorce : le symbole de ce renouveau devrait être la supériorité des ventes en bouteilles à l'exportation sur celles du marché national cette année. L'Armagnac réalise enfin sa mondialisation. La meilleure croissance en valeur qu'en volume montre aussi sa montée en gamme, caractérisée par la baisse de la part des eaux-de-vie jeunes depuis dix ans.

    Ces indicateurs de tendance peuvent être expliqués par la réussite des politiques mises en oeuvre depuis une dizaine d'année et présentées dans notre travail :

    -une compréhension des causes du déclin

    -une cohérence entre les politiques d'amélioration du produit et de sa commercialisation avec les nouvelles perspectives du marché des vins et spiritueux

    -une organisation collective plus puissante permettant des actions de meilleure envergure et rationnelles.

    Le produit Armagnac n'a pas changé... Son image, sa commercialisation et ses acteurs, eux ont changé !

    La production s'est adaptée aux nouvelles techniques modernes permettant une meilleure qualité, une maîtrise accrue de ses évolutions et une régularité des produits commercialisés d'une année sur l'autre.

    L'Armagnac devient synonyme de modernité et de terroir. Il symbolise, encore de manière fragile, une continuité temporelle entre tradition et avenir. La Gascogne n'est plus seulement une terre de production de qualité pour une bonne qualité de vie, elle incarne un art de vivre unissant la force du collectif, des valeurs simples et solides et un goût de la fête immodérée. .

    La commercialisation a changé. Les vendeurs n'ont plus peur d'essayer, de se différencier avec des moyens originaux, sans jamais oublier les conditions draconiennes imposées par le marché. La nouvelle génération de producteurs a apporté un savoir-faire appris dans les grandes écoles d'ingénieurs et de commerce en conservant l'héritage familial. Leur dynamisme contraste avec l'inertie des maisons des grands groupes .

    85

    Les acteurs ont modifié leurs relations professionnelles. Ils ont compris les vertus de la solidarité en temps de crise, même si cela s'est réalisé dans la douleur. . Ils ont su se fédérer avec le soutien important des collectivités locales.

    Les vieilles habitudes peuvent ressurgir, surtout en période de croissance

    Tous ces efforts suffiront-ils pour offrir à l'Armagnac une nouvelle prospérité ? L'espoir est entretenu par une grande partie de la filière. La dynamique du discours ne doit pas faire oublier la persistance de problèmes:

    -la destination des stocks trop importants d'eaux-de-vie de compte 10+,

    -la question de la juste répartition des fruits de la croissance et l'éternel conflit négociants/vignerons,

    - la baisse continue du marché français (la moitié des ventes) malgré les campagnes de communication,

    -l'absence de réelle notoriété à l'étranger avec des marchés à fortes fluctuations.

    Ce serait donc oublier les leçons de l'histoire que de crier victoire trop tôt. La filière a un potentiel qui permet d'envisager l'avenir avec plus de certitudes qu'il y a dix ans. Les défis économiques se renouvellent, les professionnels sont avertis. S'ils ne veulent pas laisser leur élixir aux anges ou le reléguer dans les limbes de la société de consommation, ils doivent poursuivre « à feu continu » pour distiller l'avenir de l'Armagnac.

    86

    3 ANNEXES

    3.1 Décret du 27 mai 2005 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Armagnac »

    Le Premier ministre,

    Sur le rapport du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, du ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation et du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement,

    Vu le règlement (CE) no 1576/1989 du Conseil du 29 mai 1989 établissant les règles générales relatives à la définition, à la désignation et à la présentation des boissons spiritueuses ;

    Vu le règlement (CE) no 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole et les règlements pris pour son application ;

    Vu le code général des impôts ; Vu le code des douanes ;

    Vu le code rural ;

    Vu le code de la consommation ;

    Vu le décret no 2001-510 du 12 juin 2001 portant application du code de la consommation en ce qui concerne les vins, vins mousseux, vins pétillants et vins de liqueurs ;

    Vu la proposition du comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine des 27 et 28 mai 2004,

    Décrète :

    Article 1

    Seules peuvent bénéficier des appellations d'origine contrôlées « Armagnac », « Bas Armagnac », « Armagnac-Ténarèze », « Haut Armagnac » initialement définies par le décret du 6 août 1936 et de l'appellation d'origine contrôlée « Blanche Armagnac » les eaux-de-vie répondant aux conditions fixées par le présent décret. Article 2

    1° Seules peuvent bénéficier des appellations d'origine contrôlées « Armagnac », « Blanche Armagnac » les eaux-de-vie provenant de vins issus de raisins récoltés sur des parcelles ayant fait l'objet d'une procédure d'identification et situées dans l'aire géographique de production constituée de l'ensemble des communes des zones de production des raisins définies au 2° du présent article .

    2° Seules peuvent bénéficier de l'appellation d'origine contrôlée « Bas Armagnac », les eaux-de-vie provenant de vins issus de raisins récoltés sur des parcelles situées dans la zone de production définie ci-après et ayant fait l'objet d'une procédure d'identification :

    Département du Gers

    Arblade-le-Bas, Arblade-le-Haut, Avéron-Bergelle, Ayzieu, Barcelonne-du-Gers, Bascous, Bétous, Bourrouillan, Bretagne-d'Armagnac, Campagne-d'Armagnac, Castex-d'Armagnac, Caumont, Caupenne-d'Armagnac, Cazaubon, Courrensan, Cravencères, Dému, Eauze, Espas, Estang, Fustérouau, Gée-Rivière, Houga (Le), Lannemaignan, Lannepax, Lanne-Soubiran, Larée, Laujuzan, Lelin-Lapujolle, Lias-d'Armagnac, Loubédat, Luppé-Violles, Magnan, Manciet, Margouët-Meymes, Marguestau, Mauléon-d'Armagnac, Maulichères, Maupas, Monclar, Monguilhem,

    87

    Monlezun-d'Armagnac, Mormès, Mourède, Nogaro, Noulens, Panjas, Perchède, Ramouzens, Réans, Sainte-Christie-d'Armagnac, Saint-Germé, Saint-Griède, Saint-Martin-d'Armagnac, Salles-d'Armagnac, Sarragachies, Séailles, Sion, Sorbets, Tarsac, Termes-d'Armagnac, Toujouse, Urgosse, Vergoignan et Vic-Fezensac (sections 179 A, 179 B et 179 C).

    Département des Landes

    Aire-sur-l'Adour (partie rive droite de l'Adour), Arthez-d'Armagnac, Betbezer-d'Armagnac, Bourdalat, Castandet, Cazères-sur-l'Adour, Créon-d'Armagnac, Escalans, Frêche (Le), Gabarret, Hontanx, Labastide-d'Armagnac, Lacquy (partie à l'est de la route Bordeaux - Pau), Lagrange, Lussagnet, Mauvezin-d'Armagnac, Montégut, Parleboscq, Perquie, Sainte-Foy (partie à l'est de la route Bordeaux - Pau), Saint-Gein, Saint-Julien-d'Armagnac, Saint-Justin, Vignau (Le) et Villeneuve-de-Marsan (partie à l'est de la route Bordeaux-Pau).

    Seules peuvent bénéficier de l'appellation d'origine contrôlée « Armagnac-Ténarèze » les eaux-de-vie provenant de vins issus de raisins récoltés sur des parcelles situées dans la zone de production définie ci-après et ayant fait l'objet d'une procédure d'identification :

    Département du Gers

    Aignan, Ayguetinte, Bazian, Beaucaire, Beaumont, Belmont, Béraut, Bezolles, Blaziert, Bonas, Bouzon-Gellenave, Caillavet, Callian, Cassaigne, Castelnau-d'Auzan, Castelnau-sur-l'Auvignon, Castelnavet, Castéra-Verduzan, Castillon-Debats, Caussens, Cazaux-d'Anglès, Cazeneuve, Condom, Fourcès, Gazaupouy, Gondrin, Justian, Labarrère, Lagardère, Lagraulet-du-Gers, Larressingle, Larroque-Saint-Sernin, Larroque-sur-l'Osse, Lauraët, Loussous-Débat, Lupiac, Maignaut-Tauzia, Mansencôme, Marambat, Mirannes, Montréal, Mouchan, Pouydraguin, Préneron, Riguepeu, Romieu (La), Roquebrune, Roquepine, Roques, Rozès, Sabazan, Saint-Arailles, Saint-Jean-Poutge, Saint-Orens-Pouy-Petit, Saint-Paul-de-Baïse, Saint-Pierre-d'Aubézies, Saint-Puy-Tudelle, Valence-sur-Baïse et Vic-Fezensac (sauf les sections 179 A, 179 B et 179 C).

    Département de Lot-et-Garonne

    Andiran, Calignac (parcelles D224p, D225p, D226 et D228), Fieux, Francescas, Fréchou, Gueyze, Lannes, Lasserre, Lavardac (partie comprise entre la Gélise et la Baïse), Meylan, Mézin, Moncrabeau, Nérac, Poudenas, Réaup-Lisse, Sainte-Maure-de-Peyriac, Saint-Pé-Saint-Simon, Sos et Villeneuve-de-Mézin.

    Seules peuvent bénéficier de l'appellation d'origine contrôlée « Haut Armagnac » les eaux-de-vie provenant de vins issus de raisins récoltés sur des parcelles situées dans la zone de production définie ci-après et ayant fait l'objet d'une procédure d'identification :

    Département du Gers

    Antras, Armentieux, Armous-et-Cau, Auch, Augnax, Aurensan, Auterive, Barran, Bassoues, Beaumarchés, Bernède, Berrac, Biran, Boucagnères, Brouilh-Monbert (Le), Brugnens, Cahuzac-sur-Adour, Cannet, Castelnau-d'Anglès, Castelnau-d'Arbieu, Castéra-Lectourois, Castillon-Massas, Castin, Céran, Cézan, Corneillan, Couloumé-Mondebat, Courties, Crastes, Duran, Durban, Fleurance, Galiax, Gavarret-sur-Aulouste, Gazax-et-Baccarisse, Goutz, Goux, Haulies, Isle-de-Noé (L'), Izotges, Jegun, Jû-Belloc, Juillac, Labarthète, Labéjan, Ladevèze-Rivière, Ladevèze-Ville, Lagarde, Lahitte, Lalanne, Lamazère, Lamothe-Goas, Lannux, Larroque-Engalin, Lasserade, Lasséran, Lasseube-Propre, Lavardens, Leboulin, Lectoure, Ligardes, Loubersan, Louslitges, Marciac, Marsolan, Mascaras, Mas d'Auvignon, Maumusson-Laguian, Mérens, Miramont-d'Astarac, Miramont-Latour, Mirepoix, Montaut-les-Créneaux, Montégut, Montesquiou, Montestruc-sur-Gers, Nougaroulet, Orbessan, Ordan-Larroque, Ornézan, Pauilhac, Pavie, Pergain-Taillac, Pessan, Peyrusse-Grande, Peyrusse-Vieille, Peyrusse-Massas, Pis, Plaisance, Pouy-Roquelaure, Préchac, Préchac-sur-Adour, Preignan, Projan, Puycasquier, Puységur, Rejaumont, Riscle, Roquefort, Roquelaure, Saint-Aunix-Lengros, Saint-Avit-Frandat, Sainte-Christie, Sainte-Radegonde, Saint-Jean-le-Comtal, Saint-Lary, Saint-Martin-de-Goyne, Saint-Mézard, Saint-Mont, Sansan, Sauvetat (La), Scieurac-et-Flourès, Ségos, Tasque, Terraube, Tieste-Uragnoux, Tourdun, Tourrenquets, Urdens, Verlus et Viella.

    3° Seules peuvent bénéficier des appellations d'origine contrôlées « Armagnac », « Blanche Armagnac », « Bas Armagnac », « Armagnac-Ténarèze » et « Haut Armagnac » les eaux-de-vie élaborées à partir de raisins vinifiés dans l'aire géographique de production constituée de l'ensemble des communes des zones de production des raisins définies au 2° du présent article , distillées et élevées et/ou vieillies dans ladite aire.

    Article 3

    L'identification des parcelles est effectuée sur la base de critères relatifs à leur lieu d'implantation.

    88

    Ces critères ont été fixés par le comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine ci-après le comité national en sa séance des 11 et 12 février 2004 après avis de la commission d'experts désignée par ledit comité à cet effet.

    Tout producteur désirant faire identifier une parcelle de vigne en effectue la demande auprès des services de l'Institut national des appellations d'origine ci-après l'INAO avant le 15 mars de la première année de récolte du raisin destiné à la production d'eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée.

    Au plus tard pour la campagne 2007-2008, la liste des parcelles identifiées pour lesquelles une demande a été déposée avant le 15 mars 2007 est approuvée par le comité national après avis de la commission d'experts.

    A partir de la campagne 2008-2009, la liste des nouvelles parcelles identifiées est approuvée chaque année par le Comité national des vins et eaux-de-vie, après avis de la commission d'experts susvisée.

    Les listes des critères et des parcelles identifiées sont consultables auprès des services de l'INAO et du syndicat de défense intéressé.

    Article 4

    Les vins destinés à l'élaboration des eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée visées à l'article 1er du présent décret proviennent des cépages suivants : baco blanc B, blanc dame B, colombard B, folle blanche B, graisse B, jurançon blanc B, mauzac B, mauzac rosé Rs, meslier Saint-François B, ugni blanc B.

    Article 5

    1° Les vignes produisant les vins destinés à l'élaboration d'eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée visées à l'article 1er du présent décret sont plantées et taillées selon les dispositions suivantes :

    a) Densité de plantation :

    Les vignes présentent une densité minimale de 3 000 pieds à l'hectare. L'écartement entre les rangs ne peut excéder 3 mètres et l'écartement entre les pieds sur le rang doit être au minimum de 0,90 mètre.

    Les vignes en place avant le 29 mai 2005, qui ne respectent pas les dispositions du précédent alinéa, continuent à bénéficier pour leur récolte du droit à être destinées à l'élaboration d'eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée définies à l'article 1er du présent décret, jusqu'à leur arrachage et au plus tard jusqu'à la récolte 2029 incluse sous réserve que les exploitations concernées souscrivent auprès des services de l'INAO un échéancier individuel de reconversion des vignes en cause, établi selon les modalités suivantes :

    - à compter de la récolte 2009, 20 % au minimum des superficies des parcelles identifiées de l'exploitation sont conformes à la densité et aux écartements définis ci-dessus ;

    - à compter de la récolte 2014, 40 % au minimum des superficies des parcelles identifiées de l'exploitation sont conformes à la densité et aux écartements définis ci-dessus ;

    - à compter de la récolte 2019, 60 % au minimum des superficies des parcelles identifiées de l'exploitation sont conformes à la densité et aux écartements définis ci-dessus ;

    - à compter de la récolte 2024, 80 % au minimum des superficies des parcelles identifiées de l'exploitation sont conformes à la densité et aux écartements définis ci-dessus.

    Le non-respect de cet échéancier entraîne la perte du droit à l'appellation d'origine contrôlée pour la récolte issue des parcelles identifiées qui ne répondent pas aux dispositions ci-dessus relatives à la densité et aux écartements.

    b) Les deux modes de taille suivants sont autorisés :

    - taille Guyot simple ou double ;

    - cordon.

    Quel que soit le mode de taille, la charge maximale ne doit pas dépasser 80 000 yeux francs par hectare.

    2° Le bénéfice des appellations d'origine contrôlée visées à l'article 1er du présent décret ne peut être accordé aux eaux-de-vie provenant de vins issus de jeunes vignes qu'à partir de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la plantation a été réalisée en place avant le 31 juillet.

    Article 6

    89

    Tout producteur qui souhaite produire des vins destinés à l'élaboration d'eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée visées à l'article 1er du présent décret doit souscrire chaque année une déclaration d'affectation de parcelles destinées à la production d'eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée auprès des services de l'INAO, au plus tard le 31 juillet de l'année de la récolte concernée.

    Cette déclaration comporte notamment la liste des parcelles (références cadastrales et superficies).

    Elle est présentée sur un imprimé délivré par les services de l'INAO. Article 7

    Seuls les vins issus de la même récolte résultant de la fermentation de tout le jus de goutte, complété ou non par le seul jus de presse correspondant, peuvent être destinés à l'élaboration des eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée visées à l'article 1er du présent décret.

    L'enrichissement et le sulfitage des vendanges, des moûts et des vins sont interdits.

    Les vins sont distillés sans leurs lies grossières mais ils doivent contenir leurs lies fines.

    La distillation intervient précocement.

    Au moment de la distillation, les vins présentent :

    - un titre alcoométrique volumique naturel compris entre 7,5 et 12 % vol. ;

    - une acidité volatile au maximum de 12.24 meq/l (soit 0,6 g/l de H2SO4) ;

    - une teneur en SO2 total de 20 mg/l maximum.

    Pour une récolte déterminée, et notamment pour des raisons liées aux conditions climatiques, les titres

    alcoométriques volumiques naturels minimum et maximum et la teneur maximum en acidité volatile peuvent être modifiés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et des finances sur proposition du comité national, après avis du syndicat de défense intéressé.

    Article 8

    La distillation peut se réaliser à partir d'alambics à débit continu, dits alambics « Armagnacais » ou type principal, ou d'alambics à repasse à distillation discontinue, dits type accessoire, définis ci-après. Toutes les parties des alambics au contact des vins, vins épuisés en alcool, vapeurs et condensats sont en cuivre.

    Dans chaque atelier de distillation doit fonctionner au moins un alambic de type principal au cours de la campagne considérée. Toutefois, les ateliers ne respectant pas cette obligation peuvent continuer à distiller uniquement au moyen d'alambics de type accessoire jusqu'à la récolte 2019 incluse.

    1° Type principal : distillation continue au moyen d'alambics du type Armagnacais :

    L'alambic Armagnacais est constitué de deux ou trois chaudières superposées surmontées d'une colonne à plateaux et d'un ensemble de chauffe-vin réfrigérant, enfermant un serpentin. La colonne de distillation ne peut comporter plus de quinze plateaux, le nombre de plateaux de concentration étant limité à deux. La capacité totale des chaudières doit être au moins égale à celle des organes de réfrigération comprenant chauffe-vin et réfrigérant mais ne peut excéder 40 hectolitres. L'alambic Armagnacais est chauffé à feu nu par du gaz, du bois ou du charbon.

    L'alambic Armagnacais fonctionne à alimentation continue, sans élimination spécifique de produits de tête ou de queue, ceux-ci devant être obligatoirement recyclés. Il doit permettre le passage, du vin à l'eau-de-vie, de l'intégralité des alcools supérieurs. Les modifications thermiques, tant en ce qui concerne le chauffe-vin que le réfrigérant, doivent être obtenues au moyen de serpentins, à l'exclusion de tout autre dispositif.

    Le volume de la production en alcool pur par vingt-quatre heures ne peut excéder une fois et demie celui correspondant à la capacité de l'ensemble des organes de réfrigération. Toutefois, une tolérance de 25 % en plus de cette production est admise pour les appareils dont les chaudières présentent une capacité totale inférieure à 3 hectolitres.

    Le titre alcoométrique volumique des eaux-de-vie est compris entre 52 % et 72 % dans le récipient collecteur journalier des eaux-de-vie.

    90

    2° Type accessoire : distillation en deux temps au moyen d'alambics à repasse :

    L'alambic à repasse est composé essentiellement d'une chaudière à chargements successifs, d'un chapiteau, avec ou sans chauffe-vin, et d'un serpentin avec appareil réfrigérant. Il est chauffé à feu nu par du gaz, du bois ou du charbon. La capacité totale de la chaudière ne doit pas dépasser 30 hectolitres, avec une tolérance de 5 %, et le volume en charge est limité à 25 hectolitres par chauffe. Toutefois, les chaudières d'une capacité supérieure peuvent être utilisées, à condition qu'elles soient exclusivement réservées à l'opération de première chauffe en vue de l'obtention du « brouillis », que leur capacité totale ne dépasse pas 140 hectolitres, avec une tolérance de 5 %, et que le volume de vin mis en oeuvre ne dépasse pas 120 hectolitres par chauffe.

    Le titre alcoométrique volumique des bonnes chauffes, après la seconde distillation ou repasse, est compris entre 52 % et 72 % dans le récipient collecteur journalier des eaux-de-vie.

    Article 9

    Les alambics Armagnacais ou à repasse doivent être agréés par le comité national sur proposition d'une commission d'agrément des alambics :

    - avant leur mise en service pour tous les nouveaux appareils achetés neufs ou d'occasion ; - après toute transformation.

    La composition et le fonctionnement de la commission d'agrément des alambics sont fixés par un règlement intérieur établi après avis des organisations professionnelles intéressées et approuvé par le comité national. Article 10

    Au début de chaque campagne de distillation, les utilisateurs doivent informer les services de l'INAO de la date d'allumage des alambics.

    A l'issue des opérations de distillation, une déclaration de fin de travaux doit être souscrite auprès des services de l'INAO sur un imprimé fourni par ledit organisme.

    Une copie des déclarations d'allumage des alambics et de fin de travaux est transmise à la direction générale des douanes et des droits indirects au titre des obligations en matière de contributions indirectes.

    La distillation des vins au moyen de l'un des procédés visés à l'article 11 ci-dessus doit être effectuée au plus tard le 31 mars de l'année qui suit celle de la récolte.

    Pour une récolte déterminée, cette date peut être avancée par arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, pris sur proposition du comité national après avis des organisations professionnelles intéressées.

    Article 11

    Les eaux-de-vie d'appellations d'origine contrôlées « Armagnac », « Bas Armagnac », « Armagnac-Ténarèze » et « Haut Armagnac » destinées à la consommation humaine directe sont conservées, dès la fin de la période de distillation, pendant une période minimale d'un an à compter du 1er avril de l'année qui suit la récolte, dans des récipients en bois issu de chêne d'espèces sessile, pédonculé ou leur croisement.

    Seules peuvent bénéficier de l'appellation d'origine contrôlée « Blanche Armagnac » les eaux-de-vie élevées pendant une période minimale de 3 mois en récipient inerte pour la couleur et qui ne présentent aucune coloration.

    Les eaux-de-vie qui, après avoir satisfait aux dispositions du décret relatif à l'agrément des eaux-de-vie prévu à l'article 14 du présent décret, bénéficient de l'appellation d'origine contrôlée « Blanche Armagnac » ne peuvent être revendiquées et commercialisées en appellation d'origine contrôlée « Armagnac », « Bas Armagnac », « Armagnac-Ténarèze » et « Haut Armagnac ».

    Les eaux-de-vie sont élevées et mises en vieillissement dans des chais identifiés sur la base de critères fixés par le comité national en sa séance des 27 et 28 mai 2004 après avis des organisations professionnelles intéressées.

    Les listes des critères et des chais identifiés sont consultables auprès des services de l'INAO et du syndicat de défense intéressé.

    Les services de l'INAO établissent la première liste des chais identifiés au plus tard pour la campagne 2007-2008.

    91

    Par dérogation au 3° de l'article 2 du présent décret, les eaux-de-vie peuvent être élevées et mises en vieillissement dans des chais situés en dehors de l'aire géographique de production définie audit article .

    A compter de la campagne 2007-2008, seuls peuvent bénéficier de ladite dérogation les chais situés en dehors de l'aire géographique de production dont la liste est approuvée par le comité national. Cette liste sera établie sur la base de critères fixés par le comité national après avis de la commission d'experts désignée à cet effet.

    A l'intérieur des chais d'élevage et de vieillissement identifiés, ne peut être logé aucune autre eau-de-vie, distillat de vin ou alcool en vrac que les eaux-de-vie d'appellation d'origine produites dans l'aire géographique définie à l'article 2 du présent décret.

    Article 12

    Seules peuvent être mises à la consommation les eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée définies à l'article 1er du présent décret présentant un titre alcoométrique volumique minimum de 40 %.

    Article 13

    Pour permettre le contrôle des conditions de production, tout opérateur intervenant dans l'élaboration des eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée définies à l'article 1er du présent décret tient à jour une comptabilité matière ou tout document permettant le suivi et la traçabilité de chacun des produits. Ces registres sont tenus à la disposition des agents chargés du contrôle.

    Article 14

    Un décret relatif à l'agrément des eaux-de-vie à appellation d'origine contrôlée « Armagnac », « Blanche Armagnac », « Bas Armagnac », « Armagnac-Ténarèze » et « Haut Armagnac » définit les conditions auxquelles doivent satisfaire les eaux-de-vie en vue de leur circulation en dehors des chais d'élevage et de vieillissement.

    Article 15

    Les eaux-de-vie pour lesquelles sont revendiquées les appellations d'origine contrôlées définies à l'article 1er du présent décret ne peuvent être déclarées, après la récolte, offertes au public, expédiées, mises en vente ou vendues sans que dans les documents d'accompagnement et les documents commerciaux, sur les étiquettes, récipients quelconques et sur tout support publicitaire les appellations d'origine susvisées soient accompagnées de la mention « appellation contrôlée » en caractères très apparents.

    Article 16

    L'emploi de toute indication ou de tout signe susceptible de faire croire à l'acheteur qu'une eau-de-vie a droit aux appellations d'origine contrôlées « Armagnac », « Blanche Armagnac », « Bas Armagnac », « Armagnac-Ténarèze », « Haut Armagnac », alors qu'elle ne répond pas à toutes les conditions fixées par le présent décret, sera poursuivi, conformément à la législation générale sur les fraudes et sur la protection des appellations d'origine.

    Article 17

    Le décret du 6 août 1936 modifié relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Armagnac » est abrogé. Article 18

    Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation et le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

    Fait à Paris, le 27 mai 2005.

    Jean-Pierre Raffarin Par le Premier ministre :

    Le ministre de l'agriculture, de l'alimentation,de la pêche et de la ruralité, Dominique Bussereau

    Le ministre de l'économie,des finances et de l'industrie, Thierry Breton

    Le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat,des professions libérales et de la consommation, Christian Jacob

    Le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement, Jean-François Copé

    92

    3.2 Statuts du Bureau Interprofessionnel de l'Armagnac de 1994

    Le 4/7/94

    BNIA

    STATUTS

    (approuvés par l'Assemblée Générale du Jeudi 30 Juin 1994)

    1 - CONSTITUTION

    En application de la loi du 1er Juillet 1901

    La Confédération de la Viticulture Armagnacaise (COVA) représentant la viticulture et la production

    Le syndicat de l'Armagnac et des Vins du Gers représentant le négoce.

    créent un organisme interprofessionnel, doté de la personnalité civile qui prend le nom de Bureau National Interprofessionnel de l'Armagnac (BNIA) dont le siège social est situé place de la Liberté à Eauze 32800, et qui est appelé à se substituer à l'institution du même nom dont l'existence et l'activité résultent du décret du 8 Janvier 1962, dont l'abrogation sera demandée en même temps que sera demandée, en application de la loi du 10 Juillet 1975 et du décret du 10 Mars 1981, la reconnaissance du nouvel organisme.

    2 - OBJET

    Le BNIA en liaison, en tant que de besoin, avec l'INAO:

    · centralise les statistiques et les renseignements d'ordre économique, technique et pratique nécessaires à sa propre action et à l'action des Professionnels.

    · met en oeuvre les délégations de compétence que les Ministres concernés estiment devoir lui confier.

    · élabore, adopte, met en oeuvre et fait appliquer les accords interprofessionnels, notamment ceux qui sont rendus obligatoires par arrêté ministériel.

    · participe au contrôle de la qualité des eaux-de-vie produites et offertes à la vente, notamment en ce qui concerne la tenue des comptes d'âge.

    · veille à la stricte application des usages locaux, loyaux et constants et au respect des règles fixées par le décret du 6 Août 1936 modifié concernant l'élaboration et le commerce de l'Armagnac.

    · apporte aux récoltants, aux coopératives et aux commerçants l'assistance technique et pratique qui leur est utile pour assurer le renom de l'Armagnac.

    · procède ou fait procéder à toutes études concernant la production et la commercialisation des eaux-de-vie d'Armagnac.

    · assure la promotion collective de l'Armagnac et contribue à la recherche d'une politique globale d'équilibre de la production, du vieillissement et des débouchés.

    3 - ASSEMBLEE GENERALE

    Dans le cadre de l'objet du BNIA L'Assemblée Générale détient tous les pouvoirs sauf ceux qui relèvent statutairement du Conseil de Direction ou du Président. Elle peut donner mandat au Conseil de Direction pour l'exercice de ces pouvoirs.

    93

    Toutefois elle NE PEUT PAS DONNER DELEGATION pour:

    · approuver et rendre applicables les accords interprofessionnels.

    · modifier les statuts et éventuellement dissoudre le BNIA

    · établir le règlement intérieur ou le modifier.

    · voter les budgets prévisionnels.

    · approuver comptes de résultat et bilan.

    · élire le Président.

    · désigner les membres du Conseil de Direction et les Présidents des Commissions spécialisées. Participent à l'Assemblée Générale avec voix délibérative:

    * 12 Représentants de la Production désignés par la Confédération de la Viticulture Armagnacaise et qui constituent la famille de la Production.

    * 12 Représentants du Négoce désignés par le Syndicat de l'Armagnac et des Vins du Gers et qui

    constituent la famille du Négoce.

    Les membres des familles sont désignés pour 3 ans. En cas de décès, de démission ou de retrait de mandat, il est procédé par l'organisme concerné à des désignations complémentaires pour la durée restant à courir jusqu'au terme du mandat initialement fixé.

    Chacun des deux organismes sus-nommés désigne parmi ses représentants un Président de famille qui pourra en tant que de besoin, réunir séparément, sous sa présidence, les membres de sa famille.

    Si le Président n'est pas un Professionnel, il préside l'Assemblée Générale sans prendre part au vote.

    Sont invités aux Assemblées Générales et peuvent ainsi que leurs éventuels représentants participer aux débats avec voix consultative:

    · Pour chacun des départements, du Gers, des Landes et du Lot et Garonne:

    W Le Préfet,

    W Le Président du Conseil Général

    W Le Président de la Chambre d'Agriculture

    W Le Président de la Chambre de Commerce et d'Industrie

    W Le Directeur Départemental de la D.E.D.D.I.

    W Le D.D.A.F.

    · Pour chacune des régions: Midi-Pyrénées et Aquitaine:

    W Le Directeur Régional de la D.G.C.C.R.F. W Le Délégué de l'ONI.VINS

    W Le Président de l'INAO

    W Le Président du Comité Interprofessionnel du Floc de Gascogne. W Le Directeur du Laboratoire d'Eauze

    W Un représentant de la grande distribution,

    ainsi que toute personne que le Président du BNIA, l'Assemblée Générale, ou le Conseil de Direction jugeraient bon de consulter.

    L'Assemblée Générale se réunit une fois par an sur convocation du Président et délibère sur les points de l'ordre du jour proposés par le Conseil de Direction.

    94

    Elle ne délibère valablement que si elle réunit une majorité de membres ayant voix délibérative. Chaque membre présent peut détenir un pouvoir d'un membre absent de sa propre famille. Si ce quorum n'est pas atteint, l'Assemblée Générale est convoquée à une deuxième réunion.

    Les décisions sont prises à la majorité absolue des membres présents ou représentés.

    Toutefois, pour l'approbation des accords interprofessionnels, pour la modification des statuts, éventuellement pour la dissolution du BNIA, ainsi que pour l'élaboration et la modification du règlement intérieur et pour l'élection du Président, le vote n'est acquis que si le porte parole de chaque famille rapporte la position au moins majoritaire de son groupe portant avis conforme au vote.

    En sus de l'Assemblée Générale annuelle, des Assemblées d'information pourront être organisées en tant que de besoin, sur décision du Conseil de Direction.

    Tout délégué au BNIA ayant, par ses fonctions, accès à des informations privées concernant un ressortissant, a un devoir de réserve lui interdisant de les divulguer ou d'en faire un usage personnel.

    4 - CONSEIL DE DIRECTION

    Le Conseil de Direction est présidé par le Président du BNIA

    Sur proposition des familles, le Conseil de Direction est composé, outre éventuellement le Président, s'il n'est pas un Professionnel de:

    ? 5 représentants de la Production choisis parmi les délégués à l'Assemblée Générale.

    ? 5 représentants du Négoce choisis parmi les délégués à l'Assemblée Générale.

    parmi lesquels figurent les Présidents de Famille et le Président du BNIA (lorsqu'il a été élu parmi les professionnels).

    En cas de décès, de démission ou de retrait de mandat, il est procédé à des désignations complémentaires pour la durée restant à courir jusqu'au terme du mandat initialement fixé.

    Le Conseil de Direction est convoqué à la diligence du Président. Il a capacité à délibérer valablement dans tous les domaines de compétence qui lui sont propres et notamment ceux précisés aux deux alinéas ci-dessous, et dans ceux qui, n'étant pas réservés à l'Assemblée Générale, ont fait l'objet de la part de cette dernière d'une délégation de pouvoir.

    Il lui appartient de préparer l'ordre du jour de l'assemblée Générale ainsi que les délibérations de cette

    dernière.

    L'organisation interne du BNIA, les décisions de recrutement et éventuellement de licenciement du directeur et des membres du personnel ainsi que la détermination du montant des rémunérations sont de la compétence du Conseil de Direction. Il confie au Président l'exécution de ces décisions.

    Le Conseil de Direction ne peut valablement délibérer que, si au moins six de ses membres sont présents, les pouvoirs des absents n'étant pas admis.

    Le Conseil de Direction rend compte à l'Assemblée Générale de ses décisions et de l'exécution de celles-ci.

    5 - COMMISSIONS SPECIALISEES

    Deux commissions spécialisées permanentes sont créées:

    ? Commission Technique

    ? Commission de Promotion et de Communication.

    L'Assemblée Générale peut en outre créer les Commissions spécialisées permanentes ou temporaires qui lui paraissent souhaitables.

    L'Assemblée Générale nomme, de préférence parmi les membres du Conseil de Direction, les Présidents de toutes les Commissions spécialisées et peut laisser le soin au Conseil de Direction de désigner les autres membres qui peuvent être choisis soit parmi les membres de l'Assemblée Générale, soit parmi d'autres professionnels, soit parmi des personnalités qualifiées extérieures à la filière.

    Les Commissions spécialisées sont des organes d'étude, de réflexion, d'avis, de propositions. Les décisions consécutives à leurs travaux sont de la compétence soit du Conseil de Direction soit de l'Assemblée Générale.

    6 - PRESIDENT

    Le Président est élu par l'Assemblée Générale pour une durée de 3 ans dans les conditions précisées à l'article 3, avant dernier alinéa.

    Il doit être choisi de préférence parmi les membres délibérants du BNIA

    A défaut, il est choisi parmi les personnalités qualifiées ne relevant pas des familles.

    Si le Président est choisi parmi les représentants de l'une des familles

    - le Président de la famille dont n'est pas issu le Président du BNIA occupe les fonctions de vice-

    président du BNIA

    - au terme du mandat présidentiel de trois ans, le nouveau Président est obligatoirement choisi

    parmi les membres de l'autre famille.

    - si le mandat présidentiel est interrompu par décès ou démission, le Président est obligatoirement

    choisi parmi les membres de la même famille jusqu'au terme du mandat initialement fixé.

    - dans les deux cas visés ci-dessus, les deux familles peuvent se mettre en accord pour élire un Président ne relevant pas des familles.

    Si le Président est choisi parmi les personnalités qualifiées ne relevant pas des familles: - le Président ne prend pas part aux votes;

    - les Présidents de chaque famille occupent les fonctions de vice-présidents.

    Les vice-présidents assistent en tant que besoin le Président, qui peut leur confier des missions permanentes ou temporaires.

    Le BNIA est normalement représenté en justice et dans les actes de la vie civile par le Président qui, avec l'assentiment du Conseil de Direction peut être suppléé par un vice-président ou un autre membre du Conseil de Direction.

    Le Président est en outre chargé:

    · de présider l'Assemblée Générale et les réunions du Conseil de Direction.

    · d'animer les diverses instances du BNIA

    · de contrôler l'activité du personnel

    · de faire exécuter les décisions

    · d'assurer ou de faire assurer l'ensemble des relations publiques du BNIA

    · de veiller à la gestion administrative et financière du BNIA dont il a la pleine responsabilité et

    qui peut donner lieu de sa part à délégation de signature avec l'assentiment du Conseil de Direction.

    Le Président doit rendre compte au Conseil de Direction des décisions qu'il a été amené, en cas d'urgence, à prendre seul ou avec les vice-présidents.

    95

    7 - DIRECTEUR

    96

    Sous l'autorité directe du Président dont il est le collaborateur permanent et auquel il rend compte régulièrement, le Directeur, dans le cadre de l'organisation interne du BNIA définie par le Conseil de Direction, dirige le Personnel, et assure l'exécution de toutes les missions qui lui sont confiées.

    Il assiste à toutes les réunions de l'Assemblée générale, du Conseil de Direction, et des Commissions spécialisées, (et y prend part avec voix consultative).

    Il peut recevoir du Président délégation de signature conformément à l'article 6.

    Il propose au Président les recrutements, promotions, et éventuellement licenciements des membres du personnel.

    Il se tient en permanence au courant de tous les éléments concernant la gestion et l'activité technique et promotionnelle du BNIA, ainsi que de l'environnement économique général relatif à la production viticole et à la production et à la commercialisation de l'eau-de-vie d'Armagnac.

    8 - BUDGET ET RESSOURCES DU BNIA

    Le budget annuel voté par l'Assemblée Générale est communiqué au Ministère de l'Agriculture et au Ministère de l'Economie et des Finances.

    Les ressources du BNIA sont les suivantes:

    - cotisations interprofessionnelles, dons, legs et subventions. - rémunération des prestations et contrepartie des fournitures. - toutes autres ressources qui ne sont pas interdites par la loi.

    Chaque exercice social a une durée d'une année qui commence le 1er Janvier et finit le 31 Décembre.

    9 - CONCILIATIONS ET ARBITRAGES

    Les litiges pouvant survenir à l'intérieur des familles à l'occasion de l'application des accords interprofessionnels et des avenants de campagne sont soumis à une commission de conciliation composée de deux membres du Conseil de Direction non directement impliqués à l'affaire, n'appartenant pas à la même famille et désignés par leurs pairs.

    La Commission de Conciliation dispose d'un délai d'un mois pour aboutir à un accord entre les parties, à compter du jour où elle est saisie par l'une des parties.

    En cas d'échec de cette procédure, l'affaire est portée devant un arbitre désigné par le Conseil de Direction suivant la nature du litige soit parmi les magistrats de l'ordre judiciaire, soit parmi les hautes personnalités relevant soit des organismes professionnels concernés soit des activités économiques en rapport avec l'Armagnac.

    L'arbitre prend seul sa décision dans un délai d'un mois à compter de la saisine par le Conseil de Direction.

    Fait à EAUZE le 30/6/1994

    Le Président, Le vice-Président, Le Trésorier, Le Secrétaire,

    M. PAPELOREY F. FAGET J.H. D'ORGLANDES P. GELAS

    3.3 Schéma des circuits de vente de l'Armagnac

    Production de matière distillable

    Activité vins
    et aicoois
    d'Etat

    Distillation
    VltI Liture

    Stockage
    viticulture

    Distillation négoce

    Stockage négoce région

    Produits
    dérivés (Floc)

    Embouteillage

    Distribution (négociants- Activité

    négociants - éleveurs etlou matière

    distributeurs négociants première

    distributeurs)

    97

    Embouteillage
    (bouilleurs de
    cru ,
    coopératives)

    Vente directe

    Vente
    distributeurs

    Vente directe

    98

    3.4 Schéma du circuit de distribution de l'Armagnac (négociant) :

    Négoce éleveur! embcuteilleur

    t

    Négoce distributeur

    J

    Centrales d'achat

    J

    CHR

    Commerce de detail independantetlou

    specialise

    GMS

    Consommation

    CIRCUITS DE DISTRIBUTION DE L'ARMAGNAC

    99

    3.5 Dépliant de l'association « 5 crus légendaires »

    3,6 Exemples de tarification

    les prodll tc

    Les prix s'entendent en Euros, toutes taxes comprises, départ de p

    Nos Produits

    P.U. TTC P

    52f

    (341,10 FF) -

    1393,57 FF)

    60

    84 f'

    (551,00 FF)

    120

    1797,15 FF) -

    7,5€ (<9,2o FF}

    7r5 €

    (as, FFy a

    58f

    (380,46 FF)

    102€

    (56 Fr)

    'Ognaas - Armagnac Millésime 1986

    I(70 cl)

    Médaille de Bronze - Concours Cenéal Agricole Paris 2063

    °gnosie - Armagnac Millésime 1981

    l(zo cl)

    Médaille de Bronze - Canmura général agricole 1998 a na

    a

    '051F10215 - Armagnac Millésime 1973 ,(M70 Cl)

    édmile de Bronze - Concours Général Agncoie Paris 7003 Médaille tl'Dr Conwvm des Eaux de Vie Eauze en .7062

    Ognoas - Armagnac Millésime 1965

    'M

    6 Iedai Île d'Agent - Concours Mondial de Bruxelles 2001 AI Ténor - Floc de Gascogne blanc

    d)

    Aliénor - Floc de Gascogne rosé

    Coffret Hélios - Armagnac Millésime 1986

    .(M7-0 cl)

    edaIlle de Bronze - Concours Général Agricole Paris _CO3 - Alambic .1804

    Coffret Hélios - Armagnac Millésime 1970

    nal spirite challenge 2005 éda ne~d'Agent Paris .col

    Quadra - Armagnac Millésime 1979

    .150 dl 18 f'

    Métlaille tl'Dr- Concoursnéra

    gél agricole 1999- Sélecte, Revue du (110,67 FF)

     

    Prix de la comma. Dont Fra,s de p

    Va

    Livraison ers

    Montant des c 5

    max.-non Co

    Conformément a l'article 34 de la loi TL modification, de rectification

     
     

    APPELLATION ans ARMAGNAC CONTA OLEE

    TARIF D'ARMAGNAC

    EN BOUTEILLE DE 0.70CL

    100

    ANNEE 2005 ANNEE 2005.

    TARIF valable pour la France métropolitaine seulement

    MILLESIMES

    ( sélection)

    DEGRÉ

    TTC(T.V.A. 19,6% incluse )

    en euros

    en francs

    Hors d'Age

    43

    18

    118,97

    1992

    45

    20

    131,19

    1990

    45

    22

    144,31

    1987

    45

    26

    170,55

    1986

    45

    28

    183,67

    1985

    45

    30

    196,79

    1983

    45

    33

    216,47

    1981

    45

    37

    242,79

    1980

    43

    40

    262,33

    1979

    43

    43

    282,06

    1978

    43

    45

    295,18

    1977

    43

    47

    308,3o

    1976

    43

    50

    327,98

    1975

    43

    52

    341,10

    1974

    43

    54

    354,22

    1973

    43

    60

    393,57

    1971

    43

    65

    426,37

    1970

    40

    73

    478,85

    1966

    40

    88

    577,24

    1964

    40

    98

    642,84

    1962

    40

    103

    675,64

    1952

    40

    142

    931,46

    1951

    40

    146

    957,7o

    1946

    40

    160

    1046,53

    Pour les millésimes ne figurant pas sur celle sélection, veuillez nous consulter...

    Livraison - l ou 2 bouteilles : 6 E l'unité I de 3 à II bouteilles : forfait 17 E

    - à panic de 12 bouteilles : gratuité ( pour la mémé destination )

    Reglement : Par cheque ou virement bancaire à la Caisse d'Epargoe

    pp d~c:lJ~ 26, me Camot- 40800 Aire sur Adour 16 485 /00040 /04925732546 /69

    s.ce.a. IJJ [G . alti t3eaen 32460 LE NOUGA-FRANCE Tél.: 05.62.08.91.37 Fax 05.62.08.91.24

    101

    3.7 Estimation des prix de revient de l'Armagnac

    102

    3.8 Classement des ventes en bouteilles des professionnels

    103

    3.9 Communication « Qualités Landes »

    104

    Bibliographie :

    Ouvrages généraux sur l'Armagnac :

    Principaux :

    COUSTEAUX Fernand, CASAMAYOR Pierre, Guide de l'amateur d'Armagnac, Editons Privat, Toulouse, 1985

    DARREON J.-C., GABRIEL A., l'Armagnac de la production à la commercialisation : des réponses inadaptées face au déclin, double thèse de sciences économiques, Université duMirail, Toulouse, 1988

    KAYSER Bernard, [et al.], L'Armagnac : un produit, un pays. Ressources patrimoniales, identités culturelles et développement local, collection « Etats des lieux »,Presses Universitaires du Mirail, Toulouse, 1993

    Complémentaires :

    ARMAGNAC Chantal(Photographies de Régine Rosenthal), Armagnac, les noces de la vigne, du chêne et de l'homme, - Editions La Renaissance du Livre, Collection Saveurs Gourmandes et Art de Vivre, 2001

    DUFOR Henri, Armagnac, eaux de vie et terroirs, Editions Privat - Toulouse (316 p)

    GELAS Philipe, L'instant Armagnac, Bleu 17 production, 2000 ;

    LEBEL Frédéric, Esprit de l'Armagnac, éd. Le cherche-midi, 1998 ;

    PUJOL Alain, Armagnac, feu de vie, Editions Mollat - Bordeaux - Diffusion du Seuil, 1995 SOURBADERE Gilbert, L'Armagnac, histoire, terroir et eaux-de-vie, Collection "Gascogne Insolite" - Publication Chambre d'Agriculture du Gers

    Autres ouvrages :

    BAUDRILLARD Jean, La société de consommation, 1970, Paris

    FLANDRIN J.-L., COBBI J., Tables d'hier, tables d'ailleurs, Odile Jacob, 1999

    KAPFERER Jean-Noël, les marques à l'épreuve de la pratique, Organisation Eds D', mars 2002

    KLEIN Naomi, NO LOGO- la tyrannie des marques, France, Actes Sud, 2001

    LIPOVETSKY Gilles, les temps hypermodernes, Grasset, 2004

    VILLEMUS Philippe, La fin des marques? vers un retour au produit, Organisation Eds d', 1996

    Publications :

    Lettre des mousquetaires, La flamme de l'Armagnac, Lettre de l'Observatoire économique de l'Armagnac, lettre du BNIA

    Presse régionale : Sud Ouest

    Presse nationale : Le Figaro, Le Monde, L'Humanité,

    Presse économique : Les Echos, Capital, La Tribune, La revue financière, L'expansion

    105

    Ressources électroniques (non exhautif): Site du BNIA :

    www.Armagnac.com

    sites de producteurs d'Armagnac :

    www.barondesigognac.com, www.domaineacacias.fr , www.Armagnacbriat.com ,

    www.Armagnac-ravignan.com, www.tariquet.com, www.buscamaniban.com,
    www.frenchArmagnac.com , www.dartigalongue.com, www.Armagnac-larressingle.com , www.gelas.fr , www.janneau.net , www.Armagnac-gimet.com , www.Armagnac-gascogne.com, www.monluc.fr , www.Armagnac-castarede.fr , www.Armagnac-jean-cave.com , www.chateaudecassaigne.com , www.Armagnacdelord.com , ...

    sites producteurs spiritueux :

    www.pernod.com, www.hennessy.com, www.martell.com, www.absolut.com, ..

    sites institutions :

    www.bnic.com , www.who.int , www.landes.org, ...

    sites de webzines :

    www.invinoveritas.apic.be , www.chazellet.com,...

    106

    Remerciements

    A tous ceux et celles qui m'ont initié à la connaissance de l' «or blond» et permis de mener à bien la réalisation de cette modeste étude :

    M. Jean-Claude RICCI, mon directeur de mémoire,

    M. Sébastien LACROIX, directeur du BNIA,

    Mme Colette REMAZEILLES, directrice adjointe et toute l'équipe du BNIA,

    M. GEORGACARACOS, domaine de Langajan,

    M. L'HUILLIER, domaine de La Beroje,

    M. JORDANA, domaine de l'Arepic,

    M. de RAVIGNAN, château de Ravignan,

    Mme DARTIGALONGUE, maison Armagnac Croix-de-Salles,

    Mlle CHOMAT, service exportation domaine du Tariquet,

    M. RANDE, directeur de la cave coopérative de Cazaubon,

    M. LECHAT, directeur commercial du pôle Armagnac de Fivigers,

    Mme CASTAREDE, maison Castarède,

    Mme GUILLARD, direction de l'agriculture du conseil Général des Landes,

    Et tous ceux que j'ai croisés entre chais et vignes sur les chemins d'Armagnac.

    107

    TABLE DES MATIERES

    Introduction 6

    1 Le marché de l'Armagnac et la crise 10

    1.1 La place de l'Armagnac sur le marché des eaux-de-vie et spiritueux 10

    1.1.1 Les qualités du produit Armagnac 10

    1.1.1.1 Des eaux-de-vie particulières 11

    1.1.1.2 « Les produits dérivés » 15

    1.1.2 Les concurrents de l'Armagnac 16

    1.1.2.1 Les spiritueux : une législation particulière 16

    1.1.2.2 Quelques notions « macro » relatives au marché des spiritueux 17

    1.1.2.3 Le grand frère Cognac 19

    1.1.2.4 Quel adversaire : le whisky ? 19

    1.1.3 Le nain Armagnac perdu dans le marché des eaux-de-vie et des spiritueux 20

    1.1.3.1 Le marché mondial : expansion /internationalisation/ concentration 20

    1.1.3.2 La prépondérance du marché français 22

    1.1.3.3 Des résultats de vente à nuancer 23

    1.1.4 Un marché pertinent ? 24

    1.1.4.1 Un produit de terroir, voire touristique 25

    1.1.4.2 Un produit technique, la magie de l'alchimie 25

    1.1.4.3 Un produit de luxe 26

    1.2 L'organisation de la filière Armagnac 26

    1.2.1 Les agents économiques directs 27

    1.2.1.1 Les professionnels (vignerons, négociants, coopératives...) 27

    1.2.1.2 Les autres acteurs (distributeurs, vendeurs, distillateurs) 30

    1.2.2 Les organismes représentatifs 30

    1.2.2.1 BNIA, l'organe représentatif et décisionnel 31

    1.2.2.2 Les autres organisations (syndicats représentatifs, associations,) 32

    1.2.3 Les acteurs parallèles, une filière très encadrée 33

    1.2.3.1 Les collectivités locales 33

    1.2.3.2 Les organismes de contrôle étatiques ou paraétatiques 34

    1.2.3.3 Les chambres d'agriculture 35

    1.3 Les différentes explications d'une crise de l'Armagnac 35

    1.3.1 Une tentative de typologie de l'acheteur d'Armagnac 36

    1.3.1.1 La typologie de Bernard Kayser 36

    1.3.1.2 La pertinence de cette typologie 37

    1.3.2 Les causes conjoncturelles 37

    1.3.2.1 le changement des goûts et les nouveaux modes de consommation 38

    1.3.2.2 le problème d'image 39

    1.3.2.3 Les politiques d'action publique contre l'alcool 40

    1.3.2.4 Un âge d'or prépare des années de plomb 42

    1.3.3 Les causes structurelles 42

    1.3.3.1 L'exportation ne compense pas le déclin du marché français 43

    1.3.3.2 La gestion des stocks 43

    1.3.3.3 L'absence de marque leader 45

    1.3.3.4 Une structuration mal adaptée 45

    Une trop lente adaptation et pour quel rattrapage ? 46

    108

    2 Les politiques de relance du produit et l'avenir de la filière 48

    Prolégomènes : Quels objectifs pour la filière ? 48

    2.1 Un travail sur la production 49

    2.1.1 Une gestion harmonieuse de la production et des stocks 49

    2.1.1.1 Une politique de maîtrise de l'offre 49

    2.1.1.2 Les limitations de la production 50

    2.1.1.3 Le problème des stocks 51

    2.1.2 Une recherche de qualité 52

    2.1.2.1 Une spécialisation des vignerons 53

    2.1.2.2 Une Appellation d'Origine Contrôlée plus stricte 53

    2.1.3 Des produits mieux définis 54

    2.1.3.1 Un exemple de diversification : la « création » de la Blanche Armagnac 54

    2.1.3.2 L'adéquation du produit aux exigences du consommateur 54

    2.2 La cohérence du travail effectué sur la communication 55

    2.2.1 Renouvellement et continuité de l'image de l'Armagnac 56

    2.2.1.1 « Dépoussiérer l'image de l'Armagnac » (S. Lacroix) 57

    2.2.1.2 Une boisson prestigieuse 60

    2.2.1.3 Un produit de confidence, le pari du « bouche à oreille » 61

    2.2.1.4 Une image gasconne de festivité et convivialité 63

    2.2.2 Une communication complémentaire 64

    2.2.2.1 Communication collective et communication particulière 64

    2.2.2.2 Les communications en partenariat avec un territoire 68

    2.2.3 L'exportation, une communication différente 70

    2.2.4 La faiblesse de la distribution 71

    2.3 Quel avenir pour l'Armagnac ? 72

    2.3.1 Trois exemples de développement 73

    2.3.1.1 Le château de Tariquet : la réussite entreprenariale 73

    2.3.1.2 Les Armagnacs contemporains par Fivigers : une tentative de reconquête 75

    2.3.1.3 Le domaine de la Beroje ou de la difficulté d'être petit 77

    2.3.2 Les conditions d'une adaptation aux marchés 78

    2.3.2.1 Soutenir l'effort qualitatif : Le haut de gamme ou la nécessité du luxe 79

    2.3.2.2 Investir à l'exportation, les turpitudes du commerce international 79

    2.3.2.3 Communiquer Armagnac : pour un « consonnaisseur » 80

    2.3.3 Un avenir plein d'incertitudes 81

    2.3.3.1 Politiques publiques de lutte contre l'alcool et Armagnac 81

    2.3.3.2 Anticiper les modifications des habitudes 82

    2.3.3.3 La capacité d'adaptation au marché 83

    Conclusion 84

    3 ANNEXES 86

    3.1 Décret du 27 mai 2005 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Armagnac » 86

    3.2 Statuts du Bureau Interprofessionnel de l'Armagnac de 1994 92

    3.3 Schéma des circuits de vente de l'Armagnac 97

    3.4 Schéma du circuit de distribution de l'Armagnac (négociant) : 98

    3.5 Dépliant de l'association « 5 crus légendaires » 99

    3.6 Exemples de tarification 100

    3.7 Estimation des prix de revient de l'Armagnac 101

    3.8 Classement des ventes en bouteilles des professionnels 102

    3.9 Communication « Qualités Landes » 103

    Bibliographie : 104

    TABLE DES MATIERES 107






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore