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Politiques agricoles et sécurité alimentaire au Togo (1977-2008).

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par Halourou MAMAN
Université de Lomé - Master en Histoire économique et sociale 0000
  

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INTRODUCTION GENERALE

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Le secteur primaire occupe une place prépondérante dans l'économique du Togo. Au cours de la période 1995-2003 par exemple, le Produit intérieur brut agricole (PIBA) a représenté 38 % du Produit intérieur brut (PIB). 1 Il a évolué à un rythme plus rapide avec un taux de croissance de 6,4 %, que le PIB qui n'a enregistré qu'un taux de croissance de 4,3 % sur la même période2. Grâce à l'agriculture, le PIB en franc courant3 avait fait un grand bond passant de 796 milliards de FCFA en 1995 à 1 076 milliards de FCFA en 2003, soit un accroissement annuel de 4,3 %. Ainsi, sa structure en 2003 se présentait comme suit : 37,8 % pour le secteur primaire, 19,2 % pour le secteur secondaire, 26 %, pour le secteur tertiaire et marchand, et 17 % pour autres4.Le secteur agricole constitue donc la cheville ouvrière de toute stratégie nationale de développement économique et de lutte contre la faim et la pauvreté, puisqu'il a toujours été le premier employeur du pays, occupant ainsi environ 68 % de la population active, et faisant vivre environ les 2/3 de la population en 20085.

On comprend alors pourquoi le Togo avait fait de ce secteur, le fondement de sa politique développementaliste après son indépendance. Par ailleurs, cela témoigne aussi de l'entière implication des pouvoirs publics actuels dans le secteur à travers différentes initiatives prises : la Stratégie de relance de la production agricole (SRPA) ou le Programme national d'investissement agricole et de sécurité alimentaire (PNIASA), entre autres.

Pendant longtemps, le colonisateur a toujours été indexé d'être à l'origine des maux dont souffre l'agriculture togolaise, il convient de signaler qu'après plus de cinquante ans d'indépendance, l'héritage colonial reste perceptible, en dépit des efforts entrepris pour s'en débarrasser.6 Aussi les diverses interventions des pouvoirs publics dans le domaine de la production agricole ont-elles poursuivi divers objectifs. Au lendemain immédiat de l'indépendance, les politiques agricoles visaient une autosuffisance alimentaire. Celle-ci devait permettre au pays d'accéder à l'indépendance totale en se suffisant sur le plan alimentaire, grâce à une production agricole accrue capable de contribué à la croissance

1 Ministère de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche (MAEP), 2006, Note de politique agricole (NPA), p. 2.

2 Ibid.

3 Se dit du PIB en valeur (francs courants) dont la variation est liée à , deux causes : la hausse des quantités produites et la hausse des prix. Alors que le PIB en francs constant dépend de la seule variable, celle des quantités produites.

4 Ministère de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche (MAEP), 2006, Note de politique agricole (NPA), p. 2. 5Direction des enquêtes et statistiques agricoles (DESA), 1997, p. 1.

6 En effet, on reproche au colonisateur d'avoir introduit et favorisé les cultures de rentes au détriment des cultures vivrières. Malgré de multiples efforts des pouvoirs publics du Togo indépendant pour inverser la tendance, on remarque toujours le dualisme cultural avec un penchant pour les cultures de rente surtout dans la zone du sud-ouest du pays.

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économique7. Mais peu après cette période, le désenchantement et les vicissitudes qui s'en ont suivis avaient conduit le pays à réorienter sa politique agricole vers d'autres objectifs, notamment la sécurité alimentaire. C'est donc pour comprendre et saisir la portée de ces initiatives que le présent mémoire se propose de se pencher sur le thème : « Politiques agricoles et sécurité alimentaire au Togo (1977- 2008) ».

En s'inscrivant en master, notre ambition première était d'approfondir le sujet que nous avions traité en maîtrise,8tout en l'inscrivant dans une approche plus globale et évolutive des concepts d'autosuffisance, et de sécurité alimentaire. Plusieurs des concepts utilisés dans le mémoire donnent l'apparence d'être semblables, mais ils sont basés sur des philosophies différentes en matière de politiques agricoles. En maîtrise, nous avions eu à analyser et à montrer comment les diverses politiques agricoles, notamment celle de la révolution verte, n'ont pu contribuer à l'atteinte de l'autosuffisance alimentaire, dans le cadre de la planification socio-économique au Togo post colonial. Les observations, suggestions et critiques dont notre travail fût l'objet d'une part, et les analyses et études sur la quintessence du concept de sécurité alimentaire que nous avions prudemment écarté d'autre part, ont mis à l'évidence que les enjeux des concepts d'autosuffisance alimentaire et de sécurité alimentaire ne peuvent être appréhendés qu'à travers une étude à caractère globale. Par ailleurs, le fait que ces concepts soient toujours au centre des grands débats internationaux à cause de leur caractère multidimensionnel et transversal, et aussi l'objet de beaucoup de préoccupations de la part des pouvoirs publics togolais, dans leur politique de lutte pour l'atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD9), a suscité en nous une motivation de poursuivre et d'approfondir notre réflexion antérieure sur des aspects non encore abordés de la question.

L'intérêt et l'originalité de ce sujet résident dans les objectifs qu'il s'est fixé. En effet, ce travail permettra d'identifier et d'analyser historiquement les politiques de développement rural initiées par l'Etat togolais depuis la fin des années 1970 jusqu'en 2008 ; de même que leurs impacts sur le niveau de vie des populations. Ceci peut contribuer à relancer au Togo le débat des grands défis mondiaux du 3ème millénaire naissant, tels que les OMD, dont le tout

7 Les Etats africains considéraient l'indépendance acquise dans les années 1960 comme une indépendance politique, et qu'il fallait se libérer aussi économiquement du joug métropolitain afin de rendre l'indépendance totale (d'Almeida-Topor, 199 : 22).

8 Ce mémoire a porté sur les « Politiques agricoles et autosuffisance alimentaire au Togo (1959-2000) ». Il a été présenté et soutenu en décembre 2011 à l'Université de Lomé, sous la direction du Dr. K. N. Tsigbé, Maître-Assistant des Universités.

9 OMD : Objectifs du millénaire pour le développement. Ces objectifs sont au nombre de huit, dont le tout premier est « l'élimination de la faim et de la pauvreté ». Il est clair que le pari de cet objectif ne peut pas être gagné sans une meilleure politique agricole et de sécurité alimentaire.

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premier est l'élimination de la faim et de la pauvreté d'ici 2015. C'est dire que ce travail présente un intérêt à la fois économique, social et politique. En conséquence, ce sujet d'actualité peut contribuer au renouvellement de la connaissance historique. Toutefois, cette connaissance ne se reconstitue que dans un cadre temporel bien défini.

Le choix des dates qui délimitent ce sujet dans le temps a été motivé par des réalités historiques. En effet, 1977 marque le début du lancement de la politique de la révolution verte dont l'objectif principal était l'autosuffisance alimentaire dans un délai de cinq ans. L'an 2008 s'est imposé comme borne finale par le fait qu'il constitue une année au cours de laquelle le Togo avait connu l'une des pires flambées des prix de denrées alimentaires à cause des inondations qui frappèrent le pays10. De plus, en cette année, le Togo avait élaboré un document de stratégie de sécurité alimentaire dénommé Programme national de sécurité alimentaire (PNSA)11. Le cadre temporel ainsi défini ne se comprendrait que dans un cadre conceptuel aussi bien défini.

Avant de commencer l'analyse, les concepts d'agriculture, de politique agricole, de révolution verte, d'autosuffisance alimentaire, de sécurité alimentaire, et de souveraineté alimentaire méritent d'être éclairés.

Le terme Agriculture vient du latin agricultura qui désigne le processus par lequel les hommes aménagent leurs écosystèmes pour satisfaire les besoins alimentaires et autres, de leurs sociétés12. Le concept d' « agriculture » peut s'observer sous deux angles :au sens restreint, il désigne le travail de la terre, ou la culture du sol. Dans ce volet, l'agriculture ne concerne donc que la production végétale. Mais dans une acception beaucoup plus large, il désigne l'ensemble des savoir-faires et des activités ayant pour objet la culture des terres et l'exploitation du milieu naturel permettant la production des végétaux et des animaux utiles à l'être humain. Dans ce cas, l'agriculture englobe le travail de la terre, l'élevage et la pêche

10 En août et septembre 2008, des pluies diluviennes se sont abattues sur les régions des Savanes, Maritime et Plateaux et ont occasionné des inondations, des pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants, notamment la rupture de neuf ponts. En conséquence, les prix des produits agricoles flambèrent. Ce témoignage d'une femme recueilli par AgoraPress et publié sur son site en est très éloquent : « Walaï, trop c'est trop, nous n'avons jamais connu ça au temps de EYADEMA (feu président, décédé en 2005). Tout ce qui se passe avec : vie chère, inondation et coupure de ponts est une malédiction ; prenez-y garde ! Nous sommes maintenant au moment des récoltes de maïs ; normalement le prix du maïs devait descendre à 150 f ou 200 f CFA dans les villes et à 75 f CFA ou 100 f CFA dans les campagnes. Aujourd'hui, le maïs, denrée la plus consommée est à 1300 ou 1500 f CFA. Libérez-nous, mes chers amis !» ( http://www.togoforum.com/Ap/ap2008/080608.htm, consulté le 23 février 2014 à 10 h 25).

11MAEP, Programme national de sécurité alimentaire (PNSA), stratégie et plan d'action à court et moyen termes (2008-2015), janvier 2009.

12 Selon le dictionnaire universel, 1998.

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(Maman, 2011 : 13). Dans le présent travail, nous emploieront les deux sens de ce concept selon les circonstances. Cependant, le développement harmonieux de l'agriculture passe par la définition d'une bonne politique agricole. Il est donc nécessaire de saisir le sens de ce dernier concept.

La politique agricole est un concept à usage et au sens multiples et l'on ne saurait en donner une définition universelle. Toute définition dépend en premier lieu du contexte historique, des idées dominantes du moment, et du contexte culturel13. Tout en prenant acte de cette complexité, une définition semble avoir le plus large consensus et associe la politique agricole à un ensemble de mesures dirigées vers le secteur agricole. Plus précisément, une politique agricole est « un ensemble de mesures réglementaires, dispositifs structurels, moyens financiers et humains interdépendants, mis en oeuvre par la puissance publique pour contribuer à la progression du secteur agricole »14. La plus connue des politiques agricoles au Togo reste la révolution verte. Une définition de ce concept serait un atout pour la compréhension du sujet. Mais une fine analyse de ce terme de révolution verte laisse apparaître que derrière sa simplicité formelle, se cache un certain nombre d'imprécisions qui sont d'autant plus marquées que les divergences entre ses différentes définitions. Ainsi, pour Yudelan (1971) la révolution verte se définit comme étant «...l'adoption sur une vaste échelle de techniques agricoles adaptées aux conditions des régions tropicales » (Yudelan, 1971 : 1530, cité par Sambo, 1984 : 6). Quant à Abertini (1967), elle est :« ...une combinaison à la fois d'une extension des superficies, d'un emploi plus important d'engrais, d'une meilleure sélection des espèces végétales, de l'utilisation d'une force motrice mécanique et électrique et, enfin, du recours à l'irrigation »(Abertini, 1967 : 128, cité par Sambo, 1984 : 6).

Griffon (2011) résume ce concept dans les termes suivants : « ...toute forme d'agriculture (pas seulement irriguée, mais aussi pluviale) ou d'élevage utilisant des variétés et des races améliorées, des techniques intensives en intrants chimiques au sens large (régulateurs de croissance par exemple), et bénéficiant de mesures de politique agricole réduisant l'incertitude et améliorant les marges bénéficiaires au moins pendant une période d'apprentissage technologiques »(Griffon, 2011: 73).

Pour la FAO, la définition de la révolution verte repose sur la capacité scientifico-technique à modifier l'environnement de façon à créer des conditions plus propices à la culture et à

13 Politiques agricoles : de quoi parle-t-on ? ( http://www.inter-reseaux.org/revue-grain-de-sel/41-42-l-agriculture-en-quete-de/article/politiques-agricoles-de-quoi-parle, consulté le 21-05-2013 à 17h22).

14Ibid.

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l'élevage (c'est-à-dire irrigation en cas de sécheresse; engrais si le sol est peu fertile; pulvérisation en cas d'infestation des cultures par des ravageurs et des mauvaises herbes; vaccination et médicaments si le bétail est menacé par la maladie; ou encore mécanisation et utilisation de combustibles fossiles si la préparation du sol nécessite un apport d'énergie supplémentaire).Cette dernière définition semble cadrer aux réalités de notre sujet. Au Togo, la révolution verte a consisté en la mise en oeuvre d'un vaste programme agraire (agriculture et élevage) visant la transformation de l'agriculture traditionnelle, utilisant les moyens archaïques (énergie de deux bras) en une agriculture utilisant à la fois la traction animale, et la machine ; employant les produits chimiques, les semences améliorées, les traitements vétérinaires, et facilitant l'accès des paysans au crédit agricole. (Maman, 2011 : 84-87).

Cependant, la révolution verte togolaise avait pour objectif d'assurer l'autosuffisance alimentaire, mais de nos jours les politiques agricoles se focalisent plutôt sur la sécurité alimentaire. Il importe alors de saisir le sens de ces deux concepts. L'autosuffisance alimentaire est une politique de développement agricole « volontariste » largement adoptée par les Etats africains d'après indépendance15, qui consiste pour un pays à satisfaire l'essentiel des besoins de sa population par l'offre national, dans un souci d'amorcer un réel développement. La sécurité alimentaire quant à elle, est un concept plus vaste qui a connu des évolutions au cours des trente dernières années parallèlement à la pensée politique officielle, allant des considérations plutôt quantitatives et économiques vers une définition tenant compte de la qualité et de la dimension humaine (Maman, 2011 : 14).

Le terme est apparu au milieu des années1970, lorsque le Sommet mondial de l'alimentation (1974) a défini la sécurité alimentaire en terme d'approvisionnement alimentaire, conditionné par la garantie de la disponibilité et de la stabilité des prix des produits alimentaires de base à l'échelle nationale et internationale : « Capacité de tout temps d'approvisionner le monde en produits de base, pour soutenir une croissance de la consommation alimentaire, tout en maîtrisant les fluctuations et les prix »(FAO, 2006 : 1)16.

En 1983, les études de la FAO se sont centrées sur l'accès à l'alimentation et ont conduit à une définition basée sur l'équilibre entre la demande et l'offre de la sécurité alimentaire: «Assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées

15 Elle a prévalue jusqu'au-delà de 1980, date à laquelle les chefs d'Etats africains l'ont confirmé et maintenu à Lagos lors d'un sommet connu sous la dénomination du « Plan d'action de Lagos », au Nigeria.

16 Ce document est disponible sur ftp://ftp.fao.org/es/ESA/policybriefs/pb_02_fr.pdf, consulté le 17-05-1312h00.

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alimentaires dont elle a besoin » » (FAO, 2006 : 1).La définition a ensuite été révisée pour incorporer le niveau individuel et celui des ménages, outre le niveau d'agrégation régionale et nationale. En 1986, la Banque mondiale a publié un important rapport sur la pauvreté et la faim qui faisait ressortir la dynamique temporelle de l'insécurité alimentaire. Ce rapport a introduit les distinctions entre l'insécurité alimentaire chronique, associé à des problèmes de pauvreté permanente ou structurelle et à de faibles revenus, et l'insécurité alimentaire transitoire liée à des périodes particulièrement critiques résultant de catastrophes naturelles, d'un marasme économique ou d'un conflit. Ce point de vue a été complété par la théorie de la famine de l'économiste indien Sen (1981)17, qui a mis l'accent sur l'effet des droits personnels dans l'accès à la nourriture, tels que les ressources basées sur la production, le travail, le commerce et le transfert. C'est ainsi que la Banque mondiale considérait la sécurité alimentaire comme « ...l'accès à tout moment à suffisamment de nourriture pour mener une vie saine » (BM, 1986, cité par Alpha Gado, 2010 : 53). La définition largement consensuelle du sommet mondial de l'alimentation (1996) renforce la nature multidimensionnelle de la sécurité alimentaire, car pour elle :« La sécurité alimentaire existe, lorsque toutes les personnes ont à tout moment un accès physique, social et économique à la nourriture suffisante, saine et nutritive pour satisfaire leurs besoins et leurs préférences alimentaires afin de pouvoir mener une vie saine et active » (FAO, 2006 : 1). En d'autres termes, le marché est capable de répondre aux objectifs de satisfaire les besoins et les préférences des populations afin d'aboutir à une vie saine et active. Autant dire qu'un pays n'a pas besoin de produire à un prix exorbitant un bien alimentaire qu'il peut trouver à moindre coût sur le marché international. La sécurité alimentaire est donc favorable à la politique de libéralisation allant dans le sens d'une plus grande responsabilisation des producteurs ruraux (Maman, 2011 : 14).

Outre le rôle souverain que le concept accorde au marché, quatre dimensions conditionnent depuis lors, sa définition. Il s'agit de :

- La disponibilité physique des aliments, qui porte sur le « côté de l'offre » de la sécurité alimentaire et est déterminée par le niveau de production alimentaire, les niveaux de provisions, et le commerce net18 ;

17 Poverty and famines: An Essay on Entitlements and Deprivation, Oxford, Clarendon Press, 1982, cité dans FAO, 2006, p. 1.

18 FAO, Introduction aux concepts de sécurité alimentaire, ( http://www.fao.org/docrep/013/al936f/al936f00.pdf, consulté le 17-05-2013 à 12h00).

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- L'accès économique et physique des aliments, qui porte sur la politique des revenus, des dépenses, du marché, et le prix des produits alimentaires pour atteindre la sécurité alimentaire19 ;

- La qualité nutritionnelle des aliments, qui porte sur de bonnes pratiques de soins et d'alimentation, de préparation des aliments, de diversité du régime alimentaire, et de distribution des aliments à l'intérieur du ménage. Ceci a pour résultat un apport adéquat d'énergie et de nutriments ;

- La stabilité des trois précédentes dimensions dans le temps, qui insiste sur les facteurs conjoncturels de l'insécurité alimentaire, tels que les conditions climatiques défavorables (sécheresses, inondations), l'instabilité politique (troubles sociaux), ou les facteurs économiques (chômage, augmentation du prix des aliments), qui pourraient avoir un impact sur l'état de sécurité alimentaire d'une population qui dispose pourtant d'un apport alimentaire adéquat aujourd'hui20 ;

C'est ainsi que nous convenons avec Llabrés (2011) qui résume la définition du concept de la sécurité alimentaire comme suit :

« La sécurité alimentaire consiste à produire une offre alimentaire qui, en quantité et qualité suffisantes, permette aux producteurs alimentaires ruraux de se nourrir ainsi que de vendre leurs excédents pour en tirer un revenu satisfaisant pour encourager leur productivité et satisfaire la demande solvable des ruraux non producteurs alimentaires ainsi que celle des urbains. En cas de déficit de la production alimentaire nationale, celle-ci doit être complétée par des importations commerciales. En fait, pour chaque production, il doit exister un rétablissement de l'équilibre entre l'offre et la demande par l'exportation ou/et l'importation. Au titre de la solidarité nationale ou/et internationale, les ruraux et urbains insolvables doivent bénéficier d'une aide alimentaire gratuite et d'urgence. Enfin, dans les cas extrêmes où l'insécurité alimentaire et la dénutrition se manifestent par des déficiences physiologiques sur les êtres humains, ceux-ci doivent bénéficier, inconditionnellement, d'une aide humanitaire nutritionnelle gratuite et d'urgence » (Llabrés, 2011 : 4)).

Pour Alpha Gado (2010 : 53.), le recours systématique à cette aide alimentaire au détriment de la production locale, constitue un des aspects pervers de cette politique de la sécurité

19 Autant dire que de bonnes provisions alimentaires au niveau national ou international ne garantissent pas en soi la sécurité alimentaire des ménages. D'où les inquiétudes par rapport à l'accès insuffisant aux aliments.

20 FAO, Introduction aux concepts de sécurité alimentaire, ( http://www.fao.org/docrep/013/al936f/al936f00.pdf, consulté le 17-05-2013 à 12h00).

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alimentaire, et celle-ci a selon lui, montré ses limites. Ce constat décrit en fait le paroxysme des politiques de la mondialisation, notamment avec la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), où le marché montra ses limites à être efficace, tout seul, sans intervention étatique21. C'est pourquoi, ces dernières années (depuis 1996), un nouveau concept est né, véhiculé et défendu dans les forums internationaux consacrés aux problèmes alimentaires. « Il s'agit du concept de souveraineté alimentaire, qui désigne le droit que se donnent les populations, un Etat, ou une union d'Etats pour définir leur politique agricole susceptible d'atteindre l'objectif fixé en matière de sécurité alimentaire en privilégiant la production nationale » (Alpha Gado, 2010 : 53). En fait, la souveraineté alimentaire en tant que concept a été présentée pour la première fois par Via Campesina22 en marge du sommet de l'alimentation organisé par la FAO à Rome en 1996. Il définit celle-ci comme : « Le droit pour un Etat ou une union d'Etats à définir leur politique agricole et alimentaire sans tentation de déstabiliser les marchés intérieurs des autres pays, notamment par des exportations de produits alimentaires subventionnés à bas prix » (Coulibaly, 2006 : 1). Ce concept considéré comme une proposition alternative aux politiques néolibérales23, empêche la dérégulation totale des échanges agricoles, contrairement à celui de la sécurité alimentaire qui peut s'en accommoder. La souveraineté alimentaire prend donc le contre-pied des théories économiques sur les avantages comparatifs qui sont au fondement du libéralisme économique global actuel. Ainsi, la souveraineté alimentaire contrairement à ce que prétendent ses détracteurs, n'est pas l'autarcie, au contraire, elle cherche à promouvoir une valorisation et une interpénétration des diversités sans domination d'une partie sur l'autre (Grenade, 2010 : 12, Maman, 2011 : 15).

Les concepts ainsi définis, il importe de faire l'état de la question afin de mieux préciser notre questionnement.

La littérature sur l'agriculture est abondante et variée. En effet, elle intéresse des spécialistes de diverses sciences telles que l'agronomie, la géographie, l'économie, la sociologie,

21Agrovision du 27 mai 2007, dossier numéro 3, p. 9.

22Via Campesina (la « voie paysanne » en espagnol) est un mouvement international qui coordonne des organisations de petits et moyens paysans, de travailleurs agricoles, de femmes rurales, de communautés indigènes d'Asie, des Amériques, d'Europe et d'Afrique. Ce réseau a vu le jour en 1993. Il milite pour le droit à la souveraineté alimentaire et pour le respect des petits et moyens paysans (La souveraineté alimentaire, http://fr.wikipedia.org/wiki/Via_Campesina, consulté le 28 Février 2011, à 11 h 10 mn).

23Le néolibéralisme prône la promotion de l'économie de marché au nom de la liberté de l'individu et de l'efficacité économique. il prend des orientations politiques communes, prônant la dérégulation des marchés (qui doivent se « réguler eux-mêmes » par le jeu de la concurrence et des « lois du marché ») et la disparition progressive du secteur public au profit du privé, orientations qui pour les adversaires du néolibéralisme, accroissent les inégalités, déstabilisent le tissu social et pillent les ressources naturelles

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l'histoire, etc. D'où la nécessité de passer en revue quelques-uns de ces écrits scientifiques afin de mieux préciser la problématique du présent travail par rapport à ce qui a été déjà fait. C'est ainsi que cette large bibliographie a pu être scindée en différentes catégories suivant une approche thématique.

Parmi ces écrits certains se sont intéressés au rôle de l'agriculture dans les stratégies de développement des pays tiers-mondistes à l'instar du Togo. Il s'agit de Menthon (1993), Dogo (1983), Agbévé (2011), Hugon (2010), et de Le Roy Ladurie (1966). Menthon, Dogo et Agbévé ont fait dans leurs travaux respectifs, une analyse critique du secteur agricole togolais de l'époque coloniale à celle postcoloniale. Ils ont évoqué les raisons qui n'ont pas permis aux réformes agraires de rendre l'agriculture togolaise moderne, et relevé l'impact socio-économique du secteur primaire dans le développement économique du pays. Quant à Hugon, il donne une image de l'agriculture des pays africains en précisant que ce secteur présente de fortes similitudes dans ceux-ci. Ces similitudes sont caractérisées par d'énormes atouts et potentiels, qui sont mal exploités, et qui élargissent davantage les défis à relever afin de prétendre à un développement autocentré. Le Roy Ladurie fait une description d'un grand cycle agraire commencé depuis la renaissance et qui culmina au XVIIèm siècle dans le Languedoc (en France). Il dépeint les enjeux de l'agriculture dans une société rurale où le processus de naissance de richesse n'est pas engagé. Le Languedoc du XVIèm et du XVIIèm siècle, par bien des aspects, préfigure les nations sous-développées du tiers monde actuel. Cependant, si les trois premiers auteurs Menthon, Dogo et Agbévé ont eu le mérite d'analyser l'agriculture togolaise dans la logique de l'autosuffisance alimentaire, ils ont passé sous silence la question cruciale de la sécurité alimentaire. Quant à Hugon, son analyse, même si elle touche quelques aspects des enjeux alimentaires, d'une façon générale, elle ne permet pas d'appréhender la notion de la sécurité alimentaire au Togo. Le Roy Ladurie ne déroge guère à cette remarque.

D'autres auteurs ont abordé d'une manière ou d'une autre la question de la mise en valeur agricole au Togo sous domination coloniale. C'est le cas de Gayibor (1997), Cornevin (1989), Goéh-Akué et Kouzan (2005), et de Barandao (1997). Les écrits de Gayibor et de Cornevin présentent deux sortes d'interprétations de la politique de la mise en valeur agricole du Togo par la France. Celle de Cornevin donne une analyse vue d'en haut, c'est-à-dire un point de vue d'un chercheur étranger qui maîtrise moins la situation vécue par les « indigènes ». On remarque évidemment dans un tel point de vue, des erreurs d'appréciation et une analyse tendant à enjoliver les actions coloniales tout en passant sous silence certains de ses méfaits.

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Celle de Gayibor donne une analyse vue d'en bas, c'est-à-dire, d'un chercheur autochtone comprenant mieux les réalités locales. Pour cet auteur, cette politique de la mise en valeur a consisté en une véritable exploitation de la colonie par la métropole. C'est ce qu'ont bien remarqué Goéh-Akué et Kouzan qui ont dépeint les financements de cette politique et en sont arrivés à conclure qu'ils ont enlisé la situation de dépendance de la colonie vis-à-vis de la France colonisatrice. Les conséquences de cette situation furent analysées par Barandao qui a montré comment l'introduction de nouvelles cultures (de rente) a conduit à la désorganisation des systèmes de production agricole traditionnelle. Il n'a pas manqué d'insister sur la désorganisation de la vie sociétale (changement des habitudes alimentaires et le mode d'appropriation des terres et de leur mise en valeur) que cela a aussi induit. Tous ces auteurs ont touché un point essentiel de l'histoire agraire du Togo, mais leurs analyses ne s'arrêtant qu'à la période coloniale ne font pas cas des enjeux alimentaires du Togo postcolonial.

Cependant, les mutations sociales dont ces auteurs ont fait cas ne se sont guère estompées à l'époque coloniale. Elles survécurent jusqu'à la période postcoloniale, puisque les conditions les ayant créées sont restées toujours présentes. Il s'agit de la production des cultures de rente telles que le café, le cacao, et surtout le coton. C'est d'ailleurs l'importance que prit le coton dans l'agriculture togolaise qui poussa la curiosité de nombreux chercheurs, à l'instar de Emide (1996), de Kimié (2006), d'Ali-Napo (1985), de Schwartz (1996), et de Tchangai (2006). Emide et Ali-Napo ont dans leurs travaux respectifs, présenté une étude qui retrace l'origine de la production cotonnière au Togo, origine qu'ils rattachent à l'époque coloniale allemande où sa culture fut imposée aux « indigènes » sous l'euphorique nom de « culture indigène ». Cette politique avait conduit les populations à désapprouver la production cotonnière. L'on assista alors à l'échec total de la culture du coton au Togo sous la domination coloniale allemande. Cependant, une fois la contrainte levée sur les populations au cours de la période coloniale française, la production cotonnière va connaître un réel essor. C'est ce que tentait d'expliquer Kimié. Il a montré que cet essor est aussi dû à l'importance que constituait le coton dans la production agricole du pays en général en raison des revenus qu'il procurait aux paysans et à l'économie. Pour Tchangai, cette importance est allée sans doute en grandissant même après l'indépendance. Période au cours de laquelle le coton surpassa les traditionnels produits d'exportations de premier rang (le café, cacao).Cela lui valut le nom de « l'or blanc ». Par ailleurs, l'auteur a aussi montré que cet essor avait placé le coton au coeur des relations Nord /Sud au Togo. Schwartz explique cette donne par l'importance capitale que le coton tenait au Togo au cours de la période postcoloniale. En

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effet, l'auteur montre que l'Etat lui avait assigné un double rôle de procurer des revenus à l'économie et aux producteurs, d'où son attribut de culture locomotive. En dépit de tout ceci, les analyses de ces auteurs, à l'exception de celle d'Ali-Napo qui est d'ailleurs très générale, sont trop orientées vers la culture d'un seul produit qui est le coton. Elles ont passé sous silence les autres productions qui entrent en jeu également dans la politique agricole. De plus, tous ont manqué de montrer l'intégration de cette culture de rente dans les systèmes de culture traditionnelle des paysans et son impact sur l'alimentation des populations.

S'agissant de la commercialisation des produits, Dandakou (2002), a souligné la place de choix qu'occupe le marché24 dans le circuit commercial. Par ailleurs, il a insisté sur le café et le cacao dont l'exportation était très importante pour l'économie du Togo dans la période postcoloniale. C'est justement cette importance qui a poussé les autorités à chercher à contrôler le circuit commercial des produits agricoles d'exportation. D'ailleurs, cette mainmise de l'Etat sur les échanges fructueux des produits agricoles d'exportation a été constatée par Afatchao (2009), qui d'analysa l'impact de l'Office des produits agricoles du Togo (OPAT) dans les transactions commerciales des produits agricoles du Togo.

La transformation agro-industrielle des produits agricoles a aussi retenu l'attention de quelques chercheurs comme Soussou (1996) et Domtse (2009). Ces deux auteurs ont tenté d'expliquer la préoccupation que constituait la question de transformation des produits agricoles, que ce soit à l'époque coloniale ou postcoloniale pour les autorités du pays. Cependant, ils ont trop focalisé leurs analyses sur les produits faisant l'objet de transformation industrielle passant ainsi sous silence les autres dimensions de la production agricole qui pourtant, entrent également dans l'élévation du niveau de vie des populations.

De nombreux auteurs se sont intéressés à la question de la révolution verte et de l'autosuffisance alimentaire. Citons entre autres Schwartz(1989), Tsigbé (2010), Maman (2011),Sambo (1984), et Tamégnon (1976). Les analyses des quatre premiers auteurs se recoupent et se complètent en ce qui concerne la politique de la révolution verte et de l'autosuffisance alimentaire au Togo. De ces analyses, il ressort que cette réforme agraire était à la fois une réponse à la sécheresse qui frappa le pays en 1976 et une appropriation d'une politique alors en vogue prônée par la Banque mondiale afin de faire reculer la menace de la faim. Ces auteurs ont insisté sur l'objectif de cette initiative qui était de moderniser le secteur agricole afin qu'il puisse répondre aux besoins de la population sans cesse grandissante. Ils

24 Marché entendu au sens du lieu où se font les transactions commerciales avec le monde extérieur.

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ont par la suite conclu que l'objectif de cette politique ne fût pas atteint pour diverses raisons qu'ils ont souligné. Quant à Tamégnon, son étude s'est focalisée sur le principe de financement de cette révolution verte durant le plan quinquennal de développement. Il montra ainsi que les investissements disproportionnés et mal orientés sont l'une des causes de l'échec de cette politique « volontariste ».

Ces auteurs ont eu le mérite de toucher du doigt le problème de l'autosuffisance alimentaire, une politique qui actuellement a fait place à celle de la sécurité alimentaire, un concept plus large qui ne laissa pas indifférent un certain nombre de chercheurs, à l'instar de Alpha Gado(2010),Grenade (2010), Griffon(2006), et N'tcha (2012). Tout en traitant du concept de la sécurité alimentaire au Niger dans leurs travaux respectifs, Alpha Gado et Grenade tentent chacun d'expliquer les crises alimentaires récurrentes au Sahel, leurs effets sur les populations et les capacités d'adaptation de celles-ci face à cette situation. Ils ont insisté par ailleurs sur les concepts de souveraineté alimentaire et de droit à l'alimentation dont certains pays africains (Niger et Togo inclus), bien que les ayant incorporées à leurs politiques agricoles25 se donnent le privilège de passer outre26. Par conséquent, l'insécurité alimentaire a gagné le terrain, comme l'a si bien montré Griffon. En effet, pour cet auteur, l'insécurité alimentaire est loin d'être vaincue hors des frontières des pays en développement en l'occurrence ceux de l'Afrique subsaharienne. Comme la plupart de ces politiques agricoles sont émises par les institutions internationales, et proposées ensuite aux pays du tiers monde, N'tcha a voulu montrer comment la FAO, accompagne l'Etat togolais dans le respect des engagements qu'il prend en matière de politique agricole. Elle décrit toutes les actions entreprises par la FAO dans le secteur agricole en vue de l'atteinte de la sécurité alimentaire au Togo. Cependant, bien que les travaux d'Alpha Gado et de Grenade permettent dans une logique de comparaison de comprendre certaines réalités des enjeux de la sécurité alimentaire au Togo, ils ne permettent pas d'en saisir le problème dans sa totalité, puisque leurs études ne se sont focalisées que sur le cas nigérien. Griffon présente quant à lui une étude trop généralisée qui de plus manque de profondeur historique, alors que N'tcha n'aborde que les programmes agricoles auxquels la FAO a pris part soit, dans leur élaboration, ou soit dans leur application.

25 Le Togo fait partie des 187 pays de la FAO signataires en 2004 des Directives volontaires (DV) à l'appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le cadre de la sécurité alimentaire (RAPDA-TOGO, Etat des lieux sur le droit à l'alimentation au Togo, document préparé par le Centre de recherches et d'appui technique, p. 4). Les Directives Volontaires (DV) de la FOA sont disponibles sur le www.fao.org.

26 L'un des préalables du droit à l'alimentation est la bonne gouvernance et le respect des droits humains, mais la situation du Togo dans ces domaines est inquiétante.

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Or, ces genres de programmes ne constituent que la partie visible de l'iceberg des initiatives de développement agricole qu'entreprend l'Etat togolais.

D'une façon générale, la littérature sur le secteur agricole est vaste. Au demeurant le champ d'étude n'est pas en friche. Certes, des travaux de chercheurs ont abordé la question de diverses manières et à des degrés différents. Les objectifs visés par ses diverses études ne sont pas les même que poursuit notre travail, celui d'analyser les politiques agricoles initiées par rapport à l'évolution des besoins et des habitudes alimentaires, de même que du niveau de vie de la population. Toutefois, ces travaux ne sont pas dénués de tout intérêt, ils ont eu le mérite de nous permettre de bien réorienter notre problématique.

En fait, c'est à partir d'un constat que part le problème du sujet. En effet, bien que le Togo soit un pays essentiellement agricole, cette agriculture n'arrive pas à épanouir la population qu'elle emploie pourtant à plus de 60 %. Ainsi, l'exemple d'une étude diagnostique réalisée en 1994 sur la pauvreté au Togo en est très évocateur. De celle-ci, il résulte les deux seuils de revenus suivants: 70 000 F CFA (équivalent à 127 dollars US) par an et par personne pour les extrêmement pauvres et 90 000 F CFA (équivalent à 164 dollars US) pour les pauvres. L'incidence de la pauvreté établie sur ces bases révèle que 72% de la population togolaise est pauvre et 57% est extrêmement pauvre. Le paradoxe résulte dans le fait que la pauvreté est plus accentuée en zones rurales avec un taux de 79 % (pourtant productrices agricoles) qu'en zones urbaines. Les régions les plus touchées par la pauvreté sont la Région des Savanes (90,5%), la Région Centrale (77,7%) et celle de la Kara (75%)27. Par ailleurs, la pauvreté est fortement corrélée d'une sous-alimentation dans la mesure où 64,2% de la population pauvre est sous-alimentée28. Pourtant, ce ne sont pas les initiatives de développement agricoles qui ont fait défaut ; depuis l'indépendance, il y a eu des réformes agraires telles que la réforme agrofoncière de 1974, la révolution verte de 1977 ou encore la Déclaration de la politique de développement agricole (DPDA, 1993-2000) entre autres. L'objectif de toutes ces politiques agricoles étaient de permettre au Togo d'assurer la sécurité alimentaire de sa population. Eu égard à tout ceci, il se pose la question suivante : En quoi les politiques agricoles menées au Togo entre 1977 et 2008 ont-elles permis ou non d'atteindre la sécurité alimentaire ? Cette interrogation peut être scindée en deux petites questions pour une meilleure compréhension.

27 MAEP, 2006, Note de politique agricole (NPA), p. 3.

28MAEP, 2009, Document complet de stratégie de réduction de La pauvreté, DSRP-C, 2009-2011, version provisoire, p. viii.

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On sait en effet qu'au Togo, après l'« indépendance politique » acquise en 1960, le pays a voulu avoir aussi son « indépendance économique »en se basant sur le secteur primaire appelé alors à garantir une autosuffisance alimentaire au pays. À la lumière de cela, quelle fut alors la portée de la politique agricole initiée afin de relever le défi du décollage économique par le truchement d'une autosuffisance alimentaire au Togo entre 1977 et 1985 ?

Par ailleurs, il est un fait que des espoirs de développement économique du lendemain de l'indépendance ont été déçus à partir des années 1980 par un déséquilibre budgétaire et un endettement du pays. Ce dernier a dû alors engager une politique d'austérité budgétaire et de libéralisation de son économie, alors que la menace de l'insécurité alimentaire restait toujours perceptible. Quelles ont été alors les stratégies de développement agricole mises en oeuvres par le Togo afin de garantir la sécurité alimentaire à sa population entre 1985 et 2008 ?

L'objectif général de cette recherche est d'analyser la contribution des politiques agricoles à l'atteinte ou non de la sécurité alimentaire au Togo entre 1977 et 2008. Pour atteindre cet objectif, il s'avère indispensable:

? d'analyser les transformations subies par la production agricole togolaise des années 1970 aux ajustements structurels (1980), afin de montrer la portée de la politique de la révolution verte dans la stratégie de développement économique du Togo par le truchement de l'autosuffisance alimentaire.

? de décrire les stratégies de développement rural développées par l'Etat togolais dans le cadre de l'offensive contre le phénomène de l'insécurité alimentaire dans le contexte de la mondialisation et surtout de réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)29entre 1985 et 2008.

En fait, les préoccupations de la problématique nous ont amené à avancer l'hypothèse principale suivante : les initiatives visant à transformer l'agriculture traditionnelle togolaise en une agriculture moderne entre 1977 et 2008, seule condition capable de garantir une sécurité alimentaire au pays, n'ont pas réussi à atteindre leurs objectifs. De façon spécifique, il paraît qu'à l'aube de l'indépendance au Togo, le choix porté sur l'agriculture pour le développement économique ne fut pas un grand succès. Ensuite, des années 1980 jusqu'à l'horizon 2008, la

29 Depuis 2001, les politiques agricoles du Togo sont au coeur de la réalisation des (sept) Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), dont le tout premier consiste à réduire de moitié, la population souffrant de la faim et de la malnutrition.

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stratégie agricole pour une sécurité alimentaire a été repensée, mais ces tentatives n'ont pas permis d'atteindre les objectifs.

La méthodologie utilisée pour réaliser ce travail a suivi deux étapes : l'observation directe couplée de l'enquête de terrain, et la recherche documentaire. L'observation et l'enquête orale nous ont permis de prendre connaissance de l'environnement paysannal togolais, les conditions de la pratique de l'agriculture, et la perception des producteurs agricoles sur les différentes politiques agricoles qu'initient les pouvoirs publics à leur endroit. De son côté, la recherche documentaire faites dans les bibliothèques et centres de documentation du Ministère de l'agriculture de l'élevage et de la pêche, à permis de maîtriser le cadre juridique de même que les grandes lignes de la politique du gouvernement togolais en matière de production agricole.

Comme tout travail scientifique, notre recherche a eu à faire face à certaines embûches qui ont nécessité des solutions. En effet nous avons été confrontés lors de nos recherches dans le sud du Togo, par le problème de la non maîtrise de la langue Ewé avec ses diverses dialectes sagement conservées dans les zones rurales. Cet obstacle a été franchi grâce à l'aide d'un assistant de recherche que nous avons dû recruter à nos frais. Ceci à limité financièrement notre travail. Cette situation est rendu plus délicate par le fait que certains ouvrages classique en sécurité alimentaire ont dû être commandés depuis la France. C'est l'exemple de La sécurité alimentaire en Afrique de Gérard Azoulay et Jean-Claude Dillon.

C'est donc après avoir surmonté ces difficultés que nous avons pu présenter ce travail suivant un plan bipartite à raison de deux chapitres par partie. D'une façon chronologique, la première partie va de 1977 à 1985 et est composée de deux chapitres. Le premier analyse les conditions climatiques et agropédologiques de la pratique de l'agriculture au Togo, puisqu'on ne saurait faire une bonne analyse de l'agriculture si on ignore les conditions dans lesquelles elle se développe. Le deuxième chapitre explique comment par le biais de l'agriculture, notamment par la révolution verte, le Togo a voulu dépendre moins de l'extérieur en assurant une autosuffisance alimentaire à sa population, afin de consolider son indépendance économique entre 1977 et 1985. La deuxième partie de ce travail se situe entre 1985 et 2008 et comporte également deux chapitres qui en fait sont la continuité des deux autres de la première partie. Ainsi le troisième chapitre analyse la politique agricole initiée dans le contexte des Programmes d'ajustement structurel afin de relever le défi de l'insécurité alimentaire au Togo de 1985 à 1996. Le quatrième et dernier chapitre de ce mémoire tente de comprendre et

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d'expliquer les stratégies agricoles mises en place au Togo dans le contexte de la libéralisation économique, de la mondialisation et de réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) afin de chasser l'insécurité alimentaire hors de ses frontières entre 1996 et 2008.

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