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Le consensus en droit électoral camerounais


par Rodrigue Stéphane Agathon Ondoa
Université de Douala - Master 2 2017
  

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B- Une fonction contentieuse circonscrite

La justice électorale au Cameroun se présente suivant une architecture bien ficelée au sommet de laquelle figure le juge constitutionnel, aidé dans biens de matières par le juge administratif et le juge pénal. Si l'on se féliciter à l'idée de l'avènement de la justice électorale au Cameroun, nous ne saurons cacher notre inquiétude sur les moyens dont disposent les juges face à la résurgence de l'autoritarisme normatif.

A priori, on pourrait croire que le juge constitutionnel, juge de la constitutionnalité des lois et accessoirement juge principiel des élections, dispose de tous les moyens nécessaires pour protéger les valeurs proclamées au niveau constitutionnel. Pour rappel, la justice constitutionnelle et la contestation juridictionnelle des aspects liés à la gestion des processus électoraux sont comme l'indique le Professeur ALAIN DIDIER OLINGA297, des problématiques intimement liées. De la sorte, le travail du juge constitutionnel semble donc aller bien au-delà des aspects électoraux pour embrasser des domaines considérables, telle la protection des institutions et des valeurs promues par la constitution. Cette extension trouve-t-elle grâce aux yeux du Professeur ALAIN DIDIER OLINGA pour qui, « le jeune juge constitutionnel africain est invité à accompagner la balbutiante démocratie électorale africaine, dans un contexte ou l'héritage du parti unique est encore fortement prégnant, et ou la culture démocratique des institutions (y compris du juge) est elle-même à bâtir »298.

296 OLINGA (Alain Didier), « Justice constitutionnelle et contentieux électoral », op.cit., p.3.

297 OLINGA (Alain Didier), « Justice constitutionnelle et contentieux électoral », op.cit., p.2.

298 OLINGA (Alain Didier), « Justice constitutionnelle et contentieux électoral (...) », op.cit., p.2.

Le consensus en droit électoral camerounais

Derrière cette apparente importance donnée à la fonction juridictionnelle se cache un paradoxe assourdissant. En théorie, on sait que le droit électoral est produit sur la base des règles définies au niveau constitutionnel, depuis l'exigence du respect des valeurs contenues dans le préambule jusqu'à la procédure conduisant à son élaboration. Or le préambule de la constitution contient des valeurs à incidence électorale et au rang desquelles figure le consensus. À ce stade, toute l'attention sera désormais focalisée sur la capacité du juge constitutionnel à garantir le respect de cette valeur. Ceci est d'autant plus vrai lorsqu'on sait que les mécanismes législatifs actuels ne permettent pas de réaliser en toute sérénité l'idée de consensus, vue la règle majoritaire qui sanctionne in fine l'adoption des lois. On se pose alors en toute légitimité la question de savoir, que peut le juge pour pallier ce handicap procédural afin de restaurer un processus véritablement consensuel ? Au surplus, un candidat ou un parti politique est-il fondé à saisir le juge constitutionnel pour défaut de consensus dans les règles du jeu politique, ou pour inconstitutionnalité ? Ces interrogations ont la particularité de nous plonger au coeur des incohérences et des paradoxes dont parlait le Professeur ATANGANA AMOUGOU. Dans cette mesure, elles nous amènent à constater que le juge constitutionnel est autant un spectateur que les autres juges face à une législation produite au mépris des valeurs constitutionnelles qu'il est censé protéger, et dont la majorité aurait marqué son accord en totale indifférence vis-à-vis de la minorité.

Il faut noter en passant l'irrecevabilité des demandes pour défaut de consensus dans les règles (en considération des matières inscrites à l'ordre des débats contentieux)299 et pour inconstitutionnalité (en raison du défaut de qualité de la personne du candidat, et/ou du parti politique)300. Dans ce contexte, comment comprendre qu'un candidat ou un parti politique soit fondé à saisir le juge constitutionnel agissant, certes en qualité de juge électoral (notamment juge des élections présidentielle et législative), et que ceux-ci soient inapte à saisir le même juge pour inconstitutionnalité ? Comment comprendre que le juge constitutionnel chargé de veiller au respect de la constitution soit non seulement exclut du processus législatif, mais aussi dépourvu

299 En effet, l'objet du contentieux électoral est circonscrit aux éléments relatifs au rejet, acceptation ou publication d'une candidature ou d'une liste de candidats ; la couleur, single ou symbole adopté par le candidat ou parti ; l'annulation totale ou partielle des opérations électorales. Lecture du Professeur OLINGA (Alain Didier), « Justice constitutionnelle et contentieux électoral (...) », op.cit., p.6.

300 Au sens de l'article 47 (2) de la loi constitutionnelle de 1996, « le Conseil Constitutionnel est saisi par le Président de la République, le président de l'Assemblée Nationale, le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs.

Le consensus en droit électoral camerounais

d'un droit d'auto saisine ? Le Virgile de la constitution au Cameroun serait-il alors comparable à cette flamme qui ne brûle pas, ou bien à un simple décor institutionnel ? Réduit à des tâches juridictionnelles classiques, l'apport du juge dans la protection des valeurs proclamées par la constitution au Cameroun se trouve en bien d'hypothèse voué à une insignifiance certaine. Ce paradoxe persistant dans le constitutionnalisme camerounais mérite que la fonction juridictionnelle soit revue dans son ensemble, car comme le Professeur ATANGANA AMOUGOU le précise opportunément, « les mouvements démocratiques n'auraient aucune force si les risques d'instrumentalisation des constitutions demeuraient réels »301.

(...) »304.

D'autres États ont par contre su construire une justice constitutionnelle à la hauteur des enjeux démocratiques. À l'instar du Bénin, aux termes de l'article 117 de la constitution, la Cour Constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité des lois organiques et des lois en général avant leur promulgation302. En outre, le Professeur HOLO souligne dans l'analyse de l'Émergence de la justice constitutionnelle à partir du cas du Bénin que la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle « révèle aussi des situations d'arbitrage, (...) entre la majorité et la minorité parlementaires. Ainsi, saisie par la minorité parlementaire, poursuit-il, qui conteste la répartition des personnalités appelées à siéger à la CENA, répartition imposée par la majorité parlementaire, la Cour, dans sa décision DCC 00-078 du 07 décembre 2000, donne raison à la minorité en jugeant qu'il faut tenir compte de la configuration politique pour assurer la répartition de toutes les forces politiques représentées à l'Assemblées Nationale (...) »303. Elle a aussi eu l'occasion de se prononcer l'année suivante sur requête de la minorité parlementaire, en estimant que « la composition de la CENA, telle que décidée par l'Assemblée Nationale conduit à une confiscation de cette institution par certains groupes parlementaires en violation de la règles d'égalité édictée à l'article 26 de la constitution

C'est donc dire en conclusion que le juge constitutionnel béninois contrairement à son homologue camerounais, en plus d'avoir un rôle actif dans le processus législatif, dispose des pouvoirs lui permettant d'élargir ses compétences pour réaliser l'idéal démocratique. Le

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Les présidents des exécutifs régionaux peuvent saisir le Conseil constitutionnel lorsque les intérêts de leur région sont en cause ».

301 ATAGANA AMOUGOU (Jean-Louis), op.cit., p.3.

302 Analysé par HOLO (Théodore), « Emergence de la justice constitutionnelle », Le Seuil, Pouvoirs, n°129, 2009/2, p.105.

303 HOLO (Théodore), op. cit., pp.105-106.

304 HOLO (Théodore), op. cit., p.106.

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Le consensus en droit électoral camerounais

Cameroun gagnerait à prendre l'exemple béninois, ou au besoin, à acclimater son système de production du droit électoral pour une adhésion plus large des acteurs sociaux et politiques.

SECTION 2: LE NÉCESSAIRE RÉAJUSTEMENT DU CONSENSUS DANS LA DÉFINITIONS DES RÈGLES ÉLECTORALES

Dans ses analyses sur les pratiques électorales en Afrique noire francophone, le Professeur DODZI KOKOROKO revenait sur la nécessité de revitaliser le champ électoral en péril. Non pas qu'il faille précise-t-il « refaire ce monde politique mais d'empêcher qu'il ne se défasse sous les coups de boutoir de médiocres autorités pouvant tout détruire (...) »305. De ce fait, les défis nés de la violence électorale et politique mettent-ils en relief l'importance que revêt la mise en place d'institutions à même de garantir l'équilibre entre la compétition et l'ordre, la participation et la stabilité, la contestation et le consensus306. Les défis ainsi lancés devraient à long terme parachever l'effort démocratique engagé depuis 1990. Toutefois compte tenu des interférences politiques et juridiques qui n'ont cessé porter de sérieux coup à cette entreprise, il devenait nécessaire de murir l'idée d'une nouvelle approche politique dans l'établissement des règles devant régenter à l'avenir les compétitions électorales. Les autorités publiques devraient donc, pour préparer les échéances avenir, développer un sens aigu de la «gouvernance électorale »307. Le travail consistera à la longue à polir l'image de la « démocratie fantôme » dont faisait allusion VAN BOVEN308. En effet, l'auteur déclarait en substance que « nombre de situations nationales et de régimes politiques, à travers le monde, ne sont guère plus que des démocraties fantômes. Dans leurs constitutions et dans leurs institutions politiques, les accessoires de la démocratie ne sont qu'une façade. De larges secteurs de la population ne participent aucunement à la vie politique, et il n'existe à peu près aucune possibilité de critique ou de dissidence »309. Ces propos qui coïncident avec le schéma politique actuel des États d'Afrique noire francophone monopolisé par les « big man » , justifient la thèse d'une ouverture significative des sphères de création du

305 DODZI (Kokoroko), op. cit., p.121.

306 RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE L'UA, op.cit., p.17.

307 L'on pourrait entendre par gouvernance électorale « l'adoption des techniques et d'élaboration des instruments juridiques pouvant assurer la transparence électorale », Elément de définition proposé par SOBZE (Serge), Note sous jument n°119/CEL du 07 août 2007, KWEMO Pierre c/ Etat du Cameroun (MINATD), Revue de Droit Administratif, n°2, 1er septembre 2013, p.94.

308 Cité par SOBZE (Serge), Note sous jument n°119/CEL du 07 août 2007, KWEMO Pierre c/ Etat du Cameroun (MINATD), Revue de Droit Administratif, n°2, 1er septembre 2013, p.96.

309 Cité par SOBZE (Serge), Note sous jument n°119/CEL du 07 août 2007, KWEMO Pierre c/ Etat du Cameroun (MINATD), Revue de Droit Administratif, n°2, 1er septembre 2013, p.96.

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Le consensus en droit électoral camerounais

droit électoral (Paragraphe 2) pour garantir une participation politique plus cohérente des acteurs politiques (Paragraphe 1).

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld