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Le parti unique et la question de l'unité nationale au Togo de 1961 à  1990.

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par Balowa KOUMANTIGA
Université de Kara - Maîtrise ès Lettre Sciences Humaines 2013
  

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UNIVERSITE DE KARA

*****************

FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

*******************

DEPARTEMENT D'HISTOIRE

Laboratoire d'Analyse d'Histoire sociopolitique (LaHisPo)

LE PARTI UNIQUE ET LA QUESTION DE L'UNITE NATIONALE AU TOGO DE 1961 A 1990

Mémoire pour l'obtention du diplôme de Maîtrise

Option : Histoire Contemporaine

Spécialité : Histoire politique et des relations internationales

Présenté et soutenu par : Sous la direction de :

Balowa KOUMANTIGA M. Kodjona KADANGA

Professeur Titulaire

Février 2013

INTRODUCTION GENERALE

Le 27 avril 1960, le Togo accédait à la souveraineté internationale avec une diversité de partis politiques, héritage des luttes pour l'indépendance. Mais le pluralisme politique ne survécu pas longtemps à l'indépendance. Les autorités politiques voulaient consolider les indépendances par la reconstruction nationale, la résolution du problème de l'instabilité politique et des divisions que le multipartisme était soupçonné d'incarner. Elles interdirent les partis politiques existants. Le parti unique, « une réalité des indépendances en Afrique » (Amah 2010 : 75), devait servir de tremplin à l'idée de l'unité nationale.

En effet, de manière générale, sur le continent africain, au lendemain des indépendances, les nouvelles élites politiques manifestèrent leur volonté de sortir du sous développement qui caractérise leurs pays et dont l'une des causes a pour nom la désunion. Il y avait nécessité de consolidation des indépendances et de reconstruction nationale. Selon les propos de Tom Mboya (Cité par Amah 2010 : 65) :

« Un Etat a besoin de maintenir l'unité comme base de tout développement. [...]. Le pays doit être placé sous la direction d'une seule formation politique, un parti fort et efficace pour pouvoir mobiliser pleinement le potentiel de la population afin que l'indépendance se traduise en termes de développement significatif qui puisse satisfaire les espoirs du peuple. Ce but ne peut pas être atteint sous un régime de pluralisme politique ... »

Pour ces besoins énoncés ci-dessus, le choix du parti unique s'imposa à tous. Ainsi devait-on avoir par exemple le Parti démocratique gabonais (PDG) au Gabon, le Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB) au Benin, le Parti démocratique de Guinée (PDG) en Guinée, l'Union démocratique du peuple malien (UDPM) au Mali et le Parti de l'unité togolaise (PUT) puis le Rassemblement du peuple togolais (RPT) au Togo1(*). L'un des thèmes phares fut la construction de l'unité nationale. Ainsi, le défi du développement passerait-il par l'unité, la conjugaison des efforts. C'est ici qu'on retrouve la plénitude du vieil adage selon lequel l'union fait la force. A cause de la diversité ethnique, le multipartisme présentait un risque pour l'Afrique car il était synonyme de tribalisme ou de régionalisme, nocifs à l'unité nationale.

Pour les autorités politiques africaines, le système du parti unique avait pour avantage de sacrifier les intérêts particuliers à l'intérêt supérieur donc « la lutte contre les forces centrifuges » (d'Almeida-Topor 1999 : 232)

Le système du parti unique fut donc présenté comme une nécessité impérative pour construire plus aisément l'unité nationale et sortir du sous-développement par la recherche du consensus. C'est ainsi que « des théories furent élaborées pour faire du parti unique une nécessité organique [...] l'instrument par excellence de l'intégration » (d'Almeida-Topor 1999 : 232).

Au Togo, de 1945 à 1961, plusieurs partis politiques constituaient les acteurs majeurs de la vie politique. En 1961, le Président Sylvanus Olympio instaura de fait un parti unique, le PUT. Trois ans plus tard, il fut déchu par un coup d'Etat mené par une jointe militaire dirigée par le sergent Gnassingbé Eyadema qui considérait cette initiative comme une dérive autoritaire. Mais, dans le même souci d'unir tous les Togolais, Nicolas Grunitzky successeur de Sylvanus Olympio organisa en février 1963, une table ronde qui était aussi un projet voilé de parti unique (Batchana 2008 : 350).

Arrivé au pouvoir à la faveur du coup d'Etat du 13 janvier 1967, le lieutenant colonel Gnassingbé Eyadema dissout par décret n°67-1 du 11 mai 19672(*) les partis existants ainsi que les associations affiliées et opta pour le monolithisme politique. Selon son appréciation, la pratique du multipartisme avait conduit à un affrontement entre partisans de différentes tendances. Ainsi, cette mesure visait à « éviter les affrontements sanglants et les déchirements dans lesquels le Togo eut, perdu son âme. » (Cornevin 1988 : 464).

Le décor fut alors planté pour un système politique dont le souci premier est l'unité, facteur indispensable d'un développement harmonieux et durable. Plusieurs motivations expliquent cependant le choix porté sur ce thème

Les ambitions du système monolithique étaient nobles et permettaient de nourrir de l'espoir quant à son succès à unir tous les Togolais en ce sens qu'il devait être synonyme d'absence de toute contradiction. Mais le Togo connait un coup de force en 1963, conséquence d'un malaise politique. Ce coup de force devrait inaugurer une nouvelle politique plus libérale mais en 1969 le parti unique fut à nouveau adopté jusqu'en 1990. Cette fois-ci on assista durant la fin des années 1980 et le début des années 1990 à un renouveau libéral avec la résurgence des revendications populaires en faveur d'une démocratie pluraliste. Le succès de ces revendications remet en cause et pose avec acuité le problème des valeurs incarnées par le parti unique.

En effet, tout comme en 1963, cette période fut celle d'incertitudes, de violences et de troubles sociopolitiques dont le Togo va continuer par porter les stigmates jusqu'à l'aube du troisième millénaire. Les manifestions du 05 octobre 1990 dont l'objectif est de mettre fin au parti unique, aboutirent aux assises nationales puis à l'adoption d'une nouvelle constitution réinstituant le multipartisme au Togo. Depuis lors, le Togo vit une ère de turbulence et à chaque fois que l'occasion se présente les Togolais n'hésitent pas à s'affronter. Dans ce contexte, on s'interroge sur les initiatives visant à résorber la question de l'unité nationale au Togo sous le parti unique. Le parti unique a-t-il triomphé des causes de son institution ? C'est là toute la question qui motive notre recherche. Les autorités togolaises continuent jusqu'à nos jours de prêcher la réconciliation et l'unité nationale ; ce qui rend la question toujours nouvelle, d'actualité et d'importance.

La période sur laquelle porte notre étude est significative et mérite qu'on s'attarde sur la justification des bornes chronologiques choisies.

Les années 1961 et 1990 constituent les limites chronologiques de ce sujet d'étude.

En effet, après les élections de 1958, l'atmosphère politique était très tendue du fait des violences à caractères politiques, de la méfiance et de la suspicion qui régnaient entre les différentes tendances. Le gouvernement opta pour le système du parti unique en 1961. Le CUT lors de son congrès des 21 et 22 janvier 1961 fit peau neuve et devint le PUT. De nouvelles élections furent recommandées pour mettre en application le projet du parti unique. Ainsi, les élections du 9 avril 1961 furent organisées et le gouvernement mit tout en oeuvre pour mettre l'opposition hors de la course pour le pouvoir. En 1962, le Président sylvanus Olympio décréta la dissolution des partis existants3(*), parachevant ce qu'il avait entreprit depuis 1961. Après les coups d'Etat de 1963 et de 1967 il fut à nouveau institué le parti unique et le RPT fut créé le 30 novembre 1969 à la suite de l'appel historique du 30 août de la même année.

En ce qui concerne 1990, c'est l'année où s'exprima de manière explicite une volonté de rompre avec le système du parti unique. En effet, entre 1980 et 1990, on assiste à une détérioration de la situation économique, sociale et politique qui accentue la précarisation de la vie. De loin, la chute du mur de Berlin, l'effondrement du bloc soviétique et surtout le discours de la Baule4(*) vont constituer le soubassement des soulèvements qui embrasent le continent africain au début des années 1990 et dont le Togo ne sortira pas indemne.

L'année 1990 fut marquée par des troubles sociopolitiques qui vont aboutir deux ans plus tard, à l'adoption d'une nouvelle constitution réinstaurant le multipartisme : c'est la fin de la troisième République. Le Togo s'engagea sur la voie de la démocratie, une voie qui fut parsemée d'embûches et de traquenards, alors qu'elle était sensée déboucher sur le succès politique, le progrès social et le développement.

Toute recherche vise des objectifs qui constituent en même temps un facteur supplémentaire de motivation. Quels sont donc ceux qui sous-tendent le présent travail ?

A travers cette étude, nous avons voulu apporter une contribution à la connaissance de l'histoire contemporaine du Togo. En effet, de manière générale, l'histoire postcoloniale présente un grand intérêt dans la mesure où après un demi-siècle d'indépendance, il est indispensable de s'interroger sur l'évolution des Etats modernes et de déterminer les tendances selon lesquelles les Etats postcoloniaux de l'Afrique se construisent.

« On a, de tout temps, beaucoup disputé sur la meilleure forme de gouvernement, sans considérer que chacune d'elles est la meilleure en certains cas, et la pire en d'autres » disait Jean-Jacques Rousseau dans Le Contrat social ou Principes du droit politique. Entre 1945 et 1960 le Togo vit sous un régime de multipartisme ; de 1961 à 1990 c'est le parti unique et après 1990 c'est le retour au multipartisme. L'étude historique de ce sujet permet de suivre et de comprendre un aspect des différentes mutations qui sont intervenues dans la vie politique du Togo. L'histoire postcoloniale du Togo fait l'objet de toutes les interprétations mêmes les plus erronées. A défaut de toutes études scientifiques ou universitaires, les générations présentes qui n'ont pas vécu cette période ne la connaissent que par ouï-dire ou par d'autres sources dont la fiabilité reste douteuse, l'analyse populaire prend donc le dessus ce qui n'est pas sans conséquence sur la cohésion sociale. Par exemple, notre surprise fut grande de constater que certains de nos témoins (au moins deux fois plus âgés que nous) ignore l'existence d'un parti unique bien avant le RPT, pourtant ce sont des acteurs locaux de la vie politique. Ceci est un exemple parmi tant d'autres qui montre une méconnaissance de l'histoire politique du Togo et faute de pouvoir l'appréhender sous toutes ses facettes, certains politiciens passent leur temps à haïr les anciens dirigeants et à magnifier d'autres sur la base d'informations qu'ils maîtrisent peu ou pas, intoxicant l'environnement social. A ces raisons, il faut ajouter le souci de recueillir des témoignages vivants chez des acteurs encore en vie mais menacés par la force de l'âge ou la baisse du niveau de l'espérance de vie.

Ainsi le présent travail se veut un remède ou du moins un palliatif à ces difficultés et vient en complément aux recherches déjà effectuées dans le domaine en attendant que les prochaines recherches viennent l'étayer et combler ses lacunes. Ce travail est un exposé qui tente d'analyser le parti unique dans son contexte spatio-temporel, la vie politique et socio-économique et de dresser le bilan des efforts de mobilisation et d'unification sous ce régime.

Tous ces objectifs se reflètent à travers la problématique qui oriente notre recherche.

Pour résoudre le problème de l'instabilité politique et des divisions incarnées par le multipartisme tout en assurant la continuité de l'activité politique, l'option du parti unique fut prise et qui s'est concrétisée par la création du PUT puis du RPT. La question principale à laquelle nous nous proposons de répondre est la suivante : Quel a été le bilan du parti unique en tant que facteur d'unité du peuple togolais de 1961 à 1990 ?

L'analyse de cette question permettra d'appréhender l'action du parti unique dans l'édification de l'unité nationale ainsi que son impact sur la vie politique nationale entre 1961 et 1990. De cette question principale se dégage plusieurs autres interrogations.

Le Togo accède à l'indépendance avec une diversité de partis politiques qui se sont illustrés par leurs antagonismes avec pour conséquence une détérioration du climat politique et socioéconomique. Cette situation justifia l'adoption du parti unique pour l'unité et le développement du Togo. En quoi a consisté la vie politique et socio-économique sous le régime du parti unique ?

Après plus de vingt ans de monolithisme politique, le parti RPT est accusé et récusé par les populations qui se soulèvent. Quel bilan peut-on dresser des efforts de mobilisations et d'unification après ces décennies du régime du parti unique ?

Le présent travail porte sur le sujet intitulé : « Le parti unique et la question de l'unité nationale au Togo de 1961 à 1990 ». Il renferme des concepts que nous supposons nécessaire d'élucider.

Un parti unique est un parti politique ayant généralement sur le plan légal et constitutionnel le monopole de l'activité politique dans un Etat. Dans ce type de régime, le parti est animé par une idéologie qui devient la vérité officielle. Le parti confondu à l'Etat s'octroie le monopole des moyens nationaux pour soumettre l'ensemble de la société civile à son idéologie. Pour M. Jérémie Kadoumta5(*), Le parti unique fut inspiré du modèle communiste de l'Union soviétique dans lequel les moyens de production sont sensés appartenir à l'Etat. Mais cette conception a subit une perversion dans le cadre africain et implique que les moyens de productions appartiennent aux dirigeants.

Mis à part les variantes d'un pays à l'autre, le régime de parti unique est caractérisé de façon générale par l'absence de contre-pouvoirs, l'intrusion sur la scène politique de l'armée, la restriction ou l'absence des libertés fondamentales (libertés d'expression, d'opinion...etc.), le verrouillage politique, la gabegie ou le pillage des ressources, la corruption gouvernementale etc. (Kadanga 2007 : 28). Ainsi donc, un régime de parti unique s'oppose-t-il par principe à celui ayant adopté le multipartisme. Un parti unique tend à imposer une foi et une volonté commune. Il supporte mal la diversité, la pluralité des options. Le parti unique se veut une organisation transversale qui transcende les particularismes régionaux et ethniques des anciens partis rivaux. Le régime de parti unique a été le plus souvent qualifié d'anti-démocratique parce que ne permettant pas l'expression de tous les droits humains énumérés dans la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen. Dans un tel régime, le monopole de la vie politique aboutit à la concentration des pouvoirs dans les mains des seuls cadres du parti qui s'approprient l'Etat et même parfois la vie politique se cristallise autour d'un seul personnage considéré comme le seul capable de diriger le pays. Cette pratique à pour conséquences la proscription de la mémoire collective de certains faits passés qui ne font pas la gloire du chef, la célébration des anniversaires reposant sur les hauts faits de ce dernier, le changement des emblèmes (hymnes, devises), etc. (Kadanga 2007 : 30). La plupart des partis uniques se sont proclamés démocratiques au sens où c'est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, c'est-à-dire la démocratie populaire. Alors que paradoxalement la démocratie et les droits de l'homme refusent catégoriquement toute forme de pensée unique.

Le concept de parti unique évoque aussi l'idée d'une organisation et d'un appareil de parti au service d'une idéologie et de tâches nationales.

Mais pour Dr Chambrier-Rahandi Eloi, commissaire politique du Parti démocratique gabonais (PDG), cette dernière définition correspond à une notion européenne et plus exactement marxiste, qui n'a de commun avec le parti unique africain que la forme6(*).

En effet pour lui, à la différence des autres partis dans le monde, le parti unique africain ne représente pas les intérêts d'une classe et ne constitue pas l'instrument de domination et de l'exploitation étrangère. Ainsi le parti unique africain se définirait avant tout par ses buts et son instauration se justifie par la nécessaire efficacité des gouvernements sur le plan politique, économique et administratif. La tâche qu'ils s'assignent est triple : construire la nation, mettre sur pied et faire fonctionner l'Etat, mobiliser toutes les forces vives pour le développement économique et social du pays. Cette tâche s'expliquerait par la situation historique qu'occupent les Etats africains sur l'échiquier international : pays nouvellement décolonisés se trouvant en état de dépendance économique et devant par conséquent s'organiser le plus rapidement et le plus efficacement possible pour décoller.

De ces propos il ressort que les partis uniques en Afrique procèdent moins d'une volonté doctrinale que d'une volonté de développement, il résulte que dans leur fonctionnement, les partis uniques se veulent ou se disent démocratiques puisqu'ils prônent en leur sein le dialogue, la critique et la contestation constructive et n'exerce aucune dictature ni sur les individus ni sur les institutions. Mais ceci n'est resté que théorique. Le parti unique a été une idée pour faire endormir les gens. Le parti unique a été au service du pouvoir en place, il constituait un outil de propagande et d'imposition des politiques. De ce fait il ne pouvait prétendre aboutir à l'unité nationale.

Quant à « l'unité », du latin « unitas » qui dérive de « unus » c'est-à-dire un, le dictionnaire Larousse le défini comme le caractère de ce qui est un, unique par opposition à ce qui est pluriel. C'est le caractère de ce qui forme un tout dont les diverses parties constituent un ensemble indivisible. C'est un état d'harmonie, d'accord. Dans le même contexte, « unir », c'est joindre l'un à l'autre, de manière à former un tout pour établir une communication, un lien d'intérêt pour une cause commune. Unité nationale est donc un état d'esprit issu du résultat de la fusion des micros patries que sont les communautés. C'est un effort de dissolution de l'unité mentale tribale pour aboutir à la volonté de vivre ensemble qui caractérise la nation. L'unité nationale est de ce fait le résultat d'un effort de transcendance de la conscience tribale, une construction nationale qui requiert de compréhension et des sacrifices. L'unité consiste à installer une certaine harmonie, une cohésion entre les différentes couches sociales mais aussi la classe politique par l'identification et la résolution définitive de ce qui constitue la pomme de discorde et par des moyens qui tendent à la convergence des intérêts et au consensus. Les partisans du parti unique ont pensé que ce but pouvait être atteint par la pensée unique et au mépris des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce qui fut un leurre.

Le principal handicap à l'unité nationale est le tribalisme qui se définit comme un état d'esprit se traduisant par un certain nombre de comportements, attitudes et réflexes dictés par l'attachement à sa communauté plutôt qu'à une autre. A une échelle plus élevée le tribalisme devient le régionalisme voire le racisme. La région se définissant comme un ensemble de plusieurs communautés regroupées dans un cadre géographique soit par leur histoire propre soit par l'administration.

Le fait que ces deux concepts que nous venons d'éclairer (parti unique et unité nationale) aient en commun le mot « un » a même suscité, au Togo comme partout ailleurs en Afrique, beaucoup d'espoir car une autre expérience devait être menée. « Mais après trois décennies, force a été de constater que c'est l'immobilisme. » (Kadanga 2007 : 7)

Plusieurs hypothèses sont alors élaborées pour servir de base à cette étude.

Pour répondre valablement à la problématique nous partons des hypothèses suivantes :

La lutte pour l'indépendance avait eu pour répercussions fondamentales l'éveil d'un profond sentiment national. Mais très vite le pays va perdre cet acquis dans des déchirements et affrontements partisans. Les régimes de Sylvanus Olympio (1958-1963) et de Grunitzky (1963-1967) qui se sont succédé au Togo, sont accusés par les discours de tribalisme et d'avoir incarné la division.

Le régime du parti unique RPT se prévaut une certaine stabilité et fait croire que toutes les données sociales positives sont de son oeuvre. Il fait cependant l'objet de critiques les plus acerbes selon lesquelles, en voulant établir la justice sociale le parti unique a versé dans l'excès et par conséquent a exacerbé les clivages sociaux qui ont légitimé sa création et qu'il était sensé combattre.

Toujours selon les critiques, le parti unique est qualifié de liberticide, ses dirigeants d'autoritaires et la question de l'unité nationale et de développement économique a servi aux dirigeants pour asseoir leur pouvoir et a favorisé la main mise du parti sur l'Etat.

Les manifestations de 1990 sonnent le glas du parti unique et ouvrent l'ère du multipartisme. Les populations qui espéraient voir leur quotidien s'améliorer, se sont rendues à l'évidence que ce n'était pas la fin du calvaire avec les blocages qui laissent envisager une transition mal négociée.

Pour répondre à notre problématique, nous avons recouru à plusieurs types de sources dont nous exposons ici la méthode de collecte.

Afin de bien répondre à la problématique énoncée plus haut, nous avons recouru à plusieurs et différentes types de sources.

D'abord les sources écrites, leur recherche nous a conduit à visiter les bibliothèques de l'Université de Kara, du département d'histoire de Kara, de l'Université de Lomé, de la FLESH à Lomé, de l'INSE, du Club des amis du livre et de la lecture (CALEA) à Lomé où nous avons consulté des mémoires, des thèses et bien d'autres livres ayant trait à notre thème. Les consultations à la bibliothèque de la Chambre du commerce et de l'industrie du Togo (CCIT) nous ont beaucoup édifiés. Nous y avons trouvé certains journaux officiels, les bulletins officiels de la Chambre du commerce, de l'agriculture et de l'industrie de la République togolaise7(*), des rapports sur les séminaires de sensibilisation politique et d'un symposium national qui fournissent beaucoup de renseignements sur le RPT.

La curiosité et l'envie de savoir plus nous ont amené à poursuivre notre recherche à la bibliothèque nationale. Là, il s'agissait de fouiller les journaux officiels, les documents sur la planification du développement au Togo, des livres sur l'évolution de la vie politique au Togo et en Afrique.

Aux archives nationales du Togo, nous avons retrouvé une abondante documentation portant sur les partis politiques et leurs activités pendant la période coloniale. Les documents sur la période postcoloniale sont un peu rares. Là aussi quelques thèses et mémoires ont été exploités

A ces différents sites, nous avons effectué des photocopies, des photographies de pages à l'aide d'un appareil photo numérique et recopier des portions de textes quand celles-ci ne sont pas trop volumineuses.

Ensuite, les sources informatiques à l'instar des sites web ont été consultés ainsi que l'encyclopédie encarta 2008 et son dictionnaire qui furent d'une utilité pas des moindres. A ce niveau, les documents contenants les informations intéressantes ont été téléchargés ou imprimées.

Enfin, pour compléter cette gamme variée de document, nous avons recueilli auprès de personnes des témoignages oraux et écrits sur la vie politique, le PUT et le RPT, indiquant les circonstances de leur création, leur oeuvre et son implication sur la vie politique du Togo. Les personnes consultées sont des hommes politiques et des observateurs de la vie politique. Nous les avons interrogés sur la base d'un questionnaire par avance établi qui a servi de guide pendant les entretiens. Les prises de notes restent les seuls supports des témoignages oraux. L'ensemble des sources consultées aborde diversement la question objet de notre étude.

Les archives, journaux et autres publications officielles consultés nous renseignent sur les partis politiques.

Aux Archives nationales du Togo (ANT) et dans la série Affaires politique et administratives (APA) notamment la sous-série 2APA de quelques circonscriptions nous avons trouvé des rapports de réunions de manifestations des partis politiques comme le CUT, la JUVENTO, le PTP, l'UCPN, le RPT. Nous y avons aussi trouvé des procès verbaux, des correspondances et des rapports de dédommagement des violences qui ont suivies les élections du 27 avril 1958.

Les rapports de congrès du Rassemblement du peuple togolais et le livre vert nous informent sur les structures et organisations, les statuts ainsi que le fonctionnement du parti.

Pour ce qui est de la presse togolaise surtout à partir de 1969, ses organes (Nouvelle marche ou Togo-presse, Togo-dialogue et espoir de la nation) informent sur les orientations des politiques nationales et les réalisations accomplies dans les domaines économique, culturel et social. La question du parti unique est aussi abordée dans des ouvrages et travaux de recherches.

Elles sont composées de livres d'histoire, de science politique, de sociologie politique, de thèses et de mémoires et traitent tous des sujets ayant trait de près ou de loin à notre sujet d'étude.

J-M. Denquin (2001) établit la relation entre la politique et la société affirme que : « Tous les phénomènes politiques sont des phénomènes sociaux [...]. Les phénomènes politiques sont nés des besoins de la société.» (Denquin 2001 : 31). Il en vient à la conclusion que les phénomènes politiques sont l'émanation nécessaire du social et soutient que ces phénomènes trouvent leurs sources dans les antagonismes sociaux qui sont la traduction et l'instrument de la lutte entre les groupes qui s'affrontent au sein de la société. Il aborde l'étude des régimes politiques.

P-F. Gonidec (1971) analyse de son côté les systèmes politiques de l'Afrique post-indépendante en relevant la participation de chaque composante de la société (l'élite, les chefs traditionnels, l'armée,...) à la composition de la classe politique.

D.G. Lavroff (1978) replace les partis politiques dans le contexte de leur émergence et leur évolution. Il souligne leur caractère tardif et simultané. Parlant des partis uniques, il décrypte leur structure et les arguments évoqués par les dirigeants pour justifier leur instauration. Parmi ces arguments, on note le désir de construire l'unité nationale et de développer l'économie de l'Afrique.

J. KI-Zerbo (1972) et d'Almeida-Topor (1999) analysent l'évolution politique de l'Afrique depuis la période précoloniale jusqu'à la période de démocratisation en passant par son occupation, la décolonisation et les indépendances. J. Ki-Zerbo analyse entre autres, les systèmes politiques traditionnels et montre comment ceux-ci ont dégénéré sous l'effet de la colonisation. D'Almeida-Topor relève les grandes continuités et ruptures dans l'évolution de l'Afrique indépendante : le temps des espérances, l'ère des vicissitudes le processus de démocratisation.

Les ouvrages spécifiques sur le Togo foisonnent et abordent pour certains, objectivement dressant un bilan sans complaisance ni concession et pour d'autres passionnément, l'évolution politique de ce pays.

N. Gayibor (1997 ; 2005) retrace la marche politique du Togo depuis 1884 jusqu'à l'indépendance en 1960. Il relève les acteurs politiques, les interrelations et met en relief les valeurs cardinales qui ont favorisé ce processus. C'est ainsi qu'il écrit :

« Pour les gens qui sont devenus les peuples du Togo, celui-ci a donc été avant tous un espace de liberté.

Amenés à s'organiser au tour d'un pouvoir plus ou moins centralisé, les peuples togolais ont su mettre au point par réajustements progressifs et non par des «constitutions» formelles des systèmes politiques remarquablement agencés, où les pouvoirs des uns s'équilibraient mutuellement et prévenaient les risques de tyrannie.

Cohabitation pacifique, liberté, tolérance, équilibre, harmonie politique... N'y a-t-il pas là bien des leçons qui pourraient encore avoir leur valeur dans l'avenir ? » (Gayibor 1997 : 392-393)

R. Cornevin (1988) va au-delà en évoquant les évènements politiques de l'après indépendance.

E. Amah (2010), dans son étude sur la problématique des élections au Togo, aborde aussi l'aspect de la question sous le parti unique. Pour lui les élections sous le parti unique quand bien même elles furent une formalité parce que sans réels enjeux, exprimaient une soif de démocratie. C'est pourquoi celles-ci évoluèrent de l'imposition des candidatures en 1979 à leur libéralisation à partir de 1985.

E. Batchana (2008) analyse de son côté l'influence de la presse sur le pouvoir public et vice-versa. Il retrace tout comme Yagla (1978) le climat sociopolitique qui à prévalu avant l'institution du parti unique. Sur la question de la conception de la presse sous le régime du parti unique il estime que c'était une conception dirigiste et que la presse était sous surveillance (Batchana 2008 : 346). Quant à Yagla il trouve par rapport à son analyse que le « mal togolais » qui a trouvé sa solution sous le parti unique RPT plonge ses racines dans « la distinction fondamentale entre une région sud très scolarisée ouverte au commerce international et une région nord restée très traditionnel ». Et c'est faute de n'avoir pas consacré tous leurs efforts au « rééquilibrage nord-sud », seule condition nécessaire à son avis à l'édification de la nation togolaise, que les régimes précédents ont échoué.

T.G. Tété-Adjalogo (2007) abordant la même question « nord-sud », abonde dans le même sens que Yagla et localise les origines de cette dernière dans la géographie, l'anthropologie et l'histoire coloniale (Tété-Adjalogo 2007 : 42). Ainsi écrit-il : « Les disparités économiques, politiques, sociales et culturelles ont servit de matrice à la question nord-sud ». Cependant il trouve que certaines dispositions comme la célébration du 13 janvier8(*), ont perpétué la question et propose comme solution de « tourner le dos à la célébration... ». Quant à J. Menthon (1993), il affirme dans son épilogue que : « les rivalités - ethniques se sont atténuées au Togo lorsqu'on a cessé d'opposer à tout propos le Nord au Sud [...] lorsqu'à été interdite toute référence à l'ethnie » (Menthon 1993 : 248)

Y. Agboyibor (1999) dans une oeuvre à l'allure autobiographique retrace son parcours d'homme politique en évoquant la manière dont il a vécu certains évènements en union ou en rivalité avec d'autres acteurs politiques. Son avis sur l'impact du système du parti unique est sans équivoque : cette pratique a conduit à l'asphyxie et à la paralysie du pays et empêché l'épanouissement du peuple. (Agboyibor 1999 :184). Cette position est partagée par Tété-Adjalogo9(*) (2006) qui établit un véritable procès au RPT. Cette critique est illustrée par cette paronomase dans laquelle il affirme que : « Le creuset imaginé se matérialise en un corset, un carcan, un bourbier concret. [...] Le parti unique est devenu un parti inique ». (Tété-Adjalogo 2006 : 31)

J. Menthon (1993) et C. Toulabor (1986) dressent une autopsie des différents régimes qui se sont succédé au Togo. « Du libérateur à l'autocrate » est la formule utilisée par Menthon (1993 : 140) pour résumer le parcours politique de Sylvanus Olympio. Toulabor identifie les fondements du régime Eyadema qu'il appelle « les mythes fondateurs » (l'assassinat du Président Olympio et l'accident de Sarakawa en sont les principaux.).

T. Talim (2008) consacre son étude au Rassemblement du peuple togolais (RPT) à travers son armature, son fonctionnement et son programme. Il évalue le parti par rapport à son programme et finit sur une interrogation sur le meilleur type de régime. Pour lui le bilan de l'action du parti en matière de développement ressort des efforts louables mais insuffisants. Cependant, il relève quelques insuffisances notamment, sur le plan des droits de l'homme (torture de citoyens, disparitions...). Sur cet aspect il conclut que le système « s'est en réalité révélé n'avoir été rien d'autre que le creuset de manifestation de tous les phénomènes néo-paternalistes dont le paroxysme allait à contrario précipiter la fin. » (Talim 2008 : 106)

T. Danioue (1994) à travers son analyse prend en compte les dimensions politique, historique, sociale et dresse dans une métaphore médicale la genèse puis procède à l'examen clinique du «  mal togolais » qu'il définit comme l'ensemble des facteurs historiques, géographiques, économiques, sociologiques, psychologiques, culturels et politiques qui perturbent durablement la vie politique au Togo et donnent lieu à des crises politiques qui finissent par emporter les institutions politiques et leurs hommes.

Quant aux personnes ressources abordées sur la question qui nous préoccupe dans cette étude, elles aussi livrent d'importantes informations.

Les sources orales nous ont livré des informations contradictoires évidemment selon les bords politiques de nos interlocuteurs. Selon qu'on soit aujourd'hui de l'opposition ou de l'ex RPT, les informations divergent sur certains points. Bref disons que les informations sont empreintes de militantisme mais aussi parfois d'objectivité. On retrouve tout de même le consensus sur certains faits mais leur analyse est divergente. Les entretiens ont tourné de manière globale sur trois points essentiels : les raisons qui ont milité en faveur de l'adoption du parti unique, les réalisations du parti RPT en faveur de l'unité nationale et l'impact de l'adoption du parti unique sur la vie politique, sociale et économique.

L'exploration des sources électroniques nous a permis de récolter des informations d'ordre général sur le parti unique en Afrique, sur l'évolution des régimes politiques dans le monde et aussi sur l'histoire du Togo depuis les indépendances jusqu'à nos jours.

Les différentes sources consultées ont été soumises à une analyse

L'objectif de cette analyse a été de vérifier la fiabilité des informations recueillies afin de fonder les résultats du présent travail sur des preuves fiables.

L'analyse a consisté à confronter toute la typologie de sources plus haut énumérées afin de relever les constances et les versatilités dans les informations en notre possession. Les différentes sources ont été examinée tant sur le fond que sur la forme.

Sur la forme et au niveau des sources orales, les témoins ont été choisis en fonction de leur orientation politique et parfois des responsabilités présentes ou passées à quelque échelle que ce soit au sein de leurs formations politiques. Au niveau des documents écrits, nous avons recherché leur authenticité et cherché à voir dans quel contexte chacun des dits documents a été rédigé et à quel fin.

Sur le fond en ce qui concernent les sources orales, certains témoins ont été choisis pour leur capacité d'analyse et pour leur présumée connaissance de la question qui fait l'objet de notre recherche. Mais, ces critères n'ont pour autant pas fait de leurs témoignages des paroles d'évangile. Les témoins ont été rencontrés individuellement, mais, leurs témoignages ont fait l'objet de rapprochement et de recoupement par le jeu de la confrontation et du ré-questionnement afin de vérifier la concordance des informations. Au cours de certains entretiens des témoins nous ont demandé de répondre nous-mêmes au questionnaire auquel nous les soumettions pour ensuite discuter ces réponses. A l'occasion nous avons fondé nos réponses sur nos lectures et sur les témoignages passés. Cette procédure nous a permis de confronter donc non seulement les sources orales et les sources écrites mais aussi les sources orales entre elles. Les mêmes questions ont été posées de diverses manières chez un même témoin pour essayer de récolter autant d'informations et voir si celui-ci ne varie pas dans ses réponses.

Les sujets sur les partis politiques ont fait l'objet d'études aussi bien des historiens que des politologues et des sociologues pour ne citer que ceux-ci. Au vue de cela il a fallu faire appel à une approche interdisciplinaire pour l'analyse des données. Tout ceci ne s'est pas passé sans difficultés.

Au cours de notre recherche nous avons rencontré des difficultés inhérentes à la nature du thème. Nombre de recherches portant sur des thèmes politiques sont perçues comme visant à relever les faces cachées d'un pouvoir, à attirer l'attention sur lui et souvent à contredire les discours légitimant que l'on tient pour le préserver. Ainsi sommes-nous suspectés d'espionnage. Dans ces conditions il n'a pas été facile pour nous de recueillir des témoignages oraux : méfiance ou des réponses qui nous laissent sur notre soif. Cette difficulté, liée en partie au climat social qui a caractérisé une partie de la période (décembre 2011 - avril 2012) au cours de laquelle nos recherches ont été menées (ambiance sociale marquée par une crise universitaire et du corps des enseignants, le tout sur un fond de précarisation générale de la vie), a accentué la méfiance et rendu du coup difficile l'accès à certaines sources d'informations orales.

Mais l'une des difficultés réside aussi dans la peur que nous, jeunes chercheurs, avons à s'approcher de certaines personnes ressources, compte tenu de leur statut et de leur rang social, une peur qui se justifie certes à certaines occasions mais qui est souvent fondée sur des préjugés.

Une autre difficulté est que l'analyse d'un système politique même si elle est nécessaire ne permet pas de répondre à toutes les questions que l'historien se pose parce que, comme le souligne Kadanga (2007 : 3), « en politique, les forces obscures qui sont parfois essentielles dans la compréhension de certains actes échappent souvent à l'historien politique ».

Enfin ouvrir le dossier de l'histoire postcoloniale se révèle une véritable gageure tant il est difficile de faire parler le passé immédiat, certains acteurs étant encore en vie et les faits portant le sceau du secret10(*). Sans oublier les tabous qui frappent certains sujets. Même, après plus de deux décennies de démocratie, les langues se délient très difficilement. Mais, si nous sommes parvenus au terme de notre entreprise, c'est que nous avons pu surmonter quelques uns des défis qui s'imposaient à nous. Ceci grâce à la constante disponibilité et à la sollicitude toujours témoignée de notre directeur de recherche, de nos enseignants et de nos devanciers dans la recherche.

Ainsi, pour surmonter ces difficultés il a fallu convaincre de la justesse, de la scientificité et de l'objectif purement académique de notre entreprise, présenter nos documents académiques, et parfois, nous faire accompagner chez nos témoins par leurs amis. Il a fallu aussi s'armer de courage, de patience et être une personne à tout oser. Ceci nous à permis de nous rendre compte que certaines difficultés ne le sont que de façade.

Ainsi la panoplie de documents que nous avons pu consulter a permis de répondre à certaines de nos interrogations.

Afin de mieux cerner notre problématique, ce travail est structuré en deux parties :

La première partie intitulée : « Crise politique et institution du parti unique RPT (1961-1969) », fait un aperçu et une analyse de la situation politique depuis la création des partis politiques jusqu'à l'institution du parti unique passant par les difficultés des luttes pour l'indépendance et leurs conséquences sur l'après indépendance. Elle fait aussi part belle des raisons évoquées pour justifier l'urgence du parti unique au Togo, du processus qui a abouti à la naissance du Rassemblement du peuple togolais, de l'organisation et de la structure du parti.

La deuxième partie, « Le parti RPT et la vie politique et socioéconomique sous le régime monolithique (1969-1990) », traite quant à elle du parti unique et de la problématique de l'unité nationale. Dans cette dernière partie, nous dressons le bilan et faisons une analyse de l'action du RPT en faveur de l'unité nationale ainsi que des différents moyens mis en oeuvre. Elle est également consacrée à l'analyse des implications du parti unique sur la vie politique du Togo et sur la nouvelle dynamique politique dans laquelle le Togo s'est engagé à partir de 1990.

PREMIERE PARTIE :

CRISE POLITIQUE ET INSTITUTION DU PARTI UNIQUE RPT (1961-1969)

L'histoire du Togo de 1945 à 1990 se résume de manière générale, en deux périodes fortement contrastées :

La première dite démocratique fut marquée par une diversité de partis politiques et les tentatives infructueuses d'instauration d'une démocratie pluraliste entre 1945 et 1967. Cette première période a vu foisonner différents partis politiques qui se sont battus chacun avec sa particularité pour la même cause : l'indépendance. Mais aussitôt après avoir gagné ce combat contre le joug colonial, la vie politique va s'enliser dans des affrontements entre partisans des différents partis. Cette crise sociopolitique engendra évidemment des tensions sociales que vinrent accentuer les premières tentatives d'institution du parti unique. Cette situation entraina l'intervention de l'armée pour une première fois en 1963 et pour une seconde fois en 1967.

La seconde qui va de 1969 à 1990, fut la période du parti unique proprement dit marquée par « le parti-Etat RPT ». Suite à l'enlisement de la situation politique du pays après les deux putschs militaires, le Rassemblement du peuple togolais (RPT), parti unique, fut créé. Il anima seul la vie politique togolaise durant deux décennies (1969-1990).

Quels ont été les partis créés entre 1946 et 1967 ? Qu'est-ce qui faisait leur particularité et quel bilan peut-on dresser de leurs actions ? Le multipartisme togolais fut-il un échec au point que le parti unique apparaisse comme la seule solution susceptible de ramener la paix et la sécurité dans le pays ? Voilà les interrogations qui vont faire l'objet de notre préoccupation dans cette partie. Il s'agira donc de présenter le panorama de la situation politique entre 1946 et 1963 en passant en revue les différentes formations politiques ainsi que le bilan de leurs actions et d'aborder le processus qui a abouti à la création du parti unique RPT.

Chapitre Premier :

EVOLUTION SOCIOPOLITIQUE AU TOGO DE 1946 A 1967 : LA LUTTE POUR L'INDEPENDANCE ET LES PERIPETIES DE L'INSTITUTION DE FAIT DU PARTI UNIQUE PUT

Le Togo a enregistré sur le plan politique durant la période allant de 1946 à 1960, une diversité de partis politiques avec dans leur agenda la lutte pour l'indépendance. Mais dès les lendemains de cette indépendance, commencent par se manifester des désirs unitaires afin de palier aux difficultés constatées dans la lutte pour l'indépendance, de prévenir les éventuels conflits liés aux sociétés polyethniques et de favoriser l'intégration nationale et le développement. On assista à l'apparition de la théorie de l'intégration nationale basée sur le parti unique. Les manoeuvres de concrétisation de cette théorie commencèrent en 1961 avec les élections du 9 avril 1961, elles se poursuivirent en 1962 par la dissolution des partis politiques. En 1963, intervint le premier coup d'Etat ; les partis furent autorisés à reprendre leurs activités. En 1967, intervient le second coup d'Etat. Les partis politiques vont être à nouveau dissouts.

Comment les partis politiques togolais ont-ils été formés ? Quelle à été leur contribution ? Quel bilan peut-on établir de ces partis ? Il s'agira donc dans ce chapitre de voir le contexte de la naissance des différents partis, leur évolution et les conséquences de leurs actions.

1- Le paysage politique togolais de 1946 à 1967

De 1946 à 1960, deux courants d'essence conjoncturelle se partagent la scène politique au Togo avec des partis politiques qui apparaissaient comme les bras politiques des régions. Après les élections de 1958, des violences politiques sur fond de méfiance régionale opposèrent nationalistes et progressistes. Dans cette atmosphère très tendu, le gouvernement de Sylvanus Olympio opta pour le système du parti unique et créa le Parti de l'unité togolaise (PUT) en 196111(*). En 1962, sur la base de la constitution de 196112(*), il dissout les autres partis existants (UDPT et JUVENTO). Malgré cette initiative l'instabilité perdura. Ainsi, elle servit de prétexte à l'intervention d'une jointe militaire avec pour conséquence un coup d'Etat. La situation qui vient d'être décrite est la somme des actions des différents partis qui ont animé la vie politique au Togo.

1.1- Les partis politiques au Togo entre 1946 et 1967

Jusqu'en 1945 il n'existait pas de partis politiques au Togo. C'est la conférence de Brazzaville (30 janvier-8 février 1944) qui insista sur les progrès économiques et sociaux à mener dans l'empire colonial français. La création de l'Union française13(*), à travers la Constitution de 1946, favorisa l'autonomie administrative des colonies : elle garantissait l'accès des autochtones à tous les emplois, et leur donnait une représentation politique plus large. L'Union française avait évolué en Afrique noire dans le sens d'une association plus lâche. Le Togo et le Cameroun passèrent du statut de pays sous mandat à celui de territoires sous-tutelle. Dès cet instant, la naissance des partis fut favorisée et il se développa au Togo plusieurs partis politiques représentant deux courants de pensée : Le courant dit nationaliste et le courant dit progressiste.

1.1.1- Le courant dit nationaliste

Le courant dit nationaliste était composé du CUT14(*) et de la JUVENTO. Il s'est illustré par ses prises de positions aux antipodes de la volonté de l'administration coloniale.

1.1.1.1- Le Comité de l'unité togolaise (CUT)

Ses principaux dirigeants furent Augustino de Souza (président), Sylvanus Olympio (1er vice-président), Jonathan Sanvi de Tové (Secrétaire Général) (Gayibor 1997 : 200).

Le CUT était à l'origine, une association fondée le 13 mars 1941 par le haut commissaire français au Togo, Lucien Montagné comme le stipule l'article 1 de l'arrêté n°131 bis du 13 mars 1941 : « Il est créé dans le territoire du Togo sous tutelle administrée par la France une association qui se dénomme Comité de l'unité togolaise ».

L'objectif de cette association était de « contrecarrer les activités des nostalgiques de la période allemande qui s'agitaient pour réclamer le retour de l'ancienne puissance colonisatrice » (Yagla 1978 : 66), de « resserrer les liens entre les habitants du Togo et de rechercher les moyens à assurer la collaboration franche et totale avec la puissance mandataire en vu du progrès et du bien être matériel et moral des Togolais »15(*) (Ajavon 1989 : 21).

Sa composition reflétait cette volonté de raffermir les liens de fraternité entre Togolais car on y retrouvait des personnalités originaires de toutes les régions du pays. Mais le 26 avril 1946 à l'occasion du renouvellement de son bureau au congrès de Kpalimé, le CUT changea d'orientation pour devenir un parti politique. Le nouveau bureau formé ne comptait aucune personnalité de la région septentrionale (Batchana 2008 : 282). Ces derniers se sentirent exclus de fait16(*). Le CUT inscrit à son nouveau programme les revendications des peuples éwé notamment leur réunification et la création d'un Etat éwé. Le CUT prenait alors un caractère irrédentiste. Cette option de la question éwé qui frise la sécession constitua la spécificité de la lutte pour l'indépendance du Togo. Cette particularité a donné une connotation ethnique à la revendication de l'indépendance prônée par le CUT.

Devant l'inévidence de cette réunification, le mouvement pan-éwé se transforma en mouvement pan-togolais et devint le porte étendard de la revendication de l'indépendance immédiate du Togo. Batchana (2008 : 259) qualifie le CUT d'une « association pro-française rebelle » pour ainsi résumer le parcours de ce parti qui tomba en disgrâce dès lors qu'il avait osé affronter les intérêts coloniaux. La raison de cette farouche opposition est tout aussi réaliste : la politique menée en Afrique par les puissances occidentales qui a consisté à exploiter les colonies pour leurs besoins de développement. Pour les leaders de ce parti, les européens restés maîtres du pays depuis plus de trois générations n'ont accordé aucun intérêt à l'Afrique et précisément au Togo. Ainsi, sont-ils responsables des maux dont souffre le continent. Leur départ était alors synonyme de la fin de ces maux. Le CUT entretenait un concubinage de raison avec la JUVENTO. Après la victoire de leur coalition aux élections du 27 avril 1958 le tandem CUT-JUVENTO se disloqua devant l'autoritarisme CUT et sa volonté de l'inféoder en dépit des recommandations du 8è congrès de la JUVENTO17(*) sur les modalités de création d'un parti unique.

1.1.1.2- La JUVENTO

D'un nationalisme inouï et intransigeant, la JUVENTO, un mouvement de la jeunesse et allié du CUT était une aile marchante du courant nationaliste, créée le 25 septembre 1951 par Messan Aithson (Gayibor 1997 : 202). La JUVENTO a le mérite d'avoir posé en terme clair la problématique de l'autodétermination et s'est distingué par « des positions extrêmes un peu gauchistes volontiers marxistes »18(*) (Menthon 1993 : 20). Ses principaux dirigeants furent Messan Aithson, Ben Apalo, maître Anani Santos, Firmin Abalo, Boniface Dovi, François Amorin.

1.1.2- Courant dit progressiste

Le courant progressiste était soupçonné d'être en connivence avec l'autorité coloniale et d'être discrètement appuyé par celle-ci. Il regroupait le PTP et l'UCPN19(*).

1.1.2.1-Le Parti togolais du progrès (PTP)

Crée le 09 avril 1946 sur l'initiative de la France, le PTP était en majorité sinon en totalité composé d'agents de l'administration publique. Son but principal était de :

« Resserrer les liens entre les habitants du Togo et de rechercher les moyens propres à assurer la collaboration franche et loyale avec la puissance mandataire en vue du progrès et du bien être matériel et moral des Togolais. » (Ajavon 1989 : 21).

Il combat dans ses activités le mouvement pan éwé qu'il accuse de tribalisme, d'égoïsme, d'être au service des intérêts britanniques et surtout d'être contre la présence française au Togo. Contrairement au CUT, le PTP s'oppose à l'indépendance immédiate et souhaite une autonomie dans l'union française. Ainsi s'oppose-t-il idéologiquement au CUT. Le parti affirmait sans ambages sa fidélité à la France sans toutefois faire l'économie des critiques : dénonciation de scandale par la presse, plaintes contre la différence de salaire entre Blancs et Noirs, hausse du prix des produits importés bref tous les excès de l'administration. Ainsi le journal le progrès20(*) écrivait :

« Nous préférons que notre pays continue à se confier à la France plutôt qu'au brigandage de quelques compères. Dans un cas, nous parfaisons notre maturité pour devenir rapidement maître de nos destinées, dans l'autre nous sommes secoués par un bouleversement dangereux. Nous demandons simplement que la France reste jusqu'à terme, rapide, de son mandat parce que la France est déjà chez nous et fait un travail que nous voulons voir achever au bénéfice du pays tout entier. » (Batchana 2008 : 265).

Les ténors du PTP furent Pedro Olympio (président), John Atayi, (1er vice président) Nicolas Grunitzky (secrétaire général). (Menthon 1993 : 21).

1.1.2.2- L'Union des chefs et populations du nord (UCPN)

L'autre parti progressiste était l'Union des chefs et populations du nord (UCPN). Créé le 02 juillet 1951, il regroupait tous les chefs supérieurs, les chefs de canton et de village ainsi que les intellectuels du nord-Togo tels que Derman Ayeva, Maman Fousseni, Djobo Palanga, Martel Agba, Albert Kpatcha, Valentin Blakimé, Antoine Méatchi, Baguilma Ywassa, Mateyendi Sambieni. A l'origine le parti était une association à caractère social avec pour dénomination « Fraternité togolaise union des chefs du nord »21(*). Très vite, face au séparatisme du CUT, l'association devint un parti politique en 1951 (Danioue 1994 : 123).

Pourquoi un parti à caractère clairement régionaliste peut-on être amené à se demander. En concentrant sa clientèle dans le nord, la composition de l'UCPN était en contraction avec les normes en matière de formation de parti politique et de ce point apparaissait plus comme un lobi. Devant la revendication de l'unification des éwé incarnée par le CUT, l'UCPN apparaît comme l'affirmation de l'identité du Nord (Bograh 2003 : 40). A ceci, peut s'ajouter le retard de développement qui caractérise cette région du pays. Ainsi, les raisons qui justifient l'existence de ce parti sont à la fois politiques et socio économiques. Babaka Birrégah chef supérieur des Nawdba déclarait à une réunion du parti à Dapaong le 30 novembre 1953 :

« Je prie le parti de faire connaître à l'administration française ce qui nous intéresse : la construction de bâtiments modernes pour améliorer notre standard de vie économique et entreprendre aussi des travaux utilitaires dans nos régions comme ceux qui sont faits au sud »22(*).

La création de l'UCPN serait aussi le désir de la prise en compte des intérêts des populations du nord. Ainsi, l'UCPN dépassait de loin le contexte de la décolonisation et posait un autre problème : celui de la gestion du pays après l'indépendance c'est-à-dire l'équilibre social et politique entre les différents groupes sociaux. Elle exprima la peur de se sentir lésé ou relégué à un arrière plan dans le partage du patrimoine national. Pour les populations ressortissantes du nord, l'indépendance immédiate ne devait pas être une libération comme ils la souhaitaient, mais plutôt un changement de maîtres qui cette fois-ci seraient leurs propres frères. Ce fut donc pour eux une double lutte : d'abord pour l'indépendance et ensuite pour une prise en compte de leurs intérêts (participation active à la vie politique, développement de leur milieu). Après l'indépendance, l'histoire semble leur donner raison. En effet le CUT au pouvoir, s'illustra par la mise à l'écart de la gestion des affaires publiques nationales des peuples non éwé ou alliés à eux ; dès lors en coalition avec le PTP ils incarnèrent l'opposition à la fois politique et tribale des communautés du nord qui s'estimèrent exclus du développement économique et social.

1.1.2.3- Le Mouvement populaire togolais (MPT)23(*)

Il a été créé en 1954 et ses les leaders furent Pedro Olympio, John Atayi, Samuel Aquereburu, André Akakpo. Ce mouvement a eu moins d'écho que les autres avec qui il faisait et défaisait les alliances.

Ces différents partis présentés ci-dessus ont été les principaux acteurs qui ont animé la vie politique au Togo avant l'indépendance et peu après. Malgré leur diversité on assistait en fait à une bipolarisation de la vie politique (Gayibor 1997 : 174) avec d'une part la coalition CUT-JUVENTO et d'autre part le tandem PTP-UCPN. Ils avaient aussi au delà de leurs divergences des traits communs : ils sont d'essence conjoncturelle, ont une assise régionale qui assurait la stabilité et la précision de leur électorat et n'avaient ni programme précis ni doctrine définitive24(*).

1.2- Les élections et les rivalités politiques de 1946 à 1963 : division, règlement de compte, régionalisme

Les différentes coalitions de partis politiques étaient par essence opposées. Les différents scrutins électoraux qui meublèrent cette période, constituèrent des occasions pour en découdre les unes avec les autres avec pour conséquences, des violences paradoxalement entretenues par les vainqueurs.

1.2.1- Violences électorales et contestations

Les élections dans leur ensemble ont donné lieu à des scènes d'euphorie générale de la part des vainqueurs mais aussi et surtout à des débordements déplorables et des exactions qui ont consisté à brimer les soi-disant opposants au camp victorieux. Cette euphorie se traduisit également par des violences politiques et des règlements de comptes souvent sanglants.

Les partis politiques ont animé les différents scrutins. En 1946, le CUT avait remporté toutes les élections que ce soit pour le renouvellement de l'Assemblée législative, au Conseil de la République française, ou à l'Assemblée française. De 1951 à 1958 la victoire s'inversa au profit du courant progressiste (Toulabor 1986 : 19). Le CUT boycotta toutes les élections notamment en 1951 lors du renouvellement de l'Assemblée territoriale et en octobre 1956 lors du référendum sur l'autonomie. Il dénonçait aussi par les boycotts, les conditions dans lesquelles se faisait l'organisation de ces élections (Gayibor 1997 : 214). En réponse à toutes ces contestations, les militants CUT furent victimes d'intimidations.

En effet, la politique de répression systématique était la solution aux contestations pour fraudes électorales, manipulations des listes et des cartes électorales entre 1951 et 1957. Les évènements de Vogan le 23 août 1951, les arrestations de militants nationalistes, la suppression de bourses aux étudiants, les martyrs de Pya après le passage de la mission onusienne furent enregistrés au cours de la même période (Gayibor 1997 : 211). Les Togolais impliqués dans ces violences étaient-ils maîtres de leurs actes ? Etaient-ils que des exécutants soumis à une obéissance irraisonnée ? Etant dit que nous somme encore dans le contexte de l'époque coloniale, il se posait la question de la responsabilité de l'autorité coloniale d'abord dans l'organisation des élections puis dans la gestion des contentieux y afférent. Dès lors que les élections présentaient un enjeu qui l'affectait notamment son départ, il jouait le rôle d'arbitre impartial (Amah 2010 : 56). On pourrait donc conclure à l'entière responsabilité de l'administration coloniale dans les violences qui ont suivi les élections. Le soutien de l'autorité coloniale à la création de certains partis fut un moyen de diviser le peuple pour mieux régner ; les élections en furent un autre moyen de plus. Les élections, enjeu pour les intérêts coloniaux avaient servi à diviser davantage les populations. Les victimes de ces répressions vont garder rancunes et se venger le moment venu.

En 1958, le CUT et son allié remportèrent 32 des 46 sièges à pourvoir pour le compte de la chambre des députés. De 1958 et 1963 les heurts et échauffourées violents opposant partisans nationalistes et progressistes se feront de plus en plus quotidiennement.

1.2.2- L'intérêt régional au centre des rivalités entre nationalistes et progressistes

Les Togolais ne se sont pas divisés sur la question de l'indépendance ; mais plutôt sur la démarche à suivre. Les progressistes voulaient atteindre l'indépendance en suivant les étapes selon le souhait de la France alors que les nationalistes réclamaient l'indépendance sur-le-champ (Gayibor 1997 : 190). Ceux qui ont choisi la collaboration sont-il moins nationaliste? Pas vraiment ; peut-être étaient-ils conscients qu'il faille éviter une rupture brutale avec la France ou étaient ils méfiants ou craintifs vis-à-vis du CUT et de ses visées tribalistes.

L'UCPN et le PTP se sont alliés à la France. Pour eux, contrairement au CUT qui voulait que l'indépendance politique précède l'indépendance économique, il fallait que l'indépendance économique précède l'indépendance politique. C'est pourquoi R. Ajavon déclarait devant la commission de l'ONU au Togo :

« Nous n'avons pas manqué de dire enfin que dans un pays neuf, l'indépendance économique doit nécessairement précéder l'évolution politique. [...]. Sans doute, nous prenons peu à peu conscience de notre personnalité. Mais, cette personnalité ne pourra s'épanouir et s'affirmer que lorsqu'elle aura été suffisamment fécondée par des efforts de la civilisation occidentale [...] C'est pourquoi, il ne serait pas raisonnable de concevoir notre indépendance en dehors du cadre de l'union française. »25(*)

Mais l'attitude des progressistes relèverait aussi d'un calcul politique : retarder l'indépendance et bénéficier des efforts de développement afin de réduire le déséquilibre en la matière entre les différentes parties du territoire. Cette opposition de l'UCPN et du PTP a eu le mérite d'avoir amené la France qui voulait continuer à bénéficier du soutien de ces derniers à entreprendre en 1951 un programme de développement économique et social dénommé FIDES26(*). Ce programme a permis la réalisation de nombreuses infrastructures notamment, les axes routiers, les ponts, les écoles et collèges d'enseignement général, les dispensaires, des barrages et une mise en valeur rationnelle des terres au bénéfice du pays. D'autre part la collaboration a permis d'adoucir un temps soit peu la réaction de la France et d'éviter un bain de sang comme ce fut le cas en Algérie. Les progressistes ont, permis par le biais du chantage qu'ils faisaient à l'autorité coloniale, d'obtenir de lui certaines exigences que rien ne pouvait lui faire lâcher (Gayibor 1997 : 206). C'est l'exemple de la République autonome.

Les violences que nous venons d'évoquer ainsi que les considérations partisanes laissaient voir qu'il y avait un manque d'unité nationale préjudiciable au développement du Togo. Les autorités imputaient la responsabilité de ce déficit en unité nationale à la diversité des partis politiques, c'est pourquoi ils envisagèrent le parti unique comme tremplin.

1.2.3- Les élections du 9 avril 1961, une tentative d'institution du parti unique au Togo

Bien avant l'indépendance du Togo le 27 avril 1960, les tenants du pouvoir ont été tentés par l'expérience unitaire. La JUVENTO exprima ce désir lors de son 8e Congrès tenu à Bè les 9 et 10 avril 1960. Les leaders de ce mouvement estimaient que :

« L'unité doit se réaliser en vue de travailler à bâtir ce pays. Notre jeune nation n'a pas de capitaux et doit compter essentiellement sur les bras de ses citoyens pour assurer son développement. C'est le self-help auquel nous sommes tous acquis. On conçoit bien que sans cette unité aucun investissement humain n'est possible »27(*)

Plusieurs raisons furent évoquées pour justifier cette volonté dont la situation économique du Togo caractérisée par le sous-développement, la pénurie de l'élite politique, l'inadéquation du multipartisme pour le Togo à cause de la diversité ethnique (Batoumaena 2008 : 19). Les congressistes estimaient qu'une fois l'indépendance acquise, « la formation de plusieurs partis politiques ne pourra provenir que de lutte de personnes ou de tribalisme... »28(*). Bien plus, le multipartisme compromettrait à terme l'indépendance du Togo car : « L'existence d'une opposition dans les pays neufs incite leurs gouvernements à chercher un appui à l'extérieur »29(*). À l'issue de ce congrès, plusieurs pistes furent explorées pour la réalisation du parti unique. Parmi ces pistes, l'unité d'action ou le comité d'action, l'intégration individuelle ou collective négociée ou encore la fusion-création.

Le CUT avait les mêmes ambitions pour le parti unique. Lors de son Congrès des 21 et 22 janvier 1961 tenu à Atakpamé30(*), il devint le PUT et reprit les recommandations de la JUVENTO. La négation de l'opposition devint une nécessité pour parvenir au parti unique, le CUT envisagea de phagocyter son allié la JUVENTO (Batoumaena 2008 : 21). Le PUT opta donc pour un passage en force et les élections du 09 avril 1961 en furent la consécration.

En effet, le 09 avril 1961, une triple élection (Elections législatives, présidentielles et référendum pour approbation d'une nouvelle constitution) fut organisée. Mais finalement, seul le PUT participa à cette consultation. Les autres partis (l'UDPT et la JUVENTO) ne purent surmonter les nombreuses entraves mises par l'administration (Batoumaena 2008 : 57). Leurs candidatures furent rejetées, le premier pour n'avoir pas respecté les délais de rigueur (Toulabor 1986 : 22) et le second pour « non respect des pièces devant être jointes à la déclaration » (Wiyao 1997 : 57). Ce fut donc sans grande surprise que la liste du PUT fut plébiscitée. L'UDPT et la JUVENTO dénoncèrent la mascarade. Pour eux, le PUT a « tordu le cou au principe de l'alternance au pouvoir et usé des moyens antidémocratiques » (Wiyao 1997 : 58). C. Toulabor (1986 : 22) comparant la nouvelle constitution issue de cette élection et la précédente (celle du 23 avril 1960) estime que : « La nouvelle constitution du 9 avril 1961 s'inspire de la conception très présidentialiste du pouvoir de Sylvanus Olympio et institue un président aussi fort que celui des Etats-Unis, un parlement aussi faible que celui de la Ve République... ».

Mais au lendemain de ces élections remportées par le PUT, se déchaînèrent tout comme en 1958, des violences contre l'opposition (Toulabor 1986 : 22). Dans cette atmosphère, le Président Sylvanus Olympio décida en 1962, la dissolution de la JUVENTO et de l'UDPT31(*), consacrant le Parti de l'unité togolaise (PUT) comme parti unique. Cette initiative fut écourtée par le coup d'Etat du 13 janvier 1963 dont les meneurs estimaient que c'était de l'autoritarisme (Agbobli 1999 : 22). Au demeurant un bilan peut être dressé de l'action des différents partis.

2- Bilan de l'action politique au Togo entre 1958 et 1963

La victoire des partis nationalistes au référendum du 27 avril 1958, ouvrait de nouvelles perspectives pour un développement désormais endogène centré sur les réels intérêts de la nation en marche vers son destin dans un élan d'enthousiasme et de dynamisme populaire. Qu'est-ce qui fut fait du point de vue économique et politique ?

2.1- Bilan socioéconomique

Sur le plan économique, on s'accorde à dire que le premier régime au pouvoir au Togo a posé les jalons d'une économie moderne et ambitieuse que ses successeurs continueront à appliquer. Des efforts notables ont été enregistrés sur divers plans.

2.1.1- Des efforts dans le domaine socioéconomique

L'économie du Togo à l'époque où celui-ci accéda à l'indépendance est caractérisée par une forte dépendance de l'extérieur. Comme dans tous les pays anciennement colonisés, le budget était déficitaire et assujetti aux aides et subventions extérieures. Economiste de formation, le Président Sylvanus Olympio32(*) s'était donné pour objectif de rendre autonome l'économie du Togo. Ainsi des mesures d'austérité vont être prises. Elles ont consisté à économiser en arrêtant les augmentations des salaires des fonctionnaires ainsi que les avancements, à supprimer les indemnités des chefs, à augmenter le nombre d'heures de travail qui passe de 40 à 45 heures, à décentraliser en chargeant les collectivités locales de l'exécution de leurs décisions. Le résultat de ces mesures sera l'atteinte de l'équilibre budgétaire en 1960 (Menthon 1993 : 128). Cette politique ne manqua pas d'avoir de perverses conséquences sociales.

Dans le domaine de la coopération internationale, il était pratiqué une politique de la porte ouverte. Afin de favoriser l'intégration sous-régionale, il prônait un regroupement économique dans la sous-région ouest africaine.

Au cours de la présidence de Grunitzky33(*) de nombreuses infrastructures ont été réalisées notamment la construction du grand marché de Lomé, le bitumage de la route Anfoin - Tabligbo, du tronçon Kpalimé - Atakpamé - Badou, l'adduction supplémentaire d'eau à Lomé. L'Etat avait pris une participation dans une usine de matière plastique qui devait s'ouvrir à Lomé au mois de janvier. Ce projet qui couta 575 millions de francs CFA devait rapporter 100 millions par an. Sa participation au capital de la Compagnie togolaise des mines du Bénin (CTMB) était passée de 2 à 20%34(*).

Plusieurs projets cependant : il s'agit de la construction de nouvelles pistes à l'aéroport et au port de Lomé dont la mise en service était prévue pour avril 1967, l'allongement de la jetée jusqu'à 1.325 m pour permettre aux bateaux d'accoster dès le mois d'avril de la même année, l'agrandissement de la voie Aflao - Hillacodji et l'adduction d'eau à Sokodé35(*).

En matière d'industrialisation les choses sont davantage restées à l'étape des projets. Toutefois quelques réalisations sont à relever.

2.1.2- Un début d'urbanisation du pays

En 1958, Sylvanus Olympio avait obtenu un financement allemand pour la construction d'un port. Sous sa présidence, l'usine textile de Datcha fut implantée ainsi que la brasserie de Lomé. Une pharmacie d'Etat fut également créée (Menthon 1993 : 131). Dans ses projets,

« Il compte aussi renforcer les principaux axes routiers36(*) desservant les pays limitrophes et remettre en valeur les installations ferroviaires héritées des Allemands, construire un barrage hydro-électrique mener divers projets agro-industriels et assurer un socle d'équipements aéroportuaires, sanitaires, et scolaires »37(*).

Il pensait également à une zone franche à l'arrière du futur port. L'exploitation des phosphates avait commencée depuis 1957.

En 1966 le gouvernement prévoyait l'installation d'une cimenterie et d'une usine d'engrais phosphatés et de marais, des travaux d'aménagement de la féculerie de Ganavé.

En 1965 le Produit intérieur brut (PIB) était estimé à 37,1 milliards (estimation faite à partir des données de 1962), le PIB par personne s'élevait à 21.900 et le budget primitif dégageait un excédent de 598 millions. La production annuelle du phosphate était évaluée à 6.300 tonnes38(*).

En somme, le gouvernement de Sylvanus Olympio (1960 - 1963), à mis en place les conditions de gestion endogène de l'économie en équilibrant le budget, en décentralisant, en dotant le pays des structures économiques et en lançant les actions économiques dans le secteur des infrastructures, de l'agriculture, de l'industrie, de la consommation. Celui du Président Nicolas Grunitzky, tout en ayant à coeur de décrisper le climat politique, a poursuivi l'oeuvre économique entreprise auparavant en exécutant certaines actions économiques initiées par son prédécesseur. Des efforts avaient été faits pour assurer au Togo un avenir économique meilleur mais ils furent insuffisants par rapport aux besoins des populations qui espéraient mieux. Non seulement ils furent insuffisants, ils furent aussi inégalement répartis sur le territoire national où la partie méridionale apparaît nettement privilégiée au détriment de la région septentrionale. Ce qui fut une cause de frustration des populations ressortissantes qui y voyait une façon de les marginaliser. Et pire, ces efforts de développement furent sapés par l'atmosphère politique

2.2- Bilan politique : la goutte d'eau qui déborda le vase

Sur le plan politique le bilan est froid. Le climat politique se caractérisa par des violences et une détérioration du tissu social. Les antagonismes des luttes pour l'indépendance ont eu des conséquences fâcheuses au point que cette période auxquels s'ajoutent les dérives du monopartisme (1969-1990), constituèrent le terreau des violences des années 1990.

2.2.1- Les violences, conséquences des antagonismes politiques

Les partis politiques de part les mobiles qui ont présidé à leurs créations étaient opposés. Leur composition laissa entrevoir de fait leur « assise régionaliste » (Tété-Adjalogo 2007 : 35) renforçant cette opposition régionaliste qui trouve ses origines dans l'histoire (Tété-Adjalogo 2007 : 42). Ce qui donna un caractère régionaliste à toute action politique.

Entre 1958 et 1963 les incendies de maisons, les brimades, les bastonnades, la destruction des biens : maisons palmerais, meubles, plantations, les chasses aux sorcières, ont rythmé la vie des populations (Toulabor 1986 : 20) Les arrestations et perquisitions étaient devenus monnaie courante. Toute personne soupçonnée d'entretenir des liens avec l'opposition, des fois sans preuves suffisantes, pouvait être arrêtée même au sein du camp nationaliste. Ce fut le cas de l'arrestation de Messan Aithson ancien secrétaire de la JUVENTO. L'arrestation massive de deux cents chefs traditionnels du PTP. Ce qui conduit plusieurs leaders politiques à l'exil. Cette situation fut dénoncée par plusieurs interpellations du gouvernement de Sylvanus Olympio.

Les violences dans leur ensemble ont été orchestrées par les « ablorés sodja39(*) ». Ce terme recouvre un amalgame de différents individus et comportements : Véritable police politique, les ablorés sodja étaient à l'origine chargés de la protection des leaders nationalistes. Mais après le 27 avril 1958, ils se chargent de la répression des adversaires politiques. Il y a aussi des individus zélés, des partisans du CUT qui, naguère, ont souffert de l'oppression et qui n'ont pas pardonné à leurs adversaires. Il y a enfin des individus peu scrupuleux, opportunistes guidés par des objectifs propres (Gayibor 2005 : 669). « Là où les ablorés sodja passent les personnes et leurs biens trépassent » (Danioue 1994 : 168). Ils ont semé le désarroi parmi les paisibles populations.

Leur mode opératoire consistait à s'attaquer aux hommes et à leurs biens. Ce qui nous amène à penser qu'ils étaient familiers aux milieux dans lesquels ils opéraient ou bien qu'ils bénéficiaient de la complicité des autochtones. De toutes les façons, ces violences ont porté un coup dur au multipartisme togolais. Par son silence et au mieux la timidité de sa réaction, l'autorité en place laissait entrevoir qu'il n'était pas innocent. Ces violences posent le problème de l'exercice du pouvoir que confèrent les victoires électorales.

2.2.2- La gestion du pouvoir entre 1958 et 1967

De manière générale, les victoires électorales au lieu qu'elles soient considérées comme celles du peuple togolais dans son ensemble étaient accaparées par les partis politiques qui, dans l'exercice des responsabilités, n'associaient pas les autres. Ce fait que nous évoquons n'est l'apanage exclusif ni des progressistes ni des nationalistes. L'observation de la composition des différents gouvernements qui se sont succédé depuis l'autonomie en est une révélation. Le gouvernement Grunitzky ne comptait aucun membre nationaliste c'est de même que ceux de Sylvavus Olympio ne comprenaient pas de progressistes. Ces derniers dans un cas ne sont pas invités au gouvernement. Dans l'autre cas les présumés vainqueurs se sentant investi de tout pouvoir, se livraient volontiers à des ignominies qui amputaient aux supposés vaincus toute dignité humaine et tout désir de collaborer. A ce propos Claude Feuillet (1991 : 90) écrivait : « Entre 1956 et 1967, [...] Chaque fois qu'un parti remportait les élections, son appareil laminait les vaincus, accaparait toutes les places, éliminait parfois physiquement l'opposition ».

Cette situation est plus expressive au lendemain des indépendances où les différents gouvernements ainsi que la haute administration (ambassadeurs, directeurs etc.) s'illustrent par leur composition monocolore aussi bien politique que tribale. Ils révèlent une composition politiquement et tribalement homogène40(*).

Cette situation a contribué à créer chez les nordistes un complexe d'infériorité et chez leurs frères du sud un complexe de supériorité et à renforcer chez les premiers la conviction que les seconds cherchent à confisquer le pouvoir. Le problème du Togo post-indépendant fut donc non seulement de n'avoir pas associé des personnalités du nord mais aussi de n'avoir pas associé les soit disant vaincus (UCPN et PTP) à la gestion du nouvel Etat en se cachant derrière des pratiques de pseudo-démocrates qui consisteraient pour le gagnant de gérer tout seul afin d'éviter la paralysie de l'action gouvernementale. Dans le contexte de la naissance des nouveaux Etats africains, les gouvernements d'union nationale n'avaient-ils pas l'avantage de fédérer les compétences des divers horizons ? Sur la question, Danioue dans son analyse affirme que :

« L'absence de l'unité nationale ou conscience nationale nécessitait une diligence des gouvernants au partage du pouvoir politique avec toutes les sensibilités politiques représentatives de la diversité régionale hors de toutes considérations occidentalo-centriste d'exercice du pouvoir. » (Danioue 1994 : 179)

Au-delà du fait de n'avoir associé ni l'UCPN ni le PTP à l'exercice du pouvoir au lendemain de l'indépendance, la volonté de monopolisation du pouvoir par le CUT aboutit à la dislocation du front nationaliste et à la création du PUT parti unique en 1961 qui cache au-delà des raisons évoquées « l'autoritarisme des dirigeants togolais d'alors qui ne voulaient rien partager une fois le pouvoir politique entre leurs mains et refusaient toute forme de critique » (Bograh 2003 : 21).

Au lendemain de l'indépendance, le pouvoir politique semble devenir l'enjeu des affrontements au Togo. Dans le souci de le préserver, le régime en place évolua vers le système présidentialiste qui avait pour avantage dans ce contexte de préserver l'exécutif du contrôle parlementaire et de le mettre à l'abri de toute critique et de toute action subversive des députés. L'absence de contre pouvoir laissait libre cour au gouvernement qui n'avait de compte à rendre à personne.

L'esprit dogmatique des leaders du CUT constitua un frein à l'acceptation des besoins des autres formations politiques qui réclamaient plus de justice sociale, gage d'intégration nationale et de stabilité politique. Ainsi la mise en cause du pouvoir du Président Sylvanus Olympio s'explique-t-elle par son incapacité à traiter un problème politique né de la volonté des uns et des autres de participer plus activement à la gestion des affaires de l'Etat.

Cette volonté de préservation du pouvoir à amener les partisans du gouvernement à réprimer toutes contestations et restreindre l'exercice des libertés dont les libertés d'association et de formation de parti politiques, participant ainsi à la détérioration du climat social.

2.2.3- Un tissu social en lambeau

Après avoir accusé la colonisation d'être la source de tous les maux dont souffre l'Afrique, les partisans de l'indépendance immédiate lors de la campagne électorale de 1958 avaient promis à leurs compatriotes une amélioration de leurs conditions de vie : hausse du prix d'achat de leurs produits (café, cacao) augmentation du pouvoir d'achat, du travail rémunéré pour tous, la fin des traitements inhumains. Bref, ils avaient fait croire à leurs compatriotes que la fin de la colonisation devait correspondre avec la prospérité. Ce n'était que de la démagogie et de la surenchère. Car, le gouvernement arrêta les augmentations des salaires des fonctionnaires ainsi que les avancements. Il supprima les indemnités des chefs, le nombre d'heures de travail passa de 40 à 45 heures, procéda à une décentralisation précoce. L'assurance maternité fut supprimée, les conventions collectives dénoncées, une taxe de 5% fut imposée aux planteurs. Toutes ces mesures anti-sociales avaient rendu le climat social morose et tendu. Les mesures d'austérité entraînèrent un désenchantement total. A cela il faut ajouter la méfiance tribale qui accélère le pourrissement du climat social.

« Dans le nord surgissent des conflits entre chefs traditionnels et représentants du pouvoir qui, gens du sud se comportent comme en territoire conquis le sud remplaçant le colonisateur, européen, c'est la colonisation du nord par le sud par l'entremise du CUT » (Danioue 1994 : 185).

Au lendemain des élections du 27 avril 1958, les chefs traditionnels et animateurs de l'UCPN sont traqués et au pire des cas, remplacés manu militari par des éléments favorables au CUT41(*) ; ces chefs traditionnels perdaient du coup leurs privilèges indemnités de fonction entre autres. Le refus d'intégrer les démobilisés de l'armée française qui étaient en majorité originaires du nord fut assimilé à ces comportements discriminatoires vis-à-vis du septentrion.

C'est dans ces conditions qu'intervint le premier coup d'Etat le 13 janvier 1963. Une nouvelle équipe gouvernementale fut mise en place marqué par le souci de la prise en compte de la diversité politique, ethnique et régionale. Mais la volonté hégémonique et les luttes de préséances des personnalités politiques aboutissent à l'enlisement du système bicéphale qui fut mis en place.

Au total, à la veille du 13 janvier 1967, le climat social et politique laissait voir que les gouvernants d'alors entretenaient des luttes partisanes qui n'avaient pour seul but que de satisfaire leur besoin d'hégémonie et d'assouvir leurs intérêts personnels et partisans. Les Togolais avaient alors connu une régression de leurs conditions de vie se concrétisant par un ralentissement des activités de production, part le chômage et l'exode massif des populations vers l'extérieur, par l'amenuisement du niveau de vie, par la misère.

La genèse du multipartisme et de démocratie au Togo remonte à la période 1946-1960. Les deux courants et les formations politiques qu'ils comptent virent le jour en fonctions des nécessités de l'époque et occupèrent la scène politique. Grâce à leurs actions multiformes, les différents partis politiques ont conduit le Togo à l'indépendance le 27 avril 1960. Après l'indépendance, ces mêmes partis ont continué à animer avec les difficultés que l'on connaît la vie politique du pays. La formation de plusieurs partis sembla être le reflet d'une lutte tribale. Il faut reconnaître que la revanche politique et le tribalisme ont prévalu sur l'intérêt national et la libération du peuple togolais. De tels agissements ont raidi l'enthousiasme de certains et fait réapparaitre les antagonismes d'avant-indépendance. La lutte pour l'indépendance apparut comme une rivalité entre le Sud et le Nord ; les partis politiques étant devenus les bras politiques des communautés ou de région. Cette lutte partisane fut un des facteurs de l'éclatement de la nation en de petites unités tribales. Elle fut aussi source d'actions préjudiciables aux droits fondamentaux. L'institution du parti unique PUT accentua l'insécurité donnant à l'armée une raison pour intervenir sur la scène politique. Face à cette situation, la solution au clivage politique, semblait passer par la dissolution de tous les vieux partis impliqués une fois dans la lutte pour l'indépendance et la création d'un nouveau parti unique, creuset de toutes les tendances.

Chapitre Deuxième :

DISSOLUTION DES ANCIENS PARTIS POLITIQUES ET NAISSANCE DU RASSEMBLEMENT DU PEUPLE TOGOLAIS (RPT), PARTI UNIQUE (1967 - 1969)

Le coup d'Etat de 1963 avait mis fin au premier parti unique et libéralisé les activités politiques. En 1967, tous les partis accusés d'être à l'origine des divisions, ont été dissous. En lieu et place il a été créé un seul parti : le Rassemblement du peuple togolais (RPT) avec pour principale mission de réaliser la cohésion nationale, condition sine qua non de l'équilibre politique et partant du développement économique du Togo. Comment a-t-il été créé ? Et quelles implications cela a-t-il eu sur la vie politique ?

Ce chapitre analyse le processus qui a conduit à la naissance du RPT de même que sa structure et son organisation.

1- La dissolution des partis et les raisons de l'institution du parti unique au Togo

Après moult hésitations et tractations, en 1969 l'armée qui avait pris le pouvoir évoque la même théorie que ses prédécesseurs pour instituer un nouveau parti unique : le RPT. Mais avant toute chose, il fallait passer par la négation du multipartisme. Les auteurs du coup d'Etat du 13 janvier 1967 dissout les partis politiques.

1.1- La dissolution des partis

L'indépendance politique du Togo le 27 avril 1960 avait suscité un espoir chez les populations togolaises heureuses d'avoir recouvré leur liberté et leur dignité. Très tôt cet espoir s'évanouit devant les difficultés de plus en plus grandes dans lesquelles le Togo se trouva plongé.

En effet, le régime des partis entre 1946 et 1967 avait été caractérisé par des luttes politiques fratricides qui avaient fini par entraîner le Togo au bord du gouffre. Au lendemain de la victoire du CUT aux élections de 1958, une véritable chasse aux sorcières s'était déclenchée contre tous les adversaires politiques ou supposés ainsi. Le CUT avait entrepris de prendre sa revanche sur les autres partis. Dans ce contexte surchauffé, un climat d'insécurité général s'installa. K. M'Gboouna déclare que :

« La tempête était prévisible, car la nation angoissée et désespérée se cherchait. C'est alors que le 13 janvier 1963, l'armée consciente de ses responsabilités intervient, sans ambition politique, dans la vie de la Nation. Elle mit fin au système existant pour qui l'intérêt personnel primait l'intérêt général »42(*).

Ce premier coup d'Etat se justifie donc par le divorce entre les dirigeants et le peuple.

Après ce coup d'Etat, un gouvernement dit d'union nationale fut mis en place. Ainsi donc Grunitzky et Méatchi, un duo éphémère (13 janvier 1963-13 janvier 1967) avaient été rappelés de leur exil pour diriger les affaires du pays. Ils formèrent un gouvernement d'union nationale présidé par Grunitzky et avec pour vice-président Méatchi. Pour Menthon (1993 : 141), ce gouvernement comptant six (6) membres était empreint de « l'obsession de la rivalité nord-sud ».

Mais ce gouvernement43(*) par ses faiblesses et par ses disputes d'hégémonie a laissé reprendre les luttes intestines qui sapèrent son autorité et entrainèrent une anarchie remettant ainsi pour une nouvelle fois en cause l'évolution de la société.

Une preuve supplémentaire était ainsi faite de l'incapacité des partis à s'entendre pour assurer la gestion des affaires dans l'intérêt du pays.

L'armée intervint de nouveau le 13 janvier 1967 pour prendre les reines du pays au nom de la sauvegarde de l'unité nationale. Les dirigeants étaient accusés de n'avoir pas pris en compte les aspirations du peuple. Ainsi, pour les nouvelles autorités :

« Les anciennes formations politiques bien qu'ayant entrevu la nécessité de l'unité nationale, comme l'indique, soit leur dénomination, soit leur mot d'ordre, n'ont pas malheureusement pu amorcer d'une manière sérieuse une ébauche de solution efficace. Et bien que nombre de leurs responsables et militants aient montré leur attachement et leur dévouement à la cause de ce pays et demeure encore disponibles pour le nécessaire combat à mener pour sa promotion, les anciens partis politiques ont buté de manière évidente sur le problème majeur de l'unité nationale »44(*)

Cette raison légitima aussi bien le deuxième coup d'Etat que le choix du parti unique.

Après ce nouveau coup d'Etat, un Comité de réconciliation national (CRN) fut mis en place dirigé par le colonel Kleber Dadjo mais pour quelques mois. Le 14 avril de la même année, trois mois plus tard, le Général Gnassingbé Eyadema devenait le quatrième Président du Togo.

Dans ce contexte de crise marqué par une succession de quatre présidences en moins d'une décennie, le nouveau Président, dans le cadre de l'exercice des libertés publiques décida par décret n° 67-111 du 13 mai 196745(*), l'interdiction de tous les partis politiques existants ainsi que des regroupements affiliés. Il leur était reproché de s'être formés en coterie et d'avoir créé des divisions artificielles. Le système multipartiste était accusé d'aggraver la scission entre le nord et le sud.

Cette suppression fut bien accueillie par la population car elle allait atténuer les rivalités existantes (Menthon 1993 : 151). Ainsi, la suppression des partis politique était considérée comme une mesure d'assainissement.

1.2- Les raisons et avantages officiels du choix du parti unique

Les raisons de l'institution de parti unique découlent du contexte politique ci-dessus décrit.

A l'origine, le parti unique n'était pas du goût du chef de l'Etat togolais Eyadema. Il déclarait à ce sujet en mai 1967 que : « Je suis opposé fermement au parti unique au Togo. Afin de favoriser la critique, il faut deux partis politiques. Un seul parti n'est pas la démocratie. Car alors, l'opposition n'a d'autre moyen pour s'exprimer que de comploter. »46(*)

Le 30 mai 1967, le Président par l'ordonnance numéro 67-22 créa un comité constitutionnel47(*) chargé de rédiger un projet de constitution qui sera présenté au peuple. Les membres de ce comité furent nommés par ordonnance numéro 67-202 du 06 octobre48(*). Mais ce projet ne connut aucun aboutissement à cause de l'opposition qu'il avait suscité (Amah 2010 : 67). Le 12 janvier 1969, le Président annonça lors d'une allocution49(*) à la nation la reprise prochaine des activités politiques et renouvela son désir de mettre en place une constitution. Ce message provoqua des manifestations de protestation dans le pays. (Danioue 1994 : 227). Des délégations des localités telles que Notsè, Tabligbo, Bafilo, Vogan, Dapaong, Sokodé avec leurs chefs traditionnels à leur tête furent reçues par le président. Celles-ci marquèrent leur opposition à la libéralisation de la vie politique et contre tout projet constitutionnel (Toulabor 1986 : 80). Le Président suspendit sa décision. A propos de ces manifestations et de leur motif, R. Taton cité par E. Amah (2010 : 67) écrit :

« De telles manifestations peuvent être naturellement considérées avec un certains scepticisme hors du continent africain. Pourtant, tous les observateurs étrangers ont constaté la ferveur et la sincérité de ces manifestations générales, le chef de l'Etat jouit d'une popularité considérable qu'explique son oeuvre de création d'une unité nationale que les précédents régimes n'avaient pas pu réussir. »

L'auteur n'a pas tort car Toulabor (1986 : 80) et Menthon (1993 : 151) sont dubitatifs sur leur caractère spontané.

En réalité l'hostilité de certaines populations à la libéralisation de la vie politique se justifie par leur méfiance vis-à-vis du multipartisme au regard des conséquences que celui-ci a engendrées pour elles. Et la popularité du Général président s'explique par les premières mesures qu'il a prises et qui ont abouti à un apaisement général.

« En effet, il libéra les prisonniers politiques, fit rentrer les exilés, bannit les méthodes de répression, donna aux citoyens togolais le droit à une expression libre et constructive, confia les postes de responsabilité politiques et administratives et techniques aux Togolais sur la seule base de l'efficacité et de la compétence sans tenir compte de leur origine ethnique. »50(*)

Face à toutes ces mesures qui auguraient une nouvelle ère et ajouter à cela la volonté politique des autorités de réaliser l'unité nationale, l'on ressuscita et adopta le parti unique51(*). Le Président lui-même déclarera : « Mon but est de réaliser la réconciliation nationale. Jusqu'à maintenant nous n'avons jamais eu la paix. » (Toulabor 1986 : 86).

L'adoption du parti unique s'inscrit également dans la lutte contre le néo-colonialisme caractérisée par le rejet des valeurs occidentales, l'affirmation de la personnalité, de l'authenticité africaine et de la dignité de l'homme noir. Elle marque la volonté des Africains d'asseoir sur des bases saines leur indépendance politique et économique débarrassées de toute domination étrangère. Dans tous les domaines, l'objectif a été de se rapprocher davantage des réalités profondes de la société africaine. Il sera déclaré dans le rapport politique, lors du deuxième congrès du Rassemblement du peuple togolais tenu à Lama-Kara52(*) que : « Il est en effet temps que l'Afrique trouve sa voie propre au développement. Les modèles qui ont prévalu dans d'autres pays et qu'on nous a tant vanté les mérites ont, après plusieurs décennies, démontré au grand jour leur inadéquation et leur inefficacité »53(*)

Et le rapport conclut qu'« A chaque peuple d'inventer son mode de développement en tenant compte de son authenticité et de sa spécificité. ».

Plus tôt, le chef de l'Etat togolais, dans son discours à l'ouverture de la commission paritaire CEE-EAMA en 1973 à Lomé, avait déclaré pour expliquer et justifier l'option politique faite par le Togo que : « Le multipartisme à l'européenne appliqué brutalement chez nous au lendemain des indépendances nous avait conduit au bord du gouffre »54(*)

Le cas du Togo qui vient d'être ici exposé n'est pas une exception. De manière générale sur le plan africain il se posait la question du type d'Etat à créer. Ainsi, pour les dirigeants il s'agissait de créer un Etat fort afin d'aboutir à de véritables nations. Les arguments évoqués par les dirigeants pour imposer l'unicité de point de vue furent entre autre la nécessité de construire l'unité nationale et d'assurer le développement économique. Pour ces défenseurs, le parti unique permet de surmonter les oppositions existantes et de réaliser l'unité nationale. Le parti unique permet d'empêcher la division du pays entre plusieurs partis politiques qui ont presque tous une base ethnique ou régionale.

Le choix du parti unique fut diversement apprécié. Beaucoup d'Africains et d'Européens avaient condamné ce système au nom des règles à la démocratie (Lavroff 1978 : 30). Pour J.-M. Denquin (2001 : 50), c'est un régime dictatorial qui vise à « restaurer l'apolitisme transcendant de jadis ».

Au Togo le choix du parti unique fut soutenu et encouragé par des populations pour des raisons que nous connaissons déjà. L'opposition à ce système ne fut pas ouvertement proclamée à l'intérieur. Mais elle se manifesta sous la forme de coup d'Etat visant le chef de l'Etat. Elle prit donc la forme d'une prise de revanche visant à assassiner le chef de l'Etat supposé être l'assassin du Président Sylvanus Olympio. C'est ainsi que la plupart de ces tentatives de déstabilisation furent attribuées aux partisans de se dernier.

Mais pour les autorités, le parti unique avait plusieurs avantages55(*) dont entre autres :

- créer l'union, la solidarité entre tous les Togolais sans distinction d'origine, de religion, de sexe, d'âge ;

- éteindre les discordes préexistantes du fait de la colonisation et du multipartisme d'antan, facteur ayant paralysé la marche du pays en avant. Cette union excluait obligatoirement le tribalisme, le régionalisme, bref tout esprit de « clocher » nuisible et préjudiciable à une action concertée et collective indispensable au progrès de la collectivité nationale ;

- il correspondait aux traditions africaines à base communautaire et aussi parce que l'état de sous-développement exige la mise en commun des ressources naturelles, humaines pour permettre le décollage économique ;

- il correspond à la conception africaine du pouvoir56(*).

De ce qui précède il ressortirait que le parti unique était le meilleur moyen de lutte contre le régionalisme et le reflexe ethnique. Il constituait de ce fait le ciment de l'unité nationale.

Dès lors, pour renforcer les acquis de la nouvelle politique entreprise depuis 1967 et vaincre le sous-développement et tous ses maux, le Général Eyadema créa le Rassemblement du peuple togolais (RPT).

2- Naissance du RPT

Deux étapes ont abouti à la naissance du RPT : l'appel du 30 août et le congrès constitutif de novembre 1969.

2.1- L'appel historique du 30 août 1969 à Kpalimé

« Nuti fafa nami »57(*). C'est par ce slogan que le général Eyadema le 30 août 1969, lança l'appel historique à Kpalimé. Cet appel allait s'avérer la pierre angulaire de la construction nationale : mission du RPT. Cet évènement inaugure pour le Togo une nouvelle politique et un nouvel ordre. Le qualificatif « historique » utilisé démontre à quel point cette date est une référence dans l'histoire politique du Togo en général et du RPT en particulier.

En effet, relevant l'importance de cette date lors du premier congrès statutaire à Kpalimé, M. Koffi Koffi58(*), commissaire régionale du RPT à Klouto dira que : « le 30 août est pour les Togolais ce qu'est le 14 juillet pour les Français ». De même Talim (2008 : 29) rapprochant les conditions de création du RPT et du RPF59(*) écrit que : « Le 30 août est comparable à ce que le 7 avril 1947 est pour les Français. »60(*)

Dans cet appel le Président invitait tout Togolais, toutes les forces vives de la nation à se fondre dans un grand mouvement. Il disait en substance : « Cette politique de paix qui recueille votre unanime assentiment ne doit pas être une oeuvre éphémère et fragile [...] Elle doit être pérennisée dans un vaste mouvement, un regroupement général qui puisse unir tous les fils du pays. »61(*)

Le RPT devait-il être l'héritier des anciens partis politiques ? Non le Président est formel sur la question et relève les caractéristiques qui démarquent le RPT de ces anciens partis :

« Il ne s'agira pas d'un parti où triompheront comme jadis, la haine les règlements de comptes, les divisions les luttes d'hégémonie, les intérêts personnels, mais un seul et véritable creuset national où viendront se fondre les forces véritables de ce pays à quelque parti qu'elles aient appartenu. »62(*)

Poursuivant son discours, il précise quant aux buts :

« Ce regroupement de tous les hommes de bonne volonté, qu'ils soient nouveaux ou partisans devra oeuvrer pour une reconversion totale des mentalités pour l'union et la solidarité effective de tous les Togolais. Il sera le haut lieu d'un dialogue libre en assurant la participation réelle de chaque citoyen à l'oeuvre de paix politique et de restructuration fondamentale de notre économie »63(*)

A l'issue de cet appel, des délégations se succédèrent au palais présidentiel pour en témoigner au Président leur soutien. Mais ces mobilisations suscitent des interrogations quant à leur caractère volontaire et spontané. Il n'est pas exclu qu'elles aient été suscitées par les autorités pour justifier leur choix et donner une impression de légitimité.

L'appel historique du 30 août venait ainsi de jeter les bases du mouvement RPT64(*). Celui-ci sera porté sur les fonds baptismaux lors du congrès constitutif.

2.2- Le congrès constitutif

Environs trois mois après l'appel historique, les 28, 29 et 30 novembre eut lieu le congrès constitutif du RPT à Lomé. A l'issue des travaux, le mouvement était formellement constitué. L'appel historique du 30 août dont le congrès constitutif est la suite logique, venait de se concrétiser pour répondre au besoin de mobilisation de toutes les énergies, ainsi que de toutes les ressources humaines et matérielles indispensables au développement équilibré garant de progrès social des populations (Debbasch 2004: 12). Le mouvement est doté de ses statuts et structures sur le plan national dont un Bureau politique composé comme l'indique le tableau qui ci-dessous.

Tableau n°1 : Composition du Bureau politique du RPT au sortir du congrès constitutif de novembre 1969

Postes à pourvoir

Noms et prénoms des élus

Président National

Général Etienne Eyadema

Secrétaire Général

Edouard Kodjo

1er Secrétaire Général Adjoint

Henri Dogo

2ème Secrétaire Général Adjoint

Jacques Togbé

Délégué aux affaires économiques

Jean Badassou

Délégué à la jeunesse et à la culture

Dr Johnson Romuald

Délégué aux affaires sociales et féminines

Dr Alexandre Nabédé

Délégué aux relations extérieures

Pr Valentin Vovor

Délégué à la presse et à la propagande

Alphonse Kortho

Trésorier Général

Benoît Bedou

Trésorier Général Adjoint

Mme Eunuce Adabunu

Conseillers

Commandant James Assila

Mme Véronique Bitho

Mme Julie Bocco

M. Gervais Djondo

M. Mama Fousseni

M. Nanamale Gbegbeni

M. Amadou Guinguina

M. Joachim Hounlede

M. Barthelemy Lamboni

M. Benoît Malou

M. Jean Tevi

Source : Tableau conçu par nous-mêmes à partir de la liste des membres du bureau politique après le congrès, Togo-presse n°2222 du 2 décembre 1969.

A l'endroit de ces membres du Bureau politique, le Président déclarera que :

« Chaque membre du bureau politique doit être convaincu :

Que le peuple togolais en a assez du désordre et aspire à la paix dans la réconciliation et dans le dialogue sincère ; qu'il est jaloux de sa liberté, de sa dignité et de son indépendance souvent bafouées par les régimes antérieurs ; qu'il est horrifié devant la pratique du népotisme, de la gabegie et du vol organisé des fonds publics... »65(*)

Le congrès prit des résolutions qui allaient marquer le cours de l'évolution de la politique du parti. Par exemple la résolution n°3 convie tous les Togolais quels qu'ils soient, indépendamment de leurs ethnies et de leurs antécédents politiques à se mobiliser autour d'un mot d'ordre : union et solidarité pour bâtir un Togo nouveau dans l'amour, la fraternité et la justice. La résolution n°6 décline la politique économique financière que le parti entend mener dans le futur à savoir entre autres : repenser le problème de la paysannerie, promouvoir la mise en valeur des terres par la politique des grands travaux, étudier une restructuration agraire qui tienne compte des exigences de développement, poursuivre l'industrialisation.

Le premier congrès statutaire du RPT eut lieu du 12 au 14 novembre 1971 à Kpalimé. Sa mission principale était de décider des options politiques qui allaient désormais régir la vie politique du Togo. A cette occasion, les congressistes rejetèrent de nouveau l'idée d'une constitutionnalisation du régime.

Comme l'indique son nom, le congrès constitutif fut également l'occasion de donner une forme concrète au parti en le dotant de textes organiques et de ses structures qui se profineront au fur et à mesure de l'évolution du parti et des nouvelles exigences.

3- Structure et organisation du RPT

Dans l'organisation du mouvement deux types d'organes se dégagent : les organes centraux et les organes décentralisés

3.1- Les organes centraux

Le Congrès, le Conseil national, le Comité central et le Bureau politique constituent les quatre organes centraux.

3.1.1- Le Congrès

Selon les textes du parti, le Congrès est l'instance suprême du mouvement et se compose des membres du Conseil national et des délégués régionaux (article 19)66(*). Lui seul est habileté à prononcer la dissolution du parti. Il se réunit ordinairement tous les trois ans et extraordinairement sans délai pour approuver les rapports des organes centraux mais cette règle n'a jamais été respectée (Talim 2008 : 32).

3.1.2- Le Conseil national

Il se réunit annuellement pour traiter des questions politiques et administratives du parti et faire des recommandations au bureau politique. Il se compose des membres du Bureau politique, du gouvernement des diplomates accrédités à l'étranger, des délégués régionaux et des différentes ailes marchantes et autorités militaires. C'est en fait un congrès en miniature. Ses attributions sont de ce fait à peu près les mêmes que ceux du congrès. Il statue sur les problèmes urgents de la nation qui ne peuvent pas attendre jusqu'au congrès mais qui ne méritent tout de même pas la convocation d'un congrès extraordinaire.

3.1.3- Le Comité central

Il correspond en terme mathématique au Bureau politique + gouvernement. Il est en quelque sorte l'organisateur ou le cerveau concepteur du parti puisque c'est lui qui conçoit et oriente les activités dans tous les domaines. Pour Talim (2008 : 36) il est « l'Assemblée du parti ». Cette qualification conviendrait plus au congrès qui délibère et adopte les rapports, les comptes et élit les membres du bureau politique.

3.1.4- Le Bureau politique

Selon l'article 30 des statuts du RPT, il est « l'organe de direction et d'animation du mouvement. Il dirige et contrôle la vie de la Nation sous tous les aspects politiques, économiques, sociaux et culturels »67(*). Le comité central conçoit mais c'est le Bureau politique qui exécute d'où le nom d'organe exécutif que lui attribue Talim (2008 : 37). C'est le seul organe central dont les membres font l'objet d'une élection.

3.2- Les organes décentralisés

Ils reposent sur l'organisation administrative du territoire et sont composés de comités régionaux, cantonaux, de villages et de quartiers

3.2.1- Les Comités régionaux

On les retrouve comme le nom l'indique dans les régions ou circonscriptions administratives. C'est la plus haute institution décentralisée du parti.

En théorie il est habileté à faire des propositions ou suggestions au bureau politique mais il subit la loi de la transcendance de la hiérarchie. Dès lors il se conforme à la volonté supérieure.

3.2.2- Les Comités cantonaux

Ils existent dans chaque canton et sont constitués de délégués des villages constituant le dit canton. Le nombre de délégués est proportionnel à la taille des villages.

3.2.3- Les Comités de villages

Dans chaque village il y a un comité de village composé de trois (3) représentants par cellule de quartier.

3.2.4- Les Cellules de quartiers

Dans chaque quartier il est constitué une cellule de quartier avec à sa tête un bureau élu de trois (3) à cinq (5) membres selon l'importance du quartier. La cellule de quartier est le dernier organe du parti dans la hiérarchie.

Chacune de ses organisations de base est placée sous l'autorité du responsable administratif de la dite localité qui est un membre de droit, secondé d'un Secrétaire du RPT. Elles se réunissent pour étudier toutes les questions qui leur sont soumises par les organes supérieurs. Elles sont en théorie la source des propositions mais dans les faits il s'est avéré qu'elles ne sont là que pour obéir à la volonté supérieure et donc mettre en application les décisions de l'autorité centrale.

Chacun des différents comités fut dirigé par un bureau avec qui, il entretient des relations horizontales. Les comités entretiennent entre eux des relations basées sur la hiérarchie tout comme les bureaux eux-mêmes. Voir l'organigramme ci-dessous. Officiellement la communication est ascendante mais dans la réalité elle a été verticale.

Organigramme structurel du RPT

Congrès National tous les 3 ans

Conseil national

Bureau politique

Comité central (au moins 1 fois/trimestre)

Région (préfecture)

Canton

Village

Quartier

Bureau du village

Bureau régional

Bureau cantonal

Bureau de quartier

Cellule de quartier

Comité régional au moins 2 fois/an

Comité de village

Comité cantonal

Source : Organigramme établi par nous à partir de la structure décrite dans le livre vert du RPT

En dehors de cette armature, le parti disposait de commissions spécialisées.

3.3- Les commissions spécialisées

Au total cinq (5) commissions ont été installées (article 36) avec chacune à sa tête un membre du Bureau politique, pour examiner et faire des propositions chacune en ce qui la concerne des affaires relevant de sa compétence. Il s'agit de :

- la commission des affaires politiques et de la reforme administrative ;

- la commission des affaires économiques ;

- la commission de l'éducation, de la jeunesse et de la culture ;

- la commission des affaires sociales, syndicales et féminines ;

- la commission de la propagande et de la presse.

Les membres de chacune de ces commissions font l'objet de nominations par le Président de la République. Elles (les commissions) sont en quelque sorte des services techniques chargés d'étudier la viabilité de tous les projets ou de proposer tous les moyens successibles d'aboutir à la réalisation des objectifs du parti. Ils viennent ainsi en appui au comité central et au bureau politique dans la conception et dans la réalisation des projets.

Dans la vulgarisation et la concrétisation des projets propres à assurer les buts du parti, les associations affiliées furent d'un poids incontournable.

3.4- Les associations affiliées au RPT

Talim (2008 : 47-60) est assez prolixe sur la question de l'historique de ces associations. Il s'agit de la Jeunesse du rassemblement du peuple togolais (JRPT), de l'Union nationale des femmes du Togo (UNFT), de la Confédération nationale des travailleurs du Togo (CNTT) et de l'Union nationale des chefs traditionnels du Togo (UNCTT).

3.4.1- La Jeunesse du rassemblement du peuple togolais (JRPT)

Portée sur les fonds baptismaux le 18 novembre 1972, elle a été un cadre idéal de la jeunesse pour la formation civique, la participation active et rationnelle aux diverses actions de propagande politique, de développement et de promotion sociale et culturelle du Togo. Pour les autorités, elle symbolisait l'espoir du Togo nouveau. La JRPT avait pour objectif de fédérer et d'unir toute la jeunesse. Ainsi en dehors de la présence de ses organes dans les différentes entités territoriales du pays, ils vont aussi se faire beaucoup présents dans les établissements scolaires et centres de formation. Bref, partout où jeunesse est, JRPT y est. Elle constitua donc par son dynamisme le fer de lance du parti.

3.4.2- L'Union nationale des femmes du Togo (UNFT)

Elle fut fondée le 29 mars 1972 pour regrouper toutes les femmes du Togo. A son actif on compte l'augmentation du taux de scolarisation des jeunes filles, l'accès des femmes à toutes les fonctions et à des postes de responsabilité. L'UNFT participa à toutes les réunions et manifestations du RPT, à des séminaires, colloques et conférences internationales. Exemple de la Confédération mondiale des villes jumelées (FMVJ) à Lomé en 1976. Elle oeuvra pour affranchir la femme togolaise des pesanteurs sociales et culturelles, pour son émancipation et sa participation effective à la vie publique. Son poids politique fut tout aussi incontestable. L'UNFT fit parti du Conseil national. Plusieurs de ses membres furent présents aux instances suprêmes du RPT tels le Comité central et les commissions spécialisées. Tout comme d'autres associations, elle était représentée dans les commissions électorales.

3.4.3- La Confédération nationale des travailleurs du Togo (CNTT)

La Confédération nationale des travailleurs du Togo vise à mettre un terme à l'éparpillement et à la division qui sévissait en matière syndicale dans le secteur du travail. Elle s'illustra dans la formation et l'encadrement des travailleurs par la mise en place des comités d'entreprise avec pour mission d'enseigner les vertus essentielles de l'homme : l'efficacité dans le travail, la conscience professionnelle, l'honnêteté, l'esprit de camaraderie, la solidarité agissante, le sens de la justice. La CNTT procéda à une réorganisation des syndicats de base et installa des organes régionaux dans toutes les circonscriptions administratives du pays, organisa des séminaires de formation. Elle fut une école de formation idéologique, civique et d'éducation des travailleurs.

Elle oeuvra à faire du syndicalisme togolais un organe de soutien et de participation à la politique gouvernementale en répudiant toute intervention étrangère ou idéologique susceptible de nuire aux aspirations des masses laborieuses. La CNTT avait voulu être à l'avant-garde de la révolution économique.

Sur le plan politique, une confiance réciproque s'établit entre les responsables politiques et les responsables syndicaux. L'action de la CNTT avait pour but de permettre une information des problèmes de l'heure portés qui devaient être portés à la connaissance des travailleurs par le bureau fédéral. Face à l'administration, accusée de se désintéresser de la politique, la CNTT se devait également de s'engager dans la conquête de celle-ci par la mobilisation pour sa participation aux activités politiques.

Sur le plan social on assista à une réduction des foyers de tension, la signature des accords de salaires ainsi que des conventions collectives.

3.4.4- L'Union nationale des chefs traditionnels du Togo (UNCTT)

Les chefs traditionnels ont pris une part active dans la vie politique sous le RPT. Ils constituaient les antennes les plus fidèles placées auprès des populations. En effet tout comme les précédents régimes il s'agissait pour le parti de s'attacher la loyauté des chefs traditionnelles. L'UNCTT mettait sa sagesse au service des couches de base dont ils sont plus proches et son action à travers chaque chef fut décisive dans la mobilisation des masses.

Ces associations sont à caractère national mais elles avaient des démembrements au niveau de chaque entité territoriale. Voulues du pouvoir, elles révèlent sa volonté de regrouper les différentes classes sociales afin de faire converger les intérêts spécifiques à chacune d'elles et les intérêts catégoriels pour les travailleurs. Ces différents regroupements permettent en même temps un meilleur contrôle par les autorités et un parfait conditionnement des différentes catégories concernées. Les différentes ailes marchantes furent de fidèles associés du pouvoir qui chaque année tout comme le parti même recevaient de l'Etat une subvention au titre de la contribution de l'Etat au budget de fonctionnement68(*). Ces subventions annuelles les aliénaient davantage et faisaient d'elles des obligées du pouvoir.

En fait, il s'est révélé qu'avec la création du parti unique, il fallait des organisations de la société civile toutes nouvelles. Toutes ses associations rentrent dans la logique de la volonté d'unir, de maîtrise de la société à travers ses différentes strates, et d'enracinement du parti et de ses idéaux. Elles donnaient des gages au pouvoir établi ainsi ont-elles participé efficacement à l'enracinement des idéaux du parti et à l'expansion de la culture politique qui a pris le pas, comme dans bien d'autres pays africains, sur les autres activités. Celle-ci était nécessaire pour l'édification de la nation togolaise; et la volonté d'y parvenir fut si manifeste pour que l'on ne s'attendît pas à la réalisation de l'unité togolaise, laquelle doit être caractérisée par la reconversion des mentalités, le travail pour et dans la liberté pour la patrie et dans la fraternité synonyme du dépassement des barrières ethniques et régionalistes.

3.5- Le RPT : un parti doté d'une structure calquée sur celle du peuple

Le RPT à l'instar de bien d'autres partis uniques africains a choisi une organisation de type pyramidal. A travers cette structure ce parti traduit une volonté d'identification du parti au peuple.

Le parti RPT dans le souci de réaliser l'unité s'est voulu d'abord le parti du peuple tout entier pour pouvoir se confondre réellement et intimement avec le peuple togolais dans sa totalité. Il se voulait la structure de base du pays, et sa véritable « colonne vertébrale », un mouvement d'encadrement et d'animation des populations à tous les niveaux. C'est ainsi qu'il se dota des ailes marchantes : JRPT, UNFTT, CNTT, UNCTT et des associations des ressortissants69(*) de divers localités pour relayer et dynamiser l'action du parti. Ces ailes marchantes avaient pour rôle d'éveiller la conscience nationale des masses et des élites par une éducation et une formation appropriée70(*). Ainsi, ont-elles contribué efficacement à l'enracinement de la culture politique au Togo.

Le RPT se voulait un parti de masse dont le programme d'action est conforme avec l'intérêt national. Tout citoyen togolais était synonyme de membre du RPT. Dans l'intention que le parti soit présent partout, il se dota de structures permettant de vivre la réalité du peuple. Le RPT considéré comme parti du peuple, devait tenir cette qualité non pas du fait que tous les citoyens y adhéraient, mais plutôt du fait qu'il était sensé percevoir et refléter les aspirations du peuple. Bien qu'étant un parti unique, le RPT professait qu'il était un parti démocratique71(*) c'est-à-dire un gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple comme il ressort de ce passage :

« A l'analyse de la situation togolaise, force est de reconnaitre, qu'à l'heure actuelle, une seule formation politique est souhaitable au Togo. Cela est conforme au principe d'Union et de Solidarité nationale, et compatible avec la démocratie si, comme nous le ferons, le RPT est le haut lieu d'un dialogue libre et sincère. »72(*)

C'est pourquoi à travers sa structure, il se met en contact avec le peuple de façon à percevoir et à traduire ses aspirations les plus légitimes. L'existence de cellules de base traduit la volonté d'établir un contact permanent avec la population et de lui permettre de s'exprimer directement. Les comités du RPT ont une base géographique (quartier, village, canton...) comme l'indique l'organigramme structurel (page 50). A la base les cellules de quartier devaient être choisies démocratiquement, de façon à être l'émanation de la volonté de la population. Les organes directeurs, au sommet, devaient à leur tour découler des organes inférieurs de sorte que théoriquement, ils soient représentatifs de la base. Mais on ne peut affirmer avec certitude ni que toutes ces structures soient toujours en place ; ni qu'étant en place, elles soient d'inspiration démocratique. Mais une chose est claire ces structures reflètent la volonté des dirigeants que le parti soit en constante liaison avec le peuple. Il était à craindre que les organes directeurs ne se détachent de la base. Et dans le souci d'associer la base aux décisions, un mécanisme de courant ascendant a été établi mais qui malheureusement n'a consisté pour les dirigeants qu'à tenir épisodiquement des discours politiques dans le souci de politiser les masses. Les barons retournaient chacun dans sa base pour vulgariser et faire valoir le bien fondé des mesures prises afin de susciter l'adhésion populaire. Le parti est à partir de ce moment devenu un instrument aux mains du gouvernement et une administration chargée de transmettre les ordres du gouvernement. Au départ il exprimait les aspirations du peuple ce qui justifie les manifestations de soutien mais il s'est mis ensuite à vivre une vie indépendante. La réalité première qui était le peuple a cédé la place au parti. A ce moment le peuple a vu ses désirs (aspirations) entravés par des institutions déficientes et détournées de leurs buts par quelques individus.

Après l'intervention militaire de 1963, la gestion des affaires fut confiée à Nicolas Grunitzky et Antoine Méatchi. Mais le pays fut à nouveau plongé dans une crise de prééminence de personnes accentuée par les rebondissements des acteurs politiques déchus par le coup d'Etat de 1963, entraînant un second, celui de 1967. Les nouveaux responsables politiques à partir de 1967 décidèrent la dissolution des partis politiques optèrent pour la solution du parti unique. Ce choix a été considéré avec scepticisme par certains. Malgré tout, on a constaté une certaine ferveur car celui-ci s'était déclaré au service d'une cause qui le légitime : l'unité nationale que les précédents régimes n'avaient pu réussir.

Certes, cette option à reçu l'adhésion d'une partie de la population mais il serait faux de croire qu'il ait fait l'unanimité. Ceci justifie la quête de l'assise populaire et la politique de réconciliation nationale que le parti a entrepris et qui sont le reflet d'une certaine fragilité.

Les rivalités éminemment politiques et régionalistes vont-ils pouvoir se dissoudre ou se fondre dans un seul et même parti ? Le RPT va-t-il pouvoir fédérer toutes les forces contradictoires du pays ? Le RPT va toujours clamer l'unité nationale comme son cheval de bataille. Qu'en est-il de cette unité tout au long de son existence ? C'est à ces questions que tente de répondre la deuxième partie.

En somme la période de 1946 à 1969 a été marquée par la naissance des partis politiques puis par les premiers pas des Togolais sur le chemin de la démocratie. Elle a aussi vu naître les démons de la haine et des règlements de comptes dont les Togolais n'ont pas pu se débarrasser si tôt et qui eurent des répercutions profondes sur la suite de l'histoire.

Les dirigeants étaient certes animés de bonne volonté et plein de bonnes visions pour leur peuple si on considère les discours73(*). Mais les comportements ont été entre temps en total désaccord avec ces discours. Ceci est l'une des réalités en politique : les actes et comportements ne correspondent pas souvent aux discours.

La liberté au nom de laquelle et pour laquelle ils se sont battus aux côtés de leur peuple fut compromise par les violences.

Les violences politiques ont jeté d'une part un discrédit sur le multipartisme en établissant l'équation multipartisme = violences politiques. D'autre part, elles ont légitimé le choix du parti unique comme la solution unique pour mettre fin aux divisions et favoriser l'unité. Mais l'institution du parti unique (le PUT) n'a pu mettre un terme à ces violences. Au contraire, celles-ci furent exacerbées par les autorités qui en panne de crédibilité cherchaient à consolider leur pouvoir. En 1963 et 1967, deux coups de force intervinrent pour arrêter ce qu'on considérait comme étant des dérives, sans pour autant éloigner la tentation unitaire. En 1969 les gouvernants optèrent à nouveau pour le parti unique et créèrent le RPT. Le premier parti unique était apparu comme un moyen pour les tenants du pouvoir d'alors d'assouvir leur désidérata politique qui était de gérer le pouvoir sans partage. Qu'en fut-il du second et d'ailleurs le plus connu ?

DEUXIEME PARTIE :

LE PARTI RPT ET LA VIE POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE SOUS LE REGIME MONOLITHIQUE (1969-1990)

Dès son arrivée au pouvoir, le général Gnassingbé Eyadema fit de la réconciliation nationale, de la stabilité et de la paix le triptyque sur lequel il entendait fonder sa politique dite de nouvelle marche. Plusieurs actions sur divers plans, notamment sur les plans politique avec la politique de réconciliation nationale et socio-économique furent entreprises, découlant des origines des maux dont souffre le Togo. Quel bilan peut-on dresser de l'action du parti ? Les actions initiées ainsi que les moyens utilisées eurent des implications sur la vie politique et socioéconomique. Quelles furent ces implications ?

Il s'agit dans cette partie, d'étudier dans un premier temps les divers moyens utilisés par le parti et dans un second temps d'aborder son action quant aux enjeux de son époque. Il revient à faire un bilan d'action du parti unique RPT dans le sens de l'unité nationale et de ressortir les implications sur la vie politique économique et sociale.

Chapitre Troisième :

LE RPT ET L'OEUVRE DE CONSTRUCTION DE L'UNITE NATIONALE (1969-1990)

Le climat politique délétère qui régna au Togo à la veille de 1967 avait compromis de facto la paix et la cohésion nationale. Le peuple togolais aspirait profondément à un nouveau style d'existence. C'est ainsi que le Rassemblement du peuple togolais, dès sa création, a inscrit dans son agenda ses préoccupations et édicter une politique dite de Nouvelle Marche ou « New-Deal »74(*) définie comme « une nouvelle manière d'aborder les problèmes d'une mentalité positive ». Le RPT s'engagea dans la réalisation de ses objectifs dont l'unité nationale est la priorité des priorités. Faut-il le rappeler, la réalisation de tout but ou objectif se fait en terme de moyens c'est-à-dire de procédés ou mieux de techniques et d'actions.

Dans ce chapitre, il s'agira donc pour nous de relever les moyens mis en oeuvre sous le régime RPT pour triompher les causes de l'institution de ce parti, puis de dresser un bilan de son action en faveur de ces mêmes causes.

1- Les moyens mis en oeuvre pour la construction de l'unité nationale

Réaliser l'unité nationale, c'est réunir les parties de manière à former un tout organique. Pour réaliser l'unité nationale au Togo, il a nécessité plusieurs moyens que nous pouvons résumer en pratiques juridiques et en pratiques politiques.

1.1- Les pratiques juridiques

Il faut entendre par moyens juridiques tout ce que l'autorité a cru devoir prendre comme mesure assimilable au droit. Ainsi, après le deuxième coup d'Etat, la première mesure réglementaire tendant à réaliser l'unité fut la dissolution et l'interdiction par décret présidentiel des partis politiques. Le choix du monopartisme qui sera institutionnalisé par la constitution de 1980 reste en lui-même le second moyen.

En effet le pays était resté dans un vide juridique jusqu'en 1979, année où un référendum fut organisé pour ratifier une constitution proposée par le RPT et qui légalisait le parti unique. La diversité des partis politiques était considérée par le pouvoir en place comme néfaste à la cohésion comme l'indique les propos suivants du général Eyadema : « Je me suis demandé ce qui était à la base de la division de nos populations ; c'étaient les partis politiques car il suffit que deux frères de même père et de même mère soient de partis différents pour qu'ils ne se parlent pas »75(*).

A cela il faut ajouter la législation électorale. Sous le parti unique les élections s'apparentent à un référendum. Les électeurs sont appelés à ratifier les choix du parti. En vertu de cette législation tout candidat à une quelconque élection ou ce qu'on pouvait désigner par tel devait être issu du parti76(*). En conséquence, le Président Eyadema restait le seul candidat aux élections jusqu'en 1990. Par contre au niveau des législatives, à la différence de la première législature (1980-1985), la seconde législature (1985-1990) fut caractérisée par la diversité de candidats mais tous issus du RPT (Amah 2010 : 81). Et le Président de la République pouvait justifier cette option en ces termes :

« C'est pour éviter de réveiller le démon de la politique politicienne qui a failli engendrer la guerre civile, que le parti, au premier stade de [l'expérience] parlementaire, a cru bon de proposer lui-même des candidats pour être élus députés [...] Compte tenu des résultats positifs de cette expérience, et dans le souci de poursuivre le processus de démocratisation amorcé, les candidats à l'occasion du prochain renouvellement de l'Assemblée voleront de leurs propres ailes » (Danioue 1994 : 256).

La concentration des pouvoirs fut aussi l'une des pratiques. Au terme de la constitution de 198077(*), le chef de l'Etat détenait la totalité du pouvoir exécutif. Il est tout ; il est le chef des armées (article 16)78(*), détenteur du pouvoir réglementaire (article 15) et du pouvoir discrétionnaire de nomination (article 17) et chef du gouvernement (article 20). Parlant de cette situation de concentration des pouvoirs en Afrique, P-F. Gonidec, éminent analyste politicien écrit : « Principium et fonds détenteur du pouvoir gouvernemental, dont les ministres ne sont que les organes d'exécution, le président de la République est le chef dans toute la plénitude du terme. » (Gonidec 1971 : 270)

La centralisation s'opéra aussi au niveau de l'administration du territoire. Les délégations spéciales de circonscriptions et des délégations spéciales municipales restèrent longtemps en vigueur après la dissolution des conseils de circonscription ainsi que des conseils municipaux instaurer sous la première République79(*).

L'ensemble de ces moyens juridiques favorisait la stabilité dans la mesure où l'unicité des candidats aux élections, d'ailleurs sans enjeux véritables, épargnait le pays de contestations électorales sources de violences ouvertes et d'instabilité. Toutefois, nous ne pouvons affirmer avec certitude que le choix des candidats au sein du parti se faisait à l'unanimité et donc qu'il n'y avait pas de contestations internes. La concentration des pouvoirs quant à elle permettait au président de la République d'user de tout son poids pour faire appliquer les mesures d'intérêt national sans souffrir de blocage. Ainsi, elle était-elle source de stabilité et aussi d'assurance d'une pérennité au pouvoir. Par ces moyens le parti s'est enraciné partout et pouvait réaliser sa politique d'unité nationale.

Ces pratiques ont été complétées par des pratiques politiques.

1.2- Les pratiques politiques

L'un des moyens politiques a consisté à évoquer et à instrumentaliser l'histoire afin de dénoncer les violences et le tribalisme sous toutes les formes. Ainsi les acteurs de la vie politique entre 1958 et 1963 sont accusés de tribalistes comme l'illustre cet extrait de discours du Président-fondateur du RPT, le général Gnassingbé Eyadema prononcé à l'ouverture du troisième congrès statutaire du RPT :

« Nous avons souvenance des efforts, des privations, des sacrifices consentis par les uns et les autres pour que naisse la Nation togolaise. Mais malheureusement, ce combat commun, qui aurait dû rapprocher les hommes et unir le peuple, a été très tôt détourné de son but, par une caste de dirigeants privilégiés, avides de pouvoir pour le pouvoir, avait vite fait de confisquer à son bénéfice exclusif le fruit de l'effort commun. Ainsi, il s'installait contre la volonté du peuple, une oligarchie de circonstance dont l'action était fatale à l'unité nationale. »80(*)

L'exaltation du sentiment national par l'histoire devait servir à sublimer le présent et constituer un ferment pour l'unité nationale. Au delà de ce discours, c'est tous les discours ou presque qui stigmatisent ce comportement chez les premiers dirigeants du Togo indépendant. La dénonciation et la condamnation du tribalisme devaient aboutir à un désaveu du tribalisme et par ricochet magnifier le parti qui devait bénéficier des effets bénéfiques du rejet de cette vile attitude. La dénonciation et l'instrumentalisation visait aussi à dissuader les populations de toute idée d'opposition ou de contestation.

La dénonciation à outrance des complots de déstabilisation, même les plus imaginaires, relève de la même logique. L'idéologie officielle tendait à présenter les opposants comme des ennemis à la nation, qui sont contre l'unité nationale81(*).

Un autre procédé fut la dénonciation de l'impérialisme et du néocolonialisme. Le 24 janvier 1974, sorti indemne de l'accident d'avion à Sarakawa, le Président ne tarda pas à trouver derrière cet évènement la main de « la haute finance internationale ». Cette accusation n'est ni aussi simple ni aussi gratuite. Tout à coup le peuple s'unit derrière ses dirigeants pour condamner cet acte ignoble. Ainsi l'anti-impérialisme, un des thèmes phares du RPT contribuait à la recherche de l'unité nationale.

Le rejet du néocolonialisme s'est accompagné du rejet de la culture exotique.

La politique de l'authenticité culturelle a été mise à contribution dans la recherche de l'unité. Elle consistait en l'affirmation de la culture togolaise dans sa diversité car l'affirmation de sa culture propre est un élément de prise de conscience, facteur d'unité et de cohésion. Dans les faits, elle n'est pas allée plus loin que l'abandon momentané des prénoms chrétiens et des habitudes vestimentaires alors qu'elle devait mettre en lumière la vocation culturelle propre à chaque région. Ce qui fait dire qu'elle n'a été en réalité qu'une campagne de déchristianisation des prénoms.

Tout parti assure la cohésion interne par une idéologie82(*). Dans le cas du RPT, parti unique togolais, quelle est son idéologie ? Au RPT, on affirme ne pas avoir une idéologie mais plutôt des idéaux83(*). A première vue, l'absence d'une idéologie relève de la politique d'ouverture inaugurée sous la première République et de la politique de non alignement dans un monde que se partageaient les idéologies capitaliste, socialiste et communiste afin de bénéficier en cas de besoin de l'aide extérieur au développement. Mais ce refus de s'affubler d'idéologie révélerait aussi une stratégie visant à se débarrasser de tout ce qui pouvait être source de diversion dans la mesure où le choix d'une idéologie éloignerait de facto les adeptes de toute idéologie contraire. L'absence d'une idéologie chez le RPT dénote d'une souplesse d'une ouverture du parti unique togolais contrairement à ses pairs africains.

Le contrôle de l'information fut un autre moyen. Ainsi le pouvoir s'est assuré une bonne maîtrise du quatrième pouvoir. Pour ce faire on assista à une restriction de la liberté d'expression. La presse fut mise sous surveillance (Batchana 2008 : 346) car :

« Les dissensions entre Togolais dues en grande partie aux luttes stériles de la politique ont été volontairement et soigneusement entretenues par les lettres et documents anonymes distribués clandestinement dans le dessein de continuer par dresser les citoyens, les collectivités et les groupements les uns contre les autres et de maintenir la haine et les troubles dans notre pays » (Batchana 2008 : 346).

Dès 1967, des dispositions avaient été prises tendant à un meilleur contrôle du secteur de l'information par exemple la déclaration des machines à écrire et à reproduire les documents84(*).

Dans ces conditions, la presse privée et indépendante disparu au profit de la presse nationale. Mais, cette dernière fut mise au service du parti et de son chef et de son image de marque (Batchana 2008 : 355). La politique qui présidait à la fabrication et à la diffusion des organes de la presse togolaise, pouvait se résumer en quelques mots : informer les Togolais des orientations politiques nationales et des réalisations accomplies dans les domaines économique, culturel et social, afin de les préparer à la mobilisation et au militantisme au sein du RPT.

Le désir de contrôler l'information relève du « souci permanent et de la volonté inébranlable de conduire enfin le Togo à une véritable et sincère réconciliation nationale »85(*). Le caractère multinational des Etats africains en général et du Togo en particulier nécessitait plutôt une politique favorisant la cohésion nationale.

Tous ces moyens ont été accompagnés par des actions concrètes.

2-/ Les actions en faveur de l'unité nationale

La volonté du RPT d'unir tout le pays se manifesta par plusieurs actions sur plusieurs plans, notamment politique (politique de réconciliation nationale) et socioéconomique (développement intégré et intégral).

2.1- Sur le plan politique : la politique de réconciliation nationale et de répartition des responsabilités politiques et administratives

La création du parti et même sa dénomination et sa devise « union et solidarité- servir » reflètent une volonté d'unir puisqu'il devait constituer un « creuset national » où se fondraient toutes les forces quelle que fut leur origine. Donc une sorte de « melting pot » qui devait permettre une synergie des efforts en vu du développement. Nul n'ignore que la cohésion nationale d'un Etat est une condition sine qua non de son équilibre politique, et partant, de son développement.

La volonté de réconciliation et d'union du parti fut clamée dans son hymne86(*) qui fut adopté comme hymne nationale en remplacement de « Terre de nos aïeux. »

Toujours dans le souci de lutter contre le régionalisme et le tribalisme, il fut procédé à la répartition des responsabilités politiques de manière équitable entre le Nord et le Sud ainsi que la répartition « proportionnelle » des membres du bureau politique du parti et du comité centrale selon l'appartenance ethnique comme l'indique les tableaux ci-dessous dont l'analyse montre la volonté d'intégration nationale et de faire du parti un parti transrégionale. Car dira un orateur : « l'unité et la solidarité suppose le partage entre les membres de la même communauté des devoirs, des obligations et des richesses »87(*).

Au niveau de l'administration, on assista à un « panachage administratif » (Danioue 1994 : 244), c'est-à-dire que les postes de responsabilités (directeurs et directeurs adjoints) étaient aussi partagés sur les mêmes critères. Ainsi, les tableaux ci-dessous indiquent la répartition des responsabilités politiques entre 1971 et 1990.

Tableaux n° 2 : Composition des bureaux politiques du RPT de 1971 à 1976

Communauté d'appartenance

Région d'origine

Nombre de membres

Composition du bureau politique du RPT après son premier congrès statutaire des 12, 13, 14 novembre 1971 à Palimé selon l'appartenance tribale et régionale des membres

Evhé = 3

Mina = 2

Kabyè = 4

Moba = 1

Ana = 1

Lamba = 1

Kotokoli = 1

Konkomba = 1

Kambolé = 1

Maritime = 4

Plateaux = 2

Centrale = 3

Kara = 5

Savanes = 1

Quinze (y compris le Président-Fondateur du RPT)

Composition du Bureau politique du RPT après son deuxième congrès statutaire du 26 au 29 novembre 1976 à Kara selon l'appartenance tribale et régionale des membres.

Evhé = 3

Mina = 2

Kabyè = 4

Kotokoli = 1

Bassar = 1

Maritime = 3

Plateaux = 1

Centrale = 2

Kara = 3

Savanes = 0

Neuf (y compris le Président-Fondateur du RPT)

Source : Tableau établi par nous mêmes par combinaison des tableaux de Yagla (1978 : pp.191-193)

Tableaux n°3 : Composition du comité central du RPT de 1971 à 1976

Communauté d'appartenance

Région d'origine

Nombre de membres

Composition du comité central du RPT à l'issue de son premier congrès statutaire des 12, 13, 14 novembre 1971 à Kpalimé selon l'appartenance tribale et régionale des membres

Evhé = 2

Mina = 12

Anhlo = 1

Kabyè = 11

Akposso = 1

Nawdéba = 2

Moba = 3

Ana = 1

Lamba = 2

Kotokoli = 2

Konkomba = 1

Kambolé = 1

Bassar = 1

Libanais = 1

Tchamba = 1

Tchokossi = 1

Maritime = 19

Plateaux = 3

Centrale = 6

Kara = 15

Savanes = 4

Quarante-huit (y compris les membres du bureau politique)

Composition du comité central du RPT après son deuxième congrès statutaire du 26 au 29 novembre 1976 à Kara selon l'appartenance tribale et régionale des ministres

Evhé =6

Mina =9

Kabyè =8

Nago =1

Nawdéba =2

Moba =1

Ana =2

Lamba =1

Kotokoli =3

Bassar =1

Maritime =11

Plateaux =5

Centrale =5

Kara =11

Savanes =2

Trente-quatre (y compris les membres du bureau politique et du gouvernement)

Source : Tableau établi par nous mêmes à partir d'une combinaison des tableaux de Yagla (1978 : pp.192- 194)

Tableaux n° 4 : Répartition des ministres des Gouvernements du Général Eyadema de 1972 à 1990 selon l'appartenance tribale et régionale des ministres

Communauté d'appartenance des ministres

Région d'origine des ministres

Nombre de ministres

Gouvernement au lendemain du référendum du 9 janvier 1972

Evhé =1

Mina =3

Kabyè =5

Kotokoli =1

Konkomba =1

Moba =1

Akposso =1

Maritime =4

Plateaux =1

Centrale =2

Kara =5

Savanes =1

Treize (inclus le chef de l'Etat, ministre de la défense nationale)

Gouvernement à l'issue du 10ème anniversaire de l'accession de militaires au pouvoir (1977)

Evhé =2

Mina =4

Kabyè =3

Lamba =3

Kotokoli =3

Nawdeba (Losso) =1

Nago =1

Ana =1

Bassar =1

Maritime =4

Plateaux =3

Centrale =2

Kara =5

Savanes =1

Quinze (inclus le chef de l'Etat, ministre de la défense nationale)

Gouvernement de1978

Evhé =2

Mina =4

Kabyè =3

Lamba =1

Kotokoli =1

Nawdeba (Losso) =1

Nago =1

Ana =2

Bassar =1

Maritime =4

Plateaux =4

Centrale =2

Kara =5

Savanes =1

Dix-sept (inclus le chef de l'Etat, ministre de la défense nationale)

Gouvernement du Général Eyadema en 1990

Evhé =4

Mina =4

Kabyè =2

Lamba =1

Kotokoli =2

Ana =1

Konkomba =1

Akposso =2

Peuhl =1

Maritime =4

Plateaux =4

Centrale =2

Kara =5

Savanes =1

Dix-huit (inclus le chef de l'Etat n'occupant plu de portefeuille)

Source : Tableau établi par nous mêmes à partir d'une combinaison des tableaux de Yagla (1978 : pp.130- 132) et de nouvelle marche n° 3117 du 14 février 1990.

A l'analyse de ces tableaux, il ressort que le RPT se veut un parti intégrateur, fédérateur. On y retrouve la volonté de représenter comme une sorte de reproduction photographique du peuple. L'équation parti = peuple était presque admise. Le parti cherchait à s'enraciner dans chaque espace géographique. Ainsi, donc les nominés étaient sensés représenter leur ethnie et leur région. Cependant, il n'est pas moins légitime de s'interroger sur l'efficacité d'une telle pratique car il peut s'avérer un danger à vouloir effectuer les nominations et les recrutements dans l'appareil politique et administratif sur la base des critères régionalistes ou ethniques car ceci revenait à chercher non pas un homme pour un poste mais plutôt un poste pour un homme étant dit que celui-ci est sensé représenté une sensibilité régionale et ethnique. On aboutit dans ce cas à la création des postes fictifs. Un autre inconvénient est que cette politique a fait des privilégiés par le jeu de la cooptation et du clientélisme (Danioue 1994 : 127). M. Mela88(*) estiment que cette répartition relève de « la corruption et de l'achat de conscience ». B. Budema89(*) va au delà et pense que « le parti unique a fait des privilégiés (les militants) ».

De ces différentes appréhensions, on peut retenir que le recrutement du personnel politique et administratif aurait créé une frustration chez les minorités et créé des disparités entre les populations les unes pensant que si telle région ou ethnie a plus de représentants dans les institutions ou dans l'administration, c'est parce que c'est la région ou l'ethnie d'origine du Président90(*). Ainsi cela aurait-il au contraire installé un climat de méfiance et de suspicion entre les populations qui ont commencé par se soupçonner de favoritisme. Ainsi le parti unique en s'appuyant sur le critère ethnique dans le recrutement de l'élite et dans l'allocation des ressources aurait reproduit les contradictions et les conflits et régénéré les réflexes identitaires qu'il entendait combattre.

Mais, il s'avère aussi que l'appartenance régionale n'était pas le seul critère de nomination, le degré de militantisme, la loyauté et la fidélité étaient également déterminants dans les nominations91(*).

La politique de répartition des responsabilités politiques et administratives s'est accompagnée d'une politique de réconciliation nationale qui a consisté à gracier les condamnés à morts et à accorder une amnistie aux détenus. Cette grâce présidentielle se manifestait souvent à l'occasion des fêtes du 13 ou du 24 janvier. Le 23 janvier 1974, il y eut une libération de détenus politiques et une amnistie générale.

Les sensibilisations politiques pour la promotion de l'unité et de la solidarité nationale étaient organisées par les ailes marchantes. C'est l'exemple du séminaire national de sensibilisation politique des conseillers d'orientation scolaire et professionnelle tenu à Lomé du 4 au 6 mai 1981, du séminaire de formation politique tenu à Lomé du 22 au 24 février, du symposium national du 10e anniversaire tenu à Lomé du 21 au 23 octobre 1981.

2.2- Sur le plan socio-économique

Si les actions et gestes politiques sont indispensables à l'union, il est à noter qu'ils ne suffisent pas à eux seuls à la réaliser. Conscient de cela et du fait que la paix (la paix n'étant pas seulement l'absence de guerre mais aussi un état intérieur et psychologique de bien-être social) est une condition sine qua non de l'unité et vice versa, le RPT ne devait ménager aucun effort pour entreprendre des réalisations socio-économiques sur toute l'étendue du territoire. Il va entreprendre une politique de développement équilibré étant entendu que le déséquilibre de développement entre les différentes régions du pays était considéré comme un frein considérable à l'unité. Partout on insista sur l'égalité des chances et la justice sociale. Un orateur déclarera lors du symposium national du 10e anniversaire que : « L'unité c'est avant tout un développement harmonieux. »92(*) Plusieurs réalisations ont été faites dans différents domaines.

2.2.1- Développement des infrastructures économiques et des services

Doter le pays d'infrastructures viables capables de contribuer au développement national harmonieux a été l'un des principaux objectifs. Ce secteur englobe plusieurs volets (énergie, hydraulique villageoise, les infrastructures de transports routiers et aériens, les infrastructures de télécommunication, assainissement et voirie, adductions d'eau, tourisme, habitat et logement, urbanisme, cadastre, cartographie, topographie). Les investissements acquis pour ce secteur au cours des quatre plans quinquennaux sont allés en crescendo. Au total, le secteur a bénéficié entre 1966 et 1985 d'un investissement de 249110,1 millions de FCFA (Voir le tableau n°6 p. 73).

Les infrastructures de transports routiers et aériens furent les plus privilégiées. Celles-ci répondent plus à un besoin économique mais participent davantage à la consolidation de l'union étant dit qu'elles permettent le désenclavement des régions et établissent des relations communicationnelles entre ces dernières ainsi que leurs occupants. Ce fait est important si l'on sait qu'il existait depuis l'époque coloniale un certain complexe vis-à-vis du sud (ce complexe va savamment ou par maladresse être accentué). En effet le sud était considéré par les gens du nord comme le pays des Blancs « samaa » chez les nawdeba par exemple. Donc les voies de communication participent au décloisonnement du pays. C'est à juste titre et pour lui conférer ce rôle unificateur que l'axe Lomé-Dapaong, la Nationale n°1 a été baptisée « la route de l'unité nationale »93(*)

Ce même désir de doter les différentes parties du territoire des mêmes infrastructures conduit à la construction de l'aéroport de Niamtougou. Entre temps le port autonome de Lomé avait été inauguré en 1968. Tous les chefs-lieux de préfectures furent équipés en eau et en électricité. Ces infrastructures mises en place ça et là avaient pour objectif d'assurer dans les mêmes conditions les mêmes conforts de base et éviter ainsi l'exode rural. Elles ont permis l'intégration de tout le territoire au circuit national.

2.2.2- Développement rural

Le secteur du développement rural a été un autre des secteurs ayant retenu l'attention des autorités. La place de l'agriculture dans l'économie nationale (environ 30% du PNB) a fait d'elle une priorité nationale. Plusieurs actions furent réalisées dans ce domaine dont l'augmentation du prix d'achat aux producteurs des principaux produits d'exportation (café, cacao, coton).

Les structures de développement furent créées et des institutions de recherche dans le domaine agricole implantées (exemple de la création de l'école nationale d'agriculture)94(*).

Le gouvernement lança en mars 1977, une politique dite de révolution verte avec pour objectif l'autosuffisance alimentaire. Pour faciliter toutes les opérations pouvant concourir au développement de l'agriculture, de l'élevage, de l'artisanat et de la pêche ainsi que pour faciliter la commercialisation des produits provenant de ces activités, il fut créé la Caisse nationale de crédit agricole (CNCA)95(*). Afin d'optimiser les rendements, le gouvernement manifesta la volonté de moderniser le secteur de l'agriculture par la mécanisation. Il avait dans ce sens acquis des tracteurs. Il procéda à une reforme agraire soutenu par le projet FED96(*) concrétisé par l'installation des populations dans la zone d'Agbassa.

2.2.3- Développement du secteur industriel du commerce et de l'artisanat

Le secteur industriel embryonnaire en 1966 avec 11,8% du PIB s'est développé et représentait en 1980, 20%. Ceci s'explique par la diversification des produits au sein des unités existantes et par la création d'unités nouvelles et la stimulation du secteur des PME. Le souci de réduire la dépendance du pays vis-à-vis de l'extérieur poussa les autorités à privilégier la production sur place de biens industriels. Plusieurs unités industrielles furent mises au point dont la raffinerie de pétrole à Lomé, les unités de transformation des produits agricoles : Togo-fruit à Kara, sucrerie à Anié, l'usine textile à Kara et à Datcha, la brasserie à Kara (Talim 2008 : 79). L'objectif de ces équipements est certes de renforcer l'économie et partant d'optimiser les recettes de l'Etat, mais leur positionnement géographique visait à « atténuer les erreurs » qui datent de l'époque coloniale et qui on consisté à marginaliser l'intérieur du pays.

Cependant, la politique d'industrialisation a connu un échec pour diverses raisons. La volonté politique des autorités politiques de doter le pays de toutes les infrastructures et en même temps a conduit à des prises de décision unilatérale sans des critères rationnels et objectifs et donc et à des erreurs de choix technologique pour certaines unités comme par exemple la raffinerie de pétrole et l'aciérie.

2.2.4- Secteur socioculturel et des ressources humaines

Les autorités se sont montrées aussi préoccupées par l'équipement en infrastructures sociocommunautaires : établissement scolaires, les maisons du parti à Lomé et à Kara, etc.

L'exonération de la taxe civique fut l'une des mesures sociales phares visant à améliorer les conditions de vie des populations97(*).

Pour faire face aux problèmes de santé, les hôpitaux furent construits dans chaque chef lieux de préfecture. En 1970 des Centres hospitaliers régionaux furent construits à Dapaong, Kara, Sokodé et Atakpamé98(*).

Le tourisme de masse fut considéré comme un facteur d'unité nationale car il devait favoriser la connaissance mutuelle développer la solidarité nationale. Les chefs lieux de régions furent dotés d'infrastructures hôtelières et les chefs lieux de préfectures des campements ou résidences pour visiteurs.

Sur le plan de l'emploi, les retombées de la politique d'industrialisation furent la création de l'emploi. D'autres structures furent mises en place pour soutenir et développer l'emploi. Des structures de formation et de perfectionnement furent créées avec un effort net au niveau de la formation : des établissements scolaires (primaire, collège, lycée moderne et technique) furent construits dans toutes les préfectures. Une université fut construite à Lomé en 1970.

La justice sociale prônée par le pouvoir se manifesta au niveau scolaire par la répartition équitable des bourses d'études. Toutes ces réalisations ont été faites grâce à un développement planifié.

2.3- La planification, un objet de développement harmonieux

Sous le régime du parti unique, le Togo confirme et renforce les bases du développement planifié qui, sur une base bi-décennale, devait le conduire au décollage économique à l'horizon 1985. Les tableaux ci-dessous nous résument pour le premier, les prévisions de financement et pour le second les financements réalisés pour les quatre plans quinquennaux de 1966 à1985.

Tableau n° 5 : Tableau récapitulatif des montants des financements prévus des quatre plans quinquennaux de développement économique et social (en millions de francs courants)

 

1er Plan

1966-1970

2e Plan

1971-1975

3e Plan

1976-1980

4e Plan

1981-1985

Ensemble des plans

Développement rural

5 233,3

12 497,2

80 293,5

66 559,1

164 583,1

Ressources humaines

-

-

300

2 473,9

2 773,9

Infrastructures économiques

22 293,4

72 542,4

61 206,5

90 994,1

24 7036,4

Socio-culturel

4 630,4

17 765,4

60 476,7

34 399,6

117 272,1

Ind. Commerce artisanat

3 828

25 672,9

77 981

7 389,5

114 871,4

Total général

359 85,1

128 477,9

28 0257,7

201 816,2

646 536,9

Source : Tableau réalisé par nous même sur la base des données du Ministère du plan et de l'industrie, 20 ans d'efforts de planification pour le développement du Togo, p.139.

Tableau n° 6 : Tableau récapitulatif des montants des financements acquis des quatre plans quinquennaux de développement économique et social (en millions de francs courants)

 

1er Plan

1966-1970

2e Plan

1971-1975

3e Plan

1976-1980

4e Plan

1981-1985

Ensemble des plans

Développement rural

4 478,4

12 468,2

24 616,9

41 784,8

83 348,3

Ressources humaines

-

-

267

541,4

808,4

Infrastructures économiques

19 661,7

43 400,2

84 440,1

101 608,1

249 110,1

Socioculturel

3 830,6

17 752,2

29 617,7

15 932,4

67 132,9

Ind. Commerce artisanat

5 858,3

23 221,7

110 509,3

27 246,1

166 835,4

Total général

33 829

96 842,3

249 451

187 112,8

567 235,1

Source : Tableau réalisé par nous même sur la base des données du Ministère du plan et de l'industrie, 20 ans d'efforts de planification pour le développement du Togo, p.139.

Un rapprochement entre les deux tableaux nous permet de constater les taux de réalisation suivant : développement rural 50% ; ressources humaines 29% ; infrastructures économiques 100% ; socioculturel 57% ; industrie, Commerce et artisanat 145% et un taux global d'environ 88%.

Quel bilan peut-on dresser des efforts de décollage économique et de développement ?

La politique de l'égalité sociale permit sur le plan scolaire une diversification et une abondance de compétences sur le plan national. Elle aboutit à la réforme de l'enseignement en 1975. Sur le plan sanitaire elle permit l'extension de la couverture sanitaire par le rapprochement des centres de soins avec pour conséquence la réduction du taux de mortalité, la lutte contre les grandes pandémies et l'augmentation de la population qui passa de 2,10 millions d'habitants en 1971 à 3,24 millions en 198799(*).

Les efforts sur le plan agricole ont été couronnés par l'atteinte de l'autosuffisance alimentaire.

Sur le plan industriel, c'était la diversité des unités industrielles ainsi que de la production.

Sur le plan culturel, la politique de l'authenticité culturelle au delà des préjudices, a permis pour un temps soit peu de remettre la culture traditionnelle à l'honneur par la promotion des habitudes authentiques (habillement, alimentation...). Bien menée, elle pouvait avoir des incidences économiques notamment, permettre de promouvoir les produits locaux et donc de booster la production locale.

Ces efforts ont été accompagnés par le concours de l'aide extérieure au développement qui représente en 1990, 203 484 000 dollars dont 54% en dons et 56% sous forme de prêts100(*). Pour les trois derniers plans quinquennaux (voir le tableau ci-dessous) et pour les secteurs des équipements administratifs et de l'industrie, du commerce, et de l'artisanat elle représente environ 75% du financement total.

Tableau n° 7 : Tableau récapitulant deux secteurs avec leur financement interne et externe

secteurs

2e plan

1971-1975

3e plan

1976-1980

4e plan

1981-1985

Financement interne

Financement externe

Financement interne

Financement externe

Financement interne

Financement externe

Equipements administratifs

1 956,8

284,4

6 599,5

14 549

237,7

7 502,8

Industrie, commerce, artisanat

10 140

13 081

16 422,8

94 086,5

12 864,1

14 381,9

Source : 20 ans d'efforts de planification pour le développement du Togo : Méthodologie, évolution macroéconomique, bilan physique, bilan financier, p. 135.

Globalement les quatre plans ont connu un succès. Ils ont été financés à hauteur de 87,73% et le PIB a connu une nette évolution passant de 43,5 milliards de francs CFA en 1965 à 312,8 milliards de francs CFA en 1985. Le taux de croissance annuel moyen fut de 10,4% et le PIB a plus que doublé de 1970 à 1977, triplé de 1970 à 1980 et quadruplé de 1970 à 1984. La période 1967 - 1977 fut celle de croissance économique accélérée induite par une conjoncture favorable (hausse des cours des matières premières).

Ceci ne doit pas occulter certains écueils liés tant à la gouvernance qu'aux aléas de la conjoncture mondiale.

Cette période de relative prospérité fut suivie d'une période de tassement de la croissance occasionnée par une conjoncture défavorable (baisse des cours des matières premières, crise énergétique, sécheresse) doublée d'une mauvaise gouvernance (corruption, gabegie, favoritisme, laxisme) qui a occasionné au niveau des investissements des éléphants blancs (Menthon 1993 : 164). Il s'ensuivit un blocage du développement qui imposera la suspension du système de planification et la mise en oeuvre des systèmes d'ajustement structurels de la banque mondial et des plans financiers du Fonds monétaire international qui seront poursuivis tout le long de la décennie 1990.

En fait, du fait des évolutions divergentes de ses ressources et de ses emplois, l'économie togolaise est devenue structurellement débitrice. Les politiques d'ajustements mises en oeuvre depuis la fin de la décennie soixante-dix (70) n'ont guère inversé cette tendance en raison, principalement, de l'atrophie de l'investissement.

En effet, les résultats attendus de la mise en oeuvre des PAS n'ont pas été effectifs. Ces programmes ont perpétué la dépendance du Togo vis-à-vis de l'extérieur. Les ressources financières reçues de l'extérieur ont servi à payer en priorité la dette de l'extérieur. Or, pour réaliser un développement auto-entretenu, il avait fallu dégager une épargne intérieure suffisante pour l'investissement101(*). Il faut ajouter à cela la faiblesse de l'épargne nationale, la pression démographique, le problème des investissements complémentaires, l'apathie administrative, et la conjoncture internationale qui ont été d'énormes difficultés pour l'économie togolaise et qui ont repoussé le décollage économique aux calandres grecs. Les difficultés économiques des années 1980, leurs répercutions sociales auxquelles s'ajoutent les antécédents politiques ainsi que les abus du parti unique, constituèrent une matrice aux soulèvements de 1990.

2.4- L'unité nationale : utopie ou réalité ?

Au cours de nos recherches un observateur averti nous a posé la question à savoir si la politique de l'unité est-elle du ressort de l'Etat ou d'un parti. Vu la légitimité et la pertinence de la question nous avons jugé nécessaire d'y apporter une approche de solution. Ainsi notre avis sur la question est que c'est l'Etat qui mène la politique générale. De ce fait c'est l'Etat qui légitimement mène la politique de l'unité nationale. Mais dans le cas du parti unique il est à noter une confusion des institutions de l'Etat et des organes du parti. Les membres du gouvernement se retrouvent dans les instances nationales du parti. Dès lors, les idéaux du parti deviennent les axes directeurs de la politique du gouvernement. Dans la logique du parti unique, c'est le parti qui incarne le pouvoir politique. Et dans le cas précis ce sont les organes du RPT qui se chargent de la conception de la politique de l'Etat et de sa mise en application102(*). Et en vertu de la prééminence édictée plus tard, le Bureau politique se trouve au-dessus du gouvernement. Donc celui-ci est appelé à se conformer à la volonté du Bureau politique et à exécuter ses décisions. Cette mise au point ainsi faite, abordons la question proprement dite qui concerne cette section.

La politique de l'unité nationale n'a pas été évoquée pour la première fois par le RPT. Bien avant, lui les différents gouvernements qui se sont succédé ont eu également ce souci. Le 27 avril 1960, dans son discours à l'occasion de la proclamation solennelle de l'indépendance du Togo, Sylvanus Olympio alors Premier ministre de la République togolaise disait en substance : «Les vielles querelles tribales, les vielles animosités de familles doivent définitivement disparaître. De l'océan aux frontières du Nord, de l'Akposso au Mono, le Togo doit être un, libre et fier » (Cornevin 1988 : 313)

Ainsi, la politique de l'unité nationale venait d'être lancée officiellement. Le parti allié du CUT, la JUVENTO lors de son 8e congrès inscrivit la question de l'unité nationale à l'ordre du jour des débats et fit plusieurs propositions toutes liées à la formation d'un parti unique. « L'unité doit se réaliser en vue de travailler à bâtir ce pays. » peut-on lire dans le rapport de ce congrès. Ainsi le développement était lié à l'unité ; elle aussi à son tour liée au parti unique. Leur appréhension de la diversité des partis politiques fut la même qu'en 1969. En 1961, il créa le PUT qui se révéla être une dérive vers la dictature.

Trois ans plus tard, estimant que le régime d'Olympio avait profondément divisé les Togolais, Nicolas Grunitzky, deuxième Président du Togo, plaça son mandat sous le signe de la réconciliation nationale avec des discours considérés à bien des égards comme unionistes. En février 1963, il organisa une table ronde regroupant tous les acteurs de la vie politique nationale pour aplanir les divergences afin d'aboutir à la réconciliation et à l'union (Toulabor 1986 : 56). Mais le deuxième coup d'Etat témoigne que l'objectif ne fut pas atteint.

La recherche de l'unité sera l'essence de la création du RPT. Celui-ci montra toute sa volonté à unir comme le font ressortir les pratiques ainsi que les actions que nous avons exposés plus haut et qui visent cet objectif. Mais au finish, peut-on dire que l'unité est un acquis ? Avant toute réponse précisons que la recherche de l'unité nationale est une quête permanente. L'unité ne peut donc pas être un acquis définitif. Ainsi, le parti unique togolais le RPT à oeuvrer pour l'effectivité de cette unité mais la politique de l'unité nationale s'est perdu dans les discours. L'unité est donc restée un voeu. Les évènements de 1990 au Togo sont la preuve de l'échec de la politique de l'unité nationale. Après ces évènements certains partis politiques qui naitront furent identifiés comme la réincarnation des partis dissous en 1967 c'est ainsi que l'UFC sera identifié au CUT donc le cycle recommence.

Il faut dire que l'assassinat de Sylvanus Olympio a toujours hanté la vie politique togolaise. La revendication ouverte de cet assassinat, par le Président Eyadema originaire du nord a fait apparaître cet acte comme le summum et la dégénérescence d'un conflit Nord-Sud. Dès cet instant, comment un parti créé par lui peut-il arriver à réconcilier et à unir tous les peuples malgré toute la bonne foi exprimée ? Les dirigeants venaient ainsi de compromettre les chances de réconciliation et d'unité nationale. De plus, les différents complots de déstabilisation du régime RPT en 1970, 1985 et 1986, ont été attribués au clan Olympio et alliés et en général à l'opposition. Et ceux-ci ont été contraints à l'exil ou faits prisonniers. Les discours n'hésitaient pas à vilipender celui qui est considéré par certains, comme le « père de l'indépendance ». Le changement de la devise nationale et de l'hymne national ainsi que la célébration de la date anniversaire de la mort du Président Sylvanus Olympio dénommée fête de « la libération nationale », ont été considéré comme une volonté de proscrire de la mémoire collective des Togolais le souvenir de cet homme. Ces éléments ont plutôt raidi et radicalisé davantage les positions de ceux qui se réclamaient de l'opposition. Ainsi la « révolution démocratique » sonne comme une occasion de prise de revanche des présumés écartés du pouvoir depuis la mort du leur en 1963. Tout comme le parti unique fut à la mode dans les années 1960, le multipartisme le fut dans les années 1990. Garder le parti unique pouvait être considérer comme un retard sur la « modernité ». A cela il faut ajouter le désir légitime d'élargir le panel des libertés brimées par le parti unique. Tous ces éléments ont contribués au rejet du parti unique et à la revendication du multipartisme comme garant de la démocratie.

Crée en 1969, par le Président le général Gnassingbé Eyadema, le RPT a été véritablement institutionnalisé par la constitution de 1980 qui dans son préambule stipule que :

« le peuple togolais, horrifié par la politique de haine, de division et de règlement de compte des régimes précédents, s'est engagé dans la voie de l'unité nationale et du développement économique sous la direction exclusive du Rassemblement du peuple togolais. Il [le Rassemblement du peuple togolais] guide toutes les institutions de la République et veille au respect des devoirs du citoyen. »

Ceci illustre à suffisance la mission qui fut assignée à ce parti ainsi que la place que celui-ci était appelé à occuper désormais dans le pays : un parti supra institutionnel. Son hymne : « Unité Nationale » ainsi que sa devise : « Union, Paix, Solidarité » au terme de cette même constitution remplacèrent « Terre de nos aïeux » et « Travail-Liberté-Patrie ». Fort de sa mission le parti se dota de structure qui favorise celle-ci pour ainsi apparaître comme l'épine dorsale de la société togolaise.

Coopération entre les élites au sein des institutions pour maîtriser les relents tribalistes et les conflits segmentaires. Ainsi peut se résumer et se comprendre la politique de répartition des responsabilités pratiquée sous le RPT. Cette politique avait l'avantage de neutraliser les tendances centrifuges inhérentes à toute société plurale. On peut donc affirmer que la politique de répartition des responsabilités politiques et administratives était une réponse de circonstance à une époque où les uns et les autres manifestaient leur volonté de se voir impliqué dans la gestion du nouvel Etat indépendant. Elle répondait ainsi au souci de gestion des macroéquilibres géopolitiques nationaux.

Chapitre Quatrième :

LES IMPLICATIONS DU PARTI UNIQUE DANS LA VIE POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE AU TOGO (1969-1990)

Né d'abord de la volonté des premiers responsables de sortir de l'impasse politique, le parti unique a reçu une forte adhésion populaire. Le RPT par sa structure et dans son fonctionnement s'engagea à concrétiser les objectifs qui ont sous-tendu sa création notamment l'édification de l'unité nationale et l'amélioration de l'économie, les finances et l'administration avec pour finalité le développement. Il n'hésita pas à prendre des mesures tendant à l'atteinte de ces objectifs. Mais au finish les résultats n'ont pas été à la hauteur des promesses. En quoi le parti nique a-t- il faillit à sa mission d'unification du peuple togolais ? Le parti unique a véhiculée la pensée unique. Quelles sont les implications de ce système politique sur la vie politique au Togo ? C'est à ces diverses interrogations que se propose de répondre le présent chapitre.

1- Le verrouillage politique sous le parti unique

L'adoption du parti unique ne manqua pas d'avoir des répercutions politiques. Parmi celles-ci l'affaiblissement des contre-pouvoirs, la restriction des libertés fondamentales (libertés d'expression, d'opinion, syndicale etc.). En bref, on assista un chevauchement des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif dans les mains de la personne du chef de l'Etat et la confirmation de la présence de plus en plus marquée de l'armée sur la scène politique.

1.1- Déficit parlementaire

Au lendemain du coup d'Etat de 1967, l'une des premières mesures des putschistes avait été de dissoudre les partis politiques ainsi que les associations et d'interdire toutes activités politiques. Le Président Eyadema déclara à quelques reprises vouloir libéraliser de nouveau la vie politique, mais à chaque fois ce furent des manifestations hostiles à la libéralisation de la vie politique, qui eurent raison. Ainsi, cette interdiction resta en vigueur jusqu'à la création du RPT décidée comme palliatif au vide politique.

En effet prenant prétexte de l'opposition des populations qui refusaient son départ du pouvoir, Eyadema décida de créer le RPT comme parti unique. La création du RPT consacra l'interdiction définitive de toute activité politique parallèle. Le RPT devint donc le seul cadre légal pour abriter toutes les activités politiques. La constitution de 1980 proclama à cet effet en son article 10, la disposition selon laquelle :

« Le système institutionnel togolais repose sur le principe du parti unique qu'incarne le Rassemblement du peuple togolais. Toutes les activités politiques y compris celles qui concourent à l'expression du suffrage s'exercent exclusivement au sein du Rassemblement du peuple togolais et librement dans le cadre des lois et règlement et dans le respect de la souveraineté nationale et de la démocratie. »103(*)

L'exercice d'activités politiques parallèles était donc synonyme d'un affront contre le pouvoir ; et était intolérable dans un tel système. Cette situation a conduit l'opposition à la clandestinité et la plupart de ses membres à s'expatrier104(*). Les complots étaient devenus son moyen d'expression privilégié105(*). Les libertés inscrites dans la constitution de la troisième République (art. 6) ne pouvaient donc s'exercer que dans les limites du parti unique. Reste à savoir si dans la réalité toutes les libertés pouvaient s'exprimer au sein du RPT106(*).

On assistait à une restriction des libertés fondamentales (libertés d'expression, d'opinion, syndicale etc.)

Le régime se caractérisa par l'absence de réels contre-pouvoirs. L'Assemblée nationale de 1963 avait été emportée par le coup d'Etat de 1967. Pendant plus de dix (10) ans, le pays resta sans parlement. Il sera renouvelé à l'issue du scrutin du 30 décembre 1979. Pour avoir une idée des pouvoirs des députés de la première législature de la troisième République, il faudra rappeler les conditions qui ont présidé à leur élection.

Les candidats avaient été choisis au sein du parti par le Bureau politique. Tout comme pour le poste de présidence de la République, on avait des candidats uniques. A chaque siège correspondait un candidat unique. On avait donc une Assemblée monocolore qui, au vu des critères qui ont prévalu lors de l'élection de ses membres, ressemblait à un Comité central bis. A première vue, le choix des candidats par le parti fait des députés, non pas, des représentants du peuple, comme cela aurait dû l'être, mais des représentants du parti. Mais quand on se rappelle que l'équation parti = peuple est admise au sein du RPT, le procédé trouve pleinement son sens et sa justification.

Pour la deuxième législature, les candidatures furent libéralisées. La nouvelle Assemblée élue comportait des candidats indépendants. Mais cette fois-ci également, elle ne pouvait jouer son rôle de contrôleur de l'action gouvernementale. Elle ne faisait qu'entériner les décisions et se résigner aux actes du gouvernement (Agboyibo 1999 : 26). A cela, il faut ajouter l'absence d'une justice indépendante.

1.2- Déficit judiciaire et concentration des pouvoirs

La résolution numéro 5 de la commission des affaires politiques lors du deuxième congrès demandait, « la suppression pure et simple du principe de l'indépendance de la magistrature et son intégration dans les cadres normaux de la fonction publique »107(*).

L'indépendance de la magistrature avait été donc supprimée pour éviter à celle-ci de concurrencer les décisions du pouvoir108(*). Cette mesure visait à concrétiser le principe de l'unicité des vues. Le Président avait déclaré à ce propos :

« On m'objecte parfois l'indépendance de la magistrature ; mais qu'est-ce que cela veut dire ? S'il s'agit pour les magistrats de juger en conscience et en toute liberté d'esprit, je suis d'accord. Mais, s'il s'agit de vouloir faire cavalier seul, d'être un Etat dans l'Etat, de vivre en retard et à contre courant de notre évolution, alors, non, je ne peux y souscrire. »109(*)

Ce fut entre autres une aliénation de la magistrature et sa mise au service du pouvoir. Les décisions rendues par la justice devaient être conformes à la volonté des autorités politiques. Tout comme le parlement, la magistrature avait de ce fait un rôle décoratif et servait à donner un caractère légal aux décisions du pouvoir central.

Le monopole de la vie politique aboutit à la concentration du pouvoir dans les mains des seuls cadres du parti. Et la vie politique se cristallisa autour de la seule personne du chef de l'Etat. Yagla (1978 : 148) l'exprime en ces termes : « En réalité, c'est le Général Eyadema qui incarne seul le pouvoir gouvernemental au Togo et l'exerce... ».

La suspension de la constitution et la dissolution de l'Assemblée nationale ainsi que des partis politiques avait créé un double vide (vide politique et vide juridique), et permis au Président de la République de détenir seul, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire (Yagla 1978 : 150). Pendant longtemps, on assista à un chevauchement des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) dans le creuset du parti unique qui distribuait les ordres. Dans le parti aussi le président occupait une position prédominante et prééminente. L'article 32 stipule à cet effet que : « Le Président national assume la haute direction du mouvement et donne les impulsions nécessaires à sa bonne marche. »110(*).

A toute cette gamme de responsabilités, il faut ajouter celle de chef d'Etat major des Forces armées togolaises (FAT). Le principe de l'unicité des vues prôné par le congrès de Lama-Kara et consacré par la constitution de janvier 1980 donna à la volonté du Président du Rassemblement du peuple togolais un caractère dogmatique (Agboyibo 1999 : 26) et favorisa le désir de tout ramener à soit.

L'existence du parti unique a aussi eu comme implication la confirmation de la présence de plus en plus marquée de l'armée sur la scène politique.

1.3- L'armée, un instrument au service de l'unité nationale

Très embryonnaire dans les pays africains, sauf dans ceux ayant connu les luttes armées avant l'accession à l'indépendance, mais dans l'ensemble sous équipée, l'action de l'armée en politique fut au prime abord sous estimée par les spécialistes des études militaires (Gonidec 1971 : 243). Et surtout dans un pays comme le Togo ex pupille de l'ONU, où le recrutement était interdit, le rôle politique des militaires fut minimisé. Les pronostiques des spécialistes furent déjoués. Au Togo, on sait que l'armée s'est illustrée deux fois de suite en 1963 et en 1967, remettant ainsi en cause la consigne d'Aristote dont la trilogie sociale refusait aux soldats de prendre les rênes du pouvoir.

En dehors de quelques querelles hégémoniques qui proviennent de la volonté des uns de mieux se repositionner dans la hiérarchie, l'armée togolaise va vite apparaître comme le corps le plus solidaire, présentant une unité relative depuis le temps où elle fut dirigée par le général Eyadema. Au Togo, le rôle de l'armée évolua selon les époques et selon les circonstances : sous la première République, elle joua le rôle d'« arbitre entre les gouvernants et les gouvernés », celui d'« arbitre de conflit entre gouvernants » sous la deuxième République (Danioue 1994 : 514, 516). Sous la troisième République, il fut confié à l'armée le rôle de pierre angulaire de l'unité. Dans son message à la nation, à la veille du 13 janvier 1973, le président déclarait que :

« L'union de tous les Togolais s'est faite sans heurt, autour de son armée parce quelle était latente au coeur des fils de ce pays qui souffraient de la désunion. Voulant que tous les Togolais participent à cette entreprise de rénovation, ne voulant exclure de cette immense tâche aucune énergie, aucune bonne volonté, aucune compétence, nous (armée) avons décidé l'amnistie générale, vidé les prisons et rappelé les exilés. L'appel de Palimé fut lancé sans aucune exclusive et le Rassemblement du Peuple Togolais est né. »

Cette déclaration montre à suffisance le rôle assigné à l'armée. Le parti même fut un produit de l'armée et s'articulait autour de celle-ci. Ceci se reflète dans le programme du parti qui stipule que :

« Tous les citoyens d'un pays naissent civils. C'est plus tard que ceux qui se destinent à la carrière des armes endossent l'uniforme. [...] Le « New-Deal » propose ici comme ailleurs une reconversion totale des mentalités ; ne serait-ce que parce que l'exclusion de l'armée de la vie politique des Nations est aujourd'hui un phénomène dépassé. [...] Par ailleurs cette intégration de l'armée à la Nation ne peut que donner à celle-ci stabilité et solidité. »111(*)

Ainsi l'armée se fit présente dans les différents organes du parti ainsi que dans l'administration, et au gouvernement aux côtés des civiles appelés à l'accompagner dans sa mission. L'armée fut donc fortement politisée comme ce fut le cas de nombreux groupes sociaux. Elle fut placée sous le contrôle du parti dont elle était devenue une des filiales. L'armée devait ainsi se consacrer à cette oeuvre délicate : faire de l'Etat togolais une nation, c'est-à-dire persuader les Togolais à accepter la notion d'une nation, d'un Togo nouveau avec une conscience nouvelle, celle de la « Nouvelle marche ». Ceci justifierait l'attitude de certains Togolais qui s'opposaient à la volonté de l'armée de se retirer de la vie politique et appelaient celle-ci à s'intégrer progressivement à la vie de la nation togolaise.

La volonté d'intégration de l'armée avait aussi pour avantage disait-on, de permettre un bon encadrement du peuple pour aboutir à l'unité y compris par la contrainte. Ceci explique qu'elle soit capable d'imposer sa volonté. Les fêtes nationales étaient l'occasion pour elle de montrer sa force et sa puissance dissuasive (Toulabor 1986 : 98). A l'ouverture du deuxième congrès du RPT, le général Eyadema décrivait les caractéristiques de l'armée en ces termes :

« Une armée nouvelle, cohérente, authentique, décidée à garantir la sécurité du peuple a vu le jour au Togo. Elle milite ardemment dans les organes du mouvement et nous savons tous que, dans les camps, nous n'avons pas que des soldats éprouvés, connaissant leur métier, celui des armes, mais également et surtout des militants militaires. C'est pour cela que l'armée n'hésite pas à développer, en dehors de ses casernes, des opérations spécifiques et utiles. C'est pour cela que dans la mesure du possible, et pour autant que les besoins en encadrement le permette, des officiers sont appelés à diriger services ou administration »112(*).

Ses effectifs sont allés, comme l'affirme C. Toulabor (1986 : 101), en crescendo ainsi que les moyens. De 229 militaires à l'indépendance y compris les forces de police, leur nombre avait atteint 12 000 en 1990.

Mais l'armée extrapola quelquefois dans sa mission en régentant les libertés publiques selon sa seule appréciation, ce qui suscita l'attention du général qui lui adressa une mise en garde en ces termes : « Vous n'avez pas le droit de retourner contre le peuple les armes dont le peuple vous a doté pour assurer sa sécurité. »113(*)

Cette omniprésence de l'armée fut aussi l'un des handicaps à l'unité nationale d'autant plus que celle-ci ne faisait pas l'unanimité au sein des populations de par sa composition. Lors de la conférence nationale le délégué du comité d'action contre le tribalisme évoquant cette composition l'accusait de tribalisme114(*). Voici les statistiques sur lesquels il avait fondé son accusation : effectif en 1991 = 12 000 dont 2 000 pour le Sud et 10000 pour le Nord. Une telle accusation qu'elle soit vraie ou fausse n'est pas de nature à favoriser un climat de confiance indispensable à l'édification de l'unité nationale. A l'heure du multipartisme, son ombre hante la vie politique togolaise et elle est accusée dans ses prestations de partialité même quand, elle agit par simple devoir de loyauté vis-à-vis de l'autorité politique de qui elle dépend. Le verrouillage politique sous le parti unique, eut plusieurs conséquences.

2- Les conséquences du verrouillage politique

Le verrouillage politique a eu pour principales conséquences la proscription de la mémoire collective des faits passés, l'adoption de nouveaux emblèmes notamment l'hymne et la devise nationale, les droits de l'homme bafoués. Ce sont conséquences qui portèrent préjudice à l'unité nationale.

2.1- La proscription de la mémoire collective des faits passés

Le Togo n'a l'exclusivité de ces pratiques qui consistaient à proscrire de la mémoire collective des faits passés. Les dirigeants sous les partis uniques à travers le monde ont souvent succombé à la tentation de célébrer des évènements se rapportant à eux. Le Président Sylvanus Olympio fit de son anniversaire de naissance, le 06 septembre, un jour férié (Menthon 1993 : 134). Sous la troisième République, on assista à la proscription de la mémoire collective de certains faits passés et la célébration de la gloire du chef. Par exemple, la fête de l'indépendance le 27 avril fut supprimée par la loi du 21 mai 1987. La célébration des anniversaires reposa sur les hauts faits du Président Eyadema. Les fêtes les plus célébrées au Togo étaient : la fête du 13 janvier, du 24 janvier, du 2 février. La liste de ces fêtes va en s'allongeant au gré des évènements. Brefs tous les évènements heureux comme malheureux se rapportant à la vie du Président seront célébrés. Des effigies du Président Eyadema furent érigées et les places publiques baptisés en son honneur115(*). L'animation participa au culte de la personnalité (Toulabor 1986 : 222).

La proscription de la mémoire collective des faits passés a fragilisé davantage le sentiment national dès lors que tous les Togolais ne se reconnaissaient pas dans les faits évoqués. Pour eux l'histoire était mutilée et servait à la légitimation du pouvoir en place. Dans ce contexte ils ne pouvaient se joindre aux initiatives visant l'unité. Le 13 janvier, date anniversaire de l'assassinat du Président Sylvanus Olympio est célébrée avec faste. Pour le régime RPT cette date symbolise l'anniversaire de la « libération nationale ». Il faut dire que cette célébration comme d'ailleurs toutes celles liées au régime Eyadema a divisé les Togolais car elles ne faisaient pas l'unanimité au sein de l'opinion nationale. Les partisans des régimes défunts ne participaient pas à ces célébrations qui auraient dues si elles étaient consensuelles être des occasions de ferveur nationale et de communion entre Togolais. L'adoption de nouveaux emblèmes contribua à faire des Togolais des « déracinés » au regard de leur histoire.

2.2- L'adoption de nouveaux emblèmes

Le troisième congrès du Rassemblement du peuple togolais réuni en session extraordinaire les 27, 28 et 29 novembre 1979 à la maison du parti116(*) à Lomé, décida à travers l'unique résolution de la commission politique et de la réforme administrative, l'adoption d'un nouvel hymne et d'une nouvelle devise. La résolution stipulait que :

« Le congrès [...] considérant la recommandation du 2è conseil national relative au choix d'un seul et unique hymne pour la nation et le parti pour assurer à tout moment et en tous lieux, la cohésion de l'ensemble du système politique national,

Considérant que l'hymne doit refléter les aspirations profondes du peuple,

Considérant que l'unité nationale et africaine est au centre des préoccupations de notre parti le RPT et son président fondateur le Général Gnassingbé Eyadema,

Décide d'adopter comme hymne national : Unité nationale »117(*).

Cette résolution fut entérinée par la constitution qui précise en son article premier que « la devise de la République est Union- Paix- Solidarité »

En application de cette disposition l'on chantait désormais lors des cérémonies officielles et dans les établissements scolaires l'hymne du parti «Unité nationale» devenu l'hymne nationale en remplacement de «Terre de nos aïeux». La devise «Travail- Liberté- Patrie» fut remplacée par «Union- Paix- Solidarité».

Cette mesure resta en vigueur jusqu'aux insurrections de 1990 qui réclamèrent le rétablissement de la devise et de l'hymne issus de l'indépendance.

2.3- Les droits de l'homme bafoués

Sur le plan des libertés individuelles et collectives, la troisième République s'est montrée réfractaire (Batchana 2008 : 348). On assistait à un bafouement des droits de l'homme qui furent violés118(*). Sous le parti unique, les libertés publiques étaient finalisées et leur objectif était de participer à la construction de l'unanimisme conformément au principe de l'unité des points de vue édicté par le congrès de Lama-Kara (résolution n° 3) et consacrée par la constitution de 1980 (article 10). Suite aux récriminations contre cette situation, il fut créé le 09 juin 1987, la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH). Celle-ci fut présidée par Maître Yaovi Agboyibo. Ainsi, cette commission avait pour but d'assurer la protection des administrés contre les éventuels abus de l'administration et amener celle-ci à mettre fin aux violations dont la réalité est vérifiée. La tâche de cette commission ne fut pas aisée ; elle entra certaines fois en conflits ouverts avec l'autorité (Kadanga 2007 : 33). Les cas de violations les plus récurrentes recensées par la CNDH furent : les extraditions irrégulières, les retraits illégaux de pièces, les atteintes à la liberté religieuse, les entraves au droit au travail, inertie de l'administration, les atteintes au statut des fonctionnaires, les atteintes au droit de propriété, les suppressions de leurs fonctions ou de la jouissance de leur pension de retraite119(*).

La naissance de la CNDH fut une marque d'ouverture et l'expression de la volonté de l'autorité de reconsidérer la question des droits de l'homme. Cette volonté fut exprimée par le Président dans un message le 30 août 1989 : « Cette pratique de la démocratie appelle la liberté d'expression reconnus à tous. Ce droit doit également s'exercer dans le respect scrupuleux de la loi et de la dignité des personnes et des institutions »120(*)

L'action de la CNDH obligea le pouvoir à lâcher du leste en matière des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La liberté d'expression et d'associations fut autorisée121(*) et on assista à la naissance des organes de presse privée et des associations telles que la Ligue togolaise des droits de l'homme (LTDH), Association pour la promotion de l'Etat de droit (APED), Association togolaise de lutte contre la torture (ATLT), Association pour la liberté de la presse, (ATLP), Association pour la croissance sociale et la liberté (ACLS), Comité d'action contre le tribalisme et le racisme (CATR), Groupe de réflexion et d'action des jeunes pour la démocratie (GRAD), Mouvement estudiantin de lutte pour la démocratie (MELD), Organisation universitaire de lutte pour la démocratie (OULD) et Union des jeunes avocats (UJA). Ces associations jouèrent l'alternative des partis politiques dans la mesure où ceux-ci étaient toujours frappés d'interdictions122(*). Ces associations ne sont-elles pas l'expression d'une divergence de point de vue ? Le foisonnement des associations est l'expression que le pouvoir avait la possibilité de laisser se créer d'autres partis, mais qu'il n'en fut pas ainsi faute de volonté politique.

Le verrouillage politique et la monopolisation du pouvoir considérées sous le parti unique comme source de stabilité avaient laissé voir par les différentes dérives recensées, les faiblesses inhérentes à ce système. Ces difficultés qui ont été sources de nombreux préjudices n'ont pas favorisé l'unité nationale que le parti était sensé incarner. Elles ont au contraire, précipité le retour des phénomènes qui avaient précédé sa création : le phénomène tribaliste reprit du poil de la bête.

Le système du parti unique, de par sa durée et ses conséquences, exerça une influence déterminante sur la transition vers le pluripartisme. Ainsi la vie politique sous le parti unique porterait à coup sûr une responsabilité dans la marche trébuchante des pays africains en général et du Togo en particulier vers la démocratie.

3- Le parti unique et la transition démocratique

Dans les années 1980 et surtout à partir de 1990, le parti unique était devenu obsolète. Cet état trouve ses causes dans la situation socio-économique et politique interne mais aussi dans la conjoncture internationale marquée par la chute du mur de Berlin, l'effondrement du bloc soviétique et surtout la conférence franco-africaine de la Baule.

Cette situation imposait implicitement un changement de régime. Les acteurs politiques s'engagèrent dans des négociations et dialogues politiques dont la plus importante la conférence nationale.

3.1- Le parti unique aux antipodes du multipartisme

Les conditionnalités démocratiques notamment le multipartisme étaient devenues depuis les années 1980 un critère non négociable dans les relations entre l'occident et l'Afrique. L'acceptation et la mise en application des exigences démocratiques ne furent pas aisées du fait des différences fondamentales qui existent entre ces deux types de régime parti unique et multipartisme.

3.1.1- L'obsolescence du parti unique

Dans les années 1980 et surtout à partir de 1990, sous la pression internationale (ajustement structurel, déclaration de la Baule), les pays africains n'ont plus eu aucun choix, sinon de s'orienter vers le système démocratique au besoin en trainant les pieds. Le parti unique était donc devenu obsolète par rapport au contexte international et aux besoins des populations qui aspiraient à plus de liberté. Au Togo, l'ancien parti unique, contre mauvaise fortune fit bon coeur et sembla soutenir le processus démocratique. Il accepta de jouer le jeu mais tout en se donnant les moyens de le contrôler, par la tricherie électorale, la limitation des libertés notamment celles de l'opposition qui furent reconnues, même si elles n'existaient que de nom. Cette duplicité de l'ex parti unique augurait des changements difficiles.

3.1.2- Les difficiles changements

L'abandon du monopartisme et l'adoption du multipartisme n'est pas allé de pair avec les habitudes. Ainsi on a continué à vivre des pratiques qui montrent que certains acteurs ne se sont pas toujours déconnectés avec l'ancien régime. L'ancien parti unique qui a survécu au « vent de la démocratisation » et qui continua de dominer la scène a toujours été accusé d'avoir la mainmise sur l'Etat ; cette attitude étant la conséquence de la primauté dont il bénéficiait en tant que parti unique.

En effet la primauté du parti fut proclamée par la constitution de 1980 dans son préambule : « Le Rassemblement du peuple togolais, parti unique prime sur toutes les institutions » ; « il guide les institutions et veille au respect des devoirs du citoyen ». Cette disposition était la concrétisation de la résolution numéro 3 du deuxième congrès statutaire qui demandait que soit effective la primauté du Rassemblement du peuple togolais et de ses instances, dans les structures de l'Etat, et qu'en conséquence et de manière spécifique, le Bureau politique national soit placé au dessus du gouvernement. De plus le principe de l'unicité des vues prôné par le congrès de Lama-Kara et consacré par la constitution de janvier 1980 donnait un caractère dogmatique à toute décision.

D'autres habitudes furent également dénoncées : le monopole des moyens de communication, le refus et la dissuasion à l'alternance, le musellement de l'opposition, la continuité dans les pratiques clientélistes, l'intimidation des populations. Les libertés fondamentales étaient officielles mais pas évidentes. Ceci amène à penser que les changements espérés ne furent que de nom et que dans la réalité, la démocratisation n'aurait guère modifiée les choses. Dans cette même logique, Professeur Daniel Bourmaud estime que : « La démocratie n'aurait rien changé sous les tropiques englués dans l'épaisseur d'un autoritarisme indéracinable »123(*).

Malgré l'avènement du multipartisme, il n'y a pas eu de réelle discontinuité avec l'ancien parti unique. Le Togo adopta le multipartisme mais on assistait aux survivances du parti unique. Les habitudes de vingt ans ne pouvaient être facilement nettoyées d'un coup de balai. Vingt ans de parti unique n'avait pas permis l'éclosion de la culture de la concurrence qui est une caractéristique du multipartisme et le pouvoir en place n'ayant pas l'habitude des critiques se lassait des critiques formulées à son encontre.

La démocratie est un long apprentissage et le parti unique n'a pas favorisé le développement de la culture démocratique. Bref, à l'heure de la démocratie, le Togo se trouvait confronté à la permanence d'une culture du parti unique.

Le déficit ou carence de la culture démocratique chez les acteurs politiques engagés dans la vie politique est d'une part à l'origine des échecs enregistrés dans le processus de démocratisation de l'Afrique en général et du Togo en particulier. D'autre part, l'antienne de la diversité ethnique en Afrique a servi pour justifier la difficile implantation de la démocratie en Afrique. Ainsi, la diversité et l'adversité culturelle, ethnique, sociologique qui caractérisent le continent africain freinerait l'assimilation de cette idéologie exogène qu'est la démocratie qui a réussi ailleurs grâce à des réalités toutes différentes.

Mais les difficultés sont aussi liées à une transition mal négociée entre les nouveaux acteurs et les anciens notamment lors de la conférence nationale.

3.2- La Conférence nationale togolaise, un procès du parti unique

Au début des années 1990, le contexte sociopolitique international est marqué par des turbulences d'une grande portée historique. En Europe et précisément en Allemagne, c'est la chute du mur de Berlin en novembre 1989 puis la balkanisation de l'URSS. Ces deux évènements marquent la victoire de la démocratie incarnée par les puissances occidentales (USA, Grande Bretagne, France) sur le communisme prôné par les soviétiques. Lors du sommet de la Baule en juin 1990, la France conditionna son aide bilatéral aux pays africains pour le développement aux progrès de la démocratie. Les Africains ne manquèrent pas l'occasion pour renverser les régimes jugés liberticides. On assista en Afrique à ce qu'on a appelé le « vent de l'Est » marqué par des revendications populaires en faveur d'une démocratie pluraliste. Les conférences nationales semblèrent un passage obligé vers la démocratie. Plusieurs pays connurent ces assises nationales avec des fortunes diverses.

3.2.1- La Conférence nationale togolaise, les espoirs douchés d'une sortie de crise

Au Togo, la conférence nationale s'est tenue du 8 juillet au 28 août 1991 à l'Hôtel du 2 Février avec pour mission de permettre une transition en douceur vers le multipartisme. Pour ce faire, la conférence nationale devait être l'occasion d'un bilan sociopolitique et de réconciliation nationale (Adikou 2008 : 39). Elle retint l'attention de la population qui espéra des lendemains plus paisibles et plus radieux. Relevant l'importance de cette conférence, C. Améganvi cité par M. Adikou (2008 : 26) estime que :

« La conférence nationale fut un moment important dans l'histoire du peuple togolais du fait des espoirs dont celui-ci la chargea. Elle le fut aussi parce qu'elle a permis, pour la première fois de débattre publiquement du bilan d'un régime qui jusqu'à lors permettait rarement qu'on le critique depuis sa venue au pouvoir. De ce fait elle reste pour le peuple togolais un symbole et une référence historique pour lui avoir donné l'occasion d'être aussi directement et publiquement confronté à l'histoire ».

Mais elle se transforma en un tribunal où se déroula le procès du parti unique. Pour ce faire, elle proclama unilatéralement sa souveraineté en violation des accords du 12 juin 1991 entre l'opposition et le pouvoir124(*). Au lieu de discuter de l'avenir du pays, les nouvelles forces politiques livrèrent à la vindicte populaire l'oeuvre du parti unique et de son président ; ainsi se succédaient les accusations et les énumérations de violation des droits de l'homme. Parlant de ces conférences qui se sont tenues en Afrique à partir de 1990, Mathieu Ngirumpatse que Cite T. Danioue (1994 : 432) estime qu'elles n'ont pas été « un forum de consensus, mais d'accusations, où l'on semble croire que l'on peut résoudre tous les problèmes rien qu'en déballant les faiblesses de l'ancien système. »125(*)

Dans cette même logique, V. Okana cité par M. Adikou (2008 : 40) estime pour sa part que

« La conférence aurait pu être l'occasion pour l'ensemble de l'élite togolaise de se retrouver pour réfléchir sur l'avenir du pays. Malheureusement, elle fut préparée à la hâte et prise d'assaut par de nombreux délégués qui n'étaient que des hommes politiques aux ambitions masquées. »

Le consensus qui avait prévalu à la convocation de la conférence nationale au Togo vola en éclat avec la proclamation de sa souveraineté. Elle était vouée dès lors à un échec du moment où elle ne faisait plus l'unanimité au sein de la classe politique. Des gens ont pu tourner en dérision l'appellation de conférence nationale souveraine pour en faire « la conférence nationale souterraine ». Les mesures qui y furent adoptées aux termes des travaux, dissimulaient mal l'intention des conférenciers.

3.2.2- Les mesures prises, un règlement de compte à l'ex parti unique

La conférence nationale décida entre autres mesures de la création d'un poste de premier ministre et d'une assemblée transitoire le Haut conseil de la République (HCR). Le Président de la République était dépouillé de tous ses pouvoirs au profit de son premier ministre. Le pire fut la mesure prise par le HCR de dissoudre le parti RPT le 26 novembre 1991. Après plus de vingt ans ceci s'apparentait à un coup d'Etat et le pouvoir le ressentit comme une humiliation. Et ce sont des difficultés d'application des conclusions de cette conférence qu'apparurent les blocages considérés comme le refus de collaborer de l'ancien régime. Pour Agboyibo « Les décisions prises par la conférence nationale ne pouvaient entraîner les innovations attendues que si elles avaient l'adhésion d'une large majorité de la classe politique et des populations » (Agboyibo 1999 : 159).

Somme toute, la Conférence nationale togolaise fut un échec. Elle enlisa davantage le pays dans une longue crise et accentua la crise de confiance entre les nouveaux et les anciens acteurs de la vie politique togolaise. Selon Agboyibo (1999 : 60) :

« Le sort malheureux de la conférence nationale est le résultat de plusieurs facteurs dont le principal est la substitution d'une logique de bras de fer pour une conquête immédiate du pouvoir à la logique initialement convenue pour un dialogue national en vue de créer les conditions pour la réconciliation nationale ».

Les partisans du multipartisme avaient cru devoir liquider l'héritage du parti unique. L'esprit vindicatif qui a caractérisé la période de la transition vers la démocratie a ainsi sa part de responsabilité dans la difficile marche du Togo à la démocratie.

Il ressort de l'analyse de ce qui précède que les nouveaux acteurs de l'échiquier politique national à partir de 1990, auraient été obsédés par le goût du pouvoir et n'auraient vu dans la démocratisation qu'une modalité particulière d'accès aux fonctions dirigeantes.

Bref, les mutations en cours dans les années 1990 au Togo, furent affectées par les pesanteurs unitaires, les facteurs internationaux, l'effet des conjonctures et des acteurs qui s'entremêlaient pour faire émerger la démocratie pluraliste.

Au total, dans sa quête de l'unité nationale, plusieurs moyens ont été utilisés mais, la perversion aboutit à des pratiques néfastes telles que : la proscription de la mémoire collective de certains faits passés, la célébration des anniversaires qui repose sur les hauts faits du chef, l'érection des effigies126(*), le changement d'hymne et de la devise nationale, la politique d'authenticité culturelle, le baptême des places publiques. Ces pratiques sont considérées comme des manifestations du désir de tout ramener à soi et portent une part de responsabilité dans l'échec de la politique de l'édification de l'unité nationale. Certains de ces comportements resteront ancrés dans les habitudes au point de constituer un handicap à l'émergence et à l'implantation d'une réelle démocratie.

Le RPT parti unique sous la direction de son Président-fondateur, le général d'armée Gnassingbé Eyadema fit de la réalisation de l'unité nationale son credo politique. L'observation de la situation politique et socio-économique en amont et en aval du parti unique, permet de conclure que le plus grand acquis de l'ère du parti unique fut la paix et la stabilité politique et économique si relatives ou si discutables soient-elles. Les avatars de ce système ont cependant contribué à écorner, à brader cet héritage et conduiront à sa chute.

En effet, au lendemain des indépendances, le parti unique a tenté de consolider l'Etat et l'unité nationale par le recours à une théorie bien commode : le développement supposant ordre, mobilisation, engagement et abnégation, le peuple devait être discipliné et faire preuve de patience car le développement était au bout de l'effort. Dans ces conditions, le système politique, ne pouvait se permettre d'être permissif. Le pluralisme politique était un luxe accessible aux seuls pays nantis. Quant aux libertés que les intellectuels revendiquaient haut et fort, elles ne pouvaient qu'être destructives ; elles ne pouvaient que miner le système, désengager les populations, remettre en cause l'ordre et le pouvoir, bref, déstabiliser les régimes.

Ces mêmes avatars ont constitué du plomb dans l'aile de la démocratie multipartite. Au demeurant, le processus démocratique est l'otage du dualisme entre les tenants de l'ordre ancien (le parti unique) et les nouveaux acteurs de l'échiquier politique, partisans de la démocratie

CONCLUSION GENERALE

De 1946-1960, le Togo a vécu sous le multipartisme. Les différents partis s'opposèrent quant à l'échéance d'accès à l'indépendance. Ces difficultés liées à l'accès à l'indépendance se cristallisèrent plus tard et on assista à une première tentative d'institution du parti unique en 1961. Celui-ci fut accusé d'avoir mis à mal l'harmonie sociale. Ce projet fut écourté par un coup d'Etat en 1963 qui fut suivi d'un autre en 1967. Les partis politiques identifiés comme le noeud furent à nouveau dissous. En lieu et place, il fut créé un parti unique : le RPT qui monopolisa l'activité politique jusqu'en 1990.

Né de la volonté des dirigeants soucieux de résoudre définitivement les problèmes de violences à caractères politiques, le RPT sous la direction de son président-fondateur le général d'armée Gnassingbé Eyadema ambitionnait d'épouser les aspirations du peuple du moins dans sa majorité. La réalisation de l'unité supposant la mise en oeuvre de divers moyens, le parti ne ménagea aucun effort pour y parvenir. De la politique de réconciliation nationale à celle d'un développement équilibré du pays, le tout dans l'esprit d'une justice sociale équitable, tout fut mis en oeuvre pour aboutir à l'unité.

Au regard de son oeuvre, l'on peut affirmer que le RPT a vécu et il a tant soit peu contribué à l'édification de la nation. En dépit de ces efforts fournis dans l'édification de l'unité nationale, le parti laissa voir les limites de la volonté politique avec le retour en force des anciens maux après deux décennies d'accalmie.

Les effets pervers inhérents au parti unique (verrouillage politique, la personnalisation du pouvoir et la main mise du parti sur l'Etat) et certains comportements tels que ceux qui ont consisté à vilipender les précédents régimes, ont constitué un handicap à l'atteinte des résultats. Ils ont au contraire, creusé un fossé entre les tenants du pouvoir et une partie de la population nostalgique des précédents gouvernants qui d'ailleurs n'ont pas rallié l'initiative politique.

D'abord instrument d'union comme l'indique son nom même ainsi que sa devise et son hymne, le parti fut utilisé à d'autres fins notamment, pour consolider le pouvoir du chef. L'unité nationale a été plus un moyen de consolidation du pouvoir et de main mise du parti sur l'Etat qu'un but et le parti unique fut le tremplin. La recherche de l'unité s'est faite au mépris des droits de l'homme (liberté d'expression, syndicale, etc.).

Le parti unique avait fait fi dans son fonctionnement, de la « palabre127(*) », une des pratiques usuelles dans la résolution des conflits en Afrique. La pensée unique qu'il a véhiculée a contrairement, à ce que l'on avait souhaité contribué aux cassures sociales constatées avec l'avènement du multipartisme. Les frustrations et les rancoeurs ont été étalées au grand jour, mettant en cause la cohésion nationale tant souhaitée.

L'institution du parti unique a été en général précédée par un coup d'Etat conséquence d'une crise social, politique et économique. Son déclin a été également marqué par les soulèvements populaires, preuve que la politique du parti unique n'a pas été concluante.

La politique du parti unique avait l'avantage d'éviter les manifestations les plus tangibles du manque d'unité lié à la diversité et à l'adversité culturelle par la maîtrise des relents tribalistes et des conflits segmentaires. Ainsi, peut-on dire que le parti unique a été une réponse conjoncturelle à une situation historique donnée caractérisée par la volonté de réaliser l'unité nationale. Mais cette politique devait s'ouvrir peu à peu et disparaître dès lors qu'elle avait permis d'atténuer les clivages sociopolitiques et les conflits qui existaient.

L'unité nationale ne saurait être une donnée. Elle semble plutôt être une fin. En tant que telle, l'édification de l'unité nationale est une quête permanente. Elle doit consister à : créer une communauté politique homogène par réduction des tensions et des disparités, faire disparaître les éléments de division, les facteurs de tension, les situations conflictuelles qui sapent l'unité nationale, promouvoir le respect de la différence ainsi que des libertés fondamentales, promouvoir le bien être des populations sans lequel toute entreprise est vouée à l'échec. Bref, aujourd'hui elle pourrait passer d'une part, par la mise en oeuvre des recommandations de la CVJR.

Au Togo, plusieurs facteurs expliquent les difficultés rencontrées dans les réalisations de l'unité nationale : les contrastes naturels, le déséquilibre socio-économique qui a des causes aussi humaines que naturelles. L'unité nationale prônée est menacée par deux phénomènes qui empoisonnent la vie politique nationale. Le premier, c'est l'usage qu'ont fait les leaders politiques de leur origine soit pour s'attirer l'électorat, soit pour se donner une assise politique. Le deuxième, c'est la bipolarisation de la politique sur une base régionaliste qui voudrait que le pouvoir en place soit assimilé à une région avec pour conséquence d'être rejeté par les ressortissants de l'autre région mais soutenu par « sa » région et qui limiterait l'une des pratiques les plus importantes de la démocratie, l'alternance au pouvoir, la recherche dangereuse d'une rotation ou d'une succession des régions aux commandes de la nation. Dès lors, on peut soutenir avec la CVJR que : « les mémoires collectives ethniques demeurent encore aujourd'hui les principaux cadres des références des individus et groupes sociaux »128(*) et qu'il demeure donc posé la question de l'identité nationale collective, indispensable à l'unité nationale.

Au terme de ce travail, notre sentiment est d'avoir contribué à la connaissance de l'histoire du Togo. Les recherches futures pourraient-elles permettre d'étayer, de préciser et compléter les présents résultats.

ANNEXES

ANNEXE 1 :

Répartition des différents ministères des Gouvernements sous Sylvanus Olympio selon l'origine ethnique, régionale et villageoise des différents ministres

Ethnie d'appartenance des ministres

Région d'origine des ministres

Localité d'origine des ministres

Nombre de ministres

1er Gouvernement

Evhé = 1

Ahlon = 1

Mina = 4

Maritime = 5

Plateaux = 1

Centrale = 0

Kara = 0

Savanes = 0

Agoué (Bénin) = 3

Kpalimé = 1

Kéta (Ghana) = 1

Aného = 1

Six ministres

2e Gouvernement

Evhé = 1

Ahlon = 1

Mina = 4

Moba = 1

Tyokossi = 1

Maritime = 5

Plateaux = 1

Centrale = 0

Kara = 0

Savanes = 1

Agoué (Bénin) = 3

Kpalimé = 1

Kéta (Ghana) = 1

Aného = 1

Mango = 1

Bombouaka = 1

Huit ministres

3e Gouvernement

Evhé = 2

Mina = 5

Akposso = 1

Moba = 1

Tyokossi = 1

Maritime = 5

Plateaux = 3

Centrale = 0

Kara = 0

Savanes = 2

Agoué (Bénin) = 3

Kpalimé = 2

Kéta (Ghana) = 2

Aného =1

Mango = 1

Bombouaka = 1

Dix ministres

Source : Danioue 1994 : 183

ANNEXE 2 :

Discours du 30 août 1969 prononcé par le Président Eyadema à l'occasion de l'appel historique de Kpalimé

Mes chers compatriotes de Palimé,

Ma suite et moi sommes profondément touchés de l'accueil si fraternel et si chaleureux qui nous a été réservé aujourd'hui dans votre bonne ville de Palimé.

Merci à vous, autorités administratives et traditionnelles, merci à vous, population de Palimé et des hameaux les plus reculés de la circonscription de Klouto.

Les diverses manifestations et la joie qui éclaire chacun des visages qui m'entourent sont des preuves concrètes de la réalité de votre réconciliation et de votre union. Cela est un réconfort pour le gouvernement que je préside, un témoignage d'une union désormais complète de l'armée et du peuple, un échec à la politique d'opposition de l'armée au peuple,

Ce magnifique résultat a été possible avec le temps qui a toujours été l'avocat impitoyable contre le mensonge en faveur de la vérité. En effet, voici bientôt trois ans, l'armée de la nation togolaise, votre armée, est intervenue pour la seconde fois dans le cours de l'histoire nationale, avec pour unique objectif de mettre un terme aux luttes fratricides, aux divisions, aux querelles de clans qui menaçaient jusque dans les fondements l'existence de l'indépendance de la nation.

Rétablir la paix, promouvoir de façon décisive et concrète le développement économique et social de la nation, lutter contre la gabegie, mettre en place une politique d'assainissement financier, telles étaient les préoccupations essentielles du gouvernement qui prit alors en charges les destinés de la patrie.

Aujourd'hui, force est de reconnaître que ses objectifs ont été atteints.

La réputation de sérieux de notre pays est de plus en plus confirmée sur le plan international : notre économie croît selon un rythme que tous les experts s'accordent à trouver satisfaisant ; les fruits de l'expansion se repartissent de façon équitable, tandis que le progrès social s'accentue de jour en jour. La paix règne dans nos villes et campagnes.

C'est pourquoi le 12 janvier dernier, en toute conscience, j'ai décidé que le moment était venu de passer la main aux civils en autorisant le retour aux activités politiques. Mais alors c'est massivement que vous avez rejeté cette idée et l'ampleur de vos manifestations traduisait combien était farouche votre opposition à toutes résurgence des anciennes formations politiques.

Mes chers compatriotes ! Au mois de janvier, vous avez donc signifié clairement votre indéfectible attachement à la politique d'union et de réconciliation à laquelle mon gouvernement s'est attelé.

Vos sentiments m'ont alors dicté l'impérieux devoir de poursuivre l'oeuvre de paix et de stabilité qui a permis au pays de se retrouver enfin, tel qu'il se désire. En effet, que veut notre peuple, sinon la paix, la stabilité et la sécurité, toutes choses qui prévalent largement depuis bientôt trois ans.

C'est alors que me conformant à la volonté populaire, j'ai été amené, ensemble avec les membres de mon gouvernement, à reconsidérer la décision qui autorisait la reprise des activités politiques au Togo.

L'approbation fut unanime. De toutes les régions du pays affluèrent des témoignages de soutien qui furent pour les membres et pour moi-même un réconfort et un encouragement exceptionnels.

Cependant, cette politique de paix qui recueille votre unanime assentiment ne doit pas être une oeuvre éphémère et fragile. Il convient de lui donner des assises solides ; il convient de l'organiser. Cette politique doit pouvoir survivre dans les esprits et dans les faits, au-delà des aléas et des vicissitudes qui guettent toute l'oeuvre humaine. Elle doit être pérennisée dans un vaste mouvement ouvert à tous les fils du pays.

Mes chers compatriotes, c'est ce regroupent que je propose aujourd'hui, solennellement, à tout le peuple togolais.

Il ne s'agira pas d'un parti, où triompheront comme jadis, la haine, les règlements de comptes, les divisions, les luttes d'hégémonie, les intérêts personnels, mais un seul et véritable creuset national où viendront se fondre les force véritables de ce pays, à quelque parti qu'elles aient appartenu. Ce groupement de tous les hommes de bonne volonté, qu'ils soient nouveaux ou qu'ils aient été partisans, devra oeuvrer pour une reconversion totale des mentalités, pour l'union et la solidarité effectives de tous les togolais.

Il sera le haut lieu d'un dialogue libre et démocratique, assurant la participation réelle de chaque citoyen à l'oeuvre de paix politique et de restructuration fondamentale de notre économie.

Mes chers compatriotes, il est temps que nous entreprenions ensemble, à brève échéance, une nouvelle marche ; guidée par des principes nouveaux ; il est temps que nous définissions en commun une nouvelle manière d'aborder nos problèmes, que nous nous départions définitivement de nos anciens comportements pour un meilleur devenir de la nation togolaise. Les temps sont venus pour qu'ensemble nous élancions avec enthousiasme vers le but le plus noble qui soit : bâtir la cité

Vive la circonscription de Palimé

Vive la République togolaise.

Source : Togo-presse de 31 août 1969.

ANNEXE 3 : Quelques importantes résolutions du RPT

a/ Résolution relative à l'adoption de l'hymne national

Le 3è congrès du Rassemblement du peuple togolais réuni en session extraordinaire les 27, 28 et 29 novembre 1979 à la maison du parti à Lomé,

Considérant la recommandation du 2è conseil national relative au choix d'un seul et unique hymne pour la nation et le parti pour assurer à tout moment et en tout lieux, la cohésion de l'ensemble du système politique national,

Considérant que l'hymne doit refléter les aspirations profondes du peuple,

Considérant que l'unité nationale et africaine est au centre des préoccupations de notre parti le RPT et son président fondateur le Général Gnassingbé Eyadema,

1) Décide d'adopter comme hymne national : Unité nationale

dont le texte suit :

Hymne : Unité Nationale

Couplet I

Ecartons tout mauvais esprit qui gène l'Unité Nationale

Combattons- le tout comme l'impérialisme

Les règlements de comptes, la haine et l'anarchie

Ne font que freiner la révolution

Si nous sommes divisés, l'ennemi s'infiltre

Dans nos rangs pour nous exploiter.

Refrain n°1

A l'Union, l'Union, l'Union oh! Togolais

Nos ancêtres nous appellent.

La paix, la paix, la paix oh! Togolais

Nos aïeux nous l'ordonnent.

Couplet II

N'oublions du tout l'appel historique du 30 août 69

Ecoutons-le retentir à jamais

Notre voie de salut c'est le rassemblement

Rassemblement de tous les Togolais

Pour la grande victoire, togolais debout!

Portons haut le flambeau de l'union

Couplet III

Ecartons le mauvais esprit qui gène l'Unité Africaine

Ecartons-le tout comme l'impérialisme

Les coups de canons et les coups de fusils

Ne font que freiner l'élan de l'Afrique

De notre désunion l'impérialisme profite

Profite bien pour nous opposer

Refrain n°2

bis

La paix, la paix, la paix oh! Dieu la paix

La paix pour l'Afrique.

2) Demande au bureau politique de prendre immédiatement les dispositions pratiques à cet égard

Fait à Lomé, le 29 novembre 1979

Le congrès

Source : Rapport du troisième congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais pp. 107-108

b/ Résolution n° 3 deuxième congrès statutaire du RPT

Considérant le rôle fondamental que le RPT, depuis sa création, a joué dans la nation pour l'union de tous les togolais, en application des principes fondamentaux de notre livre vert ;

Considérant la présence effective à tous les échelons des instances du RPT, présence qui assure un encadrement adéquat des masses populaires unies au sein des notre mouvement d'union nationale ;

Considérant la nécessité absolue qui apparaît d'assurer au niveau le plus élevé l'identité et l'unicité des points de vue dans le but de renforcer l'efficacité de l'action de nos responsables a quelque niveau qu'ils se trouvent ;

Considérant que le Rassemblement du peuple togolais à pour vocation d'être le guide de la promotion du citoyen et qu'à cet égard, la prééminence doit lui être reconnue comme responsable suprême de l'action de l'État ;

Considérant qu'a cet effet, c'est en son sein que doivent normalement se prendre les grandes décisions, et option fondamentales de la nation :

Demande que soit effective la primauté du Rassemblement du peuple togolais et de ses instances, dans les structures de l'Etat, et qu'en conséquence et de manière spécifique, le Bureau politique national soit placé au dessus du gouvernement

Recommande que les instances du mouvement aient une priorité définie de réunions, gage de leur fonctionnement et de leur efficacité

Demande au président fondateur du RPT de veiller personnellement à l'application de cette résolution, de manière à faire assurer à tout moment la cohérence de l'ensemble du système politique gouvernemental pour l'unité de vue et d'action, au service du développement.

Source : deuxième congrès statutaire du RPT p. 104

c/ Résolution n°5 deuxième congrès statutaire du RPT

Considérant que la magistrature ne saurait évoluer en dehors de l'Etat et encore moins d'agir contre l'Etat en constituant un contre pouvoir ;

Considérant que l'indépendance de la magistrature doit être replacée dans le contexte qui est celui d'un pays en développement et que l'unicité des vues dans le but de mobiliser toutes les énergies pour le développement national est indispensable :

Demande la suppression pure et simple du principe de l'indépendance de la magistrature et son intégration dans les cadres normaux de la fonction publique 

Demande au bureau politique et au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour déterminer des principes nouveaux qui mettent la justice au service de l'oeuvre fondamentale que le RPT accomplie.

Source : deuxième congrès statutaire du RPT p. 106

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

I/ - SOURCES

A/ - Sources orales

Noms et prénoms

Âges

Statut ou fonction

Date et lieu de l'entretien

AKPAYALA Simdatcho

anonyme

Censeur du lycée Niamtougou, Président du conseil de préfecture de Doufèlgou, ancien délégué préfectoral de la JRPT

Le 14 juillet 2012 dans son bureau à Niamtougou

BUDEMA Bandawa Jean-Bosco

52 ans

Président préfectoral du CAR/ Doufèlgou

Le 30 août 2012 à domicile

DAGBE Mathieu

57 ans

Socio-pédagogue, germaniste, ancien militant de la CPP.

Le 17 juillet 2012 à son domicile à Baga

DJANTE K. Mawuko

39 ans

Secrétaire Général de la préfecture de Doufèlgou

Le 23 août 2012 dan son bureau à Niamtougou

KADOUMTA Mbow Jérémie

Anonyme

Enseignant chercheur dans les universités de Lomé et de Kara ;

Le 27 avril 2012 à son domicile à Baga

M'GBOOUNA Koudjoulma

Anonyme

Ancien député à l'Assemblée Nationale ; Enseignant chercheur dans les universités de Lomé et de Kara

Le 15 décembre 2011 à domicile à Lomé

MELA Madjoumata

48ans

Président préfectoral de la CDPA/ Doufèlgou

Le 30 août 2012 à domicile

TIBIKENA Apollinaire

Anonyme

Conseiller pédagogique à la retraite ; en service actuellement au siège du RPT Doufèlgou

Le 26 mars 2012 dans son bureau à Baga

WASUNGU Pascal

anonyme

Sociologue, Enseignant chercheur dans les universités de Lomé et de Kara

Le 26 janvier 2012 à son domicile à Lomé

ZATO D. T. Kourah

anonyme

Préfet de Doufèlgou, ancien député à l'Assemblée Nationale, ancien président du conseil de la préfecture de Tchamba

Le 07 août 2012 dans son bureau à Niamtougou

B/ - Sources écrites

a/ - Archives nationales du Togo

2APA, Cercle de Dapaong

Dossier 16 : Documentations sur les partis politiques : JUVENTO, UCPN.

Dossier 18 : Rapports de réunions de l'UCPN.

2APA, cercle de Klouto

Dossier 23 : Rapports sur les activités et manifestations du CUT.

Dossier 73 : Préparation du 1er congrès statutaire du RPT du 12 au 14 novembre 1971.

Dossier 262 : Situation politique nationale et internationale à travers les articles de presse.

2APA, cercle d'Atakpamé

Dossier 80 bis 3 : - Situation politique du Togo entre le référendum de 1958 et le coup d'État du 13 janvier 1963.

- Rapports, demandes de réparations des dommages subits par les progressistes au lendemain du référendum du 27 avril 1958.

- Rapport de dédommagements des personnes des personnes victimes des préjudices matériels et corporels au fait exclusif de discrimination politique.

- Procès verbaux relatifs aux incidents politiques (bagarres, menaces, assassinat, destructions de biens) survenus dans les localités de Blitta, Anié, Ountivou, Avêté, Atakpamé) après le référendum du 27 avril 1958.

Dossier 84 : CUT, activités de section locale Atakpamé.

Enquêtes de l'administration sur les réunions et le comportement de certains membres du parti.

Dossier 87 : Actes du 8ème congrès national tenu à Bè du 9 au 10 avril 1960.

Dossier 87 bis : Affaires politiques : incidents à Blitta : coups et blessures sur la personne du député Antoine Méatchi par les militants CUT dirigés par Moussa Patin.

Dossier 88 : Rapports sur les relations conflictuelles CUT/UDPT à Atakpamé.

2APA, cercle Lama-Kara

Dossier 5 : statut de l'Union des chefs et populations du nord (UCPN)

Procès verbal de la réunion des chefs du nord et fraternité togolaise.

2APA, cercle Mango

Dossier 36 : Affaires politiques : dossiers de groupements politiques JUVENTO, CUT et UCPN. Diverses associations, des syndicats de fonctionnaires et de la jeunesse de la région Mango

b/ Sources électroniques

- Microsoft encarta 2008

- www politique-africaine.com, numéros/pdf.02147.pdf.chronique scientifique : Démocratie et parti unique en Afrique, colloque conjoint de l'association de science politique (DVPW) Arnoldshain/francfort, 15-17 octobre 1986.

- www.société-de-stratégie.asso.fr/pdfagir07txt1.pdf. L'exigence démocratique par

Abdoulaye Wade.

- www.amazon.fr

c/ Publications officielles et rapports

- Actes des journées scientifiques internationales de Lomé XIVème édition (JSIL 2010)

25-29 octobre 2010 sur le thème la contribution de la recherche scientifique et

technologique à la réduction de la pauvreté en Afrique sub-saharienne, Lomé, 470 p.

- Actes du troisième colloque de l'Université d'Abomey-Calavi des sciences, cultures et

technologie, « centre CIEVRA » Akassato, (Bénin) du 06 au 10 juin 2011, 445 p.

- Allocutions et discours du Président-Fondateur 1969- 1979, tome II juillet 1973 à

novembre 1976, secrétariat administratif du RPT, NEA Lomé, 1979, 978 p.

- Bulletin officiel 1967 de la chambre de commerce, d'agriculture et d'industrie de la

République togolaise.

- JORT : 1960, 1961, 1962, 1963, 1964, 1965, 1966, 1967, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972,

1973, 1974, 1975, 1976, 1977, 1978, 1979, 1980, 1981, 1982, 1983, 1984, 1985, 1986,

1987, 1988, 1989, 1990

- Ministère du plan et de l'industrie, direction générale du plan et du développement : 20

ans d'efforts de planification pour le développement du Togo : Méthodologie, évolution

macroéconomique, bilan physique, bilan financier, 202 p.

- Programme et statuts du RPT, Lomé, Editogo, 1970, 44 p

- Rapport du premier congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais tenu à Kpalimé

du 12 au 14 novembre 1971, NEA, Abidjan, Dakar, 1982, 80 p

- Rapport du deuxième congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais tenu à Lama-

Kara du 26 au 29 novembre, NEA, Lomé, 163 p.

- Rapport du troisième congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais tenu à Lomé

les 27, 28 et 29 novembre 1979, NEA, Lomé, 1982, 59 p.

- Rapport du premier séminaire national de sensibilisation politique des conseillers

d'orientation scolaire et professionnelle tenu à Lomé du 4 au 6 mai 1981, édition janvier

1982, 81 p.

- Rapport du premier séminaire de formation politique tenu à Lomé du 22 au 24 février

1978, 2è édition janvier 1979, 158 p.

- Rapport annuel 1989 de la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH), 43 p.

République togolaise, Conférence nationale souveraine : travaux de la Conférence

nationale souveraine droits de l'homme et libertés fondamentales de l'époque coloniale à

nos jours, Lomé, juillet/août 1991, 1992, 54 p.

- JRPT, 1981 : Rapport du symposium national du 10e anniversaire tenu à Lomé du 21 au

23 octobre 1981, 117 p.

- Togo presse du 31 août 1969, nouvelle marche n° 3117 du 14 février 1990.

- Togo dialogue n° 1445 du samedi 06 mai 1967 ; n° 43 décembre 1979/janvier 1980.

n°54 décembre 1980/Janvier 1981.

- Jeune Afrique L'intelligent n°1359 du 14 janvier 1987 ; n° 1361 du 04 février 1987 ;

n°1566 du 08 janvier 1991 ; n°1990 de juin 1991, n°1569 23 au 29 janvier 1991.

II/ BIBLIOGRAPHIE

a/ Ouvrages généraux et méthodologiques

COT J.-P. et MOUNIER J.-P., 1974  : Pour une sociologie politique, tome, II, Paris, éd du Seuil, 186 p.

DENQUIN J.- M., 2001  : Introduction à la science politique, 2è éd, Paris, Hachette, 156 p.

DOMINIQUE C., 2006  : Sociologie politique,  Paris, PUF, 566 p.

GODINEC P.-F., 1971  : Les systèmes politiques africains, 1ère partie, Paris éd. 367 p.

GUIDERE M., 2004  : Méthodologie de la recherche : Guide du jeune chercheur en lettres, langues, sciences humaines et sociales Maîtrise, DEA, Master, Doctorat, nouvelle édition, Paris, ellipses, 127 p.

KI-ZERBO J., 1972  : Histoire de l'Afrique noire, d'hier à demain, Paris, Hatier, 702 p.

LAVROFF D.G., 1978  : Les partis politiques en Afrique Noire, col. Que-sais-je ?, Paris, PUF, 128 p.

UNESCO, 1980  : Histoire générale de l'Afrique, Paris, jeune Afrique, vol.2 893 p.

ZAHIR F., 2005  : Afrique et Démocratie : espoir et illusion, l'Harmattan, 190 p.

b/ Ouvrages spécifiques

Articles

BATCHANA E. : « L'institution d'un parti unique en Afrique Noire ou l'illusion d'une unité nationale : l'exemple togolais (1961-1990) », en attente pour la publication.

KADANGA K., 2007  : « Elections et violences au Togo : le scrutin du 27 avril 1958 à Atakpamé » in, Annales de la FLASH, Université d'Abomey-calavi, n° 13 décembre, pp. 36-60

KADANGA K., 2008  : « La question des réparations des violences politiques du 27 avril 1958 au 13 janvier 1963 à Atakpamé » in, Cahiers du CERLESHS, n°29 Presses de l'Université de Ouagadougou, pp. 1007-128.

Mémoires de maîtrise

ADIKOU M., 2008  : La Conférence Nationale et son impacte sur la vie politique au Togo de 1990 à 2003, mémoire de maîtrise, Lomé, UL, 104 p.

ASSALI N., 1988  : Planification et projet de développement : cas du Togo, Rapport de stage pour l'obtention du diplôme de DESS en économie de développement - analyse de projet, France, Université de Clermont-Ferrand I, 43 p.

BATOUMAENA E. B., 2008  : Les élections et le référendum du 09 avril 1961 au Togo, mémoire de maîtrise en histoire, Lomé, UL, 121 p.

GLIGBE M. K., 1993  : Vivre le multipartisme à Lomé (1946-1963) : le PTP et le CUT, mémoire de maîtrise en histoire, Lomé, UB, 118 p.

SIMDEGNA E., 2012  : Vie politique dans la région de la Kara : cas de la Préfecture de la Kozah (1969-2005), mémoire de maîtrise en histoire, Kara, UK, 124 p.

TALIM T., 2008  : Naissance et évolution d'un parti politique : le Rassemblement du peuple togolais (RPT) de 1969 à 1991, mémoire de maîtrise en histoire, Lomé, UL, 115 p.

TOKI E., 2007  : La vie politique du Togo de 1963 à 1967 et le coup d'État militaire du 13 janvier 1967, mémoire de maîtrise en histoire, Lomé UL, 103 p.

Thèses

ADUAYOM A.M., 1978  : Frontières contre peuple en Afrique noire : le cas des éwé, thèse de doctorat de troisième cycle, Sorbonne, 338 p.

BATCHANA E., 2008  : Liberté de presse et pouvoir publique au Togo 1946-2004, thèse de doctorat unique en histoire, Lomé, UL, 560 p.

DANIOUE T., 1994  : Formation sociale, enjeux politiques et exercice du pouvoir dans l'État africain : le mal togolais, thèse de doctorat, Toulouse, vol 1 + vol 2, 892 p.

KADANGA K., 1990  : La représentation parlementaire et les élections en Afrique Occidentale française sous la IVème République : 1946-1958 et le 13 janvier 1963, thèse de doctorat, Université de l'Ille III, 491 p.

Autres ouvrages

AGBOYIBO Y., 1999  : Combat pour un Togo démocratique, une méthode politique, Paris, Karthala, 209 p.

AGBOBLI A. K., 2007  : Sylvanus Olympio le père de l'indépendance togolaise, éd. Graines de pensée, Lomé, PUL, 94 p.

AJAVON R., 1989  : Naissance d'un État africain : le Togo, territoire pilote : lumières et ombres 1951- 1958, Lomé, NEA, 217 p.

D'ALMEIDA-TOPOR H., 1999  : L'Afrique au XXe siècle, Paris, Armand colin, 383 p.

CORNEVIN R., 1988  : Le Togo des origines à nos jours, Paris, Académie des Sciences d'Outre mer, 556 p.

DAVID P., 1988  : 21 ans de législation togolaise : ordonnances, lois, décrets de 1967 à 1987 : tables annuelles commentées, Lomé, Editogo, 183 p.

DAVID P., 1991  : Recueil de la législation togolaise : ordonnances, lois, décrets de 1988 à 1990 : tables annuelles commentées, Lomé, Editogo, 183 p.

DEBBASCH Ch., 2004  : L'Etat du Togo 1967-2004, Paris, Jouve, 552 p.

FEUILLET C., 1976  : Le Togo en général : La longue marche de Gnassingbé Eyadema, Paris, éd. ABC, 190 p.

FEUILLET C., 1991  : Les dix journées qui ont fait le Togo, Paris, éd. ABC, 135 p.

GAYIBOR N. L., (dir.), 2005  : Histoire des Togolais de 1884 à 1960, vol II, tome II, Lomé, PUL, 754 p.

GAYIBOR N. L., (éd), 1997  : Le Togo sous domination coloniale, Lomé, PUL 242 p.

GAYIBOR N. L., (éd), 1996  : Le peuplement du Togo : État actuel des connaissances Historiques, Lomé, Presse de l'UB, 180 p.

GOUVERNEMENT TOGOLAIS, 1963 : Le livre blanc sur les violences survenues au Togo entre le 27 avril 1958 et le 13 janvier 1963, Lomé, 43 p.

MENTHON (de) J., 1993  : A la rencontre du Togo, Paris, L'Harmattan, 271 p.

KADANGA K., 2007  : Formations associatives et formations politiques au Togo 1990-1991 : Approche historique, Lomé, PUL, 94 p.

REPUBLIQUE TOGOLAISE, 2012 : Rapport final de Commission vérité justice et réconciliation, volume 1, Lomé, 309 p.

TETE-ADJALOGO T. G., 2006  : Le régime et l'assassinat de Sylvanus Olympio (1960-1963), Paris, éd NM7, 362 p.

TETE-ADJALOGO T. G., 2006  : Histoire du Togo la palpitante quête de l'«ablodé» : 1940-1960, Paris, éd NM7, 735 p.

TOULABOR C. M., 1986  : Le Togo sous Eyadema, Karthala, Paris, 332 p.

WIYAO E., 1997 : 13 janvier 1963, 13 janvier 1967 pourquoi ? Lomé, NEA, 111 p.

YAGLA O. W., 1978  : L'édification de la nation togolaise, éd L'Harmattan, Paris, 216 p.

LISTE DES TABLEAUX ET ORGANIGRAMME

Pages

Tableau n°1 : Composition du Bureau politique du RPT au sortir du congrès constitutif de novembre 1969 46

Organigramme structurel du RPT 50

Tableaux n° 2 : Composition des bureaux politiques du RPT de 1971 à 1976 65

Tableaux n°3 : Composition du comité central du RPT de 1971 à 1976 65

Tableaux n° 4 : Répartition des ministres des Gouvernements du Général Eyadema de 1972 à 1990 selon l'appartenance tribale et régionale des ministres 66

Tableau n° 5 : Tableau récapitulatif des montants des financements prévus des quatre plans quinquennaux de développement économique et social (en millions de francs courants) 71

Tableau n° 6 : Tableau récapitulatif des montants des financements acquis des quatre plans quinquennaux de développement économique et social (en millions de francs courants) 72

Tableau n° 7 : Tableau récapitulant deux secteurs avec leur financement interne et externe 73

TABLE DES MATIERES

Pages

Dédicace .....................................................................................................i

Remerciements ..............................................................................................ii

Sigles et abréviations ........................................................................................iii

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : CRISE POLITIQUE ET INSTITUTION DU PARTI UNIQUE RPT (1961-1969) 18

Chapitre premier : EVOLUTION SOCIOPOLITIQUE AU TOGO DE 1946 A 1967 : LA LUTTE POUR L'INDEPENDANCE ET LES PERIPETIES DE L'INSTITUTION DE FAIT DU PARTI UNIQUE PUT 20

1- Le paysage politique togolais de 1946 à 1967 20

1.1- Les partis politiques au Togo entre 1946 et 1967 21

1.1.1- Le courant dit nationaliste 21

1.1.1.1- Le Comité de l'unité togolaise (CUT) 21

1.1.1.2- La JUVENTO 23

1.1.2- Courant dit progressiste 23

1.1.2.1-Le Parti togolais du progrès (PTP) 23

1.1.2.2- L'Union des chefs et populations du nord (UCPN) 24

1.1.2.3- Le Mouvement populaire togolais (MPT) 25

1.2- Les élections et les rivalités politiques de 1946 à 1963 : division, règlement de compte, régionalisme 26

1.2.1- Violences électorales et contestations 26

1.2.2- L'intérêt régional au centre des rivalités entre nationalistes et progressistes 27

1.2.3- Les élections du 9 avril 1961, une tentative d'institution du parti unique au Togo 28

2- Bilan de l'action politique au Togo entre 1958 et 1963 30

2.1- Bilan socioéconomique 30

2.1.1- Des efforts dans le domaine socioéconomique 30

2.1.2- Un début d'urbanisation du pays 31

2.2- Bilan politique : la goutte d'eau qui déborda le vase 32

2.2.1- Les violences, conséquences des antagonismes politiques 32

2.2.2- La gestion du pouvoir entre 1958 et 1967 33

2.2.3- Un tissu social en lambeau 35

Chapitre deuxième : DISSOLUTION DES ANCIENS PARTIS POLITIQUES ET NAISSANCE DU RASSEMBLEMENT DU PEUPLE TOGOLAIS (RPT), PARTI UNIQUE (1967 - 1969) 38

1- La dissolution des partis et les raisons de l'institution du parti unique au Togo 38

1.1- La dissolution des partis 38

1.2- Les raisons et avantages officiels du choix du parti unique 40

2- Naissance du RPT 43

2.1- L'appel historique du 30 août 1969 à Kpalimé 43

2.2- Le congrès constitutif 45

3- Structure et organisation du RPT 47

3.1- Les organes centraux 47

3.1.1- Le Congrès 47

3.1.2- Le Conseil national 48

3.1.3- Le Comité central 48

3.1.4- Le Bureau politique 48

3.2- Les organes décentralisés 48

3.2.1- Les Comités régionaux 48

3.2.2- Les Comités cantonaux 49

3.2.3- Les Comités de villages 49

3.2.4- Les Cellules de quartiers 49

3.3- Les commissions spécialisées 50

3.4- Les associations affiliées au RPT 51

3.4.1- La Jeunesse du rassemblement du peuple togolais (JRPT) 51

3.4.2- L'Union nationale des femmes du Togo (UNFT) 51

3.4.3- La Confédération nationale des travailleurs du Togo (CNTT) 52

3.4.4- L'Union nationale des chefs traditionnels du Togo (UNCTT) 52

3.5- Le RPT : un parti doté d'une structure calquée sur celle du peuple 53

DEUXIEME PARTIE : LE PARTI RPT ET LA VIE POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE SOUS LE REGIME MONOLITHIQUE (1969-1990) 57

Chapitre troisième : LE RPT ET L'OEUVRE DE CONSTRUCTION DE L'UNITE NATIONALE (1969-1990) 59

1- Les moyens mis en oeuvre pour la construction de l'unité nationale 59

1.1- Les pratiques juridiques 59

1.2- Les pratiques politiques 61

2-/ Les actions en faveur de l'unité nationale 63

2.1- Sur le plan politique : la politique de réconciliation nationale et de répartition des responsabilités politiques et administratives 64

2.2- Sur le plan socio-économique 68

2.2.1- Développement des infrastructures économiques et des services 68

2.2.2- Développement rural 69

2.2.3- Développement du secteur industriel du commerce et de l'artisanat 69

2.2.4- Secteur socioculturel et des ressources humaines 70

2.3- La planification, un objet de développement harmonieux 71

2.4- L'unité nationale : utopie ou réalité ? 74

Chapitre quatrième : LES IMPLICATIONS DU PARTI UNIQUE DANS LA VIE POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE AU TOGO (1969-1990) 78

1- Le verrouillage politique sous le parti unique 78

1.1- Déficit parlementaire 78

1.2- Déficit judiciaire et concentration des pouvoirs 80

1.3- L'armée, un instrument au service de l'unité nationale 81

2- Les conséquences du verrouillage politique 84

2.1- La proscription de la mémoire collective des faits passés 84

2.2- L'adoption de nouveaux emblèmes 85

2.3- Les droits de l'homme bafoués 85

3- Le parti unique et la transition démocratique 87

3.1- Le parti unique aux antipodes du multipartisme 87

3.1.1- L'obsolescence du parti unique 87

3.1.2- Les difficiles changements 88

3.2- La Conférence nationale togolaise, un procès du parti unique 89

3.2.1- La Conférence nationale togolaise, les espoirs douchés d'une sortie de crise 90

3.2.2- Les mesures prises, un règlement de compte à l'ex parti unique 91

CONCLUSION GENERALE 94

ANNEXES 98

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 107

LISTE DES TABLEAUX ET ORGANIGRAMME 115

TABLE DES MATIERES 116

* 1 Lavroff (1978 : 36) a listé de manière exhaustive les pays africains qui ont connu le système du parti unique. En Afrique noire francophone, le Niger, la Haute-Volta, et le Sénégal n'ont pas connu ce système. Lavroff (1978 : 33).

* 2 JORT numéro 357 du 16 juin 1967 p. 267

* 3 Décret n° 62-8, JORT numéro 111 du 16/01/1962.

* 4 Discours prononcé par le Président Français François Mitterrand le 20 juin 1990 lors du 16ème sommet France-Afrique. Dans ce discours, le président Mitterrand recommandait aux gouvernements africains de s'engager dans un processus démocratique.

* 5 M. Jérémie Kadoumta est économiste et Enseignant chercheur dans les universités de Lomé et de Kara, entretien réalisé le 27 avril 2012 à son domicile.

* 6 Message délivré lors du troisième congrès statutaire du RPT. Rapport du troisième congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais tenu à Lomé, 1982, p. 68.

* 7 Ancienne appellation de l'actuelle Chambre du commerce et de l'industrie du Togo

* 8 Le 13 janvier est la date anniversaire de l'assassinat du Président Sylvanus Olympio. Pour le régime RPT cette date est célébrée comme l'anniversaire de la « libération nationale ».

* 9 L'auteur est un membre de la section France de l'UFC.

* 10 L'article 34 des statuts du RPT stipule à cet effet : « [...] Ils (les membres de ce secrétariat) sont tenus à une discrétion absolue dans leur emploi » Rapport du premier congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais p.31. Mais dans le livre vert cette partie n'apparaît pas.

* 11 L'institution du parti unique PUT peut s'avérée une volonté d'unir. Cette raison vraisemblable n'exclut cependant pas que cette décision soit mue par des intérêts égoïstes.

* 12 Cette constitution fut adoptée le 9 avril 1961 sans l'aval de l'opposition qui n'avait pas participé au scrutin.

* 13 La fin de la guerre d'Indochine (21 juillet 1954) et le début de celle d'Algérie (1er novembre 1954) fragilisèrent énormément l'association, qui apparut sous une nouvelle forme quatre ans plus tard, avec l'instauration en 1958, par la Constitution de la Ve République, de la Communauté française.

* 14 Après l'indépendance, notamment en 1961, il devint le Parti de l'unité togolaise (PUT)

* 15 Des deux raisons qui justifient la création du CUT, celle de Ajavon est celle qui a été officiellement évoquée. Celle-ci sans être fausse voile la réelle intention de la France qui est la raison évoquée par Yagla.

* 16 C'est là que se situeraient l'une des causes lointaines de la création de l'UCPN.

* 17 Actes du 8ème congrès national de la JUVENTO tenu à Bè du 9 au 10 avril 1960 (2APA, Atakpamé dossier 87).

* 18 Attitude gauchiste c'est-à-dire qui professe de position révolutionnaire mâtinée de marxisme. Ni véritablement gauchiste ni véritablement marxiste mais comportement hybride relevant d'un emprunt à l'un et à l'autre.

* 19 La fusion des deux partis donna naissance en 1959 à l'Union démocratique du peuple togolais (UDPT).

* 20 Le progrès est un organe d'information proche du PTP.

* 21 ANT, 2APA Lama-Kara, dossier 5 :

* 22 ANT, 2APA Dapaong, dossier 16 : Documentations sur les partis politiques : JUVENTO, UCPN.

* 23 C'est un parti centriste. Tantôt dans le front nationaliste tantôt dans le front progressiste. Il se dit modéré.

* 24 Les élections de 1958 constituent une exception la stabilité de cet électorat a été chamboulée. A cette occasion le vote s'est fait sans tenir compte de l'origine tribale.

* 25 Le progrès du 22 septembre 1952 cité par Batchana (2008 : 291)

* 26 Fonds investissement et de développement économique et social.

* 27 2APA/Atakpamé dossier 87, Actes du 8e Congrès national de la JUVENTO tenu à Bè les 9 et 10 avril 1960.

* 28 2APA/Atakpamé dossier 87, Actes du 8e Congrès national de la JUVENTO tenu à Bè les 9 et 10 avril 1960.

* 29 2APA/Atakpamé dossier 87, Actes de 8e Congrès national de la JUVENTO tenu à Bè les 9 et 10 avril 1960.

* 30 ANT-Lomé, 2APA/ cercle d'Atakpamé dossier 84 : CUT, activité de la section locale Atakpamé.

* 31 Décret n° 62-8 JORT numéro 111 du 16/01/1962.

* 32 Il semble qu'il ait même envisagé de sortir de la zone franc en créant sa propre monnaie.

* 33 Les réalisations et les projets durant la présidence de Grunitzky sont contenus dans son message de voeux à la nation le 31 décembre 1966. Bulletin officiel 1967 de la Chambre du commerce, de l'agriculture et de l'industrie de la République togolaise p. 2.

* 34 Message de voeux du Président Nicolas Grunitzky à la nation le 31 décembre 1966, Bulletin officiel 1967 de la Chambre du commerce, de l'agriculture et de l'industrie de la République togolaise p. 2.

* 35 Message de voeux du Président Nicolas Grunitzky à la nation le 31 décembre 1966, Bulletin officiel 1967 de la Chambre du commerce, de l'agriculture et de l'industrie de la République togolaise p. 2.

* 36 Menthon (1993 : 133 note que ceux-ci comme c'était le cas de bien d'autres équipements étaient négligés.

* 37 Labarte 2005 : 38 cité par Toki 2007 : 13.

* 38 Premier plan quinquennal de développement économique et social 1966-1970 p 5.

* 39 Littéralement, ce terme voudrait dire soldats de l'indépendance.

* 40 Voir annexe 1 : Répartition ethnique et régionale des différents ministères des Gouvernements Olympio.

* 41 Arrêté n° 91/PM/INT du 16 mai 1960, JORT 1960.

* 42 K. M'Gboouna, ancien député à l'Assemblée nationale et enseignant chercheur dans les universités du Togo, entretien réalisé le 15 décembre 2011 à son domicile à Lomé.

* 43 Plusieurs raisons sont évoquées comme causes de l'échec de ce gouvernement : les faiblesses inhérentes et intrinsèques au système bicéphale, la ruine du gouvernement par l'opposition PUT. Mais on peut aussi évoquer le rôle de l'armée qui par ses prises de position en faveur de l'une ou de l'autre des parties en conflit a participé à fragiliser davantage la situation.

* 44 Programme et statuts du RPT p. 9.

* 45 JORT n°357 du 16 juin 1967 p. 267

* 46 Togo Presse du lundi 22 mai 1967.

* 47 JORT, n° spécial du 30 juin 1967, p. 1.

* 48 JORT, 1967, p. 521.

* 49 L'acte est devenu presqu'une tradition ainsi à la veille de chaque 13 janvier le chef de l'Etat prononçait un discours à la nation.

* 50 K. M'Gboouna, ancien député à l'Assemblée nationale et enseignant chercheur dans les universités du Togo, entretien réalisé le 15 décembre 2011 à son domicile à Lomé.

* 51 Nous parlons de résurrection parce que comme nous l'avons vue plus haut les dirigeants des précédents régimes ont été enclins à ce projet. Danioue (1994 : 229) dira d'ailleurs : « il est alors plus juste de dire que le Général Eyadema n'a fait que réaliser le rêve des hommes politiques qui eurent plutôt l'hypocrisie ou la pudeur de le proposer ouvertement à leurs concitoyens. »

* 52 Ancienne appellation de la ville de Kara

* 53 Rapport du deuxième congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais tenu à Lama-Kara, 1982, p. 54

* 54 Allocutions et discours du Président-Fondateur 1969- 1979, tome II, juillet 1973 à novembre 1976, p.508

* 55 Certains de ces avantages constitueront les objectifs du RPT.

* 56 K. M'Gboouna, ancien député à l'Assemblée nationale et enseignant chercheur dans les universités du Togo, entretien réalisé le 15 décembre 2011 à son domicile à Lomé.

* 57 L'expression est en éwé et signifie littéralement : que la paix vienne sur la terre

* 58 M. Koffi K. était le commissaire régional du RPT à Klouto et la citation est extraite de son discours à l'occasion du premier congrès statutaire du RPT du 12 au 14 novembre 1971 à Kpalimé, (ANT, 2APA/Klouto dossier 73.

* 59 Rassemblement du peuple français créé par le Général de Gaulle ; Président français de 1959 à 1969.

* 60 Le 7 avril 1947, le Général de Gaulle annonçait dans un discours la création du RPF.

* 61 Discours du 30 août 1969 prononcé par le Président Eyadema à l'occasion de l'appel historique de Kpalimé, Togo-presse du 31 août 1969 ; voir l'intégralité du texte du discours en annexe 2.

* 62 Discours du 30 août 1969 Togo-presse du 31 août 1969.

* 63 Discours du 30 août 1969 Togo-presse du 31 août 1969.

* 64 Il est à noter qu'a l'origine le RPT se veut plus un mouvement qu'un parti politique. C'est donc un amalgame quand on lui colle l'étiquette de parti politique ou qu'on utilise ce terme pour le désigner à cette époque.

* 65 Discours programme du chef de l'Etat à la clôture du congrès constitutif (Togo-Presse N°2222 du 2 décembre 1969)

* 66 Statuts du Rassemblement du peuple togolais ; (source : Programme et statuts du RPT, p. 40)

* 67 Programme et statuts du RPT, p. 42.

* 68 Exemple les décisions n° 184, 186, 189, 206/MEF-FCS du 18 mars 1986, JORT du 1er avril 1986

* 69.Exemple : L'Union des ressortissants de la circonscription d'Aného (URCA), l'Union des ressortissants de la circonscription de Vo (URCIVO), l'Amicale des stagiaires, élèves et étudiants de la préfecture des Lacs (ASERLACS), l'Amicale des élèves et étudiants de la Kozah (AMELKO), l'Amicale des élèves et étudiants de la circonscription administrative d'Amlamé (AMECAA) etc. furent particulièrement dynamiques.

* 70 Programme et statuts du RPT, Lomé, Editogo, 1970, p.10

* 71 Ceci n'est pas une particularité du RPT tout les partis uniques en Afrique se sont proclamés démocratiques puisque disent-ils, ils prônent en leur sein le dialogue, la critique et la contestation constructive et surtout parce qu'ils pratiquent le suffrage universel. Est-ce par peur d'être traité de dictature ?

* 72 Programme et statuts du RPT, Lomé, Editogo, 1970, p.13

* 73 Les discours politiques sur l'unité nationale au Togo ont fait l'objet d'une communication pendant la XIVe édition des journées scientifiques internationales de Lomé (JSIL 2010) du 25 au 29 octobre 2010 ; « avril 1960 - avril 2010, cinquante ans de discours sur l'unité nationale au Togo : les leçons d'une politique toujours d'actualité » présentée par Joseph Koffi Nuteté Tsigbe, département d'histoire et d'archéologie/UL. Cette communication avait pour objectif d'amener tout citoyen à se demander ce qui a été réellement fait en matière d'unité nationale au Togo, au delà de cette considération simpliste, l'auteur de la communication, qui s'inscrit dans le nouveau paradigme en histoire, sur « vivre et enseigner la nation », vise à décrypter les discours politique sur l'unité nationale au Togo en vue de faire un bilan cinquante ans après et tirer ainsi les principales leçons qui s'imposent, Actes des Journées scientifiques internationales de Lomé XIVe édition (JSIL 2010) 25-29 octobre 2010 sur le thème « la contribution de la recherche scientifique et technologique à la réduction de la pauvreté en Afrique sub-saharienne », Lomé.

* 74 Nom donné au programme mis en oeuvre par le Président des Etats-Unis Franklin D. Roosevelt entre 1933 et 1938 pour contrecarrer les effets de la grande dépression due à la crise économique de 1929. Dans le cas du Togo, c'est donc une figure de rhétorique qui établit un rapport de similitude entre la situation de crise qui prévalait en ce moment au Togo et les mesures envisagées.

* 75 Discours du Président Eyadema aux populations de Lomé le 19 novembre 1976, in Allocutions et discours du Président Fondateur 1969- 1979, tome II, p. 970.

* 76 Les décrets convoquant le corps électoral illustrent cette affirmation. Les électeurs sont appelés à répondre par oui ou par non à un choix. Voir JORT 1971 numéro spécial du 29 décembre décret 71-221 du 29/12/71 ; JORT 1979 numéro spécial du 14 décembre décret 79-285 du 13 décembre 1979.

* 77 Constitution de 1980, JORT, numéro spécial du 12 janvier 1980.

* 78 Constitution de 1980, JORT, numéro spécial du 12 janvier 1980.

* 79 Ordonnance numéro 4 et numéro 5 du 27 janvier 1967, JORT 1967, numéro spécial 30 janvier 1967.

* 80 Rapport du troisième congrès statutaire du RPT, p. 15.

* 81 On ne voit pas l'utilité d'une opposition et n'accepte pas que l'opposition est une caractéristique nécessaire d'un régime politique.

* 82 Gonidec fait ressortir l'importance des idéologies dans l'intégration nationale.

* 83 Rapport du symposium national du 10e anniversaire tenu à Lomé p. 33.

* 84 Décret du 2 mai 1967, JORT n° 357 du 16 juin 1967.

* 85 J. Assila Togo presse, n° 1445 du samedi 06 mai 1967.

* 86 Voir annexe 3 a/ résolution relative à l'adoption de l'hymne national.

* 87 Rapport du symposium national du 10e anniversaire tenu à Lomé du 21 au 23 octobre 1981, p.20

* 88 M. Mela Madjoumata, président préfectoral de la CDPA/Doufèlgou, entretien du 30 août 2012.

* 89 Budema Bandawa, président préfectoral de la CAR/Doufèlgou, entretien du 30 août 2012

* 90 Selon Toulabor (1986 : 242- 247), c'est le nord (région centrale, de la Kara et des Savanes) qui à bénéficié de cette politique. Ces soupçons de favoritisme expliqueraient la chasse aux sorcières dont furent victimes dans les années 1990, les populations du nord assimilées au RPT.

* 91 Entretien réalisé avec Apollinaire Tibikèna le 26 mars 2012.

* 92 Rapport du symposium national du 10e anniversaire tenu à Lomé du 21 au 23 octobre 1981, p. 20.

* 93 Togo Dialogue N°54 décembre 1980/Janvier 1981.

* 94 Décret n°67-167, JORT n° spécial du 30 juin 1967.

* 95 Ordonnance numéro 25 du 14juin 1967 JORT numéro spécial du 30 juin 1967.

* 96 Fonds européen de développement

* 97 La levée de cette taxe civique instituée sous le Président Olympio vaudra à Eyadema une popularité car les populations surtout dans le nord racontent que faute de moyens financiers ou matériels pour s'acquitter de cette taxe ils fuyaient le plus souvent vers le Ghana ou encore ceux en âge de payer se cachaient dans les greniers à l'arrivée du percepteur.

* 98 Le décret n° 71-132 érigeant les hôpitaux régionaux de Dapaong, Lama-Kara et d'Atakpamé en centres régionaux hospitaliers

* 99 Direction de la statistique, Ministère du plan et des mines.

* 100 Rapport du PNUD sur l'aide au Togo en 1990, Menthon 1993 : 258.

* 101 Dans l'état actuel des choses, l'épargne privée (ménages et entreprises), est quasi inexistante si l'on sait l'importance de la consommation au revenus dans nos économies encore largement auto-consommatrices.

* 102 Confère article 3 alinéa 3 des statuts du RPT : « le RPT déterminera les grandes options politiques, économiques et sociales de la nation, et en assurera l'application. »

* 103 Constitution de 1980 (Togo-Dialogue n° 43 décembre 1979/janvier 1980 pp. 7-11).

* 104 L'existence de partis politiques clandestins est signalée dans les années 1980 et il s'agit de : la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), le Parti communiste togolais (PCT), le Mouvement togolais pour la démocratie (MTD), le Front démocratique pour la libération du Togo (FDLT).

* 105 On a dénombré plusieurs complots mais le plus important reste celui du 23 septembre 1986.

* 106 La CNDH révèle avoir reçu une plainte d'un citoyen qui fut arrêté et mis en garde à vue pour une question posée au cours d'un séminaire organisé à Dapaong en septembre 1989 (Rapport annuel p. 16), c'est la preuve que même au sein du partie la liberté d'expression n'était pas évidente pour tous.

* 107 Rapport du deuxième congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais p. 106. Voir l'intégralité de la résolution annexe n°3 c/.

* 108 Ordonnance numéro 77-51 du 6 décembre 1977, JORT du 16 décembre 1977.

* 109 Discours du Président de la République à la clôture du premier congrès statutaire du RPT, Rapport du premier congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais, p. 87.

* 110 Programme et statuts du RPT, p. 42.

* 111 Programme et statuts du RPT p. 13

* 112 Allocution prononcée par le général Eyadema à l'ouverture du 2e congrès statutaires du RPT à Lama-Kara, le 27 novembre 1976.

* 113 Eyadema cité Toulabor 1986 : 103

* 114 Le déséquilibre régional dans l'armée qui n'est pas un fait exclusif au Togo peut s'expliquer par des raisons historiques sociales et sociologiques. Historiquement le statut du Togo d'abord comme colonie sous mandat de la SDN puis ensuite comme territoire sous-tutelle de l'ONU excluait les recrutements militaires. Mais il on a constaté que les Togolais dans le nord, pauvre estime-t-on, passaient la frontière dahoméenne pour aller se faire recruter. Eyadema, comme l'ensemble des démobilisés de l'armée française qui intégrèrent l'armée togolaise, s'était fait recruter au Dahomey. En 1962 les ressortissants du nord constituaient 89,04% contre 10,96% pour le sud (Danioue 1994 : 512). Il n'est pas exclu cependant que d'autres facteurs soient venus perpétuer ce déséquilibre.

* 115 La plupart de ces effigies ont été détruite avec l'avènement de la démocratie en 1990

* 116 Les actuels palais de congrès de Lomé et de Kara étaient appelés maisons du parti.

* 117 Résolution relative à l'adoption de l'hymne nationale, (Rapport du troisième congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais, 1982, p.107 ; article premier de la constitution de 1980).

* 118 Travaux de la Conférence nationale souveraine droits de l'homme et libertés fondamentales de l'époque coloniale à nos jours, 1992, pp. 12-15.

* 119 Rapport annuel 1989 de la CNDH p. 4.

* 120 Le Président Eyadema le 30 août cité par Kadanga 2007 : 35.

* 121 Elle fut aussitôt interdite (Kadanga 2007 : 38).

* 122 Pour le rôle de ces associations dans la vie politique, voir Kadanga 2007 pp. 38-39.

* 123 Professeur Daniel Bourmaud agrégé de science politique de l'Université de Montesquieu Bordeaux IV, auteur de La politique en Afrique, Paris, 2009, (www.amazon.fr).

* 124 Dans le cadre de l'organisation de la conférence nationale, plusieurs désaccords opposaient le gouvernement et l'opposition aussi bien sur la forme que sur le fond. Sur la forme, pour le gouvernement, il s'agissait d'organiser un forum national alors que l'opposition exigeait que ce soit une conférence nationale. Sur le fond, la pomme de discorde était surtout relative au principe de souveraineté de la conférence. Ces divergences d'approche conduisirent à un blocage puis à une grève générale illimitée. C'est dans ce contexte qu'intervinrent les accords du 12 juin entre le gouvernement et l'opposition réunie au sein du COD, qui mirent fin au blocus. Voir les termes de l'accord in K. Kadanga (2007 : 70-71).

* 125 Mathieu Ngirumpatse, secrétaire national du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND) du Rwanda.

* 126 La plupart de ces effigies ont été détruites avec l'avènement de la démocratie en 1990.

* 127 Débat coutumier entre les hommes d'une même communauté. C'est aussi une technique de consultation et de discussion permettant d'associer toutes les catégories sociales d'une communauté à la décision.

* 128 Rapport final de la Commission vérité justice réconciliation volume 1, 2012, p. 56.






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