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Le processus de démocratisation au Maroc et en Tunisie du printemps arabe à  aujourd'hui (2015).

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par Omar Khyari
Université Libre de Bruxelles - Mémoire 1 - Science politique 2015
  

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Faculté des Sciences sociales et politiques

Département de Science politique :

POLI-D-404 Etudes approfondies de questions de science politique

Titulaire : Pascal Delwit

Groupe 1: Démocratisation en perspective comparée

Responsable : Luca Tomini

Sujet : Le processus de démocratisation au Maroc et en Tunisie du printemps arabe à

aujourd'hui.

Question de recherche : Quels sont les réalités politiques et sociales qui explique que deux pays aux similitudes socio-culturelles appréhendent différemment un même bouleversement politique, le printemps arabe ?

Année d'étude: MA1 Relations Internationales

Année Académique: 2014-2015

Travail présenté par : ALAOUI Othmane / UBAYDULLAEV Jahongir / KHYARI Omar

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Table des matières

Introduction 1

Chapitre Premier : Démocratisation et dévelopemment : l'état de la question 4

Section I . Théorie de la démocratisation et de la transitologie 4

Section II . Théorie de la modernisation 9

Chapitre Deuxième : Description de la situation politique et sociale au Maroc et en

Tunisie 14

Section I . Organisation de la vie politique 14

Section II . Des structures sociales différentes 22

Chapitre Troisième : Analyse de la situation au Maroc et en Tunisie 29

Section I . Le cas du Maroc 29

Section II . Le cas de la Tunisie 35

Synthèse : 40

Bibliographie 42

En ce début de XXIème siècle, la plus grande manifestation populaire en faveur de la liberté et de l'exigence d'un Etat de droit, est sans nul doute celle qui est désormais qualifiée de « printemps arabe ».

En effet, auparavant, le monde arabe apparaissait comme une entité statique, ou peine à être promue les valeurs démocratiques notamment en ce qui concerne le respect des droits de l'Homme. Les politiques arabes semblent remplir les objectifs d'un plan de communication plutôt que de réellement chercher à changer les choses, comme cela a été dénoncé dans un rapport du PNUD? 1 en 2002 sur le développement humain dans le monde arabe.

Par définition, par historicité, une révolution est caractérisée par son coté inattendu, brutal. Les révoltes populaires dans le monde arabe ont surpris par leur ampleur, leur caractère exceptionnel et leurs conséquences importantes. Nous avons décidé de choisir comme sujet, le processus de démocratisation au Maroc et en Tunisie du printemps arabe à aujourd'hui. Pour mener à bien ce travail, il est important de prendre en considération les disparités qui existent entre ces deux pays. Les événements survenus dans ces pays arabes ne peuvent être analysés de manière uniforme.

En effet, le monde arabe ne peut être considéré comme un bloc monolithique alors que celui ci est en réalité un espace de grandes diversités et connait de profonds clivages comme le souligne Bassma Kodmani dans son livre « Abattre les murs » ou elle définit le monde arabe comme ?2« un mille-feuille culturel, un espace de diversité ethnique, culturel et religieux ».

C'est pourquoi à la suite de ces soulèvements, nous avons assisté à des résultats très différents entre les pays concernés. Se focalisant sur notre étude, cette différence de résultats s'observe en particulier dans le cas du Maroc et de la Tunisie :

Le premier ayant préservé la structure de son régime tout en réalisant des avancées constitutionnelles, tandis que, la seconde acheva son processus révolutionnaire en faisant chuter le régime qui l'a gouvernée pendant plusieurs décennies.

C'est donc, cet antagonisme de résultat que nous souhaitons étudier dans ce travail. ?3Denis Bauchard, dans son ouvrage référence « le Nouveau Monde Arabe, enjeu et instabilités » analyse la situation de cette région qui vit un tournant historique (critical juntures) après le Printemps Arabe de 2011.

L'auteur pense que le processus révolutionnaire demeure inachevé, même si l'expérience tunisienne a une valeur pionnière et encourageante pour ses voisins. L'auteur reste convaincu que, après six siècles de domination ottomane, puis coloniale et après deux générations

1 PNUD, Rapport sur le développement humain dans le monde arabe, 2002, 191 pages.

2 KODMANI Basma, Abattre les murs, Liane Levi, 2008, 128 pages.

3BAUCHARD, Denis, Le nouveau monde arabe : enjeux et instabilités, Edition André Versaille, Bruxelles, 2012, 272p.

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d'indépendances frustrantes, le monde arabe est enfin entré dans une phase irréversible d'affirmation démocratique.

Tout d'abord, le fait que notre séminaire porte sur les processus de démocratisation en perspective comparée, nous à orienté et conforté dans notre choix d'étudier le cas du Maroc et de la Tunisie, deux Etats faisant partie de la meme aire géographique, le Maghreb avec de fortes similitudes socio-culturelles.

Deuxièmement, au-delà des ressemblances entre ces deux pays, nous avons considéré que le véritable intérêt de cette étude, se trouvait dans leur différences à réagir à un même bouleversement politique, à savoir le printemps arabe.

Enfin, le fait que nous soyons de nationalité marocaine et que nous ayons vécu ces événements du printemps arabe durant notre année de Terminale à Rabat a grandement joué dans le choix de ce sujet que l'on a souhaité étudier.

Nous avons donc vécu de l'intérieur ce bouleversement politique majeur dans la région.

Il est évident que cet événement majeur, arrivant à un âge ou notre identité politique se forge, a eu un impact sur notre vision de voir notre pays mais aussi plus généralement sur notre façon d'observer et d'appréhender la politique comme le souligne ?4Annick Percheron, sociologue française. Selon elle, la socialisation politique ne conduit pas nécessairement à l'acceptation du système politique, mais peut aussi conduire à son rejet. Dans les sociétés démocratiques, la socialisation se déroule dans un contexte marqué par des conflits de valeurs et de normes. Dans ce cadre, les individus construisent par intériorisation progressive, une grille de lecture qui leur permet d'interpréter la réalité et de se positionner dans le champ politique. C'est donc cette « grille de lecture » qui a été impactée voir même bouleversée dans notre cas.

De plus, selon la sociologue française Anne Muxel, dans son ouvrage?5 « L'expérience politique des jeunes », cet événement est fondamentale au niveau de notre socialisation politique et nous construit dans notre rapport à la politique. Enfin, elle souligne l'importance des effets de génération qui ont une forte influence sur la structuration idéologique des individus, notamment en ce qui concerne la participation ultérieure à d'autres mouvements sociaux : "les conséquences observées sur le long terme d'une participation au mouvement lycéen-étudiant de l'automne 1986, révèlent les effets propres de cette "stratification de l'expérience". Les jeunes y ayant été actifs restent, dix ans plus tard, toujours disponibles pour s'engager dans une action collective. La conjoncture historique et politique a donc aussi un rôle actif dans la construction de l'identité politique.

Notre choix de se focaliser sur le cas de la Tunisie et du Maroc s'explique par le fait que nous voulions choisir le cas du pays que l'on connaissait le mieux, en l'occurrence le Maroc, que

4PERCHERON, Annick, La socialisation politique, Edition Armand Colin, 1993, 210p. 5MUXEL, Anne, L'expérience politique des jeunes, Paris, Presses de Sciences Po, 2001, 190 p.

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l'on souhaitait comparer avec un pays ou la révolte a débouché sur un fonctionnement démocratique comme c'est le cas en Tunisie après la chute du régime de Ben Ali.

C'est donc la comparaison entre le Maroc et la Tunisie qui nous a semblé la plus pertinente. Nous avons donc décidé d'étudier quelles sont les réalités politiques et sociales qui expliquent que deux pays aux fortes similitudes socio-culturelles, Maroc et Tunisie, ont appréhendé différemment l'avénement du printemps arabe.

Par similitudes, on entend :

une histoire commune : le Maroc et la Tunisie sont les seuls pays en Afrique ayant connu un protectorat français, tandis que les autres Etats africains avaient le statut de colonies. Une démographie similaire : La part importante de jeunes dans ces pays est également importante et surtout analogue.

Un soubassement linguistique et religieux partagé : La langue et la religion commune entre ces deux pays joue évidement un rôle central dans leur histoire commune.

Une économie se proclamant du libéralisme engendrant de grandes disparités sociales et reposant fortement sur le tourisme: les activités touristiques représentent 7,5% du PIB marocain? 6, taux équivalent en Tunisie?7.

Pour notre travail, le fait d'étudier et d'expliquer les similitudes entre le Maroc et la Tunisie, trouve sa pertinence dans leur opposition de degré et non pas de nature

Cela signifie que même si il existe beaucoup de similitudes celles- ci se structurent différemment dans chacun des ces deux pays, ce qui peut apporter une valeur explicative au résultat différencié généré par et à l'issue du printemps arabe.

Toutefois cette approche descriptive, bien que pertinente et nécessaire, reste insuffisante pour bien comprendre les réalités politiques et sociales.

C'est à travers l'analyse des différences entre les deux régimes politiques, l'examen de la perception du leader et de sa famille, la place de la religion au sein de la société et la corruption érigée en système de « gouvernance » que l'on pourra comprendre les réalités politiques et sociales propres à chacun des deux Etats. Eléments que nous détaillerons dans le corps du travail.

Ces problématiques seront traitées selon la méthode hypothético-déductive en comparant la situation au Maroc et celle en Tunisie en se focalisant sur les seuls facteurs internes des deux pays et les auteurs étudiés.

Nous verrons alors si l'organisation de la vie politique et de la société civile, propre à chacun des deux pays et leurs similitudes sont des éléments explicatifs des évolutions des régimes après le printemps arabe.

6 http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2012/11/27/97002-20121127FILWWW00763-maroc-le-tourisme-represente-7-du-pib.php

7 http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/03/19/20002-20150319ARTFIG00279-le-tourisme-un-secteur-cle-mais-fragilise-de-l-economie-tunisienne.php

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Pour ce faire, le premier chapitre concernera la présentation des principales théories portant sur la démocratisation et la transitologie afin d'expliquer par des principes théoriques la transition que connaissent ces pays vers la voie démocratique.

Le deuxième chapitre portera sur la description de l'organisation de la vie politique ainsi que des structures sociales dans chacun des pays.

Et enfin, le dernier chapitre concernera l'analyse de la situation au Maroc et en Tunisie pour tenter d'expliquer le dénouement différent du printemps arabe au Maroc et en Tunisie.

I / Démocratisation et développement : l'état de la question

Dans ce chapitre, nous développerons les grandes théories des sciences politiques portant sur le concept de démocratie traitant dans une première partie sur la démocratisation et la transitologie, pour dans un second temps s'intéresser à l'école de la modernisation.

A / Théorie de démocratisation et de la transitologie :

Dans cette partie, nous nous appuierons sur plusieurs théories développées par différents auteurs pour la plupart déjà étudiés durant le séminaire.

Tout d'abord, nous analyserons la position de l'un des pionniers de la théorie de la démocratisation, à savoir Robert Alan Dahl, en expliquant sa vision et notamment son concept de « polyarchie ».

Par la suite, nous nous intéresserons à un auteur qui aura été inspiré par les idées de R.Dahl, il s'agit du professeur de science politique Samuel Huntington notamment connu pour son essai « Le choc des civilisations ». Cet auteur traite des avantages possibles émanant d'un système autoritaire en particulier au niveau du développement économique.

Nous développerons également les idées de Larry Diamond, professeur de science politique.

Il est l'un des premiers à lancé le débat sur ce qu'il nomme des « Régimes hybrides ». Nous observerons en quoi sa théorie a permis de sortir du carcan définissant des régimes soit comme étant autoritaire ou démocratique sans prendre en compte la possibilité qu'il puisse exister d'autres systèmes.

Et enfin, nous nous intéresserons à une nouvelle théorie, qui a notamment vu le jour après la troisième vague de démocratisation qui débute en 1974 avec la « révolution des Oeillets », et qui fonde la transitologie.

Robert Alan Dahl développe notamment dans ses ouvrages, tels que «Introduction à la théorie démocratique» (1956), "Analyse politique moderne" (1964), ou encore « Les oppositions politiques dans les démocraties occidentales" (1966). Dahl 8théorise le très influent concept de polyarchie - type particulier de mode de gouvernement dans une société moderne, qui diffère des autres régimes politiques sur deux points : une tolérance relativement élevée pour l'opposition et une marge de manoeuvre pour influencer le comportement du gouvernement, y compris le changement des dirigeants par des voies pacifiques.

Ce terme a été introduit par le politologue américain Robert Dahl pour décrire le fonctionnement politique des sociétés industrielles occidentales. 9Les caractères constitutifs de la polyarchie sont la dispersion des sources du pouvoir, le droit pour tous de participer à la désignation des autorités politiques et une organisation qui tend efficacement au règlement pacifique des conflits. Dahl a voulu éviter la confusion, si dangereuse dans le vocabulaire de la science politique, des faits et des valeurs, et il a clairement distingué l'idéal de la démocratie du fait polyarchique, tout en admettant que les diverses formes de la polyarchie puissent être considérées comme des approximations, plus ou moins bonnes, de la démocratie.

8

9

Robert Dahl, Polyarchy ; participation and opposition, New Haven, Yale University Press, 1971. Ibid

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La polyarchie est pensée comme, 10 Ç un système politique fondé sur la compétition politique ouverte entre les différents groupes dans la lutte pour le soutien des électeurs ». Dans la science politique moderne, il était le premier en 1953 à dégager une pluralité d'institutions de base communes aux démocraties libérales. Le terme est utilisé dans le but de livrer une version "purifié" des systèmes existants, et il en vient à la conclusion que des institutions sont nécessaires (mais peut-être pas suffisante) pour atteindre l'idéal de la démocratie.

R.Dahl identifie aussi les conditions suivantes qui permettent au système polyarchique de se maintenir. 11D'abord, les dirigeants politiques pour conquérir le pouvoir qui s'interdisent de recourir à des moyens de coercition contre l'opposition (l'utilisation des forces de sécurité, armée).

En résumé, les principales caractéristiques de la théorie de la polyarchie, sont la possibilité de la compétition politique, le droit de participer à la vie politique et de la gouvernance sur la base de la coalition.

Toutefois il existe une tradition intellectuelle dont la théorie est qu'un gouvernement autoritaire dans les pays à faible et à moyen revenu, est meilleur pour encourager la croissance économique ainsi que le développement social. Samuel Huntington s'inscrit dans cette vision comme en témoigne certains de ses travaux dans les année 1960.

L'idée majeur qu'il développe est l'importance du fonctionnement autoritaire dans certains Etats dans la réalisation du développement économique, et ce, car l'autoritarisme offre plusieurs avantages. 12D'abord la planification à long terme permet une meilleure prévisibilité et elle accroit la possibilité de mener une vision dans le temps. Aussi, le chef de l'Etat est délivré des exigences qu'induisent les calculs politiques électoraux à court terme que connaissent les démocraties occidentales. De plus, il n'y a pas la nécessité de négocier

10

11

Ibid Ibid

12 Samuel P. Huntington, Political Order in Changing Societies. New Haven, CT/Yale University Press,1968.

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avec des groupes d'intérêts particuliers (patronat ou syndicats par exemple). Cette autonomie vis-à-vis de ces groupes concurrents induit un fonctionnement plus juste de l'Etat et de l'administration ainsi qu'une protection de l'ensemble des citoyens.

Pour l'ensemble de ces raisons, il affirme la supériorité des régimes non démocratiques. Ainsi, d'autres théoriciens partagent cette tradition intellectuelle tel que Joan Nelson, qui affirme que 13« la participation politique doit être réduite, au moins temporairement, afin de promouvoir le développement économique ». Cette école de pensée n'est pas marginal, d'autres auteurs ont poussé plus loin le raisonnement tel que Robert Kaplan qui «14 défie les instincts libéraux de l'Occident », qui plutôt que d'avancer la cause démocratique sont porteurs de conflits civils et d'émergence de nouveaux autocrates. La pensée de Kaplan est partagée par ceux qui affirment que le modèle démocratique occidentale n'est pas exportable dans tout les pays du fait de différences sociales et culturelles.

Dans le même objectif de définition, Larry Diamond théorise le concept de 15« régimes hybrides ».Il met en avant les difficultés techniques qui empêchent de cataloguer avec certitude les régimes politiques, et il désigne plusieurs chercheurs qui remettent en cause la tendance à qualifier un régime de «démocratique» sur la seule base de l'organisation d'élections multipartites. Or, plusieurs pays aujourd'hui fonctionnent avec ce type d'élection mais ne peuvent pas pour autant prétendre être des démocraties (l'Algérie et le Gabon par exemple). Ainsi, l'auteur met en évidence l'existence de régimes hybrides ou il assiste à une plus forte augmentation de formes autoritaires de multipartisme que de démocraties. De plus, il met en exergue deux idées cruciales : d'une part, la corrélation entre la taille et la population d'un Etat et le régime démocratique en place (il est plus aisé selon lui de mettre en place la démocratie lorsqu'on a une faible population dans un espace réduit) et d'autre part le fait que dans l'évaluation d'un régime politique, il est nécessaire de savoir si la violence

13 Samuel P.Huntington and Joan M.Nelson, « No Easy Choice: Political Participation in Developing Countries », Harvard University Press, 1976

14 Robert Kaplan, « Looking the World in the Eye », The Atlantic Monthly, 288, (5), décembre 2001, p. 68-82.

15 Diamond Larry, « Thinking About Hybrid Regimes », Journal of Democracy, 2002

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politique est clairement organisée par l'Etat ou le pouvoir central comme moyen de pression sur l'opposition .

Ainsi, il distingue trois grandes catégories de régimes politiques : les démocraties, les régimes autoritaires et les régimes fermés. Entre les deux premières catégories, il existe une zone grise, que Larry Diamond nomme « régimes ambigus ». Chacune des deux premières catégories contient deux sous-catégories : démocraties libérales et démocraties électorales d'une part, et autoritarisme compétitif et en autoritarisme non compétitif d'autre part. L'auteur ajoute que 16l'autoritarisme non compétitif transforme les échéances électorales en façade démocratique car les règles normative de la compétition politiques sont bafouées (bourrages d'urnes, ou intimidation de l'opposition politique). Dans ces régimes, les institutions politiques peuvent exister mais elles ne constituent pas de contre- pouvoir nécessaire au bon fonctionnement d'une démocratie.

Il est également intéressant de se pencher sur la définition des systèmes autoritaires selon Juan Linz. Selon lui, les systèmes autoritaires sont 17Ç des systèmes politiques au pluralisme limité, politiquement non responsables , sans idéologie élaboré et directrices mais pourvu de mentalités spécifiques, sans mobilisation intensive ou extensive- excepté a certaines étapes de leurs développement- et dans lequel un leader ou, occasionnellement, un petit groupe exerce le pouvoir à l'intérieur de limites formellement mal défini mais, en fait, plutôt prévisibles ».

Aussi, selon Dankwart Rustow, 18le changement opéré dans les pays arabes et les réformes qui ont suivi le Printemps Arabe relèvent d'abord d'un mode de gestion et de régulations de conflits sociaux (et de répartition des richesses entre les élites au pouvoir) plutôt que d'un désir réel d'instaurer un régime démocratique. En fait, il affirme que la volonté de mettre en place un régime démocratique n'est pas induite par des changements dans les valeurs des élites mais a des choix stratégiques pouvant correspondre à une perception du danger.

16

Ibid

17 Linz Juan and Stepan Alfred, « Problems of Democratic Transition and Consolidation », Baltimore, John Hopkins University Press :39-52

18 Rustow Dankwart, « Transition to Democracy : Toward a Dynamic Model », Comparative politics, 1970

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Guillermo O'Donnel et P.C Schmitter ne partagent pas la théorie de la supériorité des gouvernements autoritaires dans les Etats à faibles et moyens revenus de Samuel Huntington. D'une part, ces théoriciens de la transitologie développe un débat que l'on qualifie de gradualiste, dans le sens que 19la démocratie ne s'obtient pas en peu de temps, c'est un processus long et graduel : il n'existe pas de barrière stricte entre une démocratie et une non démocratie. De ce fait la classification des régimes politiques non démocratiques est incomplète car il existe une zone grise non explorée. D'autre part, 20le développement socio-économique n'est pas la pierre angulaire dans le processus de démocratisation dans leur théorie mais c'est la volonté et la capacité des classes privilégiées de ces pays à militer en faveur d'une transition puis à assurer le maintien de la démocratie.

Cela a pour conséquence des conflits avec les autres groupes d'intérêts particuliers : 21« plutôt que d'engager un débat futile sur les préconditions, il est important, dit Philippe Schmitter, de clarifier comment le mode de transition de régime détermine le contexte à l'intérieur duquel les interactions stratégiques peuvent prendre place parce que ces interactions, en retour, aident à déterminer dans quelle mesure la démocratie politique va émerger et survivre. ». C'est donc l'analyse du comportement des élites qui est central dans leur thèse dans l'optique d'étudier les transitions démocratiques. Cette théorie a été développé par nombre d'auteurs ce qui a donné naissance au courant de la transitologie dont la thèse principal est qu'il n'existe pas de « préconditions ». Enfin, ils ajoutent que la démocratisation peut emprunter plusieurs voies et signifier « une sortie des autoritarisme » et même un retour à l'autoritarisme peut avoir lieu.

Pour résumer, l'on se référera à la contribution dans cet ouvrage du polonais Adam Przeworski. Après une analyse des conditions possibles à la chute d'un régime autoritaire et l'amorce de la construction d'un autre démocratique, il tourne le regard de l'analyste vers

19 Guillermo O'Donnel et Philippe Schmitter, Transitions from Authoritarian Rule,Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1986.

20

Ibid

21 Philippe Schmitter and Karl Terry, « What Democracy isÉ. and it is not », in L.Diamond and Platnner (eds), The global resurgence of democracy, Baltimore, John Hopkins University Press, 39-52

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deux caractéristiques des acteurs de la transition démocratique. I22l y a d'abord les « risk insentitive », les durs de la transition, qu'ils émanent de l'ancien régime ou de ses opposants, et il y a ensuite les « risk averse » ceux qui ont tendance aux compromis. Il finit par souligner la maximisation des chances de la démocratisation naissante par le jeu des démocrates les plus accommodants face aux durs qui jouent le tout pour le tout en s'attaquant à l'entreprise naissante d'une manière directe ou indirecte.

Ce que l'on peut conclure au sujet de la transitologie classique, c'est son caractère empirique : elle part des expériences historiques de bouleversements démocratiques des régimes autoritaires pour tracer les contours d'une théorie capable de les étudier ; son aspect normatif dans la mesure où ses acteurs considèrent la démocratie comme quelque chose de souhaitable ; c'est une théorie qui essaie de théoriser l'anormalité et l'incertitude caractéristique des périodes transitoires marquées par l'absence de règles claires du jeu politique ; c'est une discipline qui a pour but l'analyse téléologique du jeu des acteurs politiques de la transition.

Dans la même sens, A. Przoworski affirmé que 23« la démocratisation est porteuse d'un très grand degré d'incertitude ». Mais l'élément majeur reste la volonté d'étudier le comportement des élites économiques et traditionnelles et on retrouve cela dans la théorie de la modernisation de Martin Seymour Lipset, qui est l'objet de notre deuxième partie

B / Théorie de la modernisation :

Cette théorie est issue de l'essai d'analyse politique de Martin Seymour Lipset, « Some social Requisites of Democracy : Economic Development and Political Legitimacy ». L'auteur estime contrairement à O'Donnel et Schmitter, qu'il existe des conditions économiques et sociales qui favorisent l'établissement de la démocratie ainsi que sa consolidation. C'est la

22Adam Przeworski and Fernando Limongi, « Modernization. Theories and Facts », World Politics,49, janvier 1997, p. 155-183.

23

Ibid

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« théorie de la Modernisation », basé sur la définition de Schumpeter de la démocratie :24 « un système institutionnel, aboutissant à des décisions politiques, dans lequel des individus acquièrent le pouvoir de statuer sur ces décisions à l'issue d'une lutte concurrentielle portant sur les votes du peuple ».

L'idée principale de l'auteur est que le développement économique ainsi que d'autres facteurs sociaux tel que l'éducation de la population sont des facteurs de légitimité de la démocratie. D'après ses statistiques issu d'une recherche empirique, les pays les plus démocratique ont une richesse moyenne, un degré d'industrialisation et d'urbanisation bien plus élevé que les autres : cela permet de légitimé la démocratie en démontrant qu'elle se modernise. Aussi, il met en exergue la relation éducation-démocratie sans en faire un lien automatique, mais il explique que l'éducation de tous les citoyens permet un terreau beaucoup plus fertile pour que naissent et se développent les idées démocratiques.

Aussi, la légitimité des systèmes politiques selon Lipset se base sur la réponse a deux interrogations : comment résoudre les questions clés qui clivent la société et comment survivre aux crises d'efficacités (guerres perdues, crises économiques...). 25Ainsi, l'efficacité de la démocratie passe par un développement de toutes les sphères de la société et ce en faveur des individus, ce qui est facilité par l'éducation de la population. Il y a aussi l'idée que les pays du Nord peuvent jouer un rôle dans la transition démocratique des pays du Sud en permettant la transition vers des institutions adéquates. Dans les faits, la volonté de Jean Louis Borloo d'électrifier l'ensemble de l'Afrique avec l'aide de sa fondation s'inscrit dans cette perception.

L'auteur affirme que 26« sous l'influence de l'accroissement des richesses, le rôle politique des classes moyennes va également se modifier : la pyramide sociale de base étendue et de

24

Joseph A. Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, Paris, Petite Bibliothèque Payot, p.

367

25 Seymour Lipset, « Some Social Requisites of Democracy : Economic Development and Political Legitimacy », American Political Science Review, 53, 1959, p. 69-105.

26

Ibid

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pointe effilée, change de forme, s'élargissant dans sa partie centrale par la croissance des classes intermédiaires. Une forte classe moyenne tempère les heurts des extrêmes par le soutien qu'elle accorde aux partis modérés et démocratiques ».

Un autre problème réside dans le fait que le développement, que l'auteur considère comme un critère structurel en faveur de la démocratie, se caractérise par une forte industrialisation. Les travaux de l'auteur montrent que plus un pays est démocratique, plus faible est la proportion de la population employé dans le secteur primaire. Le développement se caractérise aussi par un accès pour la majorité de la population à l'éducation et à une stabilité au niveau national et international. Or, cela concerne principalement les grandes puissances actuelles, qui sont pour la majorité des démocraties, plutôt que les pays a faible ou a moyen revenu. A titre d'exemple; les quatre dragons asiatiques (Corée du Sud, Singapour, Hong Kong et Taiwan) ont connus une forte croissance économique sur le modèle du Japon, en se basant sur les activités industrielles et sur les nouvelles technologies et sont aujourd'hui des démocraties représentatives.

Martin Seymour Lipset 27n'écarte pas les possibilités de choix politiques nationaux, mais sa thèse suppose que dans un Etat certains critères sociaux-économiques encouragent l'établissement d'institutions démocratiques, mais il précise que ces critères ne se suffisent pas a eux mêmes. Ainsi, une fois que l'Etat arrive a un certain niveau de développement, cela permet aisément a la démocratie de s'installer. Aussi, l'auteur attache une importance particulière a la formation d'une classe moyenne, qui est 28« une force politique de modération par nature ». En effet, celle ci recherche une stabilité économique et une possible amélioration de sa condition social que la démocratie permet de garantir. En outre, la classe moyenne a une préférence pour la stabilité politique, elle rejette les extrêmes et elle parvient a trouver des intérêts communs avec les élites. De ce fait, le partage du pouvoir est possible avec les populations les plus pauvres : c'est l'égalité politique, indispensable au bon fonctionnement d'une démocratie.

27 Seymour Lipset, « Some Social Requisites of Democracy : Economic Development and Political Legitimacy », American Political Science Review, 53, 1959, p. 69-105.

28

Ibid

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Ce développement économique a été accompagné d'une ouverture politique et d'une libéralisation des libertés fondamentales et des droits civiques ce qui induit une plus grande participation politique des citoyens. Ensuite, à travers le temps, ces pays ont connu des systèmes politiques pluralistes jusqu'à atteindre un niveau de développement moyen (voir plus) ce qui a ouvert la voie à la démocratie dans ces Etats aujourd'hui. Ainsi, la théorie de Lipset a été vérifiée empiriquement. Mais d'autre Etats, sans pour autant connaitre des développements sociaux-économiques aussi importants que les exemples cités précédemment, ont réussi à mettre en place un régime politique démocratique comme c'est le cas du Botswana.

Lipset met aussi en garde contre 29les dangers d'une société divisé entre une grande masse pauvre et une élite privilégié, car cela donne lieu à la tyrannie ou à l'oligarchie. Certains exemples d'Etats connaissant ce type de fonctionnement et donnent raison à l'auteur : la Guinée Equatorial de Théodore Obiang en Afrique et l'Ouzbékistan d'Islam Karimov.

Enfin, Charles Tilly, est un sociologue américain dont les travaux portent avant tout sur les relations entre la politique, l'économie et la société. Il est notamment à l'origine du concept de 30« répertoire d'actions collectives », qui montre que les mouvements sociaux ont recours à des actions prédéfinies et institutionnalisées pour faire entendre leurs revendications. 31L'auteur explique que la démocratisation et la dé-démocratisation ne fonctionnent pas en symétrie stricte. La démocratisation se produit en réponse des gouvernants et des élites à ce qu'ils vivent comme des crises du régime, et donc contre leurs pouvoirs, c'est une réponse de l'Etat (qui est toujours réticent) aux demandes populaires, après que les crises s'atténuent. En conséquence la dé-démocratisation se produit généralement plus rapidement et avec beaucoup plus de direction central que la démocratisation.

De plus, Tilly fait également valoir qu'il existe une relation complexe entre les mouvements sociaux et de la démocratisation. La démocratisation favorise la formation de mouvements

29

Ibid

30

31

Charles Tilly, « From Mobilization to Revolution » 1978

Charles Tilly, « Démocratisation et dé-democratisation », chapitre 3, dans La démocratie.

16 sur 51

sociaux, mais en aucun cas tout les mouvements sociaux préconisent ou promeuvent la démocratie. La distinction est cruciale. 32Tilly a mis en garde contre l'illusion que les mouvements sociaux eux-mêmes promeuvent la démocratie par la séparation analytique des revendications du mouvement et des conséquences de mouvement. Un mouvement pro-démocratie peut conduire à des conséquences anti-démocratiques et inversement, un mouvement anti-démocratie peut favoriser des résultats démocratiques

Après avoir développé les grandes théories portant sur la démocratisation, le deuxième chapitre sera chargé de décrire les situations au Maroc et en Tunisie. Ce chapitre descriptif nous servira de base pour comprendre les spécificités et les divergences entre les deux Etats.

II / Description de la situation politique et sociale au Maroc et en Tunisie :

Dans ce chapitre nous examinerons dans une première partie le type d'organisation politique que connaissent ces pays avant et après le printemps arabe. Dans une seconde partie nous nous intéresserons à la sphère sociale et aux particularités de chacune des populations étudiées.

A/ Organisation de la vie politique :

Le régime politique du Maroc et la Tunisie est caractérisé par un système de gouvernance autoritaire. Néanmoins les formes d'autoritarisme mise en place sont très différentes entre ces deux Etats.

Cas de la Tunisie :

La Tunisie, indépendante depuis 1956 n'a jamais connu d'alternances de par son histoire avant les évènements du printemps arabe. Le parti Néo-Destour, dont le chef est Habib Bourguiba, joue un rôle clé en obtenant l'indépendance.

32

Ibid

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Bourguiba, qui argumentait de la maturité du peuple tunisien pour conquérir l'indépendance, ne jugea pas la relève assez préparée à la démocratie et au pluralisme. Pour lui, « le peuple n'était pas encore mûr pour la démocratie », démocratie qui a été éludée au nom de l'unité qu'impliquait son projet. En conséquence, une fois jetés les fondements d'un État tunisien moderne, Bourguiba se laissa peu à peu « choir dans un autoritarisme paternaliste ». Dans ce contexte, le PSD était devenu un « alibi dans un désert idéologique ». Charles-André Julien33 y voit, quant à lui, « une démocratie conduite » que Bourguiba « pense par le haut ». Cette formulation dissocie les deux composantes de la démocratie : le jeu électoral et l'enjeu social. La conception bourguibienne évacue du concept de démocratie sa première composante mais elle lui garde la seconde : son contenu réformiste.

Le concept Tunisianité politique et autoritarisme tunisien semblent quasiment confondus chez Michel Camau, Universitaire français et spécialiste de la Tunisie et du Maghreb, et Vincent Geisser, sociologue et politologue français dans leur ouvrage34.

Qu'entendre par tunisianité ? La tunisianité, c'est « d'abord [É] un projet politique,

inauguré par les réformateurs du 19e siècle, repris par le mouvement de libération nationale, conforté par le régime bourguibien au lendemain de l'indépendance et poursuivi aujourd'hui par son successeur » (p. 20). Un projet politique cependant en permanence ambigu,

« largement cultivé par les gouvernants comme par les gouvernés, par les dominants comme par les dominés ». C'est dans ce sens que, sous les espèces de l'autoritarisme politique, la tunisianité est « le syndrome d'une dynamique paradoxale affectant l'ensemble des relations sociales » (p. 20). La tunisianité n'est pas un destin, c'est un projet, une volonté des élites comme des masses. Abdallah Hammoudi35 considère que l'autoritarisme arabe, contrairement à Mustapha H. Sharabi n'est pas dû à la forte prégnance dans les sociétés arabes de la fonction de père, mais à la force du rapport maître-disciple en tant que « symbolisation

33Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord : Tunisie, Algérie, Maroc, Paris, Omnibus, 2002, 500p.

34 CAMAU, Michel, GEISSER Vincent, Le Syndrome autoritaire. Politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, Paris, Presses de Sciences Po, 2003, 366 pages.

35 HAMMOUDI, Abdellah, Master and Disciple : The cultural foundations of Moroccan Authoritarianism, University of Chicago Press, 222p.

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particulière qui réélabore la fonction de père » (p. 85), ce qui serait le propre d'un schème culturel arabe - toutefois ambivalent : soumission vs rébellion (p. 86) -, l'autoritarisme marocain (à la base de l'étude de Hammoudi) étant pensé comme une variation locale de l'autoritarisme arabe.

M. Camau et V. Geisser doutent de la pertinence de la généralisation à l'ensemble de la scène arabe de la thèse hammoudienne, et récusent à coup sûr sa validité dans le cas tunisien. On comprend alors mieux pourquoi M. Camau et V. Geisser estiment improbable, voire impossible, une véritable alternance (p. 20). « Le syndrome autoritaire apparaît ainsi comme le coût d'une visée réformiste paradoxalement antipolitique » (p. 24). La tunisianité serait ainsi l'envers d'une même médaille, le réformisme, dont le revers serait le syndrome autoritaire.

M.Camau et V. Geisser affinent leur conception de l'autoritarisme tunisien en distinguant des « discontinuités de formes » (ou « types » ou « configurations ») sous la « permanence du système » (chapitre 4). Ils distinguent - en fait, uniquement depuis l'indépendance du pays - deux « types » d'autoritarisme selon la manière dont se combinent les relations « entre élites politiques, élites sectorielles et gouvernées » (p. 153). « Le premier se caractérise par la monopolisation de la politique par une élite professionnalisée confinant les élites sectorielles dans une position subordonnée. Le second consiste dans le déclassement de l'élite politique au profit d'un réseau d'élites sectorielles dont les éléments dominants relèvent de la sécurité, de l'armée et des milieux d'affaires » (p. 153). Les élites « politiques » auraient perdu leur position stratégique acquise au lendemain de l'indépendance et de « gouvernantes » seraient devenues « subordonnées », « gouvernées », tandis que les élites sectorielles - plus ou moins informellement constituées en réseau, apparemment hétéroclite (sécurité, armée, milieux d'affaires) - ne seraient devenues ni « politiques », ni donc à proprement parler

« gouvernantes » ?

M. Camau et V. Geisser décrivent alors le fonctionnement du régime tunisien avec son élite politique et ses élites « sectorielles » pratiquant à la fois une forme de « servitude

volontaire » à l'égard du pouvoir (p. 157) et une « privatisation de l'État » (p. 156).

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M. Camau et V. Geisser voient dans la crise yousséfiste de 195536 un moment fondateur de l'autoritarisme. Ils écrivent en effet : « L'acte de naissance de l'autoritarisme en Tunisie date de cet épisode, qui a emprunté des formes de violence et a donné lieu à une répression implacable » (p. 109) ; ou encore : « L'autoritarisme apparaît [...] comme une issue de crise » (p. 140) ; et enfin : « L'autoritarisme tunisien constitue assurément une dérive. La propension du Néo-Destour à la violence et au coup de force durant le Protectorat pouvait s'expliquer par les conditions de la lutte. Elle ne prédisposait pas particulièrement le parti à une banalisation de ces pratiques, une fois au pouvoir. [...] Ce sont les circonstances de la crise de l'indépendance et le jeu des différents protagonistes qui ont noué les fils de l'autoritarisme. La dérive autoritaire se révèle inhérente aux conditions mêmes de l'accès de la Tunisie à l'indépendance » (p. 151-152).

Pour Michel Camau, c'est dans cette crise que l'on peut voir les premières occurrences de l'autoritarisme. On peut voir à travers celle-ci le début de la dépendance des classes sociales pour une élite monopolisant la politique et la représentation de ses intérêts. En outre, avec cette crise, les élites sont épurées de tous les éléments séditieux et se structurent autour d'un leader, désormais guide incontesté. On assiste à la naissance d'un dispositif personnalisé du pouvoir, dont dépend le fonctionnement des organisations et institutions. L'ensemble social, les individus et les groupes passent sous le contrôle du nouvel État tunisien. Un nouveau découpage quadrille le pays : les instances régionales et locales sont désormais subordonnées au centre politique. Il transcende également les solidarités communautaires et fait évoluer le cadre patriarcal de la famille. Avec la promulgation d'un code du statut personnel nouveau, on met en valeur la famille conjugale en insistant sur l'émancipation de la femme. Les années 1960 voient une phase intensive de réformisme étatique où les institutions sociale, religieuse ou économique sont contrôlées par l'État.

L'État lui-même est touché par cette vague des réformes autoritaires. L'élite dirigeante perçoit le peuple comme des gouvernés n'étant pas en mesure de s'extraire des particularismes. Elle s'identifie donc à l'État et le monopolise. Le pouvoir personnel d'Habib

36 CORET, Alain, La lutte contre l'opposition politique en Tunisie, Mémoire d'études supérieures de la Faculté de Droit et Sciences économiques, 1955-1958.

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Bourguiba en est la manifestation : s'y mêlent en effet une personnalisation et une gestion privée des intérêts publics. Ce chef omnipotent et entouré d'une cour attentive aux volontés, aux inclinations du leader, et souligne le phénomène de la personnalisation du pouvoir en Tunisie. On assiste donc à un double mouvement, selon Michel Camau, qui met en relation une « étatisation de la société » avec pour contrepartie la « privatisation de l'État », c'est-à-dire l'appropriation de la représentation par un groupe de professionnels de la politique. Dans ce schéma, le Néo-Destour et Bourguiba ne font qu'un : l'État-parti bourguibien. Ce dernier incarne une continuité historique et bientôt quasiment mythologique selon la propagande officielle. C'est sur cette même logique que s'est appuyé Zine El Abidine Ben Ali, en fondant l'héritier du parti socialiste destourien, par le Rassemblement Constitutionnel Democratique (RCD) qui continu de réaliser les même taux record lors de chaque election présidentielle que le PSD, avec un score toujours au dessus des 89% 37 .

Comme en atteste ces scores électoraux records, de 1990 à 2011 l'opposition était quasi inexistant en Tunisie, ce qui accentué l'inintérêt de la population par rapport à la vie politique du pays et les décisions ainsi que les choix politiques qui se limitaient à des échanges au palais de Carthage entre le chef de l'Etat et le Premier ministre, sans faire participer aucunes autres instances et en l'absence totale de débat. De plus le pouvoir de Ben Ali s'appuyait sur un appareil policier très puissant, qui avait pour but d'éliminer tout opposant, en particulier les islamistes qui servaient de bouc émissaires et d'alibi à la répression en particulier suite aux attentats du 11 septembre 2001.

La chute de Ben Ali en janvier 2011 ouvre la voie à un affaiblissement continu de la souveraineté étatique. Les deux premiers gouvernements de transition de Muhammed Ghannouchi, ancien premier ministre de Ben Ali, font face à une contestation populaire, réclamant sa démission. C'est ainsi que les élections d'une Assemblée nationale constituante voient le jour, ce qui ouvre à la Tunisie, la voie de la seconde république de leur histoire, pour la première fois effective, avec des élections libres et concurrentielles.

Suite à cette élection Moncef Marzouki est élu président de la République de Tunisie par l'Assemblée nationale constituante. Ce dernier nomme Hamadi Jebeli, issu du parti victorieux

37 http://fr.wikipedia.org/wiki/Élection_présidentielle_en_Tunisie

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aux elections, le parti islamiste Ennahda. L'assassinant d'un opposant politique au parti Ennahda, Chokri Belaid, crée la plus grave crise gouvernementale depuis le départ de Ben Ali. Le parti islamiste d'Ennahda est accusé d'en être le responsable. Hamadi Jebeli présente sa démission ainsi que celle de son gouvernement suite à cet assassinat. De nouvelles élections sont donc organisées en 2014, remporté par Béji Caid Essebsi, ancien ministre de l'intérieur sous Bourguiba. Cette élection semble relevée d'un compromis ne tenant pas forcément aux orientations religieuses et identitaires, mais plutôt aux orientations économiques et politiques, afin d'assurer une logique de stabilité politique et institutionnelle, plutôt que de choisir la voie d'une rupture trop brusque avec l'ancien régime.

Le cas du Maroc :

Le Maroc est depuis le 8e siècle est une monarchie qui a vu se succéder plusieurs dynasties, les Idrisside : 788-974, les Almoravides : 974-1147, les Almohades : 1147-1248, les Mérinides : 1248-1465, Wattasside 1465-1555 ; jusqu'à la dynastie Alaouite, régnante toujours sur le Maroc depuis la seconde moitié du XVIIe siècle. Ceci confère à la dynastie actuelle une légitimité historique se trouve confortée par la légitimité religieuse qui de tout temps en constitue les fondements et les piliers de la monarchie marocaine. Le Roi étant le commandeur des croyants.

Au Maroc, l'autoritarisme revêt différentes formes. De par son pouvoir monarchique, le Royaume du Maroc fonctionne sous un système centralisé autour de la personne du roi.

Cette monarchie pluriséculaire a organisé son pouvoir à travers un système appelé Makhzen. Avant l'indépendance marocaine, le Makhzen était l'appellation du gouvernement du sultan du Maroc. Le Makhzen étant un ensemble d'institutions régaliennes qui perdure jusqu'à aujourd'hui représentant les forces politiques du pays. Ce système se caractérise par une forte centralité autour de la personne du roi, ce qui a favorisé une organisation politique centralisé aux mains du roi mais a également contribué à soumettre les esprits au culte du pouvoir, chacun espérant être le plus proche possible du pouvoir, au plus proche du roi.

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Cette obsession de la distinction, tel que l'avait déjà observé Montesquieu38, fonde le socle du système monarchique marocain. Cette forme d'autoritarisme pourrait s'apparenter à un Etat profond qui résiste de par lui-même aux modifications où les habitudes ont pris une telle force, qu'une auto-gestion du système politique s'est mis en place, pour se maintenir, en utilisant les différents organes régaliens.

L'ensemble des constitutions précédentes, à celle faisant suite au printemps arabe octroyaient au roi de larges prérogatives.

Avant l'avènement de la nouvelle constitution de 2011 en réponse au printemps arabe, le roi avait de très large pouvoir sur la scène politique. Il avait le droit de dissolution sur le parlement et le premier ministre était choisi par ses soins, sans obligation de nommer le chef de la formation politique arrivée vainqueur aux élections législatives comme ce fut le cas en 2002. Depuis la nouvelle constitution le roi dispose toujours de larges pouvoirs mais une certaine normalisation des affaires de l'Etat se mit en place avec la création d'instances autonomes chargées de faire respecter la nouvelle constitution. Ainsi fut créer, le Conseil Constitutionnel (art133), le Conseil d'Etat. Ces deux organes étaient auparavant rassemblés au sein de la Cour Suprême, et de la Cour des Comptes(art147). Cette nouvelle constitution est venu renforcée une spécialisation organique des pouvoirs législatifs et exécutif et qui se revendique pour la première fois de son histoire comme une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale (art1). Cela constitue une rupture avec le système précédent dont le principe d'unicité du pouvoir, concentré entre les mains du roi, était la règle. Le pouvoir du gouvernement s'est vu élargi, le premier ministre doit être nécessairement issu du parti politique victorieux aux élections législatives mais ce dernier conquiert également une double autonomie constitutionnelle par rapport au roi. Il n'est plus responsable devant le roi mais seulement devant la Chambre des représentants, il dispose également du pouvoir de dissolution du parlement.

Au niveau de l'alternance politique, celle-ci survient au Maroc en 1998 avec l'arrivée au pouvoir de l'USFP, représentant de la gauche marocaine. Néanmoins cette alternance était purement de façade car celle-ci se faisait dans un système politique pleinement contrôlé par

38MONTESQUIEU, L'esprit des lois, Genève, 1748.

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le roi, qui se réservait le droit de choisir certains ministres notamment concernant tous les ministères régaliens en particulier celui de l'Intérieur.

En 2011, les protestations issues de l'action tunisienne se développe au Maroc. La contestation au Maroc tente de remettre en cause le fonctionnement du régime. À l'instar de la Tunisie les manifestants demandent plus de libertés et de démocratie, l'égalité sociale, la fin de la corruption ainsi qu'un plus grand respect des droits de l'Homme. Ce mouvement protestataire s'organise et prend le nom de Mouvement du 20 Février, communément appelé M20. Particularité notable, le mouvement ne conteste pas la forme monarchique du pays, mais le fonctionnement du gouvernement. Suite à ces revendications, le roi Mohammed VI prononce un discours historique le 9 mars 2011 39 promettant l'élaboration d'une nouvelle constitution qui aura pour but de satisfaire les revendications. Plus de 98% des électeurs ont voté oui à cette nouvelle constitution. Suite à cela des élections législatives sont organisées dans la foulée, et qui permettent au Parti Justice et développement (PJD) de remporter les élections et de voir son secrétaire général, Abdelilah Benkirane nommé par le roi au poste de premier ministre.

Avant la constitution de 2011, l'opposition ne disposait d'aucun statut constitutionnel. La Constitution de 2011 marque un tournant de l'organisation à la vie politique des différentes forces politiques. Elle garantit un accès aux médias officiels, le bénéfice des financements publiques, ainsi qu'une participation effective au processus législatif avec la présidence de droit de la commissions des lois de la Chambre des représentants ainsi que la possibilité d'inscrire des propositions de lois à l'ordre du jour des deux chambres législatives.

Par ailleurs, outre l'organisation du système politique des deux pays, ces derniers sont tous deux fortement sujets à une corruption de masse organisée.

De par cette privatisation de l'Etat, Ben Ali avait élevé le niveau de clientélisme et de corruption en associant à l'appareil d'Etat, la famille très puissante de sa seconde épouse,

39 http://www.maroc.ma/fr/discours-royaux/texte-intégral-du-discours-de-sm-le-roi-loccasion-de-la-cérémonie-dinstallation-de

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Leila Trabelsi. Selon un rapport de la Banque mondiale40, les proches de Ben Ali ont bénéficié d'un cadre réglementaire qui protégeait leurs intérêts de la concurrence, au point que ce groupe de privilégiés avait la mainmise, à la fin de 2010, sur plus de 21 % des bénéfices réalisés par le secteur privé dans le pays. Intitulée « All in the Family, State Capture in Tunisia », l'étude a été menée dans le cadre de la série des documents de travail de la Banque mondiale, consacrés à la recherche sur les politiques, et conclut que le « clan » de l'ancien dirigeant tunisien, défini comme le groupe de personnes reconnues coupables de corruption dont les biens ont été confisqués, a investi dans des secteurs lucratifs dont l'accès était protégé, principalement par un système d'autorisations préalables et le recours aux pouvoirs exécutifs pour modifier la législation en faveur du régime, créant ainsi un système à grande échelle de capitalisme de copinage.

L'analyse des données de la commission de confiscation portant sur 220 entreprises révèle que les entreprises étudiées étaient étroitement liées à la famille de l'ancien président. L'examen des données des entreprises et des décrets signés par Ben Ali sur une période de 17 ans prouve que la législation a souvent servi à promouvoir les intérêts du clan et à les protéger de la concurrence. Toujours selon cette étude les données collectées font état de 25 décrets promulgués au cours de cette période qui introduisaient de nouvelles exigences d'autorisation préalable dans 45 secteurs différents et de nouvelles restrictions en matière d'investissements directs étrangers (IDE) dans 28 secteurs. Conséquence : plus d'un cinquième des bénéfices du secteur privé revenait aux entreprises des proches du régime. Selon le chercheur au Département de la recherche de la Banque mondiale et auteur principal de l'étude Bob Rijkers « Il a été en effet prouvé que l'État a permis aux membres du régime à la recherche de rentes d'accaparer une partie importante du secteur privé en mettant les entreprises proches de la famille à l'abri de la réglementation en vigueur ou en leur octroyant des avantages particuliers . Plus pernicieux encore, nous avons la preuve que les règlements ont été aménagés pour servir des intérêts personnels et favoriser la corruption. »

40Bob Rijkers, Caroline Freund, Antonio Nucifora, All in the Family. State Capture in Tunisia.. The World Bank. Middle East, mars 2014.

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Au Maroc, la tolérance sociale vis-à-vis de la corruption est très forte, influencée par un sentiment d'impunité et d'inégalité des citoyens devant la loi en fonction de leur statut social. La corruption s'apparente à un comportement normal, la perception de la sanction étant faible, la dissuasion étant quasiment inexistante. La pratique étant même encouragée par les agents d'autorité, et plus la normalisation de la corruption au sein de la société est croissante. Contrairement à la Tunisie, cette corruption est moins institutionnalisée, cette dernière profitant principalement à la famille du chef de l'Etat en l'occurrence Trabelsie. Au Maroc la corruption est diffusée à l'ensemble de la société et s'exerçant entre toutes les classes sociales de la société allant du policier de circulation au responsable de région. Cette généralisation à l'ensemble de la société contribue à considérer que d'un côté on aurait le droit de voter des lois, des normes et des obligations et de l'autre une « pratique sociale » où se développent les possibilités de faire ce que les lois ne permettent pas. En 2011, le Corruption Index Perception publié annuellement par Transaprency International, donne la note de 3,4/10 plaçant au Maroc à la 80ème place sur un total de 183 pays. Ce score plaçait le Maroc dans la catégorie des pays à « corruption systémique ».

B/ Des structures sociales différentes

Pour mieux comprendre les conséquences et les dérives de l'autoritarisme, il faudra s'intéresser aux structures sociales et à leurs caractéristiques au niveau de ces deux pays. Après avoir développé l'organisation politique de chacun des deux Etats, nous nous intéresserons dans cette partie à la population et ses caractéristiques pour mieux comprendre son fonctionnement.

Tout d'abord, la population tunisienne et marocaine est caractérisée par leur forte proportion de jeunes.

En 2011, la population tunisienne a étéì estimée à 10 673,8 habitants. Les jeunes représentent 18,9%, si l'on retient les individus recensés appartenant à la tranche d'âge 15-24 ans et

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28,4% si l'on adjoint la classe immédiatement supérieure (25-29 ans)41.

Cette forte proportion de jeunes au sein de la population se retrouve également au Maroc. Les jeunes de 15 à 24 ans constituent près du cinquième de la population marocaine, d'après le Haut-Commissariat au Plan (HCP) dans un recueil d'indicateurs et de données statistiques sur cette catégorie de la population intitulé «Les jeunes en chiffres». Leur effectif est estimé en 2011 à près de 6,3 millions de personnes, dont 50,6% sont des garçons et 49,4% des filles, indique le HCP à l'occasion de la journée internationale de la jeunesse, placée cette année sous le thème «Construire un monde meilleur en association avec les jeunes«. Les jeunes Marocains représentent 30 % de la population du pays.

En dépit de la jeunesse qui caractérise la population de ces deux pays, celle-ci est très différenciée de par son niveau de formation, d'alphabétisation et de qualification.

Au Maroc, les jeunes sont particulièrement touchés par l'exclusion : une étude récente et novatrice de la Banque mondiale révèle que 49 % des jeunes Marocains ne sont ni à l'école ni au travail. Ce nouveau rapport intitulé, « Promouvoir les opportunités et la participation des jeunes »42, rédigé par Gloria La Cava, coordinatrice de la Banque Mondiale au Moyen-Orient et en Afrique du nord, analyse les raisons de cette inactivité généralisée et préconise un ensemble de mesures et d'approches centrées sur la jeunesse. Ce rapport démontre que les jeunes au Maroc (âgés de 15 à 29 ans) représentant quelque 30% de la population totale du Maroc et 44% de la population en âge de travailler (âgée de 15 à 64 ans) ont été exclus de la croissance économique soutenue que le pays a connu durant la dernière décennie.

Bien que le taux de chômage des jeunes soit élevé, se situant en moyenne entre 22% chez les hommes et 38% chez les femmes, il ne donne pas une image complète de l`exclusion de la jeunesse de la vie économique. En 2009-2010, environ 90% des jeunes femmes et 40% des jeunes hommes qui n'étaient pas à l'école étaient soit au chômage soit exclus de la population active, ce qui indique que les progrès réalisés dans le rendement scolaire ne s'est pas traduit

41 UNICEF, statistiques sur la Tunisie : http://www.unicef.org/french/infobycountry/ Tunisia_statistics.html

42Gloria La Cava ,Royaume du Maroc : Promouvoir les Opportunités et la Participation des Jeunes, Région Moyen-Orient Afrique du Nord Département du Développement Durable, 2012.

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par une transition satisfaisante vers le marché du travail. La politique de formation des jeunes mises en place dès le règne du roi Hassan II servait d'autres ambitions. Arabisation de l'enseignement, islamisation de l'enseignement avec l'introduction de l'éducation islamique tout en limitant l'enseignement de la philosophie, dans le but de contrecarrer la montée du communisme dans les années 1970 pour limiter toute contestation envers la monarchie. C'est donc ce système qui a débouché sur ses résultats catastrophiques en matière d'éducation de la population jeune et de sa formation. En 2011, les chiffres officiels du PNUD évaluent le taux d'analphabète au Maroc à 29,9% de la population totale.

Contrairement au Maroc, la Tunisie bénéficie d'un système d'éducation beaucoup plus développé. Les statistiques de l'UNICEF indique que le taux d'alphabétisation des jeunes, 15-24ans atteint 98% et que le taux de participation à l'enseignement secondaire est de 69% pour les hommes et 77% pour les femmes. Les dépenses d'éducation en pourcentage du PIB sont de 6,2%, ce qui constitue l'un des taux le plus élevé en Afrique et qui est supérieur à la moyenne européenne, qui elle représente 5,97% du PIB. C'est donc une génération formée qui existe en Tunisie. Néanmoins, une frustration est née de cette formation en raison l'absence de travail. Une grande quantité de diplômés arrivent sur le marché du travail sans possibilité d'obtenir un emploi. En 2011, en Tunisie, arrivait sur le marché du travail près de 70000 jeunes, un chiffre important pour un pays de 10 millions d'habitants. Sur ces 70 000 jeunes, 30 000 ne trouvent pas d'emploi et venaient s'ajouter à ceux qui n'en avaient pas encore trouvé l'année précédente, dépassant les capacités d'absorption du marché de l'emploi. C'est un chômage structurel qui se met donc en place, renforcé par la crise économique de 2008 qui est venu surajouté à ce chômage structurel un chômage conjoncturel43.

Le rapport annuel sur le marché du travail en Tunisie réalisé en 2013 44 , montre que les jeunes âgés de 15 à 29 ans sont davantage touchés par le chômage. En 2012 et leur taux de chômage n'a cessé d'augmenter en passant de 25 % en 2007 à 38,2% en 2011 avant de subir une légère baisse pour se situer à 35,2% en 2012. Le taux de chômage de la tranche d'âge (15-24 ans)

43 Bauchard, Denis, Le nouveau Monde Arabe : enjeux et instabilités, 2012, p.31.

44 Ministère de la Formation Professionnelle et de l'Emploi, Rapport annuel sur le marché du travail en Tunisie, Novembre 2013, 75p.

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est très élevé en comparaison avec les pays développés. Il est passé de 27,9 % de la population active en 2007 à 29,5% en 2010 pour atteindre 37,6% en 2012, la moyenne mondiale étant de 12,2% au cours de cette période. On observe donc qu'il existe en Tunisie une jeunesse formée avec peu d'espoir de débouchés professionnels à la clé.

Pendant longtemps, comme c'est le cas pour de nombreux pays en voie de développement, la classe moyenne s'est insuffisamment développée et ces pays sont souvent divisés entre une catégorie (très minoritaires) de très riche d'un côté, et la grande majorité, vivant dans la pauvreté. Au Maroc, le Haut-Commissariat au Plan45 a mené une enquête pour déterminer la part de la classe moyenne au sein de la société. Il résulte de cette étude que 53% de la population correspond à la classe moyenne contre 34% pour la classe modeste et 13% pour la classe aisée. La structure du revenu est dominée par le mode salarial avec 44,5%. Un autre fait saillant, dégagé par l'étude du HCP, montre que la classe moyenne est la plus touchée par le chômage du fait de son poids démographique. Elle a un taux de 14,6%, contre 10,9% pour la classe modeste et 10,4% pour la classe aisée. Au-delà des critères de définition, la classe moyenne serait en manque de représentativité, selon Salah Jaydane, directeur de la collection «Le royaume des idées». Ce dernier prône la mise en place d'un pacte social de responsabilité qui lierait les gouvernants aux gouvernés pour favoriser la mobilité sociale. «Ce serait un signal fort envoyé à cette classe moyenne en guise de reconnaissance de ses efforts et de ses sacrifices, car au final elle constitue le seul couloir possible pour l'évolution sociale», précise l'enseignant de philosophie. En dépit de leur relative importance numérique, les classes moyennes, ou les personnes qui les composent, n'exercent pas toutes une activité rémunérée : 48% sont des actifs occupés, 8,3% des chômeurs et 43,7 % des inactifs (femmes au foyer, étudiants, personnes âgées et infirmes, retraités et rentiers et autres).

Contrairement aux ménages aisés dont le taux de chômage est de 10,4 %, soit sensiblement le même que celui qui touche les classes modestes (10,9%), les classes moyennes connaissent un taux de chômage de 14,6%. Et ce taux grimpe considérablement dans les villes (22 %). L'explication est simple : les membres composant la classe modeste ou pauvre acceptent n'importe quelle activité, ils ne peuvent se permettre le «luxe» de rester au chômage, ce qui

45 Haut Commissariat au Plan, Etudes sur les classes moyennes au Maroc, 2009.

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n'est pas le cas des classes moyennes et surtout de la classe aisée.

En réalité, l'incidence de la pauvretéì est en baisse tendancielle depuis les années 1970. « La poursuite de la baisse de la pauvretéì au rythme observé entre 1984 et 2004 indique que le Maroc n'atteindrait le taux réaliséì aujourd'hui par la Tunisie (moins de 5%) qu'en 2060 » ( source HCP)

En Tunisie, la classe moyenne est développée depuis bien plus longtemps qu'au Maroc. En effet la Tunisie, pays dépourvu des ressources naturelles a réussi, grâce à son modèle de développement a misé sur ses capacités et son potentiel propres, notamment ses ressources humaines, principale richesse du pays.

La Tunisie a favorisé ainsi l'émergence d'une classe moyenne à même de faire face aux défis. Celle-ci constitue en effet le coeur battant de la société. La part de la classe moyenne en Tunisie est différente. En 2010, une enquête nationale sur le budget et la consommation des ménages a été menée. Elle révèle à environ 75.62% de la population. Quant à la classe des riches, elle est estimée à 10.03% contre 14.36% pour les pauvres. Ce taux est nettement supérieur à celui du Maroc.

Par ailleurs, l'autre élément marquant de la différence sociale entre le Maroc et la Tunisie réside dans la place que les femmes occupent au sein de la société. Au niveau de l'éducation, cet écart est criant. En effet, selon les statistiques de l'UNICEF46, 74% des femmes sont alphabétisées au Maroc alors que ce taux atteint les 96% en Tunisie. De plus au niveau de l'enseignement secondaire, seul 36% des femmes marocaines s'y sont inscrites contre 77% pour les femmes supérieurs, taux qui est même supérieur à celui des hommes en Tunisie qui est de 69%. Ce retard social au niveau de l'éducation de la femme s'explique par le fait de la « dépatriarcalisation » de la société. Dans tous les cycles de l'enseignement, la proportion de filles est supérieur à celle des garçons dans le secondaire, mais également au niveau du baccalauréat ou elles représentent près de 60% des candidats et ont un taux de réussite plus

46UNICEF, statistiques sur la Tunisie : http://www.unicef.org/french/infobycountry/ Tunisia_statistics.html

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élevé chez les garçons. Au niveau de la structure familiale, le Maroc a entériné en 2004, une réforme majeure en matière de droits familiaux : le nouveau code de statut personnel et successoral, venu remplacé l'ancienne Moudawana, qui était fortement imprégné des valeurs patriarcales. Cette réforme a permis d'accompagner des changements que connait la société marocaine, même si ses avancées restent insuffisantes.

La structure familiale en Tunisie, quant à elle, évolue avec un fort taux d'éducation des femmes, associé au fait que ces dernières n'ont plus que pour rôle de s'occuper de la famille, mais travaillent également au sein de la société, grâce notamment à un code de la famille moderne, promulgué bien avant celui du Maroc, et qui permet d'expliquer cette différence de positionnement des femmes sur le marché du travail. Cette dématérialisation de la famille traditionnelle à encourager la concurrence entre les membres de la famille à amoindri la figure autoritaire du père, chef de famille. Le taux de natalité étant également inférieur à deux, la taille moyenne des familles baisse et les hiérarchies familiales ne sont plus aussi claires et précises, ce qui ouvre la porte à une prise de conscience de soi plutôt qu'au strict respect du système patriarcal.

Sur le plan religieux, le Maroc et la Tunisie sont deux pays fortement attaché aux valeurs de l'Islam. L'Islam et la religion principale et officielle des deux pays. Néanmoins la fracture entre laïque et religieux est très forte en Tunisie, alors qu'au Maroc, l'unicité politique et religieuse tient aussi du fait que le Roi est considéré comme le « commandeur des croyants », et ce n'est qu'avec le printemps arabe qu'une frange de la population s'est décidée à remettre en cause cet acquis séculaire de la royauté marocaine.

Enfin, au Maroc comme en Tunisie, la place des élites joue un rôle central dans la pérennité du régime. Au Maroc l'élite continue de prospérer en bénéficiant des meilleures offres pour l'éducation. En effet dans son ouvrage « Ecoles, élites et pouvoir È 47 Pierre Vermeren voit en l'arabisation du système scolaire un moyen d'assurer une éducation à deux vitesse. Dans un premier temps, l'auteur analyse celle-ci comme un moyen politique pour « endiguer la contestation «progressiste» qui a fait de ce thème un cheval de bataille idéologique

47VERMEREN Pierre, École, élite et pouvoir, Alizée, 2002, la thèse d'histoire sociale de l'auteur

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central » (p. 320). Plus avant dans l'ouvrage cependant, l'auteur considère la politique d'arabisation comme une « véritable ruse de l'histoire » (p. 400), permettant aux « classes dirigeantes anciennes, ou [à] la nouvelle élite en cours de recomposition » (p. 399) de reprendre le contrôle du système de formation et de ses « filières d'excellence ». Le mouvement de démocratisation de l'enseignement est perçu « comme un moment de flottement dans le contrôle exercé par les classes supérieures sur la perpétuation (ou la reproduction) des élites ».

Les filières d'excellence dont parle Pierre Vermeren représente les « missions françaises » dans lesquelles seules les classes aisées ont les moyens d'envoyer leurs enfants au sein de ces établissements. De l'autre part, la masse qui est éduquée par le système éducatif marocain, défaillant, comme l'atteste les chiffres vus plus haut. Selon l'auteur, cela serait le résultat d'un calcul politique pour éviter d'éclairer la majorité et maintenir sous sa coupe les individus privilégiés qui, comme déjà aisés, n'ont pas d'aspirations particulières à modifié l'ordre établi, même si cette réalité semble elle aussi muter. De plus cela est confirmé par le fait que les quasi-ensembles des fils de décideurs politiques ont tous suivi un enseignement autre que celui du système national (américain ou français majoritairement).

Dans ce chapitre, nous allons analyser en quoi les différences au niveau du régime politique et de l'organisation social du Maroc et de la Tunisie ont débouché sur des mouvements de contestations qui n'ont pas eu les mêmes buts et effets et ce au sein du cadre théorique que nous avons présenter dans notre première partie et de par l'analyse des événements décrit dans notre deuxième partie.

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III/ Analyse de la situation au Maroc et en Tunisie :

A- Le cas Maroc :

Le Mouvement du 20 février au Maroc a été un échec car le régime c'est maintenu sans particulièrement vacillé. Notre but est de comprendre en quoi l'organisation politique du Maroc dans un premier temps et celle de la vie social ensuite n'ont pas permis a ce mouvement de protestation de prendre de l'ampleur et de disparaitre après l'adoption de la nouvelle constitution en 2011.

D'abord, avant le Printemps Arabe le fonctionnement du pays voulu par les dirigeants s'inscrit dans la pensée de Joan Nelson, 48a savoir un développement économique caractérisé par une participation politique réduite de manière temporaire.

Mais après le Printemps Arabe, le Roi fit soumettre une nouvelle Constitution lors d'un référendum populaire. Cette solution peut être analysé dans le cadre de la théorie de Dankwart Rustow 49comme un désir du Monarque de gérer la crise politique et social causé par le Printemps Arabe et par le M20F sur le territoire national car cela constitué un danger contre son pouvoir, plutôt qu'une réelle volonté d'instaurer un régime démocratique. En effet, la « démocratie » effraye les dirigeants politique ainsi que le Roi 50car il y a le sentiment que la population n'est pas encore prête a décider de son avenir et que la situation pourrait être difficile. (nous reviendrons sur cela dans le cadre de l'analyse de Martin Seymour Lipset). C'est de manière pratique ce que Przeworski décrit comme 51« le fort degré d'incertitude qui accompagnent la démocratisation ».

48

Voir Chapitre 1

49Rustow Dankwart, « Transitions to Democracy : Toward a Dynamic Model », Comparative Politics 2(3), 1970

50Mohsen-Finan, Khadija (2013), « Changement de cap et transition politique au Maroc et en Tunisie », dans Pouvoirs, « Le Maroc », n°145, pp,105-120.

51Adam Przeworski et Fernanco Limongi, « Modernization. Theories and Facts », World Politics,49, janvier 1997, p. 155-183.

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Mais la population a soutenu la décision royal consciente que le Roi était en train d'accepter un compromis quand bien même la Constitution fut qualifié de « pratiquement inchangé » par les partisans du Mouvement du 20 février. Ils appelèrent au boycott du référendum constitutionnel mais le taux de participation (71%) et le fait que l'ensemble de la classe politique appela a voté en faveur du oui (qui emporta 94% des suffrages) leurs fit perdre toute crédibilité et cela montra que le mouvement ne pouvait pas compter sur un soutien populaire massif. 52Après cela, le mouvement de contestation s'affaiblit considérablement et devint rapidement marginal.

Le régime politique du Maroc peut être considéré comme un un régime hybride dans le cadre de la 53définition de Larry Diamond. En effet, le Maroc a plus connu une forme autoritaire de multipartisme qu'une véritable démocratie, et plus précisément le fonctionnement du régime est proche d'un autoritarisme compétitif. En effet, les échéances électorales ne sont pas qu'une simple façade démocratique comme l'on montrer les élections législatives de 2011 qui se sont déroulé dans le respect des règles normatives de la compétition électoral, et les démocraties occidentales ainsi que les observateurs internationaux ont souligné cela.54 Aussi, l55a violence politique du pouvoir central comme moyen de pression sur l'opposition c'est considérablement réduite depuis la participation du PJD a la vie politique et son institutionnalisation légale car ce parti a accepter les règles du jeu politique imposées par les pouvoirs public. Or pour Larry Diamond il est nécessaire que l'Etat permette une liberté d'expression et de mobilisation a l'opposition politique. Le fait d'intégrer les islamistes dans le jeu politique est très important car cela les « responsabilises » et cela permet a l'opposition d'avoir un cadre légal pour s'exprimer ce qui permet de canaliser les mécontentements qui peuvent se manifester dans un cadre démocratique. En ayant une fenêtre d'expression, les

52Wazid, Mohamed et Smaoui, Sélim (2013), « Etendard de lutte ou pavillon de complaisance ? », dans « Au coeur des révoltes arabes », Armand Colin, pp.55-82

53Larry Diamond, « Thinking About Hybrid » Journal of Democracy, 2002

54

Arrach, Abdeljabbar (2012), « Printemps Arabe et Mouvements sociaux au Maroc », dans « Ou va

le Monde Arabe ? », pp.64-73

55Ibid

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opposants au régime n'ont pas besoin de basculer dans la violence pour faire entendre leurs idées. De plus, il n'y a pas de tensions ni de sentiment de revanche des islamistes envers le pouvoir central car la répression policière ne s'est pas abattu sur eux contrairement par exemple au Frères Musulmans en Egypte : ainsi, il n'y a pas de raisons d'entamer une révolution aux résultats incertains.

Aujourd'hui, le PJD dirige le gouvernement et c'est un pas important franchi par le Maroc car c'est la première fois que le pays est dirigé par des islamistes : cela a renforcé la démocratie. 56De plus, les anciens partis de gouvernement ont rejoint les rangs de l'opposition et cela a eu un effet positif pour le fonctionnement démocratique du régime, ces partis ayant connu l'expérience du pouvoir.

Aussi, une remarque importante s'impose. On peut confirmer l'existence d'une forte corrélation entre le coût du changement et le degré d'intégration ou d'exclusion des partis islamistes dans le monde arabe. Les pays qui étaient plus ouverts à la participation politique des islamistes n'ont pas été balayés par le printemps arabe. 57Quant aux pays autorisant symboliquement la participation politique des islamistes, ils n'ont été que modérément touchés. Enfin, les pays dirigés par des régimes répressifs à l'égard des mouvements islamistes comme la Syrie ou la Tunisie ont plongé dans le chaos.

Il est nécessaire de s'intéresser aux comportements des élites, central dans les transitions démocratiques et dans la thèse de Guillermo O'Donnel et de Karl Schmitter. 58D'abord, les élites économiques sous Hassan II ne pouvait se constituer et se maintenir que par la volonté du Prince, elles ont été domestiquer par le Palais. Le Maroc a d'abord privilégié la reproduction des élites, plutôt que l'émergence de nouvelles catégories sociales promues par l'école. D'ou le sentiment d'un Maroc à deux vitesses où il y aurait des gens aisés d'un côté,

56Mohsen-Finan, Khadija (2013), « Changement de cap et transition politique au Maroc et en Tunisie », dans Pouvoirs, « Le Maroc », n°145, pp,105-120.

57Bauchard, Denis (2012), « Le nouveau Monde Arabe : enjeux et instabilités »,

58

Abdelmoumni, Fouad (2013), « Le Maroc et le Printemps Arabe », dans Pouvoirs, « Le Maroc », n

°145, pp. 123-128.

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et des laissés-pour-compte de l'autre. 59Cette image est sans doute un peu caricaturale, car de nombreux dirigeants d'entreprises et cadres moyens ou supérieurs de la fonction publique sont issus de l'école publique.

Aujourd'hui , Il y a une volonté des élites de privilégier un changement dans la continuité, car cela garanti une stabilité économique nécessaire a leur continuité et au bon fonctionnement du pays. Le faible investissement dans le Mouvement du 20 février de cette catégorie de la population s'explique par la volonté d'un processus démocratique dans le cadre de la légalité et surtout graduel mais aussi car ces élites sont très proches du pouvoir. Elles partagent l'idée que la population n'est pas encore prête a connaitre une démocratie a l'occidentales, 60modèle qui n'est pas exportable partout dans l'espace selon Robert Kaplan. L'impôt sur le revenu étant bas afin de lutter contre la corruption, ils ont d'autant plus d'influence que c'est eux qui supportent en grande partie les dépenses de l'Etat. 61De plus, traditionnellement, les notables locaux jouissent d'importants relais au sein de la population, ce qui est décisif lors des élections, les relations interpersonnels en province notamment influent directement sur les votes.

Cette catégorie de marocains, occidentalisée et ayant une culture de la politique, semble partagée les idées de O'Donnel et de Schmitter, 62a savoir que la démocratie ne peut être atteinte que dans le cadre d'une évolution progressive. Il y a l'idée que la démocratie ne s'obtient qu'a travers un processus d'apprentissage et non pas dans la révolution et le sang. Ainsi, durant les événements causé par le Mouvement du 20 février, 63les élites ont pris le

59Ibid

60 Robert Kaplan, « Looking the World in the Eye », The Atlantic Monthly, 288, (5), décembre 2001, p. 68-82.

61

Mohsen-Finan, Khadija (2013), « Changement de cap et transition politique au Maroc et en

Tunisie », dans Pouvoirs, « Le Maroc », n°145, pp,105-120.

62Philippe Schmitter and Karl Terry, « What democracy isÉand it is not », in L.Diamond and Plattner (eds), The global resurgence of Democracy, Baltimore, John Hopkins University, 1993

63Wazid, Mohamed et Smaoui, Sélim (2013), « Etendard de lutte ou pavillon de complaisance ? », dans « Au coeur des révoltes arabes », Armand Colin, pp.55-82

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parti du pouvoir et cela a porté un coup aux envies révolutionnaires car sans le soutien des élites économiques il deviens difficile d'entamer un changement politique majeur dans le cadre de la théorie de la transitologie.

Enfin, le Roi est le Commandeur des Croyants et a ce titre, il détient le pouvoir religieux. Le Mouvement du 20 Février n'a jamais revendiquer la fin de la Monarchie mais le départ de certains collaborateurs du Roi et surtout la démission du gouvernement. 64Le solide lien entre le Trône Alaouite et la religion a permis de canaliser les contestations et de mettre a mal toute tentative révolutionnaire dans le pays car le Maroc est un pays très attaché a l'Islam et aux valeurs traditionnels musulmanes.

L'organisation de la vie politique marocaine qui permet a l'opposition de s'exprimer combiner au fait que l'élite économique et traditionnel du pays s'est tenu au coté du pouvoir central a empêcher le mouvement de protestation issu du Mouvement du 20 février de prendre de l'importance. Egalement, dans le cadre de l'Ecole de la Modernisation, il est aisé de saisir les raisons socio-économiques qui ont induit une protestation de faible ampleur.

Selon Martin Seymour Lipset, fondateur de la théorie de la Modernisation, 65il existe des déterminants socio-économiques qu'il faut atteindre pour pouvoir prétendre a entrer dans la démocratisation .

D'abord, il convient de s'intéresser au rôle de la classe moyenne car « une forte classe moyenne tempère les heurts des extrêmes par le soutien qu'elle accorde aux partis modérés et démocratiques ». Selon une étude du HCP, fondée sur des critères économiques, les classes moyennes au Maroc regroupent 53% de la population, soit 16,3 millions de personnes dont

64Bellal, Youssef, (2013), « L'islam politique au Maroc «, dans Pouvoirs, « Le Maroc », n°145, pp. 71-79.

65Seymour Lipset, « Some Social Requisites of Democracy : Economic Development and Political Legitimacy », American Political Science Review, 53, 1959,

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62,9% vivent en milieu urbain. 66Les classes moyennes étant par nature mouvantes il serait intéressant de connaître leur évolution dans le temps afin de mesurer les impacts des politiques publiques sur leur promotion ou, au contraire, leur stagnation voire leur recul . Le rôle de l'éducation nationale dans la promotion des classes moyennes mérite à cet égard d'être examiné. En France et dans de nombreux pays, la construction et la consolidation de la classe ou des classes moyennes s'est faite par l'école qui a servi de puissant ascenseur social à tous ceux qui, n'ayant pas hérité de fortunes, aspirent à améliorer leur statut social. L'importance de la classe moyenne au Maroc confirme l'affirmation de Martin Seymour Lipset car on observe que l'échec du Mouvement du 20 février est du a son incapacité a capter une large partie de l'opinion public67 alors que dans le même le PJD semble séduire cette partie de la population qui voit un excellent compromis dans ce partage du pouvoir entre le Roi et ses collaborateurs d'un coté et les membres de ce parti islamiste de l'autre. En effet cela sert la recherche d'une stabilité économique et donc d'une amélioration de la condition social cher a la classe moyenne, qui joue un réel rôle politique aujourd'hui. En cela elle ne s'est pas tourner vers les extrêmes tel que le Mouvement du 20 février.

Aussi, il est nécessaire de s'intéresser a l'éducation qui est un facteur de légitimité de la démocratie dans le cadre de la théorie de la Modernisation. 68Le Maroc est passé de 43% d'analphabète en 2004 a 28% aujourd'hui. Suivant les idées de Lipset, il est difficile de mettre en place une démocratie alors même que la population est peu éduquée, car elle sera moins réceptive aux idéaux démocratiques. De fait, avoir une personne analphabète sur trois rend très délicat l'installation et la propagation de normes démocratiques dans les esprits. De ce fait le discours des membres du Mouvement du 20 février a eu du mal a s'installer dans les perceptions collectives de la population.

66

Le Haut Commissariat au Plan est l'équivalent marocain de l'INSEE - http://www.hcp.ma/

Enquetes_r10.html

67

Mohsen-Finan, Khadija (2013), « Changement de cap et transition politique au Maroc et en Tunisie », dans Pouvoirs, « Le Maroc », n°145, pp,105-120.

68

Chiffres fourni par le HCP sur son site officiel - http://www.hcp.ma

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Un autre facteur de légitimité de la démocratie selon Lipset est l'urbanisation de la population. 69La société marocaine est sorti de son carcan historique traditionnel : elle est aujourd'hui largement urbanisé (elle passe de 10% d'urbain en 1970 a 66% en 2015) mais il reste encore plus de 16 millions de ruraux. Le groupe des pays démocratique atteint en moyenne un taux d'urbanisation de 76% et il y a donc un retard a ce niveau pour le Maroc. 70De plus, les campagnes sont un socle de la légitimité hégémonique de la Monarchie et il est nécessaire de maintenir une population plutôt rural (donc peu développé). Ces ruraux, loin des villes, n'ont pas participer au Mouvement du 20 Février et ont jouer leur rôle de soutien traditionnels a la Monarchie, et ils n'adhérent pas aux valeurs démocratiques portés par le Mouvement du 20 février car il n'y se reconnaissent pas.

D'un autre coté, la croissance économique est peu basé sur l'industrialisation car comme on l'a montrer précédemment, 71le pays reste encore très rural et l'Etat mise principalement sur le tourisme et il y a très peu de dépenses en recherches et développement.

Lipset s'est aussi interrogé sur la différence de niveau de vie entre les élites et les classes populaires dans les pays a faible ou moyen développement. car cela induit un clientélisme et une forte corruption ainsi qu'une reproduction des élites. 72Cela empêche d'avoir une administration et une bureaucratie efficace alors que c'est indispensable dans un Etat démocratique. De ce fait, des efforts ont été déployés par le pouvoir qui a octroyé d'importants moyens aux HCP afin de rationaliser l'administration et qui a augmenter la salaire de la majorité des fonctionnaires afin de faire baisser la corruption qui reste un défi majeur aujourd'hui et l'une des causes principales du mécontentement populaire. Ces mesures ont été accueilli favorablement même si elles ne sont pas suffisante a éradiquer ces pratiques anti-démocratique. Néanmoins, le Roi semble prendre la mesure du problème et

69

Ibid

70Abdelmoumni, Fouad (2013), « Le Maroc et le Printemps Arabe », dans Pouvoirs, « Le Maroc », n 145, pp. 123-128.

71Arrach, Abdeljabbar (2012), « Printemps Arabe et Mouvements sociaux au Maroc », dans « Ou va le Monde Arabe ? », pp.64-73

72Seymour Lipset, « Some Social Requisites of Democracy : Economic Development and Political Legitimacy », American Political Science Review, 53, 1959,

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cela conduit a un soutien de la population et surtout des élites a sa politique, préférant une avancée graduelle plutôt qu'un bouleversement induisant une redistribution des pouvoir qui n'est pas certaine de leurs profiter.

La thèse de Lipset selon laquelle un pays n'ayant pas connu un développement économique, social et culturelle suffisant ne peut devenir une démocratie se vérifie dans le cas marocain. Les retards socio-économique sont encore trop importants dans une perspective de démocratisation : le pays est peu industrialisé économiquement, la population encore trop peu éduquée et donc peu inspirer par les idéaux démocratique et enfin la société est faiblement urbanisée. A mesure que le Maroc se modernise, la démocratie progresse car un pas a été franchi avec la nouvelle Constitution, c'est une libéralisation démocratique. Il faut dorénavant passer un cap au niveau socio-économique afin d'entrer dans une période de transition et de consolidation démocratique.

C'est ainsi que nous allons analyser le cas Tunisien dans cette seconde partie avec une méthode similaire a savoir expliquer le bouleversement induit par la Révolution du Jasmin par l'analyse des événements connu par le pays au sein du cadre théorique de notre première partie.

B- Le cas de la Tunisie :

Le régime politique Tunisien avant le Printemps arabe se saurait être considéré comme totalitaire. En effet le totalitarisme se manifeste par une idéologie forte et une volonté de contrôler la sphère intime de la pensée. De la même manière, on remarque que le régime ne s'est pas maintenu par une violence quotidienne et n'avait pas un caractère illégitime ou exceptionnel. De ce fait il ne peut être considéré comme une dictature. C'est dans le cadre de la définition des régimes autoritaires de Juan Linz que le régime de Zine El Abidine Ben Ali

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s'inscrit. En effet, 73le RCD fut un véritable parti-Etat revendiquant 2,8 millions de membres soit un Tunisien sur 4 en 2008 et le pluralisme en était limité (le pays n'a pas connu d'alternance au pouvoir). Nous allons tenter de comprendre les raisons qui ont conduit a une révolution dans ce pays.

D'abord, le Parti islamiste Ennahda interdit avant le Printemps Arabe fut la victime d'une féroce répression policière contre ses membres ainsi que les éléments islamistes

indépendants qui afficher une opposition au régime. La violence des forces de l'ordre sous les ordres de Ben Ali furent diriger contre toute contestation a sa politique, 74ce qui caractérise d'ailleurs les régimes autoritaires selon Larry Diamond. Dans le cadre de sa définition, le régime de Ben Ali serait qualifié d'autoritarisme non compétitif dans le sens ou les élections étaient une façade démocratique car le Président remporta les élections présidentiels successives avec des scores que l'on qualifie de soviétique. De plus, 75le régime fut souvent accusés de violer les droits de l'homme et de réprimer la liberté d'expression. 76Ainsi, au début de la révolution, les opposants politique étaient déterminer a protester et a demander le départ de Ben Ali et n'eurent curent des promesses faite a savoir l'élargissement de la liberté de la presse par exemple. Le mécontentement et le sentiment de revanche face a celui qui les avaient réprimer durant des années était trop profond pour que les mouvements de protestation aient lieu dans le calme et 77les mesures promises n'ont pas suffit a galvaniser la colère engendré par des années de répression et de haine.

73

Dot-Pouillard, Nicolas (2013), « Tunisie : la révolution et ses passés », pp. 27-99.

74Larry Diamond, « Defining and Developing Democracy », in Dahl, R.A, Shapiro.L, Cheibub, eds 2003, the Democracy Sourcebook, The MIT Press, 2002

75

Bechir Ayari, Michael (2013), « La révolution Tunisienne : une émeute politique qui a réussi ? », dans « Au coeur des révoltes arabes », Armand Colin, pp.241-260

76

Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie : Etat, économie et société - Ressources politiques,

légitimations et régulations sociales », pp.

77Allani, Alaya (2012), Transition démocratique en Tunisie et rôle de la collaboration International », dans « Ou va le Monde Arabe ? », pp.55-62

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D'une dans le cadre de la théorie de la transitologie, le comportement des élites est central a analyser dans la compréhension du processus de démocratisation. Les élites économiques et traditionnels qui se sont construites sous le règne de Ben Ali ont participer a la révolution. 78Cela est du au fait que la forte croissance économique de la Tunisie a été mis a mal par un clientélisme notoire combiné a une corruption institutionnalisé, un appareil d'état au service de logiques clientélisme symbolisé par la mainmise de la famille Ben Ali-Trabelsi sur des pans entiers de l'économie tunisienne.

De ce fait, les élites économiques se sentaient menacer et oppresser dans le cadre de leurs volonté de prospérer au niveau économique et elles se sont ainsi rangées du coté des révolutionnaires.

Aujourd'hui elles adhèrent au discours nostalgique de l'Etat Bourguibiste porté par Caid Beji Essebsi et elles portent le consensus autours des anciens du régime car elles sont affolées par l'instabilité sécuritaire et économique depuis la révolution.79 Ce dernier ainsi que son Premier Ministre Habib Essid sont d'anciens membres du RCD de Ben Ali et ont occupé des

fonctions lorsqu'il été au pouvoir. 80La volonté des élites économiques a primé comme le suggèrent O'Donnel et Schmmiter et a imposer un retour aux anciens caciques après la parenthèse Ennahda.

Si la théorie de l'Ecole de la Modernisation se confirme dans l'étude de cas du Maroc il en est autrement concernant la Tunisie.La thèse selon laquelle ce pays n'a pu accéder a la démocratie tel que défini par Robert Kaplan en raison d'un développement (ou d'une modernisation) insuffisant n'est pas confirmer. Il est vrai qu'a l'échelle mondial comme l'a montrer Martin Seymour Lipset, les données empiriques qu'il a étudié montre un lien évident

78 Ibid

79Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie : Etat, économie et société - Ressources politiques, légitimations et régulations sociales », pp.

80Guillermo O'Donnel et Philippe Schmitter, Transitions from Authoritarian Rule,Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1986.

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entre développement socio-économique et démocratie. En dehors des pays producteurs de pétrole qui tirent ressource de leurs sous sols sans les transformations sociétales qui accompagnent le développement, tout les pays riches sont des démocraties. La thèse de Lipset est très intéressante dans le cas Tunisien. 81Le taux d'analphabétisme se situe a 11% en 2010 (deux fois moins qu'au Maroc) et le taux d'urbanisation a 74%. Dans un livre de Mahmoud Ben Rhomdane, « Tunisie : Etat, économie et société », une étude montre que par rapport au groupe des pays autoritaires (et donc peu développé pour Lipset), le revenue par tête en Tunisie est plus de trois fois supérieur et l'espérance de vie est de 18 ans plus élevé.

Aussi, les années 90 furent marquer par une forte croissance économique : entre 1990 et 2010, la Tunisie a connu une croissance de 4% en moyenne, en grande partie grâce a l'essor du tourisme et de l'industrie textile. Mais Lipset avait mis en garde contre un développement « qui n'inclut pas toutes les sphères de la société », chose qui peut se révéler contre productive. Et cela fut le cas : 82il existe de grandes inégalités régionales entre Tunis et le littoral touristique d'un coté et le sud et l'Ouest du pays de l'autre. Cela se traduit par un manque d'infrastructures et cela réveil une ancienne tension entre Nordistes et Sudiste sur laquelle nous reviendrons.83De plus cela a induit un recul de l'économie conjugué a une population active grandissante avec un fort taux de chômage chez les jeunes de moins de 35 ans (30%) et chez les jeunes diplômés (55%) du fait de la dépréciation des diplômes et de l'incapacité du marché du travail a absorber cette population. L'une des principales raisons qui expliquent le déchainement de violence après l'immolation de Mohamed Bouazizi se trouve ici. 84En effet, les principaux mécontents de la politique de Ben Ali étaient des chômeurs et des individus exclus de l'essor économique tunisien qui profiter selon eux uniquement au clan Ben Ali-Trabelsi. La promesse du Président de créer 300 000 emplois

81Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie : Etat, économie et société - Ressources politiques, légitimations et régulations sociales », pp.

82Allani, Alaya (2012), Transition démocratique en Tunisie et rôle de la collaboration International », dans « Ou va le Monde Arabe ? », pp.55-62

83Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie : Etat, économie et société - Ressources politiques, légitimations et régulations sociales », pp.

84Bechir Ayari, Michael (2013), « La révolution Tunisienne : une émeute politique qui a réussi ? », dans « Au coeur des révoltes arabes », Armand Colin, pp.241-260

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pour tenter de calmer ces individus a été un échec, d'ailleurs le mouvement de révolte a durcit après cela.

Aussi Lipset 85affirme que la légitimité d'un système politique se base sur la réponse a la question suivante : comment résoudre les questions qui clivent la société et dans le cas présent la notion identitaire. Il y a une division des acteurs et de la population sur la question de l'identité tunisienne, entre les revendications séculaires et laïques des partis de gauche et du centre et celles islamistes du Parti Ennahda. 86ll y a une Tunisie se réclamant d'une modernité calqué sur les valeurs occidentales et principalement française et une Tunisie accroché a la tradition arabo-musulmane qui demande un retour a certaines structures social et collectives a caractère religieux qui aurait du être a la base de l'identité fondatrice du pays. 87Cela renvoie a une tension originelle qui remonte a l'indépendance entre les partisans de Bourguiba et de Salah Ben Youssef, dont les partisans se trouvaient dans le Sud et qui ont moins bénéficier de l'essor économique du pays. Cette tension a donner plus d'élan au mouvement de contestation, les éléments islamistes qui revendiqué un retour de la religion dans le pays ont percu le mouvement de protestation comme une fenêtre d'opportunité qui leurs permettait d'exprimer leurs idées et dans le cas ou le régime s'écroulerait, de directement les mettre en place. Cela a encourager la volonté de se révolter contre le President Ben Ali.

On observe ici le paradoxe du cas Tunisien mais c'est véritablement la théorie de Lipset qui permet de cerner les raisons qui conduit a la Révolution. En effet comme on a pu le constater, le niveau de vie de la population, l'espérance de vie, la taux d'alphabétisation, d'éducation et d'urbanisation laisse penser qu'il s'agit d'un pays relativement bien développé comparé a la moyenne mondial. Or, le système politique du régime ne convenait plus a cette population bien éduquée en majorité et qui observe un essor économique important mais qui ne profite

85Seymour Lipset, « Some Social Requisites of Democracy : Economic Development and Political Legitimacy », American Political Science Review, 53, 1959,

86Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie : Etat, économie et société - Ressources politiques, légitimations et régulations sociales », pp.

87Dot-Pouillard, Nicolas (2013), « Tunisie : la révolution et ses passés »

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pas a tous. Le développement social et économique aurait du s'accompagner d'une libéralisation politique du régime. 88Mais le très autoritaire Ben Ali est resté arc bouté a la « Tunisianité du régime » alors que comme la théorisé Joan Nelson, la participation politique doit être réduite pour promouvoir le développement économique mais ce de manière temporaire alors que le Président c'est maintenu au pouvoir pendant 23 ans.

Une différence majeure entre le cas du Maroc et de la Tunisie porte sur le fait que les nouvelles constitutions adopté dans chacun des pays ne répondent pas aux mêmes objectifs : si le changement opéré au Maroc semble répondre a une logique de défense stratégique du pouvoir Alaouite face a une crise social d'envergure, 89 ce qui est en adéquation avec la théorie de Dankwart Rustow, la Constitution tunisienne est elle issu d'une véritable volonté de mettre en place un régime démocratique avec l'appui tacite des élites économiques et traditionnels, peut erre parce que ce pays est arrivé a un niveau de développement suffisant. Les balbutiements après la révolution avec l'arrivée au pouvoir d'Ennahda et les turbulences qui ont accompagner la présidence de Moncef Marzouki justifie la thèse de Przeworski 90selon laquelle la démocratisation est porteuse d'un grand degré d'incertitude. Mais le modèle tunisien tend a montrer que le dépassement de ce moment d'incertitude est possible et que la démocratie semble pouvoir être atteinte.

Synthése :

A la question de savoir quelles sont les réalités politiques et sociales qui expliquent que deux pays ayant des similitudes socio-culturelles appréhendent différemment un même bouleversement politique, le printemps arabe, il est question de comprendre à travers l'organisation de la vie politique et de la société civile,

88Ben Romdhane, Mahmoud (2011), « Tunisie : Etat, économie et société - Ressources politiques, légitimations et régulations sociales », pp.

89Rustow Dankwart, « Transitions to Democracy : Toward a Dynamic Model », Comparative Politics 2(3), 1970

90Adam Przeworski et Fernanco Limongi, « Modernization. Theories and Facts », World Politics,49, janvier 1997, p. 155-183.

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propre à chacun des deux pays, si ce sont des éléments explicatifs de l'évolution des régimes après le printemps arabe ?

Pour ce faire, il a été pertinent d'utiliser la méthode hypothético-déductive afin de comparer la situation du Maroc et celle de la Tunisie en se focalisant sur les seuls facteurs internes des deux pays et les auteurs étudiés. Après avoir défini le cadre théorique de la recherche, nous avons consacré la deuxième partie à la description de la situation des deux Etats afin de pouvoir l'analyser dans une troisième partie.

L'apport théorique le plus efficace est celui de l'Ecole de la Modernisation et celui de la thèse de Martin Seymour Lipset. Cet auteur affirme au moyen d'une étude empirique que les conditions économiques et sociales dans un Etat contraignent les opportunités de l'établissement et du maintient des institutions démocratique (ces conditions ne sont pas pour autant suffisantes). En effet plus un Etat est développé au niveau socio-économique, et plus il multiplie les conditions pour construire un système démocratique. Ainsi, notre étude montre que l'échec du Mouvement du 20 février au Maroc, est dût à un manque d'adhésion de la population pour plusieurs raisons. Il y a un fort attachement à la Monarchie en raison de son ancrage religieux. Les élites n'ont pas eu la volonté de provoquer un changement de régime par le conflit par peur de perdre leurs avantages dans la société, mais aussi à cause de la peur que suscite l'arrivée d'un régime démocratique dans un pays peu développé, possédant une population faiblement éduqué et rural. Il y a le sentiment que le Maroc n'est pas encore prêt pour la démocratie car il n'a pas atteint le niveau de développement nécessaire. De plus, l'existence d'une opposition politique autour du PJD qui n'a pas subi une violence acharnée de l'Etat a permis aux mécontents de se tourner vers ce parti pour contester le régime politique dans le cadre des règles normatives d'une démocratie, évitant ainsi une révolution; en permettant de contester des décisions politiques à travaux des canaux conventionnels, que sont les partis politique.

Quant à la révolution du Jasmin, elle s'explique lorsqu'on observe les données économiques et sociales de la Tunisie. Ces données montrent que ce pays se

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rapproche d'avantage des pays démocratiques que des pays au fonctionnement autoritaire. L'Etat Policier de Ben Ali a muselé toutes contestations, les élites économiques ont été brimées par le clan autour du Président. Cela conjugué à une population bien éduquée et pro-laique, qui a connue une croissance économique qui n'a pas profiter à l'ensemble des sphères de la société, et qui a eu pour conséquence une volonté manifeste de la population de vivre sous un régime plus démocratique que l'autoritarisme de Ben Ali. Cela semble expliqué sa chute brutale et inattendu. La Tunisie a alors atteint un niveau de développement sociaux-économiques qui légitiment l'installation et la consolidation de la démocratie.

Ainsi, les différences au niveau de l'organisation politique d'abord et de la société civile ensuite qui expliquent les trajectoires opposées qui ont suivi le printemps arabe. Les régimes politiques du Maroc et de la Tunisie se distinguent, mais la société civile inspire toujours à des changements majeurs attendus. Le Maroc tend encore à entériner les principes votés par sa constitution, dans un contexte rendu de plus en plus pressant par la société civile de plus en plus alerte de ses droits. Quant à la Tunisie, les enjeux sécuritaireset le besoin de justice ressenti par la société, consistent en des défis majeurs pour la stabilité de cet Etat nouvellement démocratique.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway