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Les patent pools confrontés au droit de la concurrence.

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par Anne Rossion
Université Paris XI  - Master Droit des créations numériques  2011
  

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B) La problématique de la fixation des redevances et de leur répartition

Les patent pools peuvent apparaître comme un mécanisme efficace dans la fixation de prix de brevets dont la valeur est incertaine. Les droits de propriété intellectuelle sont par nature difficiles à évaluer, et ce d'autant plus lorsqu'il existe une grande asymétrie d'information entre les parties. L'agrégation des brevets dans le pool peut alors s'avérer bénéfique, dans la mesure où elle permet la fixation d'un prix commun pour l'ensemble, et fournit une formule de répartition des redevances. Néanmoins, la fixation du montant des redevances peut poser un premier problème en termes de droit de la concurrence, dans la mesure où le pool peut être tenté de profiter de son pouvoir de marché potentiel ; la clé de répartition des revenus perçus peut présenter un autre problème, car une division mal adaptée des sommes perçues peut conduire à une dissolution du pool et donc à la disparition de ses effets proconcurrentiels.

1. La fixation contrôlée du prix de redevance

En ce qui concerne le prix, au-delà de la réduction des coûts de transaction, un des principaux avantages associés à la formation d'un pool est l'éviction du phénomène dit de « double

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marginalisation »53. Ce terme fait à l'origine référence à la perte de profit engendrée par la multiplication de marges de monopoles dans les chaines de production verticales. Dans le cadre de la concession de licences sur des technologies couvertes par de multiples brevets complémentaires, il signifie que le total des redevances exigées par chaque détenteur de brevets serait trop élevé comparé à l'optimum économique, et limiterait donc la diffusion de la technologie. Dans le même temps, les détenteurs de brevets perçoivent des revenus plus faibles que ceux qui auraient pu être générés s'ils avaient décidé de coordonner leurs politiques de licences. La mise en place effective d'un pool a pour effet d'éliminer le risque de double marginalisation, qui correspond donc au phénomène d'empilement des redevances. La théorie économique tend en effet à montrer que, dans le cas où les titulaires de brevets sont monopolistes, le prix de la licence globale du pool sera inférieur à la somme des prix demandés individuellement pour chaque licence. « L'unicité du monopole permet d'éviter le problème des marges multiples qui se pose en présence d'une chaine de monopoles »54.

Cette assertion n'est avérée que dans le cas où les brevets contenus dans le pool sont essentiels et complémentaires. Si l'accord vise à réunir des technologies substituables, la concurrence s'en trouve réduite et le montant des redevances exigé par le pool risque d'augmenter. Il s'agit alors d'un accord de fixation des prix entre concurrents, qui constitue une violation de l'article 101 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne. Par ailleurs, si le regroupement inclut des brevets complémentaires mais non essentiels, c'est-à-dire lorsque certaines technologies incorporées dans le pool ne sont pas nécessaires pour produire un ou plusieurs produits auxquels l'accord s'applique, il risque également d'être incompatible avec les mêmes dispositions du Traité, car les preneurs de licences seront contraints de payer des redevances pour des technologies dont ils n'ont pas besoin. Dans ce cas, la Commission prend en compte quatre critères pour l'appréciation du pool55 : les potentielles raisons pro-concurrentielles à l'inclusion de technologies dans l'accord ; la possibilité pour les donneurs d'octroyer des licences indépendantes ; l'offre d'ensembles séparés correspondant à des applications différentes, « à la carte » ; le risque d'exclusion du marché de technologies appartenant à un tiers. On rappellera d'ailleurs que la possibilité offerte aux membres du pool de concéder des licences de manière indépendante n'est pas dommageable pour le pool si et

53 Commission Européenne, « Lignes directrices relatives à l'application de l'article 81 du traité CE aux accords de transfert de technologie (2004/C 10 1/02) », Journal Officiel de l'Union Européenne, 27/04/2004, §214 : « Les regroupements de technologies peuvent également être favorables à la concurrence, notamment en réduisant les coûts des opérations et en limitant les redevances cumulatives afin d'éviter une double marginalisation. »

54 C. Maréchal, Concurrence et Propriété Intellectuelle, op. cit., p.124.

55 Commission Européenne, « Lignes directrices relatives à l'application de l'article 81 du traité CE aux accords de transfert de technologie (2004/C 10 1/02) », Journal Officiel de l'Union Européenne, 27/04/2004, §222.

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seulement si les brevets sont complémentaires, et si le regroupement vise à réduire le prix de la technologie pour les utilisateurs.

Les Lignes Directrices européennes prévoient qu'en matière de redevances exigées par le pool, la négociation, la fixation du montant et la détermination de la part de chacune des technologies dans les redevances totales est libre56. Elles précisent même qu' « il s'agit d'une caractéristique propre à ce type de normes ou d'accords, qui ne peut être considérée en soi comme constituant une restriction de la concurrence et peut dans certaines conditions donner de meilleurs résultats. ». En revanche, il est indispensable de prendre en compte la potentielle position dominante des technologies sur le marché, situation dans laquelle le pool doit offrir des conditions équitables et non discriminatoires, ainsi que des licences non-exclusives57, et ce dans le souci de garantir un accord ouvert qui ne verrouille pas le marché en aval.

En outre, il y a des justifications à ce que les redevances fixées par le pool soient élevées. Le niveau des redevances peut notamment réduire l'incitation des membres à quitter le pool, ou à ne pas le rejoindre en premier lieu. Ainsi, le montant élevé des redevances exigées peut être bénéfique pour le consommateur, dans la mesure où l'alternative consisterait en une fragmentation des droits de propriété intellectuelle, situation dans laquelle les brevetés offriraient des licences indépendamment à un niveau encore plus élevé. Comme le souligne J. Richard Gilbert, « Higher royalties for patent pool portfolio licenses do not necessarily mean higher prices for consumers. Indeed, consumers would be worse off if pools are compelled to charge low royalties. »58 Mais il précise aussi que les autorités de la concurrence ne peuvent adopter une position permissive en ce qui concerne le niveau des redevances que dans le cas où les pools concernés ne contribuent pas à éliminer la concurrence entre des technologies alternatives.

Il convient également de ne pas oublier que l'une des sanctions possibles pour le pool qui place des barrières à l'entrée d'un marché est la licence obligatoire, qui remplace le droit du détenteur de brevet d'octroyer ou de refuser l'accès à ses droits de propriété intellectuelle selon des modalités

56 Commission Européenne, « Lignes directrices relatives à l'application de l'article 81 du traité CE aux accords de transfert de technologie (2004/C 10 1/02) », Journal Officiel de l'Union Européenne, 27/04/2004, §225 : « Les entreprises qui concluent un accord de regroupement de technologies compatible avec l'article 81 et toute norme industrielle dont il est à la base sont normalement libres de négocier et de fixer les redevances pour les technologies concernées, ainsi que la part de chacune de ces technologies dans les redevances totales, soit avant soit après la fixation de la norme. »

57 Ibid., §226 : « Lorsque les technologies regroupées détiennent une position dominante sur le marché, les redevances et les autres éléments de l'accord devront être équitables et non discriminatoires; quant aux licences, elles devront être non exclusives. »

58 R. J. Gilbert, « Ties that Bind : Policies to Promote (Good) Patent Pools », loc.cit., p. 28.

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négociées par un simple droit à demander une compensation financière pour cet accès. Les licences obligatoires sont une solution radicale pour mettre fin aux buissons de brevets, et peuvent en ce sens contribuer à promouvoir la concurrence et favoriser l'innovation. Ainsi, la fixation de redevances excessives peut conduire les membres d'un pool à une situation où ils ne maîtrisent plus le montant de ces redevances. Par ailleurs, il convient de souligner qu'il est très difficile pour le régulateur de fixer un montant de redevances approprié pour à la fois promouvoir l'utilisation de la technologie et inciter à l'innovation dans le domaine. Les membres d'un pool peuvent s'en trouver d'autant plus défavorisés. En aval, les licences obligatoires ne sont pas nécessairement bénéfiques non plus pour le consommateur, car le preneur de licence peut décider d'augmenter sa marge de bénéfice. Néanmoins, la menace des licences obligatoires peut être utilisée efficacement pour mettre fin à des blocages et forcer les entreprises à former un pool efficient. Le gouvernement américain s'en est par exemple servi pour inciter certains détenteurs de brevets du secteur de l'industrie aéronautique à mettre en place un patent pool en 1917 (le Manufacturers Aircraft Association patent pool).

Les organismes de normalisation conditionnent par ailleurs souvent la certification d'un standard à l'exigence pour les entreprises d'offrir des licences à des conditions « raisonnables et non discriminatoires ». Ce sont les « RAND terms » (Reasonable And Non-Discriminatory), mécanisme dont les autorités de la concurrence peuvent user également. Dans ce cas, les détenteurs de brevets conservent leur droit de refuser des licences sur leur technologie. A la suite d'une enquête pour « abus de position dominante et pratiques commerciales restrictives » déposée en 2003 par la FIPCOM (Federation of Interested Parties in Fair Competition), la Commission Européenne a par exemple exigé plusieurs modifications du programme d'octroi de licences groupées offertes par Philips (brevets relatifs aux CD enregistrables), afin qu'elles « soient accordées à des conditions loyales et non discriminatoires »59. Philips a du notamment publier sur son site internet les résumés de rapports d'experts indépendants concernant les brevets essentiels à la technologie, mais également baisser le montant des redevances de 4,5 US cents à 2,5 US cents par disque. La Commission a par ailleurs précisé son « intention de continuer à surveiller étroitement les regroupements de technologies nouveaux ou existants, en particulier ceux qui instaurent ou soutiennent une norme industrielle en fait ou en droit, afin de garantir qu'ils soient conformes aux règles communautaires de la concurrence »60. De même, dans l'affaire Rambus61, la Commission

59 Communiqué de presse de la Commission Européenne IP/06/139 en date du 9 février 2006.

60 Ibid.

61 Décision de la Commission du 9 décembre 2009 relative à une procédure d'application de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 54 de l'accord EEE (Affaire COMP/38.636 -- RAMBUS) [notifiée sous le numéro C(2009) 7610]

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avait estimé que le mis en cause imposait des redevances excessives pour l'utilisation de brevets portant sur des puces DRAM, et avait rendu juridiquement contraignants les engagements offerts par la société - visant notamment à plafonner le montant des redevances.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway