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Approche par compétences et changement de paradigmes représentations d'un échantillon d'enseignants à  propos de leur métier, de l'apprentissage et de l'enseignement

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par Badya LAGE
Université de Rouen - Master recherche 2 2007
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE ROUEN
UFR PSYCHOLOGIE SOCIOLOGIE SC EDUCATION
Master mention Sciences de l'Education
Master recherche 2ème année FOAD
MARDIF

Enseignement par Compétences et Changement de Paradigmes
Etude des Représentations des Enseignants à propos de leur métier, de
l'apprentissage et de l'enseignement

Mémoire présenté par
Badya LAGE

Sous la direction de

Mme. Louise BELAIR Université Trois Rivières
Québec CANADA

Mr. Léopold PAQUAY Université Catholique de Louvain
Louvain-la-Neuve BELGIQUE

Promotion ROUSSEAU
Octobre 2007

Si je veux réussir à accompagner un être vers un but précis, je dois le chercher là où il est et commencer là, justement là.

Celui qui ne sait faire cela, se trompe lui-même quand il pense pouvoir aider les autres.

Pour aider un être, je dois certainement comprendre plus que lui, mais d'abord comprendre ce qu'il comprend.

Si je n'y parviens pas, il ne sert à rien que je sois plus capable et plus savant que lui.

Si je désire avant tout montrer ce que je sais, c'est parce que je suis orgueilleux et cherche à être admiré de l'autre plutôt que l'aider.

Tout soutien commence avec humilité devant celui que je veux accompagner ; et c'est pourquoi je dois comprendre qu'aider n'est pas vouloir maîtriser mais vouloir servir.

Si je n'y arrive pas, je ne puis aider l'autre.

D'après Søren Kierkegaard1

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1 Rouiller (2005)

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SOMMAIRE

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AVANT PROPOS INTRODUCTION PROBLEMATIQUE

PARTIE I : Cadrage théorique

Chapitre I : Conditions d'implantation d'un changement curriculaire

I. Type de changement

II. Conditions nécessaires au changement

III. Stratégie de changement

Chapitre II : La pédagogie adoptée par la réforme curriculaire

I. Défis imposés à l'école et aux pratiques des enseignants

A. Nécessité d'efficacité interne, d'efficience et d'équité

B. Nécessité de répondre à l'augmentation de la quantité et de l'accessibilité à l'information

C. Nécessité de donner sens à l'apprentissage

II. Concept de compétence et approche par compétences

A. Compétence et statut de la connaissance

1. Évolution du statut de la connaissance

2. Concept de compétence

a. Quelques définitions

b. Quelques interprétations du concept de compétence

B. Approche par compétences et ses fondements théoriques

1. Approche par compétences

2. Fondements théoriques : Recherche en psychologie cognitive

a. Modèle Piagétien - Constructivisme

b. Modèle Néo-constructiviste

c. Modèle Vygotsky

d. Modèles cognitivistes

Chapitre III : Changement et approche par compétences

I. Paradigme d'enseignement vs paradigme d'apprentissage

A. Paradigme

B. Différences entre paradigme d'enseignement et celui d'apprentissage

1. Différences au niveau des concepts

2. Différences au niveau du processus d'apprentissage et d'enseignement

3. Différences au niveau des modèles d'enseignement

a.

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Modèle transmissif

b. Modèle béhavioriste

c. Modèle constructiviste

II. Changement de l'exercice du métier d'enseignant

A. Métier vs profession

B. Modèles de références

Chapitre IV : Représentations

I. Perception - Conception - Représentation

II. Fonctions des représentations

III. Construction des représentations

IV. Cerner les représentations

V. Analyser les représentations

Questions de recherche et hypothèses de réflexion PARTIE II : Méthodologie

I. Démarche méthodologique

A. Type de recherche

B. Recueil des représentations

C. Démarche méthodologique

D. Population - Echantillon

II. Présentation des outils

A. L'entretien collectif

B. L'entretien individuel semi-directif

C. Analyse de séances enregistrées

D. Critères de scientificité

PARTIE III : Traitement et interprétation des données

I. Présentation des données

A. L'entretien collectif

B. L'entretien individuel semi-directif

C. Analyse de séances enregistrées

II. Interprétation des données

III. Vers la recherche de modèles de références

CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE SITOGRAPHIE ANNEXES

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AVANT PROPOS

Je tiens à exprimer ici mes remerciements à tous ceux qui m'ont soutenu et contribué scientifiquement ou moralement à l'élaboration de ce travail.

Je désire exprimer ma reconnaissance à mes encadrants, Mme. Louise BELAIR et Mr. Léopold PAQUAY, pour leur disponibilité malgré les responsabilités qu'ils ont, pour leur encouragement et pour leurs riches et intéressants critiques et commentaires.

Je souhaite aussi remercier :

* Les enseignants du MARDIF pour les thèmes et les sujets auxquels ils m'ont fait réfléchir durant leurs ateliers;

* Les responsables du laboratoire CIVC, Université Rouen et l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) qui m'ont permis de poursuivre mes études à distance et à préparer ce master ;

* Le personnel pédagogique et technique, précisément Marianig POROT, pour son assistance multiforme et permanente.

Enfin, je ne saurai oublier tous ceux qui, au cours de ces deux années, m'ont soutenu moralement. Je pense particulièrement à ma mère, mes beaux parents, mes soeurs, mes frères et mes amies. Ce travail n'aurait pu être fait sans leurs chaleureux encouragements.

A mon mari Abdellatif, je tiens à rendre un hommage particulier pour sa patience, sa présence et son soutien permanent

A mes enfants, Samah et Mohamed Taha, je leur demande de me pardonner du temps que je n'ai pu passer avec eux

A la mémoire de mon père, qui me disait constamment que les études n'ont pas de limites et tant qu'on vit on apprend, je dédie aussi ce travail.

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INTRODUCTION

L'enseignement au Maroc connaît une réforme curriculaire depuis les années 1999. Une réforme qui a pour finalité de placer l'élève au coeur de l'action éducative, de le rendre acteur et responsable de ses apprentissages, capable de développer des compétences lui permettant de s'intégrer dans une société en perpétuel changement.

Une telle réforme nécessite des changements dans la pédagogie et dans les pratiques des acteurs pédagogiques. Contrairement à un changement de structure ou de contenus, un changement de pédagogie, doit passer par une évolution des représentations et des identités des concernés. Il ne peut seulement se décréter, sinon, il ne produira aucun changement et perdra alors son sens. (Perrenoud, 1999)

Par ailleurs, un tel changement ne peut avoir un impact réel sur les enseignants, que si ces derniers comprennent ses finalités, s'approprient ses fondements et s'inscrivent dans une démarche d'apprentissage (Fullan, 2001). Pour cela, les représentations des enseignants sont à prendre en considération. Celles-ci, dans le cadre d'une épistémologie constructiviste, permettent aux individus de comprendre et de construire la réalité, ainsi que de justifier les prises de position et les comportements.

Par conséquent, les représentations que peuvent avoir les enseignants concernant des éléments du changement influenceraient leur compréhension et leur engagement. Elles pourraient même constituer des obstacles ou induire des résistances au changement.

C'est dans cette optique que notre travail prend sens. Ainsi, nous tenterons de mettre en évidence, par le biais d'une méthodologie qualitative a posteriori, les représentations des enseignants concernant certains éléments fondamentaux à l'adoption de l'approche par compétences. Nous essaierons de déduire les modèles de références auxquels ils se référent, que ce soit pour penser l'apprentissage, l'enseignement, le rôle de l'enseignant et de l'apprenant dans cet apprentissage ou pour penser l'exercice de leur métier.

Pour cela, nous développerons en première partie notre cadrage théorique après la présentation du contexte et de l'objet de notre étude.

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En deuxième partie, nous expliquerons la méthodologie adoptée pour approcher nos questions de recherche et réfuter ou vérifier nos hypothèses de réflexions.

En troisième partie, nous présenterons les donnés recueillis à partir de notre enquête - entretien collectif, entretien individuel semi-directif, analyse de séances enregistrées- ainsi que leur interprétation et les déductions avancées sur les modèles de références qui donnent des significations aux éléments de représentations mis en évidence.

Une conclusion achèvera notre travail, avec une présentation des limites et perspectives de cette étude.

En annexe, nous présenterons les outils utilisés dans le recueil des représentations.

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PROBLÉMATIQUE

L'enseignement au Maroc est engagé depuis des années dans un processus de réforme de structure et de curriculum. Une réforme qui a pour but de combler les carences qui existent dans le système éducatif afin de le rendre capable de répondre aux exigences des temps modernes et de faire face aux défis de ce siècle et aux mutations que connaît le pays. « L'ancien )) système éducatif, selon la lettre royale, conçu pour répondre aux nécessités urgentes, apparues au lendemain de l'indépendance, a épuisé son objet. Il souffre d'un déficit d'adéquation entre la formation et l'emploi, ainsi que d'une incapacité à satisfaire aux exigences d'une époque fondée sur le développement des connaissances et leur utilisation pratique dans la vie de tous les jours ; une époque où le progrès des nations se mesure à l'aune de l'efficience de leur système éducatif et de son aptitude à accompagner leur développement soutenu ».

Plusieurs projets de réformes (de 1975, 1978, 1981, 1984-1985, 1995) ont été engagés chaque fois que des inefficiences ont pu être identifiées (bilan COSEF 2005). Ces projets avaient pour objectif l'amélioration des performances du système d'éducation et de formation. Mais, à chaque fois, cet objectif est demeuré relativement hors d'atteinte.

Dans la continuité de cette préoccupation, une commission spéciale nommée COSEF2, désignée par le défunt Roi Hassan II, a été chargée de proposer un projet de réforme du système d'éducation et de formation. Les travaux de cette commission ont abouti à l'élaboration d'une Charte de l'Éducation et de la Formation qui a été adoptée par les deux chambres du parlement et par sa Majesté le roi Mohamed VI en octobre 1999. Certains points de cette charte, en relation avec le curriculum, ont fait l'objet d'un développement dans le cadre du « Livre Blanc )) du ministère de l'éducation nationale du Maroc.

L'objectif recherché à travers cette charte consiste en une nouvelle vision de l'école : une école réhabilitée, revalorisée et réconciliée avec la société ; une école qui assume ses fonctions classiques de lieu d'acquisition de savoirs mais aussi de nouvelles missions en tant qu'espace de responsabilisation, d'innovation, d'échanges et d'ouverture sur son environnement et sur la société dans son ensemble (bilan COSEF; 2005). Dans cette perspective, la nouvelle école nationale marocaine travaille à devenir :

2 COSEF : Commission spéciale de l'enseignement et de la formation

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Une école vivante, grâce à une approche pédagogique, s'éloignant de la réception passive et du travail individuel seul, et centré sur l'apprentissage actif et la coopération, la discussion et l'effort collectifs ;

o Une école ouverte sur son environnement, grâce à une approche pédagogique fondée sur l'accueil de la société au sein de l'école, et la sortie de l'école vers la société.

Cette école « vivante » permettrait à l'apprenant de devenir acteur et responsable de ses apprentissages afin qu'il puisse développer des compétences lui permettant de s'intégrer et d'évoluer dans une société et dans un monde en perpétuelle mutation.

Changements prescrits par la réforme curriculaire :

Dans la perspective d'une école vivante et ouverte, la charte nationale de l'éducation et de la formation a consacré la plus grande partie de ses directives à différents domaines d'innovation et supports de changement3. Ainsi, et dans le domaine en relation avec l'amélioration de la qualité du système d'éducation et de formation, elle présume une refonte en profondeur des principales composantes didactiques et pédagogiques du processus éducationnel (bilan COSEF; 2005). Refonte articulée autour des principaux axes suivants :

- La révision des programmes et des méthodes pédagogiques dans le sens de leur actualisation et de leur adaptation aux mutations de la société et aux évolutions des savoirs modernes. Sur ce point de nouvelles approches pédagogiques telles l'approche par les compétences et par projet constituent la tendance générale.

- L'amélioration de la qualité des outils et des supports didactiques (manuels scolaires en particulier : révision dans la conception et la publication des manuels).

3 Différents domaines d'innovation et supports de changement : l'extension de l'enseignement et son ouvrage sur l'environnement économique ; l'organisation pédagogique (réorganisation et articulation des cycles d'éducation formation, évaluations et examens, orientation éducative et professionnelle) ; l'amélioration de la qualité de l'éducation et de la formation (révision et adaptation des programmes et des méthodes, des manuels scolaires et des supports didactiques ; emplois du temps ; rythmes scolaires et pédagogiques ; utilisation des NTIC ; encouragement de l'excellence, l'innovation et la recherche scientifique...) ; les ressources humaines ; la gouvernance ; le partenariat et le financement.

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- L'adaptation des programmes et des contenus scolaires aux spécificités et aux besoins territoriaux (15% du volume horaire des cours aux curricula régionaux et 15% aux curricula locaux).

Selon le « Livre Blanc », différentes compétences sont à développer :

- Des compétences permettant le développement du soi et de la personnalité de

l'apprenant en tant qu'acteur positif et intervenant dans l'évolution de la société ; - Des compétences pouvant être exploitées dans le changement social afin que le

système éducatif puisse répondre aux besoins du développement social ;

- Des compétences pouvant être exploitées dans le domaine économique et social afin de répondre aux besoins d'intégration dans les secteurs productifs et de développement économique et social.

En plus des compétences spécifiques en relation avec chaque discipline, cinq types de

compétences transversales - méthodologiques, stratégiques, culturelles,
communicationnelles et technologiques - sont à développer par les programmes scolaires primaire et secondaire.

La pédagogie, ainsi adoptée dans la révision des programmes et l'élaboration des manuels scolaires, correspond à l'approche par les compétences (APC). Cette approche vient remplacer la pédagogie par objectifs (PPO) adoptée par les programmes scolaires depuis les années quatre-vingt. Celle-ci se base sur le découpage des savoirs en micro-unités, correspondant à l'organisation Taylorienne du travail (le travail à la chaîne). Les programmes élaborés dans ce cadre ne répondent plus aux attentes socio-économiques actuelles. Leur conception techniciste semble être dépassée actuellement (Jonnaert et al, 2006). D'autres paramètres caractérisent les besoins sociétaux et font ainsi pression sur le système éducatif. Pour Roegiers et De Ketele (2000), l'APC est une contribution pédagogique que l'école peut adopter afin de répondre aux défis imposés par l'évolution de la société.

Nous présenterons dans ce qui suit, un aperçu sur les anciens et les nouveaux programmes adoptés par le système éducatif marocain, tout en mettant en évidence les pratiques des enseignants en relation avec les apprenants et avec le savoir enseigné. Nous

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ferons référence aux programmes et aux instructions officielles des sciences de la vie et de la terre (SVT) au niveau du lycée.

Les anciens programmes4 : quoi changer ?

Dans le cadre de la pédagogie par objectifs, les anciens programmes étaient subdivisés à des contenus associés à des habilités, répartis sur toute l'année scolaire. Ces contenus étaient, et le sont encore, fractionnés par l'enseignant, en objectifs opérationnels très précis. Celui-ci les parcourt, leçon après leçon, en se référant souvent au contenu du manuel scolaire, unique pour la discipline, tout en essayant de respecter la répartition des chapitres en fonction du temps consacré à chaque partie.

L'enseignant s'occupe dans son enseignement, surtout du savoir à transmettre et à faire mémoriser à l'apprenant avec des automatismes à développer chez celui-ci. Les objectifs ainsi poursuivis sont en relation avec les contenus et le degré de leur acquisition. L'élève, de son côté, est appelé à faire preuve de son assimilation du savoir lors des séances de contrôle continu et des examens (interne et/ou externe).

De ce fait, le professeur en dirigeant l'ensemble des activités, est considéré comme l'expert du savoir enseigné. Alors que l'élève est dans la plupart des situations, un récepteur passif placé en situation d'interlocuteur.

Les nouveaux programmes :

Par ailleurs, dans le cadre de la nouvelle réforme, la présentation et les objectifs des programmes et des manuels scolaires ont changé.

Les programmes sont présentés sous formes d'unités d'enseignement à réaliser en un temps déterminé. Chaque unité contient, en plus des thèmes à développer, le temps à consacrer à l'évaluation diagnostique, à l'évaluation formative avec des séances de soutien et puis à l'évaluation sommative en fin de l'unité. Les manuels scolaires5 présentent le savoir des unités du programme selon la démarche de la résolution des problèmes. Des activités sont mises à la disposition des élèves et des enseignants dans le but de développer certaines

4 Vu le fait que le nouveau programme n'est entré que très récemment en vigueur, les pratiques préconisées par cet ancien programme continuent encore à exister.

5 Nous n'avons plus le manuel unique élaboré par le ministère éducatif, pour chaque discipline. Les manuels sont élaborés suivant un cahier de charges, par des groupes différents d'inspecteurs et de professeurs. Le ministère de l'éducation, par le biais d'un comité central, contrôle le contenu de ces manuels et sélectionne les manuels à adopter par l'école.

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compétences spécifiques et transversales. Ces manuels sont accompagnés par d'autres consacrés à l'enseignant (surtout pour le secondaire collégial) et qui ont pour but de clarifier les concepts et la démarche adoptée par le manuel.

Les enseignants sont appelés, dans le cadre de cette nouvelle approche APC, à modifier leurs pratiques pédagogiques ainsi que leur rôle selon les objectifs suivants (Rogiers, 20046) : - S'intéresser à ce que « l'apprenant doit maîtriser » à la fin d'une période déterminée et non à ce qu'ils doivent enseigner. Le rôle de l'enseignant consiste à l'organisation des apprentissages de la meilleure manière possible pour amener ses élèves au niveau attendu.

- Donner du sens aux apprentissages et montrer à l'élève à quoi sert tout ce qu'il apprend à l'école. Pour cela il est nécessaire de dépasser des listes de contenus matières à retenir par coeur, des savoirs faire vides de sens. L'approche par les compétences lui apprend à situer continuellement les apprentissages par rapport à des situations qui ont du sens pour lui et à utiliser ses acquis dans ces situations.

- Certifier les acquis des élèves en terme de résolution de situations concrètes et non plus en termes d'une somme de savoirs et de savoirs faire que l'élève s'empresse souvent d'oublier et dont il ne sait pas comment les utiliser dans la vie active.

Dans le cadre de l'enseignement des Sciences de la vie et de la terre (SVT) au lycée, d'après les instructions officielles (IO), les enseignants sont appelés à travailler à partir des questionnements et des représentations des élèves, tout en adoptant la démarche de la recherche. Cela doit se réaliser dans le but d'acquérir les mécanismes essentiels à un esprit critique, tout en permettant d'établir une liaison logique entre l'expérience personnelle et le savoir scolaire et de construire progressivement des compétences.

Pour cela, la démarche didactique adoptée, toujours selon les IO, doit se construire sur la base de :

- Permettre à l'apprenant, par le biais de sa participation effective, de construire ses propres connaissances scientifiques ;

- Prendre en considération sa curiosité scientifique et la satisfaire ;

- L'intégrer consciemment dans des activités de recherches ;

6 L'approche par les compétences adoptée par notre réforme curriculaire correspond à celle développée par Xavier Rogiers.

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- Adopter une méthode pédagogique se basant sur la démarche de résolution de problèmes.

Dans ce sens, l'apprenant est placé dans l'axe principal de l'acte de la formation et l'enseignant a pour rôle surtout d'orienter les apprentissages de l'apprenant, en tenant compte de ses représentations et en lui permettant de choisir les questions et les problèmes selon une perspective constructiviste afin de pouvoir intégrer ses acquis et les transférer dans de nouvelles situations. Il a aussi pour mission, toujours selon les IO, de gérer le processus de l'acte de la formation, de l'animer et de l'organiser.

Permettre à l'apprenant d'intégrer ses acquis et de les transférer dans de nouvelles situations nécessite, selon Rogiers (2006) des séances d'apprentissages ponctuels des ressources (savoirs, savoir-faire et savoir être) poursuivies de séances des activités d'intégration et d'évaluation formative. De nouvelles compétences sont alors, à développer par les enseignants (Rogiers, 2004) :

· préparer et animer une activité d'intégration,

· évaluer les acquis des élèves,

· gérer une séance de remédiation

· planifier les apprentissages

Nous venons de présenter ce qui est appelé à changer et en quoi doit-il changer selon les instructions officielles de SVT. Mais qu'en est-il de la réalité actuelle ? Est ce que ces changements de pratiques sont adoptées ? D'autant plus que la réforme existe depuis quelques années7 et des changements ont été mis en place tel que, le système d'évaluation (le baccalauréat est devenu national et se réfère au contenu du programme annuel au lieu du programme semestriel qui existait avant).

Différents constats sont enregistrés par les acteurs pédagogiques, que ce soit dans des discussions avec les professeurs ou avec les inspecteurs et administrateurs ou à partir de l'analyse de certains sites éducatifs réalisés par des enseignants, ou certaines présentations

7 Au collège, les programmes ont changé progressivement depuis septembre 2003 ; au lycée, le changement a démarré au septembre 2005

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faites par des enseignants innovants dans des forums nationaux. Parmi ces constats, nous notons :

- Les pratiques des différents acteurs pédagogiques ne semblent pas être influencées par les changements.

- Le savoir est toujours au centre de l'action éducative. Les enseignants cherchent comment démontrer leur savoir afin que les élèves puissent le comprendre. Leurs expériences ne s'occupent pas encore du comment permettre à l'élève de construire ses connaissances, ni de la recherche de certaines conditions pour comprendre comment l'élève apprend.

- Il semble que seul le terme d'objectifs : opérationnels, spécifiques, général... ait été remplacé par celui de compétence.

- Les enseignants travaillent encore dans les mêmes conditions (même effectif des élèves, même horaire d'enseignement, même organisation au niveau des établissements...) et de la même façon (enseignement de masse, absence d'évaluation formative, sanction des élèves...).

Ces constats restent informels, toutefois ils nous poussent à se poser la question du pourquoi et d'essayer de chercher les causes à cela. D'autant plus que la littérature développée actuellement dans le domaine des réformes montre une évolution des modèles de changements. Ceux-ci ne se contentent plus de réforme se basant sur des prescrits écrits mais sont beaucoup plus basés sur une épistémologie constructiviste. L'interprétation attribuée aux éléments du changement par les acteurs principaux est devenue une variante importante dans la réalisation des objectifs souhaités par une réforme. Les perceptions et les représentations de ces acteurs sont à prendre en considération. Elles peuvent même être les causes des résistances au changement au sein d'un système éducatif (Savoie-Zajc, 1993).

Des questions s'imposent ainsi : comment nos acteurs pédagogiques interprètent-ils les finalités et les prescrits de la réforme ? Arrivent-ils à adhérer et à s'approprier les fondements de la réforme ? Quelles représentations et quels obstacles relèvent-ils ?

Il serait plus judicieux alors de s'interroger sur les représentations des enseignants à propos des éléments de base de ce changement. D'autant plus que leur compréhension et leur engagement en dépendent.

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Afin de mieux poser et cerner notre questionnement, nous allons chercher à comprendre en premier, le type de changement planifié par la réforme ainsi que les conditions nécessaires à l'implantation de ce changement (chapitre I). Nous questionnerons par la suite la littérature à propos de la pédagogie adoptée par la réforme curriculaire du système éducatif marocain et ses conséquences sur les pratiques et le rôle des enseignants (Chapitre II). En troisième chapitre, nous développerons les changements que nécessite l'adoption de l'approche par compétence (Chapitre III). En quatrième chapitre, nous présenterons ce qu'on entend par représentations ainsi que leurs relations avec l'implantation d'un changement (Chapitre IV). Nous terminerons cette partie par la présentation de nos questions spécifiques de recherche et par nos hypothèses de réflexion, avant d'aborder la partie méthodologique.

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Partie I

Cadrage théorique

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Chapitre I

Conditions d'implantation d'un changement au niveau de réforme curriculaire

Avant d'aborder les conditions nécessaires à l'implantation d'un changement curriculaire, nous allons essayer de déterminer de quel type de changement il s'agit dans le cadre de la réforme du système marocain.

I/ Type de changement

Le changement planifié et imposé par la réforme du système éducatif marocain est un changement de pédagogie et de pratiques d'enseignement. Il fait partie des changements complexes parce qu'il concerne, entre autres, les objectifs, les méthodes d'enseignement et celles de l'évaluation. Ils correspondent de plus à un changement dans les valeurs des personnes et dans leur façon de voir les choses et de vivre des rapports avec les autres et avec le savoir. C'est un des changements de troisième type selon Perrenoud (1999). Un tel changement, contrairement à celui de structure de premier type ou de contenus du deuxième type, ne peut seulement se décréter mais il doit passer par une évolution des représentations, des identités, des compétences, des gestes professionnels et de l'organisation du travail. Sinon ces réformes ne provoquent aucun changement et perdent alors leur sens.

L'implantation d'une telle réforme nécessite un recours aux modèles de changement à perspective constructiviste.

II/ Conditions nécessaires au changement

Selon Fullan (2001)8, certains facteurs peuvent influencer le degré de l'implantation d'une réforme curriculaire (in L. Paquay 2002, p. 14). Ces facteurs correspondent aux : - Caractéristiques perçues du changement : la pertinence, la clarté des buts et des moyens de ce changement, la complexité, la qualité et la praticabilité du programme du changement. Le degré d'implantation du changement est accru par ces caractéristiques.

8 Le tableau résumant les différents facteurs influençant l'implantation d'une réforme curriculaire d'après Fullan est présenté en annexe.

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- Caractéristiques « locales » : les commissions scolaires, les conseils de gestion des établissements, les chefs des établissements et les enseignants. Jusqu'à quel degré ces acteurs éducatifs soutiennent et s'impliquent dans le changement.

- Facteurs externes : l'accompagnement des autorités publiques du changement.

Dans le système scolaire marocain, certaines conditions sont entrain de se mettre en place que ce soit au niveau des facteurs externes ou des caractéristiques locales. Des structures et liens viennent de se créer dans le cadre de cette réforme scolaire, tel que le conseil de gestion des établissements, l'intervention des autorités publics dans la gestion et le suivi de l'école...L'action de ces structures est encore à l'état embryonnaire.

Toutefois les facteurs en relation avec la perception du changement par les acteurs éducatifs sont encore à développer.

Parmi ces différents facteurs, l'enseignant, objet de notre recherche, est considéré comme le facteur le plus important dans l'application d'un changement surtout pédagogique. Dans ce cas, le degré d'implantation du changement est accru, d'après Fullan, dans la mesure où :

- Les enseignants sont engagés vers le changement ;

- Il existe des relations de collaboration, de soutien, de communication ouverte ;

- Un accompagnement des équipes et une formation sont assurés.

Pour ce dernier facteur, aucun accompagnement programmé ni formation continue

n'ont été assurés pour les enseignants du secondaire. Les visites de classes et les réunions pédagogiques réalisées par les inspecteurs ne peuvent répondre à ces objectifs, surtout que ces acteurs sont eux aussi en état de réforme et leur fonction de contrôle est encore dominante.

Également, l'organisation au niveau des établissements n'a pas connu de modification permettant la création des conditions d'une collaboration ou d'un travail en groupe entre les professeurs.

De ce fait, la question qui s'impose, c'est jusqu'à quel degré ces enseignants sont-ils engagés vers le changement ? D'autant plus qu'ils travaillent actuellement, depuis quelques années avec des instructions d'une approche par compétence.

Parler d'un engagement revient à parler d'une compréhension en profondeur des fondements de la réforme. Ainsi et selon Gather-Thurler (2000), un changement en

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éducation dépend de ce que les acteurs de l'école en pensent et en font, individuellement et collectivement. Il dépend de ce que ces acteurs ont compris de cette réforme. Ils s'impliqueraient davantage s'ils percevaient que les besoins visés par la réforme sont significatifs et que les conditions mises pour leur réalisation vont dans le sens de ces besoins (Huberman et Milles (1984). Le changement induit selon Fullan (2001) , n'a d'impact réel que s'il est signifiant pour les enseignants, s'ils en comprennent les finalités, adhèrent à ses orientations et s'approprient ses fondements, s'inscrivent dans une démarche d'apprentissage (Portelanc, 2004). Qu'en est-il donc de la compréhension des fondements de la réforme par l'acteur pédagogique marocain ?

La compréhension n'est pas suffisante à elle seule, d'autres changements doivent s'opérer chez l'acteur pédagogique. Comme nous l'avons déjà mentionné, les changements dans les pratiques d'après Perrenoud (1999), passent par une évolution des représentations, des identités, des compétences, des gestes professionnels et de l'organisation du travail.

Par conséquent, les perceptions qu'ont les acteurs pédagogiques en général et les enseignants en particuliers des changements et les représentations qu'ils ont construites sur les éléments de ce changement influenceraient l'implantation de la réforme. Cette influence peut être positive ou négative selon les représentations construites par les acteurs. Celles-ci constituent, d'après Donnay et Charlier (1991), un des noyaux à partir desquels se structurent les comportements d'enseignement et d'apprentissage. Elles peuvent constituer dans certains cas, des obstacles à la compréhension et à l'adoption de la pédagogie prescrite par la réforme.

Il apparaît ainsi primordial et important de déterminer comment les acteurs pédagogiques se représentent les éléments du changement comme une étape importante dans l'implantation de la réforme. Quelles représentations ont nos acteurs pédagogiques, plus précisément les enseignants vis-à-vis de l'approche adoptée par le système scolaire marocain ?

Aborder ce problème, nous permettrait d'approcher un des facteurs les plus importants influençant l'implantation d'une réforme scolaire curriculaire selon Fullan. De plus, la détermination et l'analyse des représentations des enseignants sur certains éléments de la réforme nous permettraient de mieux cibler la formation continue et l'accompagnement des enseignants.

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III/ Stratégie de changement :

Une stratégie de changement selon Denis Massé, se situe généralement à 3 niveaux :

- Niveau Cognitif -comprendre le changement- : savoir quoi changer, pourquoi le changer et comment le changer.

- Niveau Affectif -vouloir changer- : sentir le besoin du changement, trouver de l'intérêt dans le changement...

- Niveau Pratique -pouvoir changer- : compréhension du changement avec la volonté de s'engager dans le changement permettrait une implication dans la formation et ainsi dans le développement de nouvelles compétences.

Ces trois niveaux peuvent être influencés par les représentations des acteurs sur les éléments de base du changement. Une non-compréhension ou une compréhension erronée des éléments du changement pourrait avoir des conséquences sur le niveau affectif et même sur le niveau pratique. Aussi, un refus ou l'absence d'un besoin ou d'un intérêt peut-il influencer les autres niveaux, cognitif et pratique. Dans le même sens, une méconnaissance de quoi faire provoquerait un refus d'un engagement dans un changement.

Dans le chapitre suivant, nous allons développer en quoi consistent précisément ces éléments de base du changement adopté par notre système éducatif.

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Chapitre II

La pédagogie adoptée par la réforme curriculaire

La réforme curriculaire prescrit un changement au niveau de la pédagogie à adopter. Ainsi l'approche par compétences est adoptée à la place de la pédagogie par objectifs. Tout choix pédagogique, d'après Bruner (1996), véhicule inévitablement une conception du processus d'apprentissage et de celui qui apprend. La pédagogie n'est jamais innocente : c'est un médium qui porte son propre message. Le choix de pratiques pédagogiques implique une conception de l'apprenant et de celle du savoir. Quelles conceptions du processus d'apprentissage et de l'apprenant véhicule l'approche par compétences ?

Pour traiter cette question, nous allons en premier développer les défis que ce changement suppose pour l'école en général et dans les pratiques des enseignants en particulier. Ensuite nous tenterons de comprendre le concept de compétence et de l'approche par compétences ainsi que les fondements de cette approche. En troisième point, nous présenterons les conceptions de l'apprentissage, de l'enseignement et du savoir que cela entraîne chez l'enseignant. En dernier, nous montrerons quelles conceptions du processus d'apprentissage véhicule l'APC et donc, quelles conceptions d'apprenant, d'enseignant et du savoir sont véhiculées par cette pédagogie ?

I/ Défis imposés à l'école et aux pratiques pédagogiques

Pour Roegiers et De Ketele, l'APC est une contribution pédagogique que l'école peut adopter afin de répondre aux défis imposés par l'évolution de la société. Ces défis peuvent se résumer en trois points (Roegiers & De Ketele (col), 2000 ; Jonnaert & al. 2006) :

A/ Nécessité d'efficacité interne, d'efficience et d'équité :

De Ketele pose le problème d'équité comme un des enjeux majeurs des systèmes éducatifs du XXI siècle qui est lié de près à l'efficience et à l'efficacité interne des systèmes éducatifs (Roegiers & De Ketele (col), 2000).

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Les questions d'efficacité interne, d'efficience et d'équité9, sont en relation avec le coût de l'éducation qui ne cesse d'augmenter. L'échec scolaire ainsi que l'abandon des élèves coûtent cher au système éducatif. Leur limitation nécessite une réflexion sur le système d'évaluation et plus précisément sur les savoirs indispensables à maîtriser pour réussir. Le développement de compétences s'avère une des solutions à cette réflexion. Les résultats de recherches concernant l'enseignement primaire et supérieur (Roegiers & De Ketele (col), 2000), ont montré que l'approche par intégration des acquis, notamment l'approche par compétences, apporte une plus-value incontestable, tant en termes d'efficacité interne qu'en termes d'efficacité externe ou d'équité. Toutefois l'application d'une approche intégratrice trop exclusive ou trop rapide, sans apprentissages ponctuels n'améliorerait pas les résultats et encore moins l'équité (entre ceux qui ont des outils intellectuels et les plus faibles, ceux qui n'en ont pas) (Roegiers & De Ketele (col), 2000).

B/ Nécessité de répondre à l'augmentation de la quantité et de l'accessibilité à l'information:

La quantité d'informations produite par les recherches scientifiques est en perpétuelle évolution. L'accessibilité à ces informations, par le biais des médias et surtout de l'Internet, est aussi en augmentation. De ce fait, les sources d'information provenant de l'extérieur du cadre scolaire sont parfois plus importantes que le contenu des programmes d'études eux-mêmes (Jonnaert & al. 2006).

Jonnaert & al. (2006) parlent de l'apparition d'une autre « conception des connaissances » et de l'intelligence. Cette conception de l'intelligence est distribuée entre les artefacts cognitifs (l'interaction que l'individu établit entre différents supports de l'information et son activité cognitive) et la cognition elle-même (Jonnaert & al. 2006). Ceci oblige le monde éducatif à prendre ses distances par rapport à un enseignement traditionnel qui ne considère l'apprenant que comme un tout cognitif. Ce qui complexifie le rapport des enseignants aux connaissances et aux apprentissages. Les connaissances ne sont plus

9 Les questions d'efficacité interne se rapportent aux taux de réussite des élèves tout au long de leur scolarité, et de la qualité de cette réussite.

Les questions d'efficience tentent d'établir le rapport entre les moyens, humains et financiers, investis et le résultat obtenu.

Les questions d'équité posent la question de savoir dans quelle mesure le système éducatif offre les mêmes chances à tous les élèves.

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considérées comme des entités figées et reproductibles sur le modèle des savoirs transmis par l'enseignant (Jonnaert & al. 2006).

La révolution numérique apporte aussi une nouvelle contrainte. En plus de la fracture numérique (déséquilibre à l'accès à l'information) qui existe entre des catégories socio-économiques différentes, il y a maintenant une fracture cognitive (déséquilibre dans la relation au savoir). Ainsi la diffusion généralisée du savoir, loin de réduire le fossé entre les plus avancés et les moins avancés, peut contribuer à creuser cet écart (Bindé 2005 in Jonnaert & al. 2006). Selon Jonnaert, cette double fracture numérique et cognitive, se présente comme un défi de taille pour les systèmes éducatifs.

L'école se trouve alors confrontée à deux grands problèmes : D'un côté, comment et quel savoir transmettre ? D'un autre côté, quel sens donner à sa fonction? Ceci a pour conséquence aussi, la perte du sens de la fonction traditionnelle de l'enseignant qui est la transmission de la connaissance.

C/ Nécessité de donner sens à l'apprentissage :

La recherche de sens aux apprentissages selon Roegiers & De Ketele (col) (2000) concerne tout ce qui amène à se demander pourquoi on fait ce que l'on fait ; à porter un regard critique sur les raisons d'apprendre ce que l'on apprend et sur les raisons d'apprendre de la façon dont on apprend. De telles questions sont souvent posées par les élèves à travers des phénomènes considérés comme «ascolaires» : la démotivation, la violence, l'abandon scolaire...

Develay (1996), propose différentes raisons qui pourraient expliquer « pourquoi les élèves ont-ils du mal à trouver du sens à l'école ». Ces raisons peuvent être résumées dans les points suivants :

- Le savoir enseigné à l'école est déconnecté de son usage opérationnel.

- Le savoir enseigné n'est ni opérateur, ni analyseur : les élèves apprennent à l'école pour apprendre et non forcément pour faire ou pour analyser une réalité avec ce qu'ils savent.

- Le succès scolaire n'est plus un gage de réussite sociale.

- À l'école, les élèves ne font qu'enregistrer des informations souvent non problématisées. Ils n'ont rien à découvrir.

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- Les méthodes employées, le climat dans lequel s'inscrivent les apprentissages, ne permettent pas aux élèves de s'investir affectivement et personnellement dans des situations d'apprentissage.

Roegiers et De Ketele (col) (2000) de leur côté, renvoient la réflexion sur le sens à la façon dont l'école outille l'élève afin de lui permettre d'affronter et de faire face à une situation nouvelle. Actuellement, avec l'évolution de la société, la nature des situations évolue à toute vitesse. On assiste à l'apparition de nouveaux métiers et de nouvelles professions, avec une complexification des situations. La demande sociale n'est plus à la séquentialisation des tâches (Jonnaert 2006). De nouvelles compétences sont demandées. Les savoirs ponctuels présentés aux élèves dans l'école, ne leur permettent plus d'affronter et de raisonner dans des situations complexes relatives à leur vie quotidienne.

Donner du sens à l'apprentissage revient à apprendre la complexité, à apprendre un savoir opérateur, analyseur et problématisé, à apprendre avec des méthodes et dans un climat permettant un investissement affectif et effectif de l'apprenant dans son apprentissage. Ces éléments peuvent être abordés dans le cadre d'une approche par compétences.

II/ Concept de compétence et approche par compétences

A/ Compétence et statut de la connaissance :

Le statut de la connaissance (Roegiers & De Ketele (col), 2000) a évolué avec le temps sous l'influence de différents facteurs, entre autres, les conditions socio-économiques régnantes et les résultats des recherches scientifiques surtout en domaine de psychologie cognitive. Cette évolution a aussi un impact sur l'apprentissage et sur « comment une personne apprend ». Ceci a eu des répercussions sur le monde de l'éducation que ce soit au niveau des contenus scolaires programmés ou au niveau des pédagogies adoptées. Toutefois, si la conception de connaître et donc de comment apprendre a évolué, peut-on déduire aussi que cette conception a évolué dans le même sens chez les acteurs éducatifs ? Ou bien y a-t-il des décalages entre ces évolutions ? Une question qu'on tentera de vérifier aussi au niveau de cette recherche. Mais avant, nous allons présenter en premier, l'évolution du statut de la connaissance jusqu'à l'émergence du concept de la compétence avant de ne présenter quelques interprétations qui découlent des définitions de ce concept.

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1) Evolution du statut de la connaissance :

Le statut de la connaissance a connu une évolution à travers le temps et sous la pression de différents facteurs. Cette évolution avait des influences sur les programmes scolaires et donc sur l'enseignement. Nous allons présenter dans ce qui suit les quatre grands mouvements qui ont influencé cette évolution, en se basant sur les travaux de Roegiers & De Ketele (col), (2000).

a) Premier mouvement :

Le terme connaître correspondait, jadis, à la connaissance des textes fondateurs de la civilisation et de leurs commentaires. Les programmes contenaient les grands auteurs avec leurs productions qu'il fallait étudier et transmettre au cours du processus scolaire. La philosophie était la discipline la plus dominante.

b) Deuxième mouvement :

Au début du XXème siècle, par le développement de dispositifs d'observation provoquée, on commence à s'intéresser dans les programmes scolaires au développement de « l'esprit scientifique ». Les deux guerres mondiales ont contribué au développement de la science et au besoin de la transmission des résultats de recherches afin de former des chercheurs de plus en plus pointus dans leur recherche, des ingénieurs capables d'utiliser les découvertes et des praticiens plus performants.

Connaître dans ce cadre, correspondait à l'assimilation des découvertes scientifiques et techniques. De ce fait, les programmes scolaires correspondaient à un moment donné, à des inventaires de connaissances à transmettre. Les disciplines scientifiques surtout les mathématiques ont pris le dessus par rapport à la philosophie et aux langues.

c) Troisième mouvement :

Le monde en devenant de plus en plus industrialisé, a permis à deux courants de prendre plus de l'ampleur : le taylorisme (cherchait à introduire plus de rationalité et de rationalisation dans la gestion des processus de fabrication en vue d'une production rapide et avec moins de défauts, dans l'optique d'une plus grande rentabilité) et le béhaviorisme (issu de la transposition de la démarche des sciences dures aux sciences humaines, il était également à la recherche d'une démarche plus rationnelle, basée sur l'observable, à savoir ce

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qui est de l'ordre du comportement et non de l'intention ou de l'ordre des processus inscrits dans la boîte noire (le cerveau de l'apprenant). Ces deux mouvements, afin de réduire la complexité, tentent de découper les objets d'études en éléments plus simples et en séquences plus courtes observables, où chaque élément de départ ou stimulus est associé ou suivi d'un effet produit ou réponse...

Ces mouvements ont inspiré le monde de l'éducation à travers la pédagogie par objectifs et la pédagogie de maîtrise de Bloom. Selon ce pédagogue, on peut enseigner n'importe quoi à n'importe qui (sauf les handicapés mentaux) si on s'y prend bien (Roegiers & De Ketele (col), 2000). L'objet de l'enseignement est de découper les connaissances en objectifs suffisamment précis et hiérarchisés et s'assurer que les objectifs prérequis soient réellement maîtrisés et suffisamment stabilisés, avant de passer à un apprentissage nouveau.

Ces mouvements ont eu pour conséquence une vague de réforme des programmes durant les années 70 et 80. Les programmes ne sont plus réfléchis en terme de contenus mais en termes de capacité à exercer sur un contenu, ce qu'on désire apprendre à faire sur ce contenu. Pour chaque discipline, des objectifs généraux ont été élaborés. Chaque objectif général était décomposé en objectifs intermédiaires, puis en objectifs spécifiques. Ces derniers sont à leur tour subdivisés en objectifs opérationnels tout en précisant les conditions de réalisation et les critères de maîtrise. Des questions d'évaluations sont élaborées pour chaque objectif opérationnel.

Connaître dans cette perspective correspondait à la démonstration de la maîtrise d'objectifs traduits en comportement observables.

d) Quatrième mouvement :

Dans ce quatrième mouvement, « connaître » a changé de sens pour se diriger vers la démonstration de la compétence. Cela peut être expliqué par les processus de mondialisation, de globalisation, d'économie de marché, de compétitivité croissante...qui ont poussé les entreprises à créer leur propre service de formation continue afin de rendre les personnes recrutées performantes dans l'accomplissement de leurs tâches et dans la résolution des problèmes qu'elles peuvent rencontrer. Ceci a entraîné la naissance du concept de référentiel de compétence des métiers. Ces référentiels, surtout pour les métiers de haut niveau, exigeaient des compétences transversales et génériques, s'exerçant sur des situations très diverses (recherche d'information, interprétation de problème...). Des

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compétences que normalement l'école devrait développer chez ses élèves. (Roegiers & De Ketele (col), 2000)

Par ailleurs, des travaux réalisés par des organismes internationaux (UNESCO, Banque Mondiale, UNICEF, PNUD...) ont montré la nécessité de viser, par les systèmes éducatifs, un rendement qualitatif en plus de celui quantitatif existant. Ceci a entraîné la naissance de l'idée de développer un curriculum basé sur l'apprentissage d'un ensemble de compétences de base liées à la vie citoyenne, nécessaire pour permettre à toute personne de vivre dans une société caractérisée par un « développement durable » (p. 35).

Plusieurs pays ont développé alors de tels curriculums avec des appellations différentes : « basic skills » ou « basic competencies » dans les pays anglo-saxons ; « compétences socles » et « objectifs d'intégration » successivement dans l'enseignement secondaire et primaire belge ; « objectifs noyaux » dans l'enseignement suisse ; « compétences minimales » dans certains secteurs de l'enseignement français primaire ; « compétences par cycles » dans l'enseignement primaire français ; « compétences de base » dans plusieurs pays africains ;...(Roegiers & De Ketele (col), 2000).

2) Concept de compétence :

Le concept de compétence a connu une évolution dans le temps et dans différents domaines (juridique, linguistique, industriel...). C'est un concept issu du monde de l'entreprise et qui a été développé dans le domaine pédagogique dans le but d'articuler au mieux les savoirs enseignés à l'école, et leur application dans le monde extérieur.

Dans la littérature scientifique, différentes définitions sont avancées, avec des prises de positions parfois divergentes (Jonnaert 2006). Tantôt ce concept désigne un point d'arrivée marqué par un niveau de haute performance, tantôt un processus dont le déroulement est ponctué par des bilans d'évaluation. Les auteurs sont loin de s'entendre sur la définition de ce concept -clé (Boutin, 2004).

Roegiers & De Ketele (col), (2000) nous font remarquer que la confusion faite entre « performance » et « compétence » donne une image négative de cette dernière. La performance, selon toujours ces auteurs, relève du lieu de production de la tâche (...). Elle désigne souvent un niveau d'atteinte d'objectifs professionnels en regard d'une obligation de résultats. La compétence relève du milieu de formation (...). Elle se mesure en terme de potentiel à accomplir des tâches données (scolaires ou professionnelles). Elle complète

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d'autres compétences que possède la même personne. De ce fait elle ne fait mesurer l'individu qu'à lui-même et non par rapport à d'autres personnes.

a) Quelques définitions :

Nous présenterons dans ce qui suit, en premier, les définitions de certains auteurs les plus rencontrés dans les écrits pédagogiques marocains, en second, les quelques interprétations qui découlent des définitions du concept de compétence.

Selon Le Boterf (1995), la compétence correspond à « un savoir agir, c'est-à-dire un savoir intégrer, mobiliser et transférer un ensemble de ressources (connaissances, savoirs, aptitudes, raisonnements...) dans un contexte donné pour faire face aux différents problèmes rencontrés ou pour réaliser une tâche».

Pour De Ketele (1996) elle est un ensemble ordonné de capacités (activités) qui s'exercent sur des contenus dans une catégorie donnée de situations pour résoudre des problèmes posés par celles-ci. »

Perrenoud (1999), voit dans la compétence une capacité d'action efficace face à une famille de situations, qu'on arrive à maîtriser parce qu'on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes ».

Les savoirs, en tant que ressources, donnent rarement la solution, ils permettent de poser le problème, d'envisager des hypothèses, d'imaginer ce qui va se passer, de décider « en connaissance de cause ». Donc les connaissances aident à penser, à peser le pour et le contre, mais à certains moments, il faut s'avancer en faisant aussi confiance à l'intuition, en prenant certains risques. Pour en être capable, il ne suffit pas d'accumuler les ressources mais il faut prendre du temps pour exercer leur mobilisation.

L'acteur aux prises avec une situation complexe va utiliser différentes ressources, les orchestrer et souvent aller au-delà.

Pour Roegiers & De Ketele (col), (2000) la compétence est définie comme « la possibilité, pour un individu, de mobiliser de manière intériorisée un ensemble intégré de ressources en vue de résoudre une famille de situations problèmes. »p.66

Selon Jonnaert & al. (2004, 2005): La compétence est la mise en oeuvre par une personne en situation, dans un contexte déterminé, d'un ensemble diversifié, mais coordonné de

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ressources (internes et externes10). Cette mise en oeuvre repose sur le choix, la mobilisation et l'organisation de ces ressources et sur les actions pertinentes qu'elles permettent pour un traitement réussi de cette situation.

Toutes ces définitions montrent un point en commun concernant les éléments suivants : - la compétence ne se développe qu'en situation et dans un contexte donné ;

- elle fait intervenir différentes ressources ;

- elle est finalisée : la mobilisation se fait dans le but de résoudre des problèmes après les avoir identifiés ou pour traiter des situations.

Les ressources et les situations constituent apparemment les éléments variables du concept de compétence. De quelles ressources et de quelles situations s'agit-il exactement ? Selon l'interprétation donnée à chacun de ces éléments, l'application de la définition en pratique pourrait changer.

Jonnaert et ses collaborateurs ont analysé les principales conceptions de la notion de compétence véhiculée par des champs disciplinaires utilisant fréquemment ce concept. Ces champs sont rassemblés dans trois catégories :

- catégorie A : didactique / pédagogie / curriculum

- catégorie B : sociologie / psychologie du travail / psychologie cognitive

- catégorie C : ergonomie / didactique professionnelle

La conception de compétence dégagée de l'analyse de la catégorie C est la conception la plus claire et la plus homogène. Selon cette catégorie, la compétence ne peut être la simple description d'une action ou d'un comportement attendus, elle est plus que cela. Elle correspond alors à une structure dynamique organisatrice de l'activité, qui permet à la personne de s'adapter à une classe de situations, à partir de son expérience, de son activité et de sa pratique. Jonnaert pense qu'il existe « un flou épistémologique » qui entoure les propos de la catégorie A et qui rend l'utilisation de la compétence aléatoire. Pour la catégorie B, le fait que leurs propos sont limités à des finalités restreintes, ils n'en permettent pas aussi l'utilisation de ce concept. (p.16)

10 Jonnaert parle de ressources internes qui sont d'ordre cognitif (connaissances), d'ordre conatif (motivation) ou d'ordre corporel (comportement), et ressources externes, qui sont d'ordre social, d'ordre spatial et temporel ou d'ordre matériel (documents..).

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b) Quelques interprétations du concept de compétence:

Le sens donné au mot compétence(s), d'après Boutin (2004), varie selon qu'il est employé par les tenants de telle ou telle école de pensée. Il peut se faire dans le cadre d'une perspective comportementaliste ou dans celui d'une perspective constructiviste ou socioconstructiviste. Selon Boutin, les béhavioristes utilisent le mot compétence pour désigner des comportements observables et mesurables qui adviennent à la suite d'un apprentissage donné, alors que pour les constructivistes, ils l'utilisent pour illustrer une construction de capacités qui proviennent d'une interaction entre individus engagés dans une démarche commune.

Les cadres de références de ces écoles de pensée sont différents et incompatibles. Ils conçoivent la connaissance et le « comment se fait l'apprentissage » de façon différente. Cela peut expliquer en partie l'ambiguïté du concept quand il s'agit de l'appliquer par différents acteurs éducatifs. Selon Boutin, malgré le fait que le concept de compétence a été défini par plusieurs auteurs, son opérationnalisation dans le domaine de l'éducation reste encore flou (Boudin 2004) et même difficile. De ce fait, Jonnaert & al. (2006) insistent sur l'importance d'une clarification épistémologique quand il s'agit de l'utilisation du concept de compétence. Chose qui est absente dans plusieurs réformes curriculaire, y compris celle du Maroc.

Dans ce sens, Roegiers nous fait remarquer que même si les curriculums adoptés par les différents pays qui se sont engagés ces dernières années dans des réformes curriculaire, portent tous le nom de « curriculum en termes de compétences », ces curriculums désignent souvent des réalités différentes. Les choix pédagogiques qui les sous-tendent sont parfois radicalement opposés, mais toujours sous un même vocable de « compétence » (Rogiers, 2004). Les pratiques pédagogiques induites par ces curriculums ont différentes orientations soit constructiviste (Jonnaert 2002), intégratif (De Ketele, 1996 ; Perrenoud, 1997 ; Rogiers, 2000, 2003 ; Rey, 2000), néo-béhavioriste (dans le monde anglosaxon), interdisciplinaire (Lenoir et Sauvé 1998 ; Maingain, Dufour et Fourez, 2002) ou autres. Les changements qui en découlent se déclinent de façon différente selon la façon dont est comprise la notion de compétence qui fonde ces curriculums (Roegiers 2004).

Ces confusions existantes dans la compréhension et l'utilisation du concept de compétences, surtout au niveau de l'élaboration des programmes scolaires, peuvent être dues, selon Jonnaert & al. (2006), au fait qu'il existe au niveau de la littérature pédagogique,

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un important corpus théorique et empirique en relation avec la pédagogie par objectifs, avec de nombreuses recherches construisant et appuyant les outils et les méthodes utilisés par cette pédagogie dans l'élaboration des curriculums. Et c'est avec ce cadre de référence riche, que certains experts conçoivent les nouveaux curriculums par compétences.

Par ailleurs, ce manque de clarification que connaissent le concept de compétence et les différents entendements qu'il fait véhiculer est expliqué par une carence dans le cadre théorique (Belisle et Linard, in Boutin 2004) et même par l'absence d'un cadre de référence clairement établi. Plus précisément par l'absence d'une théorie des compétences permettant de faire la nuance entre les différentes facettes du concept tout en montrant comment elles s'articulent entre elles (Jonnaert & al. 2004 ; 2005). Les deux modèles (béhaviorisme et cognitivisme) utilisés actuellement comme cadre de référence au concept de compétence et à l'approche par compétences sont insuffisants d'après Belisle et Linard (in Boutin 2004), pour prendre en compte un niveau de fonctionnement cognitif réflexif et synthétique nécessaire à la mise en oeuvre de véritables compétences. Un cadre théorique reste à développer pour l'approche par compétences.

Perrenoud (1999) explique les choses autrement. Pour lui, la compétence est un nouveau mot-clé, créer pour nous donner l'impression qu'il y a un enjeu et un nouveau défi. Si le langage est nouveau, l'approche par compétences répond à un vrai et ancien problème de l'école. Ce problème est en relation avec la mobilisation du savoir scolaire à l'extérieur de l'école. Actuellement, l'école veut s'en occuper dès la scolarité de base car on estime que tous ont besoin de savoirs et de compétences.

B/ Approche par compétences et ses fondements théoriques

1) Approche par compétences

De Ketele parle d'une multitude de conceptions d'APC, dont deux sont dominantes (De Ketele 2006). Ces deux conceptions ne sont pas contradictoires mais visent des priorités différentes. Elles sont classifiées selon le profil de l'enseignant et celui de l'élève (De Ketele, 19/9/05). Nous présenterons dans ce qui suit les deux conceptions, tout en s'attardant sur la deuxième, étant donné qu'elle correspond à celle adoptée dans le cadre de notre réforme curriculaire.

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La première conception de l'APC se base sur le développement de compétences transversales. Elle s'adresse à des élèves qui n'ont pas de problèmes dans les acquis de base. Elle consiste à :

(1) réorienter les apprentissages en les rendant plus actifs : au lieu d'être soumis à des apprentissages magistraux, les élèves sont invités à résoudre des situations problèmes. Les apprentissages sont basés sur les méthodes actives ;

(2) prendre en compte les compétences de vie dans les apprentissages et dans la vie de la classe ;

(3) promouvoir l'interdisciplinarité.

Ses limites peuvent être résumées en :

- une exigence d'enseignants et d'encadrants qualifiés et performants ;

- une exigence d'un environnement favorable et des conditions de mise en oeuvre adéquates ;

- une difficulté dans l'évaluation des compétences acquises par les élèves, et donc absence de remédiation de façon efficace aux difficultés des élèves les plus faibles.

La deuxième conception, appelée aussi pédagogie d'intégration [(De Ketele, 1996 ; Roegiers, 2000, 2003, 2004) in De Ketele, 2006], vise le développement de compétences de base. Elle vise, prioritairement, le développement de compétences qui vont permettre aux élèves de s'insérer dans le tissu économique (De Ketele 2006). Elle est basée sur l'apprentissage et surtout sur la gestion de la complexité dès les premiers niveaux de l'école. Cette complexité est faite :

(1) des acquis scolaires : les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être ;

(2) des situations de la vie courante, des contextes que l'élève sera appelé à rencontrer ;

(3) des compétences de vie qu'il sera appelé à mobiliser pour résoudre les situations.

L'APC selon cette deuxième conception a été expérimentée dans certains systèmes éducatifs africains. Elle permet à l'enseignant d'évoluer progressivement dans ses pratiques pédagogiques. Selon Roegiers, des semaines consacrées à l'apprentissage ponctuel des ressources (savoir, savoir faire et savoir être) même par le biais de méthodes traditionnelles vont être entrecoupées par quelques semaines d'intégration. Durant ces dernières,

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l'enseignant propose des situations complexes afin que les élèves utilisent ce qu'ils ont appris.

Perrenoud, dans un entretien sur « la construction des compétences » met en évidence l'importance d'accorder du temps à des mises en situation afin de développer des compétences. On ne peut prétendre développer des compétences sans accorder du temps à des mises en situations. Il ne suffit pas d'ajouter une « situation de transfert » à la fin de chaque chapitre d'un cours conventionnel ».

Dans ce sens, nous nous demandons jusqu'à quel degré peut-on parler d'un apprentissage de ressources après les premières semaines ? Aussi l'adoption de cette approche par compétences de base consiste-t-elle seulement en une application de certaines règles et stratégies ou nécessite-t-elle en plus un changement de conceptions et de représentations des acteurs éducatifs vis-à-vis de l'apprentissage et de l'enseignement?

Quel que soit la conception de l'APC adoptée, les rapports des enseignants à leur travail sont sujets aux changements. Ces rapports sont en relation avec leurs représentations vis-à-vis du savoir et du comment apprendre et aussi vis-à-vis du concept de compétence. Quelles représentations à propos de l'apprentissage transmet l'approche par compétences ? Quelles représentations concernant le terme de compétences développent ces acteurs ?

2) Fondements théoriques de l'APC : Recherches en psychologie cognitive

Depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, différentes conceptions d'apprentissage ont été adoptées et développées par des théories d'apprentissage qui ont évolué en fonction du temps et en fonction des courants socio-économiques prédominants. Différents modèles11 d'apprentissage, avec des points de vue particuliers et des méthodes d'investigation spécifiques, ont été développés. Des modèles qui expliquent l'apprentissage par l'influence des facteurs externes issus principalement du milieu environnant et d'autres qui l'expliquent par le biais de facteurs internes à l'individu avec ou sans l'influence de l'environnement.

11 « En sciences humaines, la connaissance que l'on a des phénomènes n'a pas la valeur universelle qui caractérise les sciences exactes. Tout fait même démontré à travers des méthodes d'investigation rigoureuse n'a de sens qu'à travers l'interprétation qu'il recevra à l'intérieur d'un système structuré de connaissances que l'on désigne habituellement par le terme modèle » http://ute.umh.ac.be/dutice/uv6a/module6a-i.htm .

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Selon Boutin (2004), même si le courant de l'approche par compétences, est issu à son origine du Taylorisme et de l'organisation du travail, en se basant sur une école d'inspiration comportementaliste, il a établi des liens très étroits, surtout dans le domaine de l'école, avec le constructivisme et le socioconstructivisme qui se réfèrent à une école fondée sur le développement cognitif de l'individu.

Nous présenterons, dans ce qui suit un aperçu sur les principaux modèles de cette dernière école qui encadrent les pratiques pédagogiques au sein de la classe.

a) Modèle Piagétien - Constructivisme

Le noyau du modèle Piagétien correspond à l'interaction du sujet avec son environnement. L'enfant agit sur l'environnement et réagit aux stimulations de l'environnement. C'est cette réaction qui permet son développement.

Le développement cognitif du sujet est un processus par bonds successifs qui réalise l'équilibre entre l'assimilation (intégration des stimuli nouveaux aux schèmes existants) et l'accommodation (émergence de nouveaux schèmes face à la difficulté d'utiliser à bon escient ou économiquement les schèmes existants). (Roegiers & De Ketele (col) 2000 ; p.36) Le modèle Piagétien est un modèle de construction individuelle et interne des connaissances grâce à l'action de l'individu sur les objets et à ses interactions avec le milieu. Ces interactions sont la source d'un déséquilibre de la pensée, quand il n'y a pas d'explication disponible. Une construction de nouveaux schèmes permet ainsi de parvenir à une rééquilibration majorante. Toutefois cette construction ne peut intervenir que s'il y a un certain niveau de développement correspondant à la situation à laquelle le sujet est confronté. Pour Piaget, l'apprentissage est le « fruit » du développement, conçu sur le mode biologique d'une maturation progressive des structures cognitives. (Asensio & Astolfi & Develay, p.106)

La conception de l'enseignement se résume en une facilitation du processus de la construction du savoir par chaque enfant, tout en tenant compte de son niveau de développement.

b) 36

Modèle néo-constructiviste12 :

Ce modèle se base sur les principes de base du constructivisme tout en proposant le concept de conflit sociocognitif comme base du développement et de l'apprentissage au lieu du seul conflit cognitif interne à l'individu (quand les schèmes existants rentrent en conflits avec le milieu et des schèmes alternatifs rentrent en compétition). Il met en évidence l'importance de la confrontation avec des pairs dans la construction de la connaissance. La théorie du conflit sociocognitif repose sur l'idée que l'effet structurant du conflit cognitif s'accroît s'il s'accompagne d'un conflit social. (Roegiers & De Ketele (col.), 2000, p. 37)

c) Modèle de Vygotsky

Ce modèle se base sur les deux précédents. En outre, il met en avant, le rôle de l'adulte dans l'apprentissage et le développement de l'enfant, plus précisément l'action de l'enseignant pour stimuler le développement intellectuel de l'élève. Pour Vygotsky, c'est en provoquant l'apprentissage de façon sociale (l'école), qu'on stimule le mieux un développement qui n'a rien de naturel ni de spontané. (Asensio & Astolfi & Develay, p.106).

L'idée de son modèle consiste au fait que les processus de développement interne du sujet ne sont, à certains moments, accessibles à l'enfant que dans le cadre d'une communication avec l'adulte ou avec les pairs. (Rogiers & De Ketele (col.), 2000, p. 38). Deux moments clés dans le processus d'apprentissage existent :

- phase de médiation : l'adulte intervient pour enclencher un processus que l'élève ne peut faire seul, mais dans les limites de la zone proximale de développement (ZPD)13. Cette activité de médiation de l'adulte permet à l'enfant de fonctionner, dans un cadre collectif, au-delà de ce qu'il serait capable de produire seul. C'est ce que Vygotsky appelle la fonction inter-psychique.

- phase d'intériorisation : l'élève en fonctionnant seul avec ses apprentissages, il intériorise ses acquis et permet ainsi la stabilisation de ce qu'il a réussi en collaboration. C'est, selon Vygotsky la fonction intra-psychique.

12 Perret-Clement, 1980 , Doise et Mugny (1981)

13 ZPD correspond à la différence entre ce que peut faire et réussir l'enfant seul (la réussite solitaire) et sa plus grande capacité qu'il montre en coopération avec les autres (la réussite collaborative) (Astolfi p.92).

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d) Modèles cognitivistes14:

Les recherches de psychologie cognitive ont évolué. Elles se sont intéressées au début aux problèmes de la mémoire en faisant la distinction entre mémoire courte ou mémoire de travail et mémoire longue ou mémoire de stockage. La cognition correspond à l'activité de mémorisation en terme de processus de codage de l'information et de récupération de l'information codée en mémoire (Rogiers & De Ketele (col.), 2000, p.39). Par la suite, l'étude de l'apprentissage a été conçue comme des activités de traitement de l'information (prise d'information, interprétation, inférence, prise de décision, résolution de problème, prise de conscience des démarches, contrôle et régulation (métacognition) et non pas comme des associations entre des stimuli présentés et des réponses observables. Cependant les apports de cette démarche ne sont pas encore unifiés à cause de la polysémie des concepts utilisés (plusieurs concepts sont utilisés pour désigner des phénomènes semblables), et de la diversité des approches adoptées (expérimentale, qualitative difficilement contrôlables).

Les dernières recherches en psychologie cognitive montrent que les processus métacognitifs peuvent avoir un impact positif dans les premières phases de l'apprentissage, mais qui se réduisent cependant progressivement avec la stabilisation des connaissances et leur automatisation (Roegiers & De Ketele (col.), 2000). Ces processus métacognitifs semblent être actuellement des éléments intéressants et même des éléments clés dans les processus de l'enseignement et de l'apprentissage.

Conclusion :

L'analyse des fondements de l'approche par compétence montre que la conception d'apprentissage véhiculée par cette approche est le résultat de l'évolution des recherches scientifiques en relation avec les théories d'apprentissage, sous les contraintes et opportunités du contexte liées au développement socioéconomique.

La conception d'apprentissage ainsi véhiculée appartient aux courants constructivistes, socioconstructivistes qui sont en étroite relation avec le courant cognitiviste. Elle consiste à un processus d'acquisition de connaissances qui prend en considération l'activité de l'apprenant. Celui-ci devient le responsable de la construction de ses connaissances et acteur dans son apprentissage, contrairement aux anciennes approches

14 Les modèles de Piaget et de Vygotsky peuvent être considérés aussi comme des modèles cognitivistes.

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(approches par contenus ou l'approche par objectifs) où l'apprentissage est considéré comme le résultat de l'enseignement.

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Chapitre III

Changement et approche par compétences

L'adoption et le travail dans le cadre de l'approche par compétences nécessitent des changements au niveau de la conception de l'apprentissage et de l'enseignement, mais aussi des changements dans la conception du métier d'enseignant. Dans ce qui suit nous allons essayer de développer les paradigmes d'enseignement et d'apprentissage qui sous-tendent l'APC.

Nous présenterons en premier, le paradigme. En second, la nécessité de changer le métier d'enseignant en profession d'enseignant, étant donné le changement que doit connaître l'exercice du métier d'enseignant.

I/ Paradigme d'enseignement vs paradigme d'apprentissage : Nécessité de changements dans les représentations d'apprentissage et d'enseignement chez les enseignants

La conception de l'apprentissage véhiculée par l'APC, nécessite des changements dans la conception qu'ont l'apprenant et l'enseignant du savoir. Selon Barth (2005), la conception que l'on a sur le savoir guide l'acte pédagogique. On ne peut dissocier la compétence du savoir. Leur relation est importante. Les concepts constituant le savoir sont à considérer comme des outils de pensée qu'on doit rendre fonctionnels et utiles dans des contextes différents et non des entités à transmettre comme telles. De ce fait la façon dont on apprend devient aussi utile que ce qu'on apprend.

L'enseignement dans ce cas, s'occuperait plus de la création de conditions favorables permettant à l'apprenant de construire et de développer ses connaissances. Alors que le savoir codé correspondant au contenu des programmes mis à la disposition du développement de compétences chez les apprenants, devient une ressource pour l'apprentissage.

Dans ce sens, Perrenoud parle d'un changement du rapport de l'enseignant au savoir et à l'apprenant. On ne peut aller dans le sens des compétences, sans travailler sur des situations complexes. Le professeur est invité à perdre un peu de son aisance à exposer des

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connaissances, pour s'aventurer dans un domaine où il devient plus formateur qu'enseignant, plus organisateur de situations que dispensateurde savoirs (Perrenoud, 1999).

Ce changement de conceptions que ce soit de l'apprentissage ou vis-à-vis du savoir, doit être vu, d'après Tardif (2001) dans le cadre d'un changement de paradigme. Il s'agit de passer d'un paradigme d'enseignement à celui d'apprentissage.

Qu'est ce qu'on entend par paradigme ? Quelles différences y a-t-il entre paradigme d'enseignement et celui d'apprentissage ? Et quels modèles de référence du métier d'enseignant et de l'activité pédagogique encadre chaque paradigme ? Nous allons essayer d'approcher ces questions afin de mieux comprendre le changement préconisé par la réforme.

A/ Paradigme

Un paradigme, selon le dictionnaire actuel de l'éducation (Legendre, 1993), correspond à un ensemble d'énoncés ayant fonction de prémisses, présentant une vision globale d'un domaine, facilitant la communication et l'évolution, situant l'étude des phénomènes concernés, guidant l'élaboration des théories et suggérant les pratiques appropriées. Pour Tardif (2001), le paradigme, non seulement suggère des pratiques mais il fournit aussi une grille de lecture et de compréhension. De plus il favorise des questions et des réponses différentiées étant donné qu'il constitue un filtre conceptuel. Il oriente voire façonne les représentations.

Un changement de paradigme réclame une mutation dans les pensées, les perceptions et les valeurs (Legendre 1993). Toutefois, il ne nie pas nécessairement toutes les composantes privilégiées par un autre paradigme. Les mêmes composantes sont souvent reprises mais dans l'optique d'autres théories et d'autres modèles. C'est le cas des deux paradigmes d'enseignement et d'apprentissage qui encadrent l'approche par contenus, par objectifs ou par compétences tout en s'intéressant à l'enseignement et à l'apprentissage.

B/ Différences entre paradigme d'enseignement et celui d'apprentissage :

1) Différences au niveau des concepts :

Le paradigme traditionnel appelé aussi d'enseignement utilise selon Astolfi (2003), des termes qui fonctionnent sur le mode de l'évidence et qui sont utilisés par évidence du bon sens que ce soit par les acteurs éducatifs ou par autres personnes, pour décrire et

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expliquer ce qui se passe à l'école et à la classe. Pour ces mêmes objectifs (décrire et expliquer ce qui se passe à l'école et en classe...), le paradigme d'apprentissage exploite autres concepts qui correspondent au vocabulaire actuel des sciences de l'éducation, qui est plus conforme aux données de la psychologie cognitive, de la didactique et de l'épistémologie. Ces différents concepts sont résumés dans le tableau suivant :

 

Paradigme d'enseignement

Paradigme d'apprentissage

 

Transmission

Construction

 

Instruction

Formation

 

Maître

Médiateur

 

Elève

Apprenant

Termes / concepts adoptés

Programme

Curriculum

 

Leçon

Dispositif

 

Notion

Concept

 

Mémoire

Cognition

 

Connaissance

Compétence

 

Contrôle

Évaluation

Les concepts du paradigme d'apprentissage, sont plus utilisés actuellement dans le langage scolaire pour remplacer ceux du paradigme traditionnel. Cependant, comme Astolfi l'a démontré dans son article « le métier d'enseignant entre deux figures professionnelles », l'utilisation de ces nouveaux concepts, ne correspond pas seulement à un changement lexical superficiel mais à un renouvellement des conceptions de l'apprendre, dégagé par les recherches en éducation, mais qui n'est pas encore en phase avec les représentations que se font les acteurs (p. 24). Ces nouveaux concepts, les « nouveaux mots de l'apprendre », reflètent surtout une mutation professionnelle qui se cherche encore (Astolfi, 2003).

2) Différences au niveau du processus d'apprentissage et de l'enseignement :

Le paradigme traditionnel, appelé d'enseignement est basé sur des conceptions d'apprentissage et d'enseignement différentes de celle du paradigme d'apprentissage. Le tableau ci-dessous présente une comparaison entre les conceptions de chaque paradigme sur la base de différents travaux de Tardif.

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Critères de
comparaison

 

Paradigme d'enseignement

Paradigme

d'apprentissage

Conception de l'apprentissage

Savoir = connaissances

Accumulation des connaissances et associations les unes aux autres Mémorisation

Savoir vs. Connaissances

Transformations de l'information et du savoir en connaissances Construction des connaissances et leur intégration dans un schéma cognitif

Conception de l'enseignement

Activités élaborées à partir du savoir

Activités sous forme d'exercices Enseignement et transmission des connaissances d'une façon cumulative

Relation «enseignant-apprenant» verticale

Évaluation de la quantité d'informations mises en tête et rarement de la quantité de connaissances acquises

Statut de l'erreur : c'est une faute à laquelle on remédie par la répétition et par la sanction

Activités élaborées à partir des besoins des apprenants

Activités sous forme de situations problèmes, de projets, de recherches...

Enseignement de relations et des liens de la structuration des connaissances

Relation d'interactivité entre enseignant apprenant et entre apprenants entre aux

Évaluation de la trajectoire du développement de compétences et de leur transférabilité dans d'autres contextes

Statut de l'erreur : constructive qu'on remédie par le travail contre les obstacles

Conception du rôle de l'enseignant

Transmetteur de connaissances Expert du savoir

Se préoccupe de l'acquisition des connaissances (responsable de cette acquisition)

Développe une culture d'autonomie individuelle

Médiateur du savoir, créateur de situations de construction de connaissances Se préoccupe du développement de compétences Développe une culture d'interdépendance professionnelle

Conception du rôle de l'apprenant

Réception de la connaissance Passif dans son apprentissage

Apprenant au centre de l'action éducative

Construction de sa connaissance Actif et acteur dans son apprentissage

Ces différentes conceptions, que ce soit de l'enseignement, de l'apprentissage ou du rôle de l'enseignant ou de l'apprenant, sont dépendantes entre elles. Elles sont soutenues et expliquées dans le cadre de paradigme accepté socialement. Elles peuvent même refléter des modèles sur la fonction de l'enseignant et sur les pratiques d'enseignement et d'apprentissage.

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3) Différences au niveau des modèles d'enseignement :

Les différences enregistrées entre paradigme d'enseignement et celui d'apprentissage, concernant les conceptions de ce que c'est apprendre et comment apprendre, peuvent être présentées au sein de modèles didactiques. Ces modèles permettront de structurer et d'expliciter les conceptions précitées.

a) Modèle transmissif :

Pour ce modèle, le savoir est acquis par simple transmission de la connaissance. La capacité d'apprendre est considérée comme simple mécanique d'enregistrement par un cerveau « vierge », disponible à enregistrer. Cette conception d'apprentissage se réfère à la théorie des empiristes. Ces derniers pensent que la connaissance humaine est le fruit direct ou indirect de l'expérience et que le cerveau est « une tabula rasa » (tableau vierge). Il suffit de bien présenter et exposer le savoir pour qu'il soit acquis par l'apprenant. Ceci suppose que le message présenté par celui qui détient le savoir est attendu par l'apprenant. Aussi l'apprenant et l'enseignant, ont-ils le même type de questions, le même cadre de référence et la même façon de raisonner (Giordan in Asensio & Astolfi & Develay, 2002).

Ce modèle, selon Giordan, a obtenu un quasi-monopole à l'école, à l'université et dans toutes les formes de médiation. Il est adopté sous forme de méthodes « magistrales », « frontales », afin de faire passer le maximum d'information en peu de temps.

Dans ce modèle la relation enseignant - apprenant est unidirectionnelle. Le savoir est transmis de celui qui le détient vers celui qui l'ignore. Celui-ci est appelé à assimiler le savoir transmis. Toute erreur correspond à une « faute », qu'il faut éliminer. La sanction est utilisée parce que l'apprenant est considéré comme le seul responsable de cette erreur.

b) Modèle béhavioriste

Pour ce modèle, le savoir est acquis à l'aide de stimuli répétés poursuivis d'un renforcement positif (récompenses) ou négatif (punitions). L'apprentissage est considéré comme le résultat d'un conditionnement permettant le développement de comportement adéquat.

Ce modèle se base sur la psychologie béhavioriste qui se réfère à la théorie des empiristes. Le béhaviorisme considère le cerveau comme une « boîte noire », à laquelle on

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ne peut accéder. Cependant, elle peut être influencée de l'extérieur par des stimuli, qui engendrent des réponses sous forme de comportements observables. L'apprentissage correspond donc à un processus de type stimulus-réponse et il est le résultat de l'influence de l'environnement.

Ce modèle a été adopté au niveau de l'école depuis les années cinquante. Toutefois, on lui reproche de ne pas prendre en considération les états internes de l'apprenant, ses croyances, ses intentions, ses conceptions... L'apprenant, même s'il est le centre de l'action éducatif, est considéré passif comme pour le cas du premier modèle.

La relation enseignant-apprenant est toujours unidirectionnelle. Sauf dans ce cas, le savoir est morcelé en éléments simples et en séquences courtes observables dans le but de réduire la complexité des objets à étudier.

Le statut de l'erreur pour ce modèle est différent du premier. Celle-ci est expliquée par l'absence d'un prérequis qu'il faut introduire ou par la présence d'une situation plus complexe qu'il faut fractionner afin de la simplifier. L'erreur conduit en général à un réexamen de la progression d'enseignement. (Asensio & Astolfi & Develay, 2002)

c) Modèle constructiviste

Contrairement aux deux autres modèles, celui-ci consacre un rôle important au « sujet » dans le développement de la connaissance. Il se base sur les besoins spontanés et intérêts naturels de l'individu en relation avec son environnement. L'importance est donnée à l'autonomie de l'apprenant dans l'acte d'apprendre. Celui-ci ne se contente plus de recevoir des données brutes, il les sélectionne et les assimile afin de construire sa propre connaissance et de pouvoir les transférer dans de nouveaux contextes. De ce fait les connaissances de l'individu constituent le facteur déterminant de l'acte d'apprendre.

Dans ce modèle, la relation enseignant apprenant change. L'apprenant détient lui aussi une connaissance. L'enseignant est appelé à travailler sur cette connaissance dans le but de permettre à l'apprenant de construire une autre connaissance en exploitant le savoir mis à sa disposition. Pour ce modèle, les erreurs sont constructives. Elles ne sont considérées ni comme déficience à charges de l'élève, ni défaut du programme et de progression à charge de l'enseignant, elles se présentent comme des symptômes intéressants des modes de pensée

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des élèves. Elles permettent de caractériser leur « état des lieux » cognitif, ainsi que les obstacles auxquels la tâche les affronte. (Asensio, Astolfi, Develay)15

L'action de l'apprenant comme étant un facteur important influençant la situation de l'enseignement apprentissage, n'est pas prise en considération dans les deux premiers modèles (transmissif et béhavioriste) contrairement au modèle constructiviste. Celui-ci reflète une subordination de l'enseignement à l'apprentissage et une implication de l'apprenant, en tant qu'acteur, dans son propre apprentissage. On peut avancer que ce modèle peut se développer dans le cadre du paradigme d'apprentissage.

Alors que le modèle transmissif et le modèle béhavioriste, reflètent une vision de l'apprentissage subordonnée à l'enseignement. Pour que l'apprentissage se réalise chez l'apprenant, il faut bien lui transmettre un savoir ou d'adopter des stimulus-réponses pour lui faire apprendre un savoir. Ces modèles pourraient être classés dans le cadre du paradigme d'enseignement.

II/ Changement de l'exercice du métier d'enseignant

A/ Métier vs profession :

L'adoption de l'approche par compétences ne nécessite pas seulement un changement de paradigme concernant le processus d'apprentissage et d'enseignement, elle nécessite aussi un changement dans la conception de l'exercice du métier d'enseignant. Actuellement, on parle plus d'une professionnalité que d'un métier. Astolfi (2003), définit « le métier », par le fait qu'il se caractérise par :

- la maîtrise d'un savoir faire stabilisé,

- l'application d'une gamme de routines disponibles, de gestes reproductibles.

- la recherche de réponses invariantes, dont les acteurs attendent qu'elles marchent,

- l'absence d'une analyse singulière de chaque situation,

- un investissement personnel limité.

Alors que la profession selon toujours le même auteur, suppose que dans certaines circonstances, l'exercice des tâches requises corresponde à une situation de résolution de problème. Même si le professionnel dispose de références théoriques et pratiques, il est appelé, sans cesse, à en reconstruire l'usage, du moment que les situations rencontrées

15 ibid

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changent et sont souvent inédites. C'est dans cette articulation singulière du connu et de l'inconnu, avec ce que cela suppose d'investissement personnel et d'originalité dans la réponse apportée que se manifeste leur professionnalité. (p.39). Le professionnel possède, selon Rouiller (2005) une connaissance approfondie des savoirs théoriques et pratiques liés à son métier. Aussi est-il capable d'agir en situation complexe dans l'exercice professionnel. Il peut rendre compte de son action, la décrivant et l'explicitant grâce à une démarche d'analyse compréhensive. Il construit son savoir professionnel par l'action et la réflexion dans et sur l'action.

Selon Chatel (2002) in Astolfi (p.39), l'enseignement est à penser comme une action située. Ce qui donne un sens positif à l'incertitude. Même si l'enseignant est clair sur ses objectifs et sur le dispositif qu'il va installer, la façon dont les élèves s'en empareront pour travailler reste incertaine. Selon cette auteure, la situation pédagogique n'est pas extérieure à l'enseignant, elle n'est pas le résultat d'un calcul froid. Elle reste inséparable de son être agissant car elle articule connaissance et expérience.

L'adoption de l'approche par compétence, nécessite de l'enseignant des créations dans ses pratiques pédagogiques. Créer des conditions et des situations afin de permettre à l'élève d'apprendre et de construire ses connaissances demande à l'enseignant un engagement dans un processus incertain selon une pédagogie d'incertitude. Cet engagement ne serait possible que si l'enseignant pense son métier en tant que profession, que si l'enseignant se considère comme un professionnel cherchant et développant des procédures d'analyse et de résolutions de problèmes et non comme un exécutant d'un métier, appliquant des routines et des démarches invariables.

Des obstacles à la professionnalité des enseignants peuvent s'expliquer par un manque d'autonomie laissé aux enseignants. Ils peuvent être expliqués aussi par l'usage de sens commun que fait l'enseignant de certaines idées pédagogiques et du vocabulaire qui leur est associé (Astolfi, 2003). La pensée commune s'analyse depuis Bachelard comme le jeu d'obstacles épistémologique qui fonctionnent d'abord en termes de facilité et d'économie mentale (Fabre, 1995 in Astolfi ; 2003 p.40). Dans ce sens, il deviendrait plus facile pour certains, et mentalement plus pratique :

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- D'envisager l'acte d'apprendre en termes réceptifs, plutôt que sur le mode d'un processus actif ;

- De pratiquer l'acte d'enseigner comme une explication transmissive, plutôt qu'en termes de médiation ;

- D'analyser les erreurs comme des défectuosités de l'élève, plutôt qu'en cherchant à en comprendre la logique sous jacente ;

- De se représenter la motivation comme une attitude exigible à l'entrée plutôt que résultant de reprises et d'éclairages multiples ;

- De penser des leçons qui se referment sur les notions à mémoriser, plutôt qu'ouvrant à la nouveauté intellectuelle ...

Cette commodité et cette facilité de raisonnement constitueraient des obstacles à l'acceptation et à l'engagement dans un changement et dans une innovation dans les pratiques des enseignants.

Cette conception sur l'exercice de métier semblerait donc avoir une relation avec la conception de l'apprentissage. Si cette dernière appartient au paradigme d'apprentissage, l'enseignant concevra son métier autrement et se considérera beaucoup plus comme un professionnel qu'un exécutant des programmes scolaires.

B/ Modèles de références:

Les modèles de références qui structurent en partie les représentations des enseignants sur leur fonction et sur leur métier évoluent selon les conceptions de l'enseignement et de l'apprentissage du paradigme régnant. Ainsi le modèle du « magister » qui est basé sur la connaissance à transmettre a évolué vers le modèle du « pédagogue » où l'attention est portée sur le processus d'apprentissage de la connaissance (Lang 1999). D'autres modèles appelés « modèles de professionnalités » sont développés à partir de l'analyse des pratiques, des attitudes et des compétences qui sont attendues et jugées nécessaires à l'exercice de la profession enseignante (Maroy, 2005). Ces modèles, selon Paquay (2006), correspondent à des conceptions du métier et de la formation. Ils étaient, au début, qualifiés de paradigmes en référence aux travaux de Zeichner, afin de bien marquer leur caractère d'évidence première et fondatrice. Ces modèles ont été construits à partir de la littérature scientifique et experte, et aussi à partir des points de vue de certains

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formateurs d'enseignants. Ils reflètent bien l'existence de différentes conceptions du métier d'enseignant chez les formateurs et donc chez les enseignants.

Les différents modèles de professionnalités selon Paquay (Paquay, 1994, 2006) :

La conception de l'apprentissage peut être déduite de la conception de l'enseignant reflétée par les modèles de professionnalités. Elle peut correspondre pour chaque modèle

au :

* Modèle du « maître instruit» : l'enseignant, dans ce modèle, vise surtout le savoir à enseigner et il est le transmetteur de ce savoir. Il maîtrise avant tout les savoirs disciplinaires et travaille individuellement, mène une pédagogie de type « monolithique » et « transmissive » en se référant aux prescriptions formelles provenant des autorités scolaires (Maroy 2005, p.9). Il maîtrise aussi des savoirs en didactiques et en pédagogie, dont il devrait faire usage. La théorie est apprise avant la pratique (Paquay, 2006). La conception de l'apprentissage ainsi véhiculée correspondrait à l'apprentissage d'un modèle cognitif théorique.

* Modèle du « praticien artisan )) : correspond plus à un apprentissage de l'enseignement sur le tas. L'enseignant sait comment faire grâce à l'expérience sur le terrain. Celui-ci développe son modèle opératif à partir de l'exercice de l'activité, en même temps que le modèle cognitif (Pastré, 2006 ). Sauf que dans ce cas, le modèle cognitif est de nature empirique. Il reste insuffisant pour le justifier. Seule la performance de l'action (sa réussite) qui devient le critère de la pertinence du modèle cognitif empirique. (Pastré, p. 116).

Ces deux modèles, d'après Paquay et Dezutter (2003), sont considérés comme les modèles les plus classiques du métier de l'enseignant.

* Modèle de « l'enseignant technicien )) : celui-ci est considéré comme un applicateur de techniques. L'essentiel consiste dans des savoir faire techniques. Il possède et applique un répertoire de techniques pédagogiques et savoir faire procéduraux précis et efficaces, dérivés d'études scientifiques (Maroy 2005, p.9).

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L'enseignant, selon ce modèle, est appelé à maîtriser les techniques les plus modernes d'enseignement pour pouvoir réaliser son travail convenablement (Paquay et Dezutter ; 2003).

* Modèle du « praticien réflexif » : correspond à la conception que l'enseignant construit, à partir de l'analyse et de la réflexion sur ses pratiques, « un savoir d'expérience » systématique et communicable plus au moins théorisé. L'enseignant est capable d'analyser, de réfléchir sur ses pratiques, de chercher, d'apprendre et d'innover. Sa connaissance pratique résulte d'une construction justifiée et théorisée. Il utilise ses connaissances théoriques comme ressources et grilles de lectures pour analyser et réfléchir sur sa pratique, avant, pendant et après son action. Son modèle opératif est soutenu par un modèle cognitif de nature scientifique. Paquay parle d'un développement d'un savoir d'expérience théorisé qui permet d'analyser des situations et de s'analyser en situation ; d'évaluer des dispositifs et de créer des outils innovants (Paquay et coll ; 1996).

* Modèle de « l'acteur social » : correspond à l'enseignant qui est engagé socialement dans son travail. Celui qui perçoit les enjeux sociétaux de ce qu'il fait dans sa classe (évaluation, démocratie...). Celui qui essaie par différents travaux et interventions de transformer et faire évoluer l'école et la société. L'apprentissage dans ce cas se fait à l'aide d'un engagement dans des projets collectifs et dans des innovations (Paquay et coll ; 1996).

* Modèle de « l'enseignant personne » : cette conception met l'accent sur l'importance des savoir être et savoir devenir, plus précisément sur le développement de « la personne » de l'apprenant. Le développement du soi professionnel et la prise en conscience de son propre style professionnel constituent les objectifs pédagogiques privilégiés de ce modèle. (Paquay et coll, 1996)

Ces trois derniers modèles sont les plus valorisés actuellement (Paquay et Dezutter ; 2003) dans la formation au métier/ profession d'enseignant. Ils permettent aux enseignants, dans le cadre de leur professionnalité d'aborder la complexité des situations éducatives, et de pouvoir identifier et résoudre les problèmes rencontrés.

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Ces différents modèles constituent les différentes facettes d'un métier complexe qui est celui de l'enseignant (Paquay, 2006). Selon la formation initiale des acteurs éducatifs, selon leur histoire socioculturelle et expérimentale, selon leur expérience dans l'enseignement, il arrive que ces acteurs défendent et adoptent des modèles au dépends d'autres. Ainsi les conceptions des enseignants sur leur métier et sur leur rôle pourraient correspondre à l'un des modèles de professionnalité développé ci-dessus.

C'est dans le sens de l'existence de différentes conceptions sur le métier d'enseignant chez les acteurs éducatifs et surtout, c'est dans le sens de la relation entre ces modèles et la conception qu'ont les acteurs éducatifs sur la construction du savoir en général et les connaissances en particulier, que nous voulons analyser les représentations des enseignants que ce soit sur l'apprentissage et sur l'enseignement, ou sur leur exercice du métier d'enseignant.

Conclusion :

L'approche par compétences nécessite plus qu'une application de stratégies, elle nécessite un changement dans les représentations des enseignants concernant l'apprendre et le comment apprendre. Le rôle du savoir, de l'apprenant et de l'enseignant sont à changer et à faire évoluer chez tous les acteurs éducatifs. Elle nécessite aussi un changement dans la conception qu'ont les acteurs éducatifs de l'exercice de leur métier. Ceux-ci doivent se considérer comme des professionnels pour arriver à changer et innover leurs pratiques pédagogiques selon les situations rencontrées.

Qu'en est-il des enseignants pratiquants marocains? Quelles représentations ont-ils sur les rôles de ces différents éléments ? Avec quels modèles travaillent-ils et comprennent-ils l'approche par compétences adoptée par la réforme curriculaire ? ...

Avant de n'approcher ces questions, il serait plus judicieux de s'arrêter sur le concept de représentation, définir ce qu'on entend par représentations et chercher comment peut-on les mettre en évidence et les cerner.

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Chapitre IV

Représentations

Etudier les représentations, selon Donnay et Charlier (1991), c'est s'interroger sur un mode de connaissances, c'est poser des problèmes relatifs aux apports de l'individu à la connaissance et au réel. C'est aussi considérer la connaissance comme une construction d'un individu ou d'un groupe inséré dans un contexte social et culturel. C'est bien dans ce sens que nous nous interrogeons, dans le cadre de notre travail, sur les modèles construits par les enseignants concernant leur fonction, plus précisément concernant l'acte de l'apprentissage et de l'enseignement d'un savoir dans le cadre de la nouvelle approche pédagogique adoptée par la réforme curriculaire de notre système éducatif. Les représentations des enseignants sur leur rôle, leur fonction et même sur leur pratiques pédagogiques, peuvent être considérées comme des représentations sociales du fait qu'elles dépendent en plus de la formation initiale et de l'histoire biographique de la personne, du milieu social auquel appartient l'enseignant et l'apprenant.

Dans ce qui suit, nous allons essayer de chercher comment peut-on cerner et analyser les représentations des enseignants. Mais avant, nous allons préciser ce qu'on entend par représentation tout en présentant un aperçu sur la perception et la conception.

I/ Perception - Conception - Représentation(s)

* La perception correspond, dans le dictionnaire Foulqué, à une opération mentale de celui qui perçoit, c'est-à-dire, celui qui reçoit dans son esprit ou atteint par son esprit l'objet de connaissance ; de celui qui prend connaissance principalement des faits extérieurs, par les sens (p.252).

La perception varie d'un individu à un autre. Elle dépend du cadre de référence de la personne qui perçoit, et des représentations préconstruites sur l'objet de la perception. Selon Bergson, il est incontestable que le fond d'intuition réelle, et pour ainsi dire instantanée, sur lequel s'épanouit notre perception du monde extérieur, est peu de chose en comparaison de tout ce que notre mémoire y ajoute (...). Il faut tenir compte de ce que percevoir finit par n'être qu'une occasion de se souvenir. (dic. Foulqué, p. 526)

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* La conception est définie comme un acte de pensée qui s'applique à un objet existant. Pour Abric (1994), la conception compose un modèle mental composé d'entités insécables -- des îlots de connaissances mobilisables pour l'action --, alors que la représentation constitue le processus et le produit d'une activité de construction, existant dans le rapport à une culture (Rouiller 2005). La conception correspond à une manière de se représenter quelque chose, de concevoir et d'en juger. Alors que la représentation est c'est ce par quoi un objet est présent dans notre esprit.

* La représentation, étymologiquement, correspond à l'action de présenter ou de rendre présent de nouveau, au sens ou à l'esprit, les objets de pensée (dictionnaire Foulqué). Elle correspond aussi à l'idée qu'un individu se fait d'une réalité complexe, à partir d'éléments relevant de l'expérience, de la transaction sociale, de ses propres souvenirs... (dictionnaire de pédagogie, 2000, P.244).

Selon Jodelet (1989), elle constitue une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social. Egalement désignée comme « savoir de sens commun » ou encore « savoir naïf », « naturel », cette forme de connaissance est distinguée, entre autres, de la connaissance scientifique.

Dans le domaine de l'éducation, la représentation peut être considérée comme un des moyens à partir desquels se structurent les comportements d'enseignement et d'apprentissage. Elle constitue selon Donnay et Charlier (1991), un instrument de perceptions de la réalité, orienteur des conduites. Cette réalité, d'après Abric (1997), est appropriée par l'individu ou le groupe, reconstruite dans son système cognitif, intégrée dans son système de valeurs dépendant de son histoire et du contexte social et idéologique qui l'environne. La représentation constitue donc le produit et le processus d'une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique (Abric, 1994). Elle présente de ce fait, un aspect dynamique relatif au processus d'élaboration et un autre statique correspondant au résultat de cette élaboration. Celle-ci fait intervenir un cadre de référence, des modèles pré-élaborés pour comprendre la réalité. C'est d'ailleurs ce qui permet à l'individu ou au groupe de donner

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un sens à ses conduites et de comprendre la réalité, à travers son propre système de références, donc de s'y adapter, de s'y définir une place (Abric, 1997).

Les individus constituent, d'après Donnay et Charlier (1991), des théories personnelles à partir de différentes relations (cause, but, conséquence...) qu'ils établissent entre leurs représentations. Pour un même objet, l'individu peut présenter des représentations complémentaires permettant l'explication de ses conduites et de ses réflexions. Ce réseau de représentations constitue alors des théories personnelles qui peuvent devenir collectives si elles sont partagées par un groupe social (p. 99).

Ces représentations et ces théories sont influencées par différents facteurs. Elles varient en fonction :

- de l'objet de la personne ou du groupe qui en est porteur ;

- du cadre de référence des individus ;

- de la situation de référence ;

- du projet dans lequel elles s'inscrivent ;

- du moment auquel elles sont formulées.

Ainsi selon Donnay et Charlier, nous n'appréhendons jamais qu'une partie de la représentation, le sujet ne livre jamais qu'un aspect fragmentaire de ses représentations, il exprime ce qui lui parait pouvoir ou devoir être dit dans la situation qu'il perçoit (...) différentes facettes de ces représentations peuvent apparaître en fonction du projet de l'individu et de la situation du recueil du moment (p. 100).

L'existence de ces différents facteurs nous conduit à chercher comment nous pouvons cerner ces représentations, mais avant nous allons présenter leurs fonctions puis développer comment elles se construisent.

II/ Fonctions des représentations

Les représentations selon Abric (1997 ; 2001), ont différentes fonctions : fonctions cognitives ; fonctions d'interprétations et de construction de la réalité ; fonctions identitaires ; fonctions d'orientation des conduites et des comportements et fonctions justificatrices des pratiques. Par le biais de ces fonctions, elles permettent :

- D'intégrer de nouvelles données au cadre de pensées des individus ;

- De comprendre et d'expliquer la réalité et la vie quotidienne ;

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- De définir le cadre de référence commun qui permet l'échange entre les individus, la transmission et la diffusion du savoir.

- De définir l'identité et la sauvegarde du groupe tout en guidant les comportements et les pratiques.

- De justifier les prises de position, des attitudes et des comportements une fois réalisés.

Dans notre recherche, les représentations seront considérées selon leurs fonctions d'interprétation et de construction de la réalité, mais aussi selon leurs fonctions d'orientation des conduites et des comportements ainsi que celles de justification de pratiques. Les enseignants seront appelés à mobiliser leur représentations pour interpréter le changement prescrit par la réforme, mais aussi pour expliquer leur points de vue ainsi que leur pratiques et le comportement d'autres enseignants.

III/ Construction des représentations

Moscovisci (1961) distingue quatre phases dans la construction et l'élaboration d'une représentation :

- Phase de décontextualisation de l'objet et élaboration d'un « modèle figuratif » : Celui-ci peut se décrire comme une « structure imageante », constituée de « notions clés » mises en relation les unes avec les autres (Jodelet 1984). Cette phase correspond, d'après Jodelet, à une étape de « schématisation structurante » de la représentation.

- Phase de catégorisation où le modèle figuratif prend le statut de l'évidence. Le sujet va s'en servir pour catégoriser et interpréter la réalité.

- Phase du modèle actif : le modèle qui va orienter les conduites et les relations, appelée aussi phase d'ancrage ou d'activation du noyau de la représentation.

- Phase de constitution de la représentation. Celle-ci se consolide et génère des attentes et anticipations spécifiques.

La première phase est considérée par Moscovisci comme la plus importante des phases de construction de la représentation. Celle-ci peut devenir un « cadre cognitif stable » par le biais du modèle figuratif élaboré.

La construction de la représentation peut être représentée par deux phases :

- phase d'élaboration du modèle figuratif ;

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- phase d'utilisation et d'exploitation de ce modèle dans l'analyse et la compréhension de la réalité et aussi dans l'explication et la justification de cette réalité.

Dans le cadre de notre travail, étant donné que les enseignants n'ont pas eu de formation continue en relation avec les changements prescrits par la réforme, et qu'ils ont travaillé depuis des années dans le cadre de cette réforme, tout en utilisant les nouveaux manuels scolaires et en appliquant quelques instructions officielles, une mise en évidence des « modèles figuratifs » mobilisés et exploités par ces enseignants afin d'analyser et de comprendre les prescrits de la réforme, plus précisément l'approche par compétences, et d'expliquer ainsi que de justifier leurs pratiques pédagogiques, s'avère indispensable.

IV/ Cerner les représentations

Trois couples de concepts16 sont avancés par Donnay et Charlier (1991) dans le but de cerner les représentations.

- le social et l'idiosyncrasique (la spécificité individuelle) :

Les représentations ont une facette individuelle et une autre sociale, selon le nombre d'individu qui les partage. Leur contenu dépend de l'histoire de l'individu et de son expérience avec les objets dans un environnement spécifique. Au sein d'un groupe, elles assurent la communication et participent à l'édification des rapports sociaux en développant des modèles de conduites propres à chaque groupe. C'est ce qu'on appelle aussi la culture du groupe.

- un processus et un produit :

Pour Moscovisci, les représentations sont des processus de médiations entre les concepts (à dominante cognitive) et des perceptions du monde (à dominante sensorielle). Elles sont des filtres de la réalité qui permettent aux individus de prédire les événements et d'organiser une action en fonction d'anticipation. Elles peuvent être appréhendées comme des processus en tant que mode de construction et de structuration des connaissances. Leur analyse portera sur les mécanismes de stockage, d'intégration et de recouvrement de

16 D'autres couples de concepts caractérisent la définition des représentations: dynamique-équilibre ; sujet-objet ; contenu-fonction ; cognitif-affectif et psychomoteur ; vrai-faux ; (Charlier 1989).

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l'information (Charlier 1989). Elles peuvent être étudiées aussi, comme des produits. Dans ce cas, leur contenu, leur modalité, leur structure et leur organisation seront analysés.

- supports et produits de l'apprentissage

Pour les constructivistes et les cognitivistes en général, les apprentissages se structurent sur la base des représentations. Apprendre, c'est construire de nouveaux réseaux sémantiques à partir des représentations et des théories existantes, déjà stockées en mémoire (supports) (p.101). Le produit de cet apprentissage consiste en une nouvelle organisation représentationnelle (Charlier, 1989).

Tous les enseignants ont des théories de leur professionnalité et des représentations sur lesquelles ils articulent l'apprentissage de nouvelles pratiques éducatives. Ignorer ces théories et ces représentations lors de l'introduction d'un changement pourrait contribuer au développement de deux systèmes de réponses parallèles utilisés en fonction des situations.

Dans le cadre de notre travail, qui a pour objectif de comprendre les causes du non engagement des enseignants dans le changement imposé par la réforme curriculaire, nous allons essayer de cerner les représentations en tant que processus et produit et en tant que social et idiosyncrasique. Il nous serait difficile de les cerner en tant que supports et produits d'apprentissage, car dans notre cas, l'apprentissage est plus en relation avec l'expérience et l'autoformation qu'avec un programme de formation possible à analyser.

V/ Analyser les représentations

Le modèle figuratif de Moscovisci, développé ci-dessus, constitue pour Abric, l'embryon du noyau central de la représentation (Moliner, Mastor, 2005). Pour celui-ci, toute représentation sociale stabilisée s'organise autour d'un noyau central. Ce noyau remplit deux fonctions :

· une fonction génératrice correspondant à sa capacité de déterminer la signification des autres éléments de la représentation, les éléments périphériques ;

· une fonction organisatrice correspondant à sa capacité de déterminer la nature des liens qui unissent les éléments de la représentation.

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Il a pour fonction donc de générer le sens17 et l'organisation de la représentation.

Le noyau central est entouré par des éléments périphériques qui sont marqués par l'expérience et par l'historique de l'individu. Ils fonctionnent comme des grilles de décryptage de la réalité. Ils ont pour fonction de protéger le noyau central, d'indiquer ce qui convient de faire ou de dire selon les situations (fonction prescriptive), de réguler et d'adapter la représentation aux évolutions du contexte. Ils évoluent, se transforment et s'adaptent. Ils constituent ainsi l'interface entre le noyau et la situation concrète dans laquelle s'élabore ou fonctionne la représentation.

Dans un groupe, ces éléments sont généralement hétérogènes, plus sensibles aux effets du contexte. Ils permettent l'intégration dans la représentation des variations individuelles liées à l'histoire de l'individu. Par contre, le noyau correspond aux éléments cognitifs (opinions, croyances, informations...) qui font l'objet d'un consensus dans le groupe porteur de la représentation. Il est marqué par la mémoire collective du groupe mais aussi marqué par le système de normes auquel il se réfère (Catanas, 2003). Son contenu est constitué des éléments qui donnent sens à la représentation. Ces éléments sont :

- la nature de l'objet représenté.

- La relation de cet objet avec le sujet ou le groupe

- Le système de valeurs ou de normes

Généralement il est stable et résiste au changement. Son repérage et son dépassement deviennent primordiaux dans le cadre d'une implantation d'un changement imposé.

Etant donné que le changement est récent et qu'il n'y a pas eu de formation continue dans ce sens, nous supposons que les éléments de la réforme seront plus interprétés ou critiqués sur la base des normes auxquelles se référent les acteurs éducatifs.

17 Contrairement à Abric, pour Bataille (2002), les éléments centraux sont polysémiques et leur signification est précisée par les éléments périphériques. Ces derniers sont concrets et contextualisés. Ils sont modulateurs de sens aux éléments centraux (Moliner, mastor, 2005)

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Questions de recherche et Hypothèses de réflexion

Dans une perspective constructiviste, l'interprétation attribuée aux éléments du changement par les acteurs pédagogiques tels les enseignants, est à prendre en considération dans l'implantation d'une réforme curriculaire. Cette interprétation est influencée par les représentations que peuvent avoir les enseignants sur les éléments du changement. Ces représentations sont parfois à considérer comme des obstacles à la compréhension des finalités de la réforme, comme des causes des résistances au changement au sein d'un système éducatif.

Dans le cadre de ce travail, le changement préconisé par la réforme (celui de l'adoption de l'approche par compétences) consiste en un changement dans la conception d'apprentissage et d'enseignement d'un côté et dans celle de l'exercice du métier d'un autre côté. Un tel changement a pour conséquence un changement dans le rôle de l'enseignant et de l'apprenant dans l'acte d'apprentissage.

Des changements de tel ordre ne peuvent être seulement décrétés, mais ils doivent passer par une évolution des représentations, des identités, des compétences, des gestes professionnelles et de l'organisation du travail (Perrenoud, 1999).

Dans cette recherche, nous allons nous contenter d'une mise en évidence des représentations des enseignants concernant :

Les éléments constituant les fondements d'un changement de pédagogie : l'apprentissage, l'enseignement, le rôle de l'enseignant et celui de l'apprenant dans l'apprentissage. Tout en supposant que les conceptions des enseignants sur l'enseignement, sur le rôle de l'enseignant et sur celui de l'apprenant sont dépendant de leur conception sur l'apprentissage ;

L'exercice de leur métier d'enseignant. Nous supposons qu'il y a une relation entre la compréhension et l'adoption de l'APC et les représentations qu'ont les enseignants sur l'exercice de leur métier.

De ce fait, dans le cadre de ce travail, nous allons approcher les questions suivantes :

* Quelles sont les représentations des enseignants face à l'exercice de leur métier ?

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* Quelles sont les représentations des enseignants face à leurs pratiques pédagogiques, en rapport avec leurs représentations sur l'apprentissage et l'enseignement, ainsi que celles de leur rôle et de celui des élèves dans leur apprentissage ?

Pour cela, nous tenterons de mettre en évidence les représentations des enseignants afin de les analyser en différenciant les éléments périphériques de ceux du noyau. Nous essayerons de déterminer le ou les modèles figuratifs qui sont mobilisés comme modèles de références pour expliquer l'apprentissage et l'enseignement et pour comprendre la réalité actuelle du changement.

Nos hypothèses de réflexion :

À partir de notre cadre de référence, nous pensons que, du fait que les enseignants n'ont pas eu de formation continue, ni un accompagnement au cours de l'implantation de la réforme curriculaire :

· les enseignants se considèreraient comme des exécutants de programmes officiels et non comme des professionnels d'enseignement (hypothèse 1).

· les modèles de références, auxquels ils se référent dans leurs pratiques, appartiendraient au paradigme d'enseignement (hypothèse 2) et non à celui d'apprentissage.

Nous pensons aussi que ces représentations pourraient avoir des conséquences sur la compréhension du changement et sur l'engagement des enseignants dans leur apprentissage. Hypothèse que nous n'allons pas vérifier dans ce travail, toutefois, nous utiliserons la façon avec laquelle les enseignants pensent le changement comme une situation permettant la mise en évidence des représentations mobilisées pour expliquer ou argumenter leurs idées et leurs pratiques.

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Partie II

Méthodologie

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I/ Démarche méthodologique

A/ Type de recherche :

Notre recherche est de type recherche descriptive à perspective socioconstructiviste. Elle cherche à décrire les représentations des enseignants vis à vis de l'exercice de leur métier, de l'apprentissage et de l'enseignement et de leur rôle ainsi que celui de l'élève dans l'apprentissage.

Cette description aura pour but de mieux comprendre les acteurs influençant l'implantation d'une réforme curriculaire. Elle tentera de soulever les difficultés et/ou les obstacles qui pourraient influencer la compréhension, l'engagement et l'implication dans un changement d'approche pédagogique dans le cadre d'une réforme curriculaire. Ces obstacles pourraient même être les causes d'une résistance d'engagement dans le cas d'un changement imposé (réforme).

B/ Recueil des représentations :

Les représentations ne sont pas directement observables. Elles peuvent être mises en évidence par le biais de comportement, d'attitudes, d'explications, de justifications... leur étude, d'après Abric (2001) pose deux problèmes méthodologiques redoutables : celui du recueil des représentations et celui de l'analyse des données obtenues (p. 59).

Le recueil de leur contenu peut se faire d'après Abric (1997), par le biais de méthodes interrogatives (entretien, questionnaire, méthodes figuratives et graphiques) et associatives (l'association libre, la carte associative...).

D'autres méthodes, selon toujours Abric, permettent le repérage de l'organisation et de la structure interne de la représentation ainsi que le repérage des liens entre les éléments de la représentation. Ces méthodes se basent surtout sur la comparaison et l'association entre les éléments (sous forme de mots ou des items...) que ce soit d'une façon libre ou dirigée.

La vérification de la centralité du noyau, dans le cas de représentations sociales est faite par différentes méthodes telles que, les techniques de mise en cause du noyau, méthodes d'induction par scénario ambigu, méthodes des schèmes cognitifs...

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Dans les méthodes interrogatives, l'entretien semi directif semble être le plus adapté au recueil du contenu de la représentation (information, attitudes et opinions). Il est à l'heure actuelle, une méthode indispensable à toute étude sur les représentations (Abric, 2001).Toutefois, certains inconvénients sont à enregistrer :

- L'influence de la relation entre l'interviewé et l'intervieweur sur les données de l'entretien ;

- L'analyse du contenu des données de l'entretien peut être influencée par l'interprétation subjective du chercheur.

- L'accès à la structure et à l'organisation des éléments de la représentation reste parfois difficile

C'est pour cela, que l'entretien doit être complété par d'autres techniques visant à contrôler et à approfondir les éléments recueillis.

C/ Démarche méthodologique

Afin de mieux approcher les représentations des enseignants dans cette recherche, nous avons diversifié les situations de leur recueil tout en adoptant différents outils qualitatifs, des entretiens en groupe et individuel et des analyses en groupe de séances de cours enregistrées. Ces outils seront décrits dans le chapitre suivant.

Nous avons opté pour un entretien non directif et un autre semi directif pour mettre en évidence le contenu des représentations. Le premier nous a permis de mieux introduire et orienter les questions du deuxième.

Pour repérer l'organisation et la structure des éléments de la représentation, nous avons opté pour une analyse de séances enregistrées sur vidéo. Des associations entre certains éléments ont été recherchées. Une grille a été proposée dans le but de repérer des liens entre des éléments tout en mettant en évidence le noyau significatif de la représentation.

Du fait que les situations d'enseignement apprentissage sont variables, nous pensons que l'analyse de séances enregistrées permettrait aux enseignants de discuter sur les mêmes activités et de présenter plus d'arguments sur leurs pensées.

Selon Perrenoud (2005), dans une analyse de situations il y a toujours une dérive normative. La tentation de juger, de normaliser, de donner des conseils renait constamment

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chez chacun dans un groupe d'analyse. Cette dérive normative favoriserait une mise en évidence de certains liens et associations entre des éléments des représentations.

Cette analyse, à notre avis, clarifierait mieux les représentations des enseignants sur leurs pratiques pédagogiques tout en présentant comment ils conçoivent l'exercice de leur métier, ainsi que l'apprentissage, l'enseignement, leur rôle et celui de l'élève dans l'acte d'apprentissage.

Pour résumer, nous pensons que ces différents outils, l'entretien collectif, l'entretien individuel semi directif, l'analyse de séances enregistrées, nous permettraient de :

- recueillir les éléments composant la représentation ;

- comprendre l'organisation de ces éléments ;

- identifier, même sous forme de supposition, le noyau structurant (le modèle) de chaque représentation.

Le travail par groupe a été encouragé dans ces recueils, en référence aux fonctions de justification des représentations. En groupe, nous pensons que les enseignants vont essayer de justifier leurs pensées durant la discussion entre pairs.

Toutefois, nous tenons à signaler, que nous sommes conscient que les outils utilisés restent incomplets et que les résultats auxquels nous arriverons, restent limités aux enseignants de notre échantillon.

D/ Population - Echantillon

Notre recherche s'intéresse aux acteurs éducatifs, pratiquants sur le terrain et dans la classe qui sont les enseignants. Plus précisément, les enseignants du secondaire collégial et du secondaire qualifiant, de l'enseignement général urbain qui ont différents profils de formation initial avec une ancienneté variant de 1976 jusqu'à 2006.

Nous supposant que le contexte a un effet sur les représentations des enseignants, surtout sur les éléments périphériques de leurs représentations. D'où le choix d'un échantillon composé d'enseignants pratiquants au lycée collégial et de ceux pratiquants aux lycées qualifiants (voir annexe 1)

Les différences se résument aux points suivants :

- Le changement s'est instauré en lycée collégial avant le lycée qualifiant.

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- L'importance donnée au savoir est plus importante au secondaire qualifiant qu'au secondaire collégial. (Le but de l'enseignement au lycée qualifiant consiste plus à un approfondissement des concepts abordés dans les niveaux primaires et collégiaux et en un développement de compétences spécifiques).

Ces enseignants, dont la majorité était formée à travailler avec une pédagogie par contenu ou par objectifs, n'ont pas reçu de formation continue en relation avec l'approche par compétences. Ceux du lycée collégial travaillent depuis l'année scolaire 2003-2004 sur des programmes et des manuels scolaires élaborés dans le sens de l'approche par compétences. Ceux du lycée qualifiant sont à leur deuxième année de réforme curriculaire. Ces enseignants appartiennent au même environnement, ils habitent en ville, et pour la majorité l'accès à l'information surtout par le biais de l'Internet, est à leur portée (cybers, bibliothèques...).

Nous nous contenterons des enseignants des sciences, enseignants avec qui nous avons plus de contact, et chez qui nous avons pu déterminer une difficulté dans l'engagement dans le changement.

II/ Présentation des outils

Nous présenterons dans ce chapitre les différents outils employés pour mettre en évidence des éléments des représentations des enseignants sur l'apprentissage, l'enseignement, le rôle de l'enseignant et de l'apprenant dans l'apprentissage ainsi que leurs représentations sur l'exercice de leur métier. Cette présentation se fera selon les objectifs de chaque outil et les liens qui existent entre eux. Ainsi nous commencerons par l'entretien collectif puis l'entretien individuel semi directif, pour terminer par l'analyse de séances enregistrées.

A/ L'entretien collectif :

L'entretien a été réalisé en langue arabe (langue parlée du pays) et enregistré par un caméscope, avec un groupe de 10 professeurs du lycée qualifiant, en février 2007et un groupe de 13 professeurs du lycée collégial en mars 2007. Ces entretiens ont été faits dans le but de repérer des indicateurs concernant les représentations des enseignants sur :

- L'exercice de leur métier

- L'apprentissage, l'enseignement

- Le rôle de l'enseignant et celui de l'apprenant dans l'apprentissage

Deux questions ouvertes ont été posées : Pourquoi, à votre avis, a-t-on réformé notre approche pédagogique ? Que doit changer l'enseignant dans ses pratiques pédagogiques ? (annexe 2). Nous nous sommes basés sur le fait que les représentations sont mobilisées comme des grilles de lectures de la réalité. La manière dont les enseignants comprennent le changement pourrait nous permettre de recueillir quelques éléments des représentations sur les questions qui nous intéressent.

Au début, nous avons fait un tour de table, chacun prenait la parole pour donner son point de vue. Après avoir demandé leur avis sur ce qui a été avancé, la discussion a été entamée librement. La durée de chaque entretien était dans les environs de deux heures.

Le contenu de ces entretiens nous a permis de soulever d'autres questions que nous avons exploitées dans l'entretien individuel.

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B/ L'entretien individuel semi directif :

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Il a été réalisé avec quatre professeurs, durant le mois de juin 2007 : deux du lycée qualifiant et deux du lycée collégial. Les personnes n'ont pas été choisies. Elles étaient bénévoles et appartenaient aux deux groupes interviewés collectivement. La durée des entretiens a varié d'une heure à deux heures, selon la discussion entamée avec ces enseignants. Parfois, il fallait recadrer la discussion pour ne pas s'éloigner des objectifs recherchés.

Une fiche d'aide (voir annexe3) a été élaborée sur la base du cadre théorique et de l'entretien de groupe. Elle reflète les objectifs recherchés. Les questions proposées ont pour but la mise en évidence des représentations des enseignants sur l'apprentissage, sur l'enseignement et sur le rôle de l'enseignant et de l'élève dans l'apprentissage. Celles concernant le changement nous permettraient de recueillir les connaissances mobilisées pour analyser le changement et pour s'engager dans leur propre apprentissage.

A travers les différentes questions posées nous cherchons à répondre aux questions suivantes :

- Quelle relation a l'enseignant avec le savoir ?

- Comment conçoit-il l'apprentissage et l'enseignement ?

- À quoi attribue-t-il de l'importance dans l'élaboration de son cours ?

- À quel modèle d'enseignement se réfère-t-il ?

- Quel rôle attribue-t-il à l'élève et à lui même dans l'acte d'apprentissage ?

Durant l'entretien, avant de passer d'une question à une autre, nous reformulions en un ensemble de points ce qui a été dit. Cette reformulation avait pour but de confirmer ce qui a été avancé par l'interviewé. Aussi, l'ordre des questions changeait parfois selon les réponses des interviewés. Parfois des explications sont présentées pour mieux orienter la discussion sur les objectifs recherchés. Nous avons essayé de donner la forme de discussion à l'entretien pour le rendre plus naturel.

C/ Analyse de séances enregistrées :

Deux séances de début de cours de la première année collégial, présentées en langue arabe, ont été enregistrées, au cours de l'année scolaire, sans aucune préparation préalable. Ces séances correspondent à deux situations problèmes concernant un cours sur les équilibres écologiques naturelle et un autre cours sur l'alimentation selon les nouveaux

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programmes. Les enseignantes qui les pilotaient étaient bénévoles et ce sont elles qui ont fait le choix de ces séances. Elles appartenaient au groupe du lycée collégial qui a participé à l'entretien collectif et à l'analyse de ces séances. Cette analyse s'est déroulée à la fin du mois de mai 2007 en présence de ces enseignantes.

La technique utilisée dans cette analyse, consiste à remplir individuellement, une grille (voir annexe 4) proposée en langue arabe et à la discuter en groupe. Les enseignants ont été appelés à présenter leur accords ou désaccords avec ce qui est observé, en référence aux éléments de la grille, et à présenter leur jugement sur des situations communes.

Cette grille a pour but de proposer des éléments pour diriger et orienter l'analyse et en même temps pour savoir comment les enseignants comprennent certains concepts didactiques les plus utilisés dans les instructions officielles : situation problème, erreur... Cette compréhension a une relation avec la manière dont ils conçoivent leurs pratiques pédagogiques. Aussi, a-t-elle pour objectif de mettre en évidence les indicateurs employés par les enseignants pour juger l'apprentissage des élèves et le rôle de l'enseignant et de l'élève dans cet apprentissage.

Nous cherchons à travers cette grille à répondre aux questions suivantes :

- Comment l'enseignant pense-t-il son enseignement ?

- Quels objectifs attribue-t-il aux activités de son cours ?

- Comment conçoit-il l'apprentissage des élèves et comment le juge-t-il ?

- Quel rôle attribue-t-il à l'élève et à lui même dans l'apprentissage ?

- Comment remédie-t-il aux erreurs des élèves ?

- À quel(s) modèle(s) didactique se réfère-t-il ?

L'analyse de ces séances a été précédée par une étape de mise en évidence des décisions prises par les enseignants au cours de la préparation de leur cours. Selon Charlier (1989), c'est durant la phase de préparation que les enseignants prennent des décisions concernant le projet de leur enseignement. Ces décisions peuvent se référer soit :

· À l'élève, à ses pré-requis, à ses représentations, à ses attentes...

· Au savoir, au contenu à enseigner : précisément au problème de présentation du cours afin de traiter le programme scolaire ;

· Au savoir à enseigner en relation avec l'élève, aux difficultés que peut rencontrer l'élève, aux obstacles épistémologiques pour certains concepts scientifiques...

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Durant cette étape, les enseignants ont été appelés à noter et à discuter les objectifs auxquels ils se référent généralement, dans leur préparation. Cela, dans le but de mettre en évidence la place qu'ils attribuent à l'apprenant dans leur enseignement. Nous pensons qu'une telle discussion permettrait de soulever certains éléments de leur représentation sur l'apprentissage et l'enseignement sans qu'ils soient influencés par les séances enregistrées.

En résumé, l'analyse des séances et la mise en évidence des décisions prises au cours de la préparation des cours, ont pour but de permettre aux enseignants de discuter sur des éléments précis, tout en avançant des indicateurs et des arguments pour mieux expliciter leurs pensées concernant leurs pratiques pédagogiques, en relation avec l'apprentissage des élèves. Les comparaisons qu'ils pouvaient faire avec leur manière d'approcher les leçons enregistrées sont à considérer comme des arguments concernant leurs représentations sur les pratiques pédagogiques de la classe. Ainsi des relations et des liens entre des expressions, des jugements avancés et justifiés peuvent être soulevés et/ou déduits de la discussion.

Le travail individuel a été utilisé afin de leur permettre de réfléchir sur ce qu'ils vont discuter en mobilisant leurs propres connaissances. En groupe, les enseignants sont appelés à présenter, justifier et confirmer les propos individuels tout en donnant leur avis sur les séances par comparaison à ce qu'ils font quand ils enseignent ces leçons. Le contenu de la discussion est l'objectif principal de cette analyse. Des questions ont été posées pour mieux orienter la discussion vers l'objectif recherché. Un recueil des commentaires a été réalisé.

D/ Critères de scientificité :

Afin de juger de la scientificité de l'instrumentation, nous allons discuter en premier de l'effet-chercheur. Ensuite nous discuterons de certains éléments touchant la validité et la fidélité de nos outils.

Concernant les entretiens réalisés, nous avons rencontré des difficultés pour convaincre des enseignants à faire l'entretien individuel et à l'enregistrer. Notre fonction18 semble être en cause. Certains de ceux que nous avons interviewés, nous ont demandé notre point de vue sur leur profil (s'ils sont de bons professeurs ?). D'autres nous ont

18 L»inspection de l'enseignement secondaire

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expliqué le refus des autres professeurs par le fait qu'ils ne peuvent s'empêcher de parler sans l'idée d'être jugés et évalués. Nous pensons qu'il aurait été préférable de réaliser cet entretien par le biais d'autres enseignants ou des personnes qui ne travaillent pas dans l'enseignement. Dans ce cas, nous aurons pu avoir un échantillon plus élevé que celui que nous avons maintenant. Aussi nous aurions pu recueillir ce qu'ils pensent exactement sur les points étudiés. Par exemple, pour les questions en relation avec l'enseignement, certains enseignants parlaient plus des conditions de travail que de leurs propres activités. Afin de remédier à cela, nous avons essayé de reposer les questions autrement en leur demandant de nous expliquer comment se comporteraient-ils si les conditions étaient convenables (nombre d'élèves réduit, présence de matériel...). Nous allons essayer de tenir compte de cela dans nos interprétations.

Les questions proposées, dans ces entretiens, n'ont pas été validées par des acteurs éducatifs. Nous ne l'avons pas jugé nécessaire, étant donné que c'était nous-même qui posait les questions. Des clarifications et des modifications ont été présentées en cas de besoin, afin d'orienter la discussion selon les objectifs recherchés.

Cependant, nous avons essayé de vérifier la validité et la fidélité de la grille d'analyse des séances enregistrées. Cela en la proposant à quatre enseignants bénévoles du secondaire qualifiant. Ces derniers ont été appelés à remplir la grille à partir de l'observation des séances. La synthèse de leurs réponses est présentée en annexe 4. Nous n'avons pas enregistré des difficultés dans sa compréhension. Ces enseignants ont trouvé que les séances sont « normales » et que la majorité des cours se réalisent de la même façon que ceux enregistrés.

L'analyse de ces séances par ces enseignants a été employée aussi afin de donner une idée sur les séances. Une présentation non influencée par notre subjectivité ni par celles des enseignants qui ont déjà enseigné de tels cours était le but recherché.

Par ailleurs, dans le choix de notre échantillon, nous avons pris en considération le fait que le milieu a des influences sur les éléments périphériques des représentations. C'est pour cela que notre échantillon se divisait en deux groupes, ceux du secondaire qualifiant et ceux du secondaire collégial. Les entretiens ont été faits avec les deux groupes. Par contre, pour les analyses des séances, nous avons rencontré des difficultés dans l'enregistrement

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des séances du secondaire qualifiant. Des enseignants bénévoles se sont désistés à la dernière minute.

Aussi n'avons-nous pas jugé nécessaire de leur proposer les séances du secondaire collégial, car d'un côté, parmi les enseignants de notre échantillon, il y a ceux qui n'ont pas encore travaillé avec les nouveaux programmes. D'un autre côté, nous avons pensé que leur analyse sera faite en référence aux objectifs du secondaire qualifiant.

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Partie III

Traitement et

Interprétation des données

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Dans cette partie, les données recueillies des différents outils utilisés vont être traitées en vue de décrire (paradigme descriptif) les éléments des représentations des enseignants de notre échantillon ainsi que les modèles auxquels se réfèrent-ils. Nous allons présenter en premier ces données19, puis nous allons essayer de les interpréter et de faire ressortir des éléments de représentations ainsi que des liens existant entre eux en référence aux modèles didactiques et professionnels développés dans la partie théorique.

I/ Présentation des données :

A/ L'entretien collectif :

Pour introduire la discussion et pour soulever certains éléments concernant les représentations des enseignants à propos de l'exercice de leur métier, une première question concernant les raisons et les causes d'un changement d'approche pédagogique et d'une réforme curriculaire a été avancée. Les réponses ainsi que la discussion engagée peuvent être résumées dans les points ci-dessous20 :

*/ Certains enseignants disent qu'ils sont au courant des prescrits de la réforme mais n'y adhèrent pas car pour eux, elle ne répond pas aux vrais besoins actuels du système éducatif.

D'autres attendent qu'on les informe et qu'on les forme pour y adhérer. Ils pensent que du moment que les responsables ont adoptés ce changement, cela veut dire qu'il est bien et qu'il faut seulement leur montrer comment faire pour changer leurs pratiques.

*/ Pour certains enseignants, avec une majorité du secondaire collégial, le problème de l'enseignement a pour cause :

- les conditions du travail : effectif élevé, programme chargé, absence d'une évaluation externe au brevet, niveau faible des élèves...

- l'éducation des élèves : ils pensent que les élèves ne sont plus éduqués du fait qu'ils ne respectent plus personnes et qu'actuellement l'école leur donne beaucoup de droits. Il est primordial de chercher comment les éduquer afin qu'ils commencent à respecter l'école.

19 Nous avons traduits ces données de l'arabe en français tout en essayant de refléter les expressions utilisées.

20 Dans les groupes interviewés, il y avait des enseignants qui avançaient leurs points de vue et d'autres qui se sont contentés

de présenter leurs accords avec l'un ou l'autre enseignant sans apporter d'autres arguments.

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«Même certains parents ne savent plus quoi faire et ils nous demandent de faire notre travail, celui de les éduquer » dit une enseignante du secondaire collégien.

*/ Pour d'autres, la PPO, fait travailler beaucoup les enseignants, par le biais des fiches de préparations et la recherche des objectifs opérationnels. Ils sont pour un changement d'approche pédagogiques mais en parallèle d'un changement dans les conditions de travail. Toutefois, ils pensent que tant qu'on ne s'occupe pas de l'éducation des élèves, aucune démarche pédagogique ne fonctionnera correctement.

Des différences sont à enregistrer pour cette première question, entre les enseignants du secondaire qualifiant et ceux du collégial. Elles résident dans l'importance accordée à « l'éducation» des élèves par ceux du lycée collégial et par la « charge » du programme pour ceux du secondaire qualifiant.

Pour la deuxième question, concernant ce que l'enseignant doit changer dans ses pratiques selon la réforme, les réponses n'ont pas été très claires dans les expressions des enseignants. Toutefois, nous pouvons enregistrer les éléments suivants :

- Certains enseignants ont commencé à changer leurs pratiques et à s'intéresser aux élèves. Cela en travaillant plus par groupe et en leur donnant le plus souvent la parole en classe, aussi, en leur laissant le temps pour écrire leur analyse et leur conclusion sur des brouillons avant de noter les réponses correctes sur les cahiers.

- D'autres enseignants ont dit qu'il n'y a rien à changer actuellement dans leurs pratiques. Ils travaillent bien et font leurs cours correctement. Ils consacrent du temps pour expliquer et répondre aux questions des élèves.

« J'explique le cours plusieurs fois tout en posant des questions pour voir s'ils ont compris. Il y en a des élèves qui donnent de bon résultat, qui sont excellents et qui arrivent à communiquer avec toi, mais pour un groupe, c'est la catastrophe... Je ne suis pas responsable des élèves qui ne veulent pas travailler ou qui sont faibles et qui ont beaucoup de lacunes(...) Il faut revoir ce qui se passe au niveau primaire et secondaire collégien. Moi, j'ai un programme à faire et à terminer avant l'examen du bac.» (Enseignant du secondaire qualifiant).

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« Je leur donne le document, je le fais lire par deux ou trois élèves avant de ne le lire moi-même, j'explique les mots difficiles, j'explique les questions, je laisse le temps pour les faire. J'explique les réponses correctes, je leur dicte le résumé, car ils ne savent pas faire des phrases correctes. Quand je demande s'ils ont compris, tous disent oui (...) Au contrôle continu, certains ont des vingt, ce qui montre qu'ils ont bien compris et bien appris, d'autres arrivent à peine à la moyenne, sans parler de ceux qui méritent des zéros. Vraiment c'est décevant, car tu fais tout ton possible et ce n'est qu'une minorité qui communique avec toi. Je ne sais en quoi je dois changer mes pratiques. Ce sont les élèves qui ne veulent rien faire, certains n'apportent même pas le cahier, ou n'écrivent même pas leur cours. Que faire dans ce cas ? Et en plus on nous demande de ne pas les punir, et de ne pas les priver des cours (en les faisant sortir de la classe)... Actuellement, du fait qu'on n'a plus l'examen à la fin de l'année, les élèves ne s'intéressent plus à la matière. Vraiment il ne reste plus rien à faire dans ce travail ». (Enseignant du secondaire collégien)

- Certains enseignants du secondaire collégien qui sont satisfaits de leurs pratiques, se réfèrent à l'éducation qu'ils ont reçue que ce soit dans le cadre de leur famille ou à l'école comme référence. Ils sont pour un retour à la sanction des élèves. Ils pensent que l'élève n'a plus « peur » de l'enseignant et ne le respecte plus. Sans examen final, sans sanction, l'enseignant ne trouve aucun moyen pour faire travailler les élèves dit une enseignante. L'absence de cette éducation selon une majorité est l'une des causes principales de l'échec scolaire.

- Seule une enseignante du lycée qualifiant a expliqué le changement de ses pratiques par le fait qu'elle s'intéresse maintenant plus à l'élève et à faire le rapport entre ce qui est enseigné et la vie courante. Elle sent que ses élèves, plus spécialement les filles, du fait qu'elles ne ratent aucun cours, qu'elles ont commencé à aimer sa matière. Cependant, ce changement a eu des répercussions sur la réalisation du programme et elle n'arrive pas à le terminer.

Cet entretien collectif, reste incomplet. Il ne nous permet pas de clarifier certains points sur l'apprentissage de l'élève. Il reflète plus la vision de l'enseignant sur l'exercice de son métier et sur son enseignement. En outre, une majorité des enseignants a parlé de l'importance que l'enseignant doit donner à l'élève, tout en s'occupant de lui et en le plaçant

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au coeur de l'action éducative. Cependant, les constats et les explications avancées sur leurs pratiques soulèvent certaines questions. C'est quoi pour eux placer l'enseignant au coeur de l'action éducative ? C'est quoi s'occuper plus de l'apprenant ? Des questions que nous avons essayé de mieux approcher dans l'entretien individuel semi-directif.

Ce dernier devrait nous permettre de mettre en évidence d'autres éléments concernant les représentations recherchées dans le cadre de ce travail.

B/ L'entretien individuel semi-directif :

Les enseignants interviewés ont une expérience professionnelle de plusieurs années (de plus de 14 ans). Selon Huberman (1989), pour construire un discours appuyé sur sa pratique, il faut une maîtrise professionnelle et une expérience (in Rouiller, 2005). Nous pouvons considérer alors, le discours des enseignants interviewés, comme un discours appuyé qui peut être objet d'analyse.

Ces enseignants n'ont reçu aucune formation continue depuis leur formation initiale dans les centres de formation (école normale supérieure des professeurs pour le lycée qualifiant et centre pédagogique régional pour le lycée collégial). Durant cette formation, ils ont eu des cours théoriques, ils ont fait des observations de classe et ils ont essayé de donner des cours sous l'encadrement d'enseignants experts, à qui ils assistaient. Toutefois, ils avancent que c'est le travail sur le terrain qui leur a permis de mieux « apprendre » leur métier.

Ces renseignements ont été demandés dans l'intention d'entamer la discussion et de mieux connaître les enseignants. Ils nous ont permis aussi, de relever quelques informations sur leur formation initiale. Une formation que nous pouvons supposer faite selon les modèles les plus classiques du métier de l'enseignant (Paquay & Dezutter, 2003).

L'analyse des entretiens avec chacun de ces quatre enseignants est présentée ci-dessous, selon la succession des questions posées durant l'entretien :

* Les quatre personnes interviewées ont exprimé leur besoin au changement dans le système éducatif, mais pas forcément au niveau de l'approche pédagogique. Sauf pour une enseignante du lycée qualifiant qui pense que la pédagogie par objectif a échoué car elle ne s'intéresse pas à l'élève : « l'élève était hors de l'action éducative ». Aussi fait-elle travailler beaucoup les enseignants par le biais des objectifs opérationnels à élaborer dans les fiches

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de préparations de leçons. C'était fatiguant pour les professeurs. Maintenant on est plus libre et on peut s'intéresser à l'élève et s'occuper de lui. »

Pour les quatre, les conditions de travail (effectif élevé -40 élèves par classe-, programme chargé) nuisent au rendement de l'enseignement de l'enseignant. Un changement de ces conditions est primordial, avant de changer la pédagogie. Un enseignant du secondaire qualifiant a ajouté : « certains trouvent encore des difficultés avec la PPO alors qu'on leur demande actuellement une autre nouvelle approche. Il fallait travailler d'abord par la PPO avant de passer à l'APC ».

Les enseignants du lycée qualifiant (P1 et P2) ont ajouté que le changement s'impose surtout pour les adolescents. Ces derniers, vu que l'école ne conduit pas directement à un travail, comme avant, vu qu'ils observent qu'il y a beaucoup de chômeurs diplômés, il faut chercher à leur donner un sens à l'école. « Maintenant, j'essaie plus de faire le lien entre ce qu'ils étudient et leur vie actuelle » explique l'enseignante P1. L'autre enseignant P2, pense qu'actuellement, avec la mondialisation et la globalisation, des changements dans notre enseignement doivent s'amorcer, entre autre, les objectifs de l'école.

Pour ceux du lycée collégial, ils ne voient pas exactement en quoi ce changement peut être bénéfique pour les élèves, si ce n'est de leur attribuer plus de droits qu'ils n'en ont.

À partir des réponses des quatre enseignants, nous pouvons avancer l'hypothèse suivante : l'élève n'était pas au centre de l'action éducative et ce n'est qu'avec la réforme actuelle qu'on commence à s'intéresser à lui. Une question s'impose d'elle-même, l'ancienne réforme curriculaire avec l'approche pédagogique par objectifs a-t-elle atteint ses finalités ou non ? Avec quelle approche pédagogique travaillent les enseignants actuellement ?

*Pour les quatre enseignants, les préparations de cours se font à partir du contenu des manuels scolaire certifiés par le ministère de l'éducation. Ceux du secondaire qualifiant, ont recours aussi à des livres spécialisées. « C'est le programme et on doit le faire. Parfois on a recours à d'autres livres dans le but de simplifier ou d'expliquer un document présent dans le manuel » répond l'enseignant P2.

Pour P1, elle a dit : « il m'arrive de ne pas comprendre facilement certains documents du manuel. Alors je cherche dans d'autres livres universitaires pour pouvoir l'expliquer aux

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élèves. Comment voulez vous donner un document aux élèves si moi je ne le comprends pas ? Il faut arriver à simplifier les documents compliqués et difficiles ».

Aucun de ces enseignants n'a fait référence à une préparation du cours sur la base de concepts scientifiques à construire ou en référence aux difficultés des élèves ou à des obstacles à l'apprentissage de certains concepts. Les élèves doivent apprendre ce qui est programmé dans les manuels et les instructions officiels. L'enseignant essaie de comprendre ce qui existe dans le manuel dans le but de pouvoir l'expliquer et le simplifier à l'élève.

* Les quatre enseignants jugent l'apprentissage des élèves sur la base de leurs notes au contrôle continu d'un côté et d'un autre côté, sur la base de leur participation en classe ou s'ils arrivent à faire les tâches demandées.

* La majorité des erreurs commises, d'après ces enseignants, sont dues à un manque de savoir, de savoir faire, d'attention, de travail, de motivation et de révision par les élèves.

Ils ne sont plus motivés et ne font plus d'efforts ni de recherches. Sur les copies, les élèves ne consacrent pas de temps à la lecture de la consigne même si je leur fais rappeler cela à chaque fois. En classe, on travaille l'analyse et en contrôle, je ne comprends pas pourquoi ils n'arrivent pas à faire de l'analyse même sur des documents vus en cours. Je vous parle de la majorité, car seule une minorité fait des efforts pour suivre les cours. (selon P3)

En génétique, j'explique bien, je leur montre comment traiter les exercices, je fais passer certains élèves au tableau pour noter leurs réponses, je les corrige tout en insistant sur les erreurs à éviter le jour de l'examen et tout en leur montrant quelques astuces pour s'en sortir en examen, tu sens qu'ils ont compris, certains même te le disent et te le confirment, mais une fois une interrogation est faite, c'est la catastrophe pour un bon nombre d'élèves. Ils ne travaillent pas assez chez eux. Ils ne donnent pas de l'importance à la matière. Ils travaillent plus les maths et les physiques. Ils pensent qu'il suffit d'apprendre par coeur pour répondre en sciences. Mais « ils verront » le jour de l'examen que les SVT ce n'est pas quelque chose de facile. (selon P2)

* À la question, à quel type de problème répond votre contenu ? La réponse semblait évidente pour les enseignants, c'était aux problèmes figurant sur le manuel. P1 et P4 ont

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ajouté, que parfois ce sont les élèves qui les posent à partir de documents qu'ils leur proposent. Il arrive pour P3 que les élèves posent des questions pour tester les compétences de leur enseignant.

*La majorité des activités, selon P1, sont réalisées dans le but de faire apprendre aux élèves un savoir scientifique et de développer chez eux des compétences. Pour P2 et P3, c'est pour faire le programme et pour les préparer à l'examen du bac (P2). Pour P4, c'est pour développer certaines capacités chez eux afin qu'ils commencent à bien raisonner. Mais aussi pour leur transmettre des connaissances, qu'ils pourront utiliser dans d'autres niveaux.

* Permettre un apprentissage, selon les quatre enseignants, consiste en une bonne explication du cours avec une vérification de sa compréhension par les élèves. Aussi, l'enseignant est appelé à simplifier la connaissance pour qu'elle soit au niveau des élèves, à contrôler fréquemment, même oralement, au début de chaque séance les connaissances des élèves et à faire travailler les élèves en classe et chez eux. Cela dans le but de les pousser à réviser leur cours et de les engager dans leur formation (selon P3 et P4). Il est appelé, selon P1, à être proche et ami avec les élèves et à répondre aux différentes questions qu'ils se posent, même si elles sont banales « je leur demande de poser toutes les questions qu'ils veulent. Quand quelqu'un me dit qu'il n'a pas compris, je lui parle gentiment en lui demandant ce qu'il n'a pas compris. Et je reprends le cours même s'il le faut du début. Ou parfois je demande aux élèves de lui expliquer s'il s'agit de quelque chose de facile. »

*Concernant l'explication de la finalité -placer l'élève au coeur de l'action éducative-, à des enseignants débutants, les enseignants du lycée qualifiant ont parlé d'un changement dans le rôle de l'enseignant. Celui-ci est devenu « lourd », l'enseignant étant appelé actuellement à mieux s'occuper de l'élève, à donner de l'importance à ce qu'il dit, à l'écouter, à lui donner des sujets qui sont en relation avec lui, avec son entourage, des sujets qui le touchent, qui le concernent. Selon P1, l'enseignant ne doit plus être considéré comme le seul expert du savoir. Les élèves savent aussi beaucoup de choses. Il faut discuter avec eux et développer leur confiance en eux-mêmes.

Pour les enseignants du lycée collégial, ils pensent plus faire travailler les élèves, en les laissant faire, individuellement ou en groupe, les activités programmées, écrire le contenu

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du cours, mais il faudrait d'abord maîtriser la classe et bien contrôler les élèves, sinon le travail deviendra difficile et parfois même impossible.

* Concernant, les objectifs des activités, leurs préparations, leurs exploitations ainsi que leurs évaluations, les conseils avancés reflètent ce que les enseignants ont dit sur leurs pratiques. Toujours, il y a une référence au contenu du manuel, au programme à réaliser et aux tâches que les élèves doivent exécuter. L'importance attribuée à l'élève se fait à travers le savoir à transmettre et les connaissances à acquérir.

* Pour les conseils en relation avec les erreurs, les quatre ont avancé qu'il faut leur donner de l'importance et les corriger en classe. Selon le type d'erreur et le temps qu'ils ont, le cours peut être réexpliqué ou d'autres exercices peuvent être donnés. Une enseignante du lycée collégien a ajouté « il m'arrive de demander aux bons élèves de faire le cours aux autres, surtout quand il s'agit d'un cours facile. J'ai constaté que dans ce cas, ils comprennent mieux et donnent de l'importance aux concepts. Et dans ce cas, ils se trompent moins en écrit ».

*À la question comment les élèves apprennent et quels conseils peut-on leur attribuer pour orienter leurs apprentissages, les enseignants du secondaire qualifiant ont parlé d'un travail continu sur la base du cours donné en classe, en premier, et sur la base du contenu des manuels tout en faisant des exercices et des problèmes à partir des livres spécialisés. Un travail individuel est encouragé et reste indispensable à l'apprentissage de l'élève. Ce qui est donné dans le cours reste insuffisant pour réussir au lycée selon l'avis de P1.

Pour ceux du lycée collégien. Ils pensent qu'il suffit de bien travailler le cours donné, de bien le comprendre et de bien mémoriser les résumés et les définitions pour apprendre les SVT et pour réussir aux examens.

* Un bon enseignant selon les interviewés, est celui qui maîtrise en premier sa discipline. C'est aussi celui qui sait se respecter et qui contrôle ses élèves. Celui qui ne fait pas appel aux autres pour résoudre ses problèmes. C'est celui aussi qui sait comment parler avec les élèves, comment les motiver, comment les pousser à travailler et à évoluer.

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* Un bon élève est un élève qui est avant tout discipliné, qui assiste à ses cours et s'applique dans son travail, en réalisant les tâches qui lui sont attribuées. C'est aussi celui qui travaille chez lui, qui fait des recherches, qui pose des questions et participe en classe. De tels élèves sont souvent les premiers de leur classe et réussissent sans aucune difficulté, selon le point de vue des enseignants.

C/ Analyse des séances enregistrées :

Avant d'analyser des séances, les enseignants ont été appelés à présenter les objectifs auxquels ils se référent dans la préparation de leur cours. Autrement dit, les questions qu'ils se posent généralement pour prendre des décisions concernant le projet de leur enseignement (Charlier, 1989). Ces questions pourraient nous révéler quelques éléments de leurs représentations sur l'apprentissage et l'enseignement.

Les différentes questions que nous avons pu recueillir se réfèrent aux savoirs à enseigner selon le manuel scolaire et à comment l'enseigner. Elles ne s'intéressent pas à ce que l'apprenant doit maîtriser (Rogiers, 2004).

Deux enseignants ont posé des questions au niveau de leur travail individuel, sur les pré-acquis des élèves, en relation avec le contenu à enseigner. Toutefois ces questions n'ont pas été poursuivies par des questions sur la manière d'exploiter ces pré-acquis, ni sur la manière d'y remédier s'il y a des lacunes ou des obstacles.

Dans les explications avancées, ces enseignants ont ajouté que malgré les nombreuses lacunes enregistrées chez leurs élèves, ils ne leur consacrent pas de temps pour les « combler », étant donné la charge du programme. Ils se contentent souvent d'expliquer ou de présenter les définitions des concepts dont ils auront besoin.

Concernant l'analyse des séances enregistrées, la grille utilisée peut être subdivisée en deux volets. Un volet qui reflète comment l'enseignant pense son enseignement: ses objectifs, ses activités...ainsi que son rôle dans l'apprentissage des élèves. Cela à partir de l'analyse et de la critique des séances enregistrées. Un second reflétera comment il pense l'apprentissage de l'élève et le rôle de celui-ci dans cet apprentissage.

À partir des réponses enregistrées sur la grille et à partir des discussions entamées, nous pouvons noter les points suivants :

·

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Volet 1 :

Pour le premier point de la grille, concernant les objectifs de la leçon, aucun enseignant n'a fait référence aux capacités et aux apprentissages des élèves. Tout ce qui a été enregistré (seulement par quatre enseignants, les autres n'ont rien écrit), concerne des objectifs de contenu, plus précisément les titres des parties de la leçon à traiter existant dans les manuels scolaires.

Durant la discussion, nous avons reposé la question des objectifs aux enseignantes filmées. Elles ont avancé les mêmes objectifs. Une enseignante, nous a dit : « c'est comme dans le manuel scolaire ». Se référer au manuel, semble être la norme pour cette enseignante et aussi pour d'autres.

Ces objectifs ne diffèrent pas de ceux qui ont été notés et discutés avant la visualisation et l'analyse des séances enregistrées.

Concernant les activités réalisées ainsi que leur but, tous les enseignants étaient pour le fait de poser des questions aux élèves pour soulever le problème de la leçon. L'adoption des exercices permettrait de le résoudre et d'arriver au contenu recherché. Un enseignant a insisté sur l'importance de poser des questions fermées afin de guider les réflexions des élèves. Ceci évitera une perte de temps dans des questions qui ne seront pas traitées.

Certains enseignants ont proposé les démarches qu'ils adoptent dans leur cours :

En ce qui me concerne, pour ces mêmes leçons, je procède autrement. Après avoir enregistré les questions posées par les élèves, sur le tableau, je leur donne des documents avec des questions et je les laisse travailler en groupe. Après, on lit les réponses et on note sur le cahier, une parmi celles qui sont correctes. Mais ce sont les élèves qui dictent aux autres leurs réponses. Ce n'est pas moi. Moi je ne fais que corriger la formulation des phrases. Parfois, une fois qu'on écoute les différentes réponses et qu'on les corrige oralement, je leur demande de noter seuls la bonne réponse. Ceci les pousse à mieux suivre ce qu'on dit en classe.

Telle démarche, selon certains enseignants, permet de faire travailler l'élève, surtout celui qui veut travailler (le bon élève) et de le faire participer à l'élaboration du cours. Les élèves qui sont faibles attendent toujours qu'on leur dicte ce qu'ils doivent écrire. Une enseignante a ajouté : ce qu'on dit maintenant, concerne surtout notre travail avec les bons

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élèves et même les moyens. Mais, pour les faibles, il n'y a rien à faire. On fait notre possible seulement pour les faire taire et les garder en classe. Ils perturbent notre travail.

De cela, nous pouvons demander ce qu'est un bon élève ? Quel rôle doit-il adopter dans son apprentissage ? Comment conçoit l'enseignant l'apprentissage des élèves ?

Volet 2

Le deuxième volet de l'analyse nous permet d'approcher ces questions. Ainsi, les séances enregistrées montrent que certains élèves font ce que les enseignantes leur demandent. Ils répondent aux questions et analysent collectivement les documents étudiés. Ils arrivent même à formuler le résumé à noter sur le cahier. Il existe d'autres élèves qui ne font rien à part noter ce qui doit être noté. Durant la discussion, aucun enseignant ne s'est préoccupé de ces derniers élèves. Pour la majorité, le cours est réussi et les élèves ont bien travaillé. Ils sont attentifs et presque tous les élèves lèvent le doigt pour répondre aux questions de l'enseignant.

À partir de la discussion entamée sur les activités réalisées par les élèves, sur les types de réponses avancées, sur son comportement avec les autres, sur les erreurs des élèves et sur l'évaluation des apprentissages, nous pouvons noter les points suivants :

- Les élèves apprennent quand ils participent en classe en répondant aux questions des exercices ou celles posées par l'enseignant ;

- Les réponses « fausses » avancées par les élèves sont souvent rejetées. Parfois elles sont reprises par l'enseignant et reposées aux élèves dans le but de vérifier le degré de leur compréhension et du suivi du cours ;

- Les erreurs ont pour causes : la non-révision des cours précédents, l'inattention et le non suivi du cours entamé, la non-compréhension de ce qui est avancé, le faible niveau des élèves (des élèves qui ne savent même pas formuler et rédiger des phrases correctes...) ;

- Les objectifs de la leçon sont atteints quand les élèves arrivent à faire les activités programmées.

Un enseignant, dans le cadre de ce deuxième volet, a refusé le fait de généraliser par les autres enseignants, que le niveau des élèves est bas et qu'ils ne veulent plus travailler. Il

a responsabilisé le comportement de l'enseignant ainsi que sa démarche d'enseignement. Il a exposé ce qu'il constate dans ses classes.

Moi, ça dépend des leçons. Parfois, nous passons presque toute la séance en discutant sur le thème qu'on va étudier. Ils posent trop de questions. Ils veulent savoir beaucoup de choses. Surtout quand il s'agit du cours sur la reproduction. Je me demande parfois, ce que je vais ajouter à ces élèves ? Certains ont des connaissances poussées. Je ne vois pas pourquoi on dit que le niveau des élèves est bas !! Ce sont les élèves qui te poussent à chercher à améliorer ton enseignement.

Cet enseignant a eu une réplique de la part des autres. Ils lui ont dit que même si les élèves semblent avoir des connaissances, le jour du contrôle, ils ne font rien.

Ceci nous pousse à se poser les questions sur le rôle de l'enseignant dans son enseignement. Quel rôle lui attribue ces enseignants ? Est-il, seulement un transmetteur de connaissances ou aussi un créateur de conditions pour faire apprendre aux élèves, comment mobiliser leurs connaissances et comment les exploiter pour soulever ou aborder des problèmes scientifiques ?

Ces enseignants semblent être dans l'embarras de décisions. Ils sont conscients de la non-efficacité de leur démarche, mais étant donné qu'ils n'ont pas de modèles à suivre21, ils se trouvent perplexes. Le seul qu'ils ont c'est celui avec lequel ils ont étudié et appris.

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21 Une enseignante dans l'entretien collectif a dit : « nous avons assisté à des exposés sur les compétences. Nous savons théoriquement ce que c'est une compétence. Mais nous ne savons pas comment elle doit être développée. Nous n'avons jamais assisté à un cours où on nous montre le développement de compétences ».

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II/ Interprétation des données

L'analyse de ce qui a été avancé par les enseignants peut mettre en évidence certains éléments des représentations sur l'exercice du métier et sur l'apprentissage, l'enseignement, le rôle de l'enseignant et de l'apprenant dans l'apprentissage. Ces éléments peuvent être résumés dans les points ci dessous :

- Certains enseignants, du fait qu'ils attendent qu'on leur montre comment faire, qu'on leur crée les conditions pour travailler, et du fait qu'ils ne se remettent pas en question et ne responsabilisent que les autres (responsables, élèves...) de l'état de l'enseignement, laissent penser qu'ils sont des personnes passives dans l'exercice de leur métier. Ils semblent aussi, qu'ils manquent d'autonomie dans leur action et ne se considèrent pas comme des acteurs ni comme des responsables pouvant intervenir (positivement ou négativement) sur leurs pratiques ou sur leurs conditions de leur travail. Ce qui est fort lien de la pratique d'un professionnel.

Ce manque d'autonomie et cette passivité pourraient être considérés comme des obstacles à la professionnalité (Astolfi, 2003).

- Les réflexions sur l'implantation de la réforme reflètent aussi la conception qu'ils ont sur leur rôle en tant qu'enseignant. Ils semblent qu'ils se considèrent plus comme des exécutants des instructions officielles. Mais de quelles instructions officielles s'agit-il ? Comment interprètent-ils et comment comprennent-ils ces instructions ?

- S'occuper de l'apprenant, selon certains enseignants, est plus utilisé dans le sens affectif que dans le sens de l'apprentissage. Les enseignants parlent surtout de leurs relations avec les élèves. Même ceux qui ont parlé du travail en groupe, ils ne l'utilisent pas dans le but de créer des conditions de conflits cognitifs mais plutôt dans le but de pouvoir diviser le nombre des élèves en petits groupes et arriver ainsi à mieux expliquer son cours et mieux répondre aux questions du plus grand nombre d'élèves. Selon un enseignant, le travail en groupe ne fait travailler que les bons élèves. Ceux-ci répondent aux activités alors que les faibles ne font aucun effort, ils attendent qu'on leur « dicte » les réponses correctes.

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- L'enseignement correspond plus à une explication du cours et à une vérification de sa compréhension par le biais d'un questionnement posé à l'élève par l'enseignant que ce soit dans le cours et au contrôle continu.

- L'enseignant est satisfait de ses stratégies et c'est à l'élève de faire l'effort pour comprendre ce qui a été avancé dans le cours.

- Pour certains enseignants, un examen en fin d'année ainsi qu'un retour à la punition permettraient aux élèves de s'intéresser aux cours et de s'engager dans leur travail.

- Les enseignants s'intéressent surtout aux élèves qui veulent travailler.

- À partir des réponses des enseignants, nous pouvons supposer que ces enseignants ne se posent pas le problème d'un manque ou d'une mauvaise compréhension ou même d'une absence de compréhension due à des obstacles existant chez les élèves ou à l'utilisation de démarches ne leur convenant pas. Toujours, c'est la non-motivation et le refus de s'engager dans leur propre formation que les enseignants reprochent aux élèves.

- Les enseignants interviewés donnent de l'importance en premier, au savoir programmé à transmettre. En second, ils pensent aux conditions nécessaires pour cette transmission, que ce soit au niveau de l'enseignement de l'enseignant ou de son rôle dans la classe ou que soit de l'apprentissage de l'élève, de son comportement ou de son travail en classe ou chez lui. Ces enseignants s'intéressent à la manière de transmettre le savoir programmé et non à ce que doit maîtriser l'élève ni à comment l'aider à construire ses connaissances.

- Pour ces enseignants, les élèves sont encore en état d'apprentissage, spécialement ceux du lycée collégial. Il faut leur montrer surtout quoi faire.

- Dans la phase de préparation de cours, qui est une phase décisive pour le déroulement du cours, l'élève n'est pris en considération que dans un but de contrôle que ce soit au début ou à la fin. L'importance est donnée au savoir à présenter et parfois au contrôle de compréhension de ce savoir par les élèves. L'enseignant s'intéresse à ce qui doit être transmis et à comment le transmettre et non à ce qui doit être construit par l'apprenant ni à comment permettre sa construction.

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- Les pré-acquis semblent ne pas être considérés comme des éléments sur lesquels on peut construire d'autres connaissances. Ils semblent être considérés comme des connaissances auxquelles on ajoute, au dessus, d'autres connaissances.

De ces différents éléments, nous pouvons supposer que l'enseignement correspond à une transmission d'un savoir pré élaboré de la part de l'enseignant à l'élève. L'activité de l'enseignant consiste plus en l'explication et la vérification de la compréhension du cours. L'élève dans ce cas, est appelé à comprendre et à travailler selon les attentes de l'enseignant et de l'examen. Son apprentissage consiste en une mémorisation du cours et un savoir faire pour traiter des exercices et des problèmes. Utiliser le brouillon ou laisser le temps aux élèves pour faire des activités, ou les faire travailler en groupe, semblent être utilisés comme des routines, sans une réflexion sur le pourquoi ni leur intérêt dans l'apprentissage de l'élève.

Conclusion : Éléments de Représentations recueillis :

Les différents éléments recueillis à partir de notre enquête peuvent être résumés dans le tableau ci-dessous. Ainsi, la majorité des enseignants de notre échantillon, sans noter une grande différence entre ceux du lycée qualifiant et ceux du lycée collégien, pensent que :

 

Éléments de représentations

 

* ils comprennent « le cours » après explication de

 

l'enseignant ;

 

* ils arrivent à répondre aux questions posées par

Les élèves apprennent quand :

l'enseignant que ce soit dans le cours ou au contrôle continu ;

 

* ils arrivent à faire les tâches scolaires demandées.

 

* l'enseignant simplifie et explique bien son cours ;

 

* les élèves mémorisent et révisent leur cours chez eux

 

*ils terminent le programme ;

 

*ils expliquent de différentes façons leurs cours ;

 

* ils simplifient et réduisent la complexité du contenu

Les enseignants enseignent

étudié

correctement quand :

*ils font souvent des contrôles pour « pousser » l'élève à réviser son cours ;

 

*ils aident l'élève à construire sa connaissance par le biais de plusieurs questions ;

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*ils leur laissent le temps pour réfléchir sur les activités, pour utiliser le brouillon ou pour écrire le résumé du cours ;

*ils donnent des astuces et des conseils à l'élève.

Le rôle de l'enseignant est :

* de faire le programme ;

* d'être à l'écoute des élèves et d'être proche d'eux ;

* de corriger les erreurs des élèves

* de les contrôler

* de les éduquer

Le rôle de l'élève est :

* d'être assidu ;

* de faire les tâches demandées, en cours ou hors

cours ;

*de réviser, de comprendre et d'apprendre ses cours ;

* de faire de la recherche chez lui ;

* d'arriver à synthétiser ses cours ;

*de s'enrichir par le travail individuel.

L'exercice du métier
d'enseignant consiste en :

* une application des instructions officielles * une exécution des tâches programmées * une dépendance et une absence d'autonomie * une passivité dans l'exécution du métier

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III/ Vers la recherche de modèles de références

Les représentations sont à rechercher dans ce qui existe derrière ce qui est dit, dans les interstices du déclaré. Car ce que déclare un enseignant ne correspond pas à un fait mais à sa conviction en références à certaines situations (Rouiller, 2005).

Dans cette partie, nous cherchons à supposer l'organisation des éléments de représentations déduits des différentes discussions avec les enseignants de notre échantillon, plus précisément, à partir des discussions résultant de l'analyse des séances enregistrées. Cela, dans le but de déterminer le ou les modèles auxquels se réfèrent les enseignants et ainsi déterminer le noyau central de leurs représentations. Même si nous sommes consciente que les outils utilisés dans cette recherche restent incomplets pour repérer et faire émerger les éléments de représentations, pour étudier les relations entre eux et déterminer ainsi la signification centrale (le noyau).

L'entretien collectif, l'entretien individuel et l'analyse des séances, nous ont permis de déduire les propositions ci-dessous :

- L'apprentissage est la conséquence d'une compréhension d'un savoir simplifié et bien expliqué et présenté.

- Apprendre c'est connaître. Il est le résultat d'une compréhension et d'un enregistrement d'une connaissance non connu auparavant.

- L'apprentissage nécessite la réalisation de plusieurs exercices, ainsi que la maîtrise de certaines astuces,

- Le savoir exposé par l'enseignant n'est pas attendu par la majorité des élèves. Ces derniers ne veulent pas travailler. Ils ne sont ni motivés, ni bien éduqués.

- Les erreurs commises par les élèves sont des fautes causées par un manque de travail, d'attention, de révision, de pré-requis. L'élève est responsable en grande partie de ses erreurs. Une reprise du cours et une ré-explication de ce qui n'a pas été compris permettent de les corriger.

- L'élève est responsable de son apprentissage, dans le sens de l'accumulation des connaissances et non dans le sens d'une construction de la connaissance. Les représentations, les intérêts ainsi que les besoins des élèves ne sont pas pris en considération dans la préparation et la réalisation du cours.

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- L'enseignant ne s'occupe pas à faire apprendre à l'élève comment apprendre, ni comment construire ses connaissances, ni comment les mobiliser dans différentes situations.

- Il ne travaille pas à partir des pré-acquis des élèves. Il ne prépare pas son cours dans l'intention de créer les conditions pour permettre à l'élève de construire ses connaissances.

- L'autorité, la maîtrise des élèves et leur contrôle sont des critères indicatifs d'un bon enseignant, surtout en secondaire collégial. Sans cela, l'enseignant ne pourrait transmettre le savoir programmé et le faire apprendre à l'élève.

Des différents éléments soulevés ci-dessus, nous pouvons avancer que l'apprentissage, selon ces enseignants, est subordonné à l'enseignement. Sans l'enseignement d'un savoir, il ne peut y avoir l'apprentissage. Une telle conception de l'apprentissage est reflétée par les modèles du paradigme d'enseignement (Tardif, 2001), le modèle transmissif et le modèle béhavioriste.

L'importance donnée à l'explication et à la simplification du savoir enseigné par une majorité des enseignants de notre échantillon laisse penser que l'acquisition du savoir se fait par une transmission de la connaissance de celui qui connaît vers celui qui ne connaît pas. Toutefois, dans le discours de ces enseignants, c'est le savoir programmé dans le manuel qui constitue la principale référence. L'enseignant dans ce cas, est le seul apte à comprendre son contenu, à le simplifier et à l'expliquer à l'élève pour pouvoir l'acquérir. Ces propos s'accordent plus avec l'idée de l'apprentissage présente dans le modèle transmissif (Giordan in Asensio, Astolfi, Develay, 2002) ainsi, qu'avec l'idée d'un métier et d'une exécution des tâches par l'enseignant (Astolfi, 2003).

En outre, les erreurs sont considérées comme des fautes et comme des déficiences que ce soit chez l'élève ou dans la démarche de certains enseignants. Elles ne sont pas considérées comme des symptômes des modes de pensées des élèves ou comme des éléments permettant de caractériser des états des lieux cognitifs. Le modèle constructiviste qui prend en compte les erreurs des élèves en les utilisant comme révélateurs des obstacles semble éloigné du modèle utilisé par ces enseignants. Il ne nous est pas apparu de possibilité de construction d'apprentissage par résolution de problèmes soulevés par les élèves. Les enseignants proposent des activités qui sont prédéterminées et qui n'offrent pas des

90

possibilités aux élèves pour s'impliquer dans l'action ou pour s'inscrire dans un projet. Il leur reste seulement de les exécuter dans un temps précis, sans qu'ils puissent s'approprier les enjeux de l'apprentissage.

Dans tous les cas, le rôle de l'enseignant reste celui du maître enseignant transmetteur du savoir (Paquay, 1994, 2006), qui enseigne tout en se basant sur des activités qui correspondent à des tâches à accomplir par l'élève en tant qu'un exécutant. Ceci nous pousse à supposer que l'activité de l'enseignant est loin de permettre un apprentissage par l'action et une réflexion sur l'action.

Cette subordination de l'apprentissage à l'enseignement est enregistrée aussi, dans le discours des enseignants sur leur propre apprentissage. Certains enseignants attendent que des formateurs les forment et leur apprennent des modèles théoriques afin qu'ils arrivent à changer leurs pratiques selon les prescrits de la réforme. L'initiative, la création, l'innovation, sont des termes absents dans le discours de ces enseignants. Aussi la réflexion sur les stratégies adoptées ou sur les jugements avancés, semble ne pas être le point fort du discours de la majorité des enseignants de notre échantillon. Cette réflexion sur l'action qui permet généralement, une distanciation, une mise en conscience des processus cognitifs sous jacents et une construction justifiée des connaissances sur les pratiques, semble être influencée par le modèle didactique transmissif d'un côté et par celui du maître « instruit », « artisan » d'un autre côté.

Certains enseignants, même s'ils sont conscients de l'importance du développement de la personne dans l'apprentissage et l'importance de donner du sens à l'apprentissage, ils n'arrivent pas à innover et à travailler dans ce sens. Les représentations qu'ils ont sur comment apprendre et sur le rôle de l'enseignant constitueraient des obstacles aux changements de leurs pratiques. Aussi, l'absence d'une formation permettant une réflexion sur l'action et une conceptualisation résultant de la confrontation à des grilles de lectures théoriques (Paquay, in Pastré, 2006) ne leur permet pas de faire évoluer et de développer des compétences professionnelles.

Les enseignants de notre échantillon, ne peuvent être considérés comme des professionnels, si on ne se base que sur leur discours. Un professionnel, d'après Perrenoud (2001) « est censé réunir les compétences du concepteur et celles de l'exécutant : il identifie

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le problème, le pose, imagine et met en oeuvre une solution, assure le suivi ». Nos enseignants identifient le problème et mettent en oeuvre des solutions selon leur cadre de référence et selon leurs répertoires cognitifs mais dans le cadre d'un paradigme d'enseignement et non celui de l'apprentissage. Les représentations qu'ils ont sur leur rôle en tant qu'exécutant semblent être des obstacles à un investissement personnel et réfléchie dans des situations complexes.

Nos hypothèses de recherche semblent être confirmées pour les enseignants de notre échantillon. Ces derniers se réfèrent dans leurs pratiques aux modèles appartenant au paradigme d'enseignement. Aussi se considèrent-ils comme des exécutants des tâches de leur métier. De tels modèles pourraient avoir des conséquences sur leur compréhension des prescrits de la réforme. Aussi pourraient-ils être des obstacles à leur engagement dans le changement et même dans leur propre apprentissage.

CONCLUSION

Pour qu'un mouvement se produise, il faut qu'il soit proche de mouvements sismiques parfois imperceptibles, mais dont la conjugaison produit à terme une onde de choc. Encore faut-il provoquer le changement avec suffisamment d'énergie pour qu'il commence, et suffisamment de respect pour qu'il se poursuive en continu ! Jean-Michel Steinmann22

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22 ROUILLER (2005)

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CONCLUSION

La prise en compte des représentations des principaux acteurs dans un changement s'avère une action importante sinon indispensable dans l'implantation d'une réforme. Ces représentations peuvent être des obstacles aux changements prescrits et induire ainsi des résistances à l'implantation de la réforme.

Dans notre étude, le changement auquel nous nous intéressons consiste en un changement de pédagogique et l'adoption de l'approche par compétences. Celle-ci nécessite un changement de paradigme, et le passage du paradigme d'enseignement à celui d'apprentissage. Pour cela, la conception de l'apprentissage, de l'enseignement, du rôle de l'enseignant et de l'apprenant sont appelées à changer et à être construits selon le paradigme d'apprentissage.

En outre, un changement dans la conception de l'exercice du métier de l'enseignant, s'avère aussi nécessaire. L'enseignant est appelé à évoluer vers un professionnel, plutôt que d'être un exécutant de tâches précises d'autant plus que l'approche par compétences nécessite des innovations et des créations dans les démarches d'enseignement et d'apprentissage.

Il semble que les représentations que peuvent avoir les enseignants sur ces éléments influenceraient leur engagement et leur implication dans ces changements.

C'est dans ce sens, que notre étude s'est proposée de mettre en évidence les représentations des enseignants, en adoptant une méthodologie qualitative que ce soit pour recueillir certains éléments des représentations recherchées ou pour mettre en évidence des liens et des relations entre ces éléments.

Il ressort ainsi, de l'analyse des résultats de notre enquête - entretiens collectifs, individuels semi-directifs, analyse des séances enregistrées - que les enseignants de notre échantillon se considèrent comme des exécutants des tâches précises de leur métier, appliquant des routines ou recherchant des démarches et des modèles invariables, plutôt que comme des acteurs intervenants sur les conditions de leur travail et dans l'apprentissage de leurs élèves ou comme des professionnels cherchant et développant des procédures d'analyse et de résolutions de problèmes.

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Ces représentations sur l'exercice de leur métier semblent être en relation avec celles qu'ils ont sur l'apprentissage, l'enseignement, le rôle de l'enseignant et de l'apprenant dans l'acte de l'apprentissage. Les enseignants de notre échantillon se considèrent comme les transmetteurs d'un savoir programmé (dans les manuels scolaires) qui doit être appris par les élèves. Ils se considèrent aussi comme des contrôleurs des apprentissages et parfois comme des éducateurs dans le secondaire collégial. Les élèves tout en étant passifs en classe et actifs chez eux, sont appelés à apprendre et à construire leurs connaissances, individuellement. Ils sont, d'après la majorité, les responsables principaux de leur échec. Pour quelques-uns, la démarche d'enseignement peut être considérée aussi comme cause de cet échec.

Les informations ainsi recueillis et déduits vont dans le sens de nos hypothèses de réflexion. Les enseignants se considèrent comme des exécutants de leur métier et pensent l'apprentissage, l'enseignement dans le cadre du paradigme d'enseignement.

Dans ce sens, les représentations de ces enseignants peuvent avoir une influence sur leur compréhension et leur engagement dans le changement d'approche pédagogique. Nous pouvons les considérer comme des obstacles qui relèvent de la facilité et des évidences qui s'imposent à eux bien plus que des difficultés ou des blocages. Elles correspondent plus au résultat d'un mode de fonctionnement intellectuel commode, bien installé chez le sujet et satisfaisant pour lui (Astolfi 1999). Une recherche future dans ce sens serait souhaitable. Elle permettrait de vérifier l'existence ou l'absence d'une relation entre ces représentations et la compréhension des changements prescrits par la réforme.

Compte tenu des limites de cette étude, nous sommes conscients que ces conclusions ne peuvent être généralisables à cause de :

- notre échantillon dont l'effectif était réduit et ne comportait que les enseignants d'une seule discipline. Nous pensons qu'un nombre élevé d'enseignants, de différentes disciplines permettrait sans doute d'étayer nos hypothèses. Aussi, la prise en compte du discours d'autres acteurs pédagogiques tels que les inspecteurs, les administrateurs, les élèves, pourrait compléter nos résultats et engager une réflexion sur comment former ces acteurs et comment les accompagner dans la mise en place de la réforme. Cependant, notre échantillon présente un large spectre quant au degré d'ancienneté et au profil de la formation initiale des enseignants.

95

- Notre démarche méthodologique dont les actions étaient limitées. Un entretien avec les responsables des séances filmées et une confrontation entre ce qu'ils disent et leurs pratiques auraient enrichi nos résultats. Egalement une présentation des résultats aux enseignants interviewés nous aurait permis de les discuter et de les travailler afin d'accroître leur validité, mais surtout afin de vérifier la centralité des modèles déduits.

Tenons compte de nos résultats qui sont loin de refléter ce que devraient être les éléments de la réforme, nous soulevons les questions suivantes :

Comment peut-on espérer développer des compétences chez l'apprenant avec des acteurs pédagogiques se considérant davantage comme des exécutants que comme des professionnels ?

Comment intervenir pour permettre à ces enseignants de faire évoluer leurs représentations dans le cadre de cette réforme ? D'autant plus que ces représentations peuvent être les causes des résistances au changement et à l'implication et l'engagement des enseignants dans leur apprentissage et dans leur formation.

Quelle formation continue et quel accompagnement peut-on programmer ?

Enfin, que devrait-on mettre en oeuvre pour s'assurer du succès de cette réforme ?

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BIBLIOGRAPHIE

SITOGRAPHIE

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Cet ouvrage correspond à un ensemble des travaux de différents auteurs du laboratoire CIVIIC de sciences de l'éducation de l'université de Rouen, coordonnés par J.P. ASTOLFI. Il présente les évolutions récentes des métiers de l'éducation et de la formation face aux changements qui les accompagnent. Il pose la question de l'identité de l'enseignant et du formateur et celle des compétences nécessaires à l'exercice d'un métier.

Le chapitre auquel nous nous sommes référé examine l'évolution actuelle du vocabulaire pédagogique et montre la relation entre le développement des pratiques et la professionnalisation des métiers de l'enseignement et de la formation.

CHARLIER, E. (1989). Planifier un cours, c'est prendre des décisions. Pédagogies en développement, Nouvelles pratiques de formation, De Boeck, Bruxelles

L'ouvrage propose des outils pour analyser les pratiques de formation dans le but de permettre aux professeurs de gérer avec efficacité leurs actions professionnels. Une analyse des décisions prises durant la planification du cours semblent être prédictives au déroulement de l'action éducative. Il présente les modèles qui décrivent l'enseignement comme un processus de traitement de l'information et de décisions et s'interroge sur la place à accorder aux représentations dans l'analyse des processus d'enseignement et d'apprentissage. Il conclue par une proposition d'hypothèses interprétatives aux pratiques de formation et aux stratégies d'innovation.

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Former est un travail de professionnel qui nécessite des compétences spécifiques. Le formateur est appelé à avoir l'intelligence de son fonctionnement et de son environnement, à mieux comprendre ses actes professionnels, leur origine et les autres possibilités de conduite. C'est dans ce sens que cet ouvrage propose des pistes méthodologiques pour développer

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l'adaptabilité du formateur à son environnement - analyser sa pratique ; adapter ses conduites aux apprentissages visées ; intégrer des innovations éventuelles sans se sentir menacé...- . Aussi il attribue une importance aux représentations et aux théories personnelles dans le sens où l'exploitation de leur rôle dans le fonctionnement du système éducatif aiderait les formateurs à gérer de façon plus efficace l'environnement éducatif.

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Cet ouvrage développe les différents aspects de l'intégration des savoirs et savoirs faire dans l'enseignement, particulièrement, le développement des compétences de l'apprenant et la mobilisation des ses acquis en situations. Il essaie de répondre aux questions suivantes : Pourquoi développer des compétences dans l'enseignement ? Que développer à l'école en dehors des compétences ? Quelles sont les autres formes d'intégration des acquis ? Comment développe-t-on les compétences ?

Il se compose de deux parties. La première tend à dresser le cadre conceptuel pour penser l'intégration des acquis. La deuxième met en oeuvre la pédagogie de l'intégration dans l'enseignement primaire, secondaire et supérieur.

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105

ANNEXES

106

Annexe 1

Profil de l'échantillon des enseignants qui ont participé aux entretiens et aux analyses des séances enregistrées.

Profil des enseignants du lycée qualifiant :

Professeurs

Sexe

Ancienneté

Formation initiale

E1

F

1978

Bac + cycle spécial

E2

F

1983

ENS

E3

M

1983

ENS

E4

F

1985

ENS

E5

M

1986

DEUG + cycle spécial

E6

M

1987

ENS

E7

M

1989

Licence

E8

F

1993

Licence+ 1 année ENS

E9

F

1997

Licence + 1 année ENS

E10

F

2006

Licence + DEUSA

Profil des enseignants du lycée collégial :

Enseignants

Sexe

Ancienneté

Formation initiale

E1

M

1976

Bac + cycle spécial

E2

M

1979

Bac + cycle spécial

E3

F

1980

Bac + CPR

E4

F

1981

Bac + CPR

E5

F

1983

DEUG + Cycle spécial

E6

F

1984

DEUG

E7

M

1985

Bac+ Cycle spécial

E8

F

1985

Bac + CPR

E9

F

1988

DEUG + CPR

E10

M

1989

Licence + CPR

E11

F

1990

Licence + CPR

E12

F

1999

Licence

E13

M

2000

Licence

Profil des enseignants de l'entretien individuel :

Enseignants

Sexe

Ancienneté

Formation initiale

P1=E8 qualifiant

F

1993

Licence + une année ENS

P2=E4 qualifiant

F

1985

ENS

P3=E4 collégial

F

1981

Bac + CPR

P4=E10 collégial

M

1989

Licence + CPR

107

Bac = Baccalauréat

DEUG = Diplôme des études universitaires générales

Licence correspond à quatre ans à l'université, après le baccalauréat

DESA = diplôme des études supérieur approfondit

ENS= Ecole normale supérieure des enseignants (quatre années après le baccalauréat ou une

année après la licence)

CPR = Centre pédagogique régional (deux ans de formation professionnelle)

Cycle spéciale : deux ans de formation professionnelle des enseignants du secondaire

collégial

108

Annexe 2

Entretien collectif

Questions

Attentes

Q1/ Pourquoi, à votre avis, a-t-on réformé

l'approche pédagogique et a-t-on adopté
l'approche par compétences à la place de la pédagogie par objectifs ?

Savoir si les enseignants ont des

connaissances sur la réforme curriculaire et s'ils adhèrent aux causes de l'adoption de l'approche par compétences. Ceci pourrait nous renseigner aussi sur les représentations

qu'ils ont à propos de l'exercice de leur
métier.

Q2/ Que doit changer l'enseignant dans ses pratiques pédagogiques?

Déterminer à partir de ce que l'enseignant

doit changer dans ses pratiques, les
éléments des représentations qu'ils ont sur

l'apprentissage, l'enseignement, leur rôle

ainsi que celui de l'élève dans
l'apprentissage.

Q3/ Quel est votre point de vue sur ce qui a été avancé ?

Discussion

Chercher des indicateurs et des arguments

reflétant leurs représentations sur

l'apprentissage... et sur l'exercice de leur
métier

109

Annexe 3

Entretien individuel semi directif

Questions

Attentes

Partie I : renseignements personnels

Introduire une discussion Détendre le climat Faire connaissance

Le système scolaire marocain connaît depuis des années une réforme curriculaire.

Q1/ Qu'est ce que vous connaissez de cette réforme ? Pourquoi, à votre avis a-t-on réformé notre démarche pédagogique ? Pourquoi a-t-on adopté l'approche par compétences ?

Rechercher si l'enseignant est au courant du changement préconisé par la réforme Déduire l'intérêt qu'il lui attribue.

Possibilité de déduire même son point de vue sur ce changement, par la façon avec laquelle il parlera de la réforme

Q2/ Avez-vous senti le besoin de modifier votre démarche et méthode pédagogique ? Si oui, à quoi cela est -il dû ?

Déterminer si le besoin du changement est senti et s'il critique ses approches et ses pratiques ou s'il attribue les raisons à des

facteurs externes (niveau des élèves,
programme...)

Q3/ Sur la base de quoi vous juger

l'apprentissage des élèves ?

Comment conçoit-il l'apprentissage ? S'agit-il d'une construction par l'élève ou d'une transmission par le professeur? À qui attribue-t-il les causes des erreurs ?

Q4/ Pourriez-vous nous dire les causes des difficultés rencontrées chez les élèves, en cours ou sur les copies du contrôle continu ?

Q5/ Sur quoi vous vous basez pour élaborer vos activités ?

Déterminer l'importance donnée au savoir et à l'élève dans l'élaboration du cours Déterminer comment il conçoit le rôle du savoir dans son enseignement

Q6/ Le contenu de votre cours permet-il de répondre à quel type de problèmes ? Problèmes du manuel ou des élèves ?

Q7/ A votre avis, que doit faire un enseignant

pour permettre un apprentissage chez les
élèves ?

Déterminer le modèle d'enseignement

auquel il se réfère

Q8/ Quel est le but principal de la majorité des activités d'enseignement que vous réalisez ?

Q9/ Quelles explications et conseils donneriez- vous à un enseignant débutant (qui n'a reçu aucune formation initiale), à propos de :

La finalité : placer l'élève au coeur de l'action éducative ;

Objectifs des activités à préparer ;

La préparation des activités du cours ; L'exploitation des activités du manuel scolaire ; L'évaluation des apprentissages réalisés ;

Vérifier et appuyer les réponses

enregistrées aux questions ci-dessus au
sujet des conceptions sur l'apprentissage, l'enseignement, le rôle de l'enseignant et de l'apprenant. Aussi concernant l'exercice de son métier.

(En parlant de conseils pour un autre
enseignant débutant, nous pensons qu'il essaierait de synthétiser ses idées)

110

Le but de l'utilisation de l'évaluation diagnostic, formative et sommative ;

Comment remédier aux erreurs des élèves enregistrées durant le cours ou sur les copies du contrôle continu ?

Rôle de l'enseignant et celui de l'élève dans l'apprentissage.

 

Q10/À votre avis comment les élèves

apprennent-ils ? Quels conseils peut-on leur
donner pour améliorer leur apprentissage ?

apprentissage

Q11/Selon vous, quel est le but de

l'enseignement de votre matière ?

enseignement

Q12/Selon vous, quel est le profil d'un bon enseignant

Rôle de l'enseignant

Q13/Selon vous, quel est le profil d'un bon élève ?

Rôle de l'apprenant

111

Annexe 4

Grille d'analyse

Thème de la leçon

La synthèse de l'analyse des
séances observées témoin

Intentions de la discussion en
groupe

Objectifs de la leçon (à

déduire à partir de
l'observation)

Les séances présentées ont pour

objectif primordial :

1) transmission d'un savoir
scientifique

2) évaluation de la capacité
des élèves à analyser des documents présentés sur le manuel scolaire

Expliciter en quoi consiste pour eux

transmettre un savoir ou
développer des capacités...

À quoi se réfèrent-ils eux dans leur cours ?

Origines du Contenu

(manuel, professeur,
élève...) :

Manuel scolaire

Vérifier si les professeurs sont

d'accords sur l'origine du contenu du cours qui est le manuel scolaire. Comment conçoivent-ils cela ?

Activités proposées

(exercices, problèmes,

questions directives...) :

Activités sous forme d'exercices

avec des questions directes et des questions d'analyse

Comment comprennent-ils le

concept de problème vs exercice, de résolution de problème ?

Quels buts primordiaux attribuent-ils aux activités ?

But des activités

(poser un problème,

formuler des
hypothèses, tester une

hypothèse, illustrer

une connaissance,

résoudre un

problème...)

Poser un problème existant sur le manuel scolaire

Type de questions

posées (fermées ;

ouvertes ; directives...)

aussi (de

connaissances ;

de méthode ; de
compréhension ;

d'application ; de
synthèse ;

d'évaluation...) :

Questions fermées concernant le

contenu des documents Questions de compréhension

Comment conçoivent-ils les

questions posées aux élèves ?

Que font-ils ? pourquoi ? dans quel but ?...

Type de réponses

avancées (directes, indirectes, sous formes

Souvent pour corriger ou pour

encourager

Leur avis sur les réponses avancées par le professeur.

Doit-il répondre ou pas ?

112

de questions...) :

 
 

comment est l'encouragement ?

donne de l'importance aux
réponses des élèves ?...

Son comportement

avec les

élèves (autoritaire ;

absent ; importance

donnée aux

productions des élèves,

à leur manière de
répondre...) :

S'occupe du savoir

Ne se préoccupe que du travail des élèves qui participent au cours

Vérifie si les réponses sont justes ou pas

Félicite ceux qui répondent
correctement aux questions

Quelle relation doit-on avoir avec l'élève ?

De quoi doit-il s'occuper le plus ?

Comment peut-il faire participer
une majorité des élèves ?

Comment arriverait-il à les faire
travailler ?...

Les activités réalisées par l'élève :

Certains répondent aux questions du professeur et de l'activité

Analysent les documents présentés Rédigent le résumé du cours

Comment les enseignent arrivent à

juger le travail des élèves, leur
apprentissage, leurs difficultés ?

Peuvent-ils s'annoncer sur

l'atteinte des objectifs ?

comment ?

Comment préfèrent-ils les élèves ?

les types de questions posées :

Questions pour clarifier certains

mots ou certaines expressions

les types de réponses avancées

Réponses directes en relation avec les questions

Parfois les réponses sont avancées

avec des questions pour mieux
comprendre

son comportement

avec les collègues et avec l'enseignant (il

fait ce qu'on lui
demande, il critique les

réponses avancées, il

critique l'information
présentée, il écoute ses

collègues quand ils
parlent...)

L'élève exécute ce qu'on lui

demande, sans critiquer le contenu ni les réponses des collègues.

Comment l'enseignant

remédie-t-il aux
erreurs des élèves?

Seul le professeur est apte à corriger les « fautes » commises par certains.

La correction se fait par une
répétition de ce qui a été présenté

Comment l'enseignant doit

remédier aux erreurs des élèves ? pourquoi ?

Quelles peuvent être les causes de ces erreurs?...

Comment évalue-t-il

les apprentissages

Par le biais des réponses avancées

par les élèves aux questions du
professeur

Seule la compréhension est évaluée

Comment savoir s'il y a eu un

apprentissage ? de quel
apprentissage s'agit-il ?...






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery