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Ecriture dramatique camerounaise contemporaine : visages, palmares, caracteristiques et outils de valorisation


par Marcelle Sandrine BENGONO
Université Yaoundé I - Master II 2019
  

Disponible en mode multipage

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    ECRITURE DRAMATIQUE CAMEROUNAISE CONTEMPORAINE : VISAGES, PALMARES, CARACTERISTIQUES ET OUTILS DE VALORISATION

    MEMOIRE

    PRESENTE EN VUE DE L'OBTENTION DU MASTER EN ARTS DU SPECTACLE ET CINEMATOGRAPHIE

    SPECIALITE : PRODUCTION THEATRALE

    PAR

    MARCELLE SANDRINE BENGONO

    LICENCIEE EN ARTS DU SPECTACLE ET CINEMATOGRAPHIE

    MATRICULE

    11G357

    SOUS LA DIRECTION DE

    GUY FRANCIS TAMI YOBA

    CHARGE DE COURS

    Juin 2019

    DEDICACE

    À mes parents :

    Simon Marcel MEBONDE NDONGO et Claire NGAMBIDA Epse MEBONDE 

    Pour votre amour et vos sacrifices

    À Bertrand Baleguel

    Pour ta présence inconditionnelle à mes côtés

    REMERCIEMENTS

    À mon Directeur de mémoire le Dr Guy Francis Tami Yoba, sans qui je ne serais jamais parvenue au bout de ce travail de recherche. Merci pour la disponibilité et l'accompagnement.

    À mon Chef de Département, le Pr Martin Elouga.

    À tous mes enseignants du Département des Arts et Archéologie : les Professeurs Jacques Raymond Fofié, Anne Tanyi Tang, Donatus Fai et Bolé Butaké (de regrettée mémoire) ; les Docteurs Emelda Samba, Longin Colbert Eloundou, Joseph Wambo Noumbissi, Ibrahim Mougandé, Jacques Merlin Bell Yembell, messieurs Tafor Ateh, Aristide Sanama et Simon Atéba (de regrettée mémoire). Vous avez été pour moi des modèles.

    Aux Hommes de théâtre qui m'ont accompagnée et sans qui ce travail n'aurait jamais vu le jour : Edouard Elvis Bvouma, Sufo Sufo, Martin Ambara, Eric Delphin Kwegoué, Hermine Yollo, Wakeu Fogaing, Bertrand Baleguel, Nicaise M. Wegang, Stéphane Alima.

    À tous mes camarades de la promotion 2011 et à ceux qui se sont joints à nous au fil des années particulièrement à Monahil Mounif Fernande, Ndjombé Titi, Kenmoé Emmanuel, Mendela Bediebe, Gangué Fabrice Axel, Félicité Asseh, Carine Bahanag et Ngringeh Laureta. Nous avons fait des scènes ensemble pour certains, vous m'avez soutenue dans ce travail pour d'autres et enfin vous m'avez motivée ou inspirée.

    À mes frères et soeurs : Hervé François, Marie Josèphe, Jean Stéphane, Delphine Christelle, Thierry Daniel, Simon Marcel Victoire pour l'amour, le soutien, l'accompagnement.

    À la famille de Nkol-Akoa pour avoir toujours volé au secours de mes parents pour chacun de nous.

    À Bertrand Baleguel pour m'avoir fait découvrir et aimer le théâtre, pour avoir marché ensemble d'Ekounou à l'Université les jours de galère et bien plus encore.

    À mes amis Denis Munka, Alfadjo Baldé et Fred Christian Mila.

    À tous ceux qui ont contribué d'une manière ou d'une autre à la réalisation de ce travail.

    À Dieu le Père Tout-Puissant pour sa grâce étonnante, sa vie et son amour infini.

    RESUME

    Un état des lieux de la production théâtrale camerounaise permet de remarquer une crise du théâtre dit savant. En effet les autres genres tels que le stand up, l'humour... ne connaissent pas la désaffection des salles de spectacles. A l'origine de la création théâtrale camerounaise contemporaine, nous retrouvons presque toujours les mêmes classiques ou à la limite des textes venus d'ailleurs. Nous nous sommes alors posé la question de savoir si les dramaturges camerounais avaient cessé de produire des oeuvres. C'est ainsi que nous avons découvert une nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais inconnus du public et de la communauté scientifique. Cette recherche intitulée : Ecriture dramatique camerounaise contemporaine : visages, palmarès, caractéristiques et outils de valorisation ; se propose de mettre en lumière cette nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais contemporains et leurs oeuvres dans le but d'une revitalisation du théâtre camerounais. Elle traitera du problème de la légitimation insuffisante de la nouvelle tendance de renouvèlement de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine et de ses auteurs. Pour atteindre nos objectifs, ce sujet se donne plusieurs moyens : un cadre théorique interdisciplinaire que constituent la sémiologie textuelle, la réception théâtrale, la dramaturgie et l'approche systémique. Ce travail sera divisé en trois chapitres et un cas pratique. Dans le premier chapitre, il s'agira d'un rappel historique sur le théâtre camerounais. Le second permettra d'aller à la rencontre des dramaturges de la nouvelle écriture dramatique camerounaise contemporaine au travers d'une fiche signalétique qui comprendra une présentation et un palmarès de chacun dans un premier temps, puis des caractéristiques générales des pièces dans un second temps. Le chapitre trois organisé en deux, sera le lieu, dans la section une, de la valorisation avec la mise en évidence des pièces de : Sufo Sufo, Edouard Elvis Bvouma et Martin Ambara. Désormais conscients de leur richesse et de leur originalité, la seconde section proposera des outils pour mieux exploiter le savoir-faire de ces dramaturges. Enfin un cas pratique sera proposé. Il s'agira de présenter une pièce : Le parfum du souvenir. Cette partie sera la preuve que découvrir le savoir-faire de ces auteurs dramatiques permet de mieux appréhender leurs oeuvres ; mais aussi de faire la promotion de cette forme d'écriture inconnue du public et de la communauté scientifique camerounaise.

    ABSTRACT

    A review of theatre production in Cameroon reveals a crisis in what we will term savant theatre. In effect, other forms such as stand up, humour...do not know of the disaffection of theatre halls. At the origin of the creation of contemporary theatre in Cameroon, we keep seeing the same classics or more or less plays from other part of the globe. We therefore ponder on the question to know if playwrights of Cameroon had stopped writing. This is how we came across a new wave of playwrights in Cameroon unknown to the public and the scientific community. The research topic entitled; Contemporary Cameroonian playwriting: Faces, Victories, Features and tools for valorisation; intends to highlight this new wave of contemporary playwrights in Cameroon and their works with the objectives to revamp theatre in Cameroon.It will deal with the problem of insufficient legitimisation of the new trend so as to renew the works of contemporary playwriting in Cameroon and its authors. To achieve our objectives, this topic is open to several ways: an interdisciplinary theoretical framework that constitutes textual semiology, the theatrical reception, playwriting and a systemic approach. This work will be divided into three chapters and a practical case. The first chapter will be focus on the historical background of Cameroonian theatre; the second chapter will permit us to go meet the authors of contemporary playwriting in Cameroon through a material safety sheet that will include a presentation and the victories of each in the first place and secondly the features of the plays.Chapter three organised in two, will be the place, in the first section, of the valorisation with emphasis on the plays of Sufo Sufo, Edouard Elvis Bvouma and Martin Ambara. Now aware of their worth and originality, the second section will propose tools to better exploits the knowhow of these playwrights. Finally a practical case will be proposed. It will be to present a play: Le Parfum de Souvenir (The Scent of Remembrance). This part will be the proof that discovering the knowhow of these playwrights enables us to better comprehend their plays; but also to promote this form of writing not very known to the public and to the Cameroonian scientific community.

    Listes des photographies

    Photo 1 : Marcel Zang.

    Photo 2 : Kouam Tawa.

    Photo 3 : Edouard Elvis Bvouma.

    Photo 4 : Sufo Sufo.

    Photo 5 : Eric Delphin Kwegoué.

    Photo 6: Martin Ambara.

    Photo 7 : Nicaise Magloire Wegang.

    Photo 8: Hermine Yollo.

    Photo 9-10 : Lecture spectacle de Juvénil Assomo.

    Photo 11 : Le carrefour de Kossi Efoui, théâtre sous le manguier.

    Photo 12 : Attestation de la lauréate de l'Univers des mots éditions 3.

    Photo 13-14 : Séances de coaching d'auteur à Conakry.

    Photo 15 : Affiche du spectacle, Le parfum du souvenir.

    Photo 16-17 : Echange avec les élèves du lycée Sainte-Marie de Conakry sur Le parfum du souvenir.

    Photo 18-19 : Représentation de Le parfum du souvenir, à Conakry.

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION GENERALE......................................................................1

    Chapitre I : HISTORIQUE DE L'ECRITURE DRAMATIQUE CAMEROUNAISE.....................................................................................27

    Section I : Théâtre camerounais : de l'origine au début desannées 2000........................28

    Section II : Les précurseurs des auteurs dramatiques camerounais de la nouvelle vague......39

    CHAPITRE II : ECRITURE DRAMATIQUE CAMEROUNAISE CONTEMPORAINE : VISAGES ET PALMARES............................................48

    Section I : Les auteurs dramatiques camerounais contemporains et leur palmarès..............59

    Section II : Caractéristiques de l'écriture dramatique contemporaine camerounaise............71

    CHAPITRE III : ETUDE DE TROIS PIECES DU REPERTOIRE DRAMATIQUE CONTEMPORAIN CAMEROUNAIS ET OUTILS DE VALORISATION..............79

    Section I : A la découverte de quelques pièces représentatives de la nouvelle tendance de l'écriture dramatique camerounaise....................................................................80

    Section II : Outils de valorisation des écritures dramatiques contemporaines camerounaises et de leurs auteurs..........................................................................................101

    CAS PRATIQUE : LE PARFUM DU SOUVENIR...........................................116

    I- Dossier de présentation..............................................................................117

    II- Le texte...............................................................................................118

    CONCLUSION GENERALE......................................................................158

    INTRODUCTION GENERALE

    I-) -Présentation du sujet

    Parler de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine tel est le but de cette recherche. Le débat de la primeur du texte sur la représentation a toujours existé et persiste. C'est ce qui pousse Anne Ubersfeld à donner la définition suivante à l'art théâtral :

    « Le théâtre est un art paradoxal. On peut aller plus loin et y voir l'art même du paradoxe, à la fois production littéraire et représentation concrète ; à la fois éternel (indéfiniment reproductible et renouvelable) et instantané jamais reproductible comme identique à soi)... » (1996 : 11).

    La pratique contemporaine du théâtre ne donne pas toujours la primeur au texte. Ce dernier est un élément de la représentation parmi tant d'autres. C'est ainsi qu'Anne Ubersfeld affirme que : « Le texte n'est qu'un des éléments de la représentation, et peut-être le moindre. »(1996 : 15). C'est ainsi que l'onpourrait se poser la question de savoir pourquoi s'intéresser, dans le cadre de ce mémoire, à une entité qui n'est pas toujours la principale dans le processus de création du spectacle de théâtre aujourd'hui. Pour donner suite à cette interrogation, trois raisons seront convoquées :

    -La double existence du texte comme le dit encore Anne Ubersfeld : « Le texte de théâtre est présent à l'intérieur de la représentation sous la forme de voix, de phone ; il a une double existence : d'abord il précède la représentation, ensuite il l'accompagne. » (1996 : 16)

    -Le contexte camerounais. En effet, le théâtre au Cameroun utilise le texte du dramaturge comme socle de la création du spectacle. En d'autres termes les metteurs en scène partent très souvent de l'oeuvre d'un dramaturge. Les pièces jouées sont habituellement des classiques étrangers ou camerounais tels que : Trois prétendants...un mari de Guillaume Oyono Mbia,,Le Crâne de Gilbert Doho, Roméo et Juliette de Shakespeare. Il arrive également que soient montées quelques pièces contemporaines, mais dont la structure ou la démarche suit encore les canons de la dramaturgie classique.

    - La mauvaise connaissance de la nouvelle vague des auteurs dramatiques camerounais contemporains par le monde du théâtre et la communauté scientifique. Ce fait est vérifié par la légitimation insuffisante de la nouvelle tendance de cette écriture dramatique tant sur la scène professionnelle que dans les créations universitaires.

    Ces trois différentes raisons nous amènent à poser le constat d'une urgence de renouvellement dans le répertoire de la dramaturgie camerounaise. Pourtant l'univers du théâtre, du point de vue dramaturgique, connait plusieurs courants avant-gardistes qui se manifestent par une multitude de démarches et d'esthétiques dont la légitimation demeure encore insuffisante.

    L'écriture dramatique contemporaine, à cause de la liberté qu'elle prend, est d'autant plus complexe qu'elle brise de nombreux canons. Lorsqu'on parle de théâtre, nous sous-entendons la production d'oeuvres dramatiques et celle de spectacles. Parler d'écriture dramatique renvoie facilement au théâtre texte. Néanmoins nous relèverons qu'au XXème siècle, un nouvel artiste-créateur va révolutionner l'univers théâtral dans le monde : c'est le metteur en scène. Ce dernier, au moyen des différents éléments scéniques, écrit un discours, qui sera porté par des comédiens et lu par un spectateur. La mise en scène s'avère ainsi être une écriture dramatique à part entière. Parler d'écriture dramatique au théâtre revient à englober la création textuelle et la mise en scène. Mais l'écriture que convoque notre recherche est uniquement textuelle.

    Pour déterminer l'angle de traitement de cette recherche et ne pas nous inscrire dans du déjà fait, un état des lieux de la production théâtrale camerounaise a été opéré.1(*)

    Cet état des lieux s'est attardé sur l'aspect spécifique de la création. Il a permis de tirer plusieurs conclusions. Il existe « un théâtre qui est en crise »2(*). Il y a certes des représentations mais le public leur réserve souvent un accueil mitigé. Interrogés sur la cause de cette réaction, plusieurs3(*) ont laissé entendre que le théâtre camerounais ne marche pas. Il n'est pas intéressant ou ne se fait pas comprendre. Il serait un art de la société occidentale qui n'est pas forcément pour « nous ». Il en ressort clairement qu'il existe une crise identitaire entre le théâtre camerounais et son public. Ils sont nombreux, ceux qui ne se sentent pas concernés par lui. Ils pointent également du doigt l'homme de théâtre. Celui-ci passe pour un rebus de la société, un fou moderne, un inconscient qui perd son temps dans une activité qui ne valorise ni ne nourrit son homme. Toutes ces données collectées nous permettent de comprendre les causes de désaffection des salles de spectacle par le public.

    II-) -Justification du sujet

    Un théâtre en adéquation avec son temps pourrait être salutaire pour le Cameroun. Tenir compte de l'évolution des autres arts et de la vie pourrait être un stimulateur efficace. Il faut que notre théâtre mute. A cet effet, Nicaise Magloire Wegang écrit :

    « Or nous pensons que le Cameroun ne devrait pas rester en marge de ces mutations s'il veut sauver son théâtre qui traverse une crise profonde. Il devient en effet urgent de réfléchir sur les voies et moyens d'offrir à un public camerounais, qu'il faut à nouveau conquérir des choses nouvelles, et des raisons de retourner dans les salles4(*)(2007 : 03).

    Au vu de tout ce qui précède, il nous a donc paru important de nous pencher sur l'écriture dramatique camerounaise contemporaine. Caressant le rêve de devenir dramaturge, nous sommes passionnée de dramaturgie contemporaine en général, d'où notre intérêt pour celle du Cameroun. Cette recherche est donc pour nous, l'occasion idoine de rencontrer certains dramaturges camerounais et leurs oeuvres, de découvrir les rouages de la nouvelle dramaturgie contemporaine camerounaise et de déboucher sur une pièce de théâtre écrite par nos soins.

    Ainsi notre recherche s'intitule : « Ecriture Dramatique camerounaise  contemporaine: Visages, Palmarès, Caractéristiques et Outils de valorisation».

    On pourrait se poser la question suivante : pourquoi parler de l'écriture dramatique contemporaine ? La réponse est simple : il faut un théâtre d'aujourd'hui pour le public d'aujourd'hui. Loin de rejeter l'écriture antérieure, il est question d'un renouvellement pour que le théâtre camerounais se réinvente. Nous ne saurons énoncer une théorie sans en faire la pratique, d'où la proposition d'une nouvelle esthétique à travers une pièce de théâtre : Le parfum du souvenir.

    III-) -Définition des concepts

    Il s'avère important de définir au préalable les termes et concepts clef pour faciliter la compréhension d'éventuels lecteurs mais également pour situer le contexte et l'angle choisi dans le cadre de cette étude.

    a) -Théâtre : Art visant à représenter devant un public selon des conventions qui ont varié avec les époques et les civilisations, une suite d'événements où sont engagés des êtres humains agissants et parlants. (Patrice PAVIS, 1987).

    b) -Ecriture Dramatique ou dramaturgie: Art de la composition des pièces de théâtre. C'est l'art de transformer une histoire vraie ou imaginaire, en un récit construit, comportant un ou des personnages en action. C'est l'art du récit représenté dans un spectacle vivant. D'après Patrice Pavis dans son dictionnaire du théâtre que l'étymologie grecque renvoie à l'acte de « composer un drame ».

    c) -Contemporain : Le Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse définit le terme contemporain comme ce qui est actuel, moderne, du temps présent. Mais dans le vocabulaire dramatique, le terme contemporain renvoie davantage à un type de théâtre moderne caractérisé par une plus grande liberté par rapport à la rigidité de l'écriture classique.

    d) -Théâtre contemporain : La notion d'époque contemporaine est différente selon les pays. Il s'agit de la période pour laquelle des personnes vivantes, en nombre significatif, peuvent témoigner des événements historiques, politiques, économiques et sociaux, et où la trace de ces évènement reste relativement vivace dans les mémoires et la transmission orale. Dans le cadre de cette étude le concept de contemporanéité renverra aux auteurs de la nouvelle vague d'écriture camerounaise non répertoriés jusqu'ici.

    e) -Renouvellement : Dans le cadre de ce mémoire le renouvellement procèdera de la mise en lumière d'une nouvelle vague d'auteurs camerounais contemporains dans le but d'apporter un souffle nouveau au théâtre du Cameroun. Il est simplement question d'aller à la rencontre d'esthétiques et de démarches nouvelles.

    f) -Outils de valorisation : Valoriser c'est faire prendre de la valeur à une chose ou augmenter la valeur qu'on lui attribue déjà. C'est ainsi qu'on entendra par outils de valorisation : l'ensemble des moyens par lesquels la nouvelle vague d'auteurs camerounais contemporains pourra voir leur travail être connu et apprécié. Nous apporterons ainsi une contribution au problème de légitimation de la tendance actuelle de la dramaturgie camerounaise.

    g) -Avant-garde : Groupe, mouvement artistique novateur souvent en rupture avec ce qui l'a précédé. Est ainsi qualifié d'avant-garde, tout travail artistique en avance sur son temps de par son audace et ses recherches. Nous nous proposons donc par ce travail d'écriture de nous situer dans une démarche avant-gardiste. Eugène IONESCO définissant le théâtre d'avant-garde dans son ouvrage Notes et Contre-notes (1962), écrit : Le théâtre d'avant-garde...est commeun théâtre en marge du théâtre officiel :semblant avoir, par son expression, sa recherche,sa difficulté, une exigence supérieure ».« L'avant-garde », ajoutera-t-il, « c'est la liberté ».

    h) -Esthétique : Elle se rapporte exclusivement à ce qui se rapporte au concept de l'art. Depuis le XIXè siècle elle est devenue la philosophie de l'art. Elle se rapporte aux émotions provoquées par une oeuvre d'art, aux jugements de l'oeuvre, à ce qui est spécifique ou singulier à une expression...

    i) -Démarche artistique: On entend un court texte qui explique les intentions, les objectifs de création et de production de l'artiste. Elle permet d'expliquer les motivations profondes au regard des passions pour un médium. C'est une poursuite d'acquis techniques et de recherche pure. Elle permet de démontrer l'originalité de l'artiste.

    J) -Légitimation : En sociologie, c'est le fait d'accorder de la légitimité à un acte, un processus, une discipline ou une idéologie. La légitimité est un accord tacite subjectif et consensuel axé selon des critères éthiques et de mérite quant au bien-fondé existentiel d'une action humaine. Dans le cadre de cette étude nous considérerons la discipline : le théâtre, le processus : la démarche esthétique et l'idéologie de chaque auteur.

    IV-) -Motivations du choix du sujet

    Le terme motivation renvoie à l'action de forces qui déterminent le comportement de l'individu en termes de déclenchement, de direction, d'intensité et de persistance, donc en termes positifs. Le processus de motivation pouvant être défini comme l'enchainement des interactions des forces qui déterminent le comportement. Pour ce qui est de cette recherche, nos motivations sont le fruit d'une volonté et d'un désir intrinsèques liés à un parcours et à des études dans le milieu du théâtre. En effet selon Georg Christoph Lichtenberg, « Rien n'est plus insondable que le système de motivations derrière nos actions5(*). »

    L'intérêt porté sur l'écriture dramatique camerounaise contemporaine n'est certainement pas le fruit du hasard. Notre découverte du théâtre passe par la Compagnie Diben de France Ngo Mbock en 2008. Plus tard en 2010, nous découvrons une autre mise en scène de France NGO MBOCK pendant le festival RETIC. C'était un solo féminin sur le texte de l'auteure grecque Lia KARAVIA,Prison. Le texte, le discours de la mise en scène qui transparaissait dans le jeu de la comédienne, son appropriation du personnage nous avait subjugués à tel point que nous nous sommes plus tard doté de l'oeuvre. Ce spectacle qui avait continué à se jouer dans notre tête des journées durant, du fait que cette femme dans le rôle semblait intensément renvoyer des reflets de nous. C'était clair dans notre esprit : Nous voulions faire du théâtre.

    C'est ainsi que l'aventure commencera en 2010. Nous débuterons comme costumière pour Ephigénie en Toride mis en scène par Edouard Elvis Bvouma. Nous enchainerons avec des lectures spectacle et des mises en espace sur des textes tels que : Il avait plu sur la rose de Nicaise Magloire Wegang ; Tremblement sur l'Echelle de Richter de suffo suffo ; Laura de Montreal de la canadienne Mélanie léger. En 2011, nous décidons de suivre des cours d'Arts du Spectacle à l'Université de Yaoundé I. Cela nous permet d'inaugurer la scène. Chemin faisant, nous avons donc eu l'occasion de côtoyer le théâtre camerounais en tant qu'observatrice et praticienne. Ainsi nous avons pu aisément choisir le pan du théâtre que nous voulions explorer : l'écriture dramatique.

    IV-1-) -Motivations scientifiques

    Nous nous sommes interrogés sur le choix des textes créés par les metteurs en scène au Cameroun. Pourquoi ces derniers se cantonnent-ils sur des textes venus d'ailleurs ? Et lorsque ce sont des pièces d'auteurs camerounais, pourquoi toujours choisir parmi celles dont l'angle de traitement n'est plus au goût du jour ? Même dans les écoles, ce ne sont que les pièces du répertoire classique ou s'inscrivant dans cette démarche, qui sont proposées aux élèves et étudiants. Notre motivation est de montrer qu'il existe un répertoire dramaturgique camerounais contemporain presque pas exploré. Nous rêvons de voir le théâtre camerounais constituer un pôle de l'économie nationale car il sera devenu une véritable industrie du spectacle. Mais pour y parvenir il faudrait qu'il séduise à nouveau le public. Et pour cela, une mise à jour est nécessaire. Nous souhaitons aller à la recherche des écritures dramatiques camerounaises contemporaines, les recenser, présenter les auteurs de la nouvelle vague, les porter à la connaissance de la communauté scientifique et du public.

    Une autre motivation scientifique, et pas des moindres, est celle de pouvoir suivre les pas de cette nouvelle vague de dramaturges et produire à notre tour un texte théâtral qui répond au besoin du théâtre camerounais actuel. Au-delà de la présentation d'une oeuvre, la valorisation passe par l'adoption et la vulgarisation de cette dernière.

    Enfin, ayant lu des mémoires de grandes écoles de théâtre, à l'instar de celui d'Anick Martel de L'université Du Québec à Chicoutimi, nous avons voulu inscrire notre travail dans la même logique. Il s'agit de produire des mémoires pratiques qui à eux seuls traduisent le savoir-faire acquis par l'étudiant tout au long de sa formation.

    IV-2-) -Motivations artistiques

    Etre comédienne de théâtre nous amène, sans cesse, à rencontrer la pensée d'auteurs dramatiques et à donner vie à leurs mots. Il faut être à même de matérialiser l'idéologie et le sens que le metteur en scène veut donner à ce texte, qu'ainsi il complète. Après avoir servi de de canal de transmission entre les textes et le public, nous avons sentis à notre tour le besoin d'écrire des mots et de rêver les entendre résonner au travers d'autres bouches ; de découvrir le sens qu'autrui donnerait à notre pensée. Il est donc question pour nous de percevoir l'écriture dramatique camerounaise contemporaine pour nous y lancer à notre tour.

    IV-3-) -Motivations personnelles

    La société camerounaise a une vision négative du théâtre et de ses acteurs à cause de plusieurs conceptions socio-culturelles. En tant que praticienne de cet art, il devient important pour nous, d'apporter notre modeste contributionpour changer la vision sociétale négative dont le théâtre fait l'objet. Nous désirons également faire connaitre à nos compatriotes cet art qui nous passionne et les motiver à l'adopter et pourquoi pas à s'y investir. Nous sommes aussi conduite par notre amour pour la lecture d'oeuvres dramatiques. Enfin nous souhaitons apporter notre modeste contribution au théâtre camerounais.

    Pour que toutes ces motivations puissent trouver satisfaction, nous nous sommes fixéedes objectifs.

    V-) -Objectifs de la recherche

    Cette recherche revêt un double objectif :

    Il sera question, dans un premier temps, de la mise en lumière de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine par le biais de ces auteurs qui se démarquent, par leurs textes et par les prix qu'ils remportent. Cette mise en relief des différents dramaturges vise à informer la communauté scientifique et le monde du théâtre de la présence de ces nouveaux talents de la dramaturgie du Cameroun. Elle permet également de légitimer cette tendance nouvelle de la dramaturgie camerounaise francophone.

    Dans un second temps, tenant compte de notre spécialisation en production théâtrale, il sera question d'écrire une pièce : Le parfum du souvenir. Elle devra s'inscrire dans l'idéologie de la dramaturgie contemporaine, traiter d'un sujet d'actualité en s'inscrivant dans une démarche qui lui sera propre. Il sera question d'user de créativité, après avoir appréhendé les caractéristiques de l'écriture des aînés.

    Pour atteindre nos objectifs, nous passerons par plusieurs objectifs secondaires :

    -Déterminer les caractéristiques de l'écriture dramatique camerounaise antérieure à celle que convoque notre étude et montrer ses limites.

    -Faire un état des lieux du répertoire dramatique contemporain et ainsi découvrir les visages des dramaturges ainsi que celui de leurs oeuvres de manière générale.

    -S'attarder sur trois pièces des figures de proue de cette nouvelle dramaturgie camerounaise contemporaine pour ressortir pour chacune les caractéristiques. Cette étape nous permettra de juger de la particularité de ces textes pour mieux les appréhender.

    -Proposer des moyens pour capitaliser le travail de ces dramaturges et ainsi redorer le blason du théâtre par la transformation des conceptions socio-culturelles. Nous vivons dans une société au sein de laquelle il faut allier visibilité et popularité pour attirer le plus de monde à adhérer à une idéologie. Il faudrait donc trouver des solutions pour sortir les dramaturges de la nouvelle vague de l'anonymat.

    VI-) -Revue de la littérature

    Dans le cadre de cette recherche, la revue de la littérature s'entendra comme l'ensemble des ouvrages qui permettent au chercheur de faire :

    « une collecte d'informations dans un domaine ou sur un sujet précis. Elle permet de prendre connaissance des travaux et recherches déjà effectués à propos du sujet qui l'intéresse et ainsi établir les bases connues, afin de s'en inspirer pour définir un cadre de recherche complémentaire, percevoir certaines implications non envisagées, éviter certaines implications non envisagées, éviter certaines erreurs méthodologiques identifiées dans de précédents travaux, mettre à profit certains outils utilisables pour sa propre recherche, confirmer ou infirmer certains résultats obtenus, compléter et / ou étayer divers enseignements de ses propres recherches. »6(*)

    Ainsi définie, notre revue de la littérature sera constituée de travaux de chercheurs et de praticiens qui pourront nous permettre de justifier le choix et l'angle de notre sujet de recherche. Concernant les mémoires nous auront :

    -La réception des spectacles au Cameroun : le cas de Yaoundé : d'Angéline Bonono : dans ce mémoire écrit en 1991, l'auteure fait une typologie des consommateurs du théâtre camerounais et met en relief le fait que le spectacle monté doit tenir compte du public qui le consomme. Notre travail prend également en compte le consommateur de l'art théâtral mais se propose de partir d'une dramaturgie contemporaine au travers de la nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais.

    -En 2007, dans Dramaturgie contemporaine et renouvellement du théâtre camerounais : Cas de Tele-saga : Proposition d'une écriture dramatique contemporaine, Nicaise Magloire Wegang appelle à un renouvellement de l'écriture dramatique camerounaise. Pour l'auteur, il est question d'écrire une pièce et de démontrer « àtravers elle que l'écriture contemporaine offre de multiples pistes de renouvellement du théâtre et que le théâtre bien que millénaire est encore capable de se régénérer en empruntant aux autres arts » (2007 : 04). A l'inverse de Wegang nous ne nous appuierons pas sur notre propre pièce mais sur celles d'auteurs aguerris et confirmés.

    -En 2014 dans Esthétique de la création théâtrale camerounaise de 1990 à 2010, Paulin Essako Elloumou, démontre que : « Chaque contrée aurait ou pratiquerait une ou des esthétiques, mais dans un style relativement singulier, soucieux d'une parfaite adéquation avec les exigences de cet environnement direct ». Notre étude s'ancre dans cette affirmation de l'auteur, mais contrairement à lui nous ne trouvons pas dans un retour à la  farce populaire des années 90, des atouts pour l'émergence et la compétitivité du théâtre camerounais. Nous situant dans le genre théâtral dit savant, car c'est lui qui a besoin d'être remis au gout du jour, nous pensons que revenir à la farce de résoudra pas le problème de la désaffection du public. C'est dans cette optique que nous partageons le point de vue de Mono DJANA selon lequel :

    « Les différents protagonistes qui interviennent dans ce théâtre populaire utilisent un niveau de langage nettement au-dessous de la moyenne. Le français...se trouve pratiquement massacré. En même temps que les Kankan, les Otsama et les Massa Batré amusent nos enfants à longueur de journée, ils leur font intégrer un style d'expression qui est une injure au bon usage » (1988 : 55).

    L'étude menée tout au long de notre mémoire loin de coller un procès à la farce populaire tentera de démontrer que la revitalisation théâtrale au Cameroun pourrait passer par la prise en compte de la nouvelle écriture dramatique camerounaise contemporaine car elle s'inscrit dans l'idéologie d'aujourd'hui. Nous soulignerons néanmoins, qu'il existe plusieurs autres formes théâtrales comiques qui respectent les règles de l'art.

    -L'impact de l'état du lieu théâtral sur la pratique et la consommation du théâtre au Cameroun : le cas de Yaoundé est une réflexion de Cyril Juvénil Assomo. En 2014,'auteur démontre que le manque et l'état des édifices théâtraux jouent un rôle dans la crise que traverse notre théâtre. A cet effet il dit : « Ce sujet vise plutôt à démontrer l'impact de cette situation comme un frein à l'émergence du théâtre dans le pays ». Notre travail se démarque du sien dans le fait qu'en ce qui nous concerne, quel que soit le lieu théâtral, la pièce doit partir d'un texte contemporain qui épouse l'esprit de la société camerounaise contemporaine. En effet, dans la société contemporaine tout espace peut tenir lieu de théâtre à condition de créer le spectacle en tenant compte des exigences du lieu. Nous pensons que le problème c'est le spectacle lui-même et ce qu'il renvoie au public. Le texte dramatique est souvent le prétexte de la création théâtrale scénique et inspire une esthétique de la représentation au metteur en scène. Les auteurs nourrissant leurs oeuvres du contexte social dans lequel ils évoluent, nous pensons que le texte et tous les signes7(*) qu'il renferme peuvent insuffler une nouvelle dynamique au théâtre camerounais.

    -Pour en finir avec les mémoires nous citerons enfin celui de Nange Lisette Malung, The Tools of Selected Anglophone Cameroon Playwrights and the Processes They Use in Writing Plays. Dans son travail elle s'attarde sur les outils et le processus de création des dramaturges anglophones. Nous ferons une étude similaire dans la partie francophone en nous focalisant sur la nouvelle vague d'auteurs camerounais contemporains. Nous prolongerons en établissant l'impact probable de ces écritures pour le théâtre au Cameroun et proposerons des outils de valorisations potentiels.

    Outre les mémoires nous avons également consulté quelques articles parmi lesquels :

    -Le théâtre camerounais et son public : quelle relation créatrice ? Dans cet article Pierre Makon8(*) évoque la relation qui devrait exister entre le travail du metteur en scène et le public à qui s'adresse son spectacle. Pour lui elle est souvent reléguée à tort au second plan. Makon, propose que le spectacle doive maintenir le dialogue avec le consommateur tout au long du processus de création pour satisfaire ses attentes. Il insiste également sur la relation dramaturge- public. C'est à ce niveau que notre recherche corrobore cette démarche et s'appliquera à présenter la nouvelle vague de dramaturges camerounais contemporains dont l'oeuvre peut être appréhendée par le public de manière positive à cause de la contemporanéité de celle-ci.

    - Les travaux tenus lors du colloque de 1987 sur le théâtre camerounais de Gilbert Doho9(*), Bole Butake et d'autres praticiens camerounais, tirent déjà la sonnette d'alarme sur l'état du théâtre camerounais. Ils scrutent en profondeur ses supports linguistique, stylistique, esthétique et matériel. Des propositions y sont faites dans le but de donner un souffle nouveau à l'art théâtral du Cameroun. Nous prolongeons leur pensée en proposant une approche pratique des théories par eux énoncées.

    Pour terminer, les ouvrages suivants nous ont également édifié :

    -Répertoire du théâtre camerounais de Wolfgang Zimmer fait la part belle aux auteurs camerounais en recensant les pièces écrites par eux des années 1940 aux années 1985. Il ne manque pas de citer le lieu de représentation des spectacles tirés de ces textes dramatiques. Nous y découvrons contrairement à nos jours, que la production camerounaise était prolifique. Zimmer effectue ce travail pour montrer à certains érudits occidentaux qu'il existe bel et bien un théâtre camerounais. Zimmer l'ayant fait en son temps, notre recherche mettra en lumière un théâtre camerounais vivant mais peu connu jusqu'ici du public et de la communauté scientifique camerounaise.

    -Jacques Raymond Fofié10(*) quant à lui retrace l'histoire du théâtre camerounais depuis sa naissance jusqu'au début des années 2000. Regards historiques et critiques sur le théâtre camerounais, permet de suivre l'évolution de la pratique théâtrale camerounaise tant sur le plan de la production littéraire que sur celle scénique. Cet ouvrage s'appesantit sur les thèmes évoqués, les auteurs, leur idéologie, la création des troupes etc...L'ouvrage nous permet d'avoir une vue d'ensemble sur le théâtre camerounais, de connaitre son âge d'or et de situer le début de sa crise. Les études menées ici sont en grande partie concentrées sur la dramaturgie camerounaise. Il y mène également une étude de certaines oeuvres comme celles de Anne Tanyi Tang. Ce travail de Jacques Raymond Fofié nous permettra de situer la période à prendre en compte pour commencer notre étude. En effet, l'ouvrage de Fofié permet d'identifier les piliers de la dramaturgie camerounaise à partir de 1985, année où s'arrête le répertoire dressé par Wolfgang Zimmer. Il traite des modalités d'émergence de ces auteurs après 1985. Notre étude se démarque de celle de Fofié en ce qu'elle fait la mise en lumière d'une nouvelle vague de dramaturges qui rompt totalement avec le style d'écriture jusqu'ici proposé par les auteurs camerounais contemporains.

    - Anne Ubersfeld11(*), dans Lire le théâtre I, met à chaque fois en évidence le caractère socio-historique de la pratique théâtrale. Pour elle, la définition moderne du signe théâtral permet de définir plus précisément la relation qu'il existe entre le texte et la représentation. Dans son ouvrage, elle démontre combien la capacité de lire le signe12(*) est importante à la compréhension du spectacle de théâtre. Anne Ubersfeld donne là des éléments qui permettent non seulement d'analyser, mais également de comprendre le phénomène théâtral13(*). Elle emboite ainsi le pas à Molière14(*) lorsqu'il dit que la bonne lecture est celle qui se fait avec « les yeux du théâtre ». D'après l'auteure il n'y a de théâtre que joué. Elle ne retire pas au texte dramatique sa qualité de « théâtre » mais elle convoque plutôt la capacité du lecteur à se le représenter de façon fictive. Selon son ouvrage il y a deux degrés de lecture du théâtre : la lecture scénique qui induit une mise en scène mentale et la lecture de la représentation proprement dite. La lecture scénique est donc faite au travers du texte dramatique d'où l'importance de celui-ci. Nous partirons de ce constat pour démontrer que bien qu'il soit troué15(*), le texte dramatique a une place fondamentale dans la création du spectacle de théâtre. De ce fait, il est important qu'il évolue avec son temps et sa société. Nous pensons que l'écriture dramatique camerounaise contemporaine, que ce travail tente de mettre en lumière, remplit ces conditions, nous tenterons donc de le démontrer.

    VII-) -Problématique

    Pour Benoît Gauthier  cité par Donald Long:

    « Par l'expression problématique de la recherche, on se réfère généralement à l'ensemble des éléments formant le problème, à la structure d'informations dont la mise en relation engendre chez un chercheur un écart se traduisant par un effet de surprise ou de questionnement assez stimulant pour le motiver à faire une recherche. On peut donc retrouver dans la problématique de recherche ce qui a poussé le chercheur à poser la question générale, en plus de la prise de considération des faits, des observations, des connaissances théoriques, des résultats d'autres recherches et d'autres questions se rapportant à la question générale. » (2004 : 06).

    Tandis que dans l'ouvrage, Introduction to Logic and scientic method, la problématique est définit comme :

    « The ability to perceive in some brute experience the occasion of a problem, and especially a problem whose solution has bearing on the solution of other problems, is not a common talent among men...It is a mark of scientific genius to be sensitive to difficulties where less gifted people pass by untroubles by doubt. »16(*)

    Ces deux définitions nous permettent de clarifier le concept de problématique tel que perçu dans ce travail. Nous pouvons à présent poser le problème de notre recherche.

    VII-1) -Problème de la recherche

    Un constat découlant d'un état des lieux17(*)du théâtre camerounais actuel laisse apparaître clairement la crise de la forme la plus représentative dudit théâtre. Il convient de noter qu'il s'agit, comme nous l'avions déjà à l'entame de ce travail, du théâtre dit savant. C'est ce dernier qui est le plus souvent théorisé et qui offre de ce fait de meilleurs outils d'évaluation. La crise, dont les effets les plus sévères se manifestent par la désaffection des salles de spectacle, touche également le répertoire dramatique camerounais qui est pratiquement en panne de renouvellement. Ayant relevé les limites des pièces de l'ancien répertoire qui n'a pas évolué avec le public, nous pouvons poser le constat selon lequel une dramaturgie nouvelle pourrait apporter un souffle nouveau au théâtre Camerounais. Cette dernière doit convaincre un public qui a besoin de se reconnaitre dans ce qu'il regarde comme le stipule André Marie Tsobé :

    « Un âge et une société en pleine mutation se reconnaisse dans son théâtre. Les spectateurs vont chercher au théâtre non pas une évasion ou une illusion, mais une image de leur vécu et de leurs valeurs qui soit aussi la confirmation vivante de leurs aspirations tant morales que sociales. »18(*)

    Nous voyons qu'à chaque époque correspond un théâtre. En d'autres termes, un répertoire théâtral spécifique est le reflet de l'esprit de son temps. Il ne s'agit donc pas de dénigrer l'écriture dramatique d'hier au profit de celle d'aujourd'hui, car en leur temps les écritures se valent. La non actualisation du répertoire dramaturgique camerounais entraine la non connaissance d'une écriture plus adaptée à notre temps. Le fait qu'elle ne soit pas connue induit qu'elle n'est pas lue et donc pas théorisée, ce qui conduit à un nombre réduit de praticiens et donc pas assez de pièces théâtrales.

    Pour convaincre à nouveau, le théâtre camerounais a besoin de se réinventer continuellement et se mettre à l'aire du temps et de sa société. Pour corroborer notre affirmation Nicaise Wegang écrivait en 2007 :

    « L'évolution de la pratique théâtrale exige aujourd'hui qu'un théâtre, s'il veut continuer de convaincre, de susciter l'adhésion d'un public en mal de sensations nouvelles, ou même tout simplement de survivre, doit se renouveler constamment pour se mettre au goût du temps. Ainsi, le théâtre camerounais s'il n'est pas capable d'innover, de se réinventer, de s'interroger, sera voué à une sorte « d'obsolescence ».19(*)

    Partant du constat soulevé par wegang, ce mémoire de recherche pose le problème de la légitimation insuffisante d'une des tendances de renouvellement de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine par la communauté scientifique et le public. La conséquence directe de ce problème est que les pièces théâtrales, de ces dramaturges de la nouvelle vague, n'apparaissent pas dans le répertoire camerounais qui aurait donc besoin d'être actualisé.

    Ce problème nous permet de déboucher sur un corps de questionnement.

    VII-2) -Questions de la recherche

    La question principale de notre recherche s'énonce comme suit : Au regard de la production théâtrale camerounaise d'aujourd'hui, à bout de souffle, mettre en lumière la nouvelle dramaturgie camerounaise contemporaine pourrait-il apporter un souffle nouveau au théâtre camerounais?

    A cette question principale s'ajoutent trois questions secondaires.

    -Pourquoi le besoin de renouveler le répertoire dramatique du théâtre au Cameroun s'impose-t-il ?

    -Qui sont les auteurs dramatiques camerounais contemporains, en particulier ceux de la nouvelle vague ?

    - Quelles sont les caractéristiques de cette nouvelle forme d'écriture dramatique et comment la valoriser ?

    VIII) -Hypothèses de la recherche

    Halan Cohen, par la voix d'un de ses personnages, déclare :

    « L'un des axiomes de Sherlock est le suivant : c'est une grossière erreur que d'émettre des hypothèses avant d'avoir des données...car on a tendance à déformer les faits pour étayer les hypothèses, au lieu que les hypothèses viennent étayer les faits. » (2011 : 253).

    Nous inscrivant dans cette logique et dans le souci de produire des données fiables, nous avons préalablement procédé à une étude du sujet pour émettre l'hypothèse principale suivante :

    -La mise en lumière des ouvrages des auteurs camerounais contemporains de la nouvelle vague peut apporter un souffle nouveau à la création dramatique ; et partant, à la production théâtrale camerounaise.

    A cette hypothèse principale se greffent trois hypothèses secondaires :

    -Le répertoire camerounais actuel présente des insuffisances.

    -L'établissement d'une fiche signalétique permet de découvrir les dramaturges camerounais contemporains de la nouvelle vague.

    -La valorisation du savoir-faire de ces auteurs passe par une étude de quelques oeuvres représentatives.

    IX-) - Intérêt du sujet

    En 2011, Jacques Raymond Fofié postulait que :

    « Le théâtre camerounais est l'un des plus remarqués en Afrique grâce à quelques dramaturges dont les noms tendent à présent à faire plus partie de l'histoire que de l'actualité. Du coup se pose la question du renouvellement de la classe des écrivains de théâtre dans ce pays bilingue (français/anglais) de l'Afrique central qu'est le Cameroun. L'intérêt de la recherche effectuée sur l'écriture dramatique contemporaine camerounaise est double. » (2011 : 165).

    Notre recherche est donc digne d'intérêt parce que comme le souhaitait Jacques Raymond Fofié, le renouvellement de la classe des écrivains de théâtre au Cameroun par la découverte des dramaturges et de leur palmarès est l'un des buts de cette étude. Notre recherche est le lieu de poser un regard critique sur le travail de la génération actuelle d'auteurs qui souffrent d'une légitimation insuffisante. Elle contribue à l'enrichissement de données sur le théâtre camerounais pour sa société mais aussi pour toute personne qui souhaiterait aller à la rencontre de ces dramaturges d'un autre genre. Les résultats obtenus pourront servir à d'autres chercheurs, à des praticiens et même à la postérité.

    Elle permettra de démontrer les limites de l'écriture dramatique camerounaise antérieure. Nous montrerons comment la thématique, l'angle de traitement ou l'esthétique utilisé ne sont plus en adéquation avec la société camerounaise d'aujourd'hui qui a muté. Plusieurs pièces s'étant ancrées dans le repli identitaire tandis que la société évoluait, ont entrainé une déconnexion du théâtre d'avec son public.

    Notre recherche est intéressante parce qu'elle prouve que le théâtre au Cameroun peut connaitre des jours meilleurs si les artistes du milieu le pensent différemment, que l'état y mette la main ou non. Les praticiens du secteur doivent ramener à leur esprit les lois fondamentales de l'art. Ces dernières étant le socle qui assure à une discipline artistique les caractéristiques qui permettent au consommateur de toujours être solidaire d'elle. En somme, ce n'est pas l'état qui rend le théâtre intéressant mais ses acteurs qui doivent revoir les esthétiques qu'ils proposent. L'introduction de nouvelles écritures, qui se penchent sur un angle de traitement qui correspond au public camerounais, est requise. Les considérations socio-culturelles que le camerounais a du théâtre pourront évoluer et relancer la machine théâtrale. Ces conclusions révèlent un intérêt socio-culturel de cette recherche.

    Enfin, le dernier intérêt et pas des moindres est économique. En effet, un secteur théâtral en bonne santé et bien structuré attire les regards du public et celui des mécènes. Le théâtre devient ainsi une nécessité sociale et non un art peu connu et sans intérêt.

    En bref, cette étude est d'un apport certain pour la communauté scientifique, les artistes et techniciens de théâtre, mais également pour la société camerounaise et pour tous ceux qui de près ou de loin s'intéressent au phénomène théâtral de notre pays.

    X-) -Importance du sujet

    Cette recherche est intéressante parce qu'elle permet non seulement d'aller à la rencontre d'une dramaturgie peu connue de la communauté scientifique camerounaise et du public camerounais, mais aussi d'explorer un pan de cette nouvelle tendance dramaturgique camerounaise. Le regard posé sur les pièces portées à la scène, montre qu'il paraît capital d'actualiser le répertoire dramatique camerounais, mais aussi de montrer le rayonnement de cette nouvelle forme d'écriture dans le monde. Dans l'imagerie populaire camerounaise, le théâtre du Cameroun n'est pas compétitif, il est donc urgent de ramener l'ordre normal des choses. Présenter le théâtre sous son meilleur jour constitue un argument de poids pour changer les conceptions et amener la jeunesse à l'adopter. Surtout que ceux qui portent haut le flambeau de ce théâtre sont des jeunes qui vivent uniquement de cet Art ; et qui sont installés au Cameroun pour la plupart. Cette étude attire l'attention de la communauté scientifique, celle des professionnels ainsi que celle du public sur l'écriture dramatique camerounaise contemporaine qui est une valeur incontestée du théâtre dans le monde francophone.

    Actualiser le répertoire camerounais permet de toucher un autre point très important de cette recherche : l'écriture d'une pièce. En tant que chercheure en production théâtrale, il est plus aisé pour nous de proposer également une touche particulière à la dramaturgie camerounaise. Nous illustrerons cela par un cas pratique.

    Ce mémoire trouve son originalité dans le fait qu'il allie théorie et pratique. La collecte des données permet de mettre en lumière le travail des auteurs de qualité pas encore répertoriés, dans un premier temps. Dans un second temps, d'outiller le chercheur pour qu'il se fraie également un chemin dans l'écriture dramatique en se faisant sa propre identité en tant que dramaturge.

    XI-) -Délimitation du sujet

    Donner la délimitation revient en quelque sorte à définir et à déterminer une recherche dans un cadre spatio-temporel où elle s'inscrit. Dans le cas d'espèce, il s'agit de préciser l'espace et le temps dans lequel nous évoluerons dans cette étude.

    C'est ainsi que cette recherche, dont l'intitulé est : Ecriture dramatique camerounaise contemporaine : visages, palmarès, caractéristiques et outils de valorisation, circonscrit l'espace camerounais comme celui de l'étude. Seront pris en compte les dramaturges camerounais de naissance. Le point de départ sera les années 2000. Ce travail se limitera particulièrement aux oeuvres dramatiques du répertoire du théâtre camerounais francophone. Précisément à celles qui sont mises en relief par une distinction ou un prix. Les metteurs en scène interrogés et les praticiens viennent de la ville de Yaoundé majoritairement car cette ville abrite une grande partie des espaces accueillant les manifestations et les représentations théâtrales.

    XII-)- Cadre théorique

    Une théorie est un ensemble de concepts, au moins deux logiquement reliés, qui permet d'expliquer un ensemble de phénomènes. En sciences humaines, les théories répondent à la question « pourquoi les individus font-ils ou pensent-ils ceci ou cela ? ». Selon Nicolas Guéguen19(*) :

    « Une théorie est un ensemble unifié de connaissances qui permettent d'expliquer un ou plusieurs processus mentaux que l'on a étudiés. Ces connaissances sont obtenues par le biais de recherches qui ont été conduites par des chercheurs et qui permettent, par effet cumulatif, d'élaborer une théorie. La théorie tend à fournir une explication à un fonctionnement psychologique. »

    Le cadre théorique est donc l'ensemble que constituent les théories qui nous permettent de décrire, d'expliquer et d'analyser les hypothèses énoncées. Ce travail sera bâti autour de quatre théories : La dramaturgie, la sémiologie textuelle, La théorie de la réception et l'approche systémique.

    XII-1)- La sémiologie textuelle 

    D'après Ferdinand de Saussure20(*) la sémiologie est la science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale.21(*) Le signe revêt une place importante dans la vie sociale. C'est ainsi que Daniel Bougnoux écrit que :

    « L'homme descend plus du signe que du singe : il tient son humanité d'un certain régime symbolique ou signifiant. Nous vivons moins parmi les choses que parmi une « forêt de symboles » comme dit Baudelaire dans le célèbre sonnet des « correspondances ». (...)L'empire des signes double ainsi notre monde naturel. (...)Par tout un réseau de représentations codées et de signes qui sont autant de pare-chocs opposés à la dureté du monde, nous enveloppons, nous filtrons et du même coup nous maîtrisons le réel extérieur. » (2001 : 27-37).

    Les signes sont donc importants dans le processus de communication à cause de la production de sens induite par eux. Georges Mounin définit la sémiologie comme « une science générale qui étudie tous les systèmes de communications » (1970 : 07). A l'origine la sémiologie est rattachée à la médecine, mais de nos jours elle s'applique à d'autres domaines à l'instar de la linguistique, de la philosophie, du cinéma, du théâtre etc. La sémiologie se saisit d'une discipline pour harmoniser les signes et en ressortir l'interprétation.

    Du fait des deux composantes du théâtre, la sémiologie explore le texte et la représentation. Cette étude prendra en compte la sémiologie textuelle qui a pour objet d'étude le texte dramatique. C'est cet aspect de la sémiologie qui nous permet après analyse, de démontrer pourquoi des spectacles dont les codes d'interprétation appartiennent à une autre culture ou à une autre époque sont mal reçus par le public d'une part. D'autre part montrer en quoi l'écriture dramatique camerounaise contemporaine de la nouvelle vague d'auteurs, prise en compte, pourrait apporter un plus considérable au théâtre camerounais dans son ensemble, car ce dernier demeure incontestablement : représentation. « Un texte de théâtre est à voir. Un texte de théâtre est à écouter. Est-ce qu'un texte de théâtre est à lire ? »22(*)

    XII-2)- La théorie de la réception

    Après la sémiologie textuelle, la théorie de la réception est l'autre approche sur laquelle s'appuie cette étude. Selon le dictionnaire de la critique littéraire sa définition est la suivante :

    «  perception d'une oeuvre par le public. (...). Etudier la réception d'un texte, c'est accepter que la lecture d'une oeuvre est toujours une réception qui dépend du lieu et de l'époque où elle prend place ». (2002 : 174).

    Hans Robert Jauss souligne que :

    « l'oeuvre littéraire n'a qu'une autonomie relative. Elle doit être analysée dans un rapport dialectique avec la société. Plus précisément, ce rapport consiste dans la production, la consommation et la communication de l'oeuvre lors d'une période définie, au sein de la praxis historique globale. » (1978 : 269).

    L'oeuvre a nécessairement un caractère polysémique, du fait de la pluralité de ses lecteurs et surtout des époques ou des contextes qui sont les leurs. Il faut donc en plus de l'interprétation du texte, de l'étude de l'auteur, une étude psychologique ou théorique pour conserver l'objectivité scientifique de la critique et transformer les normes textuelles et esthétiques. A l'inverse l'étude historique limite la réception littéraire et renonce à des normes esthétiques. Elle examine seulement le contexte social et institutionnel du lecteur. Cette théorie montre que :

    - le lecteur est affecté par le texte,

    -la signification de l'oeuvre dramatique est déterminée par le lecteur,

    -le lecteur interprète le texte selon son back grounds et ses influences.

    Grâce à la théorie de la réception il devient aisé de comprendre que deux individus face au même texte l'appréhendent différemment. Leur interprétation est affectée par leur statut social, culturel, leur niveau intellectuel, leur âge, leurs intérêts professionnels, leur bord politique, leur religion, leur sexe...Tout ce qu'ils sont, induit le sens que chacun donne à un texte. La théorie de la réception stipule qu'il y aura autant de lecture qu'il y a de lecteur d'une part. D'autre part, qu'une idéologie construite dans un contexte différent de celui qui l'appréhende au final, peut ne pas être comprise par la cible et peut tout simplement ne pas susciter d'intérêt de sa part.

    La théorie de la réception tient compte de trois grands groupes d'étude. Celui de:

    -ceux qui mettent au centre les expériences psychologiques,

    -ceux qui assument plus ou moins une interprétation identique chez la majorité des lecteurs,

    -Ceux qui tiennent compte uniquement de l'expérience individuelle de chaque lecteur.

    Que l'interprétation soit individuelle, collective ou psychologique, elle prendra en compte un système de signes antérieurs à la lecture. Par conséquent si le lecteur-spectateur ne comprend pas ou n'arrive pas à se projeter, il est clair que les clefs de décodage mises à sa disposition ne sont pas les bonnes. Ce travail prenant appui sur ce principe, l'hypothèse selon laquelle une écriture dramatique camerounaise contemporaine pourrait revitaliser le secteur théâtral est vérifiée.

    XII-3)- La théorie de la dramaturgie

    La dramaturgie est l'art de transformer une histoire vraie ou imaginaire, en un récit construit, comportant un ou plusieurs personnages en action. Elle est utilisé au théâtre, en littérature au cinéma...La définition que nous retiendrons dans le cadre de cette recherche est celle d'Yves Lavandier23(*) dans son traité intitulé LA DRAMATURGIE. Il la présente comme « L'imitation et la représentation d'une action humaine », faite » pour être vue et/ou entendu ». C'est un traité sur les mécanismes du récit, leur raison d'être et leur signification.Dans son oeuvre, Yves Lavandier fait une distinction claire entre ce qui est écrit pour être vu et / ou entendu et ce qui est écrit pour être lu (la littérature). La dramaturgie ne doit pas être placée dans le même panier que la littérature.

    L'auteur s'appuie sur différents auteurs dramatiques pour répondre à trois questions :

    -de quoi sont faites les oeuvres dramatiques ?

    -Pourquoi sont-elles faites ainsi ?

    -que faut-il faire pour en écrire ?

    Ces interrogations nous permettront de mieux appréhender la dramaturgie contemporaine en général et celle camerounaise en particulier. Les réponses trouvées quant à elles seront les points d'accroche pour une éventuelle composition théâtrale.

    D'après Lavandier la dramaturgie est un jeu qui se joue à deux : auteur-spectateur. C'est ainsi que les auteurs dramatiques seront toujours indispensables et continueront à répondre au triple besoin de sens, d'émotion et de distraction des humains. Cette théorie permettra de nous appesantir sur la structure des pièces contemporaines d'apprendre l'art du récit, de ne plus faire l'amalgame entre dramaturgie et littérature, le théâtre étant comme le cinéma : un art de l'image.

    XII-4)- L'approche systémique

    La troisième approche convoquée par cette recherche est l'approche systémique. Elle consiste à considérer l'objet d'étude comme un système. L'objet étant le phénomène théâtral, il sera traité sous l'angle du système qu'il constitue. Le texte théâtral étant un élément du système constitué de signes qui doivent être interprétés. Le texte sera dans le cadre de ce travail, un ensemble d'éléments complexes en relation de dépendance réciproque. Selon le fondateur de cette théorie, Bertalanffy24(*), « un système est un ensemble d'éléments en interactions, en interaction les uns les autres ». Cette approche nous permettra de démontrer comment les éléments constitutifs de la représentation parmi lesquels le texte dramatique s'inter influencent. Puis nous verrons également, comment ceux qui composent le texte interagissent avec le lecteur et le spectateur.

    XIII- Méthodologie

    Travailler sur un domaine implique d'établir une suite de questions à se poser, de personnes à rencontrer et à interroger, d'informations à collecter, d'opérations à effectuer, en vue de faire des choix. Tout ceci pour être plus efficace dans l'étude et la résolution du problème25(*)qui rappelons-le est : la légitimation insuffisante d'une des tendances de renouvellement de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine. Toute cette préparation préalable procède de la méthodologie.

    XIII-1)- L'observation

    Elle se fera en deux volets :

    -L'observation de plusieurs représentations théâtrales pour recenser les pièces qui sont créées dans le contexte camerounais.

    -L'observation de l'ensemble des pièces qui sont affectées au programme scolaire et qui sont montées dans les Ecoles d'Art.

    Cette étape nous permettra d'avoir une idée des oeuvres dramatiques du répertoire des metteurs en scène camerounais.

    XIII-2-) La recherche documentaire

    En plus d'observer, il sera question d'aller à la recherche des informations pour juger de la pertinence de l'étude, délimiter son champ et éviter de réaliser un ouvragedéjà réaliser par d'autres. Cette étape consistera à se rendre en bibliothèques, en librairies, centres de recherche et chez les dramaturges à la quête de ressources écrites, sonores ou visuelles, lire les pièces de ces auteurs contemporains (oeuvres et tapuscrits).

    XIII-3-) Les interviews et entretiens

    L'objectif de notre étude est de mettre en lumière l'écriture dramatique camerounaise contemporaine des auteurs de la nouvelle vague et montrer comment leur prise en compte pourrait insuffler une dynamique nouvelle à la production théâtrale camerounaise.

    Pour cela nous procéderons par des interviews 26(*):

    -des metteurs en scène et autres acteurs de la représentation, pour comprendre les modalités de choix des textes à créer et pour collecter des données pratiques concrètes,

    -du public pour juger sa perception du discours des différents spectacles,

    -des dramaturges pour découvrir leur univers et leur démarche artistique dans la composition de leurs pièces.

    Les interviews et entretiens des metteurs en scène et du public s'inscrivent dans l'optique de vérifier l'hypothèse selon laquelle les auteurs camerounais contemporains de la nouvelle vague sont très peu connus et ont besoin d'être mis en lumière.

    XIII-4)- La pratique

    Se forger, à travers des ateliers pratiques, une aptitude en écriture dramatique contemporaine et produire un texte qui respecte les canons esthétiques et la thématique du théâtre d'aujourd'hui. Pour se faire des coachings avec les auteurs, puis une résidence d'auteur en Guinée Conakry seront les modalités d'écriture du texte constituant la quatrième partie de ce travail. Ce cas pratique est un outil de valorisation de la nouvelle dramaturgie contemporaine camerounaise, mais également la preuve concrète qu'un étudiant en Art du spectacle peut produire une pièce théâtrale compétitive.

    XIV-) -Le plan

    Un plan est le découpage en différentes parties du discours, du raisonnement, d'un texte, d'un article. Il s'agit de présenter les parties constitutives du corps de ce travail de recherche. Ces parties devront nous permettre de vérifier les hypothèses mentionnées. Pour traiter de notre sujet : Ecriture dramatique camerounaise contemporaine : visages, Palmarès, caractéristiques et des outils de valorisation, nous avons organisé notre recherche en trois chapitres et un cas pratique. C'est ainsi que :

    -Le premier chapitre est intitulé, Historique de l'écriture dramatique camerounaise. Il est divisé en deux sections. La première : Théâtre camerounais : de l'origine au début des années 2000 ; et la seconde : Les précurseurs des auteurs dramatiques camerounais de la nouvelle vague. Ce premier chapitre prendra en compte la première hypothèse de notre recherche qui affirme que l'écriture dramatique camerounaise contemporaine d'avant la nouvelle tendance, a des insuffisances.

    -Le second chapitre, Ecriture dramatique camerounaise contemporaine : Visages et palmarès. Il sera également organisé en deux sections. Dans la première, nous iront à la rencontre des figures de proue et leur palmarès. Dans la seconde, nous parlerons de ses caractéristiques générales. Ce chapitre soutiendra l'hypothèse de la mise en lumière de la nouvelle vague d'auteurs camerounais contemporains à travers une fiche signalétique.

    -Le dernier chapitre, Etude de trois pièces du répertoire des auteurs camerounais de la nouvelle vague et outils de valorisation. Il sera reparti lui aussi en deux sections. Une pour toucher du doigt les trois oeuvres choisies et l'autre pour proposer des outils de valorisation. L'hypothèse selon laquelle la valorisation du savoir-faire des auteurs camerounais de la nouvelle vague passe par une étude de quelques pièces de ce répertoire est vérifié ici.

    -Le cas pratique  Le parfum du souvenir : Cette pièce est écrite dans le but de capitaliser les acquis reçus tout au long de notre recherche. Cette partie sera la preuve que découvrir le savoir-faire de ces auteurs permet de mieux appréhender leurs oeuvres ; mais aussi de faire la propagande de cette forme inconnue du public et de la communauté scientifique.

    CHAPITRE I : HISTORIQUE DE L'ECRITURE DRAMATIQUE CAMEROUNAISE

    Ce mémoire de recherche traite de la légitimation insuffisante d'une des tendances de renouvellement de l'écrituredramatique camerounaise contemporaine. Il est donc question de mettre en lumière ces dramaturges d'un nouveau genre ainsi que leurs oeuvres. Mais avant de rencontrer ces nouveaux visages de la dramaturgie camerounaise, ce chapitre va nous permettre d'être fixés dans le temps et par rapport à la société camerounaise qui les voit émerger. L'histoire permettant de comprendre le présent et de mieux appréhender l'avenir, la première section sera un bref historique de l'écriture dramatique camerounaise. Nous verrons que chaque écriture est le reflet de l'esprit de son temps. Nous découvrirons un théâtre camerounais ancré dans le mouvement de sa société. Dans la seconde partie de ce chapitre, il s'agira des précurseurs de l'esthétique particulière qui est l'objet de notre recherche. Ainsi éclairés, il sera plus évident de situer l'écriture dramatique camerounaise de la récente génération d'auteurs. Ce chapitre nous renseignera sur son origine et son contexte de création. Nous partirons du théâtre colonial dans lequel, comme le démontre Jacques Raymond Fofié, « les valeurs de l'Afrique sont tournées en dérision : la dot, un vulgaire prix d'achat, la solidarité africaine, du parasitisme. » (2011 : 57). Puis nous passerons par la crise identitaire et nous déboucherons sur les précurseurs des auteurs dramatiques camerounais contemporains qui sont à l'honneur dans cette étude. Cette partie permettra également d'établir que la recherche identitaire dans le théâtre n'a pas été l'apanage du Cameroun uniquement. En effet c'est un mouvement d'ensemble qui balaie l'Afrique francophone qui veut affirmer son indépendance. Nous découvrirons une écriture théâtrale camerounaise qui se démarque et dont les prix remportés au niveau africain sont le reflet de sa grande qualité. Elle peut aussi se targuer de compter parmi ses dramaturges, des auteurs avant-gardistes à l'instar de Werewere Liking. Rappelons que nous ne nous intéresserons qu'au théâtre camerounais francophone. Ce premier chapitre prendra en charge l'hypothèse selon laquelle le répertoire connu des oeuvres camerounaises présente quelques insuffisances, d'où l'urgence de le mettre à jour.

    SECTION I : THEATRE CAMEROUNAIS 

    DE L'ORIGINE AU DEBUT DES ANNEES 2000

    D'après Robert Cornevin, cité par Jacques Raymond Fofié : « Des formes de théâtre existaient en Afrique bien avant les manifestations des élèves de l'E.P.S de Bingerville ou de l'Ecole Normale William Ponty et même avant l'arrivée des européens. » (2011 : p20). Partant de cette affirmation, nous pouvons distinguer comme Jacques Raymond Fofié : le théâtre camerounais traditionnel sacré et le théâtre camerounais traditionnel profane. Nous voyons que le théâtre camerounaisprend sa source du sacré tout comme le théâtre Grec antique. Le théâtre camerounais traditionnel sacré est constitué de rites de passage et celui traditionnel profane de mythes, de légendes, de contes, d'épopée. Nous ne nous attarderons pas sur ces deux formes ici car elles ne présentent pas la dimension textuelle qui est l'objet de cette étude. C'est ainsi que nous entrons dans la période du théâtre camerounais colonial.

    I-) -Le théâtre camerounais de la période coloniale

    Le théâtre camerounais de la période coloniale  se compose du théâtre missionnaire, du théâtre scolaire, de celui multilingue.

    I-1) -Le théâtre religieux ou théâtre missionnaire

    Les premiers pas du théâtre camerounais, tel que nous le connaissons aujourd'hui, commence par l'église. En effet les missionnaires, pour besoin de prêche et d'évangélisation des masses, ne vont pas tarder à s'investir dans le champ théâtral. C'est le lieu d'imposer l'idéologie du colonisateur au détriment de la culture locale. A ce propos Gilbert Doho27(*) cité par Guy Francis Tami disait :

    Le théâtre camerounais moderne est le lieu du déploiement des talents, des énergies, des stratégies et des tactiques de soumission, de survie et de contestation. [...] C'est d'abord par l'Église que se développe le théâtre camerounais. Elle investit très tôt le champ théâtral pour besoin de prêche, de communication de l'évangile aux masses. Félix Faure (Le Diable dans la brousse, Editions J, Sers, 1931) pense comme tous les évangélisateurs que le théâtre peut faciliter la tâche d'évacuer Mammon pour implanter Christ dans la brousse africaine. Ainsi, le dramaturge à la soutane va soutenir la mission civilisatrice en inculquant les moules classiques aux futurs dramaturges camerounais. Sous la direction de ces religieux, surgira une pléthore de dramaturges tels qu'Alfred Tongo Diboundou (Les Dix Vierges, 1870), Kingue Kwedi (Une Famille dans l'attente de Noël, 1910) ; Anonyme (L'Annonce de la naissance de Jésus, 1912) ; Alfred Ndoumbe Moussinga (Un Jeune à la recherche d'une conjointe, 1919) ; Anonyme (Yesus Mongo, 1928) ; Anonyme (Mfubfub Awula et Ngul Esiki Sosso). Du moment que ces pièces n'inquiètent nullement le pouvoir religieux, elles sont représentées dans des séminaires ou dans des églises lors des fêtes. Elles s'investissent totalement dans la mission impériale de dépossession des Camerounais de leur fond culturel. Car le théâtre religieux est plus qu'un acte de prédication et de justification des conquêtes coloniales. (2008 : 2).

    Les oeuvres issues de ce théâtre que nous pouvons citer à la suite de Gilbert Doho (1992), d'Ambroise Kom (1999) et de Fofié sont : « Les dix vierges d'Afred Tongo Diboumbou (1870), Une famille dans l'attente de Noël de Kingue Kwedi (1918), L'annonce de la naissance de Jésus (1912, anonyme) » (2011 : 22).

    Nous soulignerons que c'est par cette forme que la pratique théâtrale fait son entrée au Cameroun comme le constate Fofié : « cette théâtralisation de la Bible devait conduire à l'introduction du théâtre à l'école à la création de celle-ci. »(2011 : 23). Le titre des oeuvres suffit à nous renseigner sur les thèmes. A cette période de son histoire le théâtre camerounais connait uniquement les thématiques tirées de la Bible. Il ne s'intéresse pas encore aux problèmes de la société camerounaise. C'est sous cette forme qu'il s'invitera dans les écoles.

    I-2) -Le théâtre camerounais scolaire

    Cette forme est également l'oeuvre des enseignants missionnaires. Le paysage théâtral d'alors se voit doter des pièces de Molière, Shakespeare ou des adaptations de leurs oeuvres. Des fables de la Fontaine seront également présentent dans ce répertoire. Elles seront souvent contextualisées comme nous le montrent Gilbert Doho et Bole Butake cité par Fofié : « Le loup et l'agneau, était adapté sous le titre de « Ngul Issiki'Sosso ». Jean Baptiste Obama adapta aussi Les fourberies de Scarpin de Molière sous le titre Mbarga Essono » (2011 : 23)

    Le théâtre camerounais scolaire nous permet d'affirmer que pendant cette période également, l'écriture dramatique camerounaise pour ce qu'il en ressort, n'est pas encore autonome. Les pièces montées sont des adaptions de classiques français. Il arrive qu'elles soient également adaptées en langues locales. Nous assistons à la naissance du théâtre camerounais plurilingue.

    I-3) -Le théâtre camerounais plurilingue

    Pour parler du théâtre camerounais plurilingue nous nous baserons sur les travaux de Clément Mbom (1989 : 144-148) qui distingue quatre grands types d'expressions de ce théâtre : Le théâtre d'expression Allemande, celui en langues nationales, le théâtre d'expression anglaise et enfin celui d'expression française.

    a) -Le théâtre de langue allemande et le théâtre camerounais de langue anglaise

    Der Liebsieg et Tolongi sont les pièces les plus marquantes du théâtre camerounais de langue allemande. Elles sont écrites respectivement en 1900 et 1910 par l'allemand Ridel. « Mais il se pose ici le problème de la camerounité28(*) véritable de ces oeuvres écrites par un allemand, comme il en sera pour certaines oeuvres en langue anglaise » (2011 : 24).

    En effet comme l'énonce Fofié, la pièce White flow the latex, ho !du britannique Charles Low écrite en 1942, pose également un problème d'identité camerounaise. Fofié citant Zimmer qui à son tour cite Richard Bjornson, affirme qu'elle fut écrite en collaboration avec plusieurs élèves camerounais anglophones. Nous pouvons aussi citer I am Vindicated de Sankie Maimo.

    b) -Le théâtre camerounais en langues nationales

    « Les pièces de théâtre en langues nationales sont évidemment des oeuvres des camerounais. Mbarga Essono de Jean Baptiste Obama (1943), est considérée par Clément Mbom comme la première en langue nationale, c'est une comédie en prose, moitié en vers... » (2011 : 24)29(*)

    c) -Le théâtre camerounais de langue française

    Nous citerons les deux oeuvres majeures de cette période : Le chômeur de Stanislas

    Awono et Trois prétendants...Un mari de Guillame Oyono Mbia.

    « En conclusion, la période qui va de 1840 à 1959 est celle de l'enracinement du théâtre au Cameroun. On peut en relever quelques caractéristiques. Les oeuvres sont dans l'ensemble calquées sur les modèles occidentaux enseignés à l'école : Molière, Corneille, Racine, Shakespeare, théâtre de type classique français avec prédominance de la comédie de divertissement. C'est un théâtre oublieux du drame colonial, ne s'apparentant pas, selon Clément Mbom, à celui de William Ponty, rejetant les valeurs africaines au profit de celles de l'Occident sublimées, véhiculant l'idéologie de la nation civilisatrice (1989 : 145). C'est un théâtre multilingue reflétant la complexité linguistique du Cameroun. » (2011 : 26).

    Cette conclusion de Fofié nous permet de constater le manque de liberté des auteurs de cette période tant dans le choix de la thématique que dans la construction du texte lui-même. Le contexte socio-politique, la colonisation, transparait dans la pratique théâtrale qu'elle oriente en fonction des desseins du colonisateur. Installer l'idéologie de la puissance colonisatrice, tout en dépossédant le camerounais de sa propre culture tel est le but de cette écriture. Néanmoins, le théâtre existe au Cameroun, mais comment se comportera-t-il dès les indépendances ?

    II- Le théâtre camerounais post colonial

    Il existe un lien entre la nouvelle écriture dramatique camerounaise contemporaine et l'histoire de la dramaturgie au Cameroun. Le travail de la nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais que nous évoquons dans cette recherche tire son essence de l'histoire générale de l'écriture dramatique camerounaise. Il n'y a pas de rupture entre les différents genres mais une évolution qui est la conséquence de la mutation de la société camerounaise.

    Cette recherche ayant pour point de départ les années 2000, la période que nous allons considérer dans cette partie de notre étude sera celle de 1960 à 1999. Le vent des indépendances ayant soufflé sur l'Afrique, une même ferveur anime les africains et transparait dans leur façon de penser et d'écrire leur théâtre. Les différents paliers évoqués par Sylvie Chalaye30(*) nous permettront de comprendre l'évolution de la dramaturgie africaine qui débouche sur ces nouvelles esthétiques qui s'appliquent par conséquent à l'écriture camerounaise francophone.

    II-1°) -L'enthousiasme historique des années 1960

    Avant 1960, l'Afrique vit son indépendance mais pas son théâtre. En effet, il s'inspire encore du modèle occidental. Les thèmes sont assez redondants et l'écriture copie le modèle occidental sur des plans tels que la structure et l'usage d'une langue française soutenue. Les dramaturges subliment les valeurs occidentales au détriment de celles de leur pays. Ce qui explique aisément pourquoi ce théâtre ne se préoccupe pas des problèmes locaux.

    Dans la décennie 1960-1970, il y a une certaine émulsion. Même si les thèmes demeurent redondants, les dramaturges s'intéressent enfin à leur pays. La problématique est sociale. C'est le départ d'un théâtre dont l'intérêt est tourné sur la société. Le Cameroun ne sera pas en reste.

    « On remarque dans l'ensemble que le théâtre camerounais des années 60 est un théâtre digne, centré essentiellement sur les problèmes sociaux sans que la politique ne soit totalement oubliée. Les langues officielles (français/anglais) y sont sublimées alors que la production en langues nationales décrépite. » (2011-27).

    Les auteurs dramatiques s'inspirent de leur société mais l'ombre de la puissance coloniale subsiste dans la démarche et la langue mise en avant. Parmi les pièces écrites nous retiendrons :

    -Notre fille ne se mariera pas, de Guillame Oyono Mbia, 2ème prix du jury du concours théâtral interafricain.

    -Le fusil, de Patrice Ndedi Penda, Prix des Auditeurs du concours théâtral interafricain 1969.

    Nous noterons également que c'est cette décennie qui voit arriver les premières femmes auteures dramatiques camerounaises telles que :

    -Lydia Ewandé, Nous avons sommeillé, mais nous n'avons pas dormi paru en 1964,

    -Marie-Charlotte Mbarga kouma Née Ekorong à Perem : Le mariage de ma cousine, La famille africaine ; 1967 et 1968 d'après René Philombe.

    « ...Mais la construction dramatique reste indéfectiblement attachée au modèle occidental et les tensions tragiques rappellent celles du théâtre grec. »31(*)

    II-2) -Le temps du désenchantement des années 1970

    Au Cameroun cette décennie est marquée par la multiplicité des thèmes mais aussi par l'entrée en scène du théâtre politique. Conscient de son environnement, le dramaturge de cette époque écrit sur son quotidien, et pense au peuple. On observe une évolution significative dans la production et dans les thématiques. Un retour à l'oralité est enregistré. Nous ne nous attarderons pas sur ces pièces car ce théâtre populaire d'alors n'a pas de textes écrits. « On distingue deux grands groupes d'oeuvres : le théâtre populaire sans texte écrit et les pièces écrites. »(2011 : 28)

    Le théâtre politique, qui entrait déjà en scène dans les années 60, s'impose ; Cannibalisme d'Alexandre Kum'a Ndumbe III, Africapolis de René Philombe, Politicos de Jean Mba Evina. Les auteurs sont de plus en plus engagés dans le traitement des fléaux sociaux. C'est le cas dans Vice-versa de Hubert Mono Ndjana. Jean Baptiste Obama remporte en 1970, le Grand prix du Concours théâtral interafricain avec sa pièce Assimilados. Les autrices féminines ne sont pas en reste. Ce sont Rabiatou Njoya et Werewere Liking. S'appuyant sur les propos de Zimmer, Fofié (2011 : 76) conclura en disant :

    « ...ce sont les années 70 qui sont les années fastes de la production théâtrale féminine camerounaise. Elles correspondent aussi à celle du théâtre camerounais dans l'ensemble comme le laissent sous-entendre les propos de Wolfgang Zimmer. »

    PourSylvie Chalaye :

    « sur le plan thématique, ce théâtre ne cesse d'affirmer la nécessité de s'émanciper des modèles philosophiques, administratifs et politiques hérités du colonisateur. Mais au plan formel des dramaturgies des années 70 restent encore très fidèles aux formes dramatiques classiques. »32(*)

    II-3) -Les années 1980  ou la recherche d'une esthétique plus africaine

    Les années 1980 sont décisives pour les écritures francophones car c'est également durant cette décennie que vont voir le jour  le festival des francophonies du Limousin et le théâtre international de langue française. Ces structures vont permettre à la pratique théâtrale du Sud de trouver une plus grande plate-forme pour son rayonnement.33(*)

    Sur le continent, les auteurs dramatiques se tournent vers une esthétique qui rompt avec le modèle occidental. Les dramaturges comprennent qu'indépendance rime avec liberté. Pour affirmer leur nouveau statut, ils vont à la recherche d'une dramaturgie qui assume une rupture avec celle imposée jusqu'ici par le modèle colonial.

    A l'image d'autres dramaturgies d'Afrique Francophone, l'écriture camerounaise des années 80 revendique une identité en devenir. C'est la première démarche vers la réhabilitation de la dignité africaine perdue. D'après Clément Mbom cité par Fofié :

    «C'est la période du renouveau dans la création dramatique au Cameroun où la qualité prime la quantité. On a affaire à un théâtre non seulement éclaté, mais aussi ouvert, (...) Tradition africaine et technique occidentale se joignent... » (2011 : 36).

    C'est la période de l'éclatement du théâtre camerounais. De nombreuses oeuvres sont produites et de nouvelles esthétiques voient le jour. C'est ainsi que le théâtre rituel de Werewere Liking trouve sa place grâce à son authenticité. Son écriture tire son essence de différents rituels africains et particulièrement ceux du peuple bassa. Parmi les oeuvres les plus importantes de cette décade nous citerons : Le caméléon et les épouses stériles de Patrice Ndedi Penda, Une nouvelle terre et Du sommeil d'injuste de Werewre Liking.

    « Ce retour identitaire des théâtres du Sud rencontre alors les attentes d'un public occidental en mal d'exotisme et d'authenticité, un public qui découvre bientôt, à Limoges où à Paris la force de créativité de l'Afrique, mais reste attaché à un mythe idéaliste de l'oralité, la musique et le pittoresque du village et des rituels fabriquent une image d'Epinal qui fige le continent dans son passé ».34(*)

    Ce constat de Chalaye, nous permet de percevoir le revers de la crise identitaire sur l'écriture théâtrale. Cette dernière au lieu de faire avancer les choses a plutôt entrainé un retour en arrière du théâtre. Ellea figé la société dans un cliché archaïque, tandis qu'elle évoluait. Les dramaturges s'attèlent et se libèrent de cette représentation, c'est la fin des années 1980.

    II-4) -Le théâtre camerounais des années 90 : la transition

    La crise identitaire que connait la dramaturgie camerounaise va conduire le théâtre camerounais en général et l'écriture dramatique en particulier dans ce que Jacobin Yarro Tagoumthe va appeler « la crise » en 1995.

    La décennie 1990 est celle de la transition. En effet, elle est le carrefour où se confondent une dramaturgie camerounaise ancrée dans l'esthétique identitaire et une qui s'envole vers d'autres sommets.

    Werewere-Liking inaugure une nouvelle ère de l'écriture théâtrale camerounaise par une esthétique qui sort totalement des sentiers battus sur les points de la thématique, de la structure, du statut social des personnages, de la problématique et de la linguistique. Il transparait encore un appel à un retour aux sources par le prétexte que convoque l'écriture : les rituels camerounais du peuple bassa.

    Werewere-Liking dans sa démarche s'inspire du vécu et relate toujours un moment marquant de sa vie. Son travail d'auteure est axé sur le ki-yi Mbock qui est selon elle « un mouvement pour la renaissance des arts africains, pour la renaissance d'une culture panafricaine contemporaine et pour une rencontre et une reconnaissance des cultures du monde noir ». Pendant que Koffi Kwahulé, Kossi Efoui inaugurent chacun une démarche nouvelle dans leur écriture dramatique en l'épurant des canons hérités de la colonisation culturelle occidentale, le Cameroun a un écrivain-peintre : Werewere-Liking. Son théâtre-rituel fait d'elle une pionnière35(*) de la création contemporaine sur le continent africain. D'elle paraitrons :

    -La puissance d'Um, Abidjan, CEDA, 1979

    -La queue du diable, in Du Rituel à la scène, Paris, Nizet, 1979

    -Une nouvelle terre, Abidjan : Les Nouvelles Editions Africaines, 1980

    -Les mains veulent dire, in spectacles Rituels, Dakar :Les Nouvelles Editions Africaines, 1987

    -La Rougeole arc-en ciel, in spectacles Rituels, Dakar :Les Nouvelles Editions Africaines, 1987

    -Singué Mura- Considérant que la femme (1990)

    -Un Touareg s'est marié à une pygmée, Carnières : Lansman, 1992

    -La Veuve dilemme (1994)

    -L'enfant Mbéné

    -Le Parler-chanter-Parlare-Cantado (2003)

    Cette bibliographie de Werewere Liking est le miroir de l'évolution de l'écriture dramatique camerounaise. Elle regroupe :

    -la décennie 70, pendant laquelle l'écriture des femmes se fait vraiment remarquer

    -les années 80, années de la recherche identitaire et de la crise

    -les années 90, de la transition et de la rupture avec le modèle colonial

    -les années 2000, leur début, qui inaugurent une approche inédite du théâtre au Cameroun

    La dramaturgie camerounaise évolue petit à petit vers une identité et une conception hybride à cause des cocktails de culture qu'elle nous sert. A ce grand tournant de l'histoire des écritures francophones, comme un signe pour imposer aux auteurs de se décider définitivement sur l'orientation à donner à leur création, paraît Le Carrefour en 1989. Cette pièce emblématique de Kossi Efoui traite de la force de l'imagination pour se libérer de la prison. Il ouvre ainsi la voie à plusieurs autres à l'instar de Koulsy Lamko du Tchad, Koffi Kwahulé de Côte d'Ivoire, Caya Makhélé du Congo, Werewere Liking du Cameroun, Michèle Rakotoson de Madagascar. Pour Kossi Kwahulé36(*) il est question :

    d'« envisager le théâtre non pas dans ce qu'il « est » ou « aurait été » mais ce qu'il doit être pour une humanité «chargée» des images de Dallas, de Rambo, de Madonna, de Michael Jackson, du chômage, des missiles, de la conquête spatiale, de l'écroulement du mur de Berlin, de Mandela libre... » (1995 : 31).

    II-5) -Le théâtre camerounais du troisième millénaire

    Cette époque trouve un théâtre littéraire en crise selon des critiques tels que Mono Ndjana. Pour Fofié :

    « en réalité, il n'y a de crise que dans le refus de quelques critiques de voir que les formes dramatiques ont varié et que le théâtre de type aristotélicien et classique français, pour valable qu'il soit, ne domine plus la scène contemporaine. La qualité a cédé la place à l'efficacité. » (2001 : 63).

    Si l'on tient compte de cette citation de Fofié, le théâtre camerounais du troisième millénaire ne connait pas de crise. Il a muté. Un tel constat nous permet de comprendre qu'il n'est pas question de rejeter les nouvelles formes de théâtre. Il faut aller à leur rencontre et découvrir ce renouvellement de la dramaturgie camerounaise. C'est fort de tout ceci que la nouvelle tendance d'écritures camerounaises contemporaines a retenu notre attention et qu'il nous a semblé nécessaire de nous imprégner d'elle. Cette écriture inédite cohabite néanmoins avec des formes déjà connues, avec des oeuvres telles que Le bourbier de Guillaume Oyono Mbia, L'habit ne fait pas le moine de Patrice Ndedi Penda ou encore Le sort de l'esclave de Rabiatou Njoya et de Alexis Mouliom.

    En effet la dramaturgie camerounaise a évolué tant sur le fond que sur la forme : ses thématiques, son angle de traitement, la construction de ses personnages. Le Cameroun étant un pays multiculturel, les esthétiques proposées peuvent être aussi diverses qu'il y a de cultures ou d'auteurs.

    Toutes ces grandes périodes de l'écriture dramatique camerounaise ainsi passées en revue permettent de reconnaitre un théâtre camerounais en adéquation avec sa société jusqu'au début du troisième millénaire. La crise identitaire a permis aux dramaturges de valoriser un patrimoine et une culture jetés en pâture par le colonisateur. Les pièces écrites au début des années 2000 continuent de puiser leur substance dans le contexte camerounais mais sont en déphasage avec la société qui, elle, vit la mondialisation. Le théâtre d'aujourd'hui devrait être le miroir d'une société. Anick Martel ne le démentira pas. Pour elle :

    « Ecrire aujourd'hui, c'est un peu chanter la langue de son territoire. Un territoire ouvert sur le monde. Sur l'interdisciplinarité. Une écriture qui s'ancre dans l'ici, le chez soi, le détail, le quotidien, et à la fois dans l'universalité, l'altérité et la perte des frontières et des repères. » (2012 : 3).

    Nous voyons que le théâtre contemporain doit puiser dans sa culture et s'ouvrir également sur le monde. Avant l'arrivée de la nouvelle vague d'auteurs que nous allons découvrir dans ce travail ; nous sommes en face d'une écriture qui traite des problèmes du Cameroun mais qui oublie d'apporter cette touche qui fait d'une pièce camerounaise, une pièce universelle. A l'époque du satellite, d'internet, de Novelas Tv, écrire c'est s'adresser à cette personne d'ici influencée par un ailleurs. Une nouvelle écriture dramatique camerounaise contemporaine qui prend en compte tous ces paramètres existe, elle ne demande qu'à être découverte. Avant d'aller à la rencontre de la nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais qui la pratiquent, nous parlerons des précurseurs.

    SECTION II : LES PRECURSEURS DES AUTEURS DRAMATIQUES CAMEROUNAIS DE LA NOUVELLE VAGUE

    Plus que jamais, l'écriture dramatique camerounaise s'envole et va à la conquête du monde et ramène des trophées. Dans les décennies passées, la critique reprochait aux auteurs dramatiques la redondance des thèmes, pourtant aujourd'hui tout est question d'angle de traitement, du point de vue qui diffère d'un dramaturge à l'autre. Elle fait la part belle à l'originalité. N'est-ce pas vrai que nul ne crée ex nihilo ? Il faut bien partir de quelque part dans l'objectif de rencontrer le monde entier si possible. Cette dramaturgie montre que le Cameroun pense, que sa parole porte et qu'elle est à la page. Elle est à l'image de cette société africaine où la jeunesse s'affirme et s'engage dans les combats de l'humanité. Il est normal que chacun prenne la parole avec la langue qu'il parle le mieux. Les dramaturges refusent d'être fixés sous prétexte qu'il faut absolument se figer sur un héritage culturel qui pourtant s'émiette sous le poids du modernisme. Koffi kwahulé appelle conscience diasporique, ce besoin qu'ont les dramaturges de faire évoluer leur écriture vers un « ailleurs ». Cité par Soro N'golo Adoudou37(*), Kwahulé apporte un éclaircissement :

    « Ce que j'appelle conscience diasporique, c'est la découverte du mouvement. On a tendance à fixer les africains. Cela ne vient pas du seul fait des européens ou des Américains : dans notre quête de l'authenticité, nous avons dû nous fixer nous-mêmes. » (2017 : 8).

    Il ne s'agit pas d'un lieu, mais d'un renouvellement constant de la pensée.

    Cette écriture dramatique des auteurs camerounais contemporains de la nouvelle vague, dont les figures de proue serons livrées ici, s'inspire elle aussi du mouvement général d'affranchissement des écritures d'Afrique noire francophone. Après la crise identitaire, l'écriture camerounaise prend la liberté de s'exprimer comme elle l'entend. Deux dramaturges sont au départ de cette révolution de l'écriture dramatique camerounaise : Marcel Zang et Kouam Tawa. Cette étude tiendra compte uniquement des camerounais de naissance.

    I-) -Marcel Zang38(*)

    I-1-1) -Présentation39(*)

    Né le 02 mars 1954 à Meyila un village de la région du Centre au Cameroun, Marcel Zang est un auteur camerounais d'origine. Il ira en France à l'âge de neuf ans avec ses parents. Il obtiendra finalement la nationalité française sans renier ses origines camerounaise. Lorsqu'il se présentait en 2002, il disait : « Je suis un Fong (avec un o) de la grande Ethnie des Fang (avec un a) ... »40(*). Il décède en 2016 à Nantes de suite de maladie. Il est dramaturge, poète et nouvelliste. La question que pourrait poser plusieurs est celle de savoir pourquoi parler d'un auteur français, bien qu'il soit camerounais à l'origine. La réponse est simple, d'abord à cause de ses origines et ensuite à cause du contenu de son écriture.

    A l'origine romancier, il avait alors 17 ans. Une pièce qu'il enverra chez Gallimard, mais qui ne sera pas publiée cette année-là, est le départ de tout. Marcel Zang écrit sa première pièce de théâtre sans jamais avoir vu une seule représentation théâtrale. C'est un besoin qui lui vient, comme ça. Il écrit dit-il, pour ne pas crever, pour rester en vie. Sa soif d'écrire part d'un vide existentiel qu'il va combler par l'écriture. Il ne pensait pas faire de l'écriture son activité principale. Mais le déclic viendra de la mort par suicide de son père quand il était en terminal. Le vide que ce choc crée le confine dans l'écriture. Pour lui, le vide est propice pour écrire. Selon lui : « Ecrire c'est une lutte pour la vie. C'est pour se maintenir en vie. »

    I-1-2) - Son esthétique

    Pour l'écrivain qu'il est, le sujet n'est pas important, mais c'est ce que l'on en fait. On est habité par un imaginaire qu'on n'a pas choisi. L'art ne restitue pas le visible, il rend visible ; révèle ce qui est invisible. Tout ce qui habite l'auteur, c'est de rentre visible ce qui ne l'est pas. Un jeu entre un visible et un invisible. Ayant grandi en France, Marcel se considère aussi comme un français. C'est d'autant plus la seule langue qu'il sait manier. Mais son écriture, va lui permettre de voir une chose qu'il ne savait pas : « Je me suis aperçu que je suis noir en écrivant ».41(*)

    Le dramaturge se rend compte que tous ses textes posent problème dans la société française dans laquelle il vit pourtant depuis son enfance. Il finit par s'apercevoir que c'est ce que renvoient ses pièces, au travers de son imaginaire, qui dérange. Il y avait une histoire qu'on ne pouvait pas entendre en France, dit-il. Sans le savoir son écriture parlait de ses origines, de qui il était vraiment : un noir et non le français que jusqu'alors il croyait être. Son théâtre rendait visible un invisible dont lui-même n'était pas conscient. C'est ainsi que ses textes subissent la censure et ont du mal à être créés en France. « Quand on écrit du théâtre c'est pour voir la transformation du mot sur la scène...et ne pas avoir droit à ça c'est une réelle frustration. Voir comment l'autre appréhende ce que mon imaginaire a conçu. »42(*)

    Encore une affirmation qui prouve que le texte d'un dramaturge n'est pas fait pour être lu, mais pour être joué. Pour Marcel Zang, l'écriture théâtrale est une vie. La vie étant le mouvement du dedans et du dehors. Il n'y a pas d'émotion sans vide. La question de l'inconnu qui interroge : c'est la source du langage à cause de l'irruption de l'autre. C'est le sujet de sa pièce La danse du pharaon. C'est un drame en cinq actes qui représente deux amis qui sont en prisons. L'un qui veut sortir et l'autre qui préfère y rester car il trouve en ce lieu la liberté qu'il n'a pas dehors. Un paradoxe troublant dans lequel l'auteur démontre que tout est enfermement dans cette vie. Georges restera en prison et Max en sortira. Ils vivront chacun leur vie dans des environnements différents mais avec un but similaire : Ils ont tous deux besoin de liberté, de salut.

    Marcel Zang assimile écrire à exister, exister à s'exiler car dit-il, ces mots ont une même racine. S'exiler c'est exister, en d'autres termes sortir. Pour vivre il faut sortir de soi, aller vers l'autre. Franchir une limite. C'est la frontière qui forme le jeu. Il faut aller de l'un à l'autre. C'est ce qui fait la beauté du jeu : Traverser la limite. L'écriture doit être dirigée et guidée par l'altérité. Marcel Zang use d'une écriture riche, d'une langue politique, mais très poétique. De lui Kazem Shahryary dira qu'il a su passer un héritage interdit. Lors d'une interview :

    « L'écriture c'est dangereux, et ça devrait l'être aussi pour le lecteur, le mettre en situation limite, le déranger, le déstabiliser, ébranler ses certitudes, attaquer son confort, le violenter, le surprendre, faut qu'il sache qu'il entre ailleurs, dans une zone rouge et pas chez lui, qu'il est en danger, qu'il risque quelque chose, et que c'est pas seulement de la branlette, de l'identification, de l'attendu, et qu'il peut se prendre un pain ou une décharge à tout moment. »43(*)

    I-1-3) -Ses oeuvres

    Cette recherche ne prenant en compte que l'écriture dramatique, elle ne s'intéressera qu'aux oeuvres de ce registre, bien que l'auteur soit aussi romancier et nouvelliste.

    -Pièces publiées

    -L'exilé, suivi de Bouge de là, Editions Actes Sud-papiers, 2002. Bouge de là a été mis en scène en 2002, et joué à la salle de manèges de la Roche-sur-Lyon

    -La danse du pharaon, Editions Actes Sud-papiers, 2004

    -Pure vierge, Editions Actes Sud-papiers, 2007

    -OEuvres inédites

    -Le joueur, le vide et son double

    -Un couple infernal : Mise en scène par Georges Bilau en 2000 joué à la salle La Carrière à Saint-Herblain et reprise au Conservatoire de région à Nantes, Yannis Lagord en 2001 joué aux hivernales du Soleil levant à Saint Hublain.

    -La première fois

    -Un cafard : mise en scène de Yannis Lagord en 2001 et joué à la Faculté de médecine de Nantes

    -L'anti-miroir

    Ses textes L'exilé, La danse du pharaon, Bouge de là, ont fait l'objet de lecture publique en France.

    Nous pouvons remarquer, qu'aucune de ses pièces n'a obtenu une tournée. A part Un couple infernal, aucune de ses pièces n'a eu droit à une seconde représentation. Cela est dû à l'engagement de l'auteur qui touche souvent du doigt des questions qui dérangent.

    I-1-4) - Prix et nominations

    -Boursier de la fondation Beaumarchais, 2001

    -Boursier du CNL, 2002 et 2007

    -2005, Lauréat du prix SACD de la dramaturgie francophone pour L'exilé.

    -2010, SACD Prix Nouveau-Talent Théâtre

    II-) -Kouam Tawa44(*)

    Il est le trait d'union entre les précurseurs et les tous nouveaux venus. Il arrive sur la scène théâtrale et reste constant chaque année.

    II-1) -Présentation45(*)

    Kouam Tawa est né le 31 mai 1974 à Bafoussam dans l'Ouest du Cameroun, plus précisément à Bafoussam. Il y réside lorsque des contraintes artistiques ne l'emmènent pas sous d'autres cieux. Il est auteur dramatique, dramaturge conseillers dans des créations théâtrales. Il est également administrateur et metteur en scène pour la compagnie Feugham. Il se consacre également à la littérature et à l'animation d'atelier d'écriture pour le compte de l'Université de Paris 8 et le collège Eugénie Cotton d'Argentreuil en 2001, puis pour le 104 de Paris de janvier à Juillet 2007. Il est membre du Labo auteurs-metteurs en scène Folle pensée depuis 2002.

    Kouam écrit également de la poésie. Il découvre le théâtre à l'école en lisant des pièces de Molière, Racine, Corneille et aussi Césaire. Mais ce qui l'a amené vers l'écriture théâtrale c'est une cérémonie dans son village. En 1995, il y va et assiste à une cérémonie extraordinaire, une forme de justice qu'il n'imaginait pas et à l'issue de laquelle la prestation avait séduit le citadin qu'il était alors. Il va voir le chef de son village pour savoir à quand la prochaine pour pouvoir prendre des dispositions pour garder une trace de ce qu'il venait de voir. Le chef lui apprend alors que cette cérémonie n'aura plus lieu car la population préfère s'en remettre, en cas de conflit, à la police ou à la justice. Pour avoir vécu ce moment de communion intense, il a envie d'en rendre compte. Kouam voulant retransmettre cette histoire choisit le théâtre : c'est l'origine de Sacrilèges sa première pièce. C'est sa façon à lui de rendre compte de ce jugement à partir d'une histoire imaginaire pour tenir en haleine le lecteur comme le spectateur.

    II-2) -Son esthétique

    Kouam Tawa écrit en s'inspirant d'une citation de Kossi Efoui. « Au moment où nous écrivons il ne doit pas avoir de parole au-dessus de la nôtre, même pas celle de Dieu. » Parce que pour bien raconter une histoire, le meilleur moyen c'est qu'au moment où le dramaturge compose une pièce, qu'il ne laisse aucune parole assujettir la sienne. Ceci expliquerait la liberté et l'originalité de sa plume. Son autre force demeure dans la caractérisation de ses personnages. C'est ainsi qu'il crée des personnages qu'il refuse de manipuler. En d'autres termes, il n'impose pas ses envies au personnage. Il se laisse porter par ce que celui-ci lui suggère.

    II-3) -Ses oeuvres

    Les pièces de Kouam sont pour la plupart inédites :

    -Souïmanga, mis en scène de Wakeu Fogaing et Kouam Tawa, joué entre autre au festival international de théâtre et de marionnette de Ouagadougou (Burkina Faso)

    -Sacrilèges, mis en scène par Annie Lucas du Théâtre de folle pensée et joué à la Passerelle - Scène nationale de Saint-Brieuc en 2002

    -La trappe, mis en ondes par France culture dans une réalisation de Myron Meerson en 2002

    -Revanche, entre autres mis en scène par Mathieu Montanier pour la tournée du projet Pièces d'identités au Bénin, au Burkina Faso et au Niger en 2004

    -La boule de vent, commande d'Alexandre Koutchevsky dans Ciel à Bamako / Ciel à Ouaga en 2012

    Jacques Raymond Fofié nous donne un aperçu du travail de Kouam Tawa sur les pièces Par-delà le silence et Les fous du dépotoir (2011 :179-180)

    Il a aussi été dramaturge. Il s'agit de son travail de conseiller auprès d'un metteur en scène qui explique une oeuvre pour qu'elle soit mieux appréhendée pour la création éventuelle du spectacle.

    -Animal, texte de Roland Fichet mis en scène par frédéric Fisbach 2005.

    -Ndo Kela ou l'initiation avortée, texte de Koulsy Lamko mis en scène par Rodrigue Norman 2005.

    -Droit du sol ou le cahier d'un impossible retour, texte de Valérie Goma mis en scène par l'auteur 2006.

    -Ses mises en scène

    -Des cochons et des hommes de Roland Fichet en 2006.

    -Le revers de la haine de Wakeu Fogaing en 2007.

    II-4) - Prix et nominations

    -Bourse de l'association Beaumarchais en 2001

    -Bourse d'encouragement du Centre National du Livre en 2002

    -Bourse du programme en quête d'auteurs AFAA/Beaumarchais en 2002

    -Bourse d'aide à la création de la DMDTS en 2003 et 2006

    -Résidence au Festival International des théâtres francophones de Limoges

    -Résidence à la Cité Internationale des Arts de Paris

    -Prix ACCT de littérature africaine pour la jeunesse

    -Nominé pour le Prix RFI Théâtre en 2015, 2016, 2017, 2018

    Dans cette section, en plus des prix, les bourses et les résidences sont prises en compte. La raison c'est qu'aujourd'hui les bourses sont généralement en faveur d'auteurs qui se démarquent. Elles sont également dans de nombreux cas la conséquence d'un prix remporté par le dramaturge. En guise d'exemple nous pouvons citer :

    -Le prix RFI théâtre qui en plus de la dotation financière s'accompagne de deux résidences d'auteurs.

    -Le prix des inédits d'Afrique et d'Outremer qui s'accompagne d'une résidence d'auteur et d'une bourse.

    Cette section nous a permis d'être fixés quant aux précurseurs de la nouvelle écriture dramatique camerounaise contemporaine.

    Conclusion du chapitre

    Dans ce premier chapitre, il a été question de parcourir le théâtre camerounais de la colonisation jusqu'au début du troisième millénaire. Nous avons vu un théâtre où le dramaturge regardait le Cameroun à travers les yeux du colonisateur dont il magnifiait la culture au détriment de la sienne. Ensuite, ce théâtre s'est émancipé en puisant ses ressources dans sa culture. Les oeuvres de Werewere Liking en sont le reflet le plus pertinent. Le repli identitaire que connait le théâtre va le désolidariser de la société, car il le fige dans un passé, alors que la société se modernise. Dans un second temps nous avons parlé des précurseurs de la nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais contemporains. Il s'agit de Marcel Zang et de Kouam Tawa. Entre le théâtre de l'exil de Marcel Zang et les jeux de mots poétiques de Kouam, nous assistons à une rupture totale avec le théâtre de la recherche identitaire pour un autre qui prend en compte le monde du dramaturge et le contexte socio-politique qui est le sien : une société ouverte sur le monde. Ce bref aperçu historique a permis de connaitre l'origine et les mutations que l'écriture théâtrale camerounaise a subies au fil des années. Le théâtre a, en tout temps et en tous lieux, évolué avec son temps et ses réalités. Il a toujours su porter le sceau de sa société jusqu'au début du troisième millénaire. D'après André Marie Tsobé : « Un âge et une société en pleine mutation se reconnaissent dans leur théâtre. Les spectateurs viennent chercher au théâtre non pas une évasion ou une illusion, mais une image de leur vécu et de leurs valeurs qui soit aussi la confirmation vivante de leurs aspirations tant morales que sociales ».46(*) Nous avons pu voir que les oeuvres camerounaises connues ne corroborent pas toujours cette citation. Elles prennent en compte la camerounité, mais délaissent à tort l'universalité. Pourtant le camerounais d'aujourd'hui est un citoyen du monde et cela doit se refléter par son théâtre. Pour Jacques Raymond Fofié, le théâtre camerounais ne connait pas de crise, il entre dans le troisième millénaire : « On comprend que le théâtre camerounais entre au troisième millénaire et non en crise mais sur de nouvelles bases». (2011 : -63). C'est un avis que nous partageons pleinement, d'où la mise en lumière d'auteurs qui font les beaux jours du théâtre camerounais actuel. Une nouvelle vague d'auteurs dramatiques contemporains offrent un rayonnement au Cameroun. Le second chapitre illustrera des visages (celui des auteurs et celui de leur écriture) et des palmarès. Il présentera un théâtre camerounais francophone qui s'illustre par de nombreuses distinctions et ressortira ses caractéristiques.

    CHAPITRE II

    ECRITURE DRAMATIQUE CONTEMPORAINE CAMEROUNAISE : VISAGES, PALMARES ET CARACTERISTIQUES

    aA

    Dans le chapitre précédent, il a été question de vérifier l'hypothèse selon laquelle l'écriture dramatique camerounaise que nous connaissons aujourd'hui présente certaines insuffisances. En effet partir de l'époque coloniale, en passant par la crise identitaire et finir par le début des années 2000, nous a permis de relever un fait important : le théâtre mute en fonction de l'esprit de son temps et de sa société. Cette remarque faite, nous avons pu établir que la dramaturgie camerounaise a besoin de s'arrimerau Cameroun actuel. Celui-ci vibre au rythme d'internet, du satellite, de Novelas Tv, de la liberté d'expression, en un mot de la mondialisation. Etre Camerounais aujourd'hui c'est également être un citoyen du monde, un Camerounais avec des influences d'ici et d'ailleurs. Cet état devrait transparaitre dans la composition dramatique. Dans cette dernière, le dramaturge tient évidemment compte de lui, mais également de cet autre qui interagit avec lui. Ne pas tenir compte de cette variable c'est aboutir à une écriture en retard sur son temps, et en déphasage avec sa société. Valoriser son patrimoine culturel, passe aujourd'hui par l'altérité.47(*)Ne pas tenir compte de cette donnée fige le théâtre dans le passé et il arrête d'être compétitif. C'est malheureusement la caractéristique des oeuvres camerounaises contemporaines connues jusqu'ici. La thématique peut être actuelle mais si dans son traitement elle exclut l'autre, elle se referme sur elle-même et ne trouve pas de place dans le monde contemporain.

    Les artistes s'inspirant de leur univers, il existe une nouvelletendance de renouvellement de l'écriture dramatique camerounaise. Ce chapitre est le lieu de rencontre et de légitimation de ces dramaturges peu connus de la communauté scientifique et du public camerounais. Il prendra en compte l'hypothèse selon laquelle une fiche signalétique permet de connaitre ces auteurs. La section une, présentera leur visage : qui sont-ils ? Quel est leur palmarès ? La section deux, quant à elle dévoilera le visage de leur écriture : quelles sont ses caractéristiques ?

    SECTION I : LES AUTEURS DRAMATIQUES CAMEROUNAIS CONTEMPORAINS ET LEUR PALMARES

    A- Les figures de proue ou auteurs majeurs de la nouvelle vague

    Les informations consignées dans ce chapitre sont l'économie des différentes interviews et entretiens avec ces dramaturges et leurs proches : parents, amis, artistes et collègues. Nous commencerons par les leaders de cette écriture nouvelle de par son angle de traitement, son esthétique et sa cible qui est universelle.

    I-) -Edouard Elvis Bvouma48(*)

    I-1) -Présentation

    Né le 02 octobre 1982 à Kribi, Edouard Elvis Bvouma est un auteur, metteur en scène et comédien camerounais. Petit, il aimait regarder les livres depuis la vitrine d'une librairie non loin de son école primaire. Il admirait leur couverture. Son histoire avec l'Art de manière générale commence avec la peinture. Il réalisera plusieurs oeuvres mais ne sera jamais exposé. Il rencontre la scène grâce à Essindi Mindja49(*) avec lequel il commence l'aventure comme comédien. Peu après, Essindi décède en France en juillet 2005, pour Elvis c'est une page qui se ferme. Il est loin de se douter qu'il a été repéré par France Ngo Mbock50(*). Elle ira à sa recherche et l'invitera à rejoindre la Compagnie Diben qu'elle dirige alors. Il évolue en son sein comme comédien également. Il écrit en même temps de la poésie ce qui lui vaut la médaille d'or du concours de poésie du Bleuet International en 2006.

    Il devient passionné d'écriture et sa position de comédien lui confère l'envie d'écrire pour la scène. Il commencera par des sketches souvent co-écrit avec les autres membres de Diben, puis son écriture s'émancipera. Il continuera de peindre, avec les mots cette fois, la société qu'il observe avec ses yeux d'auteur. C'est ainsi qu'il passera de la poésie à la nouvelle, au roman, puis au théâtre. Il décide d'assumer totalement son travail d'artiste et il ne fait que ça. Choisir de faire de l'art une profession au Cameroun et plus encore « auteur », ne séduit personne et encore moins ses parents qui ont en plus beaucoup de mal à accepter son nouveau look : des dreads locks. Révolutionnaire dans le look et au-delà de tout par ses idées, ses amis le surnomment « le Che » en référence au Che Guevara51(*). Malgré ce surnom affectueux, il décide de signer ses oeuvres de son vrai nom.

    Loin de se laisser démonter par les critiques, Bvouma s'investira et mettra en oeuvre plusieurs moyens qui lui permettront d'aller à la conquête de son nouvel amour : l'écriture théâtrale. Son premier jet est Monopolar qui ne passera pas inaperçu. C'est le début de l'histoire d'amour de ce Camerounais avec la dramaturgie. Auteur prolifique, il sera amené à partager son expérience au travers d'ateliers d'écriture théâtrale qu'il dirige au Cameroun et sous d'autres cieux. Il cofondera avec Ousmanou Sali le Zouria théâtre et sera le promoteur du Contexthéâtral, un chantier d'écriture contemporaine qui se tient à Yaoundé depuis 2013. Son talent incontestable, lui permettra aussi d'écrire des séries courtes comiques pour la télévision.

    Bien que non-éditée, sa pièce Monopolarsera sélectionner aux Récréatrales52(*) à Ouagadougou. La proposition de mise en scène envisagée par Valery Ndongo ne sera pas retenue pour la suite mais le texte fera parler de lui et de cet auteur venu de nulle part. La pièce sera néanmoins mise en scène plus tard par Valéry Ndongo, qui tient toujours à son projet, et jouée au Centre Culturel Français de Yaoundé et de Douala. Pendant la même période, un autre texte de Bvouma, Les Martyrans, est mis en scène cette fois par Serges Fouha. D'abord programmée au Centre culturel français de Yaoundé, cette représentation fera l'objet d'une tournée à Yaoundé, à Douala et en France. Le public et le monde du théâtre se demandent « qui est cet auteur talentueux qui est monté par les jeunes metteurs en scène ? ». Loin de s'arrêter là, notre auteur va continuer d'affuter ses armes : ateliers d'écriture, Stages, et résidences, lui permettent de se bâtir.

    Bvouma fait la rencontre d'Alfred Dogbé53(*). Ce dernier donnera un conseil qui va encore ajouter une nouvelle corde à l'arc de notre désormais comédien-auteur : « Si tu veux que ton écriture existe, met tes textes en scène, c'est ce que j'ai fait moi-même ». En effet, après Monopolar et Les Matyrans, portés à la scène par ses amis du théâtre, Bwouma écrit mais il n'existe plus sur les plateaux. C'est un problème quand on sait que la notoriété d'un auteur dramatique aujourd'hui c'est sa capacité à se faire jouer. Anne Ubersfeld54(*) le dit si bien « Le théâtre n'accède à l'existence que joué ». Qui pour faire exister Edouard Elvis Bvouma ? Pouvons-nous nous demander pour paraphraser Anne Ubersfeld. Qui pour faire exister son théâtre ? En effet Valery Ndongo se tourne vers, un art émergent, le Stand-up et Serges Fouha a quitté le pays. Les propos de Dogbé, raisonnent dans l'esprit de l'auteur mais ont, dans un premier temps, beaucoup de mal à être appliqués. En effet, il sort de l'école de France Ngo Mbock citée ici par Bvouma : « on ne s'improvise pas metteur en scène, il faut d'abord avoir bien roulé sa bosse sur les planches ».

    Un peu plus tard en 2010, il écrit Petit à petitl'oiseau perd son nid. Cette pièce attirera le regard d'un promoteur culturel qui se proposera de financer et de tout mettre en oeuvre pour la création et la tournée effective d'un spectacle. Le projet tombe à l'eau car le promoteur ne s'y investit pas comme conclu. Pourtant Bvouma se voyait déjà jouersur plusieurs scènes. Cette mésaventure lui fera se remémorer les propos de Dogbé. C'est décidé : il veut mettre en scène même s'il n'a pas fait les planches assez longtemps. Il met sur pied une petite équipe et se concentre sur la création du projet que le promoteur n'a pas conduit à son terme. Pendant qu'ils sont en résidence de création, le Goethe Institut de Yaoundé lance un concours de mise en scène pour son cinquantenaire au Cameroun. Ambitieux, Bvouma voit en cet appel, une occasion d'éprouver ses aptitudes dans la fonction de metteur en scène. Son équipe et lui mettent en stand-by le travail sur Petit à petit l'oiseau perd son nid et vont à la quête du titre. Il est question pour tous les participants de proposer lamise en scène d'un extrait de l'oeuvre Iphigénie en Tauride de Goethe imposé par le concours. A la clé, la possibilité de monter tout le spectacle qui sera joué au Goethe Institut de Yaoundé et une enveloppe. La mise en scène de Bvouma remportera le concours devant celle de professionnels plus aguerris tels que Jacobin Yarro, Junior Esseba, Annie Tchawack...en 2011. Il se remettra sur la création de Petit à petit, l'oiseau perd sonnid. La pièce jouée au Centre Culturel Français sera un succès. Elle sera représentée plusieurs fois à Yaoundé, Douala, Ndjamena et Kinshasa. Il faut noter que ces spectacles naissent sous le sceau de la Cie Zouria Théâtre qu'il co-fonde avec Ousmanou Sali. Il renouvèlera l'expérience en 2013 avec son texte Le Deal des Leaders et en 2014 avec L'assemblée des Femmes deAristophane. Le conseil de Dogbé avait porté des fruits : les textes de Bvouma seront lus, mise en espace, ou créés en Afrique, en Europe et aux Etats-Unis.

    Comme avec l'écriture, Bvouma se diversifie. Il met en scène des spectacles de stand-up à succès qui tournent. Il s'agite de Don't Cry, Stand up ! (2014) et Je suis Charlotte (2017) ; deux one woman show de Charlotte Ntamack. En 2018, il met en scène l'humoriste camerounais Petit gougou dans son one man show Si jeunesse savait...

    Bvouma réussit à tirer son épingle du jeu dans un contexte hostile au théâtre. En effet depuis plusieurs années, le théâtre au Cameroun traverse une crise. Il n'y a plus d'espaces de création et de performance, plus de salles de spectacles, pas de Théâtre. Il restait quelques festivals agonisants qui ont fini par s'essouffler. Plusieurs théâtraux : acteurs, metteurs en scène, sont partis vivre hors du pays. Les actrices se marient et abandonnent le théâtre. Sa génération se bat pour que par la passion, vive le théâtre. Pour emprunter l'expression au dramaturge congolais, Dieudonné Niangouna, cette génération fait de la « résistance théâtrale ». Bvouma fait partie de ces auteurs qui apportent un nouveau souffle au théâtre camerounais au-delà du manque d'infrastructures et de politique culturelle. C'est parce qu'il est plein d'espoir en l'avenir de ce théâtre qu'il ne cesse d'écrire, mais aussi de penser des stratégies pour participer à une redynamisation de celui-ci. C'est dans cette optique qu'il promeut le « Contexthéâtral » qu'il définit lui-même comme un chantier d'écritures contemporaines. Il est important pour lui de parler au public camerounais, mais également à tous ceux du monde.

    I-2) -Son esthétique

    Il dira lors de notre entretien : « Je suis plus intéressé par un théâtre qui parle à tout le monde, mais à partir du point de départ de ma propre réalité...Je suis plus intéressé par « le travail » qui dit quelque chose sur moi, mais qui peut aussi parler à tout le monde ».

    « Il peut y avoir un manque d'intérêt du public pour les nouvelles pièces, mais ce n'est pas nécessairement le thème qui pose problème ; c'est la forme. Le problème c'est que les artistes essaient d'apprendre d'autres formes très rapidement. Ils essaient de les déconstruire sans les avoir construites pour commencer. Il ne faut pas oublier que le théâtre camerounais ne s'est développé que récemment. Le premier jeu camerounais ; Trois prétendants...un mari de Guillaume Oyono Mbia a été réalisé en 1960 ».

    Edouard Elvis Bvouma estime que le théâtre camerounais est jeune donc son public aussi. Pour lui, il n'est pas question de transposer un modèle vu ailleurs « juste comme ça » au risque de perdre l'intérêt d'un lecteur ou d'un spectateur potentiel, pourtant il pouvait être investi. C'est pourquoi il puise d'une manière particulière dans son vécu au Cameroun. Il est influencé par son quotidien. La « langue » qu'il utilise pour peindre l'univers dans lequel il nous plonge, clame son universalité au travers d'une simplicité apparente qui cache pourtant un second degré plus complexe. « Mon rêve serait que même si je parle de l'Afrique, que ça ne soit pas étiqueté « africain ». Quand je lis Roméo et Juliette de Shakespeare, qui se déroule en Italie, je ne vois aucun pays. »

    Lorsque Bvouma écrit, il veut relever un défi : celui de l'écriture d'un théâtre compétitif à l'international mais qui est accessible aux Camerounais. Dur challenge qui lui réussit néanmoins comme le témoignent à suffisance toutes ses nominations et distinctions.

    Edouard Elvis Bvouma, est un auteur talentueux c'est incontestable. Dès le début de sa carrière, il s'est fait remarquer par un style et une plume engagée.

    I-3) -Les oeuvres

    a°) -Publications

    - La poupée barbue (Théâtre) Lansman, 2018

    - A la guerre comme à la Game Boy (théâtre) Lansman, 2017

    - L'abominable homme des rêves (théâtre) in Contemporain Cameroun, Ifrikiya, 2012

    b°) -OEuvres inédites

    Nous pouvons nous rendre compte qu'il n'y a quelques pièces théâtrales de l'auteur qui sont passées à l'édition. Il a été édité en tant que romancier, nouvelliste et poète. Ces genres ne faisant pas l'objet de cette étude, nous n'épiloguerons pas sur eux. La mise en scène nous révèle d'autres pièces inédites de Bvouma. Une fois encore nous pouvons corroborer la citation d'Ubersfeld qui voudrait que le théâtre existe dès lors qu'il passe sur la scène. C'est ainsi que nous avons:

    -Monopolar

    -Les Martyrans

    -Le Deal des Leaders

    -Black neige et les sept nègres

    -Petit à petit l'oiseau perd son nid

    -Un péché si mignon

    -Je déteste le théâtre

    -Pauvre riche

    -Zone franc(h)e

    -In war as in games version anglaise de A la Guerre comme à la Game boy

    Edouard Elvis aime le théâtre et ce dernier le lui rend bien. Les lauriers qui jonchent son parcours le montrent à suffisance.

    I-4) -Prix, nominations et résidences

    Edouard Elvis Bvouma est lauréat de plusieurs bourses et programmes de résidences, notamment :

    - Résidence d'écriture à la Maison des Auteurs des Francophonies à Limoges (Mai-Juin 2018)

    - Résidence d'écriture à la Cité du Mot (Charité-Sur-Loire) dans le cadre du programme Odyssée-ACCR, avec le soutien du ministère français de la culture et de la communication (Septembre-Décembre 2017)

    - Résidence à la Cité des Récollets, en partenariat avec la Cie Issue de Secours et la Ville de Paris, dans le cadre du Prix de l'Inédit d'Afrique et Outremer (Avril-Mai 2017)

    - Résidence l'Univers des Mots au Théâtre des Doms à Avignon, (Mars 2017)

    - Résidence d'auteurs dramatiques en Valais à Monthey en Suisse (Janvier-Février 2017)

    - formation à l'écriture de séries courtes comiques par CFI et Canal+ à Abidjan (Jan. 2016)

    - Résidence d'écriture à la Saline Royale d'Arc-et-Senans et à la Maison du comédien Maria Casarès, dans le cadre du programme Odyssée-ACCR, avec le soutien du ministère français de la culture et de la communication (Octobre-Novembre 2015)

    - Assistant à la mise en scène sur la création de La Place Royale de Corneille, mise en scène de François Rancillac au Théâtre de l'Aquarium à Paris. (Novembre 2014-Jan 2015)

    - Résidence d'écriture l'Univers des Mots à Conakry (Avril-Mai 2012)

    - Résidence d'écriture au Tarmac des Auteurs à Kinshasa en RDC dans le cadre du programme Visa pour la création de l'Institut Français (Mai-Aout 2010)

    - Résidence d'écriture au Tarmac de la Villette à Paris (Avril-Mai 2010)

    - Résidence les Récréâtrales à Ouagadougou au Burkina Faso (2008, 2010, 2014)

    -Lauréat des Grands prix Afrique du théâtre francophone 2010

    - Lauréat du programme Visa pour la création de l'Institut français, 2010

    - Premier prix du concours de mise en scène organisé dans le cadre du cinquantenaire de l'Institut Goethe au Cameroun, 2011

    - Prix du meilleur texte de l'Univers des Mots, 2012

    - Finaliste du concours de littérature, VIIème édition des Jeux de la francophonie, 2013

    - Mention spéciale du prix littéraire Alain Décaux de la francophonie, 2014

    - Lauréat du programme Odyssée-ACCR du ministère français de la culture, 2015

    - Lauréat du Prix des Inédits d'Afrique et outremer, 2016

    - Lauréat du prix SACD 55(*)de la dramaturgie francophone avec sa pièce de théâtre A la Guerre comme à la Gameboyen septembre 2016. Cette pièce sera lue au festival d'Avignon dans le cadre du programme RFI56(*) « ça va, ça va le monde!».

    - Lauréat du programme Odyssée-ACCR du ministère français de la culture, 2017

    - Lauréat du programme de résidence Ville de Paris aux Récollets, 2017

    - Lauréat du Prix RFI Théâtre en 2017, La Poupée Barbue. Une fois de plus, il sera au festival d'Avignon, dans le programme « ça va, ça va le monde » de RFI, le 18 juillet 2018

    -Lauréat du prix Eclat de coeur, remis par le comité de lecture de l'Eclat de Scène, 2018

    -Prix Libbilyt en 2018

    -Chevalier dans l'ordre du mérite camerounais en 2019.

    II-) -Sufo Sufo57(*)

    II-1) -Présentation

    Né en 1983 à Bafoussam, il est d'abord comédien, puis metteur en scène et enfin auteur dès 2009. Pour quelqu'un qui n'aimait pas le théâtre au lycée parce qu'il le trouvait difficile, la plume de Sufo Sufo surprend agréablement. Sa rencontre avec le théâtre, puis son amour pour lui sont le fruit d'un heureux hasard. Séduit par un spectacle mis en scène par Elise Mballa au Centre culturel français de Yaoundé, il décide d'y revenir de temps en temps. En effet, les lumières, les costumes, le jeu des comédiens, pendant la représentation de L'âme de la danse, ont eu un effet boule de neige sur notre futur comédien. Jusqu'ici, Sufo est un jeune homme qui « se débrouille » comme on dit au Cameroun. Il fait de petits boulots par-ci, par-là pour gagner sa vie, mais aussi pour passer ses journées. Lorsqu'il sort du Théâtre ce soir-là, il sait une chose : cet univers l'appelle. C'est ainsi qu'il décide de partir à la recherche de tous ces jeunes, qui par leur passion, venaient de semer en lui une graine : celle du théâtre. Il les retrouvera à « OYENGA », un espace culturel de la capitale politique du Cameroun  qui n'existe d'ailleurs plus aujourd'hui. En plein air, des artistes de tout bord s'y retrouvaient, qui pour danser, qui pour chanter, pour peindre, pour répéter un rôle...Sufo se mêle au groupe et se fait repérer par Martin Ambara qui lui donnera son premier rôle. « Habitué comme la plupart des Camerounais au théâtre de kankan ou de Moktoï, je découvre un autre univers, un autre théâtre qui ne fait pas rire, mais qui interroge ». Avec Ambara, ils joueront aux scènes d'Ebène et à la maison des jeunes et de la culture de Douala. Il continuera à évoluer sur scène dans différents rôles, puis lui viendra l'envie de faire une mise en espace. Il choisit un texte de Dieudonné Niangouna58(*) en 2007: Carré Blanc. Enfin il se consacre à la mise en scène. D'abord, un spectacle jeune public, Le Petit Prince de Saint Exupéry, puis Sacrilèges de Kouam Tawa. Sufo se plait au théâtre et s'y investit chaque jour un peu plus. Il finira par se mettre à l'écriture. Un premier texte L'équation du Chimiste voit le jour. Ce texte ne fera l'objet d'aucune mise en espace mais lui permettra d'attirer l'attention de ses amis du théâtre sur son écriture. Ils sont ses premiers critiques. Plusieurs textes verront le jour...Certains plus aboutis que d'autres. « A mes débuts, j'écrivais plus pour épater mes amis. Je faisais de la recherche sur des mots difficiles pour les utiliser ensuite ». L'auteur prend progressivement corps et trouve ses marques. En 2010, avec cinq autres collègues ils organisent une résidence d'auteurs à Bonandalè dans la ville de Douala. Il s'agit d' Eméry Noudjep, Eric Delphin Kwegoué, Boto, Alvarez Dissaké. De cette résidence naît Contrat de construction et destruction puissance 3. Il propose de monter le spectacle de cette pièce pour le Goethe café. Les retours sont favorables. Le public perçoit enfin un sens, et trouve des points d'accroche dans son écriture. Néanmoins, la couleur abstraite de ses lignes donne un visage hermétique à sa plume. Après le Goethe, l'alliance française de Garoua accueille la représentation, dans le cadre du festival des théâtres du sahel. Sufo continue à monter sur scène comme comédien et écrit en parallèle des textes pour spectacles pour enfants. Il joue dans la pièce, L'os de Mor Lam, mis en scène par junior Esséba, aux scènes d'ébène. De 2009 à 2012, il se consacre simultanément à un programme qu'il baptise « scènes expérimentales » avec sa compagnie Pyramide Anu Millénaire. Il fera une tournée africaine avec le spectacle Les deux Frères, une pièce écrite par Séverin Cécile Abéga mise en scène par Marlyse Bete. Sufo continue d'écrire mais reste fidèle à la scène. Discours des hommes libresécrit sur le plateau par Sufo, lui permet de créer un spectacle qui sera joué en France, à Kinshasa et au Cameroun. Il participe au Contexthéâtral en 2013 et écrit Croisement sur l'échelle de Richter. Le texte sera sélectionné pour le prix des Inédits d'Afrique et Outremer, finaliste RFI théâtre en 2014, mis en espace en 2015 dans le cadre du Contexthéâtral par Bertrand Baleguel, puis mis en scène par Tamar Tientcheu. Je suis libre, donc je danse est publiée en 2013 aux éditions Scènes d'Ebène dans la collection Les dramaticules. C'est l'entrée de son écriture dans le réseau professionnel. Il est finaliste de la bourse d'écriture de la biennale L'univers des mots en République de Guinée. De la mémoire des errants y est sacré lauréat. Cette pièce sera montée par la metteure en scène guinéenne Rouguiatou Camara. Elle sera également finaliste du prix RFI Théâtre 2015.

    Il sera lauréat de la bourse Visa pour la création. Au sortir de cette résidence, Haute cours 6600 naitra. Cette oeuvre fera l'objet d'une mise en espace au Tarmac des hauteurs de Kinshasa, Sélectionné par le comité de lecture Eclats en scènede France. C'est son premier texte qui fera l'objet d'une édition en Europe chez ETGSO mais aussi aux éditions Scènes d'ébène au Cameroun. En fin 2016, il obtient une autre résidence à la maison des auteurs de Limoges, sa pièce Debout un pied voit le jour. Ce texte est une fois de plus finaliste au prix RFI Théâtre 2017, puis reçoit le prix SACD de la dramaturgie francophone en 2017. La pièce sera mise en scène par l'auteur lui-même. Elle est sélectionnée par plusieurs comités de lecture et mise en espace au Togo par Joël Ajavon et à Conakry, lors de L'univers des mots 2017, lu en France, et en suisse où il a fait l'objet d'un travail de plateau avec des comédiens sous la direction de Michel Cochet. Debout un Pied reçoit également le prix des Ecrivains Associé du théâtre en 2018. Les voyages de Sufo dans le monde vont lui permettre de rencontrer les auteurs français Gianni-Gregory Fornet et le canadien Martin Bellemar, ensemble ils coécrivent Par tes yeux. Ce projet sera présenté au Canada au festival JAMAIS LU de Montréal ainsi qu'au festival Nouvelles Zébrures. Le projet d'écriture achevé, le spectacle est créé au 35e festival des Francophonie en Limousin et tourne dans les pays des trois différents auteurs en 2018. Il écrit de courtes pièces jeunes- public en Pologne lors des résidences du 10/10 et qui paraissent chez DRAMEDITION.

    En 2017, il travaillera également avec l'Association Internationale de Théâtre pour Enfants en Afrique du Sud.

    II-2) -Son esthétique

    La langue que Sufo utilise dans l'écriture de ses textes est parfois simple, parfois complexe, mais une chose est sure elle n'est pas toujours facile à appréhender aux premiers abords. Il arrive souvent, qu'il mette en scène ses pièces ce qui explique pourquoi de son regard, il y a une étroite relation entre la pensée de l'auteur et la représentation. Pour Sufo, qu'elle soit textuelle ou scénique, l'écriture du théâtre doit amener à penser car pour lui le changement passe par le renouvellement perpétuel de la pensée. D'après Sufo, « on doit pouvoir traverser l'étape du divertissement afin que par le théâtre, le public se questionne ». Selon lui, la révolution culturelle passe par un renouvellement de la pensée. Pour l'auteur, écrire c'est « une façon de renouveler les choses à chaque fois, montrer que les choses évoluent vers... ». L'idée c'est que le monde mute avec des idées que l'on creuse et que l'on met en lumière. L'auteur projette l'Homme dans le domaine de la pensée, sans écriture, il n'y a pas de cycle de la vie. Tout comme le dramaturge, le metteur en scène doit canaliser l'imaginaire du spectateur pour qu'il entre dans la pensée de l'auteur. Pour Sufo, l'Afrique ne se développe pas au rythme que l'on souhaiterait, car elle ne pense pas assez. Il n'est donc pas question d'utiliser des « écritures  infantiles » pour faciliter la compréhension, mais il faut plutôt écrire pour que les lecteurs s'exercent à la pensée, à la recherche et qu'ils puissent ainsi grandir.

    II-3) -Les oeuvres

    a°) -Les publications

    -Debout un pied, Editions Espace 34, 2018

    -Ceux qui voulaient arrêter le temps, Semences, Quelques heures au centre de la terre, Le taille crayon, éditions DRaMedition, Pologne, 2017

    -Haute cour 6600, Editions scènes d'ébène, Cameroun et ETGSO, France, 2016

    -Barrière des mondes, éditionsL'Harmattan-Cameroun, 2016

    -Je suis Libre donc je danse, Editions Koz'ART, Cameroun, 2013

    b°) -Ses mises en scène

    Carré Blanc en 2007, il entame par une mise en espace d'un texte de Dieudonné Niangouna,

    Le temps d'une cigarette, Martin Ambara,

    Sacrilèges de Kwam Tawa,

    Premier contrat de construction et de déconstruction puissance 3, Sufo Sufo

    Debout un Pied, Sufo Sufo

    II-4)- Prix et nominations

    -Prix des écrivains associés du théâtre 2018 avec Debout un Pied

    -Finaliste RFI théâtre 2018, De la fabrication de l'homme

    -Sélectionné par le bureau des lecteurs de la comédie française 2018 avec Debout un Pied

    -Sélectionné par le comité de lecture à mots découverts 2017, Debout un Pied

    -Prix SACD de la dramaturgie française avec 2017 Debout un Pied

    - Finaliste RFI théâtre 2017, Debout un pied

    - Sélectionné pour le prix Inédits d'Afrique et Outremer 2016 De la mémoire des errants

    - Finaliste RFI théâtre 2016, Haute Cour 6600

    - Finaliste RFI théâtre 2015 De la mémoire des errants

    -Finaliste RFI théâtre 2014, Croisement sur l'échelle de Richter

    -Lauréat univers des mots 2014, De la mémoire des errants

    -Finalistedu prix Inédits d'Afrique et Outremers 2014, Maman on frappe chez lavoisine

    -Sélectionné pour le Prix du jardin d'Arlequin

    -Sélectionné pour le prix Godot des lycéens

    III-) -Martin Ambara59(*)

    III-1) -Présentation

    Martin Ambara est né le 11 février 1970 à Yaoundé. Il parle du théâtre comme cette « chose » qui lui a sauvé la vie. Son aventure avec l'art théâtral commence il y a 17 ans. Il débute comme comédien et joue dans plusieurs spectacles. Le théâtre ne nourrissant pas encore son homme, Ambara tient en parallèle ce qu'au Cameroun on appelle un « tourne dos » en plein centre-ville de Yaoundé, précisément au niveau de la Cathédrale. C'est ainsi qu'un de ses amis lui fera une remarque qui va bouleverser sa vie. « Martin tu es talentueux mais tu n'as aucune culture théâtrale ». Cette réflexion, blessante et vraie à la fois, va le décider à s'inscrire à la bibliothèque du Centre Culturel Français pour s'instruire sur le théâtre. Il dévore les oeuvres et rencontre les auteurs Beckett, Ionesco et des courants de pensées qui révolutionnent et nourrissent l'homme de théâtre en devenir. Dans cette nouvelle quête qui est la sienne, un jour, il rencontre Wakeu Fogaing qui lui présentera « un jeune Kouam Tawa qui avait une bibliothèque fournie et qui écrivait déjà beaucoup ». Ils vont se rencontrer et discuter de leurs lectures. Kouam sera touché par la grande culture d'Ambara et va lui proposer de verser de la poésie sur du papier. Cette suggestion de Kouam rencontre cette soif de « dire » de Martin Ambara qui s'exprimait jusqu'alors par sa manière de porter son rôle de comédien. C'est ainsi que, sous le prétexte d'un texte, il va exprimer sa frustration et toutes les choses qui se mouvaient en lui.

    Il ira à Bafoussam et y restera un an et demi pour échanger avec un cercle d'amis sur l'urgence d'une écriture nouvelle. C'est ainsi qu'il découvre Souïmanga, un « très beau texte » de théâtre de Kouam Tawa, pour reprendre ses mots. Il est séduit par cette histoire qui plane entre épopée et réalité. Il décide alors de se lancer dans cet univers de l'écriture théâtrale pour laisser vivre cet intérieur qui le brûle et qui soupire d'être entendu. Son premier monologue voit le jour et on découvre une parole enragée et chargée d'énergie. Il le met en scène. Il est joué pour la première fois à l'alliance française de Dschang au Cameroun. C'est le début d'une longue histoire d'amour entre Martin Ambara, jusqu'alors comédien talentueux, avec l'écriture et la mise en scène. Le théâtre est sa raison d'y croire et sa plume d'auteur son exutoire. Dix-sept ans plus tard, Martin Ambara anime des ateliers de Théâtre partout où l'occasion lui est donnée en Afrique et en Europe. Il joue également du mvet et est très attaché aux mythologies qui sont généralement la toile de fond de toutes ses pièces. Il est comédien, metteur en scène et conteur. Ambara est le Directeur du Laboratoire de Théâtre Othni de Yaoundé. C'est un espace artistique qui reçoit des spectacles de théâtre, conte, musique et performance. C'est également un laboratoire expérimental artistique où on forme des comédiens. Il abrite également un espace pour résidence d'artistes. Au moment de notre entretien pour cette recherche, l'auteur est dans un questionnement qui le pousse à la réécriture de la majorité de ses anciens textes. Fofié soutenant que « le théâtre ne s'affirme comme théâtre que joué » (2011 : 209) nous dirons qu'il compte à son actif une vingtaine de pièces bien que non éditées pour la plupart d'entre elles.

    III-2) -Son esthétique

    « Comment ne pas mourir ?» C'est la question qui taraude l'esprit de Martin Ambara. L'écriture lui donne un lieu pour réaliser une catharsis. A une époque de sa vie, l'univers dans lequel il évolue le rend instable. Il est en plein Yaoundé au lendemain de la crise économique, sans promesse d'espoir certain. Les diplômés ne trouvent pas de travail et Ambara arrête ses études en classe de Terminale car il ne peut plus les payer. Cette situation l'affecte et devant lui deux options : le suicide ou le village. Le théâtre vole à son secours et lui sert de punching-ball. Ses frustrations, sa rage, sa peur du monde et la mort transparaissent dans cette parole qui émane d'un intérieur qui a soif de vie. Dans la plupart de ses textes, il suicide ses personnages. C'est comme un rituel pour que jamais la mort ne l'emporte sur la vie. Sa plume est complexe et noire. Entre ses lignes, la vie n'est jamais rose. Il s'interroge continuellement sur la mort qu'il confronte à chaque fois. Martin Ambara opère une épuration de soi au travers de ses écrits. Il plonge à l'intérieur de nos peurs et puise dans les mythologies son essence. Il prend la parole et les seules conventions qui lui importent sont les siennes. « Je rêve d'expérimenter de nouvelles formes de théâtre et d'échanger ces expériences avec d'autres. » Il interroge des formes artistiques telles que la danse, la sculpture, la peinture, la photographie, le cinéma, la vidéo. Pour lui, puiser en elles, serait susceptible de contribuer au renouvellement de l'esthétique théâtrale d'aujourd'hui. A cela il ajoute la mythologie africaine qui selon lui n'a pas encore été assez explorée. Martin Ambara est le directeur-fondateur de la troupe Les Ménestrels depuis 1999.

    III-3) -Les oeuvres

    a°) -Publications

    -Roméo et Juliette...Assez !, éditions Proximité Yaoundé, 2017.

    -L'épique des héroïques, in Ecritures d'Afrique, dramaturgies contemporaines, Cultures France, 2007.

    b°) -Pièces inédites

    Les textes de Martin Ambara sont des inédits qui pour la plupart sont mise en scène par lui-même:

    -Les Osiriades S.G 21 ; Condamnés à vie ; Impératif absent ; Jusqu'au bout de l'absurde ; Accent si complexe ; Actes neuf, scène dernière ; Le mono-délire de la rue case-tout ; Cocktail de vie ; Le temps d'une cigarette ; Qui a tué Monsieur Zyed ; Un couple dans la case d'en face ; L'étrange destin de Pablo ; Episposture ; Al Mustapha ; Black Django ; Traduit de l'hémoglobine.

    III-4-) -Prix et nominations

    -Nominé pour le prix RFI-Théâtre 2017 : Apocalypse qui ?

    -Boursier du Nrw Kultusekretariats en Allemagne en 2010

    -Résidence à la maison des auteurs de Limoges en 2009

    -Boursier du centre national du livre de Paris en 2008

    -Lauréat de la bourse visa pour la création 2006

    B-) -Autres représentants de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine

    Après les figures de proue de ce mouvement que sont Edouard Elvis Bvouma, Sufo Sufo et Martin Ambara ; nous allons découvrir d'autres auteurs qui arpentent également le sentier de l'écriture camerounaise contemporaine. Il ne faut cependant pas oublier Kouam Tawa toujours présent comme nous le montrera plus tard le palmarès du Prix RFI théâtre.

    I-) -Eric Delphin Kwegoue60(*)

    I-1) -Présentation

    Eric Delphin Kwegoué arrive dans le théâtre en 2000 à la maison des jeunes et de la culture de Douala. Il est initié à la mise en scène par André Bang. Poussé par le besoin de s'exprimer, en 2002, il décide d'écrire et de monter sa pièceTout un mystère. Il la jouera dans certains espaces de Douala et le public pourra voir sur scène des masques et entendre un texte doté d'une énorme spiritualité. Cette pièce lui vaudra un prix de théâtre amateur. En voyant ce spectacle, André Bang informera son poulain sur l'empreinte rituelle de son écriture et lui parlera de Werewere Liking. Il fera la rencontre de maître Mwambayi un Congolais auprès de qui il va parfaire son approche de la mise en scène de ce genre théâtral. Il lira également beaucoup Werewere Liking avec laquelle il échangera plusieurs fois. Il montera plusieurs de ses pièces dont Orphée. Il en proposera une réécriture. C'est une pièce de théâtre rituel tant dans le fond que sur la forme. Kwegoué écrit et monte plusieurs pièces de théâtre expérimentales. Eric Delphin Kwegoué traversera des moments difficiles dans sa vie au point où il en arrive à penser au suicide. Poussé par cette envie morbide, il écrira en 2008 la pièce qui lui ouvre le monde de l'écriture dramatique professionnelle : L'ombre de mon propre vampire. C'est le début d'une nouvelle vie, il retrouve l'espoir. Ce texte lui vaudra une nomination au Grand Prix Afrique du théâtre francophone. Il en fait en 2011 un spectacle performance dont les instituts français de Yaoundé et Douala accueilleront les représentations. Elle est également jouée à Cotonou. Une écriture mêlée de spiritualité où le rituel prend le pouvoir se révèle une fois de plus au public. L'auteur en parle comme d'une écriture expérimentale à la recherche de l'humain. La thématique et la démarche esthétique abordées dévoile une plume hermétique qui n'est pas d'accès facile aux premiers abords.

    En 2014, il est retenu pour une résidence d'auteur en France pendant laquelle il découvre le théâtre documentaire. Cette rencontre avec ce nouveau genre change sa vision du théâtre : « Ma rencontre avec le théâtre documentaire a été quelque chose de très fort pour moi, car j'explore la question de la recherche du public ». En effet le théâtre documentaire est un théâtre qui s'adresse directement à un public. Il est question de traiter d'une thématique qui aborde les questions essentielles de la vie. Il a remarqué que le théâtre était de moins en moins lu parce que plusieurs démarches contemporaines sont très hermétiques. Il décide de s'investir dans le genre documentaire car dit-il : « écrire c'est essentiel, nécessaire et urgent : « Je veux que mon théâtre parle à un public ». Néanmoins il garde dans son tiroir de nombreuses pièces de théâtre rituel, qu'il qualifie de théâtre expérimental, pour les faire éditer un jour, quand son nom sera devenu incontournable dans l'écriture et que l'on pourra donner du crédit à ce travail.

    Eric Delphin Kwégoué crée et dirige la compagnie professionnelle Koz'art avec laquelle il fait deux mises en scène par an. Dans l'environnement difficile du théâtre au Cameroun, pour exister, sa compagnie anime des mariages, des arbres de Noël, des anniversaires, et fait des spectacles d'échasses. Il est également comédien et éditeur.

    I-2) -Son esthétique

    Dans les débuts de sa carrière d'auteur, c'est la spiritualité qui guide son esthétique. Toutes les pièces qu'il écrit avant de rencontrer le théâtre documentaire sont marquées de ce sceau. Dans sa pièce la plus connue, L'ombre de mon propre vampire, l'auteur nous parle de ses frustrations qui, à un moment, l'ont poussé à vouloir se suicider. Il ressort que la vie ne s'arrête pas toujours là où on pense et qu'il y a toujours une entité subliminale qui guide tout. En 2014, il aborde le théâtre documentaire. La première pièce qu'il écrit est : Autopsie d'une poubelle. Il s'approprie les évènements de février 2008 au Cameroun qui avaient conduit à de graves émeutes.

    I-3-) -Les oeuvres

    a°) -Publications

    -L'ombre de mon propre vampire, in Contemporain Cameroun, Ifrikiya, Yaoundé, 2011

    -Les génétiques, in Les dramaticules, Les éditions Scène d'Ebène, Koz'art, Douala, 2014

    -Autopsie d'une poubelle, éditions théâtrales du grand Sud-Ouest, 2016

    -Out, Ecritures théâtrales du Grand Sud-Ouest, 2016

    -Comme un goût de sang, édition du Tarmac, 2018

    -Igonshua ou jamais sans eux, Lansman éditeurs, 2019

    b°) -Pièces inédites

    Nous pouvons également citer des oeuvres non éditées mais qui ont fait l'objet de mises en scène au Cameroun et ailleurs:

    -Tout un mystère, créée en 2002

    -Mille maux un destin, créée en 2003

    -Pressentiment à vif, mise en lecture en 2015en France

    I-4) -Prix et nominations

    -Lauréat visa pour la création en 2011

    -Lauréat du prix des inédits d'Afrique et Outremer 2017

    -Sélectionné par le comité de lecture Jeunes textes en liberté, 2019

    -Lauréat de la bourse Egide du service d'action culturelle de l'Ambassade de France.

    II-) -Nicaise Magloire Wegang61(*)

    II-1) -Présentation

    Un très bref échange avec Nicaise Magloire Wegang nous a permis de glaner quelques informations. Née le 17 février 1984 à Yaoundé, Nicaise Magloire Wegang est d'abord comédienne puis auteure. Aujourd'hui, ayant accédé à de très hautes responsabilités, il est devenu vraiment difficile pour notre artiste de continuer à s'exprimer en tant que dramaturge. Elle le dit d'ailleurs elle-même « Il n'y a plus vraiment le temps d'écrire, un auteur a besoin de se retirer un moment, il a besoin de temps, il a besoin de calme et c'est quelque chose qui est devenu une sorte de luxe». Le dépôt et le désir demeurent, mais le temps matériel lui fait défaut à cause de ses fonctions à l'étranger pour l'Etat camerounais. Lorsqu'elle écrit elle est motivée par son amour pour l'écriture : « Je défends l'écriture d'abord, c'est mon premier leitmotiv, la beauté de l'écriture, la qualité de l'écriture, sa contemporanéité parce que j'ai toujours été pour une écriture libre, contemporaine qui évolue dans son temps. » Elle a été meilleure comédienne de la toute première édition des scènes d'ébène. Elle effectuera des résidences d'écriture en Côte d'Ivoire et en République de Guinée pour l'écriture de son texte En bordure du quai.

    II-2) -Son esthétique

    La liberté que Wegang défend, influence vivement sa plume. Son écriture est faite de beaucoup d'images abstraites. Elle met en situation des femmes pour faire passer un message qui se décrypte le plus souvent au second degré. Dans sa pièce Qu'il en soit ainsi, une femme subit un procès de la justice anonyme. Dans Il avait plu sur la rose ; une femme toujours, est face au procès de l'amour. Une autre de ses pièces, En bordure du quai, montre des femmes en bordure d'un quai qui sont là pour pécher l'homme. C'est une autre façon pour l'auteure d'aborder la question de l'immigration.

    II-3) -Les oeuvres

    a°) -Publications

    -Qu'il en soit ainsi, ed Ecritures théâtrales du Grand-ouest

    b°) -OEuvres inédites

    -Il avait plu sur la rose, mis en scène par la compagnie Ngoti de Yaoundé en 2011.

    -En bordure du quai, mis en scène par Rouguiatou Camara et Valérie Goma, fera l'objet d'une tournée africaine, de quelques dates en France, aux Antilles à partir de 2011. Elle sera également sélectionnée au Masa 2014.

    II-4) -Prix et nomination

    -Nominée pour le Prix de théâtre RFI 2016.

    -Prix spécial du jury des Grands prix Afrique du théâtre francophone en 2009.

    -Bourse Arts Moves Africa pour le Chantier panafricain d'écriture dramatique des femmes en Côte d'Ivoire 2007.

    III-) -Hermine Yollo62(*)

    III-1-) -Présentation

    Née d'une famille de comédiens de renom au Cameroun, Hermine Yollo grandit dans le milieu du théâtre. Ses parents, Jean Minguele et Edwige Nto Ngon, tous de regrettée mémoire, lui ont transmis leur passion de l'art théâtral. Elle débute en 2000 comme comédienne au sein de la Compagnie Ngoti créée par ses parents dont elle prendra la direction, quelques années plus tard, en 2009 après la disparition de ceux-ci. Elle continue comme comédienne et a un metteur en scène attitré pour les créations de la Compagnie en la personne de Serges Fouha. Ce dernier, se déplace en 2012 pour l'Allemagne et son séjour se prolonge. Confrontée à cette difficulté car des projets sont en attente, poussée et encouragée par des proches à l'instar de Solange Bonono et Yaya Mbilé, Hermine Yollo se lance dans la mise en scène en 2012. Prudente, elle commence par proposer une lecture spectacle d'un texte de la française Emmanuelle Urien, Jazz me down. C'est un monologue porté par Thierry Ntamack. Les retours sont positifs, le texte mis en espace au Centre Culturel Français de Yaoundé est bien accueilli. Le Directeur du CCF63(*) de l'époque lui propose de financer la création de la pièce. Yollo se lance. Le public réserve un accueil favorable au spectacle, c'est le début d'une nouvelle aventure. Ce sont plusieurs textes créés pour la scène de 2012 à nos jours. Son besoin de créer un texte qui donne la parole aux femmes la conduit à l'écriture dramatique. En effet, notre metteure en scène sent le besoin de donner une place à la femme dans son travail. Elle se rend compte qu'il n'y a pas beaucoup de pièces de théâtre qui donnent la parole à la femme. Et lorsqu'on en trouve, elles sont écrites par des hommes. Et encore le sujet ne correspond pas à ce qu'elle recherche. Ce vide la conduit dans un questionnement sur la question féminine. Elle entrevoit, entre les lignes des auteurs, des femmes réduites au silence, faibles et reléguées au dernier rang dans les sociétés. Dans sa recherche, elle découvre des civilisations matriarcales où les femmes dirigent, des amazones ; des reines...Les femmes y ont une place centrale. Ne trouvant cette femme forte, telle qu'elle la conçoit, sous la plume d'aucun auteur, elle décide de l'inventer.

    Elle écrit La femme-Iset. Texte qu'elle crée en Guinée, met en scène et interprète. C'est un monologue qui fait l'apologie de la femme. La pièce est représentée au Centre Culturel Franco-Guinéen dans le cadre du festival Univers des mots en 2017. Elle décidera de poursuivre l'écriture de cette pièce lors d'une résidence à la Chartreuse en France. Elle est également lauréate du coaching d'auteurs en 2018 de la biennale Univers des mots de Conakry avec son texte M-119 autopsie. Pour l'écrire, elle s'inspire d'une pièce de l'auteur ivoirien Koffi Kwahulé Mysterioso 11964(*). Cette pièce d'Hermine Yollo, pour reprendre son auteure « est née d'un délire personnel ». Ayant participé à la création de la pièce originale de koffi kwahulé en qualité de comédienne, Yollo l'a lue et relue. Et comme à chaque fois plusieurs interrogations sont présentes dans son esprit. C'est un texte polyphonique, plusieurs voix se répondent et s'élèvent sans jamais que l'auteur n'indique qui prend la parole. Des femmes s'expriment chacune, dans cette prison où elles refusent de renoncer à se raconter, où elles ne lâchent aucune des obsessions qui les habitent. Pendant qu'elles parlent une autre parmi elles, joue un morceau de jazz: Le Mysterioso 119. M-119 autopsie de Hermine Yollo est une espèce d'avatar de la pièce de Koffi Kwahulé. C'est son moyen de trouver des réponses aux questions qui s'imposent à elle à chaque fois qu'elle lit le texte original. Elle reprend la méthode de Kwahulé et décide de laisser parler sans nous dire qui le fait, elle donne la parole à la mère supérieure que Kwahulé a pourtant laissée muette. Elle introduit une journaliste et une psychologue. Une fois de plus, l'écriture d'Hermine laisse parler des femmes. Une fois encore le texte part d'un questionnement et d'un besoin de trouver des réponses. Pour Hermine Yollo, l'écriture est liberté. « Cette écriture libérée de plein de carcans qui laisse place à une langue super dynamique à cause de l'emploi d'autres langues ». La dramaturgie est libre et s'autorise plusieurs choses dont la conséquence est une répercussion dans l'écriture scénique. Hermine est également traductrice français-anglais.

    III-2-) -Les oeuvres

    Pièces inédites

    -La femme-Iset, 2017, mis en scène d'Hermine Yollo.

    -M-119 autopsie, 2018

    III-3-) -Prix et nominations

    -Lauréate du coaching d'auteur de l'Univers des mots avec M-119 autopsie en 2018.

    En conclusion, cette partie nous a permis de découvrir les nouveaux visages de la dramaturgie camerounaise. Partant de ceux qui n'ont plus rien à prouver, nous avons achevé par ceux qui sont à leurs premiers pas. Il y a une réalité qui se dégage lorsqu'on observe le palmarès de ces auteurs : leur écriture se démarque dans l'univers francophone. Les distinctions et les prix remportés en sont la preuve évidente. En plus de ce constat, il y a une étroite relation entre leur écriture et la mise en scène. En effet plusieurs parmi ces auteurs, finissent par mettre leur pièce en scène. La cause principale est le besoin de diffusion et de faire connaitre leur pièces. Autre point fort, ils font tous uniquement du théâtre, à l'exception de Nicaise Magloire Wegang. C'est un paradoxe lorsqu'on connait l'état de crise du théâtre dit savant au Cameroun. Contrairement aux auteurs des années antérieures, ils n'ont pas de travail autre, en dehors du théâtre, et sont tous installés au Cameroun.

    SECTION II : CARACTERISTIQUES DE LA NOUVELLE ECRITURE DRAMATIQUE CAMEROUNAISECONTEMPORAINE

    Dans la section précédente, une fiche signalétique des auteurs camerounais contemporains de la nouvelle vague d'écriture a été constituée. Cette seconde section s'investira à donner les caractéristiques générales de leurs oeuvres. Le théâtre étant considéré comme un système, dans le cadre de cette recherche, nous montrerons les différents éléments du système dont les interactions mènent au texte dramatique camerounais contemporains. L'approche systémique énoncée dans notre cadre théorique intervient à ce niveau. Elle nous permettra de découvrir l'autre visage de ces dramaturges : leur esthétique.

    I-) -La langue

    Selon B.Mbassi, dans la revue Ethiopiques65(*), la critique expliquerait la désaffection et les attentes déçues, d'une certaine élite, au déficit d'illusion référentiel au niveau des façons de parler66(*). Pour lui cet état a pour conséquence l'absence de « L'illusion théâtrale » qui est exigée par tout texte et par toute représentation. C'est ainsi que plusieurs puristes de la langue française à l'instar de Mono Ndjana, Mendo Ze et Efoua Zengue pour reprendre Mbassi scrutent les pièces de théâtre pour y déceler écarts et incongruités. Le théâtre, au lieu de séparer les différentes composantes sociales, devrait les unir. Quoi de mieux que des pièces théâtrales récompensées par la dramaturgie francophone elle-même, sélectionnées pour leurs qualités littéraires, dramaturgiques et leur originalité pour parer à l'éventualité d'une langue qui ôterait au théâtre l'une de ses principales caractéristiques : l'éducation.

    Il y a dans les approches des différents auteurs une volonté particulière de s'approprier et de plier une langue à une vision et une sensibilité souveraine du dramaturge. Le savoir-faire de tous ces auteurs révèle en eux l'artiste véritable et conforte cette étude dans la position affirmative du texte de théâtre comme une entité qui n'a pas grand-chose de littéraire67(*). Pour nous elle est une véritable toile peinte par des artistes d'un autre genre, pas étonnant que l'histoire du théâtre soit toujours liée à la peinture par les grands courants tels que le naturalisme, le réalisme, l'expressionisme etc.

    Bien que différente d'un auteur à l'autre, la langue, se veut esthétique et pragmatique. Le besoin de dire n'est n'entache en rien la beauté de laplume. La poésie demeure même lorsqu'on parle d'un sujet grave. Les registres de langue différents se rencontrent et se mêlent au sein d'un même texte. Cette écriture se permet, pour toucher du doigt un problème, d'entrer dans la bouche et dans la tête de « n'importe qui ». Les propos utilisés sont travaillés dans le but de toucher profondément celui qui lit. L'esthétique de ces textes est l'accroche qui permet de garder le lecteur pendant qu'au fil des pages le message de l'auteur lui est dévoilé.

    II-) -L'esthétique

    Les écritures contemporaines francophones proposent une esthétique qui rompt avec le repli identitaire. A cet effet Sylvie Chalaye, publiée dans la revue Mondes Francophones,68(*) écrit : «  Au tournant des années 90, arrivent une nouvelle génération d'hommes de théâtre africains qui tournent le dos à cette quête identitaire qu'ils jugent vaine, pour affirmer une ouverture à l'altérité, se laisser traverser par toutes les influences et embraser ainsi la diaspora. ». Les nouvelles écritures sont un mélange hybride de la réalité africaine et celle du reste du monde. Le Cameroun n'échappe pas à cette tendance avant-gardiste. L'esthétique de l'écriture est l'expression du besoin qu'ont les auteurs de faire sortir leurs oeuvres des frontières réelles et imaginaires de l'Afrique. L'esthétique de ces pièces met sens dessus-dessous les idées reçues. Elle détourne à chaque fois l'horizon d'attente du lecteur-spectateur. Le cocktail de cultures est à l'origine de cette transformation. Elle réinvente une identité humaine et pas juste une identité africaine ou camerounaise.

    L'écriture théâtrale camerounaise francophone, comme plusieurs écritures théâtrales du Sud s'inscrit, en ce qui concerne l'esthétique, dans le choix d'une ouverture au détriment de la recherche identitaire d'antan. A cet effet, Soro N'golo Aboudou écrit en 2017 : « Les dramaturges négro-africains ont inventé une écriture théâtrale non conformiste, un théâtre qui expose la multi culturalité et l'identité insaisissable d'une Afrique contemporaine qui ne peut plus être enfermée dans les limites du continent et assiégée aux frontières». (2017 : 1). L'écriture actuelle est ouverte au monde et assume le choix du métissage entre l'ici et l'ailleurs. Le genre théâtral hybride issu de ce mélange lui confère une véritable force d'invention et de renouvellement. L'écriture renonce aux canons que lui imposait l'héritage colonial. Loin de la tragédie grecque, de Shakespeare, de Corneille, des comédies des moeurs ou des satires politiques ; elle va à la conquête de l'universalité. Quelle que soit la société où elles sont lues, elles reçoivent l'approbation et la sympathie des publics.

    Leur indépendance est affirmée grâce à une esthétique qui rompt avec le modèle occidental. Ainsi émancipée, l'expression du théâtre camerounais francophone est constituée de plusieurs structures qui lui offrent une véritable visibilité au-delà des frontières du monde francophone.

    III-) -L'angle de traitement

    Cette écriture francophone camerounaise se caractérise par le traitement à chaque fois différent de thème déjà abordés : il y'a de nombreuses réécritures. Ce traitement multiforme des mêmes thèmes favorise l'introduction de nouveaux sujets. Dans A la guerre comme à la Gameboy, Bvouma pour parler des atrocités de la guerre l'assimile à un jeu d'enfant. Il la peint à travers les yeux d'un enfant-soldat qui, bien qu'endurci par l'horreur de la guerre, reste et demeure un gamin qui utilise des images de dessins animés et des expressions infantiles comme moyen de communication. Nombreux sont les auteurs qui avant lui se sont penchés sur le sujet de la guerre, mais sous des angles différents.

    Le parfum du souvenir de Mesima, traite de la question du viol sous une casquette double : viol physique dans l'enfance d'une part, et viol incessant de la société d'autre part. D'autres auteurs à l'instar de Koffi Kwahulé s'étaient déjà penchés sur la question avec son texte Jazz, qui a par ailleurs influencé une de ses interprètes camerounaise Nicaise Wegang.

    Sufo Sufo aborde le sujet de l'immigration d'une manière très originale dans Debout un pied. Contrairement à plusieurs qui prennent position et empêche de « traverser » en dénonçant le quotidien précaire de plusieurs frères partis à l'aventure ; il oriente le débat sur la psychologie de ceux qui veulent partir, sur le dilemme qui existe entre cette soif d'ailleurs et cette peur de l'inconnu. Il laisse la liberté de penser et de décider à chacun de ses lecteurs-spectateurs. Avant lui l'auteur Bilia Bah pour le même thème écrivait Les châteaux de la ruelle sous un jour tout à fait autre.

    Après avoir lu les pièces de la nouvelle vague d'auteurs camerounais un fait s'impose : l'écriture dramatique camerounaise francophone ne se contente plus seulement de « le dire ». Elle met également un point d'honneur sur le « comment le dire ». Pour s'inventer, elle se met au-dessus du tabou. Elle s'en empare et le démystifie. Elle ne recule devant rien. Au coeur du prétexte d'écriture transparait la complexité humaine nourrit par la différence et l'altérité.

    IV-) -Les personnages

    Lorsqu'on lit les nouveaux dramaturges, il transparait une volonté de donner la parole à tous, même à l'inattendu. Tout peut nous parler, les enfants, la conscience, Dieu, des morts, un arbre, le vide...

    Tout étant signe ou symbole au théâtre, on s'attarde plus sur la construction psychologique du personnage, le physique est rarement pris en compte ; le costume également à moins qu'il ait un lien étroit avec le personnage ou qu'il lui ajoute une dimension, ou qu'il lui donne un sens. Dans Debout un pied par exemple, Sufo laisse parler « l'indéfini ». C'est un personnage qui incarne à la fois la conscience de tous les autres et qui est également un être omniscient. Dans la revue Théâtre public Bvouma clame que « Le personnage du mort est le plus vrai des personnages » (2019 : 102), parlant de sa pièce Je déteste le théâtre.

    V-) -L'espace

    Les textes nous situent dans un espace ouvert. Il peut facilement être déplacé dans l'imaginaire de chaque lecteur en fonction de son vécu et de chaque culture. Une chambre, un quai, une salle...Ce point sera mieux appréhender lorsque nous étudierons les pièces au chapitre III.

    VI-) -La structure

    Il est difficile de situer cette écriture du point de vue de la structure. Ce que l'on peut affirmer sans se tromper, c'est que la structure du théâtre classique est belle et bien dépassée. Le découpage se fait selon le ressenti. Elle est langage. A ce propos Yves Lavandier en parle comme « le langage le plus puissant du récit ». Cet état de choses sera mieux illustré lorsque les pièces choisies comme exemple dans ce travail seront exposées au chapitre III.

    VII-) -L'engagement

    On entend de plus en plus parler de théâtre engagé. Le terme engagement s'épanouit au XXème siècle bien qu'il y ait eu certains précurseurs. Il ne s'agit plus d'amuser le spectateur ou du moins plus seulement, il faut aussi le faire réfléchir et l'amener à se remettre en question sur la société qui l'entoure ou sur son propre mode de vie. Il apparait dans certains pays pour exprimer la contestation. Le théâtre dénonce l'injustice, réagit à l'actualité, se refuse à la facilité et montre les imperfections du présent. Les auteurs clament leurs opinions et leurs idées à travers leurs textes. Les pièces des auteurs camerounais de la nouvelle vague sont incontestablement engagées, dans ce sens-là.

    VIII-) -La couleur locale

    Dans les décennies antérieures, les pièces des auteurs d'Afrique noire et particulièrement ceux du Cameroun témoignaient d'une forte coloration locale. Cette dernière permettait de situer l'oeuvre dans un espace, une époque...une culture. La couleur locale des oeuvres était manifestée par les noms des personnages, les lieux de l'action, les costumes, la langue. Elle utilisait les parémies : proverbes, parabole, devinette, adage. Les écritures étaient marquées par cette quête de recherche identitaire que pratiquaient l'Afrique et les caraïbes au lendemain des indépendances. Elle est le début d'une nouvelle ère du Théâtre africain, qui clame sa soif de liberté.

    La révolution esthétique convoquée par les écritures francophones depuis 1989 avec Le Carrefour de kossi Efoui affirme le besoin des auteurs africains de faire sortir leur théâtre des stéréotypes qui fabriquent une image d'Epinal qui fige le continent dans son passé.69(*)

    L'écriture théâtrale camerounaise francophone d'aujourd'hui est, elle aussi, entrée dans la danse. Les auteurs, malgré leur différence ethnique, s'accordent pour créer un théâtre ouvert sur le monde en toute liberté, comme l'affirme Were Were Liking : « Nous voulons pouvoir nous inspirer librement d'un nô japonais ou d'un western spaghetti, les digérer et en nourrir notre créativité sans pour autant cesser d'être africains. »70(*)

    Loin de faire l'unanimité, cette écriture est souvent pointée du doigt comme véhicule d'un déracinement de l'écriture africaine en général et de celle camerounaise en particulier. Les ainés reprochent un manque d'ancrage de ces écritures dans leur culture d'origine. Pourtant les oeuvres puisent dans la société d'aujourd'hui. Les auteurs laissent dans leurs textes les marques de leur contexte socio- culturel mais de façon moins explicite71(*). Ils prônent une libération des formes théâtrales qui longtemps ont été conditionnées par une esthétique-héritage d'une colonisation que l'on voudrait définitivement dépasser.

    IX-) -Une autre forme de questionnement

    Cette nouvelle tendance d'écriture, loin d'évoluer sur les sentiers battus, est la conséquence d'une recherche sans cesse renouvelée. De plus, elle ne se veut pas « donneuse » de leçon mais « poseuse de questions ». La lecture des différents textes impose un voyage psychologique et spirituel duquel le lecteur-spectateur revient, la tête et l'esprit chargé de questions. Dans Debout un pied, Sufo Sufo ne résout pas la question de l'immigration posée dans le texte, il nous conduit plutôt dans un tourbillon d'interrogations, qui force chacun des lecteurs à se créer ses propres solutions et raisons.

    De même Edouard Elvis Bvouma dans A la guerre comme à la Gameboy, emmène celui qui le lit avec lui, pour qu'ensemble ils se glissent dans le quotidien combien atroce de ces enfants soldats.

    On est bien loin des Happy-end qui pour Mesima font oublier la gravité et la profondeur du sujet. C'est la raison pour laquelle, Dans Le Parfum du souvenir elle imputera un nouveau viol à son héroïne pour que le lecteur se demande : Pourquoi ?

    X-) -Une écriture qui rencontre des difficultés

    X-1-) -Le scepticisme des critiques

    Il est fréquent de pointer du doigt l'Occident et de dire qu'il s'investit à tirer l'Afrique vers le bas. Pourtant ce sont souvent les Africains les premiers à émettre des oppositions quant à un quelconque changement. La règle s'applique bien au Cameroun et par conséquent à l'écriture dramatique. Pendant que certains ont un souci d'innovation, d'autres les combattent en leur imposant sans cesse un retour aux sources qui ne tient pas toujours compte du contexte social actuel.

    Les linguistes, les littéraires et les pédagogues peuvent être mentionnés parmi les détracteurs du théâtre tel qu'il se présente aujourd'hui. Il serait difficile de leur en vouloir car ils considèrent, à tort, le théâtre commede la littérature ce qui explique le jugement porté sur l'écriture dramatique. Car, ils sont principalement des critiques littéraires.

    X-2-) -Le manque de support physique

    Le monde de l'édition au Cameroun ne s'arrache plus les pièces de théâtre. En d'autres termes, les pièces éditées manquent sur le marché. Elles font l'objet de productions artisanales et de ce fait, elles sont retrouvées en très faible quantité. C'est pourquoi il n'est pas facile d'entrer en leur possession. « Mais il faut avouer que l'émergence comme dramaturge, c'est-à-dire, auteur maîtrisant la composition de pièce de théâtre n'est complète que par l'édition de renommée nationale et internationale. »(2011 : 209). Nous partageons ce point de vue de Jacques Raymond Fofié. Trop de pièces restent non éditées ce qui ralentit leur processus de valorisation.

    Les pièces qui ne sont pas éditées circulent néanmoins. A l'époque d'internet, contacter les dramaturges est chose souvent aisée pour entrer en possession de leurs tapuscrits. Les pièces circulent entre auteurs, entre auteurs et metteurs en scène et comédiens ; mais aussi entre auteurs et amoureux du théâtre.

    Cette section nous a donné d'appréhender les différents éléments qui constituent le système « texte » et qui l'influencent. Ce sont eux qui donnent à la pièce de théâtre son identité.

    CONCLUSION DU CHAPITRE

    Dans ce second chapitre, il a été question d'aller à la rencontre des auteurs de la nouvelle tendance de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine. Cette découverte du double visage de cette écriture : d'une part les auteurs et leur palmarès, d'autre part la caractéristique générale de cette dramaturgie camerounaise nouvelle. La nouvelle génération que constituent Martin Ambara, Edouard Elvis Bvouma, Sufo Sufo et les autres, nous a permis de nous rendre compte de la qualité et du rayonnement de ces dramaturges dans l'univers francophone au travers de leur palmarès. Cette écriture camerounaise francophone qui séduit prend sa source dans le besoin collectif pour l'Afrique d'affirmer son indépendance. « Affirmer son indépendance » suppose la recherche d'une esthétique qui rompt avec le modèle occidental en étant incontestablement libre. Bien qu'elle fasse la fierté du Cameroun, la nouvelle écriture théâtrale camerounaise permet néanmoins de regretter les devinettes, énigmes, paraboles et proverbes qui faisaient la particularité des autres générations. Cela pourrait s'expliquer par la perte de la culture de l'oralité en Afrique et au Cameroun en particulier. Cet état de fait est dû à l'influence de la société moderne, sans cesse grandissante, qui entraine une acculturationconduisant à la perte de certaines valeurs africaines. A quelques exceptions près72(*), les dramaturges se laissent porter par une société moderne qui a tendance à rompre avec les traditions. Cettedramaturgie camerounaise donne la priorité au message, à la création esthétique, mais également à l'originalité de l'angle de traitement du sujet. Pour tenir en haleine le lecteur chaque auteur construit un univers qui lui est propre et qui ne ressemble à celui d'aucun autre. Ceci confère à la nouvelle écriture dramatique camerounaise une diversité singulière : il y a autant d'esthétiques que d'auteurs. Il y a autant de particularités que la capacité de chacun à penser « son théâtre ». Ce chapitre vérifiait l'hypothèse selon laquelle une fiche signalétique permettrait de découvrir les auteurs camerounais contemporains de la nouvelle vague. Ayant des noms, des titres et un palmarès qui témoigne de leur grande qualité ; il ne reste plus qu'à les lire pour trouver ensuite des outils de valorisation. Ces derniers leur permettront de trouver enfin une place dans le paysage camerounais tant pour le public que pour la communauté scientifique. C'est la raison du troisième et dernier chapitre.

    CHAPITRE 3 

    ETUDE DE TROIS PIECES DU REPERTOIRE DRAMATIQUE CAMEROUNAIS CONTEMPORAIN ET OUTILS DE VALORISATION

    Le chapitre précédent a été l'occasion de rencontrer les auteurs et d'avoir une idée générique sur la nouvelle écriture dramatique camerounaise contemporaine du point de vue de leur palmarès et de leurs caractéristiques. Il nous a permis de rencontrer une écriture dramatique camerounaise qui se démarque dans le monde francophone. La fiche signalétique produite à cet effet a fait émerger ces dramaturges et leur a permis d'exister dans l'esprit des Camerounais. Le chapitre trois, quant à lui, divisé en deux sections, se donne pour première mission d'étudier quelques-unes de leurs oeuvres. Il s'agit de : Debout un pied de Sufo Sufo,À la guerre comme à la Game Boy d'Edouard Elvis Bvouma et Roméo et Juliette...Assez ! de Martin Ambara. Après la vue panoramique qu'offrait le chapitre deux, celui-ci se propose de ressortir la particularité de chacune de ces trois pièces. Il sera question de montrer la liberté, caractéristique de cette nouvelle forme d'écriture au travers de différents éléments. Seront pris en compte, l'esthétique, la langue, les personnages, l'angle de traitement, la thématique ainsi que d'autres traits caractéristiques. La seconde mission sera de proposer des outils de valorisation spécifiques à cette nouvelle écriture dramatique. Consciente du besoin urgent de promouvoir ces auteurs et leur travail, il sera présenté des perspectives susceptibles de permettre leur rayonnement. Dans cette seconde partie, il sera question de revisiter les propositions faites par Bernard Mbassi lors du colloque du palais des congrès sur le théâtre camerounais de 1987. Ce sont des propositions génériques qui à notre avis pourraient servir la promotion de l'écriture dramatique contemporaine camerounaise. Puis des propositions plus spécifiques seront exposées. Ce dernier chapitre de notre recherche prendra en charge l'hypothèse selon laquelle : La valorisation du savoir-faire de ces auteurs passe par une étude de quelques oeuvres représentatives.

    SECTION I : A LA DECOUVERTE DE QUELQUES PIECES REPRESENTATIVES DE LA NOUVELLE TENDANCEDE L'ECRITURE DRAMATIQUE CAMEROUNAISE CONTEMPORAINE

    L'approche systémique, nous a permis de considérer le texte de théâtre comme un système à l'intérieur duquel interagissent d'autres éléments constitutifs tels que la langue, l'esthétique, la démarche etc. La section que voici s'appuiera sur la sémiologie textuelle, la théorie de la réception,sans oublier la dramaturgie. Ce sont là les théories qui nous donnerons les clefs de lecture des pièces de Sufo Sufo, Edouard Elvis Bvouma et Martin Ambara qui sont au Cameroun, les figures de proue de la tendance actuelle de l'écriture dramatique camerounaise.

    I-) -Debout Un Pied de Sufo Sufo

    I-1-) -Résumé

    C'est l'histoire d'Oméga Dream, qui erre sur les quais depuis de nombreuses années. Son projet, réussir à embarquer clandestinement sur un bateau dans l'intention de « traverser ». Un jour, il sauve Julie Rose, une nouvelle rêveuse de cet ailleurs, des mains de la police. Elle a un plan : quitter le pays avec l'aide du légendaire Benson de la mer. Elle décide d'en faire profiter Oméga Dream. Benson tardant à venir, Julie Rose et Oméga Dream passent le temps comme ils peuvent, en se racontant leurs malheurs, leur désir de partir plus que tout, car pour eux, le bonheur est là-bas, par-delà la mer. Julie Rose semble avoir le bon tuyau, un bateau dont le capitaine serait allemand. Le bateau finit par arriver, mais Benson de la mer n'est toujours pas sur les lieux. Par solidarité, Julie Rose décide d'aller à sa recherche mais Benson rejoint Oméga Dream en l'absence de cette dernière. Les deux hommes se reconnaissent. Ils étaient amis d'enfance. Grande est la surprise d'Oméga Dream de découvrir que son ami, que tout le quartier croit de « l'autre côté » depuis des années, n'a jamais quitté le pays. Il est en fait, celui qui se cache sous le nom légendaire de Benson de la mer, ce passeur infaillible. Ils partiront, ou ne partiront pas. Nous ne le saurons jamais comme nous le rapporte l'Infini, omniscient et conscience de chacun des personnages. Il s'interroge : Pourquoi partir ? Pourquoi rester ? Pour ceux qui restent, ceux qui ont réussi à partir sont des légendes.

    I-2) -Les personnages

    -Oméga Dream : Depuis vingt-trois ans il veut partir, il cherche à embarquer sur un bateau pour fuir et aller ailleurs, n'importe où, pourvu que ce soit loin d'ici. Son vrai nom est Fally Edimo. Son surnom, Oméga Dream, pourrait traduire son plus grand rêve : Partir.

    -Julie Rose : Jeune femme qui veut elle aussi partir mais qui, contrairement à Oméga Dream, est à sa première tentative.

    -Benson de la mer : Une légende vivante sur les quais. Le seul passeur qui sait comment quitter le quai d'après la légende. Mais il s'avère que Benson de la mer, n'est en fait que Etam Seghar, l'ami d'enfance qu'Oméga dream croyait parti depuis belle lurette mais qui n'a en fait jamais quitter le port.

    -L'indéfini : Personnage qui est là comme la conscience de chacun des trois autres, mais qui est aussi une entité omnisciente qui voit les agissements de tous.

    Les noms des personnages Etam Seghar et Fally Edimo, nous font penser à des patronymes camerounais. Pour Sufo Sufo, tout est dans leur psychologie. La dimension physique et sociale importe peu.

    I-3-) -Le langage

    Le texte utilise un langage courant dans son ensemble, mais aussi familier. Ce deuxième aspect est matérialisé par la répétition des mêmes mots dans la même phrase. C'est une façon typiquement camerounaise de s'exprimer. Elle permet de mettre l'emphase sur une chose que l'on voudrait dire. Ex : page 18.

    Julie Rose : Les temps changent

    Oméga Dream : C'est ce qu'elle disait, les temps changent

    Julie Rose : Les temps changent

    Ce sont des répliques constituées de courtes phrases. Elles sont musicales grâce à la répétition des mots qui donne plus de sens à la réalité à laquelle ils renvoient. Dans son écriture, Sufo donne une grande place à la répétition.

    Julie Rose : Qu'est-ce que ça change, regarder, pas regarder ? P.9

    Oméga Dream : Une urgence ! Voilà !...Une urgence, comme tu as dit, comme il s'est rappelé. Comment s'en est-il rappelé ?

    Une répétition de mots, comme pour répondre à un refrain. Nous le voyonsdans cet échange entre Julie Rose et Oméga Dream. P.13

    Julie Rose : Celui qui se trouve quelque part là, et dont le capitaine serait allemand.

    Oméga Dream : Et dont le capitaine serait allemand ?

    Julie Rose : Et dont le capitaine serait allemand.

    Oméga Dream : Voilà ! Tu dis une chose, la seconde d'après ce n'est plus ça. N'est-ce pas toi qui m'as dit tout à l'heure que le capitaine serait allemand ?

    Julie Rose : Il a dit : «  Le capitaine serait allemand ! »

    Oméga Dream : C'est dingue ! Ton histoire, de plus en plus bancale. Comment trouver un capitaine qui « serait allemand » dans un bateau qui n'a ni nom, ni couleur, rien ?

    Il y a la prédominance du groupe nominal : « Le capitaine serait allemand ». La répétition des mots, au-delà de la musicalité donne une couleur poétique à la langue utilisée par l'auteur dramatique. Cette langue remplie de poésie pour clamer une douleur, un manque ou pour revendiquer.

    Oméga Dream : Alors c'était une autre. Elle ne vendait même pas une route, un espoir de route, un infime petit espoir de route, mais parfois il n'y a pas mieux. Nous avons marchandé, route contre cash, route contre came, espoir contre espoir, espoir de route contre bâtons de manioc, sacs de riz ; techniques de pêche en mer discrète, cigarettes, pains rassis, boîtes de sardines...tout, nous avons marchandé. Ils sont nombreux, ceux qui vendent. P.17

    A travers ses quelques répliques, une quête poétique voulue par le dramaturge transparaît et laisse voir un nouvel usage de la musique. Des mots qui permettent au personnage de chanter son désespoir et son mal être. Les personnages crient leur ras-le-bol de ces vendeurs d'illusion, auprès desquels ils achètent des rêves jamais réalisés.

    Une nouvelle forme d'expression est utilisée. L'auteur installe un dialogue sans indiquer les personnages comme le voudrai la norme. Il laisse le lecteur-spectateur imaginer, se représenter. Cette manière d'exposer la scène, force à se projeter sur ce quai pour y vivre l'instant présent avec Julie Rose et Oméga Dream comme le montre l'échange suivant P.20:

    -Qu'est-ce que vous faites là madame ?

    -Promenade sur le quai.

    -Ne me prenez pas pour votre morveux de la maternelle, je vois bien le signe sur vous.

    - Ce n'est pas ce que vous croyez.

    - Je sais de quoi je parle, vous attendez votre route. Vous traversez quand ? A quelle heure ?

    -...

    -...

    -...

    -Fally Edimo, mais Oméga Dream c'est mieux.

    -Julie Rose.

    -Julie la Rose !

    -Julie Rose !

    -...

    -Le capitaine est allemand.

    -...

    -...

    -Il lui manque une case à votre histoire.

    Il y a cette écriture qui perd le lecteur-spectateur. Dans un premier temps, on a l'impression que la discussion se passe entre Julie Rose et un flic, puis on se rend compte qu'elle se passe en fait entre Julie Rose et Oméga Dream. La limite entre le réel et l'imaginaire est très fine. Cette méthode est encore utilisée par l'auteur à la p.25

    En dehors des suites dialoguées, plusieurs monologues jalonnent la pièce. Ils traduisent les conflits intérieurs qui animent les personnages et qui se révèlent de façon visible dans leur échange les uns envers les autres. Ce rôle est joué par l'indéfini, personnage omniscient qui porte la voix intérieur de l'un ou l'autre des personnages. Il est également ce libre arbitre qui est là depuis toujours, qui demeure avant et après l'histoire. C'est la voix intérieure qui conduit les personnagescomme un fil d'Ariane. C'est cette voix qui ouvre la pièce et la referme.

    L'indéfini : On retrouve une garantie, un chemin, la garantie d'un chemin, mais on perd une femme, un espoir de femme, celle qu'on a jamais pu rencontrer, celle qui est si proche mais inaccessible, qui est là devant nous, mais qu'un type viendra arracher, comme dans un film, comme emmener sous vos yeux...P.32

    Dans cette pièce les didascalies ne sont pas explicites. C'est en lisant que l'on prend ses marques, que l'on peut situer l'action sur un quai d'ici ou d'ailleurs.

    Sufo utilise des mots simples pour peindre la dure réalité du mal-être qui habitent ses personnages. La simplicité de la langue ne la dénude pas de sa beauté et de sa musicalité. Les répétitions constantes n'alourdissent pas les propos, elles le précisent. Les maux sont chantés par les mots. A la langue française, il allie quelques mots de celle anglaise. Un mélange qui caractérise le parler de la jeunesse camerounaise actuelle et de beaucoup d'autres pays du globe.

    Oméga Dream : J'adore ton dream à toi (...)P.41

    Julie Rose : (...) The best life, the best way of life. P.37

    Il y'a aussi des expressions du quotidien des camerounais urbains: Buy and sellam73(*), call-boxeuse74(*)

    I-4) -La thématique

    La thématique, qui transparait dans ces lignes, témoigne de cette envie de partir qui anime la majorité des jeunes d'ici et d'ailleurs. Cette certitude qui motive les Hommes et qui leur indique que le bonheur est ailleurs. Un ailleurs qu'on s'invente, qu'on s'imagine. Ce là-bas plein de promesses et de rêves pour lequel on se bat :

    Julie Rose : Tout essayé, elle est devenue chronique. Si j'arrive là-bas, peut être que je serai bien suivie. On dit que les hôpitaux sont pointus, je me referai une santé, une vie. The best life, the best way of life...

    Oméga Dream : Depuis combien de temps te bats-tu pour partir ?

    Julie Rose : Je sais plus.

    Depuis que j'ai compris qu'il fallait partir, je me bats pour partir.

    Une envie de partir malgré la difficulté du périple, sans assurance d'y arriver.

    Oméga Dream : trop de charlatans sur la route.

    Vendeurs de faux chemins, réseaux truqués.

    Julie Rose : Chemins clairs toujours super clairs au départ, mais qui ne mènent jamais loin.

    Dans Debout un pied Sufo parle aussi de la difficulté de rester. Il faut finalement partir car rester est risqué, mais mieux vaudrait encore essayer d'aller voir autre part car le pays ne nous laisse non plus la force de rester.

    Oméga Dream : C'est le pays. Il ne t'offre aucun moyen de rester, il ne t'offre aucun moyen de partir non plus. Et pour couronner le tout, il signe les accords pour traquer ceux qui s'engagent enfin à partir.P.38

    Julie Rose : Partir, c'est le plus important, que je parte loin de ce pays.

    Seghar : Je cherche toujours le moyen de partir. P.65

    Contrairement au traitement des thématiques antérieures qui usaient d'un thème principal puis de thèmes secondaires, ici il n'y en a qu'un seul qui se décline sous toutes ses formes : Partir. Pourquoi ? Comment ? La peur de partir, mais plus encore celle de rester...

    I-5-) -L'espace et le temps

    Pour situer l'espace, il suffit de lire pour découvrir un quai dans un port. Nos protagonistes y passent le temps à attendre un bateau pour embarquer clandestinement. Ils sont surement dans un pays du Sud à cause de certaines expressions.

    Oméga Dream : Ils sont là.

    Ici sur le port, il faut avoir quatre yeux. P.15

    -Le champ lexical du port y est très présent : bateaux, quai, docker, capitaine, mer, terminal, matelot.

    Des expressions :

    -Deux bleus75(*) : pour parler de deux nouveaux.

    -Ceux qui ont quatre yeux : pour parler des mystiques et sorciers.

    -Avoir le réseau P.65 : pour parler d'un plan de voyage sûr.

    Pour traverser P.54: expression `'camerounisée'' pour dire « aller en Europe ».

    Ils ont vendu leur honte au chien P. 57: Ils ne savent plus ce que c'est qu'avoir honte.

    -Bâton de manioc P.17; les attentats du Nord76(*), l'année des émeutes de la faim77(*), sans caleçon, braiseuse de poissons...Toutes ces expressions nous rappelle le Cameroun, pays d'où est originaire l'auteur. En plus nous noterons :

    Oméga Dream : En paix !

    Pire que la guerre, mon pays est en paix ! P.41

    Le mot « paix » est le premier mot de la devise du Cameroun. Les politiques l'utilisent souvent comme mot de passe à chaque fois qu'il y a une revendication, faisant comprendre que quoi qu'il arrive, il y a au moins ça : la paix. A tel point que pour l'auteur, elle devient pire que la guerre. Car cette paix est une image de guerre non prononcée. Elle est porteuse de tant de maux. Comme l'atteste Julie Rose :

    Julie Rose : Contre moi.

    Rien ne serait pire qu'une guerre non prononcée, silencieuse, contre le citoyen. J'ai fait la guerre de l'instruction, la guerre de l'emploi, la guerre de la faim. Mais ne me demande pas où-quand-comment ? J'ai lutté pour ne pas me balader sans caleçon, culotte errant au plus offrant. Lutter pour ne pas perdre mon cerveau. Toutes ces guerres que le pays a tissées contre moi.

    Bien qu'il ne nous situe pas avec exactitude sur le lieu de l'action, le Camerounais peut affirmer que ce quai se trouve dans son pays. Mais plus encore, n'importe qui pourrait se retrouver n'importe où dans le monde. Ce monde qui se ressemble à cause des mêmes problèmes que l'on rencontre ici et là : attentats, insuffisance alimentaire, chômage, immigration clandestine, guerre, paix.

    I-6-) -Une alternance entre le réel et l'irréel

    Pour comprendre cette alternance entre rêve et réalité nous partirons de cette réplique de l'indéfini :

    L'indéfini : (...) Certains prétendent même qu'en réalité cette fille n'a jamais existé, qu'elle n'a jamais débarqué sur le quai, qu'elle n'a jamais débarqué que dans l'imagination d'Oméga Dream. On dit qu'après vingt-trois ans passés là, il s'est inventé cette femme pour se doper suffisamment et enfin monter dans le bateau...Mais...réelle ou irréelle, disons qu'ils attendent toujours là, sur le quai.

    Comme dans Le carrefour de Kossi Efoui, ou dans Cette vieille magie noirede Koffi Kwahulé, le rêve apparait ici, comme moyen de s'évader de la prison qui dans Debout un pied est la peur. Pour parler comme l'indéfini, pour survivre, vivre son rêve, Oméga Dream s'invente une fille. Image de fille à laquelle il s'accroche pour ne pas crever.

    En plus de ce rêve, il y a l'indéfini, ce personnage fictif qui ponctue le dialogue et l'action des personnages. Il est Dieu, il est chacun des trois, tout dépend de la situation. Il représente à lui seul, le dilemme de la vie humaine sur la terre des Hommes. Hommes tantôt dieux, tantôt créature, tantôt maîtrisant le cours des choses, tantôt absorbés par elles. On s'y perd, et on est « Indéfini » parce qu'on ne sait pas.

    I-7-) -Le titre

    Le titre Debout un pied, très évocateur, nous renseigne de prime à bord. On peut déjà entrevoir cet inconfort des personnages. C'est une image qui traduit un déséquilibre. Comment vivre ou exister debout sur un pied ? Plus loin que la position physique, il trahit un déséquilibre psychologique qui se traduit par un besoin de partir. Le paradoxe c'est que pour partir, il faut des pieds :

    Julie Rose : T'as vu les pieds ? P.49

    Le mot pied revient souvent dans le texte. C'est grâce aux pieds qu'on peut partir. C'est encore grâce à eux qu'on peut rester, à condition d'avoir les deux sur la terre ferme, ce qui n'est pas le cas de nos personnages. Cette réplique de l'indéfini en témoigne.

    L'indéfini : (...) Le témoignage sur ces gens dont la vie était une station debout, avec un pied, dans l'inconfort permanent. L'autre pied n'était ni posé ici, ni là-bas, suspendu.

    Cette réplique de l'indéfini explique ce que le dramaturge entend par le titre Debout un pied donné à son oeuvre. Il résume la pièce, c'est une véritable métaphore qui traduit l'instabilité de ses personnages.

    I-8-) -La structure

    La division singulière du texte suit le mouvement des personnages. Ce sont quinze parties qui correspondent à chaque fois au nouvel angle que prend le dialogue ou l'échange. Elles permettent de faire respirer le texte. Rien à voir avec les normes du classique qui voudrait qu'on change de scène à l'entrée d'un nouveau personnage.

    Une errance de ceux qui veulent partir mais qui ne sont pas partis. L'auteur s'inspire de son Cameroun, de lui aussi qui rêvait d'un ailleurs avec ses amis. Ils rêvaient de partir et cherchaient le moyen de le faire « fait quoi, fait quoi », comme il le dit lui-même. Le grand rêve de chacun : partir. Il croise des amis qui ont déjà une vie mais qui veulent toujours partir. C'est un « truc » qui demeure présent, enfoui en chacun. Cette envie permanente d'un ailleurs subsiste. Il y en a qui n'ont jamais quitté le Cameroun ou leur ville, mais qui veulent quand même partir. Dans tous les textes de Sufo, il y a toujours un monde apparent et un monde des ombres. Une vie apparente et une en ombre, comme des photos et des clichés. L'auteur reconnait qu'il a toujours lui aussi cette envie d'ailleurs, ce que son métier d'auteur comble largement.

    II-) -À la guerre comme à la Game Boy, de Edouard Elvis Bvouma

    II-1) -Résumé

    Boys killer est un Révolo. C'est le nom du groupe de rebelles dans lequel il a été enrôlé comme enfant-soldat pendant la guerre. Une guerre civile qui oppose les kimbilili, sa tribu d'origine, aux mounguélé-guélé. Game over, c'est à cette étape du jeu que commence l'histoire, car pour boy killer : la guerre est un jeu. Plus précisément une Game Boy, un jeu vidéo qu'il a toujours désiré avoir. Dans la pièce, il parle à une fille, qui ne lui répond pas. Il veut la convaincre de quitter la forêt dans laquelle les Révolos se cachent depuis le début des affrontements. La guerre terminée, depuis peu, leur camp est désert. Tout le monde est parti sauf eux trois : la fille, boy killer et sa kalache. Il souhaite rejoindre un camp de réfugiés mais il ne veut pas bouger sans celle, qu'il considère désormais comme sa petite soeur. Elle semble malade, mais reste silencieuse tout le long de l'histoire. Boy killer s'évertue à la décider. Il lui rappelle les atrocités de ce jeu de grand, sa vie d'avant, leur rencontre, tout ceci ponctué par les étapes d'un jeu vidéo : Game over, review, start, pause, play et stop.

    II-2-) -Le titre

    Depuis le titre on est dans une nouvelle ère. La pensée du texte commence dès la présentation de ce dernier. Il s'arrime à son temps et sonne davantage comme un titre de film. La nouvelle génération d'auteurs commence à vendre leur pièce avec des titres révolutionnaires. Mis au goût du jour, l'intitulé : À la guerre comme à la Game Boy, nous situe déjà dans le temps, indique une génération : celle des jeux vidéo. Une génération où le multimédia a pris le pouvoir. D'entrée de jeu, le titre est aguicheur et introduit une écriture révolutionnaire.

    II-3-) -La thématique

    Le sujet principal et unique c'est la guerre. Mais la guerre vue du point de vue d'un enfant enrôlé comme soldat. Ici également comme dans plusieurs écritures contemporaines camerounaises, les dramaturges ne s'encombrent pas de sous thèmes. Il est question d'un sujet qui est traité de manière profonde, mais dans une liberté sans nulle autre pareille. Une thématique qui interroge. Au-delà de la guerre, il est question des enfants soldats qui se retrouvent dans les rangs contre leur gré. Ils deviennent de véritables machines de guerre, Ils perdent leur enfance et sont parfois plus dangereux que des adultes.

    II-4-) -Angle de traitement

    Il n'est pas uniquement question de choisir un sujet. Mais de le traiter de manière originale. Parler de guerre, oui, mais comment ? Qu'un auteur qui n'a jamais vécu la guerre décide de s'y plonger pour en parler, c' est stupéfiant. L'angle choisi pour le faire est tout aussi inédit. Dans sa pièce À la guerre comme à la Game Boy, Edouard Elvis Bvouma, emprunte à plusieurs disciplines pour réaliser cette oeuvre. Il y a des traces du roman dans la façon de narrer certaines parties comme nous témoigne cet extrait :

    C'est-à-dire que, comme on n'avait pas d'argent parce que l'argent n'existait pas encore, ils échangeaient le sel et l'huile et les tissus et le savon et le pétrole et beaucoup de petites choses comme ça qu'ils achetaient chez les commerçants arabes, contre notre gibier ou notre poisson ou nos fruits ou nos récoltes. P.42

    Il y a constamment des allers et retours entre le roman et le théâtre. De plus l'auteur s'inspire de tous les héros de dessins animés de son enfance pour donner vie à la psychologie de son personnage. Il en ressort une très grande influence des films d'animation et des bandes dessinées. Ici ce n'est pas seulement pour justifier l'univers de l'enfant qui parle, mais chaque personnage est à lui seule une métaphore.

    En plus du roman, de la bande dessinée et du film d'animation, il y a l'influence du jeu vidéo qui est présente pour structurer la pièce.

    II-5-) -Structure

    Le texte est divisé en six parties : Game over, review, start, pause, play et stop. Edouard Elvis Bvouma découpe sa pièce et donne à chaque partie, le titre d'un niveau ou d'une étape du jeu vidéo. La pièce s'ouvre avec l'étape« Game over ». On commence par la fin, lorsque tous les jeux sont faits et qu'il n'y a plus rien à faire : La guerre est terminée. Après le « Game over », l'auteur nous fait revenir en arrière, sur ce qui s'est passé, sur comment les personnages en sont arrivés là. Il intitule cette partie Review. C'est exactement le nom technique que l'on donne à ce bouton que l'on appuie lorsque l'on veut revoir ou réécouter comment on a joué. Après avoir relatés les évènements d'avant la fin de la guerre, il nous ramène au début. Là où tout a commencé, bref à la situation initiale avant l'évènement perturbateur. Cette partie qui aurait pu être le début de la pièce : Start. Puis il s'arrête pour lui reparler à « elle », essayer de la convaincre une fois de plus de partir. Il lui parle de leur rencontre et de pourquoi il la considère comme sa petite soeur. C'est une « Pause » au milieu de toute cette agitation, un moment de répit avant que tout s'embrase à nouveau. Après cette nouvelle étape, on entre en plein dans le « game », dans la guerre proprement dite. L'auteur intitule cette partie, Play. C'est le climax, nous sommes dans la guerre. Puis arrive enfin l'arrêt du combat, c'est le « Stop ». Il faut s'arrêter après avoir tout fait et se rendre à l'évidence que tout est terminé avec une possibilité de recommencer un nouveau jeu comme le sous-entend cette réplique de boy killer qui clôture la pièce:

    C'est game over mais le game n'est pas over pour nous.

    On va recommencer le jeu.

    On va recommencer un autre jeu.

    Puisque c'est maintenant fini.

    On vivra heureux.

    Et on aura beaucoup-beaucoup d'enfants.

    C'est une belle façon d'ouvrir des perspectives. Les différentes parties témoignent d'une structure qui n'a rien de linéaire. Il y a une structuration en tableaux qui ne sont pas classés dans l'ordre chronologique habituel.

    -Structure de la pièce: Game over-review-start-pause-play-stop.

    -Structure attendue : ce serait que le texte commence par start et qu'on termine par Game over.

    Cette structure tient d'avantage du cinéma que du théâtre. Les flash-back sont une technique narrative utilisés par les réalisateurs. C'est encore là une technique qui prend sa source dans un autre art.

    II-6-) -La langue

    « La langue française du théâtre camerounais est aussi une intention esthétique et pragmatique. Elle est poésis, parole créée, fabriquée, pour émouvoir, passer la rampe. Cette fonction inhérente à tout le système de la pièce trouve sa forme achevée dans des choix d'expression qui sont autant d'actes de langage esthétique. »78(*)

    Cette citation de Bernard Mbassi illustre mot pour mot la langue d'Edouard Elvis Bvouma dans cette pièce. Elle est tantôt poétique, tantôt créée pour toucher au plus profond de l'être. Il y a entre ses lignes douloureuses une beauté que seule la poésie confère à un texte :

    Il me fallait un nom de soldat.

    Un nom qui tonne.

    Un nom qui détonne.

    Un nom qui cartonne.

    Un nom qui me donne du courage à moi-même et qui fait peur aux autres. P.50

    En plus de cette esthétique poétique, cette langue chante. La musique est présente à tous les tournants du texte théâtral. Il y a des phrases qui sonnent comme un refrain :

    Avant nos parents.

    Avant nos grand-parents.

    Avant nos arrières-grands-parents.

    Avant nos arrières-arrières-grand-parents. P.41

    Dans cette langue il y a fabrication de plusieurs mots, composés pour la plupart. Ils permettent de mettre l'emphase, de rendre concrète la réalité exprimée. Par cette technique, les situations sont plus palpables et quittent l'univers virtuel pour exprimer un réalisme flagrant.

    C'est pourquoi le camp est vide-vide...P.7

    Pas de sang partout-partout au sol ou sur les herbes. P.8

    Tu sais que les cow-boys ont existé vrai-vrai. P.11

    Parce que si les autres nous attrapent on est finis-finis. P.10

    Il se dégage de ces phrases une envie de mieux se faire comprendre. Outre ceux composés, plusieursautres mots prennent un sens tout nouveau dans le contexte de la création de l'auteur. Ce sont des mots qui existent et qui ont un sens autre. Bvouma les manipule et ils prennent une signification neuve. Il y a une recherche sur la langue française qui permet aux mots de s'émanciper. Entre les doigts de ce dramaturge, une maxime populaire prend tout son sens : « Un mot n'a de sens que dans son contexte ». Le travail parfait permet alors de comprendre et de cerner les sens nouveaux sans la moindre difficulté.L'extrait suivant en témoigne :

    Un jour, les dépendances sont venues chasser la clonisation.

    Les dépendances ça voulaient dire que les Ntangans devaient rentrer chez eux.

    Ils devaient dégager s'en aller partir se casser foutre le camp de chez nous.

    On ne devait plus avoir de chef blanc, mais un président noir. P.45

    Les mots sont des concepts forts, des idéologies contemporaines telles que perçues dans la société africaine d'aujourd'hui. En effet, les termes « dépendances » et « clonisation » sont investis de nouvelles énergies. L'auteur dramatique soutient toute une thèse dans chacun de ses concepts. Il ouvre ainsi des parenthèses vastes mais sans perdre de temps. Il y a un donner à penser sans pareil :

    Le conseil d'insécurité, c'est la réunion des conseillers qui donnent les conseils à l'ONU pour faire l'insécurité à ceux qui font l'insécurité dans le monde. P.66

    Cette écriture se permet de briser les canons de la langue. Elle la déstructure dans un premier temps puis la restructure sous une forme inédite. On assiste à la naissance d'une langue nouvelle.

    Ex :...l'ONU se fâche mal-mauvais et envoie des militaires blancs...

    Ce texte revoit la définition de la phrase française. Elle n'est plus uniquement composée comme le veut la norme sous le modèle : Sujet-verbe-complément. La phrase c'est juste ce que boy killer a envie de dire :

    Très riches.

    Plus riches que nous.

    Chez nous.

    Et nombreux. P.43

    Cette langue d'Elvis Bvouma parle aussi du sexe dans sa diversité : genre, pédophilie, abus, viol, appareil génital...Il utilise des images et parfois il y va sans prendre des gants. Entre liberté et tabou, il s'exprime :

    Dès qu'il allait être nu comme le ver de terre, j'allais sortir ce petit couteau que j'ai toujours dans mon caleçon depuis que je sais qu'il aime aussi faire collé-collé aux garçons et j'allais couper son gros machin là. Son gros Dago allait tomber là sur les herbes. P.61

    II-7-) -Les didascalies

    Dans À la guerre comme à la Game Boy les didascalies sont introductives de chaque partie et n'apparaissent plus tout au long du déroulement. Très spéciales dans leur construction, elles sont une véritable poésie. A l'origine les didascalies sont une note ou un paragraphe rédigé à l'intention des acteurs ou du metteur en scène, donnant des indications d'action, de jeu ou de mise en scène. Dans notre contexte, elles ne sont pas comme à l'accoutumée des indications scéniques à proprement parler. Elles plantent un décor dans chaque esprit comme chacun le conçoit. L'adverbe « comme » montre l'intensité des faits que chacun percevra selon son vécu. Ces didascalies n'imposent pas, elles suggèrent.

    Comme après une tornade.

    Ou un cyclone.

    Ou une fiesta.

    Un jeune garçon.

    Une jeune fille.

    Un vieux transistor.

    Cette didascalie introductive de la pièce permet à chaque lecteur-spectateur la liberté de s'inventer un monde pour installer les personnages. Nous le voyons également ici :

    Une pensée.

    Des souvenirs en bribes.

    Comme un air de nostalgie.

    Contrairement à la conception des didascalies classiques qui faisaient office de mise en scène, celle-ci appelle à la capacité du lecteur de se créer un univers. Elle donne ainsi une grande liberté à la mise en scène car les possibilités d'écriture scénique sont nombreuses. Espace de mise en scène imaginaire pour le lecteur, la didascalie devient également un lieu de doute, voire de contradiction. Les didascalies dans cette oeuvre s'inspirent de la poésie. Encore un champ d'une discipline autre que le théâtre qui est convoqué.

    II-8-) -Les personnages

    À la guerre comme à la Game Boy est un monologue. Une voix unique celle de cet enfant soldat. Mais l'auteur nous impose un autre personnage, muet cette fois, une jeune fille à qui boy killer s'adresse. Il lui raconte sa vie. L'auteur dramatique construit le personnage principal, d'un point de vue psychologique. Ce dernier est plus important pour les écritures contemporaines et celles camerounaises en particulier. Il faut tout construire dans la tête du personnage. On pourrait parler d'une écriture spirituelle ou psychologique. Un conflit intérieur anime le personnage qui porte en lui plusieurs blessures : La mort de sa mère, un père inconnu, un oncle et un frère de la tribu ennemie, trop de morts à son actif. Tous ces conflits qui en s'extériorisant se traduisent par une réelle violence, par beaucoup de colère et un endurcissement du coeur, une transformation de l'enfant qu'il est pourtant :

    Ça pleure tout le temps, un enfant.

    Est-ce que tu m'as déjà vu pleurer, moi ? P.15

    Ils veulent me prendre pour un enfant alors que le sergent Zapata était un grand mais j'ai ramené sa tête la semaine passée au commandant pour son anniversaire. P.14

    Nous pouvons dire que l'action du personnage boy killer prend sa source dans la réalité intérieure qu'il vit.

    II-9-) -L'esthétique

    Anick Martel affirme que : « Ce qui semble de plus en plus intéressant au théâtre n'est plus tellement ce qui se dit, mais comment il se dit. »79(*)

    Ici il s'agit de l'histoire de la vie d'un petit garçon gâchée par la guerre et racontée sous le prisme d'un jeu : La Game Boy. Dans l'esprit de boy killer, la guerre c'est juste un jeu, un jeu facile :

    « La guerre, c'est simple comme bonjour : on avance comme dans star Wars en évitant les obstacles comme Mario Bros. »80(*)

    Il n'est pas juste question de parler de la guerre mais de choisir l'axe pour faire passer le message. Sans prendre une position ouverte, le dramaturge touche du doigt une réalité dure. Il s'appuie sur l'oralité africaine en la revisitant. Les histoires qui ont bercé l'enfance de la nouvelle génération sont les bandes dessinées, leurs héros et ceux des films d'animation. Ce sont ces contes modernes qui ont nourri l'enfance de la plupart de nos contemporains. Une oralité réinvestie qui met au goût du jour le texte théâtral. Edouard Elvis Bvouma fait revivre plusieurs d'entre eux par la bouche du Caporal Boy killer. De Lucky Luke à qui il s'assimile en passant par le capitaine Hadock et Kimbo81(*), ce jeune garçon peint un univers fantastique. Une fois encore, on observe ce passage du réel à l'imaginaire qui caractérise les auteurs contemporains. Les frontières entre le réel et l'imaginaire sont abolies ce qui offre davantage de possibilités d'interprétation et donc de multiples significations. L'auteur nous plonge dans un jeu vidéo géant où chacun est un personnage. Le dramaturge soulève une multitude de questions. Il montre mais garde cette distance qui lui permet de ne pas condamner.

    La présence de différentes autres disciplines ; roman, poésie, cinéma ; entraine une transgression du genre théâtral classique et confère à cette pièce une grande ouverture sur le monde.

    Nous sommes certes à l'écrit, mais le lecteur a une capacité de représentation que lui donne son imaginaire, ceci grâce aux multiples options que lui offre le texte de l'auteur dramatique. Cette écriture d'Edouard Elvis Bvouma nous montre que la société camerounaise évolue, mute : son théâtre en est la preuve irréfutable.

    III-) -Romeo Et Juliette...Assez ! Martin Ambara

    III-1-) -Résumé

    « L'auteur » est à la recherche d'un point. Un point qui sonne une fin. Mais une fin pour un recommencement. Dans sa quête de cette ponctuation, « l'auteur » est incompris de tous. Il y a un trouble dans sa tête. Une remise en question de ce qui fait le théâtre aujourd'hui. Incompris de son entourage : comédiens, bouches, personnages (les vingt-six lettres de l'alphabet), régisseur et de lui-même, il veut explorer de nouvelles formes et se libérer de toutes les conventions imposées par l'Occident. Face à sa conscience et devant sa feuille, il repense le théâtre qu'il voudrait ramener à son essentiel qui est le jeu. Toutes les fois qu'il veut coucher un bout de poésie sur le papier, il s'imagine des comédiens ou des lecteurs qui prennent corps et qui lui suggèrent une infinité de propositions de jeu. Puis les personnages s'imposent chacun avec une histoire qu'il pourrait développer. Toutes ces entités vivent en lui et ont soif de s'exprimer dans la liberté. Comme pour le rappeler à l'ordre un perroquet répète bêtement ce qu'il dit. L'auteur se regarde au travers de son oeuvre et il se voit traversant la scène avec un chien symbole de l'esclavage de ses envies inassouvies d'artiste car embrigadé par des conventions d'une autre époque et d'une autre société. « L'auteur » cherche quelque chose qu'il ne trouve pas. Il meurt sans trouver de solution à toutes les questions qui le taraudent. Débarquent alors Roméo et Juliette sortis du dix-septième siècle. Eux aussi sont conscients que les choses doivent changer.

    III-2-) -La thématique

    Dans cette pièce comme dans les deux précédentes, il y a une thématique unique. Ici c'est le théâtre. On perçoit deux entités qui s'opposent et s'affrontent. Il en ressort un besoin de révolution d'une part, mais surtout d'une opposition farouche à un ensemble de normes et de conventions d'autre part. L'auteur opère une mise en abyme du théâtre.

    III-3-) -L'esthétique

    Le dramaturge choisit de poser des questions sur le théâtre au travers de ce texte. Il ne donne pas des noms à ses personnages mais il les nomme au travers de ce qu'ils représentent réellement : Les comédiens, les bouches, les personnages. L'auteur utilise la mise en abyme du théâtre comme esthétique. Cette dernière qui tire son origine de la peinture, permet d'apprécier ou de juger un art au travers de lui-même. Ce texte de Martin Ambara est donc du théâtre dans le théâtre. Par le théâtre lui-même, la question de la façon de faire et de penser le théâtre est remise au goût du jour. L'esthétique questionne la pratique théâtrale telle qu'elle est faite de nos jours. De plus tout est mystère et requière des clefs de lecture franches pour une bonne compréhension. Le quatrième mur au théâtre est souvent briser au travers des comédiens pour atteindre le public potentiel. Dans cette pièce de Martin Ambara, on perçoit une adresse directe au public mais qui ne passe pas forcément par le canal du comédien. Ambara va jusqu'à personnifier le Théâtre et l'amène à s'auto censurer. Un autre rituel, très présent dans l'écriture de l'auteur c'est la mort. Dans cette pièce également l'auteur trépasse et laisse le théâtre dans ce questionnement tandis que le fruit de son imagination survit. Cela s'explique par ces personnages qui continuent de vivre alors que l'auteur n'est plus.

    III-4-) -La langue

    Fidèle à lui-même, Ambara a une langue complexe et souvent sombre. Les mots forment un système qui se déploie comme un manifeste. Le discours semble ne pas avoir de chronologie. C'est par contre un mécanisme, tout entier qui revendique un théâtre qui lui est propre. Ce texte d'Ambara est un labyrinthe. Le lecteur, dès qu'il croit comprendre, est à nouveau rattrapé et ralenti par la réalité. Faisant un parallèle avec le théâtre contemporain, nous comprenons que Martin Ambara s'interroge sur lui. Il cherche des voies de renouvèlement. A l'image de son personnage principal, il sait qu'il faut repenser les choses, qu'il y'a des multitudes de pistes mais laquelle choisir ? Tout est encore codé. Le mystère de la langue ne s'arrête pas uniquement la beauté des mots ou la construction des phrases. Il traduit aussi l'essence même du théâtre actuel. Cette langue est mystique et le lecteur tentera de lui trouver des codes pour la déchiffrer. Découvrons-la dans ces quelques lignes :

    L'auteur : La borne entre deux lignes, l'endroit précis de la ligne où le souffle s'étiole, meurt pour se régénérer. Le lieu où il dynamise et tonifie et les sillons qu'imprime le cri sur la feuille, pour que s'entendent les spasmes du corps des mots en érection devant la vulve de la vierge. P.54

    Cette langue parle aussi du sexe. Cela peut se comprendre dans le contexte de cette pièce qui veut une nouvelle naissance de l'art théâtral. Le sexe symbole de désir à assouvir et origine de création. Nous le voyons également dans la réplique suivante :

    Un comédien : Un bordel oui, pas un foutoir...Un nid de minettes en mini : « dix francs la sucette mon grand, le double pour le tuyau d'échappement, et quinze francs pour le tunnel central. Ça te dit ? P.8

    III-5-) -La structure

    Nous avons une pièce qui jaillit en un seul bloc. Néanmoins il y a cette alternance entre réalité et rêve. On est tantôt dans la vraie vie, tantôt dans la tête de l'auteur. Bien que cette alternance existe, il faut encore être très méticuleux pour se glisser de l'espace virtuel à celui réel.

    III-6-) -Les didascalies

    Le texte en est complètement épuré. Il n'y en a qu'une seule qui introduit la pièce. Cette unique phrase suffit pour comprendre que nous sommes en présence d'un texte différent. Nous pouvons lire :

    Vrac de répliques pour construction scénique.

    Cette didascalie convoque directement quelqu'un : le metteur en scène. C'est lui qui est le concepteur de la construction scénique. Nous comprenons ainsi que par Roméo et Juliette...Assez, Martin Ambara interpelle l'auteur scénique à repenser sa mise en scène. C'est pour cette raison qu'il lui offre déjà un matériau original et différent qui le bouscule et sème le trouble dans l'univers de son théâtre tout entier.

    III-7-) -Les personnages

    Les personnages : sont une bonne trentaine : un auteur, des comédiens, un homme et son chien, un perroquet, des bouches, le spermato, les vingt-six lettres de l'alphabet, Roméo et Juliette. La pièce étant une mise en abyme du théâtre, nous pouvons présenter les personnages à la manière du dramaturge :

    « Les personnages sont réduits à la valeur symbolique des actions qui se déploient dans la sphère du théâtre et partant celle de la vie : les comédiens pour ceux qui doivent jouer, les bouches qui disent le texte, le chien qui incarne l'esclavage d'une libido inassouvie, le perroquet répétiteur stupide, le spermato lui, figure l'origine du désir et de la création, l'auteur ici est le quêteur d'une histoire à écrire, les lettres de l'alphabet, toutes porteuses d'une histoire et éventuellement d'histoires à combiner...et bien sûr les personnages éponymes dont on retient l'obsession du baiser. Le baiser comme une aspiration au plaisir, le baiser comme un cachet de trahison. »82(*)

    III-8-) -Entre réel et irréel

    Lorsqu'on y regarde de très près, on finit par comprendre, non sans peine que dans la pièce, nous avons affaire avec un personnage unique : « l'auteur ». C'est dans sa tête que tout se joue. Personne à part lui n'est réel. Tous les autres sont le fruit de son imagination comme le témoigne cette réplique :

    Roméo : Il y a lui, celui qui écrit.

    Les personnages sont autant de direction ou de propositions potentielles à explorer. Dans ce théâtre duquel il essaye de créer, il se projette à tout moment sur ce qu'il pourrait faire, mais qu'il ne fait pas. Roméo et Juliette...Assez, sonne comme ce ras-le-bol de Martin Ambara de se laisser guider par les canons qu'imposent un théâtre qui, non seulement vient d'ailleurs, mais appartient à une autre époque. Sans se soustraire à cette coutume qui lui est propre, il y a la marque de la mythologie. Cet extrait en est la preuve :

    Les vingt-six lettres de l'alphabet : Au secours ! Au secours ! A moi ! Maman ! Un Ptéranodonus paléonticus ! Une hydre ! Un cerbère ! A moi hercule ! Un dragon noir crachant du feu ! Mama mia ! Un golem ! A moi ! P.54

    III-9-) -Le titre

    Comme dans les deux précédentes pièces, le titre nous plonge déjà dans la pensée de l'auteur. Il peut être traduit comme le besoin existentiel de passer à autre chose. Roméo et Juliette sont les héros de William Shakespeare qui prennent vie dans un de ses textes célèbres du XVIIème siècle. Pour Martin Ambara, il est temps de passer à autre chose. Il se glisse dans la bouche d'un de ses personnages pour le manifester.

    Roméo : Nous ne sommes plus au dix-septième siècle.

    Nous sommes à l'âge de la play-station, du network, des croisements génétiques, du clonage. Regarde autour de toi, lis dans ces livres... P.85

    Roméo et Juliette...Assez ! s'inscrit dans la même lancer, que Debout un pied de Sufo Sufo et de À la guerre comme à la Game Boy de Edouard Elvis Bvouma, comme cette écriture assez philosophique. Nous qualifierons ces pièces de « greniers de questions » dont les réponses seraient enfouies au plus profond de la réalité de chaque individu. Il y a également ce jeu qui subsiste entre rêve et réalité. La dimension psychologique ou spirituelle dans la caractérisation des personnages prime.

    Une étude des piècesDebout un pied, puis de À la guerre comme à la Game Boy, et enfin de Roméo et Juliette...Assez ! ; nous a permis de voir de façon pratique la force et la particularité d'une des tendances de la dramaturgie camerounaise actuelle. Les auteurs dramatiques ont chacun une spécificité qui apporte une touche particulière à son écriture.

    SECTION II : OUTILS DE VALORISATION DES ECRITURES DRAMATIQUES CAMEROUNAISES CONTEMPORAINES ET DE LEURS AUTEURS

    La section précédente a permis d'apprécier le savoir-faire des auteurs dramatiques de la nouvelle vague. Nous avons ainsi attesté la qualité et l'originalité de leur plume. Grâce à cette nouvelle génération d'auteurs dramatiques le théâtre camerounais fait le tour du monde. Pourtant, malgré cet état des choses, leur ouvrage ainsi que leur approche esthétique sont à peine connus de la société camerounaise. Il subsiste un énorme paradoxe : Le théâtre camerounais se distingue dans le monde pendant qu'au pays on crie encore et toujours à sa crise. De plus, en dehors du milieu très « enclavé » du théâtre, les oeuvres n'existent nulle part. Comment expliquer que le théâtre soit étudié dans les lycées, dans les facultés, les instituts et les écoles d'Art du Cameroun mais que les visages et les travaux de ces valeureux représentants du Cameroun en matière de théâtre soient totalement absents ? Selon Anne Ubersfeld, comme nous l'avons déjà fait savoir, « Le théâtre n'accède à l'existence que joué ». Il revient de se demander : Comment donner vie à ces auteurs s'ils ne sont pas joués, donc préalablement lus ? Jacques Raymond Fofié83(*), concernant les générations passées, parlait déjà de cette écriture camerounaise qui brillait en Afrique. La nouvelle génération d'auteurs a permis au Cameroun de figurer en tête ces dernières années au vue du Palmarès, de la constance et de la quantité. Cette recherche voudrait démontrer que ces écritures peuvent donner de nouveaux moyens pour revitaliser le théâtre camerounais. S'étant hissées à un niveau élevé, elles peuvent faire rêver et inspirer plus d'un à vouloir se lancer dans cet univers du théâtre jadis prisé par les camerounais.

    Les auteurs dramatiques camerounais de la nouvelle vague sont installés et investissent dans leur vie au Cameroun. Ils se sont fait remarquer par des projets créés par des camerounais dans leur propre pays. Toutes ces spécificités devraient être exploitées pour redorer le blason du théâtre camerounais aux yeux de sa société. C'est là, la raison de cette seconde section.  Ce travail commencera par faire ressortir quelques chiffres qui permettront, à la communauté scientifique et au public camerounais, de se faire une idée de la place qu'occupent ces écritures plurielles dans l'univers francophone. Après cette vue panoramique, cette recherche tentera de proposer quelques approches qui pourraient donner au théâtre le moyen de redevenir un Art compétitif dans une société où, plus que la qualité ; la visibilité et la popularité sont les armes qui garantissent la survie de l'artiste et de ce fait de son Art.

    A-STATISTIQUES

    Pour cette rubrique nous avons sélectionné les prix d'écriture dramatique francophone majeurs de par leur prestige et leur constance.

    I-1-) -Le Prix RFI théâtre

    Nous commencerons par l'un des plus prestigieux prix d'écritures théâtrales francophone : Le Prix RFI théâtre. Il récompense un dramaturge pour les qualités littéraire et dramaturgique, pour l'originalité de sa pièce. Le jury est composé d'auteurs, de comédiens, de directeurs de festival, de metteurs en scène, d'éditeurs. Ce prix encourage et soutient la création contemporaine francophone. Il promeut la richesse des écritures francophones du Sud mais également les auteurs au travers d'un soutien professionnel et médiatique à travers une dotation financière avec le concours de ses différents partenaires (SACD)84(*). L'auteur lauréat du prix se voit offrir, des résidences d'écriture, une résidence de travail au plateau, des lectures publiques, une promotion du texte et une mise en onde sur les antennes de RFI.85(*) Le prix RFI théâtre existe depuis 2014.

    - En 2014, présidé par Alain Mabanckou86(*) le jury ne retiendra qu'une seule pièce venue du Cameroun : Croisement sur l'echelle de Richter de Sufo sufo. Cette édition sera remportée par le congolais Julien Mabiala Bissila. Cette année-là, il n'y avait que sept finalistes.

    -En 2015, le Président du jury est Koffi Kwahulé87(*). Sur 216 candidatures venant de 24 pays d'Afrique, 12 pièces sont retenues dont trois camerounaises. Il est néanmoins remporté par la libanaise Hala Moughanie pour son texte Tais-toi et creuse. Les camerounais nominés sont :

    -Sufo Sufo, De la mémoire des errants

    -Edouard Elvis Bvouma, A la guerre comme à la Game Boy

    -Constantin Kouam Tawa, Sita

    - En 2016 : il est remporté par le Guinéen Hakim Bah pour son texte Convulsions. Ce sont 220 textes de 20 pays qui feront office de candidature, douze retiennent l'attention du jury présidé cette année par Laurent Gaudé. Mais le Cameroun brille par ses auteurs. Il s'agira de :

    -Martin Ambara, Apocalypse qui ?

    -Sufo Sufo, Haute cour 6600

    -Nicaise Magloire Wegang, Qu'il en soit ainsi

    -Constantin Kouam Tawa, Nuit de veille

    - En 2017 : Le comité de sélection présidé par Dany Laferrière a reçu 172 candidatures venues de 23 pays d'Afrique, de l'Océan Indien, des Caraïbes, du proche et Moyen-Orient. Le jury sélectionnera treize textes inédits. Cette édition est remportée par le camerounais Edouard Elvis Bvouma pour son texte La poupée barbue. Sont nominés :

    -Edouard Elvis Bvouma, La poupée Barbue

    -Sufo Sufo, Debout un pied

    -Constantin Kouam Tawa, Mille et une femmes

    -En 2018 : Ce sont 168 textes pour 19 pays. Le comité de sélection présidée par la comédienne Firmine Richard retient douze textes pour cette cinquième édition. Elle est remportée par le béninois Sedjro Giovanni Houansou pour Les innamovibles.Sont nominés :

    -Sufo Sufo, De la fabrication de l'homme

    -kouam Tawa, Et caetere

    -Vhan Olsen Dombo, La chose de l'autre

    Tableau récapitulatif

    ANNEES

    PIECES FINALISTES

    PIECES CAMEROUNAISES

    2014

    07

    01

    2015

    12

    03

    2016

    12

    04

    2017

    13

    03

    2018

    12

    03

    TOTAL

    56

    14

    Grace à ce tableau nous pouvons faire un rapport clair pour définir le pourcentage des pièces camerounaises qui sont nominées depuis la création du Prix de Théâtre RFI.

    (14x100)/ 56 = 25%. En d'autres termes, depuis la création du Prix de Théâtre RFI en 2014, un quart des pièces sélectionnées sont d'auteurs camerounais.

    I-2-) -Le Prix des inédits d'Afrique et Outremer

    C'est un prix lycéens de littérature dramatique francophone qui existe depuis 2013. Le principe est simple. Après un appel à textes de pièces inédites, trois sont sélectionnées par un comité et proposées aux lycéens de différents établissements. Ces derniers ont la charge de choisir une pièce lauréate. Cette distinction aboutit à une publication du texte lauréat chez Lansman et à une résidence de son auteur en France.

    -En 2013 : C'est une édition qui ne connaitra la participation d'aucun auteur camerounais, en tout cas aucun texte camerounais n'est sélectionné. Faustin Keoua Leturmy en sera le lauréat.

    En 2014 : Le Lauréat est Paul Franscesconi pour son texte Mon ami n'aime pas la pluie. Les deux autres nominés sont Amed Hafdi avec Mirci la France et le camerounais Sufo Sufo avec Maman on frappe chez la voisine.

    -En 2015 : le camerounais Eric Delphin Kwegoue, Question de terre ; David Minor Ilunga, La fille malade de poisson pourri ; le guinéen Hakim Bah sera récompensé pour sa pièce.

    -En 2016 : Edouard Elvis Bvouma avec A la guerre comme à la Game Boy raffle la récompense devant son compatriote Sufo Sufo, De la mémoire des errants et Gaël Octavia, Les vieilles.

    -En 2017 le camerounais Eric Delphin Kwegoue est lauréat avec son texte Igonshua ou jamais sans eux. Les autres nominés sont : Sufo Sufo, Croisement sur l'Echelle de Richter et Kokouvi Dzifa Galley pour Requiem.

    -En 2018 nominés : Sufo Sufo Debout un pied, AFI Gbegbi, Soeurs d'ange, Sedjro Giovanni Houansou, La rue bleue. AFI Gbegbi sera récompensée pour Soeurs d'ange.

    -2019 nominés : En route de Amadou Bouna Guazong est le texte lauréat, Babillages de Sarah Hatem du Liban ; Le mur de Fatou Sy Côte d'Ivoire.

    En sept ans se sont vingt et une pièces nominées :

    ANNEES

    TEXTES NOMINES

    PIECES CAMEROUNAISES

    2013

    3

    0

    2014

    3

    1

    2015

    3

    1

    2016

    3

    2

    2017

    3

    2

    2018

    3

    1

    2019

    3

    1

    TOTAL

    21

    8

    Nous avons depuis la création de ce prix huit pièces camerounaises sélectionnées dans toutes l'Afrique francophone y compris les territoires d'Outremer soit 38%.

    I-3-) -Le Prix SACD de la dramaturgie française

    Il existe depuis 2001 une initiative de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) et du festival des francophonies en Limousin. Il récompense un auteur d'expression française parmi une sélection de textes proposés par la maison des auteurs de Limoge. Nous ne donnerons pas ici tous les lauréats des dix-sept années d'existence de ce prix, néanmoins nous nous fierons au site internet du Prix SACD pour donner ici les nations des récipiendaires depuis son existence. En dix-huit années, vingt-deux prix ont été attribués car la SACD a décidé de récompenser deux auteurs distincts pour leur oeuvre respective en 2016, 2005, 2004 et 2001. Deux pays d'Afrique noire ce sont fait remarquer. Il s'agit du Togo grâce à Gustave Akakpo et du Cameroun par trois de ses dramaturges :

    - En 2005 Marcel Zang, L'Exilé

    -2015 Edouard Elvis Bvouma, A la guerre comme à la Gameboy

    -2017 Sufo Sufo, Debout un pied

    Pays

    Nombre de recompenses

    Canada(Quebec)

    07

    Cameroun

    03

    France

    03

    Belgique

    02

    Haïti

    01

    Iran

    01

    Maroc

    01

    Suisse

    01

    Syrie

    01

    Togo

    01

    Tunisie

    01

    TOTAL

    22

    Ici le rapport est de 13%.

    Nous allons noter une particularité à ce prix : il prend en compte tous les auteurs francophones du monde entier. Les deux premiers prenaient en compte uniquement l'Afrique francophone pour RFI et l'Afrique francophone et les territoires d'outremer pour le second.

    I-4-) -L'Univers des mots

    La Biennale théâtrale créée en 2012 par la compagnie La Muse88(*), en République de Guinée initie la biennale d'écriture francophone Univers des Mots. Trois jeunes auteurs africains choisis après un appel à projets d'écriture dramatique d'Afrique francophone sont réunis à Conakry pour une résidence. Les projets sont appelés à devenir des textes pour le théâtre. Pour y parvenir, les auteurs écrivent et confrontent leurs écritures au plateau. Dans cette tâche, ils sont accompagnés par des acteurs et par deux metteurs en scène ; un du Sud et l'autre du Nord. Au terme du temps imparti les textes sont soumis à un jury de professionnels de théâtre qui choisi un texte lauréat de l'édition.

    -En 2012 : Un péché si mignon d'Edouard Elvis Bvouma est le texte Lauréat malgré les deux textes guinéens dont celui du très talentueux Hakim Bah89(*) et de Méhindé.

    -En 2014 : Sufo Sufo, De la mémoire des errants.

    -En 2016 : Marcelle Sandrine Bengono dit Mesima, Le parfum du Souvenir.

    -En 2018 : Hermine Yollo, M 119 autopsie.

    Jusqu'à nos jours toutes les éditions ont été remportés par des camerounais. C'est une autre preuve que l'écriture dramatique camerounaise contemporaine est l'une des meilleures d'Afrique francophone.

    I-5-) -Les grands Prix Afrique du théâtre francophone

    Créés en 2008, ils sont ouverts aux femmes et hommes de théâtre de toute l'Afrique et de sa diaspora qui en acceptent les modalités. C'est une compétition qui met en jeu tous les domaines et toutes les disciplines liés au théâtre. Ce sont plusieurs jours d'échange sur le développement culturel en Afrique francophone, placés sous le haut parrainage d'une personnalité émérite et déterminée à la promotion culturelle en Afrique. Ils sont clôturés par une soirée de gala au cours de laquelle le prix est remis en présence des nominés, des personnalités et de la presse. C'est une récompense annuelle Organisée par le CBEOA90(*)Association, dans une capitale africaine différente chaque année. Les Grands prix Afrique du théâtre francophone valent à leurs récipiendaires une reconnaissance et une promotion internationale soutenue.

    -En 2008 le camerounais Edouard Elvis Bvouma sera récompensé par ce prix dans la catégorie meilleur auteur avec Les Martyrans. Cette même année, il est également nominé dans la catégorie meilleur théâtre de sensibilisation avec Pour la mort et pour le pire.

    -En 2009 la camerounaise Nicaise Magloire Wegang reçoit le Prix spécial du jury, avec sa pièce Qu'il en soit ainsi.

    B- PERSPECTIVES DE VALORISATION

    Cela ne fait aucun doute, l'écriture dramatique camerounaise francophone se distingue des autres. La qualité et la richesse de cette dramaturgie devrait être connue par les camerounais, d'où l'urgence de la valoriser. Dans une société où le texte dramatique demeure en général le départ de toute création scénique, valoriser ce matériau qu'il constitue devient pressant. Pour y parvenir, il ne sera pas seulement question d'énumérer des théories, mais de proposer des solutions concrètes qui ont fait leur preuve dans d'autres sociétés. Bernard Mbassi91(*), lors du colloque de 1987 du Palais des Congrès de Yaoundé, présentait déjà certains axes à prendre en compte pour revitaliser le théâtre camerounais en général (1998 : 119-124). Malheureusement l'arrivée du théâtre de subvention des années 90 qui va achever de déconnecter le théâtre de ses « lecteurs », ne permettra pas d'éprouver les propositions par lui énoncées.

    Nous partirons de propositions générales pour la revitalisation du théâtre camerounais avant de toucher le point particulier de l'écriture. Il sera question dans un premier temps d'apporter des solutions génériques, puis de trouver des outils spécifiques à l'écriture dramatique.

    I-) -propositions d'outils de valorisation génériques

    I-1-) -Introduction du théâtre dans les écoles en tant qu'Art

    Dans Regards historiques et critiques sur le théâtre camerounais Fofié déclare :« On gagnera davantage du public en gagnant la jeunesse. Gagner la jeunesse en leur Donnant une grande compréhension de l'art dramatique » (2011 : 61). Il s'agit d'éduquer les jeunes. Les écoles ont leur partition à jouer dans la valorisation des écritures dramatiques. A l'air de la modernisation, elles sont la principale voient de transmission et d'éducation. Elles pourraient former les jeunes à la culture théâtrale. Certes, il existe une section des Arts du spectacle à l'université de Yaoundé I et une filière théâtrale dans les écoles des beaux-arts de Nkongsamba et Foumban ; mais cela ne sert pas à donner une culture artistique à la population mais plutôt à former des spécialistes du domaine qui ensuite auront à leur tour besoin d'un public. Il serait judicieux que l'école dès la maternelle permette aux enfants et aux jeunes d'explorer le théâtre sous sa dimension artistique et pas juste comme une discipline littéraire. Pour rendre plus concret la culture théâtrale, il faut que les élèves aillent au théâtre.

    En République de Guinée par exemple, il existe un concept que l'on appelle « les scolaires »92(*). Ce sont des représentations théâtrales qui sont faites en avant-première à l'intention des journalistes et des élèves. Elles sont gratuites car subventionnées par des mécènes. A chaque fois qu'il y a un nouveau spectacle, des bénévoles collectes de l'argent auprès d'entreprises ou de particuliers pour que des élèves d'un lycée puissent assister au spectacle. Ils participent alors à la représentation et peuvent poser des questions sur tous les aspects de la création au même titre que la presse présente. Ainsi les enfants grandissent en une culture théâtrale.Ce savoir-faire peut être contextualisé pour le Cameroun et porter du fruit comme à Conakry.

    I-2-) -Éduquer la jeunesse aux métiers du théâtre

    Il faut amener les jeunes à trouver dans le théâtre une solution au chômage. Les métiers du théâtre sont nombreux et ne se limitent pas juste à la dite discipline. Au Cameroun, le champ théâtral offre une multitude d'options qu'il reste encore à découvrir. La plupart de ces métiers sont ouverts au monde et ne se limitent pas seulement à l'art théâtral. Bien organisé, le théâtre peut se révéler être une véritable industrie au sein de laquelle se déploierait une panoplie de professions artistiques et techniques (metteur en scène, comédiens, décorateurs, scénographes, créateurs son ou lumière, régisseurs, costumiers, maquilleurs).

    Pour gagner du public, il faut que le théâtre intéresse les jeunes. Plusieurs d'entre eux se lancent aujourd'hui dans le cinéma parce que la culture cinématographique grandit dans l'imagerie populaire. Pourtant les meilleurs acteurs, les meilleurs directeurs d'acteurs viennent souvent du théâtre. Nous pouvons citer l'exemple de Broadway qui est un Théâtre de référence aux Etats Unis et par lequel passent les plus grands acteurs d'Hollywood à l'instar Denzel Washington93(*). Le théâtre est un art pluriel qui offre de grandes possibilités.

    Si la jeunesse adopte le théâtre, le rôle des pouvoirs publics serait juste d'apporter une valeur ajoutée à une discipline qui se porte déjà bien. Au Cameroun, le théâtre n'est pas le seul art à ne pas avoir de politique culturelle. D'autres arts en l'instar de la musique souffre de la même gangrène. Pourtant, il y a chaque jour de plus en plus de jeunes gens qui rêvent de faire carrière dans la musique.

    Il existe, au Cameroun, lors de grands salon de l'emploi, des foires aux métiers, il serait positif que le théâtre s'invite à ses expositions pour qu'on le découvre en tant que métier comme on le fait déjà pour le cinéma.

    I-3-) -Le théâtre comme nécessité sociale

    A ce niveau, il y a des notions qu'il faut mettre en relief. La première, celle de la thématique traitée dans les pièces qui doivent avoir un lien avec la société. La seconde est celle de l'importance du théâtre dans la société contemporaine. Les deux notions sont liées et vont de paires. Plus les thèmes évoqués dans les oeuvres théâtrales sont liés à la société, plus elles peuvent intéresser et décider la population à aller voir une représentation. L'étude des pièces de théâtre faite plus tôt prouve que le théâtre contemporain camerounais, du point de vue de la dramaturgie, est ancré dans sa société. Il y a un engagement socio-politique qui se dégage de l'écriture des auteurs. Pour que vive le théâtre, il doit être davantage perçu sous l'angle de la nécessité sociale et non comme une entreprise qui nécessite juste du matériel. Il faut arrimer le théâtre à sa société pour que cette dernière s'y intéresse. De plus, il faut vendre les praticiens du théâtre aux yeux de la population pour qu'ils soient respectés.

    II-) -Propositions d'outils de valorisation spécifiques à l'écriture dramatique

    Pour que le théâtre vive et se répande, il faut en faire la promotion. De même chaque discipline constitutive de l'art théâtral doit être promue pour trouver de l'intérêt aux yeux de plus en plus de monde. Il est donc impératif de faire vivre l'écriture des auteurs dramatiques camerounais contemporains. Pour être connues, ces écritures doivent être entendues et vues. En ce qui concerne la représentation scénique des textes, il y a la mise en scène. Elle nécessite parfois des moyens coûteux pour prendre corps et un long processus de création. En plus des moyens financiers, il faut la connaissance professionnelle. En effet, n'est pas metteur en scène qui veut. Pour faire connaitre une pièce de théâtre et lui donner une portée plus grande, le texte peut aussi être entendu.

    II-1-) -Introduire les pièces contemporaines dans le programme scolaire

    Nous pensons que les pièces de théâtre doivent être réparties en deux répertoires distincts : classique et contemporain. Le répertoire classique servirait, non seulement, à contribuer à la conservation du patrimoine des textes dramatiques mais d'en connaitre en même temps l'histoire. En étudiant des pièces classiques, le grand public est renseigné sur l'histoire de l'écriture. Nous pourrons juger son évolution et ses mutations. En plus, il y en a qui pourrait user d'originalité pour mettre les classiques au goût du jour en passant par une réécriture dramatique ou scénique. Introduire des pièces contemporaines permet à l'élève ou l'étudiant d'évoluer avec son temps, d'avoir une culture théâtrale compétitive et être au parfum de ce qui se fait, être outillé au cas où il voudrait se lancer dans la pratique.

    II-2) -L'introduction de master class

    Un master class est un cours d'interprétation donné à un étudiant ou un cours d'interprétation et de partage d'expérience donné à un jeune professionnel par un expert d'une discipline. A l'origine, c'est une classe de musique donnée par un maître, un artiste reconnu.

    Dans le cadre de l'écriture dramatique, il serait judicieux que l'étude d'une pièce de théâtre soit également faite avec un professionnel. En étudiant les textes constituant notre corpus en début de cette troisième partie, nous avons pu constater une belle différence entre la littérature et l'écriture théâtrale. Les canons de la littérature sont déconstruits au profit d'une liberté qui prend sens dans l'univers théâtral. Un professionnel expliquerait mieux comment l'auteur use de la littérature pour créer l'artistique. Il enseignerait le théâtre sous l'une de ses plus belles couleurs : l'art.

    II-3-) -Edition et circulation des pièces

    « Le véritable problème de l'émergence des jeunes dramaturges camerounais demeure celui de l'édition. La représentation ne suffit pas à se faire connaitre véritablement comme dramaturge. Certains manuscrits de très bonne qualité ne sont pas publiés...Vivement que ce problème d'édition soit pris au sérieux au Cameroun. »94(*)(2011 : 211).

    Jacques Raymond Fofié voyait déjà en l'édition un véritable problème de l'émergence des jeunes dramaturges camerounais. La grande majorité des textes ne sont pas édités ou le sont par des maisons d'éditions étrangères ou de manière artisanale. Cet état des choses a pour conséquence la rareté des pièces, ce qui explique pourquoi les nouveaux dramaturges sont très peu ou pas du tout connus. Il est urgent d'éditer les pièces des auteurs contemporains. Les introduire dans les programmes scolaires serait un début de solution. Dans les établissements scolaires du Cameroun, des pièces de théâtre sont au programme dès la classe de quatrième. Introduites dans le système éducatif, les pièces seraient une aubaine pour un éditeur car elles devront être produites en grande quantité pour les lycées et collèges et même les écoles supérieures. L'éditeur voulant réaliser du profit, il investit davantage dans la production d'ouvrages dont la demande est importante.

    Les praticiens du théâtre essayent de palier au problème de la rareté des pièces de théâtre en utilisant ce qu'ils appellent « la circulation des textes ». C'est un processus qui consiste à faire circuler les tapuscrits au travers des comités de lecture, mais également entre metteurs en scène, comédiens. C'est ainsi que les oeuvres des auteurs dramatiques survivent malgré l'environnement difficile dans lequel elles voient le jour. Il serait donc intéressant de mettre sur pied des comités de lecture.

    II-4) -Les mises en voix et les lectures spectacles

    II-4-1) -Les mises en voix

    Lire une pièce c'est le point de départ. Les metteurs en scène choisissent des textes qui leur parlent. Les futurs auteurs s'inspirent de textes qui les touchent. Pour qu'un texte dramatique parle ou touche, il faut qu'il soit mis en voix, donc entendu. Il existe plusieurs moyens de faire entendre le texte :

    -Les lectures publiques : Une lecture marquante influence la pensée et l'écriture. Elle permet d'entendre les mots et de leur donner vie. Elle peut être faite par l'auteur lui-même ou par un comédien professionnel ou n'importe quel lecteur. Elle se fait à voix haute devant un public et se définit par trois opérations principales :

    -une opération de lecture visuelle silencieuse : je lis, je comprends,

    -une opération de diction : je lis ce que j'ai lu et compris,

    -une opération de rétroaction : je prends en compte l'effet de ma diction sur celui qui écoute.

    A la différence, de la lecture orale, les signes écrits sont transformés en sons à partir desquels le lecteur construit le sens. Le lecteur se rend auditeur du message écrit. Ainsi « l'oralisation » précède et permet la compréhension (je vois, je prononce, j'écoute).95(*)

    Au Cameroun, les lectures publiques ont lieu dans de nombreux cas seulement lors des restitutions d'ateliers d'écriture. Ce n'est pas suffisant car à ces moments les textes ne sont pas aboutis. Eduquer la société pourrait aussi passer par l'écoute de pièces théâtrales.

    II-4-2-) -Les lectures spectacles

    C'est le lieu pour un lecteur potentiel de donner vie à un texte à travers une mise en scène imaginaire que l'on devine grâce à l'intonation de la voix. Le texte est lu et non appris. Mais il y a pourtant des performances qui accordent comme dans le théâtre une grande importance à la gestion de l'espace, du corps, des regards et de la voix. C'est une pratique de plus en plus fréquente sous d'autres cieux. Néanmoins cette pratique arrive timidement dans le théâtre camerounais. Le dix octobre 2018, dans le cadre du Goethe-découverte, le public assiste à une lecture spectacle du texte Le précieux présent de la petite reine de Juvénil Assomo96(*). C'est un texte à une voix portée par une jeune comédienne accompagnée au piano par l'auteur lui-même.97(*)

    La lecture spectacle permet non seulement de redonner la primauté au texte à travers la voix d'un comédien. Cette forme propose au public un théâtre de la pensée où on invite le spectateur à se créer son propre univers mental. Cet univers est complété par la performance de la lecture.

    Cette approche permet de mettre en avant le texte grâce à la voix sachant que l'univers scénique est épuré. Elle offre également une plate-forme d'échange entre auteur et public autour du texte. Plus que l'édition, cette méthode permet de faire connaitre les pièces mais également leurs auteurs. Elle mérite donc d'être davantage explorée. De plus un festival de lecture est plus accessible qu'un festival de théâtre du point de vue du coût de production. Au Québec, à Montréal et en France, il existe le Festival « Le Jamais Lu » depuis 2011. Sur le site internet du festival nous pouvons lire :

    « Le Jamais Lu a pour mission de créer un lien fort entre le public et les auteurs d'aujourd'hui. Il offre aux dramaturges, particulièrement ceux de la relève, des tribunes originales, engagées et festives. Le Jamais Lu oeuvre au développement de la dramaturgie québécoise, canadienne et internationale ».98(*)

    Les auteurs sortent de l'anonymat et l'écriture devient une activité artistique à part entière et festive. Nous pensons que cet exemple pourrait s'appliquer au Cameroun. Ainsi le métier de dramaturge aurait une nouvelle portée et pourrait intéresser un peu plus les jeunes. Ils ne se limiteront pas seulement à la lecture, mais ils pourront à leur tour prendre la parole par l'écriture. Il faudrait penser également au concours d'écriture pour stimuler les jeunes à l'écriture.

    CONCLUSION DU CHAPITRE

    Ce sont trois auteurs et donc trois esthétiques différentes qu'il nous a été donné de découvrir. Bien qu'elles aient des points communs lorsque l'on les regarde dans l'ensemble, prise au cas par cas, chaque écriture a sa couleur. Chaque auteur parle une langue qui lui est propre. Comme les précurseurs du mouvement à l'origine de cette forme nouvelle, les auteurs crient leur liberté. Les pièces sont de véritables oeuvres d'art car elles sont comparables à des toiles. Les artistes peignent une toile qui reflète un invisible qu'ils amènent à l'existence. Pour cela chacun invente la langue dans laquelle il pourra faire passer son message le mieux possible. Pour Edouard Elvis Bvouma, il faut se faire comprendre par sa société sans être catalogué, mais aussi conquérir le monde. C'est pourquoi il choisit un thème d'ici et d'ailleurs dans une langue créée mais qui est perçue de tous. Pour Sufo Sufo il faut amener à penser, un personnage omniscient posent les questions et laisse à chacun le soin de donner son avis. Martin Ambara quand à lui au-delà de l'avant-garde dont fait déjà preuve l'écriture contemporaine, réinterroge encore et remet en question par son texte qui fait la mise en abyme du théâtre. Ce voyage au sein des oeuvres permet d'affirmer que : « Jusqu'alors les auteurs dramatiques produisaient des textes qui, tout en visant à être représentés, se devaient d'accéder à une existence autonome en tant qu'objets littéraires. Maintenant, ils fournissent aux metteurs en scène des textes s'apparentant au livret et au scénario. »99(*)

    Le nouvel auteur est donc polyvalent et interdisciplinaire. Les différents angles de traitement témoignent non seulement de l'originalité mais également de la grande richesse de la plume des auteurs dramatiques contemporains. D'où le besoin de les promouvoir en les faisant découvrir par des lectures, en les intégrant au programmes des écoles, en les mettant en scène etc. Ce troisième chapitre soutenait l'hypothèse selon laquelle la valorisation du savoir-faire de ces auteurs dramatiques camerounais de la nouvelle vague, passe par une étude de quelques oeuvres représentatives. Ce travail de recherche autour de ces auteurs a suscité en nous un besoin de faire l'expérience de l'écriture dramatique. 

    CAS PRATIQUE : LE PARFUM DU SOUVENIR

    Les trois premiers chapitres qui constituent cette recherche nous ont permis de comprendre l'urgence d'actualiser le répertoire dramatique, puis de découvrir les auteurs camerounais contemporains au travers de fiches signalétiques, et enfin de valoriser leur savoir-faire. Immergéedans ces univers, tous très riches, et instruite des motifs qui poussent les uns et les autres à l'écriture, il nous a semblé intéressant d'arpenter ce chemin à notre tour. L'écriture dramatique contemporaine, d'après les entretiens et les interviews des auteurs, nait généralement d'un vide que l'on souhaiterait remplir. La seule condition étant le besoin de « dire ». Ayant chacun notre vide et le besoin profond de se faire entendre, quoi de mieux que de donner vie à ce fantasme au travers d'un ou de plusieurs personnages. Pour davantage comprendre le processus de création moderne des textes, nous avons commencé par monter un projet d'écriture. Ensuite nous l'avons envoyé comme réponse à un appel à candidature de la Biennale d'écriture de l'Univers des Mots à Conakry. Il fut sélectionné parmi les trois projets finalistes qui bénéficièrent d'une résidence d'auteurs avec coaching du 03 mars au 07 mai 2016. Pendant notre séjour nous avons écrit et réécrit, éprouvé le texte au plateau au travers de la bouche des comédiens. Nous avons fait des lectures d'extraits dans des lycées100(*) de la capitale guinéenne et échangé avec les élèves autour du texte. Le coaching était assuré par deux metteurs en scène : le guinéen Soulay Thianguel Bah et le français Patrick Azam101(*). Les comédiens étaient ceux de la compagnie La Muse, de Guinée. Au terme de la phase d'écriture, les textes ont été soumis à un jury composé de : Sansy Kaba Diakité, Directeur de l'Harmattan Guinée ; Daniel Couriol, Directeur général du Centre Culturel Franco-guinéen ; Rouguiatou Camara comédienne-metteure en scène guinéenne ; Aïcha Deen Directrice du Théâtre National de Guinée.

    Le texte Le parfum du souvenir que nous avons écrit a été choisi comme texte lauréat102(*)de la troisième édition de l'Univers des Mots. C'est donc ce texte qui nous a permis de passer de la théorie à la pratique de l'écriture théâtrale contemporaine, et qui contribue à sa valorisation, que nous vous proposons de découvrir en guise de cas pratique.

    Conclusion

    Ce texte organisé en quatre tableaux, nous a permis de passer de la théorie à la pratique de l'écriture dramatique contemporaine. Il est le résultat d'une résidence d'écriture de l'Univers des Mots 2016 en Guinée Conakry. Cette pièce est également lauréate de cette troisième édition. Elle a été sélectionnée au Togo par le comité de lecture Escale des Ecritures et lu à cet effet le 26 novembre 2016 au siège du comité. Ce texte a été mis en scène103(*) par la Compagnie La Muse et joué au Centre Culturel Franco Guinéen de Conakry les 29 et 30 juin2017 lors du festival Univers des mots en Guinée Conakry. Il a également fait l'objet d'une mise en espace le 08 septembre 2017 par la Compagnie Artistique le Carrefour à Lomé (Agoé) au Togo. Le parfum du souvenir continue de faire son bout de chemin. Cette expérience a été bénéfique et positive, ce qui nous motive à continuer le parcours d'auteure dramatique qui s'ouvre à nous. Echanger avec des jeunes autour de notre travail et voir en certains l'envie d'arpenter ce même sentier de l'écriture dramatique contemporaine est l'une des plus belles récompenses qui soit. Ce cas pratique est également le lieu de promouvoir et de légitimer une écriture camerounaise contemporaine jusqu'ici peu connue du public et de la communauté scientifique.

    NB : La pièce existe uniquement dans la version papier du mémoire.

    CONCLUSION GENERALE

    Ce travail de recherche dont l'intitulé  est Ecriture dramatique camerounaise contemporaine : Visages, palmarès, caractéristiques et outils de valorisation, portait sur la mise en lumière de la nouvelle vague d'auteurs dramatiques camerounais peu connue du public et de la communauté scientifique. Parvenu au terme de cette étude, il convient à présent de revenir sur les points essentiels qui ont guidé la rédaction de ce mémoire jusqu'à son terme. Après ce rappel, il sera question de vérifier les différentes hypothèses énoncées. Puis, des conclusions seront exposées, ainsi que les développements probables de cette recherche pour le futur dans le but de l'approfondir ou d'aborder sous un angle différent les sujets qui y sont évoqués.

    I-) -Rappel des points essentiels

    Cette étude a été motivée par le désir de porter à la connaissance du public et de la communauté scientifique des auteurs dramatiques camerounais qui évoluaient jusqu'alors dans un certain anonymat. Au-delà de la démarche inédite observée chez ces dramaturges, nous avons pu témoigner de la qualité de leur plume au travers des distinctions nombreuses engrangées. Passionnée de théâtre, il nous est venu l'envie de participer à son évolution par la production, à notre tour, une pièce de théâtre. Pour se faire, nous avons élaboré une problématique qui était fondée sur plusieurs points.

    Le problème de cette recherche résidait dans la légitimation insuffisante d'une des tendances de renouvellement de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine et par conséquent de ses auteurs. La question que nous nous sommes posé était : Au regard de la production théâtrale camerounaise d'aujourd'hui, à bout de souffle, mettre en lumière la nouvelle tendance dramaturgique camerounaise contemporaine pourrait-elle apporter un souffle nouveau au théâtre camerounais? À cette principale trois autres se sont greffées :

    -La première : Pourquoi le besoin de renouveler le répertoire dramatique du théâtre au Cameroun s'impose-t-il ? Elle visait à démontrer l'urgence de mettre à jour le répertoire dramatique. En effet le désir de faire un théâtre qui nous ressemble, a plongé ce dernier dans un repli identitaire qui a rendu le théâtre en retard sur le temps et sa société.

    -La seconde question : Qui sont les auteurs dramatiques camerounais contemporains de la nouvelle vague ? Elle nous a conduits à établir une fiche signalétique pour chaque auteur afin de connaitre qui sont les nouveaux dramaturges camerounais qui écrivent des pièces de théâtre qui tiennent compte du contexte actuel qui est celui de la mondialisation.

    -Enfin, Quelles sont les caractéristiques de cette nouvelle tendance d'écriture dramatique et comment la valoriser ? Cette troisième et dernière question nous a amené à conclure que la valorisation du savoir-faire de ces auteurs passe par la lecture des pièces et également par l'application d'outils spécifiques.

    Concernant le cadre géographique, il s'agissait du Cameroun francophone. Nous avons tenu compte également des camerounais de naissance. Le but étant de valoriser les dramaturges dont les oeuvres se distinguent par leur qualité, leur originalité et dont la conséquence est une distinction. Nous avons palé des précurseurs : Marcel Zang et Kouam Tawa ; puis ceux de la nouvelle génération, Martin Ambara, Edouard Elvis Bvouma, Sufo Sufo, Eric Delphin Kwégoué et enfin les plus jeunes, Hermine Yollo, Nicaise Magloire Wegang.

    Le cadre théorique de cette recherche est interdisciplinaire car composé d'idées provenant de différents champs de connaissances. Ainsi comme base théorique de ce travail de recherche, nous avons fait usage de la sémiologie textuelle, de la théorie de la réception, de la dramaturgie et de l'approche systémique.

    Par ailleurs, la méthodologie s'est appuyée sur l'observation des spectacles de théâtre ; les entretiens et interviews d'auteurs, de metteurs en scène et de quelques spectateurs ; la lecture de plusieurs pièces de théâtre en particulier celles qui prennent en compte notre champ d'intérêt ; de ressources documentaires provenant des bibliothèques, des librairies et d'internet. Le corps de notre étude a été constitué de trois chapitres et d'un cas pratique.

    Dans le premier chapitre intitulé Historique de l'écriture dramatique camerounaise, nous avons porté un regard historique sur l'écriture dramatique au Cameroun. Pour y parvenir nous avons divisé le chapitre en deux sections. La première donnait l'occasion de porter un regard panoramique sur l'écriture au Cameroun, de ses débuts pendant la colonisation jusqu'au début des années 2000. La seconde Section s'est attardée sur les précurseurs de la dramaturgie que nous avons étudiée dans cette recherche : Marcel Zang et Kouam Tawa.

    Le second chapitre, Ecriture dramatique contemporaine camerounaise : visages, palmarès et caractéristiques, nous a permis d'aller à la rencontre des figures de proue de cette écriture dramatique et de leur palmarès. Il a été organisé en deux grandes parties. La première nous a fixé sur l'origine de cette nouvelle tendance d'écriture et sur les mutations ayant conduit jusqu'à elle. C'est ainsi que Werewere Liking, Koffi Kwahulé... se retrouvent être à la base de ce mouvement dès les années 1980 avec la recherche identitaire dans le théâtre africain qui portait jusque-là les stigmates de la colonisation. Elle a évoluée jusqu'au début des années 2000. La seconde partie laissera découvrir les figures de proue : Bvouma, Sufo, Ambara, mais également ceux qui émergent. Au travers d'une présentation, leur parcours jusqu'à l'écriture sera révélé. Un palmarès de cette nouvelle écriture sera dressé pour montrer son rayonnement en Afrique et dans le monde.

    Le troisième chapitre, Etude de trois pièces du répertoire dramatique contemporain camerounais et outils de valorisation, est lui aussi constituer de deux sections. La première fait le tour de trois pièces : Debout un pied de Sufo Sufo, A la guerre comme à la Game Boy d'Edouard Elvis Bvouma et Enfin Roméo et Juliette...Assez ! de Martin Ambara. Elles ont constituées l'échantillon qui nous a permisde révéler la qualité et la richesse de cette écriture et par conséquent l'urgence de trouver des outils pour qu'elle soit mise en valeur. C'est ce que la seconde section de ce chapitre s'attelait à proposer.

    Pour terminer, un cas pratique est présenté. Il est la fusion des connaissances acquises durant notre formation en Arts du spectacle de l'Université de Yaoundé I et de celles des différents échanges et ateliers autour de la dramaturgie camerounaise, qui nous ont permis d'élaborer ce travail. Le parfum du souvenir est le produit d'une résidence d'écriture dramatique de deux mois en Guinée Conakry. Cette pièce a été Lauréate de la troisième édition de l'Univers des mots.

    Après cette revue des chapitres constituant cette recherche, il convient à présent de vérifier les hypothèses énoncées à son entame.

    II-)- Vérification des hypothèses

    Vérifier les hypothèses d'une recherche revient à démontrer que les différentes propositions de réponses formulées au début de cette étude sont soient confirmées soit infirmées par les résultats obtenus, et que par conséquent les objectifs visés par ce travail ont été atteints. C'est pour cette raison que nous allons examiner tour à tour nos trois hypothèses secondaires puisque la principale en est la synthèse. Nous allons les examiner l'une après l'autre :

    - Hypothèse une : Le répertoire camerounais connu jusqu'à nos jour présente des insuffisances. Le chapitre un nous a permis de la vérifier. Nous y avons vu une écriture qui a muté avec l'esprit de son temps et de sa société. Pendant la colonisation elle était le reflet de l'assimilation dictée par le colonisateur. Avec le vent des indépendances cette vision s'est renforcée. Arrivent les années 80 où la société revendique sa véritable liberté, c'est le temps du repli identitaire. Survient la mondialisation qui semble ne pas toucher l'écriture dramatique qui continue à traiter les sujets uniquement sous le prisme camerounais. L'hypothèse des insuffisances dans les textes est vérifiée.

    -Hypothèse deux : L'établissement d'une fiche signalétique permet de découvrir les dramaturges camerounais contemporains de la nouvelle vague. Le chapitre deux nous a permis de nous rendre compte qu'il existe des auteurs dramatiques camerounais qui proposent une écriture qui sied un peu plus au contexte camerounais. C'est celui du camerounais d'ici qui est citoyen du monde à la fois. Les présenter, citer leurs oeuvres, parler de leur parcours a donné l'occasion de savoir qui ils sont, tout au moins sommairement. Cette seconde hypothèse est vraie.

    -Hypothèse trois : La valorisation du savoir-faire de ces auteurs passe par une étude de quelques oeuvres représentatives. Dans le troisième chapitre, une étude d'un texte de chacune des figures de proue de ce mouvement a permis de nous faire une idée plus concrète de cette écriture des auteurs camerounais de la nouvelle vague. Cette opération est importante car il est impossible de valoriser ce dont on n'a aucune idée. C'est tout naturellement donc, que des outils de valorisation ont été proposés. Notre dernière hypothèse est justifiée.

    Après avoir vérifié nos trois hypothèses de recherche, nous pouvons conclure que la principale est aussi confirmée. Le théâtre au Cameroun a besoin d'une écriture dramatique camerounaise contemporaine qui tire sa substance de sa société. Elle apporterait un plus à la création théâtrale et un souffle nouveau. Il est évident qu'il faut penser les écritures théâtrales pour la société mais d'autres facteurs doivent également être pris en compte pour revitaliser le théâtre au Cameroun. Il faut éduquer les jeunes et leur donner une culture théâtrale, car c'est eux qui constituent la relève. C'est la jeunesse qui permet d'assurer l'intérim d'un secteur, donc il est important que les outils de valorisation de l'écriture dramatique tiennent compte d'elle en priorité. Malgré les difficultés que cette écriture dramatique contemporaine camerounaise rencontre, nous pensons que les différents objectifs de cette recherche ont été atteints. Au vue de toutes les hypothèses qui viennent d'être vérifiées malgré que les auteurs ne soient pas nombreux, et qu'il faut encore tester les outils de valorisation sur le long terme. Ce pan ouvre de nouvelles pistes de réflexion qui pourrait inspirer de nouvelles études par d'autres chercheurs.

    III-)- Perspectives de la recherche

    Bien que le sujet de cette recherche soit l'écriture dramatique camerounaise contemporaine, le choix de ce thème est d'apporter une contribution à la revitalisation du théâtre camerounais. Nous avons mis en lumière des auteurs dramatiques contemporains, nous sommes allés à la rencontre de quelques pièces, nous avons proposé des outils de valorisation et enfin nous avons produit un texte à partir duquel nous pouvions appliquer les éléments découverts tout au long du travail et des échanges avec les auteurs. Mais affirmer que notre travail pourrait à lui seul apporter le changement attendu et qu'il donnerait un nouveau départ au théâtre au Cameroun serait prétentieux. Beaucoup reste encore à faire :

    Les praticiens de théâtre doivent travailler pour que leur art plaide pour eux. Néanmoins, nous ne nions pas le besoin de l'accompagnement de l'Etat pour une portée plus grande. Il faudrait que le théâtre fasse ses preuves par lui-même. La politique culturelle au Cameroun est encore inexistante. Et cettesituation ne concerne pas que le théâtre, tous les secteurs artistiques sont touchés. Pourtant il y a des disciplines telles que la musique qui prennent de l'ampleur. Les artistes musiciens ont trouvé les voies et moyens pour intéresser le public malgré l'adversité. C'est pourquoi de plus en plus de jeunes rêvent de devenir musiciens. Parce que la musique draine les foules, les sponsors investissent ainsi que les mécènes. Nous pensons donc que les amoureux du théâtre doivent à leur tour penser et multiplier des actions qui pourraient faire grandir l'estime de leur art dans l'imagerie populaire. C'est alors que l'apport des sponsors et mécènes, ainsi que l'implication de l'Etat sera au rendez-vous et constituera une valeur ajoutée. Il est plus facile pour un investisseur de s'intéresser à un secteur qui semble porteur.

    Écrire aujourd'hui, c'est aussi accepter que les mots ne nous appartiennent plus du moment où d'autres s'en emparent, les travaillent, les refaçonnent, les publient. Écrire aujourd'hui, c'est jouer sur les limites des genres pour toujours continuer à chercher comment s'écrit le théâtre d'aujourd'hui. Nous pensons donc que les critiques devraient se mettre à jour pour mieux apprécier la dramaturgie contemporaine.

    Le renouvellement observé au niveau de l'écriture dramatique doit aussi concerner la mise en scène. Les textes des auteurs camerounais contemporains offrent une multitude de possibilités. Mais l'écriture de la mise en scène doit également être originale et tenir compte de la société, ce qui n'est pas toujours le cas. Lorsqu'elle n'est pas rétrograde, elle copie de plus en plus des esthétiques occidentales sans tenir compte du contexte camerounais. Cet état des choses rend souvent les représentations inintéressantes pour le public. Les metteurs en scène, ou ceux qui mettent en lecture ou en espace les textes, doivent user d'imagination pour proposer des mises en scène originales, déchiffrables par le public camerounais et dans le même temps ouverte au monde. Car les oeuvres artistiques ont d'autant plus de poids lorsqu'elles arrivent à s'exporter.

    Les puristes à leur tour doivent pouvoir repenser la critique de l'art théâtral. En effet c'est souvent eux qui écrivent les articles. Le problème c'est que les conventions du théâtre ont changé, pourtant la critique et les littéraires n'ont pas fait de mise à jour sur les clefs de lecture du théâtre. La conséquence est qu'il donne ainsi une image dévalorisante au théâtre. Nous pensons également qu'en matière d'art, il faut des personnes formées pour faire une bonne critique. Un auteur qui s'intéresse aux mots et qui les enseigne ; peut les peindre ; peut les filmer, les photographier, leur donner vie. L'écriture dramatique d'aujourd'hui est un savant mélange de plusieurs disciplines artistiques, pas seulement de la littérature. Il est donc important que ceux qui se prononcent sur le texte de théâtre en soit conscients pour ne pas le desservir comme c'est souvent le cas.

    Enfin, il est important d'allier théorie et pratique. Les étudiants des facultés et instituts des Arts ainsi que ceux qui se forment « au pied du mur », c'est à dire qui apprennent le métier au sein d'une compagnie, doivent collaborer. Les premiers ont généralement la théorie et les seconds connaissent les réalités du terrain. Les guerres froides entre les deux groupes ne profitent à personne. Un artiste complet devrait pouvoir parler de son théâtre et avoir en même temps du métier. Il n'est donc pas question de se cantonner uniquement sur l'académie ou sur la pratique du terrain. C'est le moment de partager pour être complet.

    En somme, plusieurs défis restent encore à être relevés pour que le théâtre camerounais puisse atteindre les objectifs dont l'univers théâtral rêve encore. Pour que le théâtre devienne une nécessité sociale et qu'il puisse contribuer efficacement à l'économie du Cameroun tous les paramètres doivent être pris en compte. Cette recherche sur l'écriture dramatique camerounaise contemporaine révèle le besoin d'une praticienne de théâtre, passionnée de textes dramatiques, de révéler le métier de dramaturge comme une discipline artistique qui a besoin d'être redécouverte par tous. Il reste encore beaucoup à dire sur le sujet et nous espérons que d'autres après nous continuerons à explorer ce champ passionnant.

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    -Qu'il en soit ainsi, Nicaise Magloire Wegang

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    DICTIONNAIRES

    CORVIN, Michel, Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Larousse-Bordas, 1998.

    GARDE -TAMINE, Joêlle, HUBERT, Marie Claude, Dictionnaire de critique littéraire. Armand Colin, Paris.

    Dictionnaire numérique Encyclopédie Encarta 2009.

    Le Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse.

    Dictionnaire Le Petit Robert.

    PAVIS, Patrice, 1987, Dictionnaire du théâtre, Paris, Messidor/ Ed. Sociales.

    SOURCES ORALES

    Edouard Elvis BVOUMA, comédien, metteur en scène et auteur interviewé à son domicile de Nkomo à Yaoundé le 16 septembre 2017.

    SUFO SUFO, comédien, metteur en scène et auteur interviewé à Nkol -Ndongo à Yaoundé le 28 octobre 2018.

    Martin AMBARA, comédien, metteur en scène et auteur interviewé au Laboratoire de théâtre Othni de Yaoundé le 04 janvier 2019.

    Hermine YOLLO, comédienne, metteure en scène et auteure interviewée à son domicile de Nsam à Yaoundé le 22 décembre 2018.

    Eric Delphin KWEGOUE, comédien, metteur en scène et auteur entretient whatsap le 27 mai 2019.

    Nicaise Magloire WEGANG, comédienne et auteure, entretient whatsap le 26 mai 2019.

    Wakeu FOGAING, comédien, metteur en scène et auteur interviewé au quartier Bastos de passage à Yaoundé le 21 août 2018.

    Ousmanou SALI, comédien, metteur en scène interviewé à son domicile de Bastos à Yaoundé le 21 août 2018.

    Bertrand BALEGUEL, comédien, metteur en scène interviewé à son domicile de Nkoabang à Yaoundé le 12 juin 2018.

    WEBOGRAPHIE

    http//www.africultures.com/php/

    https://www.cairn.info/revue-poetique-2009-2-page-131.htm

    https://www.memoireonline.com/03/17/9698/m_Esthetique-de-la-creation-theatrale-camerounaise-de-1990-a-20106.html

    http://www.camerfeeling.fr.fo/dossiers/dossier.php?val=4017_jacobin+yarr

    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Écriture_dramatique. :

    https://journals.openedition.org/recherchestravaux/335#bodyftn39

    https://www.abc-citations.com/themes/ecriture/page/2/

    https://m.youtube.com/watch?v=ua0Pb_56h8Y (Meyerfalse

    https://books.google.cm/books?id=crlxTJg8brEC&pg=PA124&lpg=PA124&dq=2005+theatre+camerounais&source=bl&ots=DCaLnE85m-&sig=yUgGSPJbnmDAXhqkjR3qulaGxQU&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjrmo_Zg5rfAhUEJhoKHdIzAKkQ6AEwCHoECAkQAQ#v=onepage&q=2005%20theatre%20camerounais&f=false

    Virginie Soubrier, « Interview exclusif avec Koffi Kwahulé » in Thefrenchmag, disponible sur http://www.thefrenchmag.com/(Samedi 24 Aout 2013).

    http://aflit.arts.uwa.edu.au/WerewereLiking.html

    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Méthodologie : definition

    https://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-22811.php

    https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Revue-litterature-242971.htm

    https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Revue-litterature-242971.htm

    https://www.cairn.info/introduction-aux-sciences-de-la-communication--9782707137760-page-27.htm?contenu=article

    https://www.esma-artistique.com/conseils-pour-definir-sa-demarche-artistique/

    https://mondesfrancophones.com/espaces/afriques/50-ans-de-theatre-africain-francophone-emancipation-culbute-detour-et-invention-i/

    ANNEXES

    ANNEXE 1 : LES AUTEURS

    Figure 1: Marcel Zang

    Photo 1: Marcel Zang Photo 2 : Kouam Tawa

    Photo3 Photo3: Bvouma

    Photo 4:Sufo Sufo Photo 5: Ambara Photo 6: Kwegoué

    Photo 7: Wegang Photo 8: Hermine Yollo

    ANNEXES 2 : AUTRES PHOTOS

    9-Lecture spectacle

    10-Lecture spectacle au Goethe Institut

    11- Le carrefour à théâtre sous le manguier

    ANNEXES 3 : LE PARFUM DU SOUVENIR

    12 -Attestation de lauréate

    13- Coaching 14- Coaching

    15-Affiche spectacle 16 et 17-Lecture à Ste Marie

    18- Photo spectacle 19-Photo spectacle

    1 - Questionnaire des auteurs

    Sur le plan de l'écriture

    Une approche définitoire du concept « écriture dramatique »

    Comment arrivez-vous dans l'écriture théâtrale ?

    Qui sont les auteurs qui vous ont inspirés et pourquoi ?

    Que vous renvoie le concept d'écriture théâtrale d'un point de vue général ?

    Pour l'auteur que vous êtes, à quoi vous renvoie le terme « écrire du théâtre » ?

    Quel regard portez-vous sur l'écriture dramatique camerounaise actuelle ?

    1)A-t-elle une esthétique particulière ?

    2) A-t-elle une identité propre au Cameroun ?

    Avez-vous une technique d'écriture particulière ?

    Si oui, a-t-elle évoluée depuis votre premier jet ?

    Pourquoi avoir fait le choix d'écrire du théâtre ?

    Vous exprimez-vous dans d'autres genres littéraires ?

    Sur le plan du projet d'écriture

    Y'a-t-il une règle pour écrire une pièce de théâtre ?

    Qu'est-ce qu'il faut pour commencer un projet d'écriture ?

    Quels facteurs prenez-vous en compte pour écrire une pièce de théâtre ?

    Quels sont les thèmes qui vous parlent et que vous évoquez dans votre écriture ? Pourquoi ?

    A qui s'adressent vos textes ?

    Comique, dramatique, rituel ?

    Qu'est-ce qui caractérise votre écriture ?

    Personnages

    La structure

    Résidences

    Commandes

    Quelle durée faut-il pour écrire une pièce ?

    Lorsque vous concevez votre pièce de théâtre, pensez-vous au metteur en scène ?

    Ecrivez-vous dans la perspective de la mettre en scène vous-même ?

    Sur le plan de la relation auteur-lecteur

    Quels sont vos attentes lorsque votre texte est lu ?

    Pensez-vous systématiquement à vos lecteurs cibles lorsque vous écrivez ?

    Pensez-vous que partant de votre écriture le théâtre peut susciter plus d'intérêt de la part du public camerounais ?

    Etes-vous édités ?

    Comment pensez-vous qu'il faille procéder pour que vos oeuvres soient lues par plus de Camerounais ?

    Comment êtes-vous arrivés dans la mise en scène théâtrale ?

    Qu'entendez-vous par mise en scène théâtrale ?

    Quelle technique utilisez-vous ?

    Quel regard portez-vous sur les créations camerounaises du point de vue de la représentation scénique en elle-même ?

    Montez-vous des pièces de théâtre dont vous n'êtes pas auteur ?

    Quels sont les metteurs en scène qui vous ont inspiré et pourquoi ?

    Votre démarche artistique a-t-elle évolué depuis votre première mise en scène jusqu'à nos jours?

    Sur le plan de la création du spectacle

    Comment choisissez-vous la pièce ?

    Montez-vous plus d'auteurs camerounais ou d'auteurs étrangers ? Pourquoi ?

    Tenez-vous compte du public quand vous créez un spectacle ?

    Qui assure la production des spectacles que vous montez ?

    Comment constituez-vous votre équipe ?

    Quels sont les étapes de création de votre spectacle ?

    Sont-ils des commandes ou des initiatives personnelles ?

    Quels processus utilisez-vous pour rentrer dans vos fonds ?

    Sur quelles bases décidez-vous de monter un spectacle ? Pour quel public principalement ?

    2 -Questionnaire des metteurs en scène

    Comment en êtes-vous arrivé à la mise en scène ?

    Qu'entendez-vous par mise en scène ?

    Avez-vous une esthétique de mise en scène ?

    A quel public s'adresse votre mise en scène ?

    Que vous renvoie le concept de mise en scène d'un point de vue général ?

    Pour le metteur en scène que vous êtes, à quoi vous renvoie le terme « création » ?

    Quel regard portez-vous sur la mise en scène camerounaise actuelle ?

    1)A-t-elle une esthétique particulière ?

    2) A-t-elle une identité propre au Cameroun ?

    Avez-vous une technique de mise en scène particulière ?

    Si oui, a-t-elle évoluée depuis votre première expérience ?

    Pourquoi avoir fait le choix de faire de la mise en scène théâtrale quand on sait le contexte dans lequel le théâtre camerounais évolue ?

    Vous exprimez-vous dans d'autres fonctions au théâtre ?

    Quels sont vos objectifs quand vous créez votre spectacle ?

    Combien de temps consacrez-vous à la création de votre spectacle ?

    Vos spectacles font-ils l'objet de tournée ? Si oui comment vous y prenez-vous ? Sinon comment palliez-vous au coup de la production ?

    Quel regard portez-vous sur la mise en scène au Cameroun ? Sur les metteurs en scène camerounais ?

    Communiquez- vous autour de vos spectacles ?

    Quels moyens utilisez-vous ?

    Quels rapports entretenez-vous avec les auteurs camerounais ?

    3 -Questionnaire du public

    Quel âge avez-vous ?

    Quelle profession exercez-vous dans la vie ?

    Quelle est votre distraction favorite ?

    Pour vous c'est quoi le théâtre ?

    Allez-vous au théâtre ?

    Connaissez-vous des figures du théâtre camerounais ? Lesquelles ?

    Avez-vous déjà rencontré des publications annonçant une représentation théâtrale ?

    Qu'est-ce qui vous plait dans une représentation ?

    Comprenez-vous toujours les spectacles ? Si non pourquoi ? Si oui, expliquez.

    Pouvez-vous faire du théâtre votre métier ?

    TABLE DES MATIERES

    DEDICACE................................................................................................i

    REMERCIEMENTS....................................................................................ii

    RESUME..................................................................................................iii

    ABSTRACT...............................................................................................iv

    LISTE DES PHOTOGRAPHIES......................................................................v

    SOMMAIRE..............................................................................................vi

    INTRODUCTION GENERALE.....................................................................1

    I-Présentation .............................................................................................1

    II- Justification du sujet....................................................................................3

    III- Définition des concepts..............................................................................4

    IV-Motivations du choix du sujet.......................................................................5

    V-objectifs de la recherche................................................................................8

    VI-Revue de la littérature.................................................................................9

    VII-problématique........................................................................................13

    VIII- Hypothèses de la recherche.......................................................................16

    IX- Intérêt du sujet.......................................................................................16

    X- Importance du sujet...................................................................................18

    XI- Délimitation du sujet................................................................................19

    XII- cadre théorique.......................................................................................19

    XIII- Méthodologie........................................................................................23

    XIV- Plan du travail.......................................................................................25

    CHAPITRE I : HISTORIQUE DE L'ECRITURE DRAMATIQUECAMEROUNAISE

    ...............................................................................................................27

    Section I :théâtre camerounais : de l'origine au début des années 2000........................................................................................................28

    I-) -Le théâtre camerounais de la période coloniale ................................................28

    I-1) -Le théâtre religieux ou théâtre missionnaire...................................................28

    I-2) -Le théâtre camerounais scolaire..................................................................29

    I-3) -Le théâtre camerounais plurilingue.................................................................30

    II- Le théâtre camerounais post colonial...............................................................31

    II-1-) -L'enthousiasme historique des années 1960..................................................32

    II-2) -Le temps du désenchantement des années 1970..............................................33

    II-3) -Les années 1980  ou la recherche d'une esthétique plus africaine..........................34

    II-4) -Le théâtre camerounais des années 90 : la transition.........................................35

    II-5) -Le théâtre camerounais du troisième millénaire...............................................37

    Section II : Les précurseurs des auteurs dramatiques camerounais de la nouvelle vague.......................................................................................................39

    I-) -Marcel Zang..........................................................................................40

    I-1-1) -Présentation.......................................................................................40

    I-1-2) - Son esthétique....................................................................................40

    I-1-3) -Ses oeuvres........................................................................................42

    I-1-4) - Prix et nominations..............................................................................43

    II-) -Kouam Tawa........................................................................................43

    II-1) -Présentation........................................................................................43

    II-2) -Son esthétique.....................................................................................44

    II-3) -Ses oeuvres..........................................................................................44

    II-4) - Prix et nominations...............................................................................45

    Conclusion du chapitre...................................................................................47

    CHAPITRE II : ECRITURE DRAMATIQUE CONTEMPORAINE CAMEROUNAISE : VISAGES ET PALMARES...............................................48

    Section  I: Les auteurs dramatiques camerounais contemporains et leur palmarès...................................................................................................49

    B- Les figures de proue ou auteurs majeurs de la nouvelle vague.................................49

    I- Edouard Elvis Bvouma................................................................................49

    I-1-Présentation..........................................................................................49

    I-2- Son esthétique.......................................................................................52

    I-3. Les oeuvres...........................................................................................53

    I-4. Prix et nominations.................................................................................54

    II-. Sufo Sufo..............................................................................................56

    II-1. Présentation..........................................................................................56

    II-2. Son esthétique.......................................................................................59

    II-3- Les oeuvres...........................................................................................59

    II-4- Prix et nominations.................................................................................60

    III- Martin Ambara.......................................................................................61

    III-1-Présentation.........................................................................................61

    III-2- Son esthétique.....................................................................................62

    III-3- Son oeuvre..........................................................................................63

    III-4- Prix et nominations...............................................................................63

    C- Autres représentants de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine................64

    I- Eric Delphin Kwegoue................................................................................64

    I-1- Présentation..........................................................................................64

    I-2. Son esthétique.......................................................................................65

    I-3-Les oeuvres...........................................................................................65

    I-4- Prix et nominations.................................................................................66

    II-Nicaise Magloire Wegang...........................................................................66

    II-1-Présentation..........................................................................................66

    II-2-Son esthétique.......................................................................................67

    II-3-Les oeuvres..........................................................................................67

    II-4- Prix et nominations................................................................................68

    III- Hermine Yollo .......................................................................................68

    III-1-Présentation........................................................................................68

    III-3-Les oeuvres..........................................................................................69

    III-3-Prix et nominations.................................................................................70

    Section II : Caractéristiques de la nouvelle écriture dramatique contemporaine camerounaise.............................................................................................71

    I- La langue................................................................................................71

    II- L'esthétique............................................................................................72

    III- L'angle de traitement................................................................................73

    IV- Les personnages......................................................................................74

    V- L'espace................................................................................................74

    VI- La structure...........................................................................................74

    VII- L'engagement.......................................................................................75

    VIII- La couleur locale...................................................................................75

    IX-Une autre forme de questionnement...............................................................76

    X- Une écriture qui rencontre des difficultés.........................................................76

    X-1-Le scepticisme des critiques......................................................................76

    X-2- Le manque de supports physiques...............................................................77

    Conclusion du chapitre...................................................................................78

    CHAPITRE III : ETUDE DE TROIS PIECES DU REPERTOIRE DRAMATIQUE CAMEROUNAIS CONTEMPORAIN ET OUTILS DE VALORISATION...............79

    Section I : A la découverte de quelques pièces représentatives de la nouvelle tendance de l'écriture dramatique camerounaise contemporaine ............................................80

    I-Debout un pied, sufo sufo.............................................................................80

    I-1- Résumé................................................................................................80

    I-2- Les personnages.....................................................................................81

    I-3- Le langage............................................................................................81

    I-4- La thématique........................................................................................84

    I-5- L'espace et le temps.................................................................................85

    I-6- Une alternance entre le réel et l'irréel............................................................87

    I-7- Le titre................................................................................................87

    I-8- La structure..........................................................................................88

    II- A la guerre comme A la Gameboy, Edouard Elvis Bvouma....................................88

    II-1- Résume..............................................................................................88

    II-2- Le titre...............................................................................................89

    II-3- La thématique.......................................................................................89

    II-4- Angle de traitement................................................................................89

    II-5- Structure.............................................................................................90

    II-6- La langue............................................................................................91

    II-7- Les didascalies......................................................................................93

    II-8- Les personnages....................................................................................94

    II-9- L'esthétique.........................................................................................95

    III- Roméo et Juliette...Assez, Martin Ambara.......................................................96

    III-1- Résume.............................................................................................96

    III-2- La thématique......................................................................................96

    III-3- L'esthétique........................................................................................96

    III-4- La langue...........................................................................................97

    III-5- La structure.........................................................................................98

    III-6- Les didascalies.....................................................................................98

    III-7- Les personnages...................................................................................98

    III-8- Entre réel et irréel.................................................................................99

    III-9- Le titre..............................................................................................99

    Section II : Outils de valorisation des écritures dramatiques contemporaines camerounaises et de leurs auteurs..................................................................101

    A-Statistiques...........................................................................................102

    I-1- Prix RFIthéâtre ...................................................................................104

    I-2- Le prix des inédits d'Afrique et d'outremer....................................................105

    I-3- Le prix SACD de la dramaturgie française.....................................................105

    I-4- L'univers des mots.................................................................................107

    I-5- Les grands prix Afrique du théâtre francophone..............................................107

    B- Perspectives de valorisation.....................................................................108

    I- Propositions d'outils de valorisation génériques................................................................109

    I-1- Introduction du théâtre dans les écoles en tant qu'Art .......................................109

    I-2- Eduquer la jeunesse aux métiers du théâtre....................................................109

    I-3- Le théâtre comme nécessité sociale.............................................................110

    II- Propositions d'outils de valorisation spécifiques à l'écriture dramatique...................111

    II-1- Introduire les pièces contemporaines dans le programme scolaire........................111

    II-2- L'introduction de master classe................................................................111

    II-3- L'édition et circulation des pièces.............................................................112

    II-4- La mise en voix et les lectures spectacles.....................................................113

    II-4-1- Les mises en voix..............................................................................113

    II-4-2- Les lectures spectacle.........................................................................113

    Conclusion du chapitre.................................................................................115

    CAS PRATIQUE : LE PARFUM DU SOUVENIR..............................................116

    I- Dossier de présentation..............................................................................117

    II- Le texte...............................................................................................118

    Conclusion...............................................................................................157

    CONCLUSION GENERALE.......................................................................158

    I-Rappel des points essentiels.........................................................................158

    II- Vérification des hypothèses........................................................................161

    III- Perspectives de la recherche......................................................................162

    BIBLIOGRAPHIE....................................................................................165

    Corpus....................................................................................................165

    Ouvrages spécialisés....................................................................................166

    Ouvrages généraux......................................................................................167

    Articles...................................................................................................168

    Mémoires................................................................................................168

    Dictionnaires............................................................................................168

    Sources orales...........................................................................................168

    Webographie.............................................................................................169

    Annexe 1 : Les auteurs..................................................................................172

    Annexe 2 : Autres photos...............................................................................173

    Annexe 3 : Le parfum du souvenir....................................................................174

    Annexe 4 : Questionnaires..............................................................................175

    * 1 Cet état des lieux est soutenu par des recherches antérieures de praticiens ou chercheurs. Nous pouvons citer entre autres les travaux du colloque sur le théâtre camerounais de 1987. Il regroupait plusieurs praticiens du théâtre camerounais et attirait l'attention sur la crise de ce théâtre qui perdure.

    * 2 Nous ne pouvons pas généraliser cette crise car il n'y a que le théâtre dit savant qui est touché. Les genres tels que l'humour, le stand Up, le conte etc. ne sont pas concernés par la désaffection du public.

    * 3 Pour mener à bien cette recherche nous avons procédé par une enquête comme l'indiquent les différents questionnaires en annexes 3 (du public, des auteurs et des metteurs en scène).

    * 4 Nicaise Magloire Wegang, Dramaturgie camerounaise et renouvellement du théâtre camerounais : cas de Telesaga : Proposition d'une écriture dramatique contemporaine.

    * 5 Citation de Georg Christoph Lichtenberg in, Le miroir de l'âme, aphorismes, 1997, citée par Dico-Citations partenaire avec le journal en ligne Le Monde.Fr.

    * 6 Définition du glossaire, emarketing.fr

    * 7 Signe : Selon Saussure c'est un élément signifiant composé de deux parts pratiquement indissociables, mais séparables en droit et méthodologiquement : un signifiant et le signifié.

    * 8Pierre Makon ,« Le théâtre camerounais et son public : quelle relation créatrice ? »Cité par Bolé Butake Gilbert Doho in Théâtre camerounais/ camerounian theatre, Yaoundé, CEPER, 1988, p.262-268.

    * 9Gilbert Doho, « signifiants théâtraux et leur fonctionnement ». Cité par Bolé Butake Gilbert Doho in Théâtre camerounais/ camerounian theatre, Yaoundé, CEPER, 1988, p. 224-235.

    * 10Jacques Raymond Fofié Regards historiques et critiques sur le théâtre camerounais. Harmattan, 2005, Préface de M. Dassi.

    * 11 Anne Ubersfeld, Lire le théâtre. Collection « Classiques du Peuple, Critique », Editions sociales, 1977.

    * 12 Anne Ubersfeld : « Les signes sont en eux-mêmes des connaissances sociales généralisées au plus haut degré.

    * 13 Le phénomène théâtral, d'après Ubersfeld, paraît effectivement ressortir au procès de la communication puisqu'il comporte notamment des signes intentionnels, postule entre l'émetteur et le récepteur une relation moins réversible, accentue les fonctions phatique, conative et émotive.

    * 14 Molière,  « Au lecteur », L'amour Médecin, Paris, 1665 dans la préface : « Tout le monde sait que les comédies sont faites pour être jouées, et je ne conseille de lire celles-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture le jeu du théâtre ».

    * 15 Texte troué : pour Anne Ubersfeld, un texte de théâtre est incomplet et ne trouve sa plénitude qu'à travers la représentation proprement dite.

    * 16 Cohen, M.R. et Nagel, Introduction to logic and the scientific method, New York : Harcourt Brace and company, E. (1934).

    * 17 Etat des lieux qui découle des recherches effectuées par des études antérieures de certains chercheurs ou spécialistes du domaine.

    * 18André Marie Ntsobé, 1988, « Le théâtre camerounais : Crise et thérapeutique » in Théâtre camerounais, Bet et Co.Ltd.

    * 19 Nicolas Guéguen, né en 1964 est professeur de psychologie sociales et de sciences cognitives à l'Université de Bretagne Sud.

    * 20 Saussure, 1857-1913, linguiste suisse et précurseur du structuralisme en linguistique. Il est aussi distingué par ses travaux sur les langues indo-européennes.

    * 21 In Cours de linguistique générale, oeuvre posthume rédigé par ses élèves Charles Bally et Albert Sechehaye.

    * 22Francis Huster, décembre 1947, Acteur, artiste, cinéaste, metteur en scène, scénariste, français.

    * 23 Yves Lavandier, 02 avril 1959, cinéaste, essayiste et pédagogue français

    * 24 Karl Ludwig Von Bertalanffy, autrichien, 1901-1972, Général system theory, 1968.

    * 25 https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Méthodologie

    * 26 Voir différents questionnaires du public, des metteurs en scène et auteurs en annexes 4.

    * 27 Gilbert Doho, « Théâtre et conjuration de la malédiction au Cameroun in Africulture, No 60, 2008, p.2.»

    * 28Camerounité s'entend comme l'ensemble des modalités prises en compte pour déterminer la nationalité d'une oeuvre. Les oeuvres du théâtre camerounais d'expression anglaise et allemande, n'étant pas écrites par des camerounais permet que soit soulever cette question.

    * 29Regards historiques et critiques sur le théâtre camerounais, L'Harmattan, 2011, p.24.

    * 30Sylvie Chalaye, « Quand l'Afrique donne rendez-vous ailleurs ou les dramaturgies du rêve » in Africa et Mediterraneo, n°4/3, Avril 2013.

    * 31 Dans la revue en ligne MONDES FRANCOPHONES.COM, Sylvie Chalaye écrit l'article : 50ans de théâtre africain francophone : émancipation, culbute, détour et invention. Comme l'indique le titre, il est question de passer en revue l'évolution du théâtre francophone.

    * 32 Ibid.

    * 33 Voir « Afrique noire : écritures contemporaines », in Théâtre/Public, n°158, Gennevilliers, 2001.

    * 34ibid

    * 35Jean-Marie Volet, « Werewere-Liking Gnepo », Université d'Australie-Occidentale, 15 décembre 2010.

    * 36Koffi Kwahulé, « Quand l'africanisme dérive vers l'intégrisme culturel »,in « Théâtre d'Afrique noire », Alternative théâtrales, n°48, juin 1995.

    * 37L'exilé de Marcel Zang et Bintou de Koffi Kwahulé : des écritures subversives de la dramatisation de la figure de l'immigré, 2017

    * 38 Voir photo2 en annexe 1.

    * 39Etant décédé au moment de cette recherche, nous nous sommes appuyer sur une interview donné sur la pagne http://www.potomitan.info/lafwans/zang.php

    * 40 Interview recueillie par Cécile Dolisane-Ebossé à propos de son ouvrage l'Exilé suivi de Bouge de là, pour Ed. Actes Sud-Papiers, sept 2002, 111p. Nous pouvons la retrouver sur la page de Potomitan, un site de promotion des cultures et des langues créoles.

    * 41ibid

    * 42ibid

    * 43 Ibid

    * 44 Voir photo 3 en annexe 1.

    * 45 Cette présentation est l'économie d'interview de Kouam Tawa ; institut français de Lumumbashi le 04 septembre 2018 et de celle de l'auteur à la radio Nova mis en ligne le 19 mars 2018 .

    * 46 Ibid.

    * 47 Altérité : tenir compte de l'autre et de tout ce qui est extérieur à soi. Il faut prendre en compte sa rencontre avec l'autre, mais conserver son identité dans l'entre deux : lui et moi.

    * 48 Voir photo 4 de l'annexe 1.

    * 49 Essindi Mindja, 1945-2005, enseignant d'histoire et de géographie au Lycée Leclerc de Yaoundé, humouriste camerounais célèbre.

    * 50 France Ngo Mbock : Comédienne-metteure en scène camerounaise. Directrice et fondatrice de la Compagnie Diben.

    * 51 Che Guevara, 1928-1967, révolutionnaire et homme politique argentin célèbre.

    * 52 C'est un projet qui a vu le jour en 2002 donc le but est d'offrir aux artistes de théâtre africains un espace de travail, de formation et de réflexion. Il se tient au Burkina.

    * 53 Alfred Dogbé, 1962-2012, Niger, Nouvelliste, dramaturges, scénariste, poète.

    * 54 Anne Ubersfeld, 1918-2010, France, historienne du théâtre.

    * 55 SACD/ Société des auteurs et compositeurs dramatiques est un organisme de gestion collective et est la plus anciennes des sociétés de gestion collectives des droits d'auteurs. C'est une société civile à but non lucratif dont le siège est Paris.

    * 56 RFI : Radio France International

    * 57 Voir photo 5 de l'annexe 1.

    * 58 Dieudonné Niangouna, 1976 à Brazzaville, RDC, auteur dramatique, metteur en scène et acteur.

    * 59 Voir photo 6 de l'annexe 1.

    * 60 Voir photo 7 de l'annexe 1.

    * 61 Voir photo 8 de l'annexe 1.

    * 62 Voir photo 9 en annexe 1.

    * 63 CCF : Centre Culturel Français, aujourd'hui IFC : Institut Français.

    * 64 Pièce de Koffi Kwahulé paru en 2005 aux Editions Théâtrales, France.

    * 65Ethiopiques n°76, Revue Negro-Africaine de la littérature et de philosophie. Titre de l'article : Centenaire de L.S. Senghor. Cent ans de littérature, de pensée africaine et réflexion sur les arts africains 1er semestre 2006.

    * 66 La manière d'utiliser la langue française.

    * 67 Anne Uberseld, Lire le théâtre.

    * 68Cet article est publié sur le site Mondes francophones le 01/O3/2019 par Sylvie Chalaye, dans Afriques, Critiques, périples des Arts.

    * 69 Cet article est publié sur le site Mondes francophones le 01/O3/2019 par Sylvie Chalaye, dans Afriques, Critiques, périples des Arts.

    * 70 Werewere Liking, « Théâtre moderne d'Afrique noire : crever aujourd'hui ou réinventer une naissance... », ibid p.26

    * 71Par l'expression « moins explicite » nous entendons que les marques qui renvoient, à la camerounité par exemple, ne sont pas claires. Les auteurs ne passent pas directement par des signes comme des noms de personnage, des lieux etc. Les marques sont représentées par une situation, des expressions, la langue ou des sous-entendus.

    * 72OsiriadesS.G 21 de Martin Ambara

    * 73 Au Cameroun, désigne des Vendeuses de vivres.

    * 74 Tenancières de call-box généralement sur le trottoir.

    * 75 Expression qui prend sa source dans les lycées publics au Cameroun où les élèves des classes de 6ème sont appelés des bleus à cause de la couleur de leur tenue de sport.

    * 76 Attentats perpétrés par la secte Boko Haram dans le Nord Cameroun. Ils utilisent des kamikazes pour exploser dans des lieux publics et ainsi ôter la vie de plusieurs personnes.

    * 77 Emeutes survenues au Cameroun en 2008, elles avaient commencées par une grève des taximen avant de dégénérer en crise qui dura quelques jours principalement dans les villes de Yaoundé et Douala.

    * 78 Bernard Mbassi, Ethiopiques n°76, 1er semestre 2006.

    * 79 Annick Martel, J'écris : Porosité. (En) jeux des écritures actuelles dans le théâtre contemporain, juin 2012.

    * 80 A la guerre comme à la Game Boy, p.51.

    * 81 Personnages de dessins animés.

    * 82 Propos de Wilfried Mwenye, en ouverture de la dite pièce P.4.

    * 83 Nous pouvons nous en rendre compte dans le premier chapitre intitulé : Esquisse de l'histoire et de l'évolution du Théâtre camerounais, in Regards historiques et critiques sur le théâtre camerounais. Nous y retrouverons les distinctions qu'ont reçues les auteurs à leur époque et la place de cette écriture camerounaise en Afrique.

    * 84SACD : Société anonyme des auteurs et compositeurs dramatiques.

    * 85 RFI : Radio France Internationale.

    * 86 Alain Mabanckou, 1966, RDC. Romancier et poète, il est lauréat de plusieurs prix parmi lesquels le grand prix littérraire de l'Afrique noire en 1998, le prix des cinq continents de la francophonie en 2005.

    * 87 Koffi Kwahulé, 1956, Côte d'ivoire. Comédien, metteur en scène, dramaturge et romancier, il est lauréat du prix Ahmadou-Kourouma pour son roman Babyface et grand prix littéraire ivoirien en 2006.

    * 88 Compagnie La muse : Compagnie de Bilia Bah. Il est un dramaturge, comédien et metteur en scène Guinéen né en 1980 en Côte d'ivoire.

    * 89 Hakim Bah, il obtient le Prix de théâtre RFI en 2016.

    * 90 CBEOA : Chambre Belge des Experts en OEuvre d'Art.

    * 91 Ces propositions sont consignées dans le rapportgénéral , de 1987, de Gilbert Doho sur le colloque national sur le thème : Théâtre camerounais : bilan et perspectives.

    * 92 Voir photo9 en annexe 2.

    * 93 Denzel Washington, 1954 , Etats-Unis, acteur et réalisateur.

    * 94. Les auteurs camerounais ne sont pas les seuls dans cette position.

    * 95 Edmond Beaume, La lecture à haute voix, sur Lectures.org, juin 1987.

    * 96 Lauréat du Goethe découverte 2017 pour le texte cité plus haut.

    * 97 Voir photo 9-10-11 en annexe 2.

    * 98 www.jamaislu.com

    * 99Vinaver, Michel, L'île, in Théâtre en Europe, p.21-22, in Autant-Mathieu, Marie-Christine, Auteurs, écrituresdramatique, dans Écrire pour le théâtre, Les enjeux de l'écriture dramatique, Marie-Christine Autant-Mathieu (dir.), Paris, CNRS, 1995, p.13.

    * 100 Voir photo 16 et 17 «en annexe 3.

    * 101 Voir photo 13 et 14 de l'annexe 3.

    * 102 Voir photo 12 de l'annexe 3.

    * 103 Voir photo 15-18-19 de l'annexe 3.






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