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La pensée morale de Kant comme alternative aux défis du monde contemporain.

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par Joseph BALIMA
Université de Ouagadougou - Maà®trise de Philosophie 2103
  

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MINISTERE UNITE

 

DE

DEPARTEMENT DES

FORMATION

 

ENSEIGNEMENTS UNIVERSITE FILIERE UnitéDE

BURKINA

ET DE

-ProgrèsHUMAINES PHILOSOPHIE: PHILOSOPHIE

FASO

-Justice

RECHERCHE

SECONDAIRE DE OUAGADOUGOU

 

-PSYCHOLOGIE EN

ETSUPERIEUR SCIENCES

 
 
 
 
 
 

LA PENSEE MORALE

AUX DEFIS DU

THEME

:

KANT COMME

MONDE CONTEMPORAIN.

ALTERNATIVE

DE

Sous la Direction de

Didace Zidahon GAMPINE Maître assistant de Logique et Université de Ouagadougou

Présenté

par

 

BALIMA

Joseph

Epistémologie

 

ü

DEDICACE

ANNEE ACADEMIQUE 2012-2013

Je dédie cet ouvrage :

ii

A mon épouse Rosalie et à nos enfants Junior et Hodija qui ont dû souffrir de longs moments de séparation et d'attente d'un mari, d'un père toujours occupé à trouver une réponse à ses interrogations philosophiques.

ü A mes amis qui, d'une manière ou d'une autre sont restés à mes côtés pour me soutenir et m'accompagner dans ce travail.

ü A tous ceux qui croient en la philosophie en sa capacité de former des citoyens épris de paix et véritables bâtisseurs de leurs pays.

iii

REMERCIEMENTS

C'est pour nous un immense honneur d'exprimer nos remerciements à l'endroit de notre Directeur de Mémoire, le professeur Didace Zidahon GAMPINE, pour sa disponibilité, les encouragements et les enseignements combien enrichissants qu'il nous a apportés.

Nos sincères remerciements à notre cousine Sidonie Wencouni Zoungrana et à la belle-soeur Henriette Kama respectivement secrétaire-comptable et secrétaire, qui en plus de nous exhorter et de nous relancer dans notre rédaction ont entièrement contribué aux différentes saisies et impressions de notre travail.

Nous tenons également à remercier nos amis GUIGMA Marcel, 0UEDRA0G0 Boubacar tous inspecteurs de l'enseignement du premier degré qui, après leurs encouragements ont accepté sacrifier leur temps pour la préparationmatérielle de notre travail, ainsi que K0LA Etienne Assistant en philosophie à l'Université de Koudougou qui a su par moment nous guider sur la voie des recherches.

Enfin,que toutes les personnes qui ont participé d'une manière ou d'une autre à l'élaboration de ce document et dont les noms n'ont pu être cités, trouvent ici l'expression de notre reconnaissance et de notre gratitude.

INTRODUCTION

La morale peut renvoyer à l'ensemble des règles diffuses dans une société qui exprime ses valeurs (politesse, courtoisie, civisme) ou encore à des préceptes énoncés explicitement par une religion ou une doctrine (morale religieuse, philosophie morale, morale sociale). Elle est le socle de la cohésion dans une société car si tout le monde faisait ce qu'il a envie de faire, le monde serait invivable et l'humanité disparaîtrait bien vite.

Malheureusement l'évolution de l'humanité telle que nous laisse percevoir la réalité expose certains pays à des tribulations : déceptions affectives, pertes de valeurs morales, dérives politiques et religieuses, corruption ayant pignon sur rue, propension d'un réseau tentaculaire de haine et de violence.

Le système des valeurs n'est plus soumis à la pression de la contrainte sociale qui obligeait jusque-là l'individu à interpréter sa vie pour lui donner un sens en fonction de la finalité sociale. En un mot, la morale semble être vidée de son sens.

Notons que la plupart des dérives d'autoritarisme, d'individualisme prononcé, d'iniquité, de corruption larvée,qui entachent le fonctionnement normal de nos sociétés africaines d'aujourd'hui trouvent essentiellement leur origine dans la perte des valeurs sociales et éthiques fondatrices. Et il n'est pas exclu de présager de l'agonie progressive, l'effondrement et la destruction totale de l'équilibre d'une communauté désertée par la pratique de la vertu.

Conçue pour assurer l'épanouissement des citoyens dans la société, leur liberté, les valeurs morales se sont transformées en une véritable pathologie sociale. L'individu est comme à l'état primitif où il demeurait un loup pour son semblable selon Thomas Hobbes. Le monde contemporain se retrouve dans ces conditions sans repères, sans recours ni secours. Il apparaît comme un monde désolant, vidé de tout sens car la grandeur et l'originalité véritable semblent l'avoir déserté. Face à cette réalité, la recherche de nouveaux repères en vue d'établir l'équilibre social et de sauvegarder le vivre-ensemble parait primordial.

2

A quoi se fier ? A la philosophie en tant que discipline réfléchissant sur le rapport de sens par la rationalité et le libre examen, répond l'0rganisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture (Unesco). La philosophie en tant que science humaine semble proposer une thérapie à travers sa réflexion morale et éthique face à la perte des valeurs, bref aux défis du monde actuel. Face à cet état de fait, l'humanité entière semble réhabiliter la philosophie. Elle qui avait préféré la condamner quelques siècles bien avant à la ciguë au bénéfice de la science et de sa fille la technique, recommande maintenant la promotion de cette discipline, de sa pratique et de ses recherches comme une voie et un recours nécessaire qui , grâce à sa force de réflexion épistémologique , éthique et métaphysique, peut aider à la réalisation de son idéal de sagesse et d'équilibre. Dans ce contexte favorable à l'émergence nouvelle de la philosophie et surtout au regard de la perte des valeurs morales, il apparait opportun d'y apporter des remèdes d'où le choix du présent thème : « LA MORALE KANTIENNE COMME ALTERNATIVE AU DEFIS DU MONDE CONTEMPORAIN. »

Nous allons nous replonger dans les réflexions philosophiques de Kant qui, bien que datant du siècle des lumières, peuvent avoir une incidence sur la morale telle que vécue par nos sociétés actuelles. Comme le précise bien Auguste C0MTE « J'ai lu et relu avec un plaisir infini le petit traité de Kant ; il est prodigieux par l'époque et, même si je l'avais connu six ou sept ans plus tôt il m'aurait épargné de la peine (...) La méthode est encore métaphysique, mais les détails montrent à chaque instant l'esprit positif(...) ».1 A partir de ce point de vue d'un grand connaisseur et commentateur de Kant, nous soutenons que la philosophie morale kantienne peut être une des voies pour penser et améliorer l'humanité face aux défis actuels qui l'assaillent.

Notre réflexion sur la morale Kantienne se veut une contribution à la résolution des dérives morales de l'humanité actuelle. Elle se veut également une invite à allier imagination, nécessité, courage et éthique afin de garantir un monde

1 Auguste Comte, collection des éditions Nathan, Paris, Nathan, 1994, p .83

3

de paix et de dignité où les sociétés évolueront vers une organisation morale où le désintérêt occupera une place déterminante.

Quelles sont les acceptions conceptuelles et historiques de la morale ? Quels sont les défis qui se présentent au monde actuel ? Quelle peut être la contribution de la morale kantienne à la résolution des défis du monde contemporain ? Quels peuvent être les enjeux et perspectives d'une morale du futur ?

En définitive, quel peut être l'apport d'un tel recours à la philosophie morale de Kant ? Peut-elle nous aider à mieux comprendre les défis du monde actuel et y trouver des solutions durables ?

Telle est la question centrale à laquelle notre réflexion veut répondre. Ainsi notre étude se compose de trois grandes parties :

Dans la première partie nous ferons une clarification conceptuelle et historique de la morale selon les différentes époques de la vie de l'humanité et la mise en exergue de quelques défis du monde contemporain nous paraîtra opportune.

Dans la deuxième partie nous ferons l'économie de la philosophie morale de

Kant.

Enfin nous dégagerons les enjeux et les perspectives d'une morale du futur pour faire face aux défis de l'humanité actuelle.

PREMIERE PARTIE

MORALE ET DEFIS DU MONDE

CONTEMPORAIN

4

5

HAPITRE I : ELUCIDATIONS CONCEPTUELLES ET

HISTORIQUES

I .1 Définition de la morale

D'où vient le fait que l'homme soit capable de se poser la question de la morale ? La réponse à cette question nous permettra d'aborder la question de la définition de la morale. Disons au moins dans une première approche que les animaux eux ne se posent pas la question morale.

D'où vient-il que je me pose la question du Que dois-je faire ? Qu'est-ce bien faire ? Cette question du « Que faire ?»montre que la morale porte d'abord sur le domaine de l'action !Comment réguler l'action ? En fonction de quoi ? En vue de quoi ? Comment réfléchir le sens d'une action ?

Au regard de ces questions,deshommesdes femmes ont élaboré des théories morales ou éthiques nombreuses et parfois opposées. Ce qui est difficile lorsque nous regardons de près c'est qu'ils utilisent un vocabulaire semblable parfois identique et pourtant ils ne leur attribuent pas la même signification. En général, le mot éthique est considéré comme plus moderne que celui de la morale qui renvoie à la conduite individuelle pour les uns et pour d'autres aux règles sociales.

Etymologiquement « morale » vient du latin(philosophias) moralis, traduction par Cicéron du grec taeqika.L'« Éthique » quant à elle vient du grec éthikè qui pourrait être traduit mot à mot par « comportemental». Le terme apparait chez le philosophe Aristote, qui fut le premier à forger l'expression éthikèthéoria pour désigner un savoir « relatif à la façon de se comporter». La différence entre ces deux termes est infime dans le domaine de la philosophie. Ainsi selon Kant, la morale est la faculté de porter des jugements de valeur fondés sur la distinction du bien du mal. Quant à l'éthique, elle est la réflexion théorique sur de tels jugements et leur élaboration en un système normatif et rationnel.

Philippe MEIRIEU, abondant dans ce sens fait une distinction nette entre morale et éthique. Selon lui, « la morale est un ensemble de normes sociales concernant le comportement

6

des individus dans une organisation sociale donnée et régies par un système de valeurs déterminées.

2

En revanche, nous désignons par éthique l'interrogation d'un sujet sur la finalité de ses actes. »

Ainsi entendue, l'éthique a nous semble-t-il une primauté de droit sur la morale, en ce qu'elle amène l'individu à réfléchir sur la finalité de ses actes, même si les morales ont chacune une antériorité de fait sur l'exigence éthique.Mais la décisionéthique concerne à tout moment chaque homme dans son rapport à lui-même, à autrui, ainsi qu'à la communauté sociale et politique. La visée éthique étant orientée vers la capacité de l'homme à faire usage de la raison dans sa conduite sociale doit réussir à s'incarner en des règles morales et on doit toujours pouvoir recourir à l'éthique quand la norme sociale conduit à des impasses pratiques. C'est ainsi que l'éthique en tant que valeur citoyenne ne se réduira pas à un simple processus d'intégration sociale mais se donnera ainsi pour fin la recherche des conditions de l'émergence d'une liberté. C'est par l'éthique que certaines valeurs citoyennes telles que la conscience professionnelle, la probité, l'intégrité et surtout la solidarité peuvent véritablement se manifester dans la société.Les deux termes désignent ce qui a trait aux moeurs, au caractère, aux attitudes humaines en général et en particulier, aux règles de conduite et à leur justification3 . Aussi,« la morale constitue avant tout un discours destiné à orienter certains types d'action, entre autres celui par lequel les individus communiquent entre eux, influencent leurs attitudes respectives et modifient leurs comportements4

Ces principes varient selon la culture, lescroyances, les conditions de vie et les besoins de la société. Ils ont souvent pour origine ce qui est positif pour la survie de l'ethnie, dupeuple, de la société. Si de tels principes sont en outre positifs pour l'ensemble des ethnies, des peuples ou des sociétés de la Terre, on peut les considérer comme faisant partie de la morale universelle.

0n distingue en général deux grandes conceptions de la morale :

2 Philippe, (M). (1999).Le choix d'éduquer (éthique et pédagogie).Paris : ESF page11.

3 Weil (Eric),Morale in EncyclopaediaUniversalis, Paris 1989

4 Marcel(Boisot), La Morale cette imposture, Edition le pré aux clercs page 36.

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0bjectiviste : les lois morales ne dépendent pas de l'homme mais des lois de la nature, de commandements divins ou des lois de la raison. Elles ont un caractère universel, éternel, absolu, normatif. Elles ne peuvent être ni changées ni supprimées.

Relativiste : les valeurs morales ont une origine humaine. Elles sont définies par la société ou par l'individu lui-même et varient d'une société à une autre.

La philosophie morale aborde avec la seule autorité de la raison, la question de la finalité de l'action humaine et cherche à éclairer les choix pratiques et en particulier la prise de décision : Que dois-je faire ? Qu'aurais-je dû faire ? Y a-t-il des limites à mon action ? Les philosophes divisent la morale en trois domaines dont les limites ne sont pas toujours parfaitement liées :

Meta-éthique : entendue comme la recherche des origines et du sens de nos concepts moraux.

Morale ou éthique normative qui concerne les critères de nos comportements (habitudes, devoirs, conséquences de nos actes).

Morale ou éthique appliquée : application des deux premières à des problèmes spécifiques et controversés (par exemple avortement, environnement, droitdes animaux).

Cette définition montre rapidement les deux lieux d'investigation de la morale : d'une part les règles de conduite, les lois ou les normes diverses et d'autre part tout ce qui a trait à leur justification, aux principes et aux valeurs qui étayent les lois mises en place.

I.2 La morale dans l'Antiquité

Il convient déjà de noter que la perception de la philosophie présocratique comme une philosophie de la nature est assez réductionniste. En plus d'être une philosophie de la nature, elle s'intéresse au poli notamment au bonheur de l'individu dans la cité. Epicure est un des représentants de la philosophie morale

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dans l'antiquité grecque. Nous connaissons l'épicurisme qui est une école philosophique qu'il a fondée à Athènes en 306 avant Jésus Christ. Cette école entrait en concurrence avec une autre grande pensée de l'époque, le Stoïcisme fondé en 301 avant Jésus Christ. L'Epicurisme est axé sur la recherche d'un bonheur et d'une sagesse dont le but est l'atteinte de l'ataraxie5c'est-à-dire l'absence d'agitation, la tranquillité de l'âme et de l'esprit.

L'enseignement d'Epicure vise à rendre l'individu heureux en lui montrant comment se hisser au plaisir absolu qui naît de l'ataraxie. Pour lui, toute sa vie durant, l'homme est à la recherche du plaisir, qui est lié à la satisfaction de nos divers besoins.Dans sa lettre à Menécée, Epicure écrit : « Nous affirmons que le plaisir est le commencement et la fin de toute vie heureuse car nous avons reconnu ceci comme le premier bien né avec nous et c'est par rapport à lui que nous commençons tout choix et tout refus la racine de tout plaisir est le plaisir du ventre, même la sagesse et la culture doivent lui être rapportées...quand la chaircrie, l'âme crie. »6 La morale épicurienne est donc une morale du plaisir. Selon Epicure les sensations douloureuses de l'âme naissent dans la non satisfaction de notre besoin alors que les sensations positives qu'il appelle plaisirs naissent de la satisfaction de ces mêmes besoins.

L'homme selon Epicure recherche toute sa vie durant les sensations négatives ou douloureuses. La recherche du plaisir est donc l'axe d'orientation principale de nos conduites et attitudes. C'est la recherche du plaisir qui oriente tous nos choix à tous les niveaux. Ainsi les critères du bien et du mal sont ramenés à un niveau psychosomatique c'est-à-dire au niveau de la sensation et non du plaisir.

Dans sa pédagogie philosophique du bonheur, Epicure trace deux voies complémentaires. L'élaboration d'abord d'un ensemble de concepts qui constituent une cosmologie ou une physique qui permet à l'homme de vaincre toutes les fausses craintes qui le rendent malheureux.Ensuite l'élaboration d'une technique de

5Epicure, Lettre à Ménécée, in Doctrines et maximes, Hermann, p.79.

6http: // philia-oneline-fr /text /cpcr_001.php.consulté le 16 Août 2012 à 22h12.

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quête de plaisir qui paradoxalement inclut beaucoup d'ascétisme'et de plaisir pour accéder à l'ataraxie.L'homme doit donc savoir se débarrasser de la peur et des craintes et rechercher le vrai bonheur. 0r l'homme vit en permanence dans la crainte des dieux, de la mort, du chagrin et de la douleur. Pour vaincre la crainte des dieux, Epicure dans son enseignement démontre que le monde est fait d'atomes qui s'agrègent et se désagrègent au fil de l'histoire. Les dieux sont faits d'atomes ainsi que chaque être existant.Ainsi, les dieux vivent un bonheur parfait qu'ils ne sauraientaltérer en se mêlant aux problèmes des hommes.Les hommes de ce fait n'ont pas de compte à rendre aux divinités lesquelles d'ailleurs n'ont rien demandé aux hommes.

De même nous ne devons pas avoir peur de la mort, caril n'y a pas une vie de l'âme en dehors du corps.Unique au corps, l'âme meurt en même temps que lui. Ainsi, « la mort n'est rien pour nous, aussi longtemps que je suis là, elle nÿest point, et dès qu'elle arrive c'est moi qui nÿsuis plus. La mort ne nous est rien car ce qui est privé de sensation n'est rien pour nous. »8

S'agissant de la crainte du chagrin et de la douleur, la morale épicuriennetrouve qu'elle résulte d'une méconnaissance du fonctionnement du monde.Le monde est le lieu d'agrégation et de désagrégation des atomes dont la logique et le temps échappent à l'être humain.C'est cette méconnaissance qui apporte le chagrin où il n'y a que psychologie des événements qui créent la crainte.

L'homme ainsi débarrassé des différentes sources de peur et de crainte définit sa pédagogie du bonheur par le plaisir.Mais il convient avant toute chose,de savoir ce que le plaisir n'est pas et ensuite ce qu'il est véritablement. Car,« lorsque nous disons que le plaisir est un bien principal,nous ne parlons pas des plaisirs de l'homme débauché ou de ceux qui reposent dans le plaisir car ce ne sont pas les beuveries ou les orgies continuelles qui rendront la vie agréable »9Le véritable plaisir pour l'épicurisme se définit

8 Epicure, Lettre à Menacée, in Lettre, Nathan, P76-77.

9Jacques (Brunschwig), « Epicure »in collectif, philosophie grecque, Paris, Puf, 1998, p447.

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comme une absence de douleurs et de troubles intérieurs résultant d'une vie équilibrée.Ceci résiderait non pas dans la satisfaction positive et quantitative des plaisirs mais dans leur restriction.Trois catégories de plaisirs sont donc à accepter ou fuir pour l'atteinte du bonheur de l'individu.Les plaisirs qui sont à la fois naturels et nécessaires qu'il faut poursuivre avec modération comme boire quand on a soif et dormir quand on a sommeil. Les plaisirs qui sont naturels mais non nécessaires comme boire du vin quand on a soif.Les plaisirs qui ne sont ni naturels ni nécessaires qu'ils convient de fuir comme ceux du luxe.

La recherche du plaisir sain par l'individu après que celui-ci ait philosophé pour se débarrasser des différentes sources de craintes et de peur est pour l'épicurisme la voie saine pour atteindre le bonheur.

I.3 La morale des temps Modernes

Jean Jacques Rousseau est l'un des plus illustres philosophes du siècle des Lumières et eut une influenceintellectuellereconnue sur la révolutionFrançaise. Arthur Schopenhauer le considère comme le «plus grand des moralistes modernes ». Schopenhauer disait : « Ma théorie a pour elle l'autorité du plus grand des moralistes modernes : car tel est assurément le rang qui revient à Jean Jacques Rousseau, à celui qui a connu si à fond le coeur humain, à celui qui puisa sa sagesse non dans les livres ,mais dans la vie ; qui produisit sa doctrine non pour la chaire, mais pour l'humanité ; à cet ennemi des préjugés, à ce nourrisson de la nature , qui tient de sa mère le don de moraliser sans ennuyerparce qu'ilpossède

la vérité et qu'il émeut les coeurs .»10 Il faut cependant souligner d'emblée que le
principe de la pitié définie par Rousseau dans différentes oeuvres peut bien apparaître comme un mystère difficile à expliquer. Les spécialistes de la question

comme Paul Audi reconnaissent ainsi qu'elle pose « des
problèmesdoctrinauxinextricables
. »11 Mais au-delà de ces problèmes notre propos sera de montrer en quoi la pitié peut être considérée comme la condition de

10 Arthur (Schopenhauer), trad A- Burdeau, Le fondement de la morale, Paris, Aubier-Montaigne, 1978,p 162. 11Pierre(Audi), Rousseau, Ethique et passion, Paris, puf 1997 p 137.

11

reconnaissance de l'autre et donc comme un fondement de la morale. Ce faisant nous essaierons de voir en quoi la pitié est à l'origine de tout sentiment d'appartenance et de toute communauté.

Dès le discours sur l'inégalité Rousseau a défini ce «principe de l'âme» qu'est la pitié. En voulant renouveler la connaissance de l'homme, ilélabore une anthropologie dont le but est une réductiongénétique destinée à voir ce qu'il est, abstraction faite de l'évolution historique. Ainsi, deux principes pré rationnels sont mis en évidence par Rousseau ; l'amour de soi et la pitié lorsqu'il s'exprime : «Méditant sur les premiers et les plus simples opérations de l'âmehumaine, jÿcrois apercevoir deux principes antérieurs à la raison dont l'un nous intéresseardemment à notre bien-être et à la conservation de nous-mêmes et l'autre nous inspire une répugnance à voir périr ou souffrir tout être sensible etprincipalement nos semblables. »12

Rousseau veut dire ici deux choses .Tout d'abord que l'homme est naturellement porté à se préférer lui-même à tout autre dans la vie. Il peut donc en certains cas s'opposer violemment à un autre si sa vie en dépend. Mais il n'est ni naturellement ni gratuitement méchant ou pervers, car sa brutalité ne va pas au-delà de ses intérêts. En cesens, la méchanceté n'est pas le propre de l'homme social et de sa raison raisonneuse. Ensuite, Rousseau montre chaque homme comme tout être vivant, éprouve une aversion innée pour la souffrance d'autrui. Aussi, la pitié n'est-elle pas le fruit d'un raisonnement qui viendrait tempérer la brutalité de ses affections. C'est un moment instinctif et naturel, en deçà de tout raisonnement. Si le triste spectacle du monde ne nous permet pas souvent de le voir à l'oeuvre, c'est que la facilité des passions sociales est parvenue à l'étouffer. Pour ne pas être en contradiction avec sa conscience, il suffit de « s'argumenter un peu » comme dit Rousseau. Mais, « l'homme sauvage n'a point cet admirable talent et faute de sagesse et de raison, on le voit toujours se livrer étourdiment au premier sentiment de l'humanité13. Pour Rousseau, la pitié vient donc modérer dans chaque individu l'activité de l'amour en

12 Rousseau(J.J), op, cit, préface, p125-126.

13 ibidem p. 156

12

soi-même. En cela, elle concourt à la conservation de l'ensemble de l'espècequi, sinon, serait promise à une rapide extinction.

Dans l'Essai sur l'origine des langues, Rousseau note que la pitié nécessite le support de l'imagination et de lumières pour que chacun puisse êtretouché par la souffrance de l'autre. Pour lui, « la pitié bien que naturelle au coeur de l'homme resterait éternellement inactive sous l'imagination qui la met en jeu(..) Comment imaginerai-je des mots dontje n'ai aucune idée ? Comment souffrirai-je en voyant souffrir un autre sije ne sais même pas qu'il souffre, si j'ignore ce qu'ilya de commun entre lui et moi ? Celui qui n'a jamais réfléchi ne peut être ni clément ni pitoyable ; il ne peut pas non plus êtreméchant et indicatif. Celui qui n'imagine rien ne sent que lui-même ; il est seul au milieu du genre humain. »14

La pitié permet en effet la naissance et l'affirmation de toute conscience morale. Comme nous l'avons vu, la pitié tempère en l'homme l'instinct de l'amour de soi-même. Cette modification opérée à la fois par le sentiment et la raison «produit l'humanité et la vertu ».15La pitié est donc l'appui naturel et pré-rationnel de toute morale. L'important pour nous est alors de bien voir que dans la société, les hommes forment une communauté morale : « De cette seule qualité (la pitié), découlent toutes les vertus sociales. En effet, qu'est-ce que la générosité, la clémence, l'humanité, sinon la pitié appliquée aux faibles, aux coupables, ou à l'espèce humaine en général ? La bienveillance et l'amitié même sont à bien prendre, desproductions d'une pitié constante fixée sur un objet particulier : car désirer que quelqu'un ne souffre point, est-ce autre chose que désirer qu'il soit heureux ?16

I-4La morale dans les sociétés contemporaines.

La morale religieuse est l'ensemble des règles ou des positions que prend la communauté religieuse pour conduire les croyants vers un objectif religieux conformément à leur foi. Elleénonce ainsi divers préceptes d'actions qui peuvent être relatifs aux rapports avec autrui, à l'emploi du temps, aurégime alimentaire ou à

14ROUSSEAU(J.J), Essai sur l'origine des langues, Paris Gallimard « folio », 1990, p 92.

15 ROUSSEAU(J.J),op, cit, note XV p 219.

16 Ibidem p .155

13

des questions plus précises. Par exemple : manger du poisson le vendredi, jeûner pendant le ramadan, ne pas avorter, respecter le repos dominical, avoir une attitude de non-violence. La morale religieuse peut plus ou moins se rapprocher des lois et commandementsédictés dans les textes sacrés.F'

L'éthique chrétienne est élaborée à partir de Jésus Christ qui est la norme concrète et plénière de toute activité morale. Le chrétien reçoit de Lui, la liberté d'accomplir la volonté de Dieu et de vivre sa destinée de libre enfant du Père qui est le Dieu du très-haut. Le Christ, Fils de Dieu est l'impératif catégorique concret. En effet, il n'est pas seulement une norme formelle universelle de l'action morale susceptible d'être appliquée à tous, mais une norme concrète personnelle.

Ainsi, le chrétien qui vit la foi est en droit de fonder sa conduite morale sur sa foi. C'est du point de vue du Christ, c'est-à-dire de la foi que le chrétien arrêtera les options profondes de sa vie.

Dans une société non sécularisée, la religion joue un rôle fondamental pour légitimer le pouvoir et la morale en usage. L'0ccident christianisé n'a pas échappé à ce modèle, au contraire les Eglises ont joué ce rôle dans les sociétéseuropéennes jusqu'à l'avènement de la modernité.

Malgré leurs divergences théologiques, les théologies classiques (catholique et protestante), se referaient chacune à leur manière à un ordre relationnel ou naturel qu'elles justifiaient à partir des récits de la Bible. Quelles que soient les subtilités ou les catégories plus ou moins divergentes que les unes ou les autres de ces théologies employaient, elles établissaient que la conscience de l'homme créé à l'image de Dieu fonctionnait comme une « loi naturelle », qui s'accordait avec la « loi divine ».

Ce présupposé ouvrait deux perspectives. D'une part, il expliquait pourquoi les peuples païenségarés dans l'idolâtrie, avaient gardé malgré tout dans leurs sociétés des traces de vérités et de moralité conforme au judéo-christianisme. D'autre part, il fondait l'idée qu'il existait une morale naturelle universelle. Cette morale naturelle et universelle était formulée à, partir des valeurs qui

17Www .Wikipédia-la-morale-et-la religion consulté le 1/11/2012.

étaientprésentent dans les sociétés non chrétiennes et que la bible semblait confirmer. Par exemple, l'interdiction du meurtre, de l'adultère, du vol, du faux témoignage et la convoitise faisait la preuve pour les théologies classiques de l'existence d'une morale naturelle et universelle concernant la famille, la propriété, le travail etc....

La bible est la source principale de la morale chrétienne qui trouve son fondement dans l'amour que le chrétien doit développer envers son prochain. L'histoire du peuple de Dieu dans la traversée du désert d'Egypte conduit par Moise18 dans le but d'atteindre la terre promise nous montre que la loi donnée par Dieu exprime une volonté de bien et de bonheur en y donnant des interdits : « tu ne feras de Dieu une idole ! Tu ne tueras pas ! Tu ne voleras pas ! Tu ne mentiras pas ! Tu ne prendras pas la femme de ton prochain !... »19 Ainsi la communauté chrétienne, à travers les préceptes moraux édictés dans la bible trouvait une voie d'accès au bonheur à travers le respect de ces préceptes.

Le Christ, modèle et aboutissement de la morale humaniste chrétienne, est pour nous la référence et le critère en matière de morale. L'humain est donc le but et la finalité de la loi et donc de la morale.

14

18 Exode 13.Verset 17 à22 Bible traduction Louis Segond p76

19 Exode 20 .Verset 13 à17 Bible traduction Louis Segond p84.

15

HAPITRE II REFLEXION SUR LES DEFIS DU MONDE ONTEMPORAIN

II.1 La crise de la citoyenneté

La citoyenneté reste une question vive du monde actuel, un principe régulateur à réaffirmer mais aussi à enrichir et à adapter aux nouveaux contextes. Il convient de signaler d'abord que la citoyenneté peut comme étant l'appartenance à un Etat. Elle donne à l'individu un statut juridique auquel sont reconnus des droits et des devoirs particuliers. Ce statut dépend des lois propres à chaque Etat, et l'on peut dire qu'il y a autant de types de citoyens que de types d'Etats. La citoyenneté est aussi un ensemble de pratiques citoyennes, telles que la participation à la vie publique de la cité. Ces pratiques citoyennes de participation active à la vie collective, créent un dynamisme dans la communauté et contribuent à la stabilisation et à l'apaisement du climat social, puisqu'elles permettent d'intégrer toutes les couches populaires ; notamment ces classes laborieuses qui, souvent vivent en marge de la vie de la cité.

La citoyenneté a surtout des valeurs qui lui sont spécifiques. Il s'agit de la civilité, du civisme et de la solidarité. La civilité21 selon Dominique Picard, (professeur de psychologie sociale à l'Université de Paris 13), « est un ensemble de règles proposant des modèles de conduites adaptés aux di~~érentes situations sociales ». Elle est le respect des règles de la vie commune dans les lieux publics. En d'autres termes, elle est une attitude de respect à la fois à l'égard des autres citoyens, mais aussi à l'égard des bâtiments et lieux de l'espace public. C'est une reconnaissance mutuelle et tolérante des individus entre eux.

Le civisme quant à lui, « désigne le respect, l'attachement et le dévouement du citoyen pour son pays ou pour sa collectivité dans laquelle il vit ».22Le civisme consiste à titre individuel, à respecter les lois et les règles en vigueur, mais aussi à avoir conscience de ses devoirs envers la société. De façon plus générale, le civisme est lié à un

20Canivez,(P), Eduquer le citoyen ? Essai et textes, Paris, Hatier-227, 1990, p 11.

21 http://fr.wikipedia.org (consulté le 28/01/2010) 22http://.www.toupie.org(consulté le 26/01/2010)

16

comportement actif du citoyen dans la vie quotidienne et publique. C'est agir pour que l'intérêtgénéral l'emporte sur les intérêts particuliers.

Si telles sont les définitions possibles de la citoyenneté concept de philosophie politique mieux de démocratie, il faut reconnaitre qu'elle est aujourd'hui en crise un peu partout dans le monde. En effet, si les principes de la citoyenneté impliquent un ensemble de valeurs nobles, on observe cependant, que les faits démentent dans la réalité cette présupposition logique.

La crise citoyenne ne date pas de nos jours, déjà dès l'antiquité, Socrate avait pu observer les dérives de la démocratie et les déchéances morales de ses concitoyens. Karl Marx va quant à lui dénoncer « la boulimie du capitalisme, sa cruelle tactique d'exploitation de l'homme par l'homme par la plus-value et surtout son fondement qui se trouve

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être l'incarnation de la négation de l'humanisme ».

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Martin Luther King avant de tomber sous les coups des balles assassines, s'était permis un rêve. Le rêve de voir un monde où les discriminations raciales, l'injustice, la violence, les guerres et la misère sous toutes ses formes disparaitraient. Un rêve dans lequel, l'homme faisant fi des hécatombes qui jonchent la route de son histoire, le regard rivé sur son créateur, ferait de l'homme non pas un ennemi mais un frère ; non pas comme un redoutable adversaire, mais un partenaire à qui, il faudrait tendre la main avec amour pour construire une société de paix, de tolérance et de justice. Certains leaders africains comme Senghor, et Cheik Anta-Diop(bien qu'ayant des divergences idéologiques) voyant la déroute culturelle, identitaire, et socio-économique des sociétés africaines face au colonialisme, vont prôner la nécessité pour les africains de prendre en charge leur propre destin dans ce monde en perpétuelle mutation.25

Les années ont passé, mais les grands problèmesdénoncés par ces visionnaires existent toujours et même la crise citoyenne persiste encore.Ce qui est caractéristique à notre actualité, c'est la naissance depuis 2008 d'une crise financière

23 Marx (Karl),Le Capital (critique de l'économie politique). Paris : Editions sociales.1978. Page 210

24 Luther-King(M), J'ai fait un rêve .Paris :Bayard Edition.1985, Page 87.

25 http://www.uqac.ca.jmt sociologue (site relatant le combat de Senghor et de Cheik Anta-DIOP) consulté le 28 /01 /2013.

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sans précédent. Cette crise financière aboutira à une crise sociale. Un peu partout dans le monde, les populations battent les pavées du macadam pour réclamer un mieux-être ; Ces manifestations dénommées « marche contre la vie chère » vont atteindre le Burkina Faso.C'est ainsi qu'à l'appel des organisations syndicales, de la société civile et des parties politiques les villes de Bobo-Dioulasso, 0uahigouya et Banfora connaitront de violentes manifestations en 2008. La ville de 0uagadougou sera à son tour, le jeudi 28 février, le théâtre d'actes de vandalismes sur des biens privés et publics.

Le rejet de l'autre à cause de sa différence se manifeste de façon implicite ou explicite dans toutes les sociétés par le repli identitaire, le racisme, l'intégrisme, le terrorisme et les guerres.

Les Grecs, dès l'antiquité, pour vanter les bienfaits du sport sur l'esprit et le corps clamaient fièrement ce slogan « mens sana in corporesano », ce qui veut dire « un esprit sain dans un corps sain ». Mais le sport est devenu de nos jours une véritable source de violence. Les actes de violence dans le sport ont connu en effet, une augmentation régulière depuis quelques années, et les medias s'en font régulièrement l'écho. Ils touchent tous les sports et tous les âges, peuvent émerger brutalement n'importe où, et prendre des formes variées (violences entre pratiquants, envers l'arbitre, des supporteurs entre eux, ...).

Que dire de la vie dans nos villes ? De certains actes anodins qui sont pourtant un véritable indicateur de la crise citoyenne. Il s'agit de la simple salutation des voisins. Combien de personnes se donnent encore le temps de la faire correctement ? Citoyenneté ne veut-il pas aussi dire bien vivre ensemble ? Les muezzins des aurores, les hurlements des pseudos prédicateurs de l'évangile qui pensent que leur boucan pourrait attribuer aux ouailles le ticket d'entrée au paradis.

La circulation dans nos villes se fait d'une manière peu conforme au code de la route ; faufilant entre les nids de poules et les flasques d'eau, les usagers de la route n'ont qu'un objectif : passer. Les motocyclistes sont souvent obligés de rouler la poitrine bombée et la tête alerte afin de pouvoir feinter les projectiles de morve

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ou l'averse de crachat que peut leur lancer à l'improviste le motocycliste précédent ; de même, doit-il beaucoup faire attention, aux véhicules qui sont devant lui, car à tout moment peuvent furtivement en sa direction des sachets d'eau, des peaux de bananes, d'oranges, des coques d'arachides et même des mégots de cigarettes qui peuvent malencontreusement atterrir sur son visage. De nouveaux moyens de transport viennent compliquer la gestion de la circulation dans les villes africaines, c'est le cas des mototaxis, des tricycles et de la prolifération des taxis.L0URDES Diaz 0livera(chercheur, laboratoire d'Economie des Transports, ENTPE-Université de Lyon2-CNRS), faisant une réflexion sur les causes de la mauvaises circulation dans les villes africaines, fait remarquer que, « dans plusieurs villes africaines, une nouvelleforme de transport artisanal tend à s'imposer rapidement : le taxi-moto. Ce mode de transport satisfait une partie importante des besoins de transport mais suscite aussi de nombreuses critiques de la part des usagers, des autres opérateurs de transportpublic et des autorités en ce qu'il crée souvent du désordre dans la circulation. »26 La pauvreté dans nos villes devient désormais un défi trop immense pourêtre facilement relevé. La femme qui de sa maison, jette sans sourciller une grande bassine d'eau remplie de déchets et d'arrêtes de poisson ne sait pas qu'elle a manqué d'éclabousser le pauvre passant qui a eu le malheur d'emprunter ce chemin au même instant. Elle a aussi contribué à crever le pneu du motocycliste dont la roue fragile n'a pu résister à la charge de l'arête de poisson. Ce qui fait dire au Premier Ministre burkinabé Luc Adolphe Tiaoque, « l'incivisme, tout le monde en parle aujourd'hui, tout le monde le vit en ville comme en campagne. L'incivisme, ce sont ces personnes qui ne respectent plus les feux de signalisation et qui roulent sur les voies publiques comme s'ils étaient dans leur cour. L'incivisme, ce sont encore ces jeunes élèves de Niangoloko et de Imasgo qui séquestrent leur proviseur dans son bureau ou dans les toilettes du lycée ».27

26diaz@entpe.FR Consulté le 25/01/2013.

27S.E Luc Adolphe (TIAO), Discours inaugural du forum national sur le civisme ; Ouagadougou 30-31 Mai 2013

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Dans d'autres cas, les conséquences des actes anti citoyens sont incalculables. Il suffit de voir le sort réservé par les marcheurs pendant les grèves aux feux tricolores, aux panneaux, aux routes, aux biens publics et aux biens privés. Plusieurs années d'investissement et de sacrifice sont en un instant totalement détruit par une force aveugle et dévastatrice. Le développement de la petite délinquance dans les sociétésindustrialisées depuis ces dernières années, préoccupe autant les pouvoirs publics que les personnes qui se sentent désorientées devant l'insécurité croissante de l'environnement social.

Enfin sur le plan environnemental, il faut noter la pollution de la nature par les industries. Le péril environnemental est aussi dû à l'action de l'homme sur la nature par la coupe abusive du bois, la divagation des animaux et même les feux de brousse. Un autre phénomènerécurrent de la pollution de notre environnement est l'invasion de sachet. Pourtant la loi n°005/97/ADP du 30/01/97 précise dans son titre 1 chapitre 2 les dangers des déchets sur l'environnement. Malgré les différentes sensibilisations sur l'écocitoyenneté, un comportement intègre et distinctif de respect et de la protection de l'environnement a encore du chemin à faire. Aucun milieu n'est épargné, aucun milieu n'en fait l'exception. Apres une manifestation, on peut constater des sachets plastiques et autres déchets tapisser le sol car ayant été jetés en toutes insouciance par individus. Combien sont-ils dans nos villes et campagnes qui, après avoir bu de l'eau ou mangé un casse-croute va rechercher une poubelle pour jeter le sachet ou le papier ?

Nous n'avons pas eu ici la prétention de citer toutes les manifestations de la crise citoyenne. Nous n'avons fait qu'énumérerquelques-unes qui peuvent l'objet d'une base de réflexion critique. Ce faisant que peut-on dire de la crise de la démocratie ?

II-2 La crise de la démocratie.

Le célèbre discours en faveur du multipartisme, prononcé par feu le présidentfrançaisFrançoisMitterrand, au 16e sommet France-Afrique tenu à la Baule

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du 19 au 21 juin 1990, a été salué par des liesses populaires, tant il était porteur d'espoir pour les pays africains. Maisaprès deux décennies de mise en oeuvre, le constat est amer voire alarmant. Le continent est fortement éprouvé par des crises interminables, des violences sans précédent avec leurs cortèges de maux sociaux. Cette réalité est surtout liée au fait que l'idéaldémocratique a été déformé par des pratiques peu orthodoxes.

Dans une véritabledémocratie, le détenteurdu pouvoir est le peuple souverain. Les citoyens ne pouvant tous exercer cette souveraineté, ils délèguent leur pouvoir à un nombre restreint d'élus qui l'exercent à leur place. Ces personnes sont désignées à travers des élections libres et transparentes. Ainsi, le pouvoir exercé par les élus l'est au nom du peuple qui le lui a temporairement transféré et à qui ils doivent rendre compte. Malheureusement, plusieurs pays du Tiers-Monde présentent une démocratie de façade, caricaturée. L'on fait certes parler les urnes, mais le résultat n'est pas l'expression de la volonté souveraine du peuple, mais plutôt de la puissance du prince. C'est contre toute attente dès le début des années 1990, qu'intervient pourtant une succession de régressionsdémocratiques, en particulier en Afrique centrale et dans la région des Grands Lacs. En octobre 1993, le premier président librement élu du Burundi est assassiné. La même année, le Congo-Brazzaville connait la première d'une succession de guerres civiles meurtrières.

Le génocide rwandais d'avril 1994, est le premier reconnu, qui fait un million de morts. Deux ans plus tard, le régime au Zaïre voisin, en pleine déliquescence, tombera sous l'assaut des rebelles, soutenus par des troupes rwandaises. Mais, la rébellion fait immédiatement face à des soulèvements armes, entrainant l'intervention militaire d'au moins quatre Etats de la région (Rwanda, 0uganda, Angola, Zimbabwe) aux cotés des différentes factions, avant que le président ne soit assassiné le 16 octobre 2001.

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Le 24 décembre 1999, la Cote d'Ivoire bascule dans une longue phase d'instabilité, suivie du déclenchement d'une rébellion armée le 19 septembre 2002 qui entraine la partition du territoire du pays avec son cortège de charniers, et de civils tombés sous des balles assassines. Cette situation a perduré jusqu'en mars 2011 ou c'est finalement dans un bain de sang que le président illégitime et illégal a été délogé afin que la force revienne au droit.

Le Kenya, qui semble sur le chemin de la démocratie, où la réélection du président au pouvoir en décembre 2007 est accueillie par de sanglantesémeutes opposant ses partisans à ceux de son adversaire, faisant plus de mille morts et trois cent mille déplacés.

En aout 2008, le premier présidentdémocratiquement élu de la Mauritanie est renversé par son adversaire. Le 23 décembre de la même année, le président guinéen meurt après avoir porté entorse à la démocratie en gérant le pays par une main de fer. Il est immédiatement remplacé par une junte militaire, au bilan catastrophique en matière de droits humains, avant d'être de facto écarte du pouvoir quelques mois plus tard.

En mars 2009, comme par contamination, le présidentbissau-guinéen, Nino Viera, et son chef d'état --major des armées sont assassinés coup sur coup, au moment où le pouvoir et l'armée étaient gangrénés par le trafic de la cocaïne, dont le paysétait devenu une plaque tournante. C'est le même son de cloche dans l'océan Indien, où Madagascar vit depuis mars 2009 avec un président de facto, après le départ forcé du pouvoir du président élu.

Au Niger voisin, l'obstination du président Tanja à modifier la constitution pour prolonger son mandat, puis à organiser des législatives en dépit des pressions

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régionales et internationales, a conduit à son renversement par les militaires en février 2010.

Tout récemment et plus précisément le 11 mars 2012 au Mali, alors que le présidentdémocratiquementélu s'apprêtait a organisé des élections auxquelles il ne se représentait plus, il fut débarqué par des troupes armées islamistes soutenues par des combattants venus de la Lybie de l'ère Kadhafi pour réclamer la partition du pays pour mal-gouvernance.

Les referendums et les recensements truqués sont devenus les ressources stratégiques dont se servent les dirigeants africains aux allures de démocrates, pour se maintenir au pouvoir, une sorte de dictature déguisée. Ce qui a sans doute amener le présidentAméricain, Barack 0bama, lors de son discours d'investiture le 20 janvier 2009, à lancer un cri de coeur : « A ces dirigeants à travers le monde qui cherchent à semer le conflit ou à re jeter les maux de leur société sur le dos de l'occident, sachet que vos peuples vous jugerons sur ce que vous saver construire, pas ce que vous détruises A ceux qui s'accrochent au pouvoirpar la corruption et le mensonge, et qui étouffent la dissidence, sachet que vous vous situer du mauvais côté de l'histoire et que nous tendons la main si vous êtesprets à desserrer le poing.»28

Le pouvoir censé revenir au peuple lui est arraché par ceux qui détiennent les moyens de contrainte : la force publique (armée, police), les finances de l'Etat (impôts et taxes) et la corruption des consciences et de l'intelligence. Cette triste pratique amène ces derniers à exercer un pouvoir sans entraves au profit des intérêts de leurs bienfaiteurs, en les gratifiant par moment en bien matériels pour inhiber les prises de conscience pouvant entrainer des contestations ouvertes et des soulèvements.

Ces formes de dictatures voilées cherchent à se faire passer pour des démocraties. Elles savent que pour durer au pouvoir sans êtreinquiétées et pour

28Extrait du discours d'investiture du Président Américain, Barack Obama, Trad. Chérif Ezzeldin, WWW.@ rfi.fr du 20 Janvier 2009.

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exploiter la population dans l'impunité, un vernis de démocratie est toujours nécessaire.

Ainsi ces dirigeants deviennent au fil du temps, de moins en moins enclins à accepter le contrôle du peuple. La démocratie se mue alors en pouvoir du plus fort, par le plus fort, et pour le plus fort. 0n assiste alors à l'instauration d'un climat de terreur pour intimider les populations peu favorables au régime en place à voter massivement pour lui malgré elles, à l'élimination par des moyens législatifsdétournés les adversaires, à des violations des libertés publiques et à l'arrestation des ennemis politiques imaginaires, et à la confiscation des medias et des finances publics par le candidat sortant pour la campagne électorale.

0utre ces malversations, pour gagner les élections « démocratiquement» en Afrique, il n'est pas rare de voir pointer le canon à des électeurs. La souveraineté, le pouvoir suprême deviennent l'émanation de ceux qui se sont imposés au pouvoir. La démocratie se vide alors de tout son sens et devient le gouvernement par lequel les plus forts exercent la souveraineté, ce qui a inspiré Mgr Marini Bodho, président coopté du Senat congolais à l'occasion de l'ouverture de la session extraordinaire du Senat, le 22 aout 2003 à dire ceci : « Cet holocauste de plus de 3 .500.000 morts immolés sur l'autel de nos intérêtségoi:rtes et qui nous valent d'être là, aux di~~érents postes que beaucoup d'entre nous, occupent. »29

II .3 La crise de l'environnement.

L'environnement est défini comme « l'ensemble des éléments (biotiques ou abiotiques) qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins. 300u encore comme, « l'ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) susceptibles d'agir sur les organismes vivants et les activités humaines. »31 La notion d'environnement naturel,

29 http://www.democratieactive.org/communauté/rdc/ldbg/presentation.htm, consulté le 11 février 2011. 30Dictionnaire Larousse, consulté le 5 Janvier 2010.

31Le Grand Robert de la langue Française, Paris Robert 2001.

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souvent désignée par le seul mot « environnement» a beaucoup évolué au cours des derniers siècles et tout particulièrement des dernièresdécennies. L'environnement est compris comme l'ensemble des composantes naturelles de la planète terre, comme l'eau, l'air, l'atmosphère, les roches, les végétaux, les animaux, et l'ensemble des phénomènes et interactions qui s'y déploient, c'est-à dire ce qui entoure l'homme et ses activités.

En ce XXIe siècle, il n'est pas exagéré de dire que les hommes font face à des défis environnementaux sans précédent dans l'histoire de l'humanité, et ceci en grande partie à cause de l'activité humaine et la vie sur terre n'a jamais été menacée depuis la disparition desdinosaures il y a 65 millions d'années. La protection de l'environnement est donc devenue un enjeu majeur, en même temps que s'imposait l'idée de sa dégradation à la fois globale et locale, à cause des activités humaines polluantes. La préservation de l'environnement est un des piliers du développement durable, c'est aussi le 7e des huit objectifs du millénaire pour le développement32 considéré par l'0NU comme, « crucial pour la réussite des autres objectifs énoncés dans la déclaration du Sommet du Millénaire33Mais d'où vient que la question de la dégradation de l'environnement soit de nos jours une question d'actualité ? Mieux quelles sont les origines et les manifestations de la crise environnementale sur notre planète ?

L'homme a un rôle central à l'intérieur de la nature parce qu'il est fondamentalement différent du reste des réalités naturelles. Il est non seulement une partie de la nature, mais aussi l'unique être capable de saisir l'intelligibilité de l'univers. C'est le principe même de l'anthropocentrisme car, « l'homme est le centre du monde, et considère le bien de l'humanité comme la cause finale du reste des choses. »34 L'homme joue un rôle central et déterminant par rapport au reste de la nature.

32DPI/2517M Publié par le département de l'information de l'ONU Septembre2008.

33 Rapport GEO-4 PNUE-2007, page 38.

34 André (Lalande), Vocabulaire technique et critique de la philosophie,Puf, 1926, P-62.

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Cette attitude était déjà présente dans l'antiquité grecque chez les sophistes. Ils revendiquaient la liberté de penser à leur guise .C'est dans cet ordre d'idée que Protagoras, l'un des grands sophistes qui, cherchant à défendre leur cause dira, « L'homme est la mesure de toute chose ». Il voulait simplement dire que la vérité dépend désormais de celui qui la conçoit. Cela implique un relativisme moral. Ainsi, l'homme devient le centre de tout. L'homme est donc la référence de toute chose. Aristote poursuivra l'idée de Protagoras. A ce propos, en parlant de la philosophie de l'homme selon Aristote, Afeissa écrit : « L'homme nous est clairement présenté comme étant la fin de la nature au sein d'un univers hiérarchisé où chaque échelon où chaque degré apparait comme moyen d'un degré supérieur, l'ensemble étant ordonné de manière finale à l'homme, et à l'homme seul ».35 La crise de l'environnement trouverait aussi son origine dans la philosophie de Descartes, selon laquelle l'homme devait se «rendre comme maitre etpossesseur de la nature».36

Nous trouvons aussi l'origine de cette crise de l'environnement dans la

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théologie de la création.En effet, le récit de la création dans le livre de la Genèse est clair sur ce point. Le monde crée en sept jours le fut au service de l'homme. Le récit de la créationétablit l'homme maitre de tout ce qui existe. Dans ce récit, Dieu ordonne à l'homme de dominer sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, sur les bestiaux, sur toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre et de parfaire l'oeuvre de la création.

Ainsi la supériorité de l'homme sur la nature qui se traduit par le développement de la techno science, nous fait remarquer que la promesse de la technique moderne s'est inversée en menace pour l'homme. Hans Jonas semble pointer du doigt cet état de fait dans son ouvrage Principe Responsabilité. Ainsi pour lui, « La soumission de la nature destinée au bonheur humain a entrainé par la démesure de son succès qui s'étend maintenant également à la nature de l'homme lui-même,le plus grand défi pour

35 WWW wikipedia-la morale-et-la-religion (consulté le 1 /11/2012).

36 Descartes(RENE), Discours de la méthode. Paris, Flammarion, 1992, page 80.

37 Genèse 1 versets 26-29, Bible, Traduction Louis Segond.

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l'être humain que son faire ait jamais entrainé. »38Si l'origine de la crise environnementale peut être expliquée de façon philosophique et par la théologie de la création, comment ressentons --nous les manifestations de celle-ci de nos jours ?

C'est par un appel à la responsabilité que Hans Jonas, philosophe engagé en faveur de la protection de la nature, attirait notre attention. « Nous sommes, disait-il en 1998, dans une sorte d'état d'urgence, une situation clinique, au chevet d'un malade. Et sommes ici simultanément les patients et les médecins. Notre civilisation technique, dans laquelle sont à l'ouvre des mécanismes qui tendent à échapper à notre maitrise, a chargé l'environnement de substances dont son métabolisme ne peut venir à bout. A la dévastation d'ordre mécanique vient s'a jouter l'intoxication chimique et radioactive».39

L'industrialisation constitue la principale source de dégradation de l'environnement. Autrefois très sollicitées, les industries étaient évoquées avec fierté et associées au développement et à la prospérité. Mais de nos jours, cet enthousiasme a cédé le pas à un certain malaise. L'utilisation massive d'énergies fossiles dans la révolution industrielle (charbon, puis pétrole) a accumulé une quantité importante de gaz à effet de serre.

Il ya un constat incontestable. En effet, les ressources nécessaires à la vie sur cette planète comme l'eau, l'air, la terre ont été polluées à des degrés alarmants et que dans le même temps la population humaine croit de façon exponentielle. En occident, la demande énergétique est présentement sept fois supérieure à celle d'il y a dix ans et cinquante fois qu'il ya 200 ans. En deux siècles, nous sommes arrivés à une situation d'épuisement à court terme prévisible des réserves d'énergie fossiles accumulées durant les 115 millions d'années de carbonifère. Le carbone rejeté dans l'atmosphère par la civilisation technique est supérieur à ce que la biosphère peut recycler. En 1750, il y avait environ 750 millions de tonnes de carbone dans l'atmosphère. Les activités des hommes ont rajouté 350 millions de tonnes.

38 Hans (Jonas), Principe Responsabilité, Edition « Passages »1990, page15.

39Hans (Jonas), Une éthique pour la nature, coll. Midrash, Paris,Desclée de Brouwer,2000 page120 et 145.

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Rappelons que 20% de la population mondiale c'est-à-dire les pays industrialisés consomment 40% des ressources naturelles de la planète et ces pays sont les gros pollueurs de l'atmosphère.Cette pollution engendre une nouvelle peur relevant de deux catégories de phénomènes par ailleurs liés. Il s'agit des catastrophes dites naturelles ou climatiques (inondation,sécheresse, tremblement de terre) qui prennent des dimensions apocalyptiques du moins dramatiques comme en témoignent récemment le 1er Septembre 2009 au Burkina Faso et le 12 Janvier 2010 en Haïti. En plus il y a les catastrophes industrielles de grande ampleur comme celle de Tchernobyl en Avril 1986 et l'accident nucléaire de Fukushima au Japon en Mars 2011.

Si nous ambitionnons de faire recours à Kant pour penser faire face aux défis du monde contemporain, il convient d'abord de questionner sa philosophie pratique. Apres ce préalable, il s'agira de montrer à partir de cette philosophie pratique que l'homme est le seul principe de la moralité, avant d'établir un rapport entre la morale Kantienne et la résolution des défis du monde contemporain

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DEUXIEME PARTIE

CONTRIBUTION DE LA MORALE
KANTIENNE A LA RESOLUTION DES DEFIS DU
MONDE CONTEMPORAIN

HAPITRE I : PRESENTATIONDE LA MORALE KANTIENNE

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Emmanuel Kant est un philosophe allemand du XVIIIe siècle, une période de l'histoire de la philosophie qui a été marquée par l'apologie disons mieux par la valorisation de la raison humaine. Rationaliste, il va défendre le rôle primordial de la raison dans l'élaboration de sa théoriemorale. Ainsi, toute la philosophie de Kant va débuter par une pacification de la philosophie caractérisée par bien de contradictions et d'antinomies dont la raison était la victime. A travers le criticisme, Kant fait un rappel des limites des pouvoirs de la raison humaine face à la tentation du dogmatisme, mais aussi face à la dérive du pessimisme. Il est une lutte entre deux excès au sein de la philosophie : le dogmatisme rassurant qui consiste en une vénération sans réserve des capacités de la raison humaine et le pessimisme qui consiste à renoncer définitivement à la quête de la vérité avec la conviction que ni les sens, ni la raison humaine ne peuvent l'atteindre.Face à ces deux positions extrémistes, Kant n'entend pas les laisser dos à dos.

A l'image de Copernic qui avait entrainé un changement radical de point de vue, lorsqu'il a affirmé que ce n'était pas la terre mais le soleil qui était le centre immobile du mouvement circulaire des planètes, Kant va opérer une révolution copernicienne en philosophie. Ce n'est pas l'esprit qui doit se régler sur les objets mais l'inverse : les objets eux-mêmes doivent se régler sur les structures a priori de la sensibilité et de l'entendement.

Dans une perspective derésolution de cette crise, Kant distingue une raison théorique qui s'occupera de la connaissance et une raison pratique dont le domaine sera la morale. C'est seulement après avoir opéré une révolution copernicienne dans le champ de la philosophie que les pensées de ce philosophe sont susceptibles d'être comprises, acceptées et en même temps d'avoir une portée. La philosophie morale de Kant tente de résoudre le problème suivant : Comment justifier objectivement des lois morales qui soient valables pour tous les êtres humains, sans s'appuyer sur une religion ou sur la croyance en Dieu et en partant de l'idée que les êtres humains sont libres d'établir eux-mêmes des valeurs morales ?

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La liberté des individus semble exclure a priori l'idée qu'il puisse exister des règles morales universellement valables. Pour résoudre ce paradoxe Kant va s'appuyer sur l'idée que les êtres humains sont autonomes parce qu'ils sont rationnels et que la raison seule peut fonder l'obligation morale.

Pour Kant, une personne est un être conscient doué de raison, libre et responsable. Partant de cette affirmation on peut dire qu'une personne n'est pas une chose. Les choses ne sont pas libres car elles sont soumises aux lois de la nature. De ce point de vue, un animal est une chose. Les personnes sont autonomes. Cela signifie qu'elles peuvent se donner à elles-mêmes leurs propres lois .Un enfant, par exemple, n'est pas autonome car il est sous l'autorité de ses parents qui lui imposent une loi. De même dans l'univers religieux, les individus ne sont pas autonomes car ils sont soumis à l'autorité de Dieu. Les personnes sont autonomes parce qu'elles sont rationnelles. C'est la raison en chacun de nous, qui est l'autorité morale suprême. Ainsi la morale du devoir chez Kant met l'accent sur l'autonomie en faisant de la raison la source première de l'action morale. Il a donc contribué à développer des thèmes chers aux philosophies des Lumières que sont l'autonomie, l'universalisme.

I .1 La source de la morale chez Kant

Le premier signe de la formation de l'homme en tant que créature morale est sa capacité à dissimuler en lui ce qui pourrait éveiller du méprisà son égard de la part d'autrui. La morale est le socle et la cohésion dans toute société. Ainsi, Kant établit que la moralité a son principe dans le sujet. Il croit à l'autonomie du sujet et cherche en l'homme le seul principe de la moralité.

Pour fonder sa morale, il commence par rejeter la morale classique transcendante, c'est-à-dire la morale qui est extérieure à l'individu, la morale dont la source se trouve à l'extérieur de l'individu. Ce qui veut dire que Kant rejette des instances telles la famille, la société,l'Etat, la religion comme sources de la morale. Pour cela, il rejette le principe d'hétéronomie qui veut que les recommandations

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morales viennent des instances extérieures à l'individu et du coup l'impératifhypothétique qui subordonne l'action morale à une condition, à une hypothèse comme par exemple ,« si tu travailles bien, tu seras récompensé ».Pour Kant, c'est l'individu lui-même qui est la source de sa morale. Cette morale du devoir fait de l'individu la source des recommandations morales. Elle se repose sur ce principe d'autonomie, principe moral selon lequel l'individu agit de façon autonome, c'est-à-dire sans aucune contrainte morale, sans aucune condition provenant de l'extérieur.L'individu qui est autonome se soumet à ce que Kant appelle,« l'impératifcatégorique ».Les recommandations morales sont données à l'individu de son intérieur par la conscience, la raison. C'est cette raison qui donne l'ordre et qui lui dit : « tu dois donc tu peux ». Ce qui guide l'action morale, c'est la bonne intention basée sur la bonne volonté. L'action morale selon Kant ne peut que viser le bien, le bien de l'homme, le bien de l'humanité. Tout en séparant la valeur de tout ordre objectif, il explique que la valeur émane du sujet raisonnable, ce qui montre une certaine subordination de la morale à la personne. Il se démarque ainsi de Francis Bacon qui disait : « C'est dans l'action morale que l'homme accède à sa vérité, car c'est dans la conscience immédiate de l'action et de la responsabilité de l'action voulue qu'il s'éprouveirréductible aux déterminations de la science, c'est-à-dire libre »40

La bonne volonté est cette faculté de s'arracher aux intérêts et agir librement. Cette liberté, Rousseau la désignera sous le nom de «perfectibilité» et Kant la considère comme, « la capacité d'agir de façon désintéressée.C'est cette faculté qui va faire de l'être humain le seul être capable de culture, de politique et de morale ».41

Ainsi la véritable morale réside dans la bonne volonté car les autres dispositions comme les talents de l'esprit, les qualités de caractères ne peuvent jamais êtreconsidérées comme bonnes en elles-mêmes , mais dépendent de l'usage que notre volonté en fait : il est en effet possible de faire usage de son talent, de son intelligence ou de son courage à des fins malveillantes. Seule une volonté bonne

40Bacon, (F), Du progrès et de la promotion des savoirs, Paris, Gallimard, 1991, p.71. 41Luc (Ferry), Kant une lecture des trois critiques, Bernard Grasset 2006.p 101.

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saurait avoir une valeur pour elle-même : une volonté bonne, c'est une volonté qui entraine une action accomplie par devoir que Kant appellera, « autonomie de la volonté» qui va s'opposer à l'hétéronomie de la volonté : action accomplie, dictée par des mobiles.

I.1.1L'hétéronomie de la volontémorale.

L'hétéronomie de la volonté morale trouve sa source dans l'agir humain. Elledécoule d'une inclination ou d'un sentiment, la volonté n'obéit à aucune loi rationnelle. En effet, par nature, l'affect s'impose au sujet ; si ce dernier agit sous l'effet d'une émotion(parcolère, amour ou désir charnel), sa volonté ne pourra jamais êtreconsidérée comme autonome car elle est alors sous le joug de la passion. Parce qu'elle obéit à des mobiles extérieurs à la raison, cette forme de morale est illégitime. Les exemples de conduites même supposées bonnes à suivre ne peuvent êtreconsidérés que comme des exemples et non comme des modèles, en ce sens que la valeur d'un exemple est toujours limité dans l'espace et dans le temps, alors que la valeur du modèle est universelle.

Par exemple, si j'agis par amour pour l'humanité, je n'agis pas par devoir mais par sentiment. 0r une action dont la maxime repose sur un sentiment ne peut ni prétendre l'universalité, ni servir de loi à un être raisonnable. La volonté hétéronome agit toujours en suivant les inclinations ou ses intérêts, « car ce n'est pas alors la volonté qui se donne à elle-même la loi, c'est l'objet qui la lui donne par rapport à elle. »42

Ainsi la révolution« copernicienne »opérée par Kant en philosophie vienttrouver toute sa justification en ce sens que ce sont les objets qui doivent toujours se régler sur l'esprit et non le contraire.

42Kant(E), Fondements de la Métaphysique des moeurs .Traduction de Victor(DELBOS),

livre électronique ; http://perso.club-internet.fr/folliot.philippe/fondem.htm
,collection « les sciences sociales ; 2006 .p 26.

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1 .1 .2 L'autonomie de la volonté morale

Pour Kant, la bonne volonté est cette volonté d'agir par devoir, avec une intention désintéressée de bien faire et avec pour seul motif le respect de la loi morale. Et comme telle,« la bonne volonté consiste dans la volonté d'accomplir par devoir: le devoir est accompli non pas seulement lorsque l'acte est conforme au devoir mais lorsqu'il est fait par devoir; on peut en effet accomplir des actes conformes au devoir, s'abstenir de mentir, soulager son prochain par des motifs tout autres que le devoir, par intérêt personnelpar exemple, ou par un sentiment de pitié : l'acte n'estpas moralement bon ».43

Une telle volonté se garde de tirer son universalité du contenu matériel de l'expérience ; elle se déploie de façon autonome. L'autonomie peut se définir comme une absence de contrainte extérieure mais aussi et surtout comme une législation propre de la raison pure pratique. Par exemple, « traiter l'humanité en ma personne et en la personne de tout autre tou jours comme une fin et jamais comme un moyen »44est une maxime rationnelle exigible universellement. Parce qu'elle se soumet librement à la loi de la raison pure pratique, la volonté qui détermine son action à partir de cette maxime est autonome.

L'unique raison qui doit orienter notre volonté est le devoir pour le devoir, la loi pour la loi, en un mot l'action désintéressée. Lorsqu'il s'agit de l'observation de son devoir, l'homme doit renoncer à sa fin naturelle le bonheur (...) lorsque intervenant le commandement du devoir, qu'il était nécessaire de n'en faire aucun égard la condition de l'observation de la loi qui lui est prescrite par la raison, et même autant qu'il lui était possible, de veiller à ce qu'aucun mobile dérivé du bonheur ne se mêlât subrepticement à la détermination du devoir.45Dans l'esprit de Kant, l'agir moral doit êtredébarrassé de tout mobile. La mesure de la moralité dans cette perspective doit êtredétachée de l'expérience qui ne suffit pas à la fonder ou à la justifier.

43 Bréhier(E),Histoire de la philosophie, PUF, 1931-1932, p 484.

44Kant. (E), Métaphysique des moeurs I, Fondement et Introduction, Trad., Alain Renant, Paris, G-F Flammarion, 1994, p.108

45Kant (E), Sur le lieu commun, in OEuvres philosophiques, Paris, Ed. Gallimard, 1986, p.256.

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Le devoir kantien est un commandement absolu de la raison exigeant que l'agir humain soit subordonné à la loi de la raison sans se référer à une fin extérieure.

Comme on peut le constater, Kant trouve en l'homme le seul principe de la moralité. La valeur émane du sujet et de son vouloir, contrairement à la philosophie grecque qui fait de la vertu morale une affaire de science. Cette exigence de la raison lui impose d'aligner toujours ses maximes derrière la loi universelle des êtres raisonnables.

1.2 Le principe d'universalité de la loi morale.

Selon Kant, la loi morale s'applique à tous les êtres rationnels. Cette loi prend la forme d'un impératifcatégorique que les êtres humains, qui ont des besoins et des désirs naturels, peuvent éprouver comme une contrainte. Pour appliquer cetimpératif à notre conduite et identifier les règles qui sont des devoirs moraux, il faut selon Kant, soumettre nos règles (ou maximes) au test d'universalisation. En conséquence, agir moralement consiste à nous élever sans cesse à la dimension de l'universel au détriment de nos pulsions et sentiments égoïstes, d'où la formule kantienne de la loi générale de l'universalité de la morale par cette maxime : «Agis de telle sorte que la maxime de ta volontépuisse toujours se vouloir en mime temps comme principe d'une législation universelle ».46

Ce principe signifie qu'une règle de conduite exprime une exigence absolue s'il est possible pour un êtrerationnel d'accepter que tous les êtres rationnels adoptent cette règle c'est à dire que la règle soit universalisable.

Ce commandement de la raison pratique constitue un gage de liberté car l'individu ne subit pas les desiderata de ses inclinations extérieures. Ainsi, « La loi morale n'exprime donc pas autre chose que l'autonomie de la raison pratique, c'est à dire la liberté

46Kant (E), Critique de la Raison Pratique, Paris. PUF 1943 p, 30.

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et cette autonomie est la condition formelle de toutes les maximes, la seule par laquelle elles

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puissent s'accorder avec la loi suprême »

A ce principe d'universalité de la loi morale, Kant ajoute un principe relatif à la dignité humaine.

1 .3 Le principe de la dignité humaine.

La philosophie morale de Kant est toute pénétrée d'une foi inébranlable dans la dignité de la nature humaine. Cette notion sert de base à l'édifice entier si ingénieusement construit et est intitulée : « Agis de telle façon que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne, que dans celle de tout autre, toujours en même temps comme une fin, jamais comme un moyen. »48Cette formule pose clairement le principe universel de la dignité humaine. «L'homme n'est pas une chose dit Kant; il n'est donc pas un objet qu'on puisse traiter simplement comme un moyen. »49

La dignité morale de l'être humain c'est sa rationalité qui le rend autonome et lui confère une dignité absolue. Unêtre rationnel et autonome est une personne par opposition à une chose qui peut avoir un prix mais ne possède pas la dignité proche à la personne.

A travers cette formulation du principe de la dignité humaine, Kant pose la personne comme une fin absolue pour l'action humaine. Cela signifie que l'on ne doit pas traiter les personnes comme des choses. Toute règle de conduite qui implique que l'on utilise une personne strictement comme un moyen technique pour arriver à ses fins, est une règle immorale.

1 .4 Le principe d'autonomie de la volonté morale source du droit.

47KANT(E), Critique de la Raison Pratique, op, cit, p.33.

48KANT (E), Métaphysique des moeurs I Fondement et Introduction, Trad. Alain Renaut, Paris G-F Flammarion ,1994 ? p.108.

49Olivier (R),La dignité humaine chez Kant, Revue de Métaphysique et de Morale, 75e année, N2 (Avril-Juin 1970), p189.

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Kant se demande quels sont les principes qui doivent a priori servir de fondement à toute législationextérieure. Le principe d'autonomie de la volonté est déterminé à travers une troisième maxime ainsi formulée : «Agis de telle sorte que la volonté de la maxime puisse se considérersoi-même comme universellement législatrice »50.Le droit y est défini comme l'ensemble des conditions dans lesquelles la liberté de chacun peut s'accorder avec la liberté des autres selon une loi universelle de liberté.La seconde maxime nous a permis de savoir que l'homme doit êtreconsidéré comme une fin et non un moyen.Alors, il sera contradictoire que l'homme ne soit pas soumis à une législation universelle. Afin de résoudre cette contradiction, le concept d'autonomie de la volonté est élaboré par Kant comme étant la condition par laquelle tout en obéissant à la loi universelle, la volonté subjective n'obéirait en même temps qu'à sa propreloi. L'homme doit êtreà la fois le législateur et le sujet. A travers cette troisième maxime, Kant introduit le concept de règne des fins, concept selon lequel tout être raisonnable doit se considérer comme établissant par toutes les maximes de sa volonté une législation universelle afin de se juger soi-même et ses actions de ce point de vue. Ce règne constitue une liaison systématique de divers êtres raisonnables par des lois communes. Et ses lois ont pour seul but d'entretenir de bons rapports des êtres les uns envers les autres, mieux un idéal de vie en communauté. Il s'agit d'un monde où les hommes respectent et appliquent rigoureusement les lois qu'ils se sont données, où l'homme est aussi respecté dans sa dignité, et la souveraineté revient à tous les sujets qui ont un droit inaliénable de légiféreruniversellement. Derrière la forme de droit qui se réalise en une « loi universelle » de coexistence des libertés, se profile en effet l'impératifcatégorique. Ce qui détermine l'homme à sortir de l'état de nature, c'est l'impératif moral et c'est parce que l'homme possède une autonomie morale, une liberté se déclinant sous forme de droits subjectifs, que le droit doit prendre la forme de la loi universelle.

Si donc la moralité ne nous sert de loi qu'autant que nous sommes des êtres raisonnables, elle est dérivée de la propriété de la liberté qui, à son tour, est

50Kant(E), Métaphysique des moeurs I. Fondation et Introduction op, cit, p.115

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propriété de la volonté de tous les êtres raisonnables. Et c'est justement ce passage que soutient si bien Kant : « Tout être qui ne peut autrement que sous l'idée de la liberté est par cela même, au point de vue pratique, réellement libre, c'est-à-dire que toutes les lois qui sont inséparablement liées à la liberté valent pour lui exactement de la mêmefafon que si la volonté eut été aussi reconnue libre en elle-même et par des raisons valables au regard de la philosophie socratique » .51 L'autonomie constitue un principe suprême de la moralité c'est-à-dire la condition de possibilité d'une responsabilité morale. Cette autonomie de la volonté se fonde par conséquent sur la conscience des raisons qui nous font agir, ce qui fait dire à Durkheim que, « le troisièmeélément de la morale, c'est l'intelligence de la morale. La moralité ne consiste plus simplement à accomplir, mêmeintentionnellement, certains actes déterminés ;il faut encore que la règles qui prescrit ces actes soit librement voulue, c'est-à-direlibrement acceptée, et cette acceptation libre n'est autre chose qu'une acceptation éclairée »52 C'est donc dire que chez Kant, pour agir, « il faut que la raison se considèreelle-même comme l'auteur de ses principes, indépendamment de toute influence étrangère, par suite, comme raison pratique ou comme la volonté d'un être raisonnable ne peut être une volonté lui appartenant en propre que sous l'idée de la liberté et qu'ainsi une telle volonté doit être, au point de vue pratique, attribuée à tous les êtres raisonnables» .53

Ainsi chez Kant, la morale constitue un préalable pour penser et construire la modernité juridique et la condition formelle de tout droit est un devoir. Son projet juridique est pensé sous la métaphysique d'une loi universelle. A la conception théologique du droit, il oppose l'autonomie de la raison, à la conception naturaliste du droit, il oppose le caractère absolu de la raison. Le droit et la morale sont distincts mais destinés à se compléter mutuellement.

C'est pourquoi M.Lequan peut à la suite de Kant, apporter les précisions suivantes : « la légalité n'est pas incompatible avec la moralité. La conformité extérieure est une condition nécessaire, quoique non suffisante de la moralité. Légalité et moralité ne sont pas exclusives l'une de l'autre mais, complémentaires,

51Kant(E),Fondements de la Métaphysique des moeurs, Paris, Vrin, 1994, P .129 . 52 Durkheim(E), L'éducation morale ; OEuvre posthume, Paris, Puf, 2012 P21. 53Kant(E),Fondements de la Métaphysique des moeurs, Paris, Vrin, 1994, P .130.

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car l'acte moral accompli par devoir doit à fortiori être légal conforme à la loi du devoir. La moralité est un approfondissement de la légalité.Agir par devoir (et non seulement conformément au devoir), de manière désintéressée, est l'exigence fondamentale de la morale ».54

II .1 De l'universalité de la loi morale à l'humanisme.

Dans la troisième maxime de la morale kantienne, le principe de l'universalité de la loi morale a valeur d'humanisme car l'agir humain met en exergue des valeurs d'humanisme qui favorisent le communautarisme et sont de ce fait des attributs de toute démocratievéritable.

En effet, si Kant dit : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin et jamais seulement comme un moyen », cela implique, « la reconnaissance et le respect de soi et des autres, des capacités d'écoute, une réflexion sur la place de la violence dans la société et une maîtrise de soi dans la résolution des conflits ».ss

L'humanisme fait apparaître que l'homme est partout le même, et indépendamment de toutes les différences, il est un autre moi-même. Les différences, certes continuent d'exister mais apparaissent comme secondaires. C'est la conviction qu'il existe des droits égaux pour tous les hommes, non en relation à une appartenance particulière mais en vertu de cette appartenance à l'humanité elle-même. Considéré comme une personne, l'homme possède une dignité par laquelle il force au respect de lui-même toutes les autres créatures raisonnables.

L'humanisme dans la moralité, commande que l'autre soit accepté dans sa différence et sa diversité, bref une tolérance. En effet, « la tolérance ne se réduit pas à l'acceptation de la différence, acceptation qui est parfois indiférence ; elle demande de reconnaitre

54M.Lequan cité par ; Cafartan in, « leçon 57, droit de l'homme et droit du citoyen » in philosophie et spiritualité, 2002, URL http://sergecar.Club.Fr/cours/droit2.htm « droit%20 de %20 l'homme .consulté le

3 /04 /2013.

55Marcel(G), Kant et la Démocratie, Thème de mémoire de philosophie, Université de Ouagadougou ,2012 p.71.

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ses propres limites et de considérer l'autre comme soi dépositaire au mime titre que soi, d'une part d'humanité ; chaque personne a besoin des autres pour se construire comme sujet humain ».56

L'agir moral dans sa dimension humaniste doit s'effectuer dans le respect de la personne d'autrui, dans sa liberté et non dans la satisfaction des intérêtségoïstes. L'homme doit toujours êtreconsidéré comme une fin et non un moyen. Toutes ces valeurs qu'incarne la morale kantienne et recherchées conduisent à une certaine rigueur de l'homme dans sa rationalité vis-à-vis de son agir moral. Et c'est ce qui fait qu'elle est considérée comme du rigorisme moral.Ce rigorisme moral aboutit au droit, fondement de la paix dans toutesociété. Cette perception de l'agir moral de Kant va avoir une influence sur des auteurs du 20e siècle, notamment Jürgen Habermas de qui nous parlerons dans la troisième partie de notre travail.

II. 2 Du rigorisme moral au droit.

La morale s'origine dans la raison et l'agir moral ne doit pas être conforme au devoir mais par devoir. Les hommes sont tous dotés de raison, faculté spécifiquement humaine.Des philosophes comme Descartes et Kant ont soutenu que les hommes avaient en partage la raison, et que si tous les humains l'utilisaient adéquatement, ils ne pourraient faire autrement que d'arriver à des conclusions similaires et donc à faire des choix valables et profitables pour l'ensemble des humains. L'obligation que l'être raisonnable se fait en agissant par devoir traduit tout le rigorisme de la morale rationnelle. L'homme a le devoir, en sa qualité de sujet raisonnable de sortir de l'état sauvage et d'instituer l'état civil.

Derrière la forme du droit qui se réalise en une « loi universelle » de coexistence des libertés, se profile en effet l'impératifcatégorique.Ce qui détermine l'homme à sortir de l'état de nature, c'est l'impératif moral et c'est parce que l'homme possède une autonomie morale, une liberté se déclinant sous forme de droit subjectif, que le droit prend la forme de la loi universelle. La loi garantit la liberté de l'individu dans

56Ibidem p .71

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l'état civil épris de démocratie où celui-ci n'obéissant qu'à la loi qu'il s'est prescrite est libre. Le droit est la limitation de la liberté de chacun à la condition de son accord avec la liberté de tous, en tant qu'elle est possible suivant une loi universelle ; il est aussi l'ensemble des lois extérieures qui rendent possible un tel accord universel. Le droit et la morale sont de ce fait complémentaires.

La loi punit, la loi protège, la loi répare, ou plus exactement la loi demande à ceux qui détiennent pouvoir et responsabilité de faire en sorte que les manquements et délitssoient punis à la hauteur de leur gravité et que les victimes soient dédommagées et apaisées, que les personnes soient protégées contre les actes de violences et toutes les atteintes à leurs droits. C'est justement cet impératif qui a guidé au Burkina Faso les dirigeants à mener des actions vigoureuses suite à la crise qui a mis à rude épreuve la quiétude des populations : justice pour la mort de Justin Zongo, dédommagement des commerçants victimes d'actes de vandalisme par les militaires, réformes politiques et institutionnelles.

Si tant il est vrai que l'agir moral conforme doit êtreexécuté avec un désintéressementtotal, comment son impératifcatégorique peut-il conduire à l'émergence d'une pensée critique en vue du respect par l'homme des droits de l'environnement, mieux à une protection de l'environnement ?

II. 3 Pensée critique et protection de l'environnement

Les problèmes environnementaux sont des enjeux complexes, regroupant des questions,sphères et intérêtsdifférents. Cette complexité fait en sorte qu'on ne peut pas aujourd'huiprétendre aborder ces problématiques sans une analyse rigoureuse des forces en présence et des intérêts sous-jacents. En retour, cette analyse critique permet de remettre en question des dogmes socio-économiques qui sont très souvent à l'origine d'une gestion irresponsable de l'environnement. Cela fait que l'exploitation de plus en plus frénétique des ressources naturelles a permis certes d'améliorer le sort de populations en croissance rapide, mais ce

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développement s'est fait aux prix d'une dégradation accélérée de la plupart des écosystèmes vitaux. Ainsi produire sans arrêt davantage, c'est consommer la nature de manière également croissante. Face à une telle réalité. Le développement de la pensée critique doit alors jouer sa contribution dans le diagnostic et les de remédiations aux problèmes environnementaux.

La pensée critique peut êtredéfinie selon Robert STERNBERG comme, « l'ensemble des stratégies et processus mentaux qu'une personne utilise pour résoudre ses problèmes, pour prendre des décisions et pour acquérir de nouveaux concepts ».57Elle implique l'étonnement, l'interrogation, et se caractérise d'abord par l'habileté à poser des questions qui s'accompagne de l'analyse du problème.

En d'autres termes, l'homme devrait créer en lui de saines habitudes de pensée. Il doit faire l'effort de dépasser les apparences, se détacher du sensationnel ou du spectaculaire (phénomène observable lors des joutes électorales ou des crises citoyennes), se départir des préjugés subtils et tenaces du milieu social afin de mieux observer pour davantage comprendre les phénomènes observés.

Aujourd'hui plus que jamais, les enjeux de la protection de l'environnement demeurent d'actualité au regard des graves conséquences engendrées par les actions destructrices de l'homme sur celui-ci. Pour satisfaire aux besoins technologiques de l'humanité, les industries rejettent des déchets toxiques issus de leur production, nocifs à l'environnement. De même, la production et la consommation d'énergie par les industries technologiques ne sont pas sans conséquences sur la couche d'ozone. Il est admis par exemple que les causes des catastrophes dites naturelles ou climatiques comme les inondations du 1er Septembre 2009 au Burkina Faso, le tremblement de terre du 12 Janvier 2010 en Haïti sont entre autre des désordresécologiquesrésultant de l'augmentation des gaz à effet de serre.

Plus que jamais, le pouvoir technologique rend la nature manipulable et de plus en plus altérable à volonté. Alors, celle-ci est devenue un être fragile et

57Robert (STERNBERG), cité par Lipman(M), A l'école de la pensée, Bruxelles ; De Boeck, 1995 p .144

42

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menacer. Comment donc concilier notre aspiration légitime au bien-être avec les limitesde la nature ?

Hans Jonas, dans l'éthique de la responsabilité indique qu'il s'agit d'empêcher que le pouvoir de l'homme ne devienne une malédiction pour lui. En effet, la promesse de la technique s'est inversée en menace. Autrefois l'homme pouvait penser à tort ou à raison que ses interventions techniques sur la nature étaient superficielles et sans danger, que la nature rétablirait elle-même ses équilibres fondamentaux, et qu'au fond pour chaque génération nouvelle la nature était exactement telle que la génération précédente l'avait trouvée. Aujourd'hui nous savons que notre technologie peut avoir des effets irréversibles sur la nature. Ainsi par exemple le recours au nucléaire produit des déchets qui resteront dangereux pour des siècles. La puissance technologique moderne crée donc un type de problèmes éthiques inconnus jusqu'à ce jour que la pensée Jonassienne appelle, « transformation de l'essence de l'agir humain ». L'éthique nous dit-elle à affaire à l'agir. 0r comme l'essence de l'agir s'est transformée une nouvelle éthique s'impose.

La capacité destructive de l'homme sur la nature, voire cette «transformation de l'essence de l'agir humain », est à la base de l'idée de Jonas de nouvelles obligations à imposer à l'homme dans son rapport avec la nature prenant en compte l'avenir de celle-ci. Elle nécessite une transformation radicale de l'éthique traditionnelle purement anthropocentrique vers une éthique moins anthropocentrique qui permettrait à l'homme de retrouver ses racines biologiques et naturelles. Cette nouvelle éthique, l'éthique de Responsabilité prend en considération la condition globale de la vie humaine et son avenir lointain ainsi que l'existence de l'espèce elle-même rompant ainsi d'avec celle traditionnelle.

Si l'impératifcatégorique de Kant affirmait, « agis de telle sorte que tu puisses également vouloir que ta maxime devienne une loi universelle », l'impératif adapté au nouveau type que nous sommes sera formulé comme suit : «Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la Permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre ».58La

58HANS (Jonas), Principe Responsabilité ; Les Editions du Cerf.1990, p40.

responsabilité est une relation non réciproque unilatérale. Je suis obligé par l'humanité à venir qui, n'existant pas présentement, ne saurait être dite obligée à quoi que ce soit à mon endroit. Il s'agit de maintenir réelle la possibilité d'une existence après nous.

0n voit sans peine que ce type d'impératif n'inclut aucune contradiction d'ordre rationnel. Je peux vouloir le bien actuel en sacrifiant le bien futur. De même, que je peux vouloir ma propre disparition, je peux aussi vouloir la disparition de l'humanité.

Les théorieséthiques traditionnelles avaient une vision réductionniste de la nature. L'homme était considéré comme un élément en dehors de la nature, ce qui fait que celle-ci ne méritait aucun respect de sa part. La conception scientifique même dominante de la nature refusait à l'homme tout droit théorique de penser à la nature comme à quelque chose qui mérite le respect puisqu'elle réduisait celle-ci à l'indifférence de la nécessité et du hasard et qu'elle l'avait dépouillé de toute dignité des fins.

Dans la perspective de la protection de l'environnement, un nouveau type d'agir s'impose comme nous dit Hans Jonas. Puisque, « l'essence de l'agir humain s'est transformée et comme l'éthique a affaire à l'agir, l'affirmation ultérieure doit être que la transformation de la nature de l'agir humain rend égalementnécessaire la transformation de l'éthique ». 59L'agir humain doit donc chercher non seulement le bien humain, mais

également le bien des choses extra-humaines, c'est-à-dire étendre la reconnaissance des «fins en soi » au de-là de la sphère de l'homme et intégrer cette sollicitude dans le concept du bien humain car, « la soumission de la nature destinée au bonheur humain a entrainé par la démesure de son succès, qui s'étend maintenant également à la nature de l'homme lui-même, le plus grand défi pour l'être humain que son faireait jamais entrainé ». 60

Le recours à la philosophie en tant qu'exercice critique et autocritique de la raison est nécessaire pour faire face à certains défis de l'environnement. Plus que

59 HANS (Jonas), Principe Responsabilité, Les Editions du Cerf ; 1990, p21. 60HANS (Jonas), Principe Responsabilité, Les Editions du Cerf ; 1990, p15.

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jamais, la philosophie apparait de nos jours comme le nouveau messie de notre monde en déclin, comme une prescription « infaillible » pour le redressement d'un monde chavirant, l'antidote de tous les maux sociaux. Le document préparatoire de la 171ème session du conseil exécutif de l'UNESC0 stipule sans équivoque en son introduction que : « L'analyse et la réflexion critique philosophique sont indéniablement liées à l'établissement et au maintien de la paix. Dans la mesure où elle construit les outils intellectuels à l'analyse et à la compréhension des concepts essentiels de justice, de dignité et de liberté, où elle permet d'acquérir une pensée et un jugementindépendant, où elle stimule l'esprit critique nécessaire à la compréhension du monde et de ses enjeux, dans la mesure enfin où elle favorise la réflexion sur les valeurs et les principes, la philosophie est une école de liberté ( ...) à mettre au service de

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l'éducation internationale des nations ».

L'humanité toute entière est de nos jours désillusionnée par la science et la technique, scandalisée par des scènes troublantes étalées par la religion pourvoyeuse jusque-là de sens de l'existence et de quiétude. Et la réflexion philosophique peut apporter des réponses à des problèmes scientifiques là où le rationalisme scientifique n'y est pas parvenu mais aussi attirer l'attention de nos dirigeants sur les dérives possibles d'un système, toute chose qui les permettra de s'en prémunir et de préserver la paix. Notons dans le même ordre que la crise de l'écologie fut pendant longtemps une préoccupation de la réflexion philosophique avant d'être de nos jours celle de nos gouvernants au niveau mondial. Cela a permis de nos jours une prise en compte des impacts environnementaux par les politiques publiques dans la réalisation des entreprises d'envergure nationale. Des questions qui, jamais auparavant ne faisaient l'objet de la législation entrent dans le cadre des lois que des pays se donnent pour qu'existe un monde pour les générations futures. Mieux, certains pays africains à l'image du Sénégal ont pris à coeur cette préoccupation en accordant une place à l'écologie au sein de leur exécutif en nommant un ministre de l'écologie.

61Document préparatoire de la 171e session du conseil exécutif de l'UNESCO, pu ; printemps 2005.

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TROISIEME PARTIE

LA MORALE DU FUTUR : ENJEUX ET

PERSPECTIVES

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L'humanité entière traverse de nos jours unepériodecaractérisée par une ouverture des marchés, une montée de la démocratie et l'échange d'informations qui sont des éléments déterminants d'une croissance mondiale. Plus que jamais l'explosion de ces techniques de l'information et de la communication bouleverse les modes de fonctionnement économiques, sociaux et politiques ; une mondialisation évolutive qui modifie les rapports entre personnes et les choses. Une montée en puissance d'un certain individualisme conduit chacun à se réaliserindépendamment de toute classe.

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A la lumière de ces changements, chaquesociétédoit réfléchir aux évolutions de son système éducatif pour préparer les jeunes à un monde qui sera différent de celui d'aujourd'hui tout en les sensibilisant aux enjeux fondamentaux de l'humanité et de la planète.

L'émergence de la pensée critique apparait donc de nos jours comme un paradigme éducatif à partir duquel on peut bâtir une citoyenneté responsable, mieux une société soucieuse de trouver des solutions auxdifférentsdéfis auxquels elle est confrontée. La moralisation de la vie en société peut conduire à une vie citoyenne qui prend en compte les enjeux et les perspectives d'un développement durable où l'individu ne vit pas pour lui-même, mais prenant en compte les intérêts de son prochain et ceux des générations futures. C'est pourquoi nous évoqueront ici des aspects à prendre en compte pour faciliter cela. Cette démarche à notre sens iciest essentiellement prospective dans l'espoir de voir un jour des conduites morales bonnes se généraliser dans notre société.

Toutefois, l'enseignement de la morale en général connait un certain nombre de difficultés liées spécifiquement aux contenus disciplinaires et à certaines pesanteurs sociales qui ne sont pas favorables à l'assimilation de certaines connaissances rationnelles. Ces difficultés seront plus grandes lorsqu'il s'agira d'inciter à des comportements moraux responsables dans la société. La prise en compte des écueils aussi bien endogènes qu'exogènes apparait à notre sens opportunafin que la morale rationnelle puisse contribuer à la résolution des défis du monde contemporains.

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CHAPITRE I : LES FACTEURS ENDOGENES.

L'enseignement de la morale doit prendre en compte les causes d'échecs. Il s'agit autrement dit, de facteurs endogènes liés soit au caractère dynamique et universel de la citoyenneté qu'elle prétend cultiver, soit à la nature de l'homme même qui peut constituer un obstacle majeur.

I. 1 L'école face à la morale.

L'espèce humaine se caractérise par sa perfectibilité à l'infini. Cela la condamne à ne pas demeurer dans un état stable et immobile. Il faut donc marcher vers la perfection ou s'exposer à être entrainéen arrière par le choc continuel et inévitable des passions, des erreurs et des événements.

Ce constat s'applique parfaitement à l'éducation morale qui n'est pas un supplément, une amélioration contingente de l'éducation qu'on pourrait accepter ou refuser, mais une nécessité absolue, une condition d'ériger un nouveau paradigme éducatif capable d'assurer une insertion sociale harmonieuse de l'enfant que l'éducation veut élever à un niveau supérieur. D'où cette nécessité de prendre en compte le caractère dynamique de l'éducation morale de l'école.

Le caractère dynamique de la morale réside d'abord dans la mutation des valeurs. L'école s'assigne par tradition une triple mission qui est celle de transmettre des savoirs, apprendre des méthodes de travail, enseigner des valeurs.Cependant, elle est aujourd'hui confrontéeà plusieurs défis importants tels que l'accélération du progrès scientifique et technique avec toutes les questions éthiques que cela soulève ainsi que l'accélération du changement qui pose le problème de la capacité d'adaptation des individus.

Aujourd'hui plus qu'hier, l'un des grands défis à relever est de savoir-vivre avec la diversité qui nous entoure. Ce défi prend une forme plus spécifique pour les africains dont les pays sont à la fois des terres d'accueil et des Etats multiculturels et multi-ethniques.

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De même, l'école doit faire face à l'émergence du « village planétaire » qui peut conduire à des ethnocentrismes, à des réactionsxénophobes, intégristes, racistes porteuses de conflits, voire la dégradation de l'environnement. Lanécessité de la promotion des valeurs de paix par l'école s'impose face à un monde en pleine mutation. Cette vision semble être partagée par l'Unesco,institution mondiale s'occupant de l'éducation, la science et la culture lorsque celle-ci déclare que,« dans des pays et à une époque où les cultures sont contraintes de vivre les unes avec les autres et s'interpénètrent de plus en plus, l'éducation doit désormais enseigner en priorité les valeurs et les compétences indispensables pour apprendre à vivre ensemble ».62Autrement dit, la promotion des valeurs de tolérance est une porte ouverte à la promotion de la paix dans le monde.

L'école n'a donc pas le droit de faire enseigner des opinions comme vérités, mais en revanche elle peut et même doit admettre que l'enseignement des valeurs morales génère un ensemble d'attitudes et de représentations qui ne sont plus tout à fait de l'ordre de l'opinion au sens classique du terme.

Mais, une ambigiiité se retrouve lorsqu'il s'agit de caractériser la morale laïque du point de vue de sa forme et de son extension. En effet, elle se présente en pleine conformité avec l'éthique kantienne, comme une morale pure, c'est-à-dire indépendante de tout conditionnement empirique, valable universellement et en tout temps. C'est pourquoi elle ne saurait être définie car, toute définition recourt plus ou moins à une énumération des règles qui la caractérisent. Face à ces différentes mutations, comment l'école doit-elle s'y prendre pour transmettre des valeurs universelles gages d'une vie communautaire paisible ?

Nous pensons que deux voies s'ouvrent aux éducateurs, mieux aux enseignants soucieux de transmettre un système de valeurs : le geste et la parole, c'est-à-dire l'exemplarité et le discours.

Il ne fait guère de doute que les contenus disciplinaires définis par les programmes scolaires sont porteurs de valeurs. A cet effet, la contribution de la

62Federico (MAYOR), Directeur général de l'Unesco, Préface du livre de Betty. A. Unesco-Paris 1997.

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philosophie à la culture de la paix peut aussi se faire par l'explicitation et la pratique de la tolérance.Comme pratique du sens, la philosophie peut montrer que la tolérance n'est pas une passive indifférence des uns et des autres ; mais une pratique communautaire de la reconnaissance de l'autre.

Par la pratique de la tolérance, il s'agira d'inculquer aux enfants et aux jeunes un esprit d'ouverture et de compréhension à l'égard des autres peuples, à l'égard de la diversité de leurscultures et de leurs histoires. Pour consolider l'unité nationale et apprendre à mieux seconnaitre par exemple, on doit initier et encourager des rencontres entre jeunes de différentesrégions, sans distinction d'origine ethnique, de religion, de sexe. Cela contribuera à la reconnaissance profonde de l'humanité que tous les hommes ont en commun.

De même les valeurs relatives à la tolérance, la bonne gouvernance, la liberté et la dignité de la personne doivent être enseignées dans le cadre de la philosophie. Celle-ci est à même de forger dans les générationsprésentes et à venir des sentiments d'altruisme, d'ouverture et de respect d'autrui, de solidarité et de partage. Tout en se basant sur la confiance en leur identité, ces générations pourront alors reconnaitre les multiples aspects de la personne humaine dans des contextes culturels et sociaux différents. L'expérience et la pratique de mon prochain m'ouvrent les voies de la connaissance de moi-même.

Mais que vaut le cours le plus brillant s'il est infirmé par les actes de l'enseignant ? C'est pourquoi on prétend souvent que l'éducateur, le maitre ou plus généralement l'adulte, transmet d'abord des valeurs à travers ses attitudes et comportements. L'égalité est-elle une valeur ? Il n'est pas inutile de faire de cette question un cours d'éducation civique ou de philosophie. Si l'on veut que l'égalité soit effectivement une valeur pour les jeunes, on ne doittolérer aucune manifestation d'exclusion, de xénophobie, d'ostracisme quelconque sur les bancs de classe ou dansla cour de l'école.De même, si La fraternité une valeur, on doit organiserconcrètement des occasions d'exprimer une solidarité active avec ceux qui en ont le besoin, à l'école, dans la cité. Le respect de la personne, la dignité

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humaine sont-elles des valeurs ? 0n pourrait multiplier les exemples ; la transmission des valeurs s'effectue principalement par imprégnation culturelle, notamment à travers les relations que les adultes nouent avec les enfants et les jeunes, et dans l'école les enseignants avec les élèves.

Prenons l'exemple de l'honnêteté, valeur à la fois privée et publique, morale et politique, dont l'importance saute aux yeux. A travers une étude menée par l'inspectiongénérale des établissements et de la vie scolaire française, « l'on découvre qu'au lycée une majorité de justificatifs d'absence sont des faux motifs ».63 Les surveillants le savent bien et les lycéens savent qu'ils le savent. Alors pourquoi ce système malhonnête perdure-t-il ? Sans doute parce qu'il est efficace. Efficace, car la pressionmatérielle et morale qu'exerce l'institution pour que les élèves justifient leurs absences par un document écrit permet de contenir l'absentéisme dans les limites compatibles avec l'institution scolaire.

Les valeurs se transmettent donc aussi par le fonctionnement et l'organisation des institutions scolaires. La transmission des valeurs fait partie de la mission des enseignants et responsables mais ceux-ci ne peuvent le faire efficacement que si l'institution qu'ils servent les adopte elle-même dans son fonctionnement interne.

Enfin, la transmission des valeurs est liée même à l'exercice de la démocratie car elles sont diverses, hétérogènes, irréductibles, en tension les unes avec les autres.Les valeurs morales et politiques introduisent des possibilités de choix. Elles sont dépositaires de nos désirs de perfection et, à ce titre chacune d'elle alimente notre aspiration à l'unité, notre rêve d'unité.

C'est pourquoi l'école publique, l'école de la démocratie, devrait non seulement se consacrer à la transmission des connaissances, mais aussi à la formation du jugement, de l'esprit critique toute chose qui concourt à la préparation sur la pluralité des choix éthiques.

Ainsi, de la même manière que la spécificité de l'espèce humaine peut constituer un écueil pour la transmission des valeurs morales, il est aussi important

63Toulemonde (B), L'absentéisme des lycéens, Hachette-CNDP, 1998.

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que soit pris en compte le caractère dynamique de l'enseignement de la morale par l'institution scolaire pour une transmission des valeurs laïques et universelles. Cependant, nous reconnaissons que l'école à elle seule ne saurait être efficace dans l'éducation morale de l'individu. Quel peut être alors le rôle de la société, c'est-à-dire son éducation face à la morale ?

1. 2 L'éducation traditionnelle face à la morale.

Dans son ouvrage intitulé «L'ouverture entre l'école et le milieu en Afrique noire »,Pascal MUKENE soulignait déjà le rôle capital de la société dans l'éducation de sa composante. Selon lui, « le domaine de l'éducation est pour toute société la pierre angulaire de la construction de son avenir. L'éducation traduit les tendances et les options présentes dans la société et en même temps elle constitue un processus de projection dans le futur ».64 En effet, à travers la société, l'éducation aux vertus de la morale peut constituer un facteur décisif de l'émancipation, du développement progressif, harmonieux, politique, économique social et culturel de la personne humaine et de la société elle-même. Elle est de plus en plus reconnue comme un facteur essentiel, un paramètre indispensable pour faire reculer la pauvreté, l'exclusion ou les incompréhensions. Aussi contribue-t-elle à construire les idéaux de paix, de démocratie, de justice sociale ; aptes à contrecarrer les oppressions et les guerres. C'est dans cette optique que le Professeur Joseph KI ZERB0 affirmait qu' « après la mise au monde, il reste l'éducation. Vivre, c'est persévérer dans son être. Et pour une société donnée, c'est par l'éducation qu'elle se perpétue dans son être physique et social. Il s'agit d'un accouchement collectif qui prolonge l'enfantement biologique individuel ».65

Malheureusement, l'on remarque de plus en plus la perte de valeurs morales dans nos sociétés contemporaines et la montée en puissance de l'individualisme au détriment de l'idéal communautariste. Des raisons et non des moindres peuvent expliquer cet effritement des valeurs sociales. En Afrique noire par exemple, dans la

64 P. (Mukene) ; L'ouverture entre l'école et le milieu en Afrique Noire. Pour une gestion pertinente des connaissances, Editions Universitaires de Fribourg-Suisse, 1998, page 253.

65J (KI-ZERBO), Eduquer ou périr, Unicef-Unesco, Editions de l'Harmattan, 1990, p15

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société traditionnelle, l'enfant avant d'appartenir à sa famille biologique, appartenait à la société qui était responsable de son éducation. Ainsi, tout membre de la société pouvait interpeler l'enfant d'autrui sur le respect de certaines valeurs morales sociales. Toute l'éducation de la génération incombait aux membres de la société. Cette solidarité est de nos jours en perte de vitesse liée aux conditions de vie et à la représentation sociale de certains parents qui sont toujours prêts à défendre leurs progénitures malgré certainesdérives qu'ils viendraient à commettre.

En outre, la société elle-même n'est plus un modèle pour la jeune génération. L'homme est devenu un moyen pour atteindre une fin. Ainsi on assiste à la montée de plus en plus croissante de la violence et de la criminalité. Face à cette nouvelle réalité quelle doit être la perspective d'une morale du futur ?

Pour ce faire, la théorie à double niveau du philosophe allemand Jürgen Habermas semble nous inspirer : la théorie du « monde vécu » et celle des « s#stèmes ».En effet dit-il,« le monde vécu est l'ensemble des activités humaines médiatisées par les structures propres à la société que sont la langue, la culture, la socialisation et les traditions. Sa structuration et sa modification se font en fonction de l'évolution des moeurs et de l'interprétation des valeurs sociales. Le monde vécu est le lieu quotidien de nos activités. Le concept de s#stème fait référence à l'ensemble des savoirs qui n'embrassent qu'un élément de la société : s#stème

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économique, s#stème de santé, s#stème éducatif/»

Il est donc important que l'éducation morale prenne en compte non seulement le monde vécu mais aussi intègre les valeurs qui cadrent avec les différentssystèmes. De plus, toute la société doit êtreéducative parce que l'enfant est l'enfant du groupe tout entier et non seulement de ses géniteurs. L'éducation doit avoir un caractère collectif prononcé, une globalité au niveau des agents. En effet, en Afrique noire « traditionnelle », la parenté, les pairs, le village participent à l'éducation de l'enfant. Tout le tissu social sert de cadre d'action. Tout le monde doit être concerné par l'éducationmême si une place particulière revient aux parents et aux ainés.

66J(Habermas), Théorie de l'agir communicationnel, tome II : Pour une critique de la raison fonctionnaliste, Paris, Fayard, 1981/1987 Page 18

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Au cours de notre développement, nous avons vu que la responsabilité de la société qui doit être un modèle pour la jeune génération, de même que la prise en compte des différentssystèmes sociaux et le retour à certaines valeurs traditionnelles seront bénéfiques dans la perspective d'une morale du futur. En revanche, la morale étant culturellement déterminée et au regard des violences et incivilités de plus en plus croissantes ; il est nécessaire de repenser aussi la notion de citoyenneté ?

1 .3 Repenser la notion de citoyenneté.

Héraclite a dit,« la seule chose qui est constante, c'est le changement. »67C'est ce que les acteurs de l'éducation ont compris et s'interrogent sur la nécessité d'adapter l'institution scolaire aux exigences de la vie moderne caractérisée par le développement vertigineux du domaine de la connaissance et des valeurs en usage. De même, l'interrogation porte sur le renouvellement des formes de rapport que les hommes entretiennent entre eux, des nouvelles formes d'exclusion et la montée des incivilités, symptômes d'une fragilisation du lien social. Il s'agit autrement dit d'une interrogation sur la notion même de la citoyenneté.

La notion de la citoyenneté est aujourd'hui fortement invoquée et réinterrogée en réponse à la perte des repères d'une société en crise. Comment revisiter ce concept dans les démarches de développement durable ? Cette notion de citoyenneté implique de repenser la place de la personne dans la société, des rapports entre ses membres et avec les institutions représentatives.

Afin de mieux appréhender la notion de citoyenneté nous nous permettons d'effectuer un bref retour à l'antiquité gréco-romaine. Le citoyen, habitant de la Cité jouissait du privilège de vivre dans une place protégée et un tant soit peu organisée et administrée. Mais en retour des diverses prestations et avantages, il

67 Héraclite cité dans le Journal Vie pédagogique du Québec, numéro 109, novembre-décembre 1998(dossier l'éducation à la citoyenneté) p48.

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devait apporter sa contribution : participer à la défense de la Cité en cas d'agression, par exemple ou payer des impôts. Ainsi, les villesétaient constituées en Cités.

De nos jours les droits et devoirs impliqués dans la citoyenneté sont devenus complexes. La Cité s'est élargie en Etat, voire en confédération d'Etats, imposant du même coup une mutation profonde à la signification de la citoyenneté.

En ce premier quart du 21e siècle, nous assistons à l'avènement d'un monde de plus en plus ouvert, à l'internationalisation et à l'extension de la globalité des comportements, des conduites, des normes et valeurs au-delà du cadre des «groupements sociaux », jadis définis par le sociologue françaisG. Gurvitch, l'auteur des «phénomènes sociaux globaux ».68

Par le phénomène de la mondialisation, des structures organisationnelles d'ordre politique, économique, social et culturel et par la globalisation des faits sociaux, ce qui était ressources ou recettes d'une Cité, d'un Etat, d'un continent, prétend aujourd'hui à l'universalité. De même, de nouveaux défis auxquels le monde doit faire face ont vu le jour, telles que les instabilités politiques dans différentesrégions, la pollution de l'environnement, la montée de la violence pour ne citer que cela.

Face à cette triste réalité, l'adaptation qui nous invite à l'éducation ne serait-elle pas plus supportable que la contradiction logique qui nous engage à créer un monde différent ?

« La question de la citoyenneté et donc de l'éducation à la citoyenneté ressurgit chaque fois que la société s'interroge sur ses fondements, la pérennité du contrat social et de la légitimité de ses dirigeants ».69 Ainsi parait se profiler à l'horizon la nécessité d'une éducation à la citoyenneté mondiale qui incombe le plus à l'institution scolaire car l'enfance est la période favorable pour construire une éducation à la citoyenneté solide, mais aussi

68 GURVITCH(G), « Traité de Sociologie », Tome I, chap. I « objet et méthode de la sociologie ».PUF. Paris, 1962.

69 OUEDRAOGO(B), Mémoire de maitrise de philosophie, « La philosophie pour enfant : sa problématique dans la résolution de la crise de la citoyenneté » Université de Ouagadougou, 2010, p42.

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à la sociétéentière dans laquelle l'enfant vit car cette éducation ne s'achève pas au terme des études primaires ou secondaires mais se poursuit tout au long de la vie. L'éducation à la citoyenneté mondiale est une perspective de l'éducation issue du constat que les personnes contemporaines vivent et interagissent dans un monde toujours plus globalisé. Il est dès lors devenu essentiel que l'éducation donne aux apprenants la possibilité et la capacité de réfléchir et de partager leur point de vue dans une société mondialisée et interconnectée, ainsi que de comprendre et de discuter des liens complexes qui existent entre des questions communes, d'ordre social, écologique, politique et économique, dans le but de mettre en exergue de nouveaux modes de penser et d'agir.

Cette éducation à la citoyenneté mondiale est une éducation qui ouvre les yeux des individus aux réalités du monde et les incite à oeuvrer pour davantage de justice d'équité et de droits humains pour tout le monde. Elle recouvre l'éducation au développement, l'éducation aux droits humains, l'éducation à la durabilité et celle interculturelle qui constituent les dimensions globales de l'éducation à la citoyenneté.

L'éducation à la citoyenneté mondialerevêt une dimension internationale des méthodes d'apprentissage et d'enseignement en matière d'éducation aussi bien dans le système formel que celui du non formel. De ce fait, afin de mieux comprendre les actuelles problématiques mondiales et leur impact au niveau global et local, elle n'est pas seulement une nécessité, mais un enjeu éthique dans le monde aujourd'hui.

En tant qu'éducateurs du XXIe siècle, nous faisons face à de nombreux défis, dans un monde controversé. Comment pouvons-nous préparer les individus à relever ces défis ? Quelles sont nos responsabilités dans un monde où les connaissances se multiplient et les technologies se développent ? Quelles sont nos responsabilités dans un monde de pauvreté, de violence, de préjugés et d'atteintes à l'environnement ?

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Une éducation à la citoyenneté mondiale véritable doit promouvoir en son sein la nécessité d'un dialogue interculturel et aux droits humains. La démarche interculturelle offre un modèle de gestion de la diversité culturelle ouvert sur l'avenir. Il propose une conception reposant sur la dignité humaine de chaque individu ainsi que sur l'idée d'une humanité commune et d'un destin commun. S'il faut construire une identité africaine par exemple, celle-ci doit reposer sur des valeurs fondamentales partagées, le respect de notre patrimoine commun et la diversité culturelle ainsi que le respect de la dignité de chaque individu. Le dialogue interculturel a un rôle important à jouer à cet égard. Il nous sert d'une part, à prévenir les clivages ethniques et religieux, linguistiques et culturels. Il nous permet d'autre part, d'avancer ensemble et de reconnaitre nos différentes identités de manière constructive et démocratique, sur la base des valeurs universelles partagées.

L'éducation à la citoyenneté démocratique et l'éducation aux droits humains sont étroitement liées et se confortent mutuellement. L'éducation à la citoyenneté démocratique met essentiellement l'accent sur les droits et les responsabilités démocratiques et sur la participation active en relation avec les aspects civiques, politiques, sociaux, économiques, juridiques et culturels de la société, alors que l'éducation aux droits humains s'intéresse à l'éventail plus large des droits humains et des libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie.70

En somme, nous remarquons que la morale du futur, si elle veut atteindre efficacement ses buts et contribuer ainsi à la résolution des défis du monde contemporains doit marquer une attention particulière au rôle joué par l'école dans l'éducation du jeune enfant ainsi que celui que doit jouer la société contemporaine sans oublier de repenser la notion de citoyenneté ; une citoyenneté mondiale qui promeut un développement humain durable.

Nonobstant ces facteurs endogènes à prendre en compte, il convient d'examiner attentivement d'autres qui sont exogènes.

70Charte du conseil de l'Europe sur l'éducation à la citoyenneté démocratique et à l'éducation aux droits humains, Mai 2010, p 14.

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HAPITRE II : LES FACTEURS EXOGENES.

II .2 Le rôle des Nouvelles Technologies, de l'Information et de la Communication (NTIC).

L'histoire de l'humanité est faite de grandesrévolutions qui ont amené de véritables bonds de civilisation. Selon les spécialistes, la révolution dans le domaine de l'information et de la communication est comparableàl'avènement de l'imprimerie et de l'alphabet qui a marqué profondément l'histoire de l'humanité. En effet, avec les NTIC le monde est passé du tam-tam à la toile(WEB) c'est-à-dire d'une société traditionnelle à une société de l'information qui supprime les distances entre les peuples. Après une période de l'histoire au cours de laquelle l'homme a cru pouvoir dominer la planète, il se trouve aujourd'hui confronté à une vision du monde faite de globalité. Le monde est un système fini traversé par les courants de la communication et de l'audiovisuel qui en resserrent la trame. De ce fait naissent de nouvelles solidarités, des interactions, des émulations entre les hommes et entre les pays grâce à la révolution communicationnelle caractérisée par les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication appelée NTIC.

Les NTIC peuvent être comprises comme étant, « l'ensemble des technologies qui permettent l'acquisition, la production, l'approvisionnement, le traitement, la communication, l'enregistrement et la présentation d'informations, sous forme vocale, d'images et de données contenue dans les signaux de nature acoustique, optique ou électromagnétique. Les NTIC comprennent l'électronique comme la technologie de base qui supporte le développement des télécommunications, de l'informatique et de l'audiovisuel »."Ainsi à travers les NTIC une nouvelle ère mondiale de la technoscience semble avoir vu le jour et tend de plus en plus à s'imposer de façon universelle. L'outil informatique devient de plus en plus indispensable aussi bien dans les pratiques quotidiennes occidentales qu'africaines.C'est dans cette optique que Bajah posait déjà l'indispensabilité pour

71 http://www.cibersociedad.net/archivo/articulo.php ?art : 218, consulté le 18/08/2013

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l'Afrique d'être au moule scientifique et technologique que les pays développés proposaient au reste du monde en ces termes : « C'est un fait bien connu que l'Afrique ne peut exister dans l'isolement et que le progrès scientifique et technologique réalisé dans les pays développés a un impact sur l'Afrique. Touteseule, l'Afrique ne peut contribuer à cet égard sans être impliquée dans les activités scientifiques et technologiques, car [...] tout pays qui ignore la

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science et la technologie le fait à ses propres risques et périls ».

Le Burkina Faso, pays situé au coeur de l'Afrique 0ccidentale ne semble pas résister à cette réalité des faits. De plus en plus, l'on constate l'engouement de la jeunesse à l'outil informatique dans son volet internet à travers la fréquentation des cybercafés. Uneétude menée par Philipe Massé stagiaire à 0xfam vient confirmer notre thèse. En effet selon cette étude, «Internet, le réseau des réseaux, est devenu accessible au Burkina Faso en 1997. Au départ, en raison de son coûtcet outil était réservé aux organisations et aux individus aux moyens techniques et financiers importants. Graduellement, sans doute grâce à l'effet d'entrainement, à la réduction progressive des coûts d'utilisation et à sa disponibilité croissante sur le territoire burkinabé, internet a pris de l'expansion et se retrouve maintenant dans plusieurs organisations de développement ».73

Etienne K0LA abonde dans le même sens etjustifie l'engouement pour les NTIC. Selon lui, « le monde fonctionne actuellement au rythme de la vogue informatique. L'information est une technologie très récente. Elle date seulement du 20e siècle. En tant que technologie de pointe, l'informatique prise dans sa globalité impressionne. Dans les pays développés, évoquer son influence sur l'existence individuelle comme collective relève désormais de la banalité. Dans les pays en développement comme le Burkina Faso, l'intérêt pour cette technologie s'accroit de manière hyperbolique. Cela fait que la culture informatique est l'une des plus brillantes de notre époque ».74

72Bajah(S .T), Vers une éducation pour tous en Afrique, Dakar .Unesco 1995, p49.

73Philippe(M), Etude sur l'impact d'internet sur le développement humain au Burkina Faso. Oxfam, Ouagadougou. 2002. P1.

74Etienne(KOALA), Thèse de Doctorat unique de philosophie « L'école contemporaine à l'épreuve des faits : l'alternative Rousseauiste ». Université de Ouagadougou, 2009 p100.

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Sans remettre en cause les avantages qu'offrent les NTIC pour la société, force est de reconnaitre que leur intégration ne se fait pas sans heurt surtout au plan morale. De façon précise l'on assiste maintenant à une perte de sens, de valeurs. Plutôt, il y a un manque d'ordre dans la donation des sens. Avec les NTIC, le flux ininterrompu des valeurs fait qu'il n'y a plus de valeurs absolues,tout est disponible. L'usage de l'internet revêt des aspects positifs, cependant nous nous intéresserons à ceux négatifs et à la nécessité d'un usage sain afin de préserver les valeurs éthiques sociétales car le monde aborde non seulement l'ère de la globalité mais également de l'incertitude. Une incertitude qui peut faire peur à des hommes trop souvent habitués par leur éducation à camper dans des certitudes sans précédent. Mais, cette incertitude peut être riche en possibilité grâce aux progrès de la science et de la technologie, à condition d'être guidée par des considérationséthiques.

Aujourd'hui, l'accélération des transformations scientifiques et technologiques, leur impact sur les comportements et les cultures, sur les individus et les sociétés plongent l'humanité dans des perturbations. C'est à juste titre que Nietzsche dénonçant la modernité et la culture européennes écrivait que, « le problème d'une civilisation a rarement été correctement compris. Sa fin n'est ni le plus grand bonheur possible d'un peuple ni le libre développement de tous ses dons : mais elle se montre dans la juste mesure de ces développements ».75

L'appropriation de l'outil internet présente de conséquences chez les jeunes adolescents. A travers cet outil, nous assistons à une dégradation des relations interpersonnellescaractérisées par des images sur la violence observées sur des sites ; les enfants sont exposés à des contenus inappropriés tels que la pornographie, la violence ou le message haineux. Nous assistons également à l'occidentalisation de nos moeurs car les jeunes veulent par exemple à travers leur accoutrement vivre à l'occidental.

75Nietzsche(N), Le livre du philosophe,trad, intro et notes par A .Kremer-Marietti ,Flammarion 1991,aph ? 46 p52.

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L'internet pose sans doute certainsproblèmes d'ordre socio-culturel dans le contexte burkinabé, spécifiquement ceux liés à l'éducation des adolescents, êtres immatures à un triple point de vue biologique, psycho-affectif et cognitif. Les adolescents internautes encourent des risques car le caractère international du réseau internet mêle des systèmes de valeurs différents et quelques fois antinomiques.

En effet, nombreux sont ces sites sur lesquels il est question de pornographie, de pédophilie, de l'homosexualité, d'images pernicieuses ou de la criminalité, des pratiques qui sont contraires aux normes sociales culturelles africaines.Face à cet état de fait, comment percevoir, cerner et régulerles nouveaux rapports humains entre les adolescents eux-mêmes et le reste de la sociétési les premiers c'est-à-dire les adolescents sont plus marqués par un individualisme de type occidental, dépendant plus des contacts avec l'internet, la télévision, la radio et absents de l'immersion sociale africaine, base de l'éducation traditionnelle en Afrique noire ? Quelles sont les précautions à prendre pour préserver les valeurs éthiques et morales à travers l'utilisation des NTIC ?

La famille, cellule biologique, premier cadre dans lequel l'enfant reçoit sa premièreéducation doit veiller à une utilisation saine de l'outil internet. Pour ce faire,les parents doivent limiter l'utilisation nuisible de cet outil à travers un contrôle direct. L'ordinateur est mis dans un lieu public de la maison, des logiciels contrôlant les modalités d'utilisation sont installés, l'historique de recherche des enfants doit être constamment vérifié afin de les prémunir des sites malveillants. De même, les discussions familiales abordant les problématiquesliées à internet, ses avantages et ses inconvénients doivent se multiplier.

Le milieu scolaire, second cadre d'éducation de l'enfant doit s'inscrire dans cette perspective par la promotion des valeurs éthiques et morales et la formation de l'esprit critique de l'enfant afin qu'il puisse se prémunir des effets pervers de cette technologie moderne.

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De même, les instances publiques doivent mettre en place du cyber stratégies permettant de sensibiliser voire former les détenteurs et les gestionnaires de cybercafés car c'est le lieu fréquenté par une majorité de la frange jeune. C'est le cas de la Commission de l'Informatique et des Libertés(CIL) et du ConseilSupérieur de la Communication(CSC) au Burkina Faso, qui non seulementrépriment, mais traquent la cybercriminalité, et censure des images qui conduisent à une déchéancemorale. C'est dans cette même optique que Fatié0UATTARAreprend Kant dans sa thèse de doctorat : « Au-delà du catéchisme moral, le catéchisme de droit devra imposer des règles strictes permettant de traquer les cybercriminels. C'est alors que se font sentir la nécessité et l'exigence de rigueur dans le traitement de l'information électronique par ses utilisateurs ».76

II. 2 Le rôle de la mondialisation

Même si on peut dire que dans le passé, au moment des grandes conquêtes les échanges internationaux de marchandises ont eu lieu, il n'en reste pas moins que tout était contrôlé par les Etats. C'est pendant lapériode de l'après-guerre que le terme mondialisation ou globalisation s'est vraiment cristallisée.

En effet, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, l'on assiste à une opposition entre les blocs communistes, socialistes et capitalistesmatérialisée par le mur de Berlin. La chute de ce mur en 1989 est considérée comme un point de flexion dans l'histoire mondiale du 20esiècle.C'est la fin de la guerre froide, mieux de l'opposition Est-0uest que certains ont analysé comme la victoire de l'0uest, celle du libéralisme politique et économique contre le communisme. Ce grand événement mondial va faire naitre de nouveaux concepts pour décrire la nouvelle réalité de notre planète.Une planète où aucune barrière n'existait en face de l'expansion libérale à travers ce qu'on appelle mondialisation ou globalisation.

76Fatié (OUATTARA), Thèse de doctorat unique de philosophie : « De la crise de l'éducation. La rationalité comme principe de l'éducation à la liberté et à la paix chez Kant et Hegel ». Université de Ouagadougou.2012. P332.

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Dans une grande désillusion où il critique entre autres le FMI (FondsMonétaire International), institution dans laquelle il a travaillé, Joseph STIGLITZ définit la mondialisation comme la suppression des entraves au libre-échange et l'intégration des économies nationales. "Alain DURAND,élargit le champ de cette définition. En effet, dit-il « la mondialisation est un processus d'universalisation des échanges entre biens, valeurs, personnes. Elle est une circulation universelle et un devenir monde. C'est le dépassement du local et la transgression des frontières ».78

A travers de telles approches définitionnelles, l'on comprend aisément l'usage du terme mondialisation de l'économie pour certains et de ce fait il est important de comprendre ce que renferme la notion d'économie.Dieudonné N. K0RSAGA, Inspecteur de philosophie nous fait savoir que dans le contexte de la mondialisation, « quand on parle d'économie, on parle de commerce, d'échange d'objets matériels mais aussi immatériels des mots, des idées, des valeurs ; de la culture ».79.Il s'agit de l'autre volet aussi important de la mondialisation et il est à noter que nous passons d'une économie multinationale à une économie globale. Et cette globalisation tend à s'élargir pour transformer la planète en village mondial.

Avec la mondialisation, l'on assiste à une dissolution du local dans l'universel et ceci n'est pas sans conséquences sur notre quotidienneté existentielle et sociale aussi bien économique, technologique, culturelle voire environnementale. Mais nous nous intéresserons aux aspects négatifs afin de voir quel changement cela commande de la part de l'homme afin de s'adapter à ces défis.

Au niveau économique, « la vitesse de la globalisation a été d'autant plus rapide que les flux sont moins matériels : elle concerne, par ordre d'importance, les échanges humains, les biens et les services, les flux des capitaux, l'information. Dans une telle complexité, les Etats nationaux ne peuvent que constater leur disqualification dans certains domaines d'activités qui relèvent de

77STIGLITZ (Joseph) ; cité par Dieudonné N. KORSAGA, Inspecteur de philosophie dans son Manuel de formation de culture générale. Edition 2007 p 125.

78 DURAND (Alain) ; Pour une pratique chrétienne de la mondialisation in Congo-Afrique n° 351 Janvier

2001 .p24

79Dieudonné N.( KORSAGA), Inspecteur de philosophie dans son Manuel de formation de culture générale.

Edition 2007 p 125.

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leurscompétences ». 80Autant dire que nous assistons à une expansion du capitalisme face à la pensée néolibérale. Avec la dissolution du local dans l'universel, les grandes multinationales s'approprient le monopole des échanges au niveau mondial devant le regard impuissant des pays pauvres. Ces derniers ne pouvant résister à la concurrence sont obligés de fermer certaines industries et de jeter la clé sous le paillasson, et pire de subir la dictature des pays riches qui fixent les prix de certains de leurs produits. C'est le cas par exemple au Burkina Faso où l'avènement du Programme d'Ajustement Structurel imposé aux pays africains dans les années 1990 par les institutions financières mondiales a entrainé la fermeture des certaines unités de production. Et cela contribue à la perte de la souveraineté nationale dans certains pays pauvres. Bref, c'est le capitalisme sauvage dont la critique marxiste n'a rien perdu de son actualité : exploitation de l'homme par l'homme, création de monopole et paupérisation croissante pour le plus grand nombre avec enrichissement déraisonnable du plus petit nombre.

La mondialisation comme processus culturel n'est qu'un emprunt culturelou de l'impérialisme culturel à grande vitesse et à un niveau mondial. Aucune communauté humaine significative n'y échappe. Nous assistons sans conteste à l'appauvrissement de la diversité culturelle, le désarroi dans les valeurs devant la multitude des informations et des pratiques. Tout laisse à croire qu'aujourd'hui la richesse matérielle est la clé du bonheur alors qu'il semble que les plus riches ne sont pas sûrs d'être heureux.Nous assistons de plus en plus à l'occidentalisation de nos moeurs comme le soutient Samuel HUNTINGT0N, <l'axe central de la politique mondiale du futur c'est l'0ccident contre le reste du monde ».81Pour nous autres, burkinabé pauvres, la réalité c'est d'abord notre exclusion, notre marginalisation pure et simple dans la mondialisation. L'Afrique entière contribue

80SAMUEL (Wafo) ; Mondialisation, enjeux et perspectives, www.youscribe.com.p9 ,consulté le 19 /09 /2013. 81HUNTINGTON (Samuel), The clash of civilization and remaking of the world order, New-york. Simon et

Schuster, 1996, p10.

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faiblement dans le commerce mondial. Il y a donc en réalité deux mondes, celui des mondialisés et des non mondialisés.

En plus, de notre marginalisation, nous subissons et n'avons pas les moyens de participer à ce processus. Aussi, l'éducation de nos jeunes va nous échapper de plus en plus comme les destins de nos Etats nous échappent.Sur le plan éducationnel, notons qu'avec la révolution informatique qui se poursuit, nous assistons à un flux quotidien d'images produites par les industries culturelles mondiales accessibles à travers internet, la télévision. De ce fait, l'0ccident semble nous imposer sa culture. Ne remarquons nous pas que de plus en plus la jeune génération adopte un comportement vestimentaire occidental qui va souvent à l'encontre de nos moeurs ? Les NTIC sont en train de se propager à travers le monde comme jamais auparavant.Les héros des enfants ne sont plus dans les livres scolaires, mais plutôt dans les films, les magazines, les jeux vidéo avec leurcortège de valeurs perverses qu'elles véhiculent comme la violence, la prostitution pour ne citer que cela.

La mondialisation a un lien étroit avec l'environnement en ce sens que ces deux termes recouvrent, à n'en pas douter, deux enjeux majeurs du siècle qui s'ouvre. L'existence de problèmes environnementaux globaux comme le réchauffement climatique ou la disparition de la couche d'ozone, problèmes qu'aucun état ne peut prétendre résoudre par une action isolée, met en évidence la nécessité de l'action multilatérale. La mondialisation des échanges favorise l'industrialisation et le développementéconomique de certaines régions, ce qui n'est pas sans conséquence sur l'état de l'environnement dans les zones concernées. En mêmetemps, la mondialisation érode par certains aspects la souveraineté des Etats, et risque de réduire leur capacitéàréglementer des activités dans un sens protecteur de l'environnement.

La mondialisation a eu un surprenant mérite ; celui de créer une nouvelle jungle contrôlée par les grandes puissances économiques qui échappent totalement à l'empire des citoyens et des Etats. Les préoccupationsenvironnementales sont

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dans le meilleur des cas,reléguées au second rang .Qu'importe si « la société se délite, la fracture sociale se creuse, le chaos se généralise ».82

Nous ne pensons pas pour en avoir analysé les aspects négatifsque c'est la plus enviable de la cohabitation humaine. Par ailleurs, au niveau individuel comme collectif, l'homme apprend et évolue par essai erreur. L'histoire de l'humanité est une succession d'embranchements qui se perdent plus souvent dans des impasses. Il est évident que le modèleéconomique actuel court à son échec. Tout se passe aujourd'hui comme si la critique marxiste du capitalisme a été enterrée et pourtant qu'adviendra-t-il quand moins de 20% de la population mondiale posséderont 80% de la richesse mondiale ? Il faut reconnaitre au capitalisme d'avoir été un catalyseur dans le progrès de l'humanité mais quand nous aurons plumé et étripé la terre dans notre accumulation boulimique des biens matériels que restera-t-il ?

La mondialisation multiplie les problèmes à des ensembles de pays, à toute la

population de la planète, qu'il s'agisse d'environnement, de santé, de
stabilitéfinancière ou d'accès au savoir. Nous n'avons pas eu la prétention de faire un inventaire exhaustif des effets néfastes de la mondialisation.

Cependant, si la mondialisation tend à renforcer l'uniformité et l'homogénéité sur le terrain des valeurs, la réaction à ses effets manifeste la diversité des valeurs. Dans quel sens l'éducation aux valeurs devrait-elle s'orienter ?Devrait-elle uniformiser les valeurs pour donner une identité propre et construire la nation ?0u devrait-elle tendre plutôt, à contribuer à la promotion des valeurs locales et celles globales ?

Il est fondamental de promouvoir la connaissance locale face à la mondialisation. Mais tel un arbre, cette connaissance doit avoir ses racines dans les valeurs et les traditions locales, et en même temps absorber les ressources utiles et pertinentes du système global de connaissance. Le renforcement de la connaissance locale dans une éducationglobalisée requiert une identité locale, et donc des valeurs locales et des racines culturelles. Il faut sélectionner, dans la connaissance globale,

82HALIMI (Serge) ; « Quelle légitimité » in « Les nouveaux maitres du monde », Manière de voir, n 28, novembre 1995, p17-18.

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les éléments susceptibles de renforcer la connaissance locale. Cet objectif ne peut être atteint qu'en s'inspirant de la culture et des valeurs locales. Le résultat que l'on attend d'une telle action c'est de pouvoir développer une personne locale dans une perspective globale, une personne ayant la capacité d'agir localement et de se développerglobalement. C'est-à-dire une éducation qui produit des hommes capables de s'adapter à toutes sortes de situation et de pouvoir vivre partout de par le monde.

ONCLUSION

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Pour traiter du thème de la pensée morale kantienne face aux défisdu monde contemporain, nous avons été amenés à faire une élucidation conceptuelle et historique de la morale, un ensemble de règles permettant de régir la vieen communauté à travers la cohésion sociale qu'elle instaure.

A travers l'historique que nousavons pu faire ressortir, il apparait clairement que les règles morales ont toujours existé depuis l'antiquité grecque à la périodecontemporaine favorisant le vivre-ensemble de l'homme.

Notre travail a aussi stigmatisé les défis auxquels le monde contemporain fait face malgré l'existence de ces théories morales. Le monde est devenu plus que jamais le champ de tous les maux qui entravent l'émancipation de l'homme. Ce dernier est considéré dans la plupart des théories morales comme un moyen et non une fin ; pourtant celles-ci étaient senséesassurer la cohésion dans la société mieux l'épanouissement de l'homme. C'est en cela que nous avons été amenés à faire un retour à Kant.

Ainsi, pour ce philosophe des Lumières, tout ce qui se rapporte à la raison a nature de lois. 0r la légalité de la raison a une nature double ; juridique et morale à quoi correspond la distinction si fondamentale entre légalité juridique et moralité. Les lois de la liberté sont juridiques quand elles se rapportent à des actions externes. Elles sont morales quand elles sont déterminées par des motifs internes d'agir.

Contrairement aux éthiques utilitaristes qui font du bonheur le critère du bien et mesurent la valeur morale d'une action à ses conséquences, nous avons pu constater que Kant fonde la morale sur un principe rationnel inconditionné qui est le devoir. L'originalité du kantisme est d'avoir montré qu'il y a un principe moral valide et universellement accessible au savoir humain. Il ne peut pas penser qu'un homme puisse s'opposer volontairement à la loi morale ou haïr son prochain. Il peut le fuir par égoïsme, par paresse ou lâcheté, ou parce qu'il n'est pas maître de

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ses impulsions, mais au fond de lui, il garde gravée dans sa conscience, la loi morale et c'est justement ce commandement éthique qui constitue les prémisses pour réaliser le droit.

Aussi avons-nous essayé de mettre en exergue l'actualité de la philosophie morale du philosophe humaniste et sesenjeux sur les défis du monde contemporain. De l'autonomie de la volonté à la liberté, de l'universalité de la loi morale à l'humanisme, du rigorisme moral au droit, tout ceci reste une inépuisable source à laquelle peuvent toujours s'abreuver ceux qui veulent faire de l'homme une finalité morale.

Kant est un philosophe humaniste qui considère la personne comme le but qu'on se donne, comme une fin et s'oppose qu'on lui fasse violence. Son idée d'une construction systématique de paix transnationale inspire à plus d'un titre aussi bien les hommes que les Etats démocratiques. Dès lors que nous acceptons que l'usage de la raison n'est pas le monopole d'une portion de l'humanité, il est possible d'espérer l'unification de tous les citoyenspar des lois universelles de la raison.

Nous demeurons convaincus que notre travail n'a fait que toucher un aspect de cet immense domaine relatif à Kant et ses incidences sur les défis du monde contemporain. Aussi osons-nous espérer que d'autres travaux viendront l'approfondir comme le veut la recherche universitaire.

Nous marquons cependant notre engagement en la philosophie morale en ce qu'elle peut avoir une incidence positive sur les défis du monde contemporain. Elle contribue à former des citoyens libres, et demeure à notre sens un moyen qui peut contribuer à pacifier la société par la culture de la tolérance, de la solidarité et de la paix.

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BIBLIOGRAPHIE

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32)GuigmaMarcel, Kant et la démocratie, mémoire de maîtrise de philosophie, Université de 0uagadougou, 2012.

73

33)OuédraogoBoubacar, La philosophie pour enfant : Sa problématique dans la résolution de la crise de la citoyenneté, Université de 0uagadougou, 2010.

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WEBOGRAPHIE

1) http://perso.club-internet.fr/foliot.philippe/fondem.htm

2) www.youscribe.com.p9

3) http://philia-oneline-fr/text/cpcr001

4) www.wikipedia-la morale-et-la-religion

5) http://www.toupie.org

6) http://www.ugac.ca.jmt

7) diaz@a,entpe.Fr

8) http://www.democratieactive.org/communauté/rdc/ldbg/présentation. html

9) S ; Cafartan « leçon 57, droit de l'homme et droit du citoyen » in

philosophie et spiritualité, 2002, URL
http://sergecar.Club.Fr/cours/droit 2 «droit%20 de % 20 l'homme.

TABLE DES MATIERES

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DEDICACE.....................................................................i REMERCIEMENTS.............................................................ii INTRODUCTION................................................................ 1PREMIERE PARTIE : MORALE ET DEFIS DU MONDE CONTEMPORAIN

CHAPITRE I : Elucidations conceptuelles et historiques.

I. 1 Définition de la morale......................................................5

I.2 La morale dans l'antiquité...................................................8

I.3 La morale dans les temps modernes.......................................10

I.4 La morale dans la société contemporaine.................................13 CHAPITRE II : Réflexion sur les défis du monde contemporain.

II.1 La crise de la citoyenneté...................................................16

II.2 La crise de la démocratie...................................................21

II.3 La crise de l'environnement................................................25 DEUXIEME PARTIE : CONTRIBUTION DE LA MORALE KANTIENNE A LA RESOLUTION DES DEFIS DU MONDE CONTEMPORAIN.

CHAPITRE I : Présentation de la morale Kantienne.

I.1 La source de la morale chez Kant.........................................33

I.2 Le principe d'universalité de la loi morale..............................37

I.3 Le principe de la dignité humaine.........................................38

I.4 Le principe d'autonomie de la volonté morale, source du droit......39 CHAPITRE II : De l'actualité de la morale Kantienne

II.1 De l'universalité de la morale à l'humanisme..........................41

II.2 Du rigorisme morale au droit.............................................43

II.3 Pensée critique et protection de l'environnement.....................44

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TROISIEME PARTIE : LA MORALE DU FUTUR : ENJEUX ET PERSPECTIVES.

CHAPITRE I : Les facteurs endogènes

I.1 L'école face à la morale....................................................53

I.2 L'éducation traditionnelle face à la morale.............................57

I.3 Repenser la notion de la citoyenneté.....................................60 CHAPITRE II : Les facteurs exogènes

II.1 Le rôle des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication(NTIC).........................................................65

II.2 Le rôle de la mondialisation...............................................70 CON CLUSION.................................................................76






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle