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Argumentation et soliloque: une étude sémiotique dans les tragédies de Shakespeare

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par Marine Garel
Université Lumière Lyon 2 - Sciences du langage 2016
  

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c. La question de l'interlocuteur

Pour qu'il y ait une certaine effectivité de l'argumentation au sens général, nous avons besoin au minimum d'un locuteur et d'un interlocuteur mais un orateur principal pourra très bien s'adresser à un auditoire multiple comme lorsqu'un professeur s'adresse à ses étudiants. De même, un écrivain s'adresse à un auditoire universel, ce qui dans ce cas reste assez difficile à mesurer comme l'affirmaient Perelman et Olbrechts-Tyteca. En effet pour eux, les lecteurs ne peuvent pas être repérés correctement. C'est-à-dire que pour un livre précis, un auteur n'est pas sûr de convaincre tous les hommes, il en convaincra évidemment qu'une partie. L'interlocuteur joue un rôle primordial dans le cadre de l'argumentation ; il est ce miroir qui aide à faire progresser l'orateur dans son discours.

Si, dans le dialogue, il n'y a aucune difficulté pour distinguer le ou les interlocuteurs, cette difficulté se répercute au niveau du soliloque. En effet, personne ne répond au locuteur, personne n'est pas là pour l'interrompre dans sa réflexion et encore moins pour la réfuter. Comment l'argumentation peut-elle alors être effective si elle se présente comme indirecte ? La délibération avec soi-même reste un cas particulier de l'argumentation d'autant plus que la sincérité du sujet peut être remise en question. En effet, comment prendre au sérieux quelqu'un qui se parle à soi-même ? Au premier abord, rien ne nous certifie que cette personne puisse être crédible.

La question de l'interlocuteur reste complexe car si le monologue est adressé, le soliloque peut être considéré comme un monologue non-adressé. Nous pouvons également reprendre les termes de Catherine Kerbrat-Orecchioni pour montrer le caractère non-adressé du soliloque. En effet, ce dernier relève du « présent + non-loquent » : aucun allocutaire ne prend part à l'échange verbal et le locuteur est seul.Voici également ce qu'affirmait Issacharoff à propos du soliloque :

Les propos qui manifestement n'ont pas de destinataire dans le monde représenté, sont adressés par le personnage à lui-même : il n'empêche que ces artifices représentent une sérieuse entorse à la vraisemblance conversationnelle, et dévoilent le détournement de destination.4(*) 

Dans les propos d'Issacharoff, nous observons deux phénomènes dont l'un entraîne l'autre : l'allocutaire dans le soliloque n'est autre que le locuteur lui-même. Ce qui entraîne un problème d'un ordre plus pragmatique. Autrement dit, ce genre de discours n'étant pas commun, pose donc problème au niveau linguistique. Comment peut-on considérer comme « conversation » ou comme « discours » des paroles n'ayant pas d'interlocuteur ordinaire ?C'est pour cette raison que le soliloque est une variété de monologue non-adresséet destiné à un allocutaire non ordinaire.Cependant si le soliloque est un discours, c'est qu'il y a signe, donc une adresse à un récepteur possible de recevoir ce signe : dans ce cas-là, le locuteur est en même temps son propre allocutaire. Qu'implique ce nouveau statut ? Il garantit le fait que nous ne pouvons pas effectuer une analyse conversationnelle au même titre que le dialogue.

Effectuer une analyse sur le principe d'alternance n'est pas possible dans le cas du soliloque. Ce type de locuteur-allocutaire se situe comme dans une bulle et est complétement indifférent à ce qu'il peut se passer autour et donc indifférent à autrui. Nous ne pouvons même pas prétendre à un allocutaire imaginaire. Le seul interlocuteur qui puisse paraître dans ce genre de discours, se situerait au rang secondaire : c'est le cas par exemple, lorsque le locuteur fait mention d'un autre personnage sans pour autant qu'il lui soit adressé.

La contradiction entre le soliloque et l'argumentation réside dans cette question de l'interlocuteur.Est considéré comme argumentatif, tout discours ayant un impact sur l'interlocuteur notamment sur son opinion, voire son comportement. Dans le cas du soliloque, le locuteur aurait donc un impact sur lui-même et sur son propre comportement. Il essaie de se convaincre de ce qu'il expose et répond même à ses propres questions. L'argumentation ne peut être alors qu'indirecte puisqu'à première vue, il ne nous vient pas à l'idée de voir de l'argumentation dans un discours sans allocutaire commun. Le soliloque est un discours non-adressé à un allocutaire courant, faisant sens dans le texte théâtral notamment par la place et les différentes fonctions qu'il peut occuper. Il arrive cependant, que nous puissions confondre le soliloque avec une autre forme qui lui ressemble tout aussi bien au niveau de la structure externe : le monologue. Nous allons essayer de voir quelles distinctions nous pouvons fournir à ces deux formes, souvent considérées comme des synonymes.

* 4Michael Issacharoff, Le spectacle du discours. Paris :José Corti, 1985.

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