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Transition démocratique en Guinée: perceptions de la diaspora vivant au Bénin

( Télécharger le fichier original )
par Pierre Pévé BAVOGUI
Université d'Abomey Calavi - Diplôme d'Etudes Approfondies  2012
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE D'ABOMEY CALAVI (UAC)

FACULTE DES LETTRES, ARTS ET SCIENCES HUMAINES

(FLASH)

ECOLE DOCTORALE PLURIDISCIPLINAIRE(EDP)

Espaces, cultures et Développement

FILIERE : SOCIOLOGIE-ANTHROPOLOGIE

OPTION : SOCIOLOGIE-ANTHROPOLOGIE DU DEVELOPPEMENT

Année Académique 2010-2011

MEMOIRE DE DEA

Sujet:

Transition démocratique en Guinée: Perceptions

de la diaspora vivant au Bénin.

Présenté par : Sous la direction de :

BAVOGUI Pierre Pévé Pr. NOUHOUAYI Albert

Professeur Emérite

1

- A la GRANDEUR DIVINE et à la Très Sainte Vierge Marie pour toutes les grâces accordées à la réalisation de ce travail ;

- A la mémoire de feueMamaValé BAVOGUI ;

- A ma famille pour son soutien.

2

La réalisation de ce travail à été rendu possible grâce au concours des uns et des autres à qui j'adresse mes remerciements. Parmi ces personnes, je veux nommer:

- Le Pr. Albert NOUHOUAYI qui a bien voulu faciliter la réalisation de ce travail en assurant sa direction ;

- Dr. Dodji H. AMOUZOUVI qui a jeté toutes ses forces dans la finalisation de ce travail; - LePr. Albert TINGBE-AZALOU pour sa contribution à la réalisation de ce travail ;

- Mes professeurs de l'école doctorale et à mes professeurs de l'université de Sonfonia-Conakry. Je veux nommer le Pr. Amadou Bano BARRY, M. Campel CAMARA, M. Kaliva GUILAVOGUI, le Pr. Sylvain ANIGNINKIN, le Pr. Honorat AGUESSY, le Pr. Moustapha DIABATE, le Pr. Félix IROKO. Ce travail est le fruit de votre engagement à construire une jeunesse africaine digne et responsable ;

- Mon grand-frère Koligna ZOUMANIGUI pour l'attention que je bénéficie de lui ;

- Le Frère André Rémi KOUBLANOU, supérieur provincial et tous les Frères de la province du Sacré-Coeur du Sénégal pour leur soutien matériel, moral et spirituel ;

- Au Frère Germain N'DOUR pour ses encouragements ;

- Fabrice KPOHOLO et la famille GOUTON pour les démarches effectuées ici pour mon inscription pendant que j'étais à Dakar;

- Mes frères et amis Dr. Abdoul Salam DIALLO, Philippine SONON, Aimé SENON, Mescario d'ALMEIDA, Brigitte MOREMEM, David PADONOU, Dr. Ibrahima BAKAYOKO, Sadou DIALLO, Ibrahima Major TRAORE, pour leur collaboration ;

- M. Ismailou BALDE et mon frère Faya Doumbo KAMANO dont le soutien a été déterminant pour la finalisation de ce travail ;

- Jacques AGUIA-DAHO et tous les amis du Programme Initiatives pour l'Excellence, je reste reconnaissant pour votre amitié ;

- Mr. Ibrahima YOULA, Consul Honoraire de la Guinée et tous mes compatriotes vivant au Bénin pour m'avoir facilité ce travail. Soyez éternellement remercié ;

- Nicole, Lucien et Blaise, qu'ils trouvent ici l'expression de mes encouragements pour la poursuite de leurs études ;

- Le peuple béninois pour son hospitalité ;

- Tous ceux qui de prêt ou de loin, ont contribué au succès de ce travail.

SOMMAIRE

3

RESUME 7

INTRODUCTION 8

I : CADRE THEORIQUE 11

II : CADRE PRATIQUE 41

III : DE LA DIASPORA AUX DIASPORAS GUINEENNES DU BENIN 49

IV : TYPOLOGIE DE DISCOURS DES DIASPORAS GUINEENNES SUR LA

TRANSITION DEMOCRATIQUE EN GUINEE ..58

V : EVENEMENTS POLITIQUES DES DEUX PREMIERS REGIMES AUX POUVOIRS

MILITAIRES DE TRANSITION 72

VI: SITUATION DU DIALOGUE POLITIQUE 83

VII: NECESSITE D'UNE CONCERTATION NATIONALE 88
VIII : LA DIASPORA GUINEENNE EN ACTION AU BENIN : ELEMENTS

EMPIRIQUES 95
PERSPECTIVES POUR UNE THESE DE DOCTORAT EN SOCIOLOGIE : DE LA DEMOCRATIE AUX VALEURS MARCHANDES A LA DEMOCRATIE AUX VALEURS

EDUCATIVES

102

CONCLUSION

.104

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

106

WEBOGRAPHIE

108

ANNEXES

.111

TABLE DES MATIERES

.116

4

LISTE DES TABLEAUX

TableauI : Centres de documentation parcourus et types d'informations recueillies

42

Tableau II :Répartition statistique des informateurs....................................

44

Tableau III :Chronogramme des activités de recherche....................................

....47

Tableau IV :Liste des candidats retenus pour le 1er tour de l'élection présidentielle........112

LISTE DES GRAPHIQUES, SCHEMAS ET PHOTOS

Graphique I: Répartition des enquêtés selon les raisons de départ du pays.....................51 Graphique II :Répartition des enquêtés selon la profession.........................................53 Graphique III : Répartition des enquêtés selon les conditions de retour.........................55 Graphique IV:Répartition des enquêtés selon l'appartenance politique........................68

Graphique V:Répartition des enquêtes selon le groupe socioculturel............

.........70

Graphique VI : Appartenance des enquêtés aux structures sociales guinéennes

96

Schéma I : Délimitation thématique.........................................................

............21

Schéma II : Modèle d'analyse systémique..................................................................39 Schéma III :Modèle d'analyse structuro-fonctionnaliste...............................................40

Photo I :Le Président de la CRGB lisant un discours...................................................99 Photo II:Match de Gala pour l'unité nationale..........................................................101

SIGLES ET ABREVIATIONS

AFP

AJGB AOF APD BAD BM CCF

: Agence France Presse

: Association des Jeunes Guinéens du Bénin

: Afrique Occidentale Française

: Aide Publique au Développement

: Banque Africaine de Développement

: Banque Mondial

: Centre Culturel Français

CEDEAO : Communauté Economique des Etat de l'Afrique de l'Ouest

CENI CJFD CMRN CNDD

: Commission Electorale Nationale Indépendante

: Coordination de la Jeunesse Forestière pour le Développement

: Comité Militaire de Redressement National

: Conseil national pour la Démocratie et le Développement

CNT

CRGB DEA

CNOSCG : Conseil National des organisations de la Société Civile Guinéenne

: Conseil National de Transition

: Communauté des ressortissants Guinéens du Bénin

: Diplôme d'Etudes Approfondies

Dr : Docteur

EDP FLASH FMI FNLG IBW IDEA ONG OUA PAS PDG PEDN PIB

PNUD

Pr.

5

: Ecole Doctorale Pluridisciplinaire

: Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines

: Fond Monétaire International

: Front National de Libération de la Guinée

: Institutions de Brettons Woods

: Institut International pour la Démocratie et l'Assistance Electorale

: Organisation Non Gouvernementale

: Organisation de l'Unité Africaine

: Programme d'Ajustement Structurel

: Parti Démocratique de Guinée

: Parti de l'Espoir et du Développement National

: Produit Intérieur Brut

: Pro ramme des Nations Unies our le Dévelo ement

: Professeur

RDA
RD!G
RDR

RF!

RPG

: Rassemblement Démocratique Africain

: Rassemblement pour le Développement Intégré de la Guinée

: Rassemblement pour la Défense de la République

: Radio France International

: Rassemblement du Peuple de Guinée

UA

UAC UE UFDG

SOBRAGU! : Société de Brasserie de Guinée

: Union Africaine

: Université d'Abomey-Calavi

: Union Européenne

: Union des Forces Démocratiques de Guinée

UGLC-SC : Université General Lansana Conté de Sonfonia-Conakry

6

URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques

7

RESUME

Cette étude met en exergue les mécanismes liés au processus démocratique en cours en République de Guinée. La recherche s'est évertuée à tester les postulats qui stipulent que les discours des guinéens du Bénin sont fonctions de leurs catégories socioprofessionnelles. Et qu'ils estiment que les stratégies de certains acteurs politiques sont des facteurs de ralentissement du processus démocratique. Mais aussi qu'ils définissent différemment les conditions politiques et sociales indispensables à la réussite de la démocratisation en Guinée tout en développant des stratégies y afférentes. La production des données qui s'est effectuée sur une durée de six mois auprès d'un échantillon de cent sept personnes composé non seulement d'étudiants, de commerçants, de cadres, de réfugiés politiques, de représentants de partis politiques, de ménagères et d'artisans mais aussi de personnes ressources. Elle à été rendue possible grâce à l'utilisation d'un certain nombre d'outils dont le guide d'entretien individuel et de groupe et la grille de lecture. Les données une fois collectées, dépouillées et traitées, ont fait l'objet d'analyse systémique et structuro-fonctionnaliste. De l'analyse des données empiriques, il se dégage que: Les discours des guinéens du Bénin face à la transition sont fondés sur leur appartenance politique et socioculturelle. Les facteurs de ralentissement du processus démocratique en cours en Guinée sont fondamentalement les évènements politiques passés et les stratégies des acteurs politiques Malgré la diversité des discours, ils définissent la réconciliation nationale comme condition sociale et politique indispensable à la réussite du processus démocratique et développent des activités sociales allant dans ce sens. Mots clés : Démocratie, Diaspora, Stratégie.

ABSTRACT

This study highlights the mechanisms related to the ongoing democratic process in the Republic of Guinea. The research was to test, on the one hand, the assumptions which stipulate that the opinions of Guineans in Benin are functions of their socio-professional categories and, on the other, the stipulation that some political players resort to strategies to slow down the democratic process. In addition, the study outlines different political and social conditions that are necessary for the success of democracy in Guinea, while it develops relevant strategies. Data were collected over a six-month period working with a sample of one hundred and seven persons, which included students, traders, executives, political refugees, representatives of political parties, of housewives and craftsmen as well as key resource persons. The study was conducted using a number of tools such as the individual interview and group interview protocol and the survey assessment grid. Data once collected and processed, were subjected to an empirical systemic structural-functionalist. From the data, it emerged that: (a) the speeches of Guineans living in Benin on the democratic transition are based on socio-cultural and political affiliation; and (b) the Slowing downs of the ongoing democratic process in Guinea are fundamentally rooted in past political events as well obstruction strategies that some political players induce in. However, despite the diversity of the speech uphold, there is a consensus that national reconciliation is socially and politically indispensable to the success of the democratic process; and those political actors strive towards that goal.

Key words: democracy, Diaspora, strategy.

8

INTRODUCTION

Au-delà de toutes les stigmatisations dont elle est victime, la diaspora africaine a joué et continue de jouer un rôle déterminant dans la vie politique du continent. Elle est restée très active sur les plans économique, social et politique. C'est ce rôle qui lui a valu d'être considérée comme la sixième partie du continent après l'Afrique du Nord, l'Afrique du Sud, l'Afrique Centrale, l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique de l'Est.

Dans les années 1900, c'est par elle que la prise de conscience commença en Amérique à travers le Mouvement de la Renaissance de Harlem conduit par le Docteur William Edouard Dubois et ses compagnons. Puis le groupe Sons of Africa de Londres avant le vaste Mouvement de la Négritude dans les années 30 au quartier Latin de Paris conduit par Aimé Césaire, René Maran et Leopold Sédar Senghor. Ces mouvements de diasporés qui se reconnaissaient par leur appartenance à la race noire avaient pour vocation de lutter contre la « discrimination de l'homme noir à travers le monde ».

Ces mouvements de prise de conscience se poursuivirent jusque dans les années 60 au moment des indépendances africaines car, le but principal était la liberté de l'homme noir dans le monde entier y compris sur le sol africain. Depuis ces moments, la diaspora africaine est restée une actrice principale de la vie politique et sociale de l'Afrique. Ce qui sous-tend qu'elle garde un oeil vigilant sur les problèmes qui se pose aux africains en Afrique et ailleurs.

Les réalités actuelles de l'Afrique confrontée à l'implantation de la démocratie sous sa forme occidentale ne sont pas en marge des préoccupations des populations africaines diasporées. En effet, la démocratie se définie comme un système de gestion politique caractérisé par la liberté, le droit à l'expression, l'égalité des citoyens. Elle se mesure principalement par l'accession au pouvoir des responsables politiques à travers des élections libres, équitables et transparentes. On constate que la démocratie est devenue désormais un « label » que doit s'offrir chaque Etat pour entrer dans le « concert des nations » contrairement à ce que disait Jean Jacques ROUSSEAU dans son célèbre ouvrage : « Du Contrat Social ». Pour lui, en Démocratie il faut «peu ou point de luxe ».(ROUSSEAU, op. cit. : p. 106)

9

Dans les institutions sous régionales, régionales et mondiales, on assiste à l'exclusion des réunions, ces pays dits « non démocratiques » ou en « transition démocratique » comme ce fut le cas de la Guinée depuis l'accession au pouvoir en décembre 2008 de la junte militaire dirigée par le Capitaine Moussa Dadis Camara jusqu'au 21 Décembre 2010, date d'investiture du Professeur Alpha Condé à la magistrature suprême en tant que premier président démocratiquement élu de l'histoire depuis l'accession du pays à l'indépendance le 02 Octobre 1958 ; soit 52 ans après.

Le présent travail met un accent particulier sur la transition politique amorcé en décembre 2008 avant de s'appesantir sur les préoccupations politiques des ressortissants guinéens vivant au Bénin face au processus de démocratisation en cours dans leur pays. Il comprend huit chapitres dont: I- Cadre théorique, II- cadre pratique, III- De la diaspora aux diasporas guinéennes du Benin, IV- Typologie de discours des diasporas guinéennes sur la transition démocratique en Guinée, V- Evénements politiques des deux premiers régimes aux pouvoirs militaires de transition, VI- Situation du dialogue politique, VII- Nécessité d'une concertation nationale et VIII : la diaspora guinéenne en action au Benin : éléments empiriques. Ainsi que des perspectives pour une thèse de doctorat en sociologie intitulées: De la démocratie aux valeurs marchandes a la démocratie aux valeurs éducatives. Une conclusion met fin à ce mémoire.

10

PREMIERE PARTIE :

DIASPORA GUINEENNE AU BENIN : UN

CHAMP D'ETUDE DE TRANSITION

DEMOCRATIQUE

11

I- CADRE THEORIQUE

1.1.Problématique

L'histoire politique de l'Afrique commence avec l'engagement de ses « bras valides » déportés aux Amériques en faveur du rétablissement de leurs droits. Les premières manifestations de l'épanouissement politique du continent eurent donc lieu loin des terres africaines. (OUEDRAOGO, 2010 : p. 3). Du groupe « Sons of Africa » de 1776 à Londres aux mouvements de libération nationale des « années 60 »en Afrique, en passant par la renaissance de Harlem dans les années 1900 aux Etats Unis et la négritude dans les « années 30 » à Paris, la diaspora africaine a joué un rôle majeur dans l'épanouissement politique du continent.

Les idées sur la fin du colonialisme, l'égalité des races et l'unité des africains vont ainsi émerger chez les peuples noirs. La participation des africains aux guerres mondiales et la fréquentation de représentants de mouvements panafricains, a largement influencél'émergence et le dénouement des luttes pour les indépendances en Afrique.Des mouvements sociaux eurent donc lieu dans plusieurs colonies et conduiront à la naissance de groupements syndicaux et de partis politiques. Pour OUEDRAOGO (op. cit. : p. 7), l'attaque de l'Ethiopie en 1935 par l'Italie, toucha profondément la diaspora et sonna comme un appel à l'unité du continent contre le colonialisme. A la fin de la seconde guerre mondiale en 1945, le mythe de l'homme blanc s'effondra. Les conditions étaient réunies pour lancer le mouvement nationaliste à travers le monde. Le refus des injustices coloniales prendra la forme de révoltes. De l'Algérie au Cameroun en passant par le Kenya, le Mozambique, Madagascar, les luttes de libérations nationales ne s'arrêtaient guère jusqu'à l'indépendance des peuples noirs.

De nos jours, cette diaspora reste encore très active dans le processus de développement du continent. Et comme le constate bien VOKOUMA (2008 : En ligne), dans plusieurs pays africains, les transferts de capitaux sont très élevés et participent à la réduction de la pauvreté. Une étude conjointe de la Banque Africaine de Développement (BAD) et du ministère français de l'économie et des finances à révélé que les fonds envoyés de la France vers le Maroc en 2000 atteignaient 4.074 millions d'euros, soit 9 % du produit intérieur brut (PIB) du pays et 75 % de l'aide publique au développement (APD). Le Sénégal de son coté, avait été destinataire de 1.254 millions d'euros, soit 11 % du PIB tandis que le Mali avait reçu en cette même année 456 millions d'euros soit 11 % du PIB et 80 % de l'APD et les Comores,

12

72 millions d'euros, soit 24 % du PIB. Les montants envoyés dans les ménages permettent à celles-ci d'avoir un niveau de vie au dessus de la moyenne nationale. Ces fonds sont imprévisibles en volume et la régularité du transfert varie, contrairement à l'aide internationale prévisible et budgétisée. Le manque de dispositions pour faciliter ces transferts, peut entraîner la variation du volume des transferts et perturber l'économie des pays bénéficiaire tout en entraînant une forte précarité de vie dans plusieurs familles. Soutenant cette idée, le président de la BAD Donald Kaberuka, affirmait : « Le rôle de la diaspora devient de plus en plus prépondérant au regard de l'importance et de la stabilité de ses transferts de fonds. Il s'agit maintenant de l'engager dans le développement de nos pays en levant les contraintes freinant le transfert des fonds » (ibid.).

Pour MANGOUA, (2005 : En ligne), au delà de l'investissement financier, la diaspora africaine regorge des ressources humaines très qualifiées avec des compétences techniques et professionnelles de haut niveau. Ces compétences seraient un atout pour le continent dans sa lutte contre les fléaux comme le VIH/SIDA, l'insécurité alimentaire, la dégradation de l'environnement, l'analphabétisme. Même avec le développement des nouvelles technologies, une mise en réseau des médecins africains et ceux diasporés, pourrait par exemple, contribuer à la résolution de problèmes médicaux sur le continent.

De même, la diaspora africaine s'organise formellement pour oeuvrer à travers les associations en collaboration avec les compatriotes vivants au pays dans le but de réaliser des projets de développement dans le pays d'origine. Ces interventions ont données jour à des infrastructures scolaires, sanitaires et des silos de stockage de céréale, d'agriculture irriguées, de réseaux d'eau potable, des services d'assainissement, etc. Plusieurs auteurs expliquent que les grandes mutations en cours dans le monde contemporain font apparaitre que la nécessité de la répartition des savoirs, des pouvoirs économiques, politiques et militaires sera tributaire des migrations scientifiques et technologiques (ASSOGBA, op. cit. :p. 6).

L'UA, pour sa part, conscient du rôle imminent de la diaspora dans le développement de l'Afrique, a jugé nécessaire, lors de la première conférence des intellectuels africains et de la diaspora tenue à Dakar,de la proposer comme la sixième région d'Afrique (UA, 2004 : p. 15).Elle a aussi consacré les dispositions de l'article 21 de la charte africaine de la jeunesse aux jeunes de la diaspora. Les objectifs principaux que se fixe l'UA dans ce sens, sont entre autres : 1) faciliter le retour et l'insertion socioprofessionnelle de la diaspora ; 2) Assurer la formation des diasporés ; 3) Encourager les diasporés à s'investir dans le développement de leur pays d'origine (UA, 2006 : p. 19). Cette détermination de l'UA à assister la diaspora,

13

14

démontre combien les africains diasporés sont susceptibles de favoriser le développement de leur pays d'origine.

Il apparait donc clairement que si l'Afrique mettait en valeur les possibilités financières et humaines de ses populations diasporées, elle trouverait sans doute la solution à ses problèmes de développement et réduirait l'endettement croissant dû aux financements extérieurs venants principalement des pays du Nord. Interroger donc les dynamiques sociopolitiques de cette diaspora, c'est mettre en éveil la conscience et les logiques de celle-ci face aux problèmes engendrés par la démocratisation en Afrique.

En effet, pour COQUERY-VIDROVITCH (1997 : p. 1), la démocratie est née en Europe occidentale après plusieurs années caractérisées par des révolutions car, la monarchie de droit divin adoptait une idéologie différente de celle démocratique. Cette démocratie serait entachée du « péché originel d'eurocentrisme » et se trouverait dans l'impossibilité d'être plaquée comme tel en Afrique. Le « vieux continent » se doit de créer ses propres structures politiques enracinées dans son histoire sous peine de se voir « décervelé » comme le disait Joseph Ki-Zerbo. Car, les sociétés africaines ne portent pas en elles les germes de démocratie occidentale. L'histoire de l'humanité étant caractérisée par les changements sociaux, il y a lieu de se demander si l'absence d'une tradition démocratique incluse nécessairement l'impossibilité d'une naissance tardive de celle-ci. Les évènements politiques survenus dans les années 1989-1990 en Europe de l'Est et en URSS ont produit des effets sur les institutions politiques africaines les rendant de plus en plus instables. Ainsi se pose de façon spectaculaire, le problème de la démocratie dans le monde de façon générale et en Afrique de façon particulière.

Il ressort de tout ce qui précède que la diaspora constitue un potentiel important dans l'explication des transformations sociales en Afrique et dans le processus de développement du continent. On pourrait s'attendre alors à une tendance active chez les diasporas au profit des nations respectives. Pour ce qui relève de la Guinée, cette diaspora prend corps avec non seulement les instabilités au plan politique mais aussi dans le cadre de coopérations entre pays du sud. Ce qu'il revient de mettre en exergue est l'évidence ou non d'une harmonie ou encore d'une synergie des initiatives en faveur de la transition démocratique en Guinée. S'il est évident que l'intention de tous les membres de la diaspora guinéenne en Afrique notamment au Bénin est en faveur d'un rétablissement normal de la situation sociopolitique, on pourrait s'interroger sur une disparité et clivage dans la prise de position et d'initiative en faveur de la transition démocratique : c'est la mise en évidence d'un éventuel consensus au niveau de la diaspora. Déjà, avec Bourdieu (2009 : En ligne), l'uniformisation des points de vue dans un

groupe social ne saurait être évidente. Dans son analyse des « champs », il détermine les positions sociales des agents (acteurs) à partir des capitaux inégalement distribués. Il s'agit des capitaux : économique, social, politique, culturel et symbolique. La société apparait pour lui comme un espace de lutte pour l'accumulation de ces capitaux étant donné que ceux-ci orientent la position des agents dans l'espace social. Au sein de l'espace social, il existe plusieurs champs plus ou moins autonomes dont celui politique. A l'intérieur de chaque champ, des agents dotés d'habitus se déploient pour l'accumulation de capitaux spécifiques ainsi que la domination du champ. Les agents centraux sont ceux qui possèdent plus de capital pertinent à l'intérieur du champ. Pour Bourdieu, « le champ politique est le lieu où s'engendrent, dans la concurrence entre les agents qui s'y trouvent engagés, des produits politiques (problèmes, programmes, analyses...) entre lesquels les citoyens ordinaires, réduits au statut de « consommateurs », doivent choisir, avec des chances de malentendu d'autant plus grandes qu'ils sont plus éloignés du lieu de production » (ibid.).

La logique spécifique du champ politique est qu'il vise à donner sa vision du monde social comme étant fondée non seulement sur des critères de vérité mais aussi et surtout sur sa représentativité et bien sûr,sa capacité à mobiliser ceux qui s'y reconnaissent.Il partage avec le champ des sciences sociales, l'enjeu d'imposer sa vision du monde. Cette vision n'est pas validée par sa vérité intrinsèque mais par l'immensité de ceux qui l'adhèrent. Si dans le champ des sciences sociales on oppose des « idées-vérité », dans le champ politique ce sont des « idées-forces » qu'on oppose. Dans les sociétés modernes, le champ politique est l'espace de domination qui produit des rapports de sens, fondements de la dignité ou de l'indignité sociale. Cette indignité provient d'une impuissance à prendre part au jeu politique mais aussi de l'incapacité à en changer les règles et à le disqualifier. Ce champ apparaît comme celui de la domination méconnu donc reconnu et reste le lieu par excellence du théâtre de l'indignité politique et de la l'infériorité sociale (ibid.). Cette approche analytique de Bourdieu admet donc l»'inevitable» divergence dans la `'famille» de la diaspora guinéenne au Bénin. La présente recherche met en évidence un tel positionnement en appréciant l'opinion de la diaspora guinéenne du Bénin au sujet de la transition démocratique. Le problème de recherche ainsi mis en évidence articule un `'consensus» sur la transition démocratique et un défaut de consensus sur les mécanismes pour y parvenir chez un même groupe social en l'occurrence la diaspora guinéenne au Bénin.

15

Pour BOURDIEU, (1996 : p. 1) la politique démocratique « est confrontée au choix entre l'arrogance du technocrate qui prétend rendre tous les hommes heureux, même sans ou contre leur volonté, et la docilité du démagogue, qui obéit simplement à la demande, qu'elle se manifeste par des études de marché, l'audimat ou des courbes de popularité». Bourdieu estime qu'une politique démocratique doit se soustraire d'une telle alternative puisque, quand il est question de démocratie, la finalité s'impose indiscutablement à l'esprit comme: les modalités d'accès économiques et culturelles à l'opinion politique doivent être démocratisées, donc à la disposition de tous. Pour lui, la formation (formation de base et formation continue) joue un rôle déterminant dans cette perspective dans la mesure où elle donne la certitude d'accéder aux emplois et à certaines positions sociales mais, elle est aussi la contrainte indispensable pour l'exercice réel des droits et libertés civiques.

BOURDIEU pense que pour reconquérir la démocratie il faut nécessairement rompre avec la « tyrannie des experts style Banque mondiale ou FMI » qui, selon lui, imposent les sentences du « nouveau Léviathan » c'est-à-dire les marchés financiers, sans vouloir en négocier mais se contentent de les expliquer. Pour lui, il n'est plus question de faire foi en l' « inévitabilité historique » que les théoriciens du libéralisme prônent. Mais il faut créer des formes nouvelles d'une activité politique collective pouvant faire des constats sur les nécessités économiques. Ces constats peuvent concernés les activités des « experts » mais, il s'agira de les « combattre », à défaut, de les « neutraliser » (BOURDIEU, 1995 ; En ligne).

Tocqueville ( SKYMINDS.NET, 2010 ; En ligne) pour sa part, croit que c'est l'égalisation des conditions sociales qui donne naissance à la société démocratique. Il considère la démocratie comme un Etat social et non comme une simple forme de gouvernement. Si la plus grande passion des peuples démocratiques est l'égalité, pour lui, la démocratie égalise les conditions et non les situations économiques et sociales puisqu'il existe des riches et des pauvres dans un pays dit démocratique. Il distingue alors trois types d'égalité:

y' l'égalité devant la loi : pas de privilèges

y' l'égalité des chances : méritocratie

y' l'égalité de considération : tous les honneurs sont accessibles à tous

Il affirme que c'est ce sentiment d'égalité qui agit sur la société et transforme les relations entre les Hommes. Cette passion de l'égalité est la source du changement social. Ce qui entraîne un passage inévitable et lent à la démocratie. Pour Tocqueville (ibid), « L'égalisation des conditions entraîne le rapprochement des niveaux de vie, donc une montée en puissance

16

des classes moyennes ». Pour lui, les dangers qui guettent la démocratie sont l'individualisme et le despotisme. Il ne confond pas l'individualisme et l'égoïsme : «L'égoïsme est un amour passionnel et exagéré de soi-même», tandis que l'individualisme est «un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s'être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même».Il affirme que si les citoyens s'attèlent à chercher prioritairement l'égalité, ils risquent de perdre leur liberté. (Ibid.)

Mais Tocqueville pense que le projet démocratique est irréalisable puisque la nature elle-même produit les inégalités; malgré cela, il exclut toute possibilité de retour en arrière parce que selon lui, le projet égalitaire est naturel et toute personne humaine en a droit. Il est donc impossible d'achever le mouvement d'égalisation des conditions donc,la démocratie ne peut être totalement « réelle ». Par conséquent, les gouvernements doiventlui fixer des bornes pour éviter qu'elle déshumanise l'homme en favorisant toute forme d'inégalité.(MANENT, 1982 ; En ligne). Pour Tocqueville, «Il est difficile d'être l'ami de la démocratie ; il est nécessaire d'être l'ami de la démocratie ».«Il est vrai que la démocratie est en un sens très réel l'ennemie de la grandeur humaine ; mais les ennemis de la démocratie sont des ennemis bien plus dangereux de cette grandeur ». «Pour bien aimer la démocratie, il faut l'aimer modérément» (ibid.)

L'objet essentiel de la recherche en sociologie est de comprendre la conception que se font les acteurs du monde social. C'est pourquoi il est nécessaire de se placer du point de vue des personnes qui participent activement à un phénomène pour l'expliquer. Les diasporas,apparaissant comme le prolongement de la société civile du pays d'origine et représentant à cet effet, les mouvements politiques, économiques, culturels et sociaux du pays d'origine (ASSOGBA, op. cit. :p.4), méritent d'être interrogées sur les problèmes politiques africains. Ainsi, dans cette étude, l'analysese focalisesur la manièredont les guinéens du Bénin, conçoivent la transition démocratique en cours dans leur pays.

Engagée dans une course démocratique sous l'influence de la communauté internationale, la Guinée semble être au pied du mur du fait qu'elle n'arrive pas à finaliser sa transition politique pour accéder au processus de consolidation démocratique. Les élections législatives prévues en juin 2011 n'ont pas encore eu lieu. L'atmosphère politique reste tendue entre les acteurs de la majorité présidentielle et ceux de l'opposition qui, durant un an ne se sont pas

17

mis d'accord sur la gestion des grands dossiers comme le fichier électoral. La réconciliation annoncée depuis un an est au ralenti. Malgré cet état de chose, les avis sont divergents au sein de la diaspora guinéenne présente au Bénin. Laquelle diaspora victime de l'instabilité politique dans son ensemble, a immigrée au Bénin. Par conséquent, interroger les dynamiques sociopolitiques de ces diasporés, s'avère important dans la compréhension de cette transformation politique.Ainsi, nous nous posons la question de savoir en quel terme s'explique et s'illustre les clivages au sujet de la transition démocratique en Guinée chez sa diaspora présente au Bénin.

Hypothèses

Pour donner des réponses provisoires à cette question de recherche, nous avons formulé les hypothèses suivantes :

? Les guinéens vivant au Bénin produisent des discours différents par rapport à la transition démocratique en cours dans leur pays en fonction de leur catégorie socioprofessionnelle;

? Pour les guinéens du Bénin, les stratégies de certains acteurs politiques ont contribué au ralentissement du processus de transition démocratique dans leur pays;

? Les guinéens du Bénin définissent différemment les conditions politiques et sociales sine qua non pour la réussite de la transition démocratique dans leur pays et développent des stratégies y afférentes.

1.2.Objectifs de recherche

Toute recherche s'assigne des objectifs qui constituent son aboutissement final. Dans la présente étude, sont fixés un objectif principal et des objectifs spécifiques.

1.2.1. Objectif principal

L'objectif principal de cette recherche est de comprendre et d'expliquer l'intérêt que les guinéens vivant au Bénin accordent aux enjeux liés au processus de transition démocratique en cours dans leur pays. Cet objectif général a permis de décrire trois objectifs spécifiques.

1.2.2. Objectifs spécifiques

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? Faire la typologie des discours de la diaspora guinéenne sur la transition politique en cours dans leur pays ;

? Appréhender les obstacles liés au processus de transitiondémocratique en cours en Guinée selon la diaspora;

? Identifier les conditions indispensables à la réussite de la transition démocratique selon la diaspora ainsi que les stratégies y afférentes qu'elle développe.

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1.3.Clarification conceptuelle

Cette étape traite des concepts sur lesquels repose la compréhension de l'esprit du travail de la présente recherche. Il s'agit des concepts de transition démocratique, de stratégie, d'acteur et de discours.

o Transition démocratique

Pour le lexique de sociologie, la démocratie est étymologiquement, le pouvoir du peuple et suppose la possibilité pour les citoyens de designer leurs gouvernants et de se prononcer sur les différents choix politiques. Cette représentativité ne suffit pas car, la démocratie suppose aussi le respect des droits civils, des droits politiques, des droits économiques et sociaux. (ALPE et al, 2007 ; p. 71)

Dans le cadre de cette recherche, la démocratie est définie comme un régime politique dans lequel les gouvernés choisissent librement leurs gouvernants et participent aux grandes prises de décisions par les urnes. Le passage de l'autoritarisme à la démocratie peut être appelé transition démocratique. Mais il y a lieu de se poser la question de savoir qu'est ce que la transition démocratique ?

« Les transitions démocratiques sont les périodes au cours desquelles un pays modifie ses structures politiques pour passer d'un régime autoritaire à un régime démocratique. » (Conac cité par BANGOURA et al, 2006 : p. 107) Mais pour DELCAMP (2005 ; En ligne), en transition démocratique, il n'y a pas de « recette magique », mais une nécessité de gestion satisfaisante et habile de certains problèmes d'ordres théoriques et pratiques en tenant compte du passé et de la réalité de chaque peuple. Pour lui, La transition démocratique se déroule en deux phases différentes l'une de l'autre :La transition politique, qui est le « passage d'un régime à l'autre » et la consolidation de la démocratiequi consiste à assurer une évolution et une stabilité du processus démocratique amorcé dans la transition politique.

Pendant la transition politique, les anciennes règles du « jeu politique » disparaissent et on assiste à la venue de nouveaux acteurs avec de nouvelles stratégies. Cette transition dévient effective lorsque : « un gouvernement arrive au pouvoir comme le résultat direct du suffrage libre et populaire, quand ce gouvernement dispose d'un pouvoir souverain pour générer de nouvelles politiques publiques, et quand les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire nés de la nouvelle démocratie n'ont pas à partager le pouvoir avec d'autres corps de droit. » (Juan J. LINZ, 1991 cité par DELCAMP, ibid.). Tandis que le processus de consolidation, nécessite désormais de nouvelles règles du jeu bien définies et claires avec de

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nouvelles tactiques de jeu. Ce jeu doit être ouvert et permettre la manifestation de tous les intérêts politiques. Il sera possible de gérer les conflits dans une démocratie mais les conflits existerons au tant que le jeu reste ouvert.

Dans cette étude la transition démocratique est définie comme un long processus qui permet à un Etat de passer de l'autoritarisme à la démocratie. Sa toute première étape est la transition politique dont la bonne gestion peut conduire à la seconde étape qui est la consolidation démocratique. Il faut souligner aussi que c'est pendant la transition politique que les reformes de démocratisation sont engagées. Cette transition met en jeu différents acteurs internes et externes de la vie politique.

o Acteur

Pour AKOUN et al (2006 : p. 3), l'acteur est un individu ou un groupe d'individus qui réalisent des actions, jouent un rôle et remplissent des fonctions selon des motivations ou à des fins collectives ou personnelles. Dans le cadre de ce travail, l'acteur est toute personne ou tout groupe de personnes qui réalisent ou accomplissent des actions dans le cadre de la transition démocratique guinéenne. Etant dans le domaine politique, on les appellera acteurs politiques en ce sens que les actions qu'ils réalisent s'inscrivent dans le débat politique démocratique en Guinée. Ces acteurs sont entre autres : les partis politiques, les associations syndicales, la société civile, les citoyens, la diaspora, la communauté-monde. Ces acteurs ont chacun leur façon de concevoir les faits et d'en produire des discours variables.

o Discours

Pour le dictionnaire de sociologie Le Robert Seuil (AKOUN et al, op. cit. : p. 150), le discours est un terme didactique qui désigne toute expression individuelle ou collective de nature écrite ou orale pouvant faire l'objet de traitement ou d'analyse méthodique. Dans le cadre de cette étude, le discours est considéré comme toute opinion émanant des personnes interviewées et qui concerne la transition démocratique guinéenne. Cette opinion peut être collective ou individuelle mais à caractère oral. Autrement dit, c'est le point de vue des personnes interrogées face à la transition démocratique en cours en République de Guinée. Mais ces discours s'inscrivent généralement dans les directives des stratégies que définissent les acteurs.

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o Stratégie

Le dictionnaire de Sociologie définit la stratégie comme « un ensemble de moyens mis en oeuvre par un individu ou des individus pour parvenir à leurs fins, dans un système dont les règles implicites sont formées par la combinaison de ces stratégies ». (AKOUN et al, op. cit. : p. 507). Dans cette étude, la stratégie désigne les voies et moyens mis en oeuvre par les différents acteurs politiques pour atteindre leurs différents objectifs. Ces stratégies peuvent varier en fonctions des acteurs et par conséquent peuvent être perçues différemment par les autres acteurs ou les observateurs. On ne peut comprendre ces stratégies qu'en partant des explications des acteurs concernés.

1.4.Délimitation thématique

La présente étude s'inscrit dans le cadre de la sociologie générale, le sujet de recherche, objet de cette étude appartient à un domaine restreint qu'est la Sociologie de la démocratie qui est une partie intégrante de la sociologie politique (schéma ci-dessous). Ainsi, les concepts utilisés prennent sens dans ce contexte.

Schéma I : Délimitation thématique

Sociologie
de la
démocratie

Sociologie Générale

Sociologie Politique

Source :exploration documentaire 2011

Commentaire : La science sociologique est un tout complexe dont les frontières des compartiments sont étanches. Il s'avère donc dificile pour un chercheur de cerner à la fois tous les apects liés à cette science d'où la nécéssité de spécialisation dans tel ou tel champ.

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1.5.Justification du sujet

1.5.1. Raisons subjectives

La Guinée, autrement appelée la République de Guinée ou la Guinée Conakry pour des raisons de différenciation avec les autres Guinée (Guinée Equatoriale, Nouvelle Guinée et Guinée Bissau qui fait frontière avec elle), est un pays assez riche en ressources naturelles de toutes sortes. A ce titre,elle est qualifiée de « scandale géologique » à cause de l'immensité de ses ressources naturelles, et de « château d'eau » de l'Afrique occidentale du fait de l'abondance de ses cours d'eau (potentiel hydroélectrique). Le Niger, troisième grand fleuve du continent et onzième du monde par sa longueur (4.180 km) y prend sa source. Elle dispose la plus grande réserve mondiale de bauxite et en est le deuxième producteur mondial après l'Australie. On y rencontre aussi le fer, le diamant, l'uranium, l'or, le manganèse, les forêts et tout récemment le pétrole en basse côte1. Malgré l'existence de toutes ces richesses, la majorité des guinéens vivent en dessous du seuil de pauvreté et le pays se classe parmi les plus pauvres de la planète. L'eau et l'électricité y manquent cruellement, les prix des denrées de premières nécessités ne font que grimper et la monnaie a perdu sa valeur. Etant né et grandi en Guinée, jouissant des avantages de la nationalité guinéenne et soucieux du développement de notre pays, nous avons nourri l'ambition d'orienter nos travaux dans la recherche de la paix sociale et du bien-être des populations guinéennes en faisant une analyse sociologique de la transition démocratique en cours.

1.5.2. Raisons objectives

Le discours sur la gouvernance politique, surtout quant il provient de milieux occidentaux semble, de plus en plus, porter sur la nécessité d'instaurer la démocratie dans tous les Etats. En effet, les institutions internationales et les grandes puissances ne manquent plus d'utiliser tous les moyens à leur disposition y comprit la technologie de guerre2 pour imposer la démocratie dans les pays « réfractaires » à ce système politique. Pour ces tenants de l'universalisme, seule la démocratie conduit au bien-être économique et social et pour cela, il faut en imposer l'usage à tous. Plusieurs pays africains se sont ainsi vus contraints de faire recours à la démocratie occidentale. C'est le cas de la Guinée, ancienne colonie française. Mais, pour les africanistes, la

1 La basse côte ou la Guinée Maritime, est l'une des quatre régions naturelles de la Guinée après la Guinée Forestière, la Haute Guinée et la Moyenne Guinée. C'est cette région qui abrite la capitale du pays : Conakry, considérée comme une zone spéciale à cause de son aspect cosmopolite dû à la présence de tous les groupes socioculturels du pays.

2 Comme ce fut le cas en Libye où sous prétexte d'une zone d'exclusion aérienne, la France, sous la protection des nations unies et de l'OTAN, dirigea une opération militaire destinée à éliminer physiquement Mouammar Kadhafi qui fut tué le 20 octobre 2011dans sa ville natale de Syrte après avoir résisté durant 8 mois.

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démocratie occidentale n'est point adaptée aux réalités du continent et elle y vient souvent sur fond de crise. Ce qui fait qu'elle finit toujours par faire des victimes qui ne sont que les pauvres citoyens assoiffés de justice et de liberté. Pour les tenants de cette approche culturaliste, l'avènement de la démocratie « exportée » de l'occident a contribué à l'accroissement des problèmes sociaux en Afrique. Pour cela, il faut faire recours à la culture et à l'éducation pour corriger les errements de la démocratie afin de parvenir à un développement. Dans cette perspective, le sujet semble être d'un intérêt particulier, en ce sens qu'il s'inscrit dans la problématique de la mise en oeuvre de la démocratie en Afrique. Il importe donc d'analyser la situation guinéenne afin de se situer sur les avantages et les inconvénients de la démocratisation sur la vie des populations guinéennes.

1.6.Présentation de la République de Guinée

1.6.1. Des rivières du sud à la Guinée

Plusieurs réflexions théoriques ont été faites sur l'origine du mot « Guinée ». Mais il est établi de nos jours que ce terme dérive du mot berbère « AGUINAOUI » qui désignait les populations noires situées plus au sud. Pour la première fois, ce mot fut mentionné sur la carte d'un navigateur italien Giovani de CARRIGNON vers les années 1320. Des années plus tard, il apparu dans « chronica de Freites de Guinée » du navigateur portugais Fanès de Zurara. C'est depuis cette date que ce nom est apparu sur toutes les cartes marines pour désigner les côtes de l'Afrique, allant de la Casamance au Gabon et par extension tous les produits venants de ces localités. C'est seulement après la conquête du territoire par la France dans la période de 1889-1893 que les frontières furent délimitées et la colonie porta le nom de « Les rivières du Sud ». Elle fut rattachée à l'Afrique Occidentale Française (AOF). Les limites actuelles du territoire de la Guinée furent fixées le 1er juillet 1912 grâce à un traité franco-anglais qui précisait ses limites avec la colonie anglaise de Sierra Leone. (STAR-GUINEE, 2008 : En ligne)

S'agissant du contact avec les Européens, il semble que ce sont les portugais qui furent les premiers à aborder les côtes guinéennes. Mais ils en seront plus tard éloigner par les anglais et les français qui devinrent les principaux animateurs du commerce des esclaves. Ce n'est qu'au début du XIXème siècle que la France manifesta clairement ses intentions de posséder la Guinée. C'est ainsi que les deux puissances rivales trouvèrent un accord entre elles mais aussi avec les chefs locaux, elles conclurent des traités et des conventions

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permettant à la France d'occuper, à partir de 1875, les « Rivières du Sud ». (ibid) Mais il faut noter que la pénétration coloniale s'était heurtée à de fortes résistances des populations guinéennes en général. La plus farouche résistance fut menée par les troupes de l'Almamy Samory Touré pendant dix huit ans contre les envahisseurs français. Cette résistance nationale fut affaiblie par les contradictions entre certains groupes socioculturels. (BEAVOGUI, 2001 : p. 102). Ce qui empêcha une résistance cohérente, forte et unie pouvant regrouper le fouta djallon du Roi Alpha Yaya Diallo, le manding de l'Amamy Samory Touré, la forêt de Kissi Kaba Keita et de Zébéla Tokpa Pivi et la basse côte de Dinah Salifou Camara. Après l'arrestation de Samory, la résistance se poursuivit jusqu'au-delà de décembre 1908 mais grâce aux canons français, le territoire des rivières du sud sera conquise entièrement par la France. (BEAVOGUI, op. cit. p. 103). C'est par le referendum du 28 septembre 1958 que la colonisation de la Guinée prendra fin. L'indépendance fut proclamée le 02 Octobre 1958 sous la direction du syndicaliste Ahmed Sékou Touré.

1.6.2. Géographie

La Guinée ou République de Guinée ou encore Guinée-Conakry, est le neuvième pays à obtenir son indépendance le 02 octobre 1958. C'est un pays côtier de l'Afrique occidentale qui couvre une superficie de 245.857 Km2. Elle partage plusieurs centaines de kilomètres de frontière avec les paysvoisins dont: au Nord-Ouest la Guinée Bissau (386 Km), auNord le Sénégal (330 Km), au Nord-Est le Mali (858 Km), àl'Est la Côte d'Ivoire (610 Km), au Sud la Sierra Leone (652Km) et le Libéria (563 Km). A l'Ouest, le pays s'ouvre à l'océan Atlantique sur 320 Km de côte. C'est là que se situe le massif du Fouta Djallon, considéré comme le « château d'eau de l'Afrique de l'Ouest ». Le plus haut sommet du pays est le mont Nimba (1752m). Vingt deux fleuves de la sous-région y prennent leur source parmi lesquels le Niger et le Sénégal. (AFRISOP, 2011 : En ligne)

Administrativement, la Guinée se subdivise en 8 régions administratives regroupant 33 préfectures, 305 Communautés rurales de développement (CRD) et 5 Communes dans la zone spéciale de la capitale Conakry. Selon les statistiques du dernier Recensement Général de la Population et de l'Habitat (RGPH), la Guinée compterait de nos jours près de 11millions d'habitants avec une forte concentration dans la capitale Conakry, dans la Région forestière (N'Zérékoré, Gueckédou) et dans les zones minières de la Haute Guinée (Siguiri, Kérouané) et de la Basse côte (Fria, Boké). (CENI, 2011; p. 8). Cette population est en majorité jeune et se repartie comme suit : - de 0 à 14 ans (44%) ; - 15 à 64 ans (52,4%) ; - plus de 65 ans (3,2%). La densité moyenne est de 40 hab./Km2. La majorité des guinéens vivent en milieu

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rural soit 70% et une minorité de 30% en milieu urbain. Une partie importante de la population vivent à l'étranger pour des raisons tant politiques qu'économiques (OMAR TOURE, 2011 : En ligne). Voir la carte en page de couverture ou page de garde.

1.6.3. Groupes socioculturels

Selon une étude réalisée par l'Université de Laval (UNIVERSITE DE LAVAL, 2011 ; En ligne),la Guinée compte près d'une trentaine d'ethnies parlant chacune leur langue. Sur la base des données du dernier recensement ethnique effectué avant l'indépendance (1955), les peuls sont les plus numériquement important (40 % en 1955), suivis des malinkés (35 % en 1955), des Soussous (15 % en 1955), puis des Guerzés, des Kissiens, des Tomas, des Landoumas, des Bagas, etc. En effet, en raison de l'existence de «regroupements» ethniques, il est difficile de définir l'appartenance ethnique d'un guinéen. Il existe des «assimilés» (comme les Bagas et les Landoumans par rapport aux Soussous), les «apparentés» ( les Toucouleurs et les Peuls) et les sous-groupes ( les Kourankos, les Leles, etc., par rapport aux Malinkés). Selon la même source, partant de ces regroupements ethniques, les malinkés et leurs « assimilés », formant de 30 % à 35 % de la population, constitueraient le groupe le plus important; suivis par le groupe des Peuls et les Toucouleurs avec 30 %; ensuite les Soussous et «assimilés», puis les «forestiers» (les habitants de la Guinée forestière), avec 18 %. Les autres petites ethnies, ne représentent que 2 % à 3 % de la population. Les peuls, les malinkés et les soussous représentent les 3/4 de la population totale. Les langues parlées par les guinéens sont qualifiées de langues nigéro-congolaises comme le poular (32 %) parlé par les Peuls, le maninka (24 %) parlé par les Malinkés, le soussou (10 %), le guerzé (3,8 %), le kissi (3,5 %), le toma (1,8 %), le dialonké (1,8 %), etc. Seuls les 15 % à 25 % des guinéens maîtrisent le français qui est pourtant la langue officielle du pays. Cette langue est presqu'inconnue dans les villages reculés. Les langues les plus véhiculées sont le poular, le malinké et le soussou. L'arabe est exclusivement réservé aux adeptes du Coran. Au point de vue religieux, les musulmans sont dominants en Guinée, avec près de 85 % d'adeptes contre 5 % d'adeptes des religions traditionnelles animistes et 4 % de chrétiens (dont 3 % de catholiques et 1 % de protestants évangéliques).

1.6.4. Politique

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Le paysage politique guinéen est de nos jours occupé par près de 215 partis politique constitués légalement. Mais depuis les premières élections présidentielles 1993 jusqu'en 2006 les élections ont été boycottées par la majorité des partis politiques opposés au régime du General Lansana Conté. Celui-ci, à la tête du CMRN, avait prit le pouvoir par un coup d'Etat après le décès du père de l'indépendance. Ce coup d'Etat du 03 Avril 1984 tournait la page de 26 années de règne du parti unique par l'instauration d'un multipartisme intégral qui constituait un espoir pour les milliers d'exilés guinéens. (CENI, 2011 : p. 8)

Au terme de plusieurs années de boycott suivi de la suspension de la Guinée à des instances internationales. Ces suspensions eurent pour conséquence la limitation de l'accès au financement extérieur. Pour débloquer cette situation, le parti au pouvoir engagea le dialogue avec les partis de l'opposition suite aux évènements de janvier et février 2007. Ces évènements avaient abouti à la nomination d'un premier ministre, chef d'un gouvernement de consensus.Sous l'égide du gouvernement de consensus, l'Assemblée Nationale adopta quatre projets de lois essentiels au processus électoral :

? Loi portant amendement du Code Electoral avec comme point saillant, l'implication de la Commission Electorale Nationale Indépendante dans toutes les phases d'organisation des consultations électorales et référendaires ;

? Loi portant statut des Partis politiques de l'opposition ;

? Loi L/2007/013/AN portant Création, Attributions, Compositions, Organisation et Fonctionnement de la CENT ;

? Loi portant modalités de subventions publiques des activités des partis politiques. (ibid.)

Ce qui ouvrait la voie à un processus électoral soutenu par la communauté internationale avec la mise en place en juillet 2007 d'un Projet d'Appui aux Elections Législatives (PAEL). Le lancement du PAEL fut suivi par le lancement des activités de la CENT en décembre 2007. L'UE promettait aussi la prise en charge du de matériels et d'équipement de recensement biométrique pour l'obtention d'un fichier électoral moderne et consensuelle. Ce qui permit le lancement officiel en août 2008 des activités de recensements d'électeurs qui, avec plusieurs interruptions, ne s'acheva qu'en mai 2009 alors qu'elles n'étaient prévues que pour deux mois. (CENT, op. cit. : p. 9). A l'annonce du décès du président Conté le 23 décembre 2008, le Capitaine Moussa Dadis Camara, à la tête du CNDD, s'empara du pouvoir en promettant le

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retour rapide à l'ordre constitutionnel. Quelques après, le 04 janvier 2009, le CNDD confia l'organisation des élections à la CENI avec pour partenaire le Ministère de l'Administration du Territoire et des Affaires Politiques (MATAP). Cet optimisme qui faisait croire à l'organisation des élections législatives avant fin 2009, fut contré par la détérioration de la situation sécuritaire et les évènements du 28 septembre 2009. La communauté internationale se constitua en Groupe International de Contact sur la Guinée. (GIC-G) afin de suivre la situation sur la base des éléments du communiqué de la CEDEAO en date du 10 janvier 2009 à savoir :

? La mise en place d'un Conseil National de Transition (CNT) organe délibérant regroupant civils et militaires en vue de la réalisation des objectifs de la Transition ;

? La mise en place d'un forum consultatif regroupant toutes les composantes de la société guinéenne qui servira de cadre au dialogue permettant aux guinéens d'oeuvrer au renforcement de la cohésion nationale ;

? Le parachèvement du processus de transition à travers l'organisation d'élections libres, régulières et transparentes en 2009 ;

? La non participation des membres du CNDD ainsi que du Premier Ministre de transition et des membres de son gouvernement aux Elections à organiser en 2009. (ibid.)

Suite à des dissensions au sein de la junte face à la poursuite des responsables des tueries du 28 septembre 2009, le Capitaine Moussa Dadis Camara sera victime d'une tentative d'assassinat par son aide de camp. Par la médiation du président burkinabè, la déclaration de Ouagadougou signé le 15 janvier, désigne le General Sékouba Konaté comme président intérimaire de la Guinée. Cette déclaration prévoyait entre autres : la création du CNT comme organe chargé de réviser le cadre législatif, la nomination d'un Premier Ministre issu des forces vives, la formation d'un gouvernement d'union nationale, la révision du fichier électoral et l'organisation d'élections présidentielles dans un délai de six mois.(CENI, op. cit. : pp. 9-10).

C'est donc dans le cadre de cette transition que la CENI est devenue une institution de l république dotée d'une personnalité juridique et jouissant d'une autonomie financière. Malgré des difficultés et des défaillances techniques, la CENI a pu relever le défi de l'organisation de ce premier scrutin de son histoire dans des délais très courts. Le scrutin du 27 juin 2010 s'est construit autour d'un fichier électoral comptant 4 297 688 inscrits, dont 122 117 à l'étranger (diaspora). (CENI, Op. Cit. : p. 10). Parmi les défaillances enregistrées ont peut noter : la marginalisation de majeurs, difficultés pour les populations rurales

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d'accéder aux CARLE, taux important d'erreurs de saisie ou de traitement. Les opérations d'épuration des listes ont révélé que 491 241 inscrits présentent des anomalies qui en interdisaient le traitement, obligeant la CENI à élaborer une procédure exceptionnelle pour leur permettre de prendre part au vote avec leur récépissé d'inscription.C'est dans ces circonstances que la CENI a rendu possible la tenue effective du scrutin du 27 juin 2010. Ce scrutin est perçu comme le plus ouvert de l'histoire du pays avec 24 candidats retenus sur la base de l'appel à candidature lancé par la Cour Suprême le 13 mai 2010. Malgré le montant de la caution fixé à quatre cent millions de francs guinéens (400.000.000 GNF) et qui semblait avoir limité le droit à la candidature, n'était aucun obstacle pour les candidats qui avaient massivement déposé leurs dossiers de candidature. La validation des candidatures se faisait sur examen sanitaire par un Collège de médecins assermentés constitué à cet effet.(ibid).

Selon la commission électorale (CENI, op. cit. : p. 21), à la date du 12 Mai 2010, c'es-à-dire environs un moins avant le scrutin, le fichier électoral présentait l'état suivant :

Nombre total d'électeurs : 4.297.688

Electeurs correctement inscrits (biométriques):3.806.447 Electeurs présentant des « anomalies » : 491.241 Répartition des électeurs au niveau national: 3.684.330 Guinéens de l'étranger : 122. 117

Nombre de bureaux de vote : 8.296

Au terme des résultats du premier tour, le RPG et l'UFDG fut admis à se présenter au deuxième tour du scrutin qui eut lieu le 7 novembre 2010 malgré les tensions et les violences enregistrées entre les militants des deux partis. Après la totalisation des résultats et l'examen des réclamations du RPG et de l'UFDG, la commission, par la voie de son président3, proclama les résultats, comme suit :

? Nombre d'inscrits : 4 270 531

? Nombre de votants : 2 898 233

? Pourcentage : 67,87%

3 Suite à des malentendus entre les deux partis concernant la présidence de la CENI et face au refus de l'Eglise de laisser siéger Son Excellence Monseigneur Albert David Gomez nommé par le président de la transition à la tête de la CENI, c'est le Général malien SiakaToumani Sangaré qui fut nommé par le président de la transition pour assurer la présidence de la CENI. Cette nomination fut acceptée par les deux candidats parce que n'étant pas guinéen, il était supposé être neutre.

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? Bulletins nuls : 89 594

? Suffrages exprimés : 2 808 639

Suffrages obtenus par candidat :

?

Mamadou Cellou Dalein Diallo:

1

333

666

Pourcentage : 47,48%

?

Professeur Alpha Condé:

1

474

973

Pourcentage : 52,52%

 

(CENT, op. cit. : p. 23-24)

Ces résultats furent transmis à la Cour Suprême le jeudi 18 novembre 2010 accompagnés des requêtes et réclamations reçues du RPG et de l'UFDG. Par arrêt n°05/CS/CCA, en date du 2 décembre 2010, la Cour Suprême, statua sur les contestations et confirma les résultats tels que proclamés par la CENT et proclama les résultats définitifs du scrutin du 7 novembre 2010. Le Professeur Alpha Condé, candidat du RPG, fut proclamé président de la république. (ibid.)

1.7.Présentation et justification du cadre de l'étude

Le sujet porte sur la transition démocratique en république de Guinée mais les zones couvertes par cette étude sont les communes de Porto-Novo, de Cotonou, d'Abomey-Calavi et de Sèmè Kpodji.

? Le choix de la commune de Cotonou est dû à la présence massive des guinéens issus de plusieurs catégories dont: ceux ayant quitté le pays sous le coup de la crise politique actuelle, les représentants de partis politiques guinéens, les responsables des structures et associations de ressortissants guinéens, les fonctionnaires guinéens en service au Bénin, les commerçants, etc. Démographiquement, Cotonou regroupe un ensemble humain très représentatif de la société guinéenne. On y rencontre des hommes et des femmes originaires des quatre régions naturelles de la Guinée, des membres de la mouvance présidentielle et de l'opposition ce qui constitue une assurance quant à la problématisation du sujet avec l'évidence des écarts en fonction des provenances politiques et sociales.

? Sèmè Kpodji, commune environnante de Cotonou, est aussi une zone frontalière avec le Nigéria voisin (arrondissement de sèmè kraké). Le coût de la vie y est moins élevé que dans la capitale économique et les activités économiques semblent y être

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florissantes. Ce qui attire certains guinéens du domaine informel notamment les artisans, les commerçants, les conducteurs à s'y installer. La plupart d'entre eux sont issus des groupes sociolinguistiques des deux candidats admis au second tour de l'élection présidentielle en Guinée.

? Abomey-Calavi abrite le plus grand centre universitaire du Bénin et par conséquent, on y trouve des étudiants venus de divers horizons dont la Guinée. Le choix de cette commune s'explique non seulement par la présence de ces étudiants guinéens sur le campus universitaire d'Abomey-Calavi mais aussi par l'existence de cafétariats gérés par des jeunes guinéens qui, pour la plupart sont venus faire fortune au Bénin mais ne sont pas enregistrés au consulat et ne sont membres d'aucune association de ressortissants guinéens au Bénin.

? Porto-Novo, capitale politique de la République du Bénin a été choisie du fait de la présence du doyen de la communauté guinéenne, de quelques fonctionnaires guinéens, des étudiants guinéens en cycle doctoral, de quelques artisans et des femmes guinéennes mariées à des béninois. On y rencontre plusieurs groupes sociolinguistiques de la Guinée. Cette diversité est d'une importance dans la mesure où elle permet de retenir des données constantes ou unités sociologiques de comparaison sur la transition démocratique guinéenne.

1.8.Quelques axes actuels de la discussion

L'Afrique de l'Ouest a connu trois principaux cycles politiques dont le premier correspond juste à l'époque d'après-indépendances au moment où existait la démocratie multipartite. Mais les contradictions et les tensions du système de parti de l'époque ont donné naissance a un second cycle : c'est l'époque des partis uniques et des dictatures militaires marquée par des interventions militaires au Togo en mai 1963, au Nigeria en janvier 1966 et au Sénégal de 1966 à 1974. Durant ce cycle, l'espace politique était qualifié d' « artificiel » dans la mesure où les partis d'opposition n'existaient pas dans certains cas tandis que dans d'autres ils étaient simplement bannis. Le troisième cycle correspond à l'ère de la démocratisation (1980-1990) qui s'est déroulée de façon très irrégulière dans toute la sous région. Dans certains pays, le processus s'est soldé par des conférences nationales qui ont ouvert la voie à l'émergence du `'pouvoir populaire». (International IDEA, 2007: p.20)

De façon générale, le mouvement de démocratisation en Afrique connait deux périodes dont la première qualifiée de temps de la ferveur démocratique commence en 1989 et s'achève en 1996 tandis que la seconde période part de 1997 et se poursuit jusqu'à nos jours. Mais en faisant une analyse du mouvement de démocratisation de cette seconde période en Afrique noire francophone, on peut considérer deux temps majeurs : la période de restructuration des espaces politiques nationaux influencée discrètement par la France et le temps de la consolidation des expériences nationales. (AKINDÈS, 2005 : p. 610).

Pour International IDEA, (2007: p.21), si au Bénin la conférence nationale a été un modèle standard dans toute l'Afrique de l'Ouest francophone, elle n'a pas connu les mêmes succès au Togo. Dans certains pays, le processus de démocratisation a été formel à travers des programmes de transition politique élaboré par des militaires au pouvoir en vue de transmettre le pouvoir aux civils comme au Nigéria et au Ghana. Une troisième situation correspond à celle de la Côte d'Ivoire, du Libéria, de la Sierra Leone, la Guinée-Bissau où la démocratisation s'est soldée par la guerre civile. Il y a eu de même de sérieuses menaces d'instabilité dans plusieurs Etats comme au Sénégal avec le mouvement séparatiste de la Casamance depuis 1982, la rébellion touareg au Niger et au Mali, le problème du Delta du Niger au Nigeria sont autant de menaces pour la « santé politique » de l'Afrique Occidentale.

Les affirmations de cet auteur sont encore d'actualité quant on sait que la crise Libyenne a permit à la rébellion touaregs de se réarmer lourdement pour combattre l'armée malienne. Mais l'auteur n'aborde pas dans son ouvrage la question du placage démocratique comme facteur principal de la menace de la « santé de politique » de l'Afrique. Pourtant, le véritable problème demeure la transplantation de la démocratie occidentale sur le sol africain.

Bathily, cité par International IDEA (2007 : p.21), constate pour sa part, que le processus de démocratisation en Afrique Occidentale à aboutit à un résultat plein de contrastes frappants. Presque tous les Etats sont fragiles en ce sens qu'ils présentent d'énormes signes d'instabilité politique durable. Certains présentent encore des conflits non résolus comme c'est le cas de la Côte d'Ivoire tandis que d'autres comme le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée-Bissau, même avec beaucoup de difficultés, mais avec le soutien de la communauté internationale, se sont engagés sur le chemin de la paix ; le Burkina Faso, le Togo et la Gambie sont dirigés par des régimes autocratiques qui s'accrochent au pouvoir et refusent aux autres partis l'accès au pouvoir ; Il y a eu des progrès significatifs dans d'autres Etats avec la réussite de l'épreuve des deux élections démocratiques comme au Sénégal, au Bénin et au

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Ghana où des partis politiques de l'opposition ont réussit à renverser des régimes politiques au pouvoir grâce au processus de démocratisation. Depuis 1990, le Bénin a connu des élections libres.

Le tableau de fragilité des Etats africains dressé par cet auteur est aussi en rapport avec les réalités mais ce qu'il faut ajouter est que le maintien en fonction de ces régimes dits autocratiques peut s'expliquer soit par leur ralliement à la cause occidentale en Afrique ou soit à leur faible potentialité de menace contre les intérêts de l'occident en Afrique. Car, les occidentaux opèrent des « coups bas » contre ces dirigeants hostiles à leur idéologie et aident ceux qui en sont favorables à se maintenir au pouvoir ou à opérer la dévolution monarchique4 pour garantir leurs intérêts.

En abordant l'aspect juridique des transitions démocratiques africaines, DIOP(2006 : p. 110)affirme pour sa part que la transition démocratique amorcée en Afrique noire francophone dans les années 1990 a été un long processus de conquête juridique qui visait à encadrer et à améliorer la pratique politique. Cette transition a été caractérisée par le renouveau du Droit qui a permis aux partis exclus depuis plusieurs décennies, de rebondir sur la scène politique. Ces changements ont entrainé la chute des régimes à parti unique au profit du multipartisme et du renouveau démocratique. Cet auteur comme on peut le constater, n'aborde la question démocratique que sur l'aspect juridique. Or, en dehors du cadre juridique, d'autres domaines méritent un sérieux examen. Car, la démocratie peut s'inscrire dans tous les aspects de la vie sociale.

REDJEME, (2004 : p. 75) constate que depuis 1980 le continent africain traverse une crise économique sans précédent. Et c'est dans cette situation de crise que le « vent de démocratisation » a commencé à souffler sur le continent à partir des années 1990. Pour lui, les peuples africains n'ont pas été mis au coeur de leur propre développement et que c'est dans un cadre de misère généralisé caractérisé par l'ignorance, la famine et les maladies, que ces populations vont aux élections en vendant leur destin aux « plus offrants ». Selon lui, en Afrique, en lieu et place des élections démocratiques dont on parle toujours, c'est en réalité le libre achat des consciences qui s'effectue.C'est pour cette raison que la démocratie exportée par l'occident en Afrique dans des situations de crise, peut être comparable à une

4 Au Togo, Faure Gassingbé a succédé à son père Eyadema et dirige le pays depuis 2005.

En République Démocratique du Congo, Joseph Kabila a succédé à son père Laurent Désiré Kabila à la mort de celui-ci en 2001

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« thérapeutique faussement appliqué sur un mal faussement diagnostiqué ». On constate dès lors que la démocratie sponsorisée par l'occident ne résout pas les questions d'injustice sociale et économique. Elle ne tient compte que des intérêts de l'occident qui, avec moins d'un milliard d'habitants, représente 15% de la population mondiale et a la mainmise sur 85% de cette population (ibid). Le constat de cet auteur est accablant car, il projette une lumière sur l'injustice que subissent les Etat africains dans leurs rapports avec les puissances occidentales.

Cet auteur aborde aussi la question de la mondialisation qu'il qualifie d' « entreprise néo-impérialiste » et qui se manifeste en Afrique à travers les Institutions de Brettons Woods (IBW) dont le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) qui imposent aux Etats des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) qui ont aboutit à des résultats très médiocres à tous les niveaux : la régression de la croissance économique, l'échange inégal dans le commerce international, l'accroissement du chômage et de la pauvreté, l'augmentation de la déscolarisation et de la mortalité infantile, l'Etat voué au remboursement de la dette. Pour mieux réussir leur politique, les puissances qui contrôlent l'économie africaine confient les transitions démocratiques à une nouvelle classe de « technocrates » qui ne sont que des anciens collaborateurs des institutions financières et qui sont jugés moins nationalistes et plus « pro-occidentaux » que leurs prédécesseurs. (REDJEME, op. cit. : p. 75-76)

Pour Saby cité par REDJEME, (op. cit. : p. 76), « la banque mondiale et le fond monétaire international ont été les instruments de l'étranglement permanent de la plus part des pays au niveau économique et par conséquent démocratique, et du blocage du respect des droits de l'Homme ».Dès lors, les PAS imposés par ces institutions internationales financières sont jugés « antidémocratiques » et ne peuvent permettre la bonne gouvernance qui doit pourtant être le fondement de toute gestion participative et démocratique. L'auteur conclut par ces termes : « La démocratisation en cours n'aura de portée heureuse pour les peuples africains que si elle est une composante politique d'un autre modèle de développement. Et réciproquement, cet autre modèle sera bienfaisant pour les peuples que s'il est démocratisé et s'il y a une socialisation du développement ».

Ainsi s'annonce la nécessité pour les peuples africains de prendre leur destin en main et de promouvoir leur propre développement. Cependant, la question des institutions financières (FMI, BM) qu'aborde cet auteur en les qualifiant d'être les instruments de l'étranglement de l'Afrique, est contradictoire. Le monde est caractérisé par une lutte perpétuelle où chacun défend ses intérêts. Il appartient donc aux Etats africains de défendre les leurs au lieu de pointer du doigt les autres.

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Un autre aspect analysé par ICONZI et al, (2004 : p. 41), est la situation des libertés individuelles. Pour ces auteurs, dans un pays où il n'y a pas de libertés individuelles, de société civile active, d'évaluation des actions des gouvernants par les gouvernés à travers des élections démocratiques, on ne peut pas parler de développement. C'est la démocratie qui permet aux opposants d'exprimer leurs positions en apportant des changements à l'intérieur du système sans pour autant le détruire. Ils estiment que les démocraties arrivent à mieux gérer les conflits, à éviter les catastrophes comme la famine, la ruine économique tandis que les régîmes autoritaires sans opposition, ni critique, ni menace dorment tranquillement et agissent avec impunité. La question des libertés individuelles en démocratie fait couler beaucoup d'encre et de salives et reste une problématique majeure du débat démocratique. Si l'auteur pense que les démocraties gèrent mieux les conflits, il faut ajouter qu'elles engendrent aussi autant de conflits qu'elles ne les gèrent.

Pour Zacharie (2004), cité par ICONZI et al (op. cit. : p. 40), si la pratique démocratique engendre le développement, on ne doit pas en faire une exigence pour l'aide au développement. Cette procédure constitue ainsi une sanction comme toute autre sanction économique et reste inefficace. Pour ces auteurs, loin d'être un « prêt-à-porter» la gouvernance démocratique est un processus qui doit prendre en compte les valeurs, les traditions et le niveau de développement, et ; par conséquent, doit éviter toute précipitation au risque de provoquer une guerre civile. Parlant du cas de l'Afrique, Assogba (2000) cité par ICONZI et al (op. cit. : p. 39), dira que la gouvernance démocratique ne peut entrainer un véritable développement durable que si elle met en place des mécanismes de « rattrapage » par rapport à elle-même avant de se mettre à « rattraper » les autres.

La conditionnalité démocratique de l'aide au développement est une « arme économique » et géostratégique de l'occident contre les pays du sud. Et lorsqu'un régime refuse de s'y conformer, les puissances occidentales lui font l' « embargo ». Or, dans la pratique, les relations internationales ne sont pas démocratiques puisque des démocraties occidentales soutiennent des régimes totalitaires et renversent les nouvelles démocraties. Pour ces auteurs, la démocratie est un frein au développement dans les pays pauvres où elle favorise le désordre et la renonciation des dirigeants aux décisions courageuses. Elle est même durable dans les pays riches que dans ceux pauvres. Ils affirment que c'est sous les régimes dictatoriaux que les croissances économiques les plus rapides se réalisent souvent. Dire que la gouvernance démocratique est antérieure au développement n'est pas évident tout

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comme la révoquer à des peuples vivant dans la misère en la considérant pour un luxe est une usurpation. (Ibid.)

Selon des études réalisées par la BM en 2001c et 2002 e cité par ICONZI et al (op. cit. : p. 43), les malversations économiques sont fréquentes dans les régimes plus démocratiques que dans les régimes moins démocratiques. Un rapport mondial sur le développement humain dit ceci : « la gouvernance démocratique et le développement partagent un dénominateur commun : ils constituent tous deux d'avantage un voyage qu'une destination, une promesse qu'une liste exhaustive ». Avant de conclure qu'aucune société n'est complètement démocratique ni totalement développée et que l'important est d'aller toujours en avant et non de reculer. (PNUD, 2002)

Des pays comme la Chine et l'Inde ont su imposer leur modèle de développement inspiré de leur tradition. Pourtant leur adhésion à l'idéologie démocratique est très faible. L'Afrique ne peut-elle pas inventer son modèle de développement inspiré de ses valeurs traditionnelles ?

Pour NOUHOUAYI5 (2010 : p. 3), la démocratie est devenue une « manne populaire » que presque tous les pays veulent s'offrir « aveuglement » à l'exception de quelques pays « réfractaires » à cette idéologie comme la Chine populaire, le Cuba et quelques pays arabes. Certains comme la Grande Bretagne, la Finlande, la Norvège, le Danemark et la Suède en ont adopté le style tout en « l'accommodant » à leurs traditions.Avec des principes séduisants et des promesses de Liberté, d'égalité, de droit à l'expression et à l'émancipation, la démocratie suscite l'espoir. Mais la réalisation de ces promesses se solde toujours par des déceptions qui arrivent souvent lorsque les gouvernants sont incapables de tenir leur promesse mais aussi lorsque les pays concernés sont dotés de ressources économiques qui font l'objet de convoitises des autres pays.Ces « aléas »dits intérieurs et extérieurs peuvent disparaitre mais d'autres difficultés d'ordre structurel affectent aussi le fonctionnement de la démocratie et l'oblige à « se prendre en otage » par le payement d'un lourd tribut, indispensable à son existence. Ces difficultés se posent dans les consultations populaires, la vie des institutions et l'exercice de la souveraineté nationale. (NOUHOUAYI, op. cit. : p. 4). Pour lui, les scrutins électoraux sont un indicateur de la gouvernance démocratique. Mais le coût élevé des campagnes électorales qui s'accompagnent aussi du libre achat des consciences et de la corruption, « sapent » le développement des pays en voie de développement. (ibid.)

5 Il s'agit du Professeur Emérite Albert NOUHOUAYI, enseignant à l'Université d'Abomey-Calavi, chef de filière Sociologie de l'Ecole Doctorale Pluridisciplinaire, directeur de recherche de la présente étude.

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Un autre aspect qu'il analyse est le partage du pouvoir entre les différentes institutions dont l'exécutif, le législatif, le judiciaire, l'information et de la communication. Il estime que si chacune de ces structures doitavoir ses propres ressources matérielles, humaines et financières, les pays pauvres resteront toujours endettés. C'est dans cette optique qu'il soutient que toutes les structures de la démocratie ne doivent pas être installées à la fois car, elles constituent de véritables « gruge-budget ». Il pose la question de savoir si un pays qui, pour la cause démocratique installerait une seule institution en prenant soin d'intégrer les autres ne peut-il pas amasser des ressources utiles pour son développement ? (NOUHOUAYI, op. cit. : p. 6)

Parlant de la souveraineté nationale il soutient que les pays africains s'imposent des contraintes au nom de la démocratie dont la culture politique les manque. Pour lui, ces pays qui viennent de s'engager dans « la course démocratique », veulent avancer aussi vite que ceux qui en ont la culture politique depuis des siècles. La souveraineté est ainsi compromise si un peuple s'impose des devoirs auxquels sa mentalité ne correspond pas et si l'on ne fait pas des choix en rapport avec ses intérêts. L'aspect apparent de la démocratie est conformiste et non développementaliste. (NOUHOUAYI, op. cit. : p. 7)

Il conclut que la démocratie est un mode de gestion politique qui pèse très lourd sur l'économie des pays pauvres. Or que son utilité devrait être sa capacité de sortir ces pays du sous-développement. Pour lui, le pire est que certains pays africains considérés de pauvres sont très riches en ressources naturelles que leur gestion démocratique ne les permet pas de transformer en biens et services utiles à la vie des populations. Il propose donc que les pays qui adoptent la démocratie n'en fasse pas un « menu intégral » mais « l'assaisonnent au gout de leur culture » et cela en fonction de leurs moyens. Il affirme cependant qu'en dehors de la démocratie, il existe plusieurs modes de gestion politique et qu'on n'est pas donc obligé de vivre par la démocratie si elle ne nous est pas utile. (NOUHOUAYI, op. cit. : p. 8)

Cet auteur a fait un apport édifiant à la problématique de la démocratie mais n'a pas définit le modèle de gestion politique qui, en défaut de la démocratie, peut être meilleur pour les pays africains voulant se passer de la démocratie.

En somme, il apparait que la démocratisation de l'Afrique qui remonte à l'avènement des indépendances, (International IDEA, op. cit. : p.20) n'a cependant pas apporté le bonheur promit par les principes démocratiques. Si quelques pays ont réussi un processus de démocratisation pacifique, le continent dans son ensemble présente une santé politique très fragile et déséquilibrée. Si les Etats africains se sont engagés sur le chemin démocratique, il

faut dire que c'est par pure conformisme car, les enjeux liés au jeu démocratique n'ont pas été mesurés. Le véritable problème est que la démocratie n'a pas pris en compte les réalités des peuples concernés. Or, les réalités africaines sont différentes de celles asiatiques, européennes et américaines. Vouloir imposer à l'Afrique une démocratie à l'universelle ne constitue qu'un obstacle dans sa marche vers le développement. Partant de ces différents auteurs, la démocratie se présente en Afrique comme un instrument de l'occident qui a pour but de favoriser le pillage du continent noir. Un autre aspect important est la revalorisation des traditions africaines. Ainsi, pour aller vers un véritable développement, il serait préférable pour les pays africains de revisiter leur passé car, l'Afrique ancienne disposait des institutions politiques bien structurées et stables. Ces institutions étaient de véritables foyers de la démocratie. C'est le cas du moligui6 chez les toma de la Guinée et du Libéria.

Tout au long de ce travail, il s'agit de dévoiler le caractère que révèle la démocratie en tant que système de gestion politique dans son application en Afrique de façon général et en Guinée de façon particulière en se basant sur les opinions de la diaspora vivant au Bénin. C'est aussi le lieu de marquer la nécessité de faire recours aux valeurs endogènes ou éducatives de la démocratie et non aux valeurs marchandes occidentales.

6 Institution politique traditionnelle du groupe socioculturel Toma de la Guinée et du Libéria. Elle jouait le rôle d'organe consultatif et était composé de représentants des différents clans formant une royauté. D'où la preuve de l'existence d'un véritable modèle de démocratie dans les sociétés africaines traditionnelles.

1.9.Modèles théoriques d'analyse

Ici sont exposées, les approches systémique et structuro-fonctionnaliste censées expliquer le sujet de cette recherche. Ces approches permettent de mieux saisir les dynamiques sociales de la diaspora face à la transition en cours en Guinée. Mais l'analyse systémique reste le modèle dominant par son aptitude à mieux saisir les interactions entre les différents agents/acteurs du champ politique guinéen.

L'analyse Systémique

Cette approche permet de comprendre que le système politique démocratique guinéen s'inscrit dans un système démocratique mondial (mondialisation) et présente également des sous-systèmes en son sein (acteurs politiques nationaux). Ainsi, le système politique doit faire face à des contraintes et des demandes (inputs) venant soit des acteurs politiques nationaux ou soit des organisations régionales ou mondiales. On parle ainsi des inputs intra sociétaux et des inputs extra sociétaux. Les inputs intra sociétaux proviennent des acteurs de la vie politique nationale comme les citoyens, les syndicats, les partis politiques...Les inputs extra sociétaux proviennent quant à eux des acteurs vivant hors du pays comme les organismes internationaux, la diaspora... Ce qui laisse au système une marge d'autonomie très restreinte et le contraint à prendre des décisions et à agir (outputs). Ces outputs engendrent des effets (rétroactions ou feedbacks) venant des acteurs internes et externes. Ces effets peuvent être positifs (stabilisateurs) ou négatifs (déstabilisateurs). S'ils sont positifs, ils diminuent les exigences et augmentent les soutiens en faveur du système politique. Mais s'ils sont négatifs, les exigences augmentent envers le système politique. (SARGET, 2005 : En ligne). Comme c'est le cas de la Guinée actuelle où les exigences ne font qu'accroitre.

L'analyse systémique donne la possibilité de partir du système politique guinéen et ses contraintes pour comprendre les interactions entre les acteurs politiques du processus de transition (ALPE et al, op. cit ; p.15). Pour les tenants de cette approche, l'évolution de tout système politique est le produit de son interaction avec les autres systèmes c'est-à-dire, de son environnement. Mais cet environnement peut être décomposé en différents systèmes sociaux internes comme externes et chaque système étant décomposable en différents sous-systèmes et le tout dans une interaction réciproque. Il n'existe pas cependant de système dominant ou faible ce qui n'exclut pas la domination d'un système sur les autres.

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Schéma II :Modèle d'analyse systémique

Diaspora

Système
politique
guinéen

Inputs externes

Inputs internes

Communauté internationale

Out put

Source : A partir de la synthèse des données de terrain

Explication: Le système politique guinéen reçoit des inputs (exigences ou soutiens) internes en provenance des acteurs politiques nationaux et des inputs externes provenant de la diaspora et de la communauté internationale. Le système réagit à son tour en produisant des outputs (actions et décisions) qui suscitent des effets à l'endroit des acteurs internes et externes. Si ces outputs sont positifs, ils augmentent les soutiens et stabilisent le système politique. Mais s'ils sont négatifs, ils augmentent les exigences et déstabilisent le système. Cependant, la diaspora conserve une position stratégique dans la mesure où, en dépit de son statut externe, elle peut aussi directement agir sur les acteurs internes avec qui elle garde un lien très étroit. Cela ne signifie pas qu'elle domine les autres systèmes car, dans une analyse systémique, il n'existe pas de domination mais d'interdépendance..

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Le Structuro-fonctionnalisme

Le structuro-fonctionnalisme est une théorie sociologique de portée générale dont l'auteur principal est le sociologue américain Talcott Parsons (1902-1979). On le distingue des autres formes de fonctionnalisme par son ambition et sa démarche. Cette théorie se caractérise par une orientation systémique et l'établissement de l'interdépendance entre les composantes d'une structure. (AKOUN et ANSART, 2006 : p. 228).

Schéma III :Modèle d'analyse structuro-fonctionnaliste

ACCOMPAGNEMENT DE LA
TRANSITION DEMOCRATIQUE

Diaspora politique

Diaspora
commerciale et
économique

DIASPORA GUINENNE DU BENIN

Maintien de
l'équilibre du
fonctionnement
des activités de la
diaspora

Diaspora Sanitaire

Diaspora religieuse

Diaspora éducative

Diaspora familiale et artisanale

Source : A partir de la synthèse des données de terrain

Selon cette approche, la diaspora dans son ensemble est une structure sociale composée de sous-structures dépendantes les une des autres. Cette interdépendance des sous-structures permet d'assurer le maintient de l'équilibre des activités de la diaspora dans l'accompagnement du processus démocratique en Guinée à travers les échanges sociaux existant entre les composantes de la diaspora. Ce qui équilibre le caractère trop statique de l'analyse. Ce schéma montre que toutes les structures assurent des fonctions grâces auxquelles les activités de la diaspora s'ordonnent pour s'adapter à la situation politique en cours en Guinée.

II- CADRE PRATIQUE

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2.1.Nature de l'étude

La présente recherche est de nature qualitativeen ce sens qu'elle est à la fois descriptive et compréhensive. Descriptive parce qu'elle décrit le processus de transition amorcé en Guinée et compréhensive parce qu'elle cherche à recueillir des discours et des réactions autant politiques que sociales permettant une approche compréhensive des préoccupations politiques de la diaspora guinéenne vivant au Bénin. Cela signifie qu'elle concerne directement l'individu en tant que sujet et acteur ayant sa propre conception de la réalité par laquelle il est concerné.

2.2.Démarche méthodologique de la recherche

Pour mener à bien cette étude, la quête des informations utiles a été faite à travers nombreuses sources. Il est essentiellement identifié des sources documentaires et orales.

2.3. Les sources de l'enquête 2.3.1. Sources documentaires

Une recherche commence par une revue de la documentation, qui fournit des résultats d'enquêtes et d'études sur le sujet de la recherche et de données statistiques officielles. Dans le cadre de cette recherche, l'exploration documentaire a porté sur la lecture des ouvrages généraux et spécialisés, des mémoires de fin d'étude supérieure, les données électroniques (web sites), des articles, des contributions, des revues et des rapports relatifs au présent thème. A ces ouvrages, s'ajoutent les archives du consulat de la République de Guinée à Cotonou.

La nature de ces informations et les différents centres de documentation et bibliothèques parcourus sont indiqués dans le tableau ci après :

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Tableau I :Centres de documentation parcourus et types d'informations recueillies

Centre de
documentation
/bibliothèques

Nature des documents

Types d'informations

Centre Culturel

Français

Ouvrages généraux

Dictionnaires

Ouvrages sociologiques

-Connaissances générales sur la

sociologie politique

-Clarification des concepts clés

- approches et positions des auteurs sur la démocratie

Bibliothèque
personnelle

Ouvrages méthodologiques

Ouvrages politiques

- Méthodes et techniques de recherche en sciences sociales

- Connaissances sur la vie politique guinéenne

Consulat honoraire
de la République
de Guinée au Bénin

- Archives

- Données sur les guinéens vivant

au Bénin

Internet

- Rapports, Thèses, Articles

-Ouvrages spécifiques

- Les approches, les thèses, les

positions des auteurs sur la
démocratisation en Afrique

- Les données sur la transition
démocratique en Guinée

 

Source : Enquête de terrain, 2011-2012

Les différentes sources orales viennent compléter et enrichir les informations recueillies par des documents.

2.3.2. Sources orales

Des personnes sont ciblées au cours de cette étude. Elles ont été spécifiquement identifiées par rapport à leurs connaissances et leurs expériences politiques, leur appartenance ou affinité à la diaspora guinéenne présente au Bénin. Il s'agit des historiens, des sociologues, des analystes politiques. D'enrichissantes informations ont été recueillies lors des entretiens menés avec ces acteurs du monde universitaire et de la sagesse africaine sur la question de la démocratie en Afrique de façon générale et la transition démocratique en Guinée de façon particulière.

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2.4. Population cible et échantillonnage 2.4.1. Population cible

L'étude porte sur la perception de la diaspora guinéenne vivant au Bénin sur la transition démocratique de leur pays. Ainsi, tous ceux qui sont d'origine guinéenne et vivants sur le territoire béninois sont ciblés : commerçants, cadres, étudiants, acteurs d'ONG, refugiés politiques. Leur choix s'est reposé sur un seul critère principal à savoir :

o L'appartenance à la diaspora guinéenne présente au Bénin ; les critères spécifiques propres à chaque catégorie sont détaillés dans le tableau suivant

Ainsi, la population de l'étude se présente comme suit:

o Réfugiés politiques guinéens, représentants au Bénin des partis de mouvance et d'opposition guinéens afin de cerner les évènements politiques qui secouent depuis lors la Guinée, de mettre en relief leur position politique, et au-delà ce qui justifie leur présence au Bénin et leurs opinions sur la situation de transition démocratique que traverse la Guinée ;

o Cadres, étudiants et commerçants, afin de saisir leurs opinions sur la situation politique de transition démocratique que vit la Guinée ;

o Personnes ressources pour recueillir des connaissances sur l'état de la démocratie en Afrique et la transition démocratique en Guinée.

2.4.2. Echantillonnage

L'approche qualitative est empruntée dans le cadre de ce travail. La constitution de l'échantillonnage dans ce cas s'est faite à partir des informateurs privilégiés. Selon AMOUZOUVI (2008 : p. 14), en rappelant les propos de Angers, « une technique d'échantillonnage est l'ensemble des opérations permettant de sélectionner un sous ensemble d'une population en vue de constituer un échantillon ». Pour identifier la population cible, les techniques de « choix raisonnés » et de « boule de neige » sont celles utilisées. Ainsi, une prise de contact a été faite avec le consulat honoraire de la Guinée au Bénin et le Président de la Communauté des Ressortissants Guinéens du Bénin afin d'obtenir une liste de contact de certains guinéens sensés être mieux indiqués pour fournir des informations sur le sujet. Pour éviter toute exclusion, une prise de contacts a été faite avec ceux qui ne sont pas enregistrés ni au Consulat ni auprès des responsables de la communauté mais qui vivent au Bénin depuis

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des années et qui sont susceptibles de se prononcer sur le sujet de l'étude. Certains enquêtés ont servis également de référents pour en avoir d'autres aptes à fournir des informations utiles. Il a été en outre opéré le procédé de saturation intervenue à 70 % et qui a consisté à fixer les quotas suite à une saturation de l'information recherchée en fonction des hypothèses formulées. Au total, 107 personnes ont été interrogées.

Tableau II : répartition statistique des informateurs

Groupes cibles

Nombre de personnes
interrogées (Quotas)

Critères de choix

Réfugiés politiques guinéens

15

Ils sont identifiés en fonction des crises
politiques qui ont occasionné leur
arrivée au Bénin

Représentants de partis

politiques guinéens de
mouvance et d'opposition

20

Leur identification tient compte de
l'appartenance à un parti politique
guinéen représenté au Bénin

Artisans et ménagères

guinéens

32

Ils sont identifiés en fonction de leur appartenance à la diaspora guinéenne

Cadres guinéens

10

Ils sont identifiés en fonction deleur
appartenance au corps enseignant
guinéen muté au Bénin

Commerçants guinéens

12

Leur identification tient compte des
activités commerciales qu'ils mènent au

Bénin

Etudiants guinéens

13

Ils sont repartis suivant leur origine
socioculturelle

Personnes ressources

05

Ils sont identifiés suivant leur capacité
d'analyse de la situation politique
guinéenne et africaine

Total

107

 

Source: Pré-enquête de terrain.2011

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2.5.Techniques de collecte et traitement de données

2.5.1. Techniques de collecte

Une seule technique ne pourra permettre de collecter les informations nécessaires et suffisantes, de cerner l'ampleur de la question.

L'analyse documentaire, l'entretien, le brainstorming, le focus groupe, sont les techniques essentielles par lesquelles les données utiles pour l'analyse sont collectées suite aux descentes sur le terrain.

2.5.1.1.L'entretien

C'est une méthode de collecte d'information dans laquelle l'enquêteur interroge en face à face le sujet. Les entretiens individuels et de groupes qui sont menés auprès des personnes informatrices du groupe cible ont permis de collecter leurs appréciations sur la transition démocratique en Guinée et de cerner par ailleurs les conditions sine qua non pour la réconciliation nationale.

2.5.1.2.Le focus groupe et le brainstorming

Ils constituent des techniques d'entretien de groupe, outils d'animation. L'entretien de groupe a permis de fournir des informations qualitatives au cours de la discussion ciblée au sein d'un groupe nominal.La taille moyenne de ce dernier est relativement comprise entre (07) et dix (10) personnes. Elles ont favorisé l'obtention auprès de celles-ci, des informations relatives à la transition démocratique en Guinée et les conditions socio politiques pour une réconciliation nationale réussie.

2.5.2. Analyse des informations

Les données collectées ont été transcrites, saisies et soumises à une analyse de contenu. C'est l'analyse thématique qui est privilégiée dans cette étude. Les analyses thématiques sont celles qui tentent de mettre l'accent sur les représentations ou les jugements des interlocuteurs à partir d'un examen de certains éléments du discours. (GRAWITZ, 2000 : p. 606)

L'analyse des informations en recherche qualitative comporte trois activités courantes : la condensation des données, leur présentation, l'interprétation ou la vérification des conclusions. (Van der Mayer, cité par Lessart, Goyeli Gabriel, Boutin Gérald, 1997 : 70 et repris par GOUMOU 2010 : p. 26).

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Pour ce travail, les informations collectées sur le terrain ont été soumises à cette forme

d'analyse de contenu. Les opérationseffectuées à cet effet sont :

- le soulignage des idées clés ;

- le regroupement des idées clés par catégories thématiques :

- la mise en évidence des points de convergence et de divergence ;

- et la rédaction descriptive des résultats.

2.6.Organisation de l'enquête sur le terrain

La collecte des données dans le cadre de l'exploitation des outils ainsi que la transcription des dites donnéesa couvert douze semaines et s'est effectué en trois phases

2.6.1. Identification des enquêtés

Elle a consisté à prendre contact avec le terrain de la recherche, localiser les enquêtés et programmer les entretiens. Un calendrier d'entretien a été élaboré et arrêté avec des personnes susceptibles de faciliter les enquêtes.

2.6.2. Déroulement des entretiens

A cette étape, les outils de recherche ont été administré en fonction du calendrier définit. Ces outils ont été administré aux membres de la diaspora guinéenne du Bénin dont les responsables du bureau de la Communauté des Ressortissants Guinéens du Bénin (CRGB) résidants à Cotonou et Porto-Novo, les responsables du bureau de l'Association des Jeunes Guinéens du Bénin (AJGB) dont nous faisons partie et qui résident à Cotonou, Abomey-Calavi et Porto-Novo, ainsi que les membres de ces structures. Les entretiens ont terminé par ceux qui ne font partie d'aucune des structures citées mais qui sont mieux indiqués pour répondre à nos préoccupations.

2.6.3. Synthèse, compte rendu et réajustement des données

A cette phase, deux entretiens d'encadrements du travail et trois focus group furent réalisés. Il s'agit de présenter aux enquêtés notamment les responsables des structures citées plus haut, les résultats bruts de la recherche de terrain, d'harmoniser les données afin de réajuster si nécessaire, quelques informations. Cette étape a permis de les rassuré de la bonne utilisation des informations recueillies, de les remercier et de garantir leur disponibilité pour d'éventuelles informations

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2.7.Chronogramme

Le processus ayant conduit à la production de ce travail de recherche s'est déroulé en plusieurs étapes. Le tableau suivant présente les étapes et la durée mobilisée autour de leur réalisation. Au total,vingt cinq semaines et quatre jours ont été consacrés à cette recherche.

Tableau III : Chronogramme des activités de recherche

Activités

Période

Observations

1

Choix du thème et formulation du
sujet de recherche

3 jours

Seule la recherche

documentaire se
poursuivra jusqu'à

l'étape de la
rédaction

2

Production du protocole de recherche

Trois semaines

3

Correction et validation du protocole

Trois semaines

4

Collecte et transcription des données
de Terrain

Douze semaines

5

Dépouillement et traitement des
données de terrain

Une semaine

6

Rédaction du mémoire

Quatre semaines

7

Correction et relecture

Deux semaines

8

Dépôt

1 jour

Total

Vingt cinq semaines
et quatre jours

Source : Enquêtes de terrain 2011-2012

48

DEUXIEME PARTIE :

DIVERSITE DES OPINIONS DE LA

DIASPORA SUR LA TRANSITION

DEMOCRATIQUE EN GUINEE

III- DE LA DIASPORA AUX DIASPORAS GUINEENNES DU BENIN

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Le concept de diaspora a évolué dans le temps puisqu'au départ, il désignait l'ensemble des juifs vivant hors d'Israël, leur terre natale. Mais au fil du temps, ce concept a eu d'autres orientations et a fini par designer les membres d'une communauté vivant à l'extérieur de leur communauté d'origine. Pour donc designer les guinéens vivant à l'extérieur de leur pays, on les appelle la diaspora guinéenne. Mais les circonstances liées à la vie de ces guinéens nous obligent à les appeler les diasporas guinéennes. C'est donc en deux sections que se divise ce chapitre. La première section traite de la diaspora et la seconde des diasporas guinéennes.

3.1.De la diaspora

Dans la rubrique Sociologie du dictionnaire numérique de politique toupictionnaire (2011 : En ligne), le terme "Diaspora" (avec une majuscule), désignait historiquement la dispersion des Juifsaprès leur captivité à Babylone. De nos jours, il désigne la dispersion à travers le monde des Juifs vivant hors du territoire palestinien. Par extension, on entend par diaspora, la dispersion d'une communauté ethnique ou d'un peuple à travers le monde. A l'origine, ce mot ne désignait que la dispersion au sens proprement dit. Mais de nos jours, il désigne aussi le résultat de cette dispersion, autrement dit, l'ensemble des communautés d'un même peuple qui sont dispersées dans plusieurs pays. .

Pour Michel Bruneau cité par WIKIPEDIA, 2011 (En ligne), ce terme désigne tous les phénomènes qui résultent des mouvements migratoires à l'intérieur de plusieurs pays, et qui partent d'un foyer émetteur.Pour constituer une diaspora, les communautés émigrées d'un peuple hors de ses frontières doivent posséder trois caractéristiques essentielles à savoir :

1- La conscience et la revendication d'une identité ethnique ou nationale (l'attachement au pays d'origine avec des pratiques et habitudes propres à ce pays);

2- L'existence de liens - vie associative par exemple - entre les membres du groupe dispersé (organisation politique, religieuse, culturelle ou économique) ;

3- L'existence de contacts réels ou idéologique avec le pays d'origine (l'intégration d'un groupe diasporé est loin d'assimilation dans le pays d'accueil). (ibid.)

Retenons qu'il est difficile de donner une définition exacte au terme diaspora car, la définition adoptée peut être plus ou moins restrictive en fonction des auteurs. Certains

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considèrent la perte du territoire d'origine comme préalable tandis que les autres insistent sur la dispersion dans plusieurs pays.

Dans ce travail, nous entendons par diaspora guinéenne, tous les guinéens vivant à l'extérieur de leur pays. Dans ce contexte, le mot diaspora ne tient compte que du simple fait de vivre hors de son pays. De ce fait, toute personne franchissant les frontières du territoire national de la République de Guinée pour aller vivre dans un autre pays, fait son entrée dans la diaspora guinéenne au sens large du terme. Cependant, ceux qui quittent le pays pour des voyages d'affaires, pour du tourisme, pour des missions diplomatiques de courte durée, pour des séminaires de travail, bref, pour des séjours très limités, ne peuvent être considérés comme des diasporés. La diaspora ne désigne ici que les citoyens guinéens qui ont décidé de vivre dans un autre pays pour des raisons différentes. La diversité de ces raisons de départ et des conditions indispensables pour retourner au pays fera l'objet de la section suivante.

3.2.Des diasporas guinéennes du Bénin

Potentiellement estimés à 1759 habitants, répartis dans 824 ménages dont 1198 ayant 18 ans et plus, et 561 de moins de 18 ans. (CONSULAT HONORAIRE, 2008), les guinéens du Bénin sont très diversifiés. Cette diversité se fait sentir dans les raisons ayant entraînés leur départ du pays, les activités qu'ils exercent au Bénin et surtout les conditions indispensables à leur retour en Guinée. En analysant cette situation, il est préférable de les considérer au pluriel comme des diasporas et non comme une diaspora. Dans les lignes qui suivent, une classification de cette pluralité diasporique a été faite en fonction des raisons de départ, des activités exercées au Bénin et des conditions de retour en Guinée.

3.2.1. Les raisons de départ

En posant la question de savoir : pour quelles raisons avez-vous quitté la Guinée nous avons obtenus de nos enquêtés, des réponses variées représentées par ce graphique qui suit:

51

Graphique 1: Répartition des enquêtés selon les raisons de départ

30%

25%

20%

15%

10%

0%

5%

Difficultés
économiques

(30)

28%

Etudes (21) Désir de

voyager (21)

Raisons de départ des enquêtés

20% 20%

Mariage (17) Chômage (9) Instabilité

politique (5)

15%

8%

5%

Travail (4)

4%

Source : Enquêtes de terrain 2011-2012

En partant des réponses fournies par les enquêtés, il a été retenu sept (07) catégories de raisons ayant motivé les guinéens à immigrer au Bénin. La première catégorie est celle des enquêtés ayant quitté le pays pour des raisons de difficultés économiques. C'est d'ailleurs la catégorie dominante car, elle représente 28 % de la taille de l'échantillon. Mais il faut retenir que la majorité de ces enquêtés sont des personnes ayant des niveaux d'étude primaire ou secondaire et qui ont opté pour l'apprentissage d'un métier. D'autres parmi eux sont sans instruction. Ce qui explique que dans la société guinéenne, les personnes sans instruction ou ayant un niveau d'étude faible, sont plus confrontées aux difficultés économiques et la plupart d'entre eux s'orientent dans la recherche du matériel financier où qu'il soit. Une fois hors du pays, beaucoup se mettent à la recherche de l'argent facile.

La seconde catégorie est celle des enquêtés (20%) qui ont affirmé avoir quitté le pays pour des raisons d'études supérieures. La presque totalité d'entre eux sont des étudiants en cycle doctoral. Ce qui justifie le manque cruel d'écoles doctorales en Guinée. Mais cela peut s'expliquer d'une part par le manque de volonté politique et d'autre part le non retour au pays des intellectuels guinéens formés à l'étranger sous le régime Sékou Touré. Par peur d'être des victimes du régime Sékou, ces intellectuels, qui auraient dû être les promoteurs de grandes écoles aptes à former les nouvelles générations pour un développement national, sont

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malheureusement restés hors du pays, au service d'autres nations et au détriment de la jeunesse guinéenne. Après l'obtention d'une maîtrise, pour suivre une formation de troisième cycle, les jeunes guinéens sont dans l'obligation d'aller vers d'autres pays avec tous les frais que cela engendre.

En dehors des programmes de bourses offerts par des organismes internationaux, les bourses doctorales gouvernementales sont presque inexistantes ou sont données par affinités si elles existent. Beaucoup de jeunes guinéens sont ainsi contraints à se limiter au niveau maîtrise même s'ils ont la volonté et la capacité intellectuelle de faire de brillantes études doctorales. 19 % des enquêtés sont de cette catégorie au même titre que ceux qui ont quitté le pays par simple désir de s'aventurer et de découvrir d'autres cieux. Parmi ceux-là, il y a principalement des artisans, des informaticiens et des commerçants. Ce qui explique aussi la volonté manifeste de certains à découvrir d'autres pays.

La catégorie suivante est celle des interviewés qui sont au Bénin pour des raisons de mariage. Elles sont toutes des femmes mais les circonstances de mariage sont aussi différentes car, certaines vivent au Bénin avec leurs maris guinéens tandis que d'autres se sont mariées à des béninois. On comprend ici que les femmes guinéennes du Bénin sont arrivées soit par mariage soit par des personnes proches. Elles représentent 15 % de l'échantillon. La catégorie suivante est celle des guinéens qui ont quittés le pays pour des raisons de chômage (manque d'emploi). Ils représentent 8 % de la population touchée. Ce qui explique aussi l'existence du chômage qui contraint beaucoup de guinéens à immigrer.

Une autre catégorie est celle des répondants qui, pour des raisons d'instabilité politique, se sont installés au Bénin. Cela s'explique par les violences politiques dont fait l'objet certaines personnes qui ne sont pas favorables au régime en place. Pour éviter d'être la cible du pouvoir, ces personnes quittent le pays pour aller vivre ailleurs. Ils représentent 5 % de la taille de l échantillon. Enfin, il y a les guinéens arrivés au Bénin pour des raisons de travail. Ce sont des fonctionnaires guinéens travaillant au Bénin. Ce qui explique la coopération bilatérale entre les deux pays. Ils représentent 4 % de l'échantillon.

53

Encadré 1 : extraits d'entretiens

`' J'ai quitté la guinée pour pouvoir poursuivre des études de troisième cycle en Sciences Mathématiques. La guinée ne dispose pas d'une formation de troisième cycle en maths `'

`'Moi je me suis mariée à un béninois c'est pourquoi je suis venu vivre dans son pays `'

`' Moi j'ai quitté la Guinée parce que j'avais l'ambition de voyager et de découvrir d'autres pays»

`'Après l'université, nous étions confrontés au chômage. On passait notre temps dans les hôpitaux pour chercher du travail et ça ne marchait pas. J'ai donc décidé de quitter la Guinée dans l'espoir de trouver du travail au Bénin»

`'Moi j'ai soutenu en 1987 et je n'avais pas de travail. C'est ainsi que j'ai quitté la Guinée pour venir chercher du travail au Bénin»

`'J'avais des difficultés économiques en Guinée, mon frère et moi avons décidé de nous rendre en Guinée équatoriale pour chercher de l'argent. C'est ainsi que je lui ai rejoint au Bénin et nous cherchons comment trouver le nécessaire pour le voyage en Guinée équatoriale»

Source : Enquêtes de terrain 2011

3.2.2. Les activités exercées au bénin

Le graphique suivant présente la répartition professionnelle des personnes touchées

Graphique II :Répartition des enquêtés selon la profession

25%

20%

15%

10%

0%

5%

18% 17%

Repartition professionnelle des enquêtés

13% 12%

9%

6%

3%

1%

21%

Source : Enquêtes de terrain 2011-2012

54

Concernant la profession (graphique 2 ci-dessus), les enquêtés sont repartis en plusieurs catégories socioprofessionnelles dont les commerçants qui représentent 18% de la taille de l'échantillon. Ce qui s'explique d'une part par le fait que bon nombre de ceux qui quittent le pays même après avoir terminé des études supérieures, deviennent des commerçants ; d'autre part, ceux qui, même avec un capital de commerce important, sentent leurs intérêts menacés, immigrent vers d'autres pays où ils se sentent en sécurité pour exercer leurs activités commerciales. La deuxième catégorie concerne les artisans (teinturiers, coiffeurs, couturiers, cordonniers, ébénistes) qui occupent les 17% de l'échantillon. Les artisans bien qualifiés ont toujours la certitude de trouver du travail partout où ils se rendent. Ils ont donc peu de doute pour immigrer lorsqu'ils ont les possibilités de le faire. La catégorie suivante est celle des ménagères qui représentent 13% de la taille de l'échantillon. Ce qui explique que la majorité des femmes qui arrivent à la suite de leurs maris, restent souvent à la maison pour s'occuper des enfants et du ménage.

Une autre catégorie est celle des étudiants/doctorants représentant 12% de l'échantillon. Quelques uns d'entre eux vivent avec leurs parents résidants tandis que la majorité sont ceux qui sont venus poursuivre leur études en deuxième ou en troisième cycle soit sur financement privé soit bénéficiant de bourses d'institutions étrangères. La catégorie suivante est celle des enseignants qui, en fait, sont des fonctionnaires internationaux. Certains sont arrivés suite à la coopération bilatérale entre le Bénin et la Guinée et d'autres travaillent au compte des institutions internationales. Ilsoccupent 9% de l'échantillon. Puis arrive la catégorie du corps médical (6% de l'échantillon), essentiellement composée de femmes infirmières, aides-soignantes, médecin généraliste. Certaines sont arrivées à la suite de leurs époux et d'autres à la suite de leurs parents ou de personnes tierces.

Il y a ensuite des informaticiens et un ingénieur agronome qui représentent respectivement 3% et 1% de l'effectif global. Enfin, il y a une catégorie dénommée les autres (marchands, gérants de cafétéria, vendeurs d'atchiéké, vendeurs de riz, vendeur de carte de recharge, vendeurs d'haricot). Cette catégorie des sans profession est la plus dominante de la taille de l'échantillon (21%). La plupart d'entre eux sont des jeunes qui ont abandonnés les études soit au niveau primaire soit au niveau secondaire et qui, par la suite n'ont appris aucun métier. Se trouvant ainsi livrés à eux-mêmes. D'autres n'ont même pas été à l'école. Ils exercent ainsi des activités différentes pour survivre et la seule alternative pour eux, est de partir à l'étranger où ils peuvent exercer n'importe quel travail pour survivre avec l'espoir de retourner au pays pour faire du commerce une fois qu'ils ont un capital économique

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important. Ce qui s'annonce souvent difficile pour certains et même impossible pour d'autres. Les contraignants à vivre éternellement hors de chez eux.

3.2.3. Les conditions exigées pour le retour

Le graphique suivant présente les conditions de retour évoquées par les personnes interrogées.

Graphique III :Conditions de retour évoquées par les enquêtés

30%

25%

20%

15%

10%

0%

5%

27%

Conditions de retour des enquêtés

19%

12% 12%

9% 8% 8%

4%

Source : Enquêtes de terrain 2011-2012

Toutes les personnes interrogées ont manifesté le désir de retourner en Guinée. On comprend dès lors qu'il s'agit de personnes qui sont rattachées à leur pays d'une manière ou d'une autre. Mais quant aux conditions de retour en Guinée, ils sont divisés. Cette diversité a permit de faire une classification en huit catégories. La première catégorie est celle des enquêtés qui conditionnent leur retour à l'aisance financière. Autrement dit, qui disent ne pouvoir retourner que s'ils auront des possibilités financières suffisantes leur permettant de bien vivre en Guinée. La majorité sont des personnes qui ont quitté la Guinée parce qu'ils avaient des difficultés financières et sont arrivés au Bénin dans l'espoir d'une vie meilleure. Il

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serait donc difficile pour eux de retourner au pays sans moyens financiers. Ils sont majoritaires par rapport aux autres catégories (27 % de la taille de l'échantillon).

La deuxième catégorie est celle des enquêtés qui conditionnent leur retour à la finition de leur formation (19 % de l'échantillon). Ils sont des étudiants venus suivre des formations universitaires dans divers domaines et qui, n'attendent que la fin de leur cursus pour retourner au pays. Arrive ensuite la catégorie des enquêtés qui posent comme conditions de retour, la stabilité politique (12 % des enquêtés). Ici, on retrouve principalement les refugiés politiques et des personnes ayant quitté le pays pour de simple raisons de s'aventurer. Les réfugiés politiques ne peuvent retourner que si la situation politique qui a occasionnée leur départ leur ai favorable. Quant aux aventuriers, la plupart d'entre eux sont souvent choqués par des évènements politiques et des difficultés économiques auxquelles sont confrontés leurs concitoyens. Ce qui ne les encourage souvent pas à retourner au pays dans des situations d'instabilité politique même si beaucoup d'entre eux sont financièrement aisés. Au contraire, 12 % des interviewés ont affirmés ne pouvoir retourner définitivement en Guinée. Ce sont des femmes mariées à des béninois et qui ont des enfants qu'elles ne peuvent pas abandonner pour rentrer au pays. Elles peuvent y aller pour des séjours temporaires mais ne peuvent rentrer définitivement qu'en cas de divorce. Une autre catégorie qui représente 9 % de la taille de l'échantillon, ne pose aucune condition pour retourner en Guinée. Parmi eux, on trouve des fonctionnaires guinéens venus uniquement pour des raisons de travail et qui retourneront dès la fin de leur contrat de travail. Il y a aussi des aventuriers qui n'ont aucun intérêt pour la situation politique et par conséquent, ne posent aucune conditions de retour.

Une autre catégorie d'enquêtés (8 % de l'échantillon), exige que l'emploi soit garantie avant qu'ils ne retournent. La plupart sont ceux qui, confrontés aux difficultés du chômage, ont quitté la Guinée pour chercher du travail et ne sont pas prêts à y retourner tant que les chances de trouver un emploi sont incertaines. La catégorie qui suit est celle des femmes guinéennes mariées à des guinéens et vivant au Bénin (8 % de la population touchée). Elles posent pour conditions de leur retour en Guinée, le retour de leur mari. Elles ne peuvent rentrer en laissant leur mari avec qui elles ont des enfants qui ont besoin d'un suivi lorsque le mari est au boulot. La catégorie la plus minime (4 % de la population enquêtée), est celle des enquêtés qui ne pensent retourner en Guinée qu'après avoir découvert d'autres pays.

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Encadré 2 : extraits d'entretiens

`'Je souhaite retourner dans mon pays mais il faut la réconciliation nationale et l'instauration d'un climat de sécurité et de confiance nationale»

`' Je ne pose aucune condition pour rentrer dans mon pays. La guinée c'est mon pays, c'est un devoir de rentré pour contribuer à son développement dès que je termine ma formation»

`'Oui, je veux retourner en Guinée. C'est mon voeu le plus ardent de retourner apporter mon expertise à ma nation la seule condition c'est la possibilité de travailler et d'avoir un emploi décent pour subvenir à mes besoins»

`' Je veux vraiment rentrer en Guinée mais la seule condition c'est l'argent. Si je trouve de l'argent aujourd'hui, même deux millions de francs CFA, je vais partir dès 19h de ce soir. J'ai mes parents et mes frères qui sont au pays. Si je retourne sans rien, mes parents peuvent comprendre mais mes frères vont toujours s'attendre à quelque chose de ma part. Ce qui fait que je ne peux pas rentrer pour le moment»

Sources : Enquêtes de terrain 2011

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IV- TYPOLOGIE DE DISCOURS DES DIASPORAS GUINEENNES SUR LA TRANSITION DEMOCRATIQUE EN GUINEE

Les discours de nos enquêtés sur la transition démocratique en Guinée sont variés. Les aspects qui ont retenus l'attention de cette étude sont principalement les atouts et faiblesses des transitions militaires, le déroulement des élections présidentielles ainsi que la gestion du pays par le président élu.

4.1.Atouts et faiblesses des transitions militaires

Les transitions militaires sont des périodes de la transition, périodes pendant les quelles les dirigeants politiques étaient des officiers militaires de l'armée nationales. On distingue deux périodes de transitions militaires : la première dirigée par le Capitaine Moussa Dadis Camara du 23 décembre 2008 au 15 janvier 2010 et la seconde dirigée par le General Sékouba Konaté du 15 janvier 2010 au 21 décembre 2010. Ces périodes ont été marquées par des évènements politiques que les guinéens ne perçoivent pas de la même manière. Les investigations ont porté sur les atouts et faiblesses de ces deux périodes de gestion militaire du pays.

4.1.1. Atouts des transitions militaires

4.1.1.1.Atouts de la présidence du Capitaine Moussa Dadis Camara

Les discours des enquêtés sur la transition du capitaine Dadis sont quelques fois contradictoires. Mais la majorité se sont prononcés positivement quant aux atouts de sa présidence. D'abord, concernant son arrivée au pouvoir après la mort du président Conté, presque toutes les personnes interrogées (96 % de l'échantillon) affirment l'avoir perçu comme un espoir. Ce qui s'explique par le fait que les guinéens avaient perdu l'espoir durant les dernières années de gestion du pays par le General Lansana Conté. Ils étaient en majorité, dans l'attente de la fin du règne du président Conté qui, vraisemblablement, était fatigué par la maladie et s'éloignait du jour au jour, des affaires du pays. Cet espoir des guinéens à l'arrivée du Capitaine Camara, fut un soutien de poids de l'opinion publique (input intra sociétal) pour les actions et décisions de la junte militaire au pouvoir. Ce soutien donnait au Capitaine Camara une légitimité intra sociétale et extra sociétale puisque les leaders politiques avaient désormais l'espoir de concourir à une élection juste et transparente. La communauté international de son coté, après quelques moments de doute, avait finalement prit

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l'engagement d'accompagner la junte dans l'accomplissement du processus de transition avec la création du groupe international de contact pour la Guinée.

Encadré 3 : extraits d'entretiens

`' J'étais très content à l'arrivée au pouvoir du CNDD de Moussa Dadis Camara. Mais j'avais des doutes parce que je ne fais pas confiance aux militaires. Mais puisqu'on était fatigué de la gestion du General Lansana Conté, ça ne pouvait qu'être un espoir de voir des hommes nouveaux à la tête du pays»

`'J'étais content comme tout bon patriote qui pense à l'avenir de la Guinée»

`'L'arrivée du CNDD était un soulagement et un réconfort vis-à-vis de la situation politique et économique du pays. Le CNDD était venu avec un objectif clair et précis et il y avait plus de pratiques que de théories dans leurs faits»

`'J'avais bonnement apprécié l'arrivée du CNDD au pouvoir parce que je voyais en eux les sauveurs de la Guinée»

Source : Enquêtes de terrain 2011

Au total, 81 % des personnes interrogées reconnaissent que des actes positifs ont réellement été posés. Parmi ces actes, il a été retenu principalement :

- Le goudronnage des rues de Conakry et de certaines villes de l'intérieur du pays ;

- Le désenclavement des quartiers situés en banlieue de Conakry ;

- La lutte contre la corruption ;

- La poursuite des débiteurs de l'Etat ;

- La révision des contrats miniers ;

- La lutte contre le narco trafic et le démentellement de plusieurs réseaux de mafia ;

- La rénovation de l'aéroport international de Conakry Gbessia ;

- La réduction de l'insécurité ;

- La mise à la retraite des Généraux de l'armée ;

- La liberté de la presse ;

- La liberté politique ;

- La lutte contre l'ethnocentrisme et le favoritisme ;

- La reconstruction des casernes militaires ;

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On s'est rendu compte que les guinéens du Bénin en général, de diverses appartenances politiques et socioculturelles, gardent un bon souvenir quant aux actes posés par le Capitaine Moussa Dadis Camara. Mais celui-ci, suite à un incident, transmettra le pouvoir au General Konaté pour « finaliser la transition ».

4.1.1.2.Atouts de la présidence transitoire du General Sékouba Konaté

Le General Sékouba Konaté fut mandaté par les accords de Ouagadougou du 15 janvier 2010, d'organiser des élections présidentielles dans un délai de six mois afin de transmettre le pouvoir aux civils. 72% des enquêtés lui sont reconnaissant quant à l'organisation des élections présidentielles et sa volonté affichée de remettre le pouvoir aux civils. Mais la majorité (44% de l'échantillon) de ceux qui ont qualifié de positif le bilan de son règne, sont des membres de son groupe socioculturel. Toutes les personnes interrogées qui en ont fait un bilan négatif, sont du groupe socioculturel peul (28% de la taille de l'échantillon). Ce qui n'est pas étonnant, car, en Guinée, les peuls et les malinkés ont toujours des positions opposées. Chacun apporte son soutien aux membres de son groupe socioculturel. En dehors de ces positions socioculturelles, 28 % des enquêtés issus d'autres groupes socioculturels ont reconnu l'oeuvre du General Sékouba Konaté : celle d'avoir conduit la Guinée à des élections présidentielles. Ce qui traduit la reconnaissance des autres groupes socioculturels sur la conduite des élections par le General Konaté.

Parmi les actes cités par les enquêtés il y a:

- L'organisation des élections présidentielles ;

- La création des institutions de la transition ;

- La reprise de la coopération avec le monde diplomatique ;

- La liberté politique ;

- La mise en place du CNT ;

- La discipline au sein de l'armée ;

- Le maintien de la paix.

Cependant, il n'ya pas eu que des atouts de ces deux présidences militaires. Il y a eu aussi l'enregistrement des défaillances ou des faiblesses.

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4.1.2. Faiblesses des transitions militaires

4.1.2.1.Faiblesses de la présidence du Capitaine Moussa Dadis Camara

Si la majorité des guinéens du Bénin reconnaissent les actes positifs posés par le Capitaine Dadis, il en est de même pour les faiblesses et défaillances de son pouvoir. En effet, la totalité (100%) des personnes interrogées n'ont pas manqué de souligner les faiblesses du pouvoir du Capitaine Dadis Camara. Il lui est principalement reproché de n'avoir pas respecté sa parole selon laquelle, il ne sera pas candidat aux élections présidentielles. Le flou sur sa candidature a occasionné les évènements du 28 septembre 2009. D'autres faiblesses ont aussi été mentionnées par les interviewés dont entre autre ;

- Le désordre dans l'armée ;

- Le manque de diplomatie dans les relations étrangères ;

- L'humiliation des hauts cadres et hommes d'affaires dans les `'Dadis Show' ;'

- La confiance totale en ses compagnons d'armes ;

- Le manque de bons conseillers ;

- Consommation abusive des produits de la Société de Brasserie de Guinée

(SOBRAGUI) entrainant l'accroissement de la dette intérieure de l'Etat ;

- La non poursuite des audits ;

Ceux qui reprochent à Dadis de n'avoir pas mit de l'ordre dans l'armée expliquent que s'il l'avait fait, les militaires n'auraient pas tirés sur les civils massés au stade du 28 septembre. Le fait de lui reprocher aussi la confiance totale en ces compagnons d'armes, s'explique par le fait que ceux-ci ont profité de sa confiance pour le tromper et faciliter sa mise à l'écart. Ceux qui adoptent une telle position sont pour la plupart des personnes originaires de la même région que lui ou des membres du parti perdant du second tour de la présidentielle parce qu'ils sont rassurés que si c'est Dadis qui avait organisé les élections, leur candidat serait le gagnant. Le General Sékouba Konaté qui a eu la charge de conduire les élections présidentielles ne reste pas en marge de ces critiques. Des faiblesses de son règne ont aussi été dévoilées par les interviewés.

4.1.2.2.Faiblesses de la présidence transitoire du General Sékouba Konaté

Les discours sont variés quant aux faiblesses et défaillances de la présidence transitoire du General Konaté. Mais la majorité des enquêtés (64% de la taille de l'échantillon)

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reconnaissent que le règne du General a été marqué par des faiblesses tout comme celui de son prédécesseur. Les autres (36% de la population touchée) ne reprochent rien au General comme défaillances. Pour eux, sa mission principale était d'organiser les élections et s'il l'a fait, on ne peut rien lui reprocher. Cette position de ces enquêtés trouve son justificatif dans l'appartenance socioculturelle et partisane car, les deux tiers d'entre eux sont non seulement membres du même groupe socioculturel que le General mais aussi des partisan du RPG, le parti gagnant dont le candidat est du même groupe socioculturel que le General. Quant à ceux qui ont reconnu les faiblesses de Sékouba Konaté, ils sont pour la majorité des peuls et quelques malinkés. En effet, les peuls accusent le General Sékouba d'avoir favorisé leur adversaire du RPG c'est ce qui expliquent les déclarations de la plupart d'entre eux. Déclaration selon laquelle, le General Sékouba n'a posé aucun acte positif en Guinée. Les quelques malinkés qui récriminent contre le General sont eux aussi des partisans d'autres formations politique comme le parti de l'Espoir et du Développement National (PEDN). Parmi les faits qui sont reprochés au General Konaté il a été retenu :

- La dilapidation des ressources économiques ;

- Les grades pléthoriques dans l'armée nationale ;

- Les règlements de comptes dans l'armée ;

- La mise à l'écart du Capitaine Dadis Camara ;

- La partialité dans le processus électoral ;

- La signature des marchés de gré à gré ;

- le blanchissement d'argent ;

- le retour du trafic de la drogue ;

- l'impunité et la corruption.

4.2.Déroulement des élections présidentielles et gestion du pays par le président élu 4.2.1. Déroulement des élections présidentielles

Se prononçant sur le déroulement des élections présidentielles, 64 % des enquêtés ont affirmé que les élections se sont déroulées de façon transparente et équitable. Mais la majorité d'entre eux sont non seulement du même groupe socioculturel mais aussi des partisans du candidat élu. Une autre tendance moins forte que la première (36 % de la taille de l'échantillon) soutien que les élections n'ont pas été transparentes et qu'elles ont été émaillées de fraudes massive. Les tenants de cette tendance sont tous des partisans du candidat perdant

63

64

65

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67

qui estiment que si les élections étaient transparentes, c'est leur candidat qui serait donné vainqueur. Ils soutiennent même que le premier tour des élections était transparent et cela s'explique par le fait que leur candidat était arrivé en tête du premier tour sur les 24 candidats en lice. Ces deux tendances reconnaissent cependant que l'organisation des élections à été une avancée significative pour le système politique guinéen du fait que les militaires ont concrétisé leur volonté de remettre le pouvoir aux civils. Une autre question qui divise les enquêtés est celle de la neutralité de l'armée et du gouvernement.

4.2.1.1.De la neutralité de l'armée et du gouvernement de transition

A ce niveau, deux tendances s'affrontent avec une légère différence que le déroulement des élections. La première est celle des enquêtés qui attestent la neutralité de l'armée et du gouvernement durant le processus électoral. Ils représentent 60 % de la taille de l'échantillon et sont majoritairement des partisans du RPG, le parti gagnant de l'élection et issus du groupe socioculturel malinké. La position de ces enquêtés s'explique non seulement par leur appartenance au parti gagnant mais aussi par leur lien socioculturel avec le président de la transition qui dirigeait aussi l'armée en tant commandant en chef des forces armées et ministre de la défense nationale. La seconde tendance est celle des interviewés qui remettent en cause la neutralité de l'armée et du gouvernement (40 % des personnes interrogées). Pour eux, l'armée et le gouvernement ont été partial en soutenant le candidat du RPG au second tour de l'élection présidentielle. Ils estiment que si l'armée et le gouvernement étaient restés neutres, leur candidat aurait sans doute été victorieux au second tour. Cette tendance s'explique par l'appartenance de ses tenants au parti du candidat perdant. Cette affection partisane s'accompagne aussi du lien socioculturel existant entre ces enquêtés et le candidat perdant. Ces affections partisanes, ponctuées par une logique de lien socioculturel, ont engendré des violences électorales, violences sur lesquelles les enquêtés ont des opinions divergentes.

4.2.1.2.Des violences électorales

Tous les interviewés ont regretté ces violences même si leurs opinions sont divergentes quant à la responsabilité de ces violences. Les tendances majeures qui s'affrontent ici sont celle des interviewés qui accusent les leaders politiques et celle des interviewés qui trouvent que ces violences étaient normales. Pour les premiers (52 % de l'échantillon), ils accusent les leaders politiques d'avoir tenu des propos divisionnistes et haineux envers leurs

adversaires. Pour eux, si les peuls ont été agressés à Siguiri, Kankan et Kissidougou, cela est de la responsabilité du leader du RPG puisque ces villes étaient tenues par ses partisans et lui-même étant originaire de la Haute Guinée. De même, le leader de l'UFDG est tenu pour responsable quant aux empoisonnements des militants du RPG à Conakry et à l'agression des leurs vivants en Moyenne Guinée, sa région naturelle d'origine. Ce qui s'explique par une logique de « fils de terroir ». Autrement dit, les leaders politiques se sont opposés à la victoire de leur adversaire dans leur région naturelle d'origine et pour cela, il fallait faire la chasse aux partisans de l'adversaire vivants chez soi. Cette logique de « fils de terroir » avait donné un caractère communautariste au premier tour des élections présidentielles mais aussi au second tour parce que les candidats perdants s'étant alliés aux gagnants avaient mobilisé leurs partisans qui, pour la plupart entretiennent des liens socioculturels et par ricochet, des liens de terroir. La seconde tendance majeure (24 % de l'échantillon), est celle des interviewés qui pensent que ces violences étaient normales puisque dans tout mécanisme de concurrence, il y a toujours des manifestations violentes. Le sens donné au normal ici par ces enquêtés, renvoi à la vision durkheimienne du terme. Si pour Durkheim le normal se caractérise principalement par sa généralité et sa régularité, pour les enquêtés, les violences électorales sont normales parce qu'elles se produisent dans tous les pays à vocation démocratique. Pour eux, ces violences sont les « ingrédients » des élections démocratiques7 en Afrique. Voici les propos d'un enquêté :

Encadré 4: extrait d'entretien

`'Moi je pense que c'est normal parce qu'avec deux candidats d'ethnies majoritaires pour un seul poste, la violence était inévitable. Quand deux hommes sont opposés pour la même chose, il y aura la violence et c'est pareil dans tous les pays africains»

Source :Enquêtés de terrain 2011

4.2.2. Gestion du pays par le président élu

L'arrivée au pouvoir du Professeur Alpha Condé à été perçu par la majorité des enquêtés comme un espoir (68 % des personne interrogées). Ils expliquent que le fait qu'il

7Jean Jacques ROUSSEAU dans le Contrat Social reconnait aussi que les troubles et les violences politiques sont les ingrédients de la démocratie.

soit le premier président démocratiquement élu est une avancée pour la démocratie guinéenne. Certains estiment que c'est une récompense de la patience du Pr. Condé qui s'est opposé à tous les régimes politiques guinéens depuis l'indépendance. Leur espoir réside en la capacité du président élu à résoudre les problèmes auxquels les populations guinéennes sont confrontées. Tandis que pour d'autre ce fut une déception et une surprise totale (32 % de la taille de l'échantillon). Ceux qui se disent déçus et surpris expliquent ne pas comprendre la victoire de Condé qui avait obtenu 18 % des voix au premier tour face à son adversaire qui lui avait obtenu 44 % des voix sur les 24 candidats en lice. Pour eux, si ce n'était de la tricherie électorale, Condé ne pouvait pas remporter ce scrutin. Mais ces deux tendances on une connotation socioculturelle et politique. Ceux qui soutiennent que ce fut un espoir sont en majorité des malinkés, membres du RPG, le parti gagnant. Ceux qui soutiennent le contraire sont tous des peuls, membres du parti perdant (l'UFDG) et son candidat.

Un autre aspect qui divise les enquêtés est la gestion du pays par le nouveau président élu. Pour la première tendance (44 % des enquêtés), le pays est bien géré par le nouveau président qui a posé des actes importants dans divers domaines. Ils soutiennent que le président élu à engagé des réformes économiques importantes par la création du guichet unique et le recensement biométrique des fonctionnaires permettant de rayer les fonctionnaires fictifs, des réformes agricoles par la subvention de l'agriculture, des réformes éducatives par la subvention accordée aux universités pour accroitre leur capacité de formation, des réformes sociales par le recrutement des jeunes à la fonction publique, et la réforme de l'armée qui n'est plus dans la rue comme auparavant. A ceux-ci s'ajoute la révision des contrats miniers. La majorité des tenants de cette tendance sont majoritairement membres du parti gagnant et membre du groupe socioculturel du président élu. Certains sont aussi membres du parti et du groupe socioculturel du candidat perdant mais estiment qu'il faut reconnaitre les actes posés même si beaucoup reste à faire. Leur position s'explique par leur niveau d'instruction élevé leur permettant de bien saisir les faits en dehors de toute affection partisane et socioculturelle. Pour la seconde tendance (32 % des interviewés), le pays est mal géré et la politique menée par le président élu est divisionniste et ethnocentrique. Pour ces enquêtés, le président n'a d'yeux que pour son groupe ethnique et les membres de son parti. Ils font état des discours provocateurs des hauts cadres de l'Etat et de la marginalisation des leurs dans l'administration publique. Tous les postes clés de l'armée et du gouvernement sont confiés aux membres du groupe socioculturel du président. La position de ces interviewés

s'explique par leur appartenance socioculturelle peul. Ils sont aussi tous partisans de l'UFDG, le parti perdant de la présidentielle.

Une autre tendance moins forte (16 % des interviewés) explique que le président élu a bien la volonté de travailler mais est confronté à d'énormes difficultés qui sont le résultat de la mauvaise gestion du pays depuis la prise du pouvoir en 1984. Ils soutiennent qu'en un an, on ne peut résoudre le problème guinéen qui est vieux de plus de 20 ans. Pour ces enquêtés, il faudra attendre encore deux à trois ans pour se prononcer sur la gestion du pays par le président élu à qui l'opposition ne laisse pas la main libre. Pour les tenants de cette tendance, le président élu n'a encore posé aucun acte par rapport aux attentes majeures de la population dont l'eau, l'électricité, l'allègement du panier de la ménagère... Ces enquêtés sont issus de divers groupes socioculturels et d'appartenance politique diverses. Leur position ne peut être perçue comme partisane ou socioculturelle. Un autre sujet qui fait l'objet de division est l'attaque perpétrée au domicile du président élu, qualifié par ce dernier comme une tentative d'assassinat et non comme un coup d'Etat.

4.3.La tentative d'assassinat contre la personne du Président élu

Depuis son investiture, le nouveau président s'était installé dans sa résidence privée située au quartier Kipé. Dans la nuit du 18 au 19 juillet, cette résidence a fait l'objet d'une attaque à l'arme lourde. Les combats entre la garde présidentielle et les assaillants ont duré deux heures mais le président s'en ai sorti sain et sauf. Des arrestations, des inculpations et des condamnations ont eu lieu. Face à cette situation, les personnes interrogées sont partagées entre deux tendances. La première tendance est celle des interviewés (56 % de l'échantillon) qui condamnent cette tentative d'assassinat car, pour eux, elle est belle et bien fondée. Pour eux, s'il ya eu des arrestations, des inculpations et des condamnations, c'est parce que les preuves existent. En faisant allusion aux gardes de corps tués et aux images de cette agression, ils affirment qu'il faut être bête pour monter une telle tentative contre soi même. Ces enquêtés pour la plupart pensent que l'opposition n'ayant pas remporté le scrutin, s'est servi de certains cadres de l'armée pour tenter d'éliminer le président élu et s'emparer du pouvoir. Cette tendance est partagée par les malinkés qui sont d'ailleurs majoritaire ici mais aussi par d'autres groupes socioculturels comme les tomas, les soussous, les konons et les kissis. Si la position des malinkés peut s'expliquer par le lien socioculturel et politique, celle des autres groupes socioculturels explique la façon dont le reste de la communauté nationale perçoit cette tentative d'assassinat.

La seconde tendance est celle des interviewés (44 % des personnes interrogées) qui soutiennent que cette tentative d'assassinat n'est qu'un montage du camp présidentiel pour mettre hors d'état de nuire les personnes jugées embarrassantes et dangereuses. Pour eux, le retard du renfort qui n'est arrivé qu'après deux heures de combats en est une preuve quand on sait que le plus grand camp militaire du pays est situé à une quinzaine de minutes du domicile privé du président sans compter les commissariats de police, les postes de gendarmerie, les escadrons mobiles et les brigades anticriminelles situés dans les zones environnantes du domicile présidentiel. La position de ces enquêtés qui sont presque tous des peuls, s'expliquent par l'accusation portée contre leur groupe socioculturel quant à la responsabilité de cette tentative d'assassinat. La majorité des personnes arrêtées, inculpées et condamnées à des peines de prison, sont les leurs. Malgré leur division, nos enquêtés ont des visions communes quant aux changements qu'ils souhaitent pour le peuple de Guinée.

4.4.Les changements souhaités en Guinée

Bien que divisés sur plusieurs aspects de la transition, les personnes interrogées (la totalité de l'échantillon) partagent la même opinion quant aux changements qu'ils souhaitent voir s'opérer dans la vie quotidienne des guinéens. Les changements cités peuvent être catégorisés en deux : ceux qui relèvent de la compétence de l'Etat et ceux qui relèvent des masses populaires.

4.4.1. Les changements relevant de la compétence de l'Etat

· L'amélioration de l'approvisionnement en eau potable et en électricité ;

· La création d'emploi ;

· La restructuration de l'armée ;

· L'indépendance de la justice ;

· La création d'un conseil constitutionnel pouvant jouer le rôle de sénat ;

· Le renforcement du système éducatif ;

· La stabilisation du franc guinéen ;

· La construction des infrastructures scolaires, routières et sanitaires ;

· La promotion de la culture ;

· La méritocratie : choisir les cadres en fonction de leur mérite et non de leur appartenance socioculturelle ou politique ;

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? La promotion et le développement de l'agriculture. 4.4.2. Les changements relevant des masses populaires

? L'éducation politique pour permettre une meilleure démocratie et éviter les violences politiques ;

? L'amour du travail bien fait car, pour eux, le guinéen ne travaille pas bien et veut toujours obtenir un bon gain ;

? L'amour du prochain pour une meilleure intégration nationale.

Ainsi, l'appartenance politique et l'appartenance socioculturelle ont influencé la typologie du discours. Il est donc nécessaire de présenter ces caractéristiques.

4.5.Appartenance politique des enquêtés

Graphique IV :Répartition des enquêtés selon l'appartenance politique

Appartenance politique des enquêtés

12%

8%

8%

4%

4%

32%

32%

RPG (34) UFDG (34) UFR (13) Aucun (9) PEDN (9) RDIG (4) RDR (4)

Source : Enquêtes de terrain 2011-2012

Sur ce graphique consacré à la répartition politique des enquêtés, les partis RPG et UFDG sont statistiquement plus représentés soit 32% de la taille de l'échantillon pour chacun de ces partis. Ces deux partis étaient les concurrents du deuxième tour de l'élection présidentielle guinéenne de 2010 et sont essentiellement composés de deux groupes

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socioculturels dominants (peul et malinké). La totalité des interviewés appartenant au RPG sont des malinkés tandis que ceux appartenant à l'UFDG sont majoritairement des peuls mais aussi quelques malinkés. Ce qui prouve que ces partis politiques sont constitués sur la base socioculturelle et même régionale. Les conséquences de cette connotation socioculturelle des partis politiques peuvent être les violences et les affrontements ethniques pendant les compétitions électorales et autres formes de participation politique. Des personnes apolitiques peuvent être agressées à cause de leur appartenance socioculturelle avec tel ou tel candidat car, dans cette logique, on confond le parti et le groupe socioculturel de l'adversaire politique.

Le troisième parti statistiquement plus représenté dans l'échantillon est l'UFR (12% de la taille de l'échantillon). C'est ce parti qui est arrivé en troisième position des résultats du scrutin présidentiel du 27 juin 2010. Contrairement aux deux premiers partis (RPG et UFDG), les personnes se réclamants de l'UFR sont issus de différents groupes socioculturels dont les kissis, les malinkés, les peuls, les soussous et les tomas,. Ce qui explique l'ouverture de ce parti dont le fondateur est toma (Goyo Zoumanigui) mais la présidence est assurée par un soussou (Sidya Touré). Ce caractère cosmopolite de l'UFR s'explique aussi par sa politique d'intégration des cadres selon leur mérite et l'intérêt accordée aux problèmes de la jeunesse du parti. 8 % des enquêtés n'appartiennent à aucun parti politique. Ce qui explique le manque d'intérêt de certains guinéens de tous les groupes socioculturels vis-à-vis de la politique surtout lorsqu'ils sont hors du pays. Cela peut aussi s'expliquer par la préoccupation de ces enquêtés par la recherche du pain quotidien mais aussi par la vie conjugale pour les femmes mariées à des béninois.

Les enquêtés qui se réclament du PEDN occupent 8 % de la taille de l'échantillon. Ils sont essentiellement des malinkés comme le président-fondateur de ce parti (l'ex premier ministre Lansana Kouyaté). Les deux derniers partis faiblement représentés sont le RDIG de Jean Marc Telliano et le RDR de Papa Koly Kourouma qui occupent chacun 4 % de la taille de l'échantillon. Les interviewés qui se réclament de ces formations politiques appartiennent soit au groupe socioculturel de candidat du parti ou soit à la région forestière de la Guinée dont sont originaires ces deux candidats.

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4.6.Appartenance socioculturelle des enquêtés

Graphique V : Répartition des enquêtés selon le groupe socioculturel

5%

36%

5%

Groupes socioculturels des enquêtés

4%

3% 3%

44%

Malinké (47) Peul (39) Toma (6) Konon (5) Kissi (4) Kpèlè (3) Soussou

Source : Enquêtes de terrain 2011-2012

Ce graphique présente la répartition socioculturelle des enquêtés. Les enquêtés du groupe socioculturel malinké sont dominants soit 44% de la taille de l'échantillon. Ensuite, arrive les enquêtés du groupe socioculturel peul, qui, représentent 39% de la taille de l'échantillon. Ces deux groupes socioculturels sont les plus dominants en Guinée. Mais contrairement à cette étude où les malinkés sont majoritaires, en Guinée, les peuls sont statistiquement plus importants que les malinkés. (UNIVERSITE DE LAVAL, op. cit.: En ligne) Les tomas occupent 6%, les konon 5%, les kissia 4%, les kpèlè et les soussous occupent chacun 3%. Cette répartition socioculturelle confirme la présence de chaque région naturelle de la Guinée dans la taille de l'échantillon (les soussous pour la Basse Guinée, les peulh pour la Moyenne Guinée, les Malinkés pour la Haute Guinée, les loma, kissia, kpèlè et konon pour la Guinée Forestière).

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TROSIEME PARTIE :

DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE EN

GUINEE : LES FACTEURS DE

RALENTISSEMENT SELON LA

DIASPORA

V- EVENEMENTS POLITIQUES DES DEUX PREMIERS REGIMES

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AUX POUVOIRS MILITAIRES DE TRANSITION

Plusieurs évènements politiques ont été cités par les enquêtés comme étant de l'ordre des évènements qui ont fragilisé le tissu social guinéen. En fonction de la date des évènements, ils ont été classés par régime politique. Le présent chapitre est donc consacré aux évènements politiques du premier régime, ceux du deuxième régime et ceux des pouvoirs militaires de transition.

5.1.Les évènements politiques du premier régime

Le premier régime politique guinéen fut celui de Ahmed Sékou Touré, artisan de l'indépendance nationale et premier président de la République populaire et révolutionnaire de Guinée. Né en 1922 à Faranah, en Haute Guinée, Sékou Touré est du groupe socioculturel malinké, de la descendance de l'Almamy Samory Touré. Il a dirigé la Guinée durant une période de 26 ans (de l'indépendance en 1958 jusqu'à sa mort en 1984)8. (FONDATION PANAFRICAINE SEKOU TOURE, 2008 ; En ligne) Quelques évènements politiques rapportés par nos enquêtés se sont produits pendant son règne. Il s'agit de :

5.1.1. L'agression du 22 Novembre 1970

Du commun des interviewés, cette date reste gravée dans les mémoires des uns et des autres pour avoir été la première manifestation de force de Sékou Touré envers ceux qu'il accusait d'être les « ennemis de la révolution ». Dans une interview datée du 22 Novembre 2011, 41ème anniversaire de l'agression, Andrée Touré, veuve du président Sékou Touré, raconte brièvement cet évènement : « (...) Le 22 novembre 1970, une nuit du mois de ramadan, à 2 heures du matin, des mercenaires avaient débarqué. Il y a eu plus de 360 tués à Conakry. (...)Des cadavres sont restés (dans les rues) pendant deux jours, qu'on ne pouvait pas ramasser à cause de la lutte.» (GUINEE MEDIA, 2011 ; En ligne)

Selon certaines sources, cette agression dirigée par le Portugal contre la Guinée, avait été planifié par le gouverneur militaire portugais de Bissau(le Général Antonio de Spinola) avant d'être soumis à l'aval de Lisbonne en 1969. L'opération fut baptisée en portugais « marde verde » qui signifie en français « mer verte » et sera conjointement menée par

8 Il y a lieu de préciser ici que Ahmed Sékou Touré est mort par suite d'une intervention cardiaque à l'hopital Cleveland, aux Etats Unis d' Amérique contrairement à ce que nous ont rapporté certaines personnes n'étant pas guinéens et pensant qu'il aurait été fusillé à l'aéroport de Conakry.

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l'armée portugaise et le Front National de Libération de la Guinée (FNLG). Le Portugal avait nié toute implication dans cette agression mais la désertion de certains militaires portugais (le Lieutenant Janeiro et ses hommes) avait permît de rétablir les faits. Les membres du FNLG étaient des guinéens opposés au régime de Sékou Touré. Suite à cette agression, plusieurs personnes avaient été arrêtées, torturées et exécutées en dehors de toute procédure judiciaire. Des pendaisons eurent lieu au pont 08 novembre de Conakry et des morts furent enterrés dans des fosses communes. (SOVOGUI, 2008 ; En ligne).

Cette réaction du gouvernement guinéen de Sékou Touré fut l'objet de division au sein de la population et même de nos jourselle divise encore les guinéens qu'ils soient résidents ou membres de la diaspora. Certains la jugent juste tandis que d'autres pensent qu'elle fut débordante et même non-fondée. Pour preuve, plus de la moitié des enquêtés (52%) ont cité cet évènement comme étant une manifestation de la haine contre Sékou Touré et sa population. D'autres au contraire (48%), tout en niant la véracité de l'agression, mentionnent cet évènement comme une stratégie utilisée par Sékou Touré pour mettre hors d'état de nuire, ses opposants du FLNG. Mais il faut retenir que ceux qui adoptent une telle position sont pour la plupart des personnes liées directement ou indirectement aux personnes accusées d'être impliquées dans l'agression et ayant été exécutées. D'une manière ou d'une autre, le constat prouve que cette agression a creusé un fossé entre les composantes de la structure sociale en Guinée et continue d'animer les tensions entre les « pro-Sékou » et les « anti-Sékou ».

5.1.2. Des détentions au camp boiro et à l'intérieur du pays

Ces détentions concernent des personnes qui furent arrêtées entre 1959 et 1984 et qui furent emprisonnées au camp boiro ou dans des prisons à l'intérieur du pays par le régime de Sékou Touré. Ces détentions pour la plus part intervenaient à l'occasion des vagues d'arrestations souvent appelées « complots », « mouvement », « évènements », « affaires »... Certains de ces détenus sont morts exécutés après avoir subi plusieurs séances de tortures. D'autres sont restés portés disparus et d'autres se sont en sortis miraculeusement à la mort de Sékou Touré en 1984. Le souvenir de ces évènements constitue un souvenir d'injustice pour certains enquêtés (88 % de l'échantillon). Ils estiment que ce sont des guinéens furent injustement emprisonnés et exécutés par le régime de Sékou Touré. Pour ces enquêtés, justice doit être rendu aux victimes disparus et à ceux vivants. Ils affirment aussi que les lieux d'inhumation restés encore secret, doivent être rendus publics pour permettre aux parents des victimes de se recueillir sur leurs tombes. Pour eux, tant que les mémoires de ces victimes ne

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sont pas réhabilitées, la réconciliation et l'unité nationale ne peuvent être possibles dans la mesure où dans la tradition africaine, les morts exercent toujours un pouvoir sur la vie des vivants. Leur mécontentement est donc source de malédiction pour les nouvelles générations. Pour eux, la réhabilitation de ces victimes doit donc être au coeur de la réconciliation pour sa réussite.

5.1.3. Le complot peul

Le complot peul ou affaire Diallo Telli désigne une vague d'arrestations dont les principales cibles étaient des peuls à commencer par Diallo Telli, premier secrétaire général de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), ex ambassadeur de la Guinée aux nations unies et ministre de Ahmed Sékou Touré. Accusé de comploter contre la révolution, Diallo Telli fut arrêté et emprisonné au camp boiro où il mourra dans des circonstances obscures. Au total, 90 personnes furent arrêtées. Siaka Touré, frère du président Sékou Touré décrivait au prisonnier Telli ce qu'il faut entendre par complot peul en ces termes : «Le Président a l'impression que vous, les peuls, vous avez une haine contre lui. [...]Après soixante années de colonisation, le Président Sékou Touré a libéré la Guinée grâce aux luttes du PDG. Dans son humanisme naturel, le Président a intégré tous les cadres peuls qui s'étaient opposés à la dignité de la Guinée et leur a accordé des postes de gouverneurs, d'ambassadeurs et de ministres. Mais n'étant pas originaire de la Guinée, vous voulez la détruire et aller ailleurs. En tout cas, l'Histoire s'interroge sur votre patriotisme. [...] Par un côté de ma famille, je peux me réclamerpeuls. C'est pourquoi je vous vois dans cet état avec beaucoup de peine. Mais mon travail m'oblige à obtenir de vous toute la vérité sur ce complot. [...]. Tous les complots auxquels nous avons eu à faire face jusqu'ici ont pris leur source à Paris.» (DIALLO, 1983 ; p.2). Le constat prouve que les peuls continuent de se souvenir de cet évènement et exigent que justice soit rendue à leurs proches victimes pour la construction d'une véritable identité nationale.

5.2.Les évènements politiques du deuxième régime

Le deuxième régime est celui du General Lansana Conté dont le règne a duré 24 ans (de 1984 à 2008). Né en 1934 à Dubreka, en Basse Guinée, Lansana Conté est issu du groupe socioculturel soussou. De son arrivée au pouvoir en 1984 à sa mort en 2008, la Guinée à connu différents évènements politiques qui, pour la plupart de nos enquêtés, ont touché le peuple dans son ensemble car, si le régime de Sékou Touré était jugé être contre les peuls,

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celui de Lansana Conté est perçu comme une véritable source de division entre les groupes socioculturels du pays. Cette attitude du régime avait contribué à accentuer les pressions internes et externes sur l'Etat entrainant ainsi des décisions et actions de l'Etat souvent contestées par le peuple. La recherche de terrain au Bénin a permis de lister les évènements qui ont marqué le peuple durant le règne de Lansana Conté.

5.2.1. De l'arrestation de l'équipe du Premier Ministre Louis Lansana Béavogui

A la mort de Sékou Touré, la constitution prévoyait que la transition soit assurée par le Premier Ministre Louis Lansana Béavogui. Ce dernier conduisit du 26 Mars au 03 Avril 1984, le nouveau gouvernement de transition qui avait pour mission d'organiser les élections. Mais, un groupe de militaires dénommé Comité Militaire de Redressement National (CMRN) dirigé par les Colonels Lansana Conté et Diarra Traoré, s'empare du pouvoir et met aux arrêts toute l'équipe gouvernementale de Louis lansana Béavogui avant de les emprisonner à Kindia, ville située à 135 Km de Conakry. Environ 26 dignitaires de l'ancien régime dont pour la plupart des membres du groupe socioculturel du défunt président, furent exécutés. Les circonstances de la mort de Lansana Béavogui sont confuses. Certains enquêtés estiment qu'il est mort du diabète tandis que ses proches affirment qu'il a rendu l'âme suite à des mauvais traitements le 19 Août 1985. Il a été constaté pendant les recherches de terrain au Bénin, que cet évènement a provoqué un mécontentement chez le groupe socioculturel toma dont Lansana Béavogui était issu mais aussi du groupe socioculturel peul vu que la femme de Lansana Béavogui, fille de Diallo Télly, appartenait à ce groupe socioculturel. Cela a également influencé les relations entre le groupe socioculturel du Colonel Lansana Conté et celui du Président Ahmed Sékou Touré. Voici un extrait du premier communiqué annonçant la prise du pouvoir par le CMRN :

« [...] Peuple de Guinée, c'est dans une grande ferveur que tu viens de conduire à sa dernière demeure l'un de tes fils les plus prestigieux auquel l'Afrique et le monde entier ont tenu à rendre un hommage mérité. [...] Aujourd'hui' alors que tu n'as même pas séché tes larmes, une âpre lutte pour sa succession s'est engagée parmi ses compagnons avides de pouvoir et coupables de la corruption généralisée du gouvernement et de ses institutions. Ton armée nationale, qui t'est demeurée fidèle et qui a toujours partagé ton sort dans la discipline et dans l'abnégation pendant ces vingt-six années d'un pèlerinage douloureux, a donc décidé de prendre en charge l'administration du pays afin de créer les bases d'une démocratie véritable évitant à l'avenir toute dictature personnelle. [...] »(WEBGUINEE,

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2011 ; En ligne).Si ce communiqué N°1 du CMRN annonçait la fin de toute dictature et le début d'une véritable démocratie, les évènements qui suivront en diront plus de détails.

5.2.2. De l'arrestation du Général Diarra Traoré et compagnons

Après la mise à l'écart de l'équipe Béavogui, le CMRN publia la liste de son gouvernement avec à sa tête, les colonels Conté et Traoré respectivement Président et Premier Ministre. Ces deux officiers du régime Sékou Touré cohabitaient pendant quelques mois. Mais le divorce sera consommé en juillet 1985 avec l'arrestation de Diarra Traoré accusé de tentative de coup d'Etat lors d'un voyage du Président Conté à Lomé. Le président Conté rentre précipitamment à Conakry et fut nommé General à sa descente d'avion. Cette nomination suscita bien des inquiétudes quant à la véracité du putsch manqué. Le General Diarra Traoré fut arrêté avec plusieurs officiers de l'armée nationale (environs une quarantaine) pour la plupart des malinkés, groupe socioculturel de Diarra Traoré et de l'ancien Président. Ces officiers furent torturés, humiliés et exécutés dans une procédure extra-judiciaire. (WEBGUNEE, 2011 ; En ligne). Les enquêtés de terrain ont révélé que le fossé déjà creusé entre malinké et soussou par l'arrestation et l'exécution des dignitaires de l'ancien régime, s'est renforcé par celui du Colonel Diarra Traoré et compagnons.

5.2.3. De l'arrestation de l'opposant Alpha Condé à l'exil de Dr Facinet Béavogui

Alpha Condé, le principal adversaire politique de Lansana Conté ; s'est fait arrêté le 15 décembre 1998 dans un village (Piné) situé en Guinée Forestière dans la préfecture de Lola, près de la frontière avec la Côte d'Ivoire. Il était accusé de tentative illégale d'emploi de la force armée, détention et tentative de transfert frauduleux de devises, violence envers un agent de la force publique et violation d'un règlement pris par l'autorité.Les preuves de cette accusation étaient la présence de Alpha Condé à la frontière, deux témoignages de personnes affirmant être contactées par l'un de ses proches et son agenda et bloc notes dans lesquels les autorités auraient découvert le `'plan» avec 18 prétendus mercenaires et trois coupables dont : Alpha Condé lui-même, Sékou Souapi Kourouma et le defunt député Dr Facinet Béavogui. (N'DIAYE, 2009; En ligne). Environs soixante membres du RPG furent arrêtés et condamnés à des peines de prison allant de quatre mois à cinq ans. Beaucoup d'entre eux avaient été torturés pendant leur détention. (AMNESTY INTERNATIONAL, 1999 : p. 2). Cette situation avait contraint des cadres du RPG à vivre en exil. C'est le cas du Dr Facinet Béavogui qui

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s'était exilé en Côte d'Ivoire où il sera assassiné dans des circonstances non encore élucidées. Il a aussi été constaté que cet évènement a été une source de division entre le PUP de lansana Conté et le RPG de Alpha Condé sans oublier les parents forestiers de Facinet Béavogui qui demandent encore justice sur les circonstances de la mort de l'ex député. On peut aussi se poser la question de savoir est-ce que l'opposant Alpha Condé, condamné à mort par contumace au temps de Sékou Touré, emprisonné par Lansana Conté et devenu aujourd'hui président ne procède t'il pas à des règlements de comptes ?

5.2.4. De l'assassinat du Professeur Julien Pokpa Onivogui et compagnons

Cet assassinat est communément appelé `'tueries de cosa».Il designe une fusillade ayant entraîné des morts et suivi d'une traque contre les membres influents de la communauté forestière à Conakry. Réunis au sein d'une coordination, ces cadres de la Guinée Forestière protestaient contre l'installation de l'Ulimo9 qui violait, tuait et pillait les biens des populations au vu et au su des responsables administratifs. La Coordination de la Jeunesse Forestière pour le Développement (CJFD) avait donc prit l'initiative de mener des démarches auprès de l'autorité gouvernementale afin d'obtenir d'elle le départ de ce groupe rebelle. L'impossibilité pour la CJFD d'avoir un interlocuteur auprès du gouvernement, l'obligea à s'ériger en dénonciateur des exactions de l'Ulimo contre la population forestières de la Guinée mais aussi à critiquer le manque de volonté du gouvernement à faire face à cette situation. Le 30 novembre 2000, en réponse à cette pression intra sociétale, plusieurs membres de la CJFD dont le Pr. Julien Pokpa Onivogui10 , Dr Mathias Pokpa Béavogui, Opa Béavogui, Nyankoye Koly Loua, Bernard Sandhi Kpogomou, ont été abattus à cosa, un quartier situé en banlieue de la ville de Conakry. (OBSERVATEUR GUINEE, 2006; En ligne). Les corps furent emportés par les auteurs de ces tueries et ne seront remis à la CJFD par le gouvernement que huit ans plus tard en Août 2008. Ce qui aujourd'hui constitue encore un profond malaise au sein de la population forestière selon nos interviewés originaires de cette localité de la Guinée qui exigent que les auteurs soient punis et que leurs familles soient dédommagées.

9 Une fraction du groupe rebelle LURD (Liberian United for Recociliation and Democtay) dirigé par A. Kromah.

10 Ce Professeur de physique de l'université de Conakry était le plus influent aux yeux du pouvoir ; Il a par ailleurs inventé trois machines dont il disposait les brevets à savoir : l'aspirateur de moustique, la machine à extrait de l'huile de palme, la machine à extrait de jus de fruit dont il fut sollicité par la SOBRAGUI pour une installation dans ses locaux.

5.3.Les évènements politiques des pouvoirs militaires de transition

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A la mort du Président Conté, des jeunes officiers constitués en CNDD s'emparent du pouvoir quelques heures seulement après l'annonce de la nouvelle du décès du chef de l'Etat. La population affaiblie par la misère et la pauvreté, s'active à les acclamer avec l'espoir de voir ses conditions de vie s'améliorer. Des élections présidentielles transparentes sont promises par cette junte dirigée par le Capitaine Moussa Dadis Camara. Originaire de la Guinée Forestière, Dadis Camara est né à Koulé en 1964. Il appartient au groupe socioculturel guerzé. (BARKERE, 2008 ; En ligne). Quelques évènements cités par nos interviewés se sont déroulés pendant que Dadis Camara et Sékouba Konaté étaient aux commandes du pays. Il a été retenu principalement trois évènements qui sont décrits dans les lignes qui suivent.

5.3.1. Du 28 septembre 2009

Suite au retard qu'accusait l'organisation des élections présidentielles promises par la junte et des suspicions d'une éventuelle candidature du Capitaine Dadis, les opposants décidèrent d'organiser une marche de protestation en date du 28 septembre 2009, mais les autorités gouvernementales interdirent cette manifestation du fait que le 28 septembre est commémoré comme date anniversaire du référendum du 28 septembre 1958. C'est à cette date que le peuple de Guinée avait choisi le chemin de la liberté en votant `'NON» à la communauté française proposé par la France à ses colonies. Cette date est perçue par beaucoup d'observateurs nationaux et internationaux comme la première réelle manifestation de l'unité des guinéens sans laquelle le pays n'aurait pas accédé à la souveraineté en 1958. Le sens de l'unité des guinéens en cette date se résume par un appel du père de l'indépendance qui, après la conférence territoriale du 14 septembre lançait à son peuple : « chers camarades, pas une minute à perdre après cette conférence. Tous les hommes, toutes les femmes doivent se mobiliser pour que la victoire soit totale et que l'unité de la Guinée soit affirmée à la face du monde... Chacun et chacune...Doit faire ce que la voix de l'Afrique dicte à sa conscience, cette voix ne cesse de crier Indépendance, Nationalité africaine, Citoyenneté africaine, liberté et Dignité ».(KABA Lansiné, 2009 ; En ligne).

Malgré les appels de report lancé par des religieux, les coordinations régionales et le gouvernement, la marche eut lieu et se solda par une violence extrême et un bain de sang. Plusieurs femmes furent violées avec près de 150 morts (RFI, 2009 ; En ligne) Mais les enquêtés sont partagés quant à la responsabilité de cet évènement.

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Pour les uns (40 % des enquêtés), c'est la junte militaire qui est responsable. Il ressort des entretiens que ceux qui incriminent la junte et son chef sont pour la plupart des malinkés et des peuls même si les malinkés restent dominants. Cela s'explique par le fait le General Sékouba Konaté qui est aussi malinké est soupçonné par les proches de Dadis Camara comme étant l'acteur principal de l'écartement de ce dernier du pouvoir à travers cet évènement tandis que les malinkés s'opposent à cela et soutiennent. Pour les peuls qui soutiennent cette opinion, on peut comprendre cela du moment où certains parmi eux expliquent que la majorité des victimes était les leurs. Et face à une telle situation on est tenté d'accuser le pouvoir en place. S'agissant de ceux qui accusent l'opposition, ils sont partagés entre tous les groupes socioculturels touchés excepté les peuls. Les malinkés sont encore dominants (75 %) parmi cette catégorie de répondants. Cela s'explique par le fait que l'opinion nationale reconnaît quelque part les débordements des manifestations d'opposants en Guinée. L'absence des peuls dans cette catégorie est la preuve qu'ils étaient majoritairement présents à cette marche et par conséquent, la majorité des victimes étaient peuls.

Une autre catégorie d'enquêtés (28%) de presque tous les partis représentés au Bénin, accusent à la fois l'opposition et la junte. Ce qui peut se comprendre par le fait que chaque acteur a assumé une responsabilité et donc une fonction dans cet évènement. Car, s'il n'y avait personne dans le stade, il n'y aurait pas eu de fusillades et de viols. Et même s'il y avait des personnes à l'intérieur du stade, il n'y aurait pas eu de morts ou de viols sans la venue des militaires de la garde présidentielle.

Enfin, une dernière catégorie (16 %) (essentiellement des peuls), indexe l'entourage du président Dadis (dont le N°2 du CNDD), la France et ses alliés. Pour ces interviewés, c'est un sale tour joué par certains proches de Moussa Dadis Camara soutenu par la France afin de le discréditer aux yeux de la population et faciliter son éloignement du pouvoir.. Cette autre version se comprend bien d'une part par le fait que la France voyait ses intérêts se réduire en Guinée sous la présidence de Dadis Camara qui avait opté pour la coopération Guinéo-Asiatique. Et d'autre part du fait que les soupçons d'impartialité du président de la transition accusé d'avoir donné le pouvoir à « son parent » Alpha Condé (RPG) au détriment de Céllou Dalein Diallo (UFDG). Après le 28 septembre, le divorce était consommé entre le pouvoir et l'opposition. Les pressions internes et externes s'activaient contre le régime de Moussa Dadis Camara qui, cherchait à poser des actes pour prouver son innocence mais ces actions auront des effets négatifs qui conduiront à une tentative d'assassinat contre sa personne.

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Il est proposé dans l'encadré suivant, quelques opinions de certains enquêtés : Encadré 5: Extraits d'entretiens

`'C'est regrettable que tous ces gens soient morts ce jour là hors qu'ils pouvaient êtres utiles à la nation. Moi j'accuse les opposants d'être responsables de ces tueries parce que cette date est sacrée pour la Guinée. Même si le régime est mauvais, on ne doit pas manifester ce jour du 28 septembre».

`'De toutes les façons, j'ai condamné les violences du 28 septembre 2009 parce que ça ne donne pas une bonne image du pays. J'incrimine les partis politiques qui s'étaient entêtés à aller au stade pendant que cela était proscrit par le gouvernement. La marche n'était pas aussi pacifique en ce sens que les marcheurs avaient saccagés des postes de police pour se servir des armes»

`'C'est un évènement inoubliable dans l'histoire de la Guinée et qui a contribué une fois de plus à la déchirure de l'unité nationale puisque je peux dire que les 90 % de ceux qui ont perdu la vie, qui ont été violés et arrêtés appartiennent à l'ethnie peul. Les seuls responsables de cet évènement, c'est le Capitaine et ses troupes parce qu'il est le chef de l'exécutif et détenteur du pouvoir absolu et en plus il commande l'armée»

`'C'est un montage de la France, et de ses complices pour réduire le capitaine Dadis qui montait en popularité.Je regrette les morts survenus mais cela était planifier en avance. Les responsables sont les opposants, certains proches du capitaine Dadis dont son bras droit et la mafia française à travers ses complices»

Source :Enquêtes de terrain 2011

5.3.2. De la tentative d'assassinat du Capitaine Moussa Dadis Camara aux accords de Ouagadougou

Une commission onusienne d'enquête est envoyée à Conakry pour établir la vérité sur les massacres du 28 septembre 2009. Le chef de la junte, le ministre de la défense nationale et d'autres cadres de l'armée se sont fait entendre par cette commission. Arrive le tour de l'aide de camp du chef de la junte qui, sachant qu'il est désigné par ses amis comme l'auteur de la

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tuerie du 28 septembre, claque la porte pendant son audition et refuse désormais de se faire entendre. Suite à des malentendus avec son chef qui l'obligeait à répondre aux questions des enquêteurs de l'ONU, il sort son arme et tire sur celui-ci. Blessé par balle, Dadis Camara est évacué vers un hôpital militaire de Rabat, au Maroc où il a reçu des soins intensifs avant d'être embarqué à bord d'un avion à destination de Ouagadougou. Des proches civils et militaires de l'aide de camp sont arrêtés et torturés par certains membres de la junte. Des règlements de compte se poursuivirent dans la capitale guinéenne entre les militaires proches du chef de la junte et ceux de l'aide de camp créant ainsi une panique au sein de la population guinéenne. (SECK, 2009 ; En ligne). Mais un accord de sortie de crise sera signé à Ouagadougou le 15 janvier 2010, prévoyant le maintien en « convalescence » du chef de la junte et l'organisation des élections présidentielles dans un délai de six mois. (AFP, 2010 ; En ligne)

Il ressort des recherches de terrain que le maintien du chef de la junte en exil a crée un mécontentement au sein de la population forestière qui exigeait son retour en Guinée. Ces mécontentements se sont fait ressentir dans l'armée nationale où des règlements de comptes s'étaient opérés entre ses partisans et ceux du nouveau président de la transition. Les populations forestières exigent aussi que justice soit faite sur la tentative d'assassinat contre Dadis Camara afin de prouver à la face du peuple de Guinée les complices de l'aide de camp.

5.3.3. Des affrontements politico-ethniques pendant la période électorale

Les dernières élections présidentielles ont montré la fragilité du tissu social guinéen car, tout au long des campagnes électorales, des violences se sont poursuivies entre des militants de partis différents notamment ceux du RPG, de l'UFDG et de l'UFR. Entre les deux tours, les violences prenaient de l'ampleur suite à des discours ethnocentriques de la part des deux parties. A Kankan, Siguiri et Kissidougou, des peuls furent attaqués par des malinkés qui les accusaient de soutenir l'UFDG dans les fiefs du RPG. Les enquêtés ont des positions différentes par rapport à ces violences.

Pour les uns (52% de l'échantillon), ce sont les peuls qui ont mené des campagnes ethniques en disant : « C'est notre tour ». Ces enquêtés soutiennent aussi que des boissons rafraichissantes avaient été empoisonnées et vendues par les peuls à Conakry. Cette tendance est soutenue par des interviewés de la mouvance présidentielle mais aussi des interviewés issus d'autres groupes socioculturels et d'appartenance politique différente.

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Pour les autres (38 % des interviewés), essentiellement des peuls, c'est les malinkés qui avaient commencé à violenter les peuls et le pouvoir est resté indifférent face à ces violences. Pour eux, c'est le signe du soutien du président de la transition au candidat du RPG puisque les militants de ce parti n'ont pas été inquiétés pour avoir commis des violences contre des peuls. Les uns accusent le président de l'UFDG de faire une campagne ethnique et les autres accusent le candidat du RPG d'avoir donné l'ordre à ses militants de piller les commerces des peuls. Ces violences constituent un obstacle au dialogue entre les deux partis politiques et entre les deux groupes socioculturels qui les forment parce que chacun accuse l'autre d'être le commanditaire des violences et donc aucun ne veut reconnaitre sa culpabilité dans ces violences.

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VI- SITUATION DU DIALOGUE POLITIQUE

Depuis la prise de fonction du nouveau président le 21 décembre 2010, la tension reste vive entre pouvoir et opposition. Celle-ci ne reconnait pas la victoire du président et accuse les autorités de la transition de partialité et de soutien au président élu11. Les tractations entre les deux parties donnent l'impression que les campagnes électorales continuent : l'interview de l'un suscite la réaction de l'autre. Dans ce chapitre, sont abordé deux sections principales : l'état du dialogue politique et les conséquences que cela entraine sur la tenue des élections législatives.

6.1. L'état actuel du dialogue politique

Au moment des enquêtes de terrain, aucun dialogue n'était engagé entre l'opposition et la majorité présidentielle.Mais depuis le 15 novembre 2011, le président a reçu des leaders de l'opposition et s'est excusé auprès d'eux pour n'avoir pas entamé très tôt le dialogue. Tout en promettant de les consulter désormais sur toutes les questions d'intérêt national. (KONAN, 2011 ; En ligne). Le 22 décembre 2011, l'opposition avait accepté d'aller au dialogue avec le pouvoir car, ses deux revendications à savoir : la libération de tous les détenus suite à la manifestation du 27 septembre et l'arrêt de toutes les activités de la CENI avaient été satisfaites. Trois semaines après, elle manifeste de nouveau des doutes quant à la régularité des élections et promet qu'elle fera de sorte que ces élections ne se tiennent pas au lieu de les boycotter12.Face à l'état du dialogue, les enquêtés sont divisés en trois tendances :

La première tendance est celle des enquêtés (48 % de la taille de l'échantillon) qui rejettent la responsabilité sur le pouvoir et l'opposition. Ils estiment que les deux parties ne veulent pas aller au dialogue et que cela exprime le mépris qu'ils ont à l'égard du peuple car, pour eux, on ne peut pas conditionner les affaires du pays à la réalisation d'intérêts personnels. Pour ces enquêtés, le pouvoir et l'opposition mettent l'intérêt personnel au dessus

11 Comme en témoigne cette déclarations du président du PEDN, Lansana Kouyaté aux sage de la Haute Guinée : « C'est Cellou Dalein Diallo qui a remporté le premier et le second tour de la présidentielle. Mais si Alpha Condé a réussi à voler les élections sous la complicité de Jean Marie et de Sékouba Konaté c'est parce que

je l'ai rejoint autrement ça aurait été impossible », consultable à l'URL :
http://africatime.com/guinee/nouvelle.asp?no_nouvelle=647276&no_categorie=, consulté le 20/01/12 à 00h 42

12 A cet effet, le leader de l'UFDG, Cellou Dalein Diallo affirmait : "Si les conditions ne sont pas réunies pour un scrutin propre, il ne sera pas question d'aller aux élections. Mais il ne sera pas non plus question de rester à la maison, mais de s'assurer qu'il n'y ait pas du tout d'élection". Pour renchérir, Dr Faya Millimono, porte-parole du collectif pour la Finalisation de la Transition, membre du bureau politique de la Nouvelle Génération pour la République (NGR) affirme à son tour : « Nous ne boycotterons pas les élections, elles n'auront pas lieu », consultable à l'URL : http://africatime.com/guinee/nouvelle.asp?no_nouvelle=647146&no_categorie=, consulté le 20/01/12 à 00h 50

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de l'intérêt du pays si non ils auraient accepté de dialoguer pour le bien de la nation sans conditions préalables. Ces enquêtés sont issus de toutes les catégories socioculturelles interrogées. Leur position de neutralité s'explique par les conditions posées par les deux parties pour aller au dialogue et surtout le manque d'acte concret de la part de l'opposition et de la majorité présidentielle. Depuis l'élection de Alpha Condé, la classe politique est fortement divisée et a du mal à aller à la table de négociation. Ce qui explique en grande partie l'immensité de la méfiance créée par le scrutin présidentiel de 2010.

Une seconde tendance accuse le pouvoir de n'avoir pas prouvé sa volonté manifeste de dialoguer avec ses opposants. Pour les tenants de cette tendance (36 % des personnes interrogées), le manque de dialogue politique s'explique par le manque de volonté du pouvoir et son incapacité à gérer les problèmes de la société. Pour ces enquêtés, le pouvoir doit être le premier à tendre la main à l'opposition puisque les affaires sont tenues par lui. Dès que le pouvoir fera preuve de volonté, l'opposition ne refusera pas de saisir l'occasion puisqu'elle n'attend que cela. Cette position s'explique par l'appartenance politique de ses tenants qui sont partisans de l'opposition et qui pensent que le gouvernement ne fait rien pour satisfaire leurs exigences.

La troisième tendance est celle des enquêtés (16 %) qui accusent l'opposition de n'avoir pas eu la volonté de travailler avec le président élu. Pour eux, le gouvernement est celui de tous les citoyens guinéens mais c'est l'opposition qui ne veut pas le bien du pays. C'est ce qui explique les conditions qu'elle pose pour tout dialogue. Si elle pose des conditions, c'est parce que le pouvoir lui a tendu la main. Ces enquêtés qui adoptent une telle position sont essentiellement de la mouvance présidentielle. Pour eux, le président fait son mieux mais l'opposition refuse de participer à un dialogue franc. Ce manque de dialogue contribue à ralentir la marche du peuple de Guinée vers le développement et se répercute sur la tenue des élections législatives.

6.2.Les répercussions sur les élections législatives 6.2.1. Le retard des élections législatives

Les élections législatives prévues six mois après l'investiture du président de la république n'ont pas encore eu lieu. Mais les personnes interrogées n'ont pas la même position quant à la responsabilité de ce retard. Pour la majorité (52 % des enquêtés), ce retard est le reflet du manque de volonté des acteurs politiques qui ne veulent pas discuter ensemble des problèmes majeurs auxquels le pays est confronté. Ils estiment que l'opposition souhaite

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la tenue rapide des élections tandis que la majorité présidentielle demande du temps pour la bonne organisation du scrutin. Un autre aspect qui divise les deux parties est le fichier électoral. La majorité présidentielle veut procéder à une reprise du fichier tandis que l'opposition exige une simple révision de ce fichier qui, selon elle, a d'ailleurs servi à l'élection du président actuel et par ricochet mérite d'être maintenu et révisé. Pour ces enquêtés, pouvoir et opposition affichent la volonté de garder la main mise sur les activités de la CENI. Ils pensent que la seule solution à ce problème est le rétablissement du dialogue entre les acteurs politiques. Ces enquêtés sont à la fois des partisans de l'opposition et de la majorité présidentielle qui ne tiennent pas compte de leur appartenance politique ou socioculturelle. Ce qui traduit clairement leur volonté de voir s'opérer en Guinée, un dialogue politique franc et sincère pour le bien être du pays.

Cette lutte des acteurs politiques s'explique par le souci de chaque leader politique d'être significativement représenté au parlement afin d'influer sur les décisions politiques nationales. L'opposition est convaincue que la reprise du fichier électoral est une mascarade du pouvoir pour se donner la majorité à l'Assemblée Nationale. Pour d'autres, essentiellement des peuls (24 % des enquêtés), le retard de la tenue du scrutin est le reflet du manque de volonté de la majorité présidentielle qui ne cherche qu'a contrôler le parlement. Pour ces enquêtés, le pouvoir est certain que les élections ne lui seront pas favorables et donc il faut créer des obstacles pour retarder l'organisation des élections. Cette position se justifie par l'appartenance politique de ses tenants qui sont des partisans de l'opposition.

Une autre tendance moins forte (16 % des enquêtés), soutient que le retard de la tenue du scrutin est lié à des difficultés budgétaires et organisationnelles. Ils évoquent le manque de moyens financiers pouvant permettre d'organiser le scrutin. Ces enquêtés sont des malinkés, leur position s'explique par leur appartenance socioculturelle et politique. Etant membre du parti du président élu, ils justifient le retard du scrutin par le manque de moyens financiers. Mais il y a lieu de préciser que les élections passées ont été financées par des partenaires étrangers du gouvernement guinéen qui, apporteront leur soutien quant il s'agira d'organiser des élections transparentes. La démocratie dont il est question dans ces élections est sponsorisée par ces partenaires étrangers qui ne ménagent aucun effort pour soutenir de telles élections. Il est nécessaire que les élections législatives se tiennent en Guinée au risque d'entrainer de possibles conséquences sur la marche du pays vers la démocratie.

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6.2.2. Les conséquences possibles de l'insuffisance de dialogue politique pour le pays

Le retard de la tenue du scrutin législatif présente des dangers pour la démocratie guinéenne. Pour la majorité des personnes interviewées (76 % de la taille de l'échantillon), l'absence d'une Assemblée Nationale jouant le rôle de contre-pouvoir favorise la dérive autoritaire et biaise la marche démocratique du peuple de Guinée. Cela ne favorise pas aussi les investissements étrangers car, les operateurs économiques étrangers émettent des doutes face aux régimes autoritaires dans lesquels régimes, leurs intérêts ne sont pas garantis et où ils peuvent voir leur contrat annulés d'un moment à l'autre. L'absence du parlement, ne donne pas espoir pour un développement dans la mesure où les députés sont censés être les connaisseurs et défenseurs des problèmes de leurs collectivités. Ces enquêtés, issus de tous les groupes socioculturels informateurs, adoptent une position qui explique leur attachement à la nécessité de l'existence d'un contre-pouvoir pour permettre au pays de se développer avec l'aide des investisseurs étrangers. C'est l'expression de leur désir de voir émerger une Guinée nouvelle loin de toute dérive autoritaire ou dictatoriale.

Une autre tendance est celle des enquêtés (24 %) qui pensent que ce retard peut entrainer des violences ou des manifestations. Les mécontentements se traduisent en Guinée par des manifestations qui peuvent encore dégénérer en violences politico-ethniques comme les événements du 28 septembre 2009. Pour ces enquêtés, si les élections ne sont pas organisées dans un bref délai, l'armée peut aussi saisir l'occasion pour faire un coup d'Etat. La position de ses enquêtés peut s'expliquer par la récente tentative d'assassinat que beaucoup considèrent comme un règlement de compte de certains mécontents des anciens régimes militaires qui soutiennent l'opposition et qui n'approuvent pas la gestion du pays par le président qu'ils accusent de les avoir mis à l'écart tout en refusant d'organiser les élections législatives.

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QUATRIEME PARTIE :

PRECEPTES POUR LA

REUSSITE DE LA TRANSITION

DEMOCRATIQUE EN GUINEE

ET QUELQUES ACTIONS DE LA

DIASPORA

VII- NECESSITE D'UNE CONCERTATION NATIONALE

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Toutes les personnes interrogées ont reconnu l'existence du déséquilibre social dans la société guinéenne. Hormis quelques uns, la majorité admet la nécessité de la création d'une commission vérité, justice et réconciliation chargée de conduire les assises nationales pendant lesquelles les différents du peuple seront résolus. Mais ils sont convaincus que la réussite du travail de cette commission dépendra largement de plusieurs facteurs qu'ils estiment indispensables à l'unité des guinéens.

7.1.Les conditions indispensables pour l'unité nationale

Les facteurs pouvant conduire à l'identité nationale guinéenne sont variés selon qu'il s'agit des enquêtés de l'opposition ou des enquêtés de la mouvance présidentielle.

7.1.1. Les exigences de l'opposition

Les conditions évoquées par cette catégorie d'enquêtés sont entre autres :

- Une justice équitable pour tous les citoyens: se sentant marginalisé et victime d'un système politique qui maîtrise l'appareil judicaire pour ses intérêts, ces enquêtés réclament plus de justice entre les différentes composantes de la nation ;

- Jugement et condamnation des coupables d'évènements politiques : pour eux, les coupables des évènements politiques doivent être arrêtés, jugés et condamnés. Ce n'est qu'après cela que la commission de réconciliation peut être envisagée. Cette position s'explique par la l'état de la douleur que ces évènements ont causés dans le coeur des citoyens membres de l'opposition ;

- Le patriotisme : pour ces enquêtés, en Guinée, l'ethnocentrisme prime sur le patriotisme. Ils considèrent que le pays ne peut pas avancer dans de telles conditions. Ils accusent les cadres de jouer à la carte ethnique au lieu de favoriser l'intérêt national. Pour eux, tous ceux qui disent aimer la Guinée ne doivent pas favoriser une ethnie par rapport à une autre mais doivent oeuvrer pour la construction de la nation guinéenne, c'est-à-dire, mettre l'intérêt de la patrie au dessus de tout ;

- Libération des prisonniers politiques : Pour les enquêtés, les prisonniers politiques sont principalement des personnes qui ont été arrêtées pendant des manifestations de l'opposition et qui sont détenues dans les prisons. Certains ont été jugés et condamnés à des peines de prison ferme et d'autres à des peines de prison par sursit. Sont aussi

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designer comme prisonniers politiques, les personnes civiles ou militaires qu'ils considèrent être innocentes et qui ont été victimes des vagues d'arrestations qui ont suivi la tentative d'assassinat contre la personne du président de la république. Certains ont été jugés et d'autres sont détenus sans jugements. La majorité des condamnés sont du groupe socioculturel peul. Pour ces enquêtés, cela ne favorise en aucun cas la réconciliation nationale tant souhaité par les guinéens. Ils estiment donc que la libération de ces prisonniers serait un véritable signe de la volonté du pouvoir à réconcilier les fils et filles du pays ;

- Prendre soin des enfants des victimes des évènements politiques : Il s'agit selon les enquêtés, d'apporter un soutien aux personnes ayant perdu leurs parents suite à des évènements politiques. Certains sont morts en laissant derrière eux des enfants mineurs qui ne peuvent satisfaire aucun de leur propre besoin. Les familles qui les approche ne s'occupe pas d'eux convenablement qu'ils sont souvent tenus obligés d'aller à la mendicité. Si l'Etat n'apporte pas son soutien à ceux-ci, ils finiront par rester des enfants de la rue alors qu'ils pouvaient bien être utiles à la nation. En les assurant le logement, la nourriture, l'éducation et autres besoins financiers, l'Etat aura sauvé ces enfants de toute tentative d'exercice de métiers illégaux comme le trafic de stupéfiants pouvant compromettre la quiétude sociale ;

- L'équilibre ethnique dans la gestion administrative :Pour ces interviewés, il y a un déséquilibre ethnique dans la gestion administrative car, les postes stratégiques sont confiés aux membres du groupe socioculturel du président élu. Toutes les personnes soupçonnées ou connues d'être fideles à l'opposition (surtout les peuls), sont marginalisées à cause de leur appartenance socioculturelle. Pour eux, le président élu doit refonder son gouvernement en intégrant toutes les composantes socioculturelles du pays afin d'obtenir un gouvernement représentatifs de tous les guinéens. Cet équilibre doit être maintenu dans toutes les structures administratives pour permettre à chaque groupe socioculturel de se sentir chez lui ;

- Répartition égale des ressources : Pour ces enquêtés, les ressources du pays ne sont pas destinées à une catégorie de personnes mais à l'ensemble des citoyens du pays. Il faut donc créer des conditions de répartition égale de ces ressources afin que tous les contribuables bénéficient des richesses du pays sans aucune distinction régionale, socioculturelle et partisane.

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Ces enquêtés pensent que ce n'est qu'en faisant preuve de bonne gouvernance que les guinéens et guinéennes feront confiance à leurs dirigeants et a eux mêmes et par conséquent, la réconciliation peut porter fruit car, la confiance en l'autre est un facteur clé de toute réconciliation. La mouvance de son côté pose des exigences face à l'opposition qu'elle accuse de tous les maux.

7.1.2. Les exigences de la mouvance présidentielle

Pour les enquêtés de la mouvance présidentielle, c'est l'opposition qui ne veut pas aller à la réconciliation. Pour cela, ils exigent:

- La conformité aux directives du président élu : Pour eux, il n'ya pas deux présidents élus mais un seul et unique. Ce qui signifie que c'est le président élu qui commande et tous les autres doivent se plier à ses ordres jusqu'à la fin de son quinquennat. L'opposition est indiquée être la cause de tous les problèmes que la transition traverse. Ils soutiennent que tous les citoyens guinéens doivent suivre les directives du président élu afin de bâtir une société harmonieuse ;

- Le dialogue et la participation de tous : Ils sont convaincus que sans le dialogue et la participation effective de tous les guinéens, la transition ne peut aboutir à son terme et sera confrontées à des difficultés majeures qui ralentiront son évolution. Pour cela, le dialogue et à la participation de tous les guinéens au processus démocratique est indispensable ;

- L'implication des sages et des religieux : les sages et les religieux ont une grande renommée aux yeux des populations et donc, il faut passer par eux pour faire participer certaines personnes ne voulant pas prendre part à cette commission ou qui ne veulent pas se livrer par doute de confidentialité des auditions ;

- L'amour du prochain : Cette règle religieuse trouve sa place dans la morale. On ne doit pas faire du mal à autrui mais il faut aimer son prochain comme soit même. Dans la pratique religieuse, le prochain est toute personne que l'ont peut rencontrer où que ce soit. Ce sont les pauvres, les enfants de la rue et tous ceux qui sont dans le besoin. Pour la réussite du processus démocratique et de la réconciliation, les guinéens doivent s'aimer mutuellement sans tenir compte des différences religieuse, politique, régionale et socioculturelle ;

- Eviter de se faire manipuler par les leaders politiques : Les interviewés affirment que les leaders politiques sont des manipulateurs des populations. La population doit

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être vigilante pour éviter de se faire manipuler par les politiciens qui ne les utilisent que pour détruire la cohésion nationale ;

- Pardonner les évènements passés : la réconciliation ne passe pas par le châtiment des coupables mais par le pardon. Ceux qui ont subi les évènements et ceux qui ont perdu des parents au cours de ses évènements, doivent accepter de pardonner car, tous les guinéens sont à la fois victimes et bourreaux si on doit dresser une liste de tous les évènements politiques. Les uns ont fait du tord aux autres à un moment donné de l'histoire et les autres en ont fait aux uns à un autre moment. Qui faut-il accuser ? Qui faut-il oublier ? La seule réponse, c'est de se pardonner car, tous les guinéens sont responsables de ce qui s'est passé dans leur pays et il serait injuste de pointer du doigt certains et d'oublier les autres ;

- Les partis politiques doivent sensibiliser leurs partisans : tous les débordements sont la cause du manque de sensibilisation des militants dans les situations politiques. Ce sont les partis qui ont la charge d'éduquer leurs militants et sympathisants à la citoyenneté électorale. En jouant aussi à l'apaisement, les partis contribueront à la construction de la paix sociale en Guinée ;

- Assise nationale : le président à la responsabilité de faire assoir tous les guinéennes et guinéens autour d'une table et leur expliquer que le pays appartient à tout le monde et que nos différents ne seront résolus que si l'on discute de nos problèmes et qu'on trouve ensemble des solutions ;

- La démonopolisation du commerce : tant que le commerce est monopolisé par les peuls, ceux-ci seront toujours pointés du doigt par les autres groupes socioculturels car, il y a toujours une logique de domination économique entre les peuls et les malinkés. En démonopolisant le commerce, personne n'accusera plus l'autre d'être la raison de son malaise économique et les peuls ne seront plus accusés d'être les détenteurs du pouvoir économique.13

13 Le médiateur de la république, le General Facinet Touré, est souvent cité parmi ces personnes pour avoir déclaré que : «Les peulhs ont le pouvoir économique, ils doivent donner la chance aux autres ethnies de se

partager le pouvoir politique» consultable à l'URL : http://conakryinfos.com/fichiers/livre-
999.php?pseudo=rub4&langue=fr&code=calb829&num=53 , consulté le 10/12/12 à 3h 26

7.2.La commission vérité, justice et réconciliation

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La réconciliation est souhaitée par l'ensemble des enquêtés. Si le retard de la constitution de cette commission est perçu différemment, les critères qu'ils définissent pour sa composition et son fonctionnement ne sont pas aussi divergents.

7.2.1. Le retard de la constitution de la commission de réconciliation

Le président de la république de Guinée, le Pr. Alpha Condé, avait annoncé dès son investiture, le 21 décembre 2010, qu'il mettra en place une commission vérité, justice et réconciliation à l'image de celle sud-africaine pour réconcilier les filles et fils de la Guinée. Mais après cette investiture, il a fallu attendre plusieurs mois pour que les représentants provisoires de la commission soient désignés. Les personnes interrogées ont des opinions différentes sur cette situation.

Pour les uns (42 % de l'échantillon), c'est la preuve du manque de volonté du pouvoir à réconcilier les guinéens. Si le nouveau président avait réellement la volonté de réconcilier son peuple, il ne pouvait attendre aussi longtemps sans en faire une priorité. Ce qui apparait comme une faiblesse du pouvoir qui jusque là n'a pas touché à l'essentiel de la mission qui l'attend. Cette position s'explique par l'appartenance politique de la majorité de ses tenants aux partis de l'opposition qui ne peuvent qu'accuser leur adversaire politique qu'est le président de la république, son gouvernement et son parti.

Pour les autres (35 % des enquêtés), c'est un manque de volonté politique du pouvoir et de l'opposition en ce sens qu'il n'existe pas de dialogue entre les deux parties. Il y a d'un côté, l'intransigeance du président et de l'autre côté, les actes de sabotages de l'opposition qui, malgré la volonté du président de la faire participer à cette commission, refuse de dialoguer dans ce sens en posant plusieurs conditions. C'est donc l'atmosphère tendu de la situation politique qui explique le retard de la constitution de cette commission. Pour faciliter la constitution de cette commission, il est nécessaire que les guinéens retrouvent un minimum d'apaisement face aux évènements passés et gagnent la confiance des uns et des autres. Cette position explique la neutralité de ses tenants malgré leur appartenance politique et socioculturelle différente. La diversité politique et socioculturelle de cette tendance explique sa pertinence et sa crédibilité car, les enquêtés n'ont tenu compte ni de leur lien avec l'opposition ni de leur lien avec le pouvoir pour les accuser conjointement.

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Pour la troisième tendance (19 % des enquêtés), la population a des besoins urgents qu'il faut combler avant de faire face à la constitution de la commission de réconciliation. Ce qui fait appel à plus de patience et de retenue de la part de l'opposition. La position de ces enquêtés s'explique par les raisons de départ du pays de ses tenants qui sont arrivés au Bénin pour la recherche d'une vie meilleure parce qu'ils étaient confrontés à des difficultés économiques.

7.2.2. Composition et critères de choix des membres

Il ressort des recherches de terrain que la commission doit être représentative de toutes les couches sociales du pays et de toutes les ethnies pour permettre à chaque guinéen de s'y retrouver et d'être rassuré que personne ne sera défavorisé par rapport à l'autre. Le facteur essentiel de sa réussite réside dans sa capacité de représenter toutes les populations guinéennes. Ce qui sous entend sa légitimité et son aspect consensuel. Ce consensus doit tenir compte de plusieurs critères dont entre autre :

- Des personnes de confiance susceptibles de défendre l'intérêt général;

- Des personnes connues et populaires ;

- Des personnes charismatiques et convaincantes ;

- Des personnes neutresqui n'ont pas été impliquées dans les évènements politiques de

près ou de loin ;

- Des personnes de haute moralité qui ne peuvent pas trahir l'intérêt national au profit

de celui individuel ;

- Des personnes qui ont la volonté de réconcilier le peuple ;

- Des personnes ayant la connaissance des problèmes du pays ;

- Des éducateurs ;

- Des personnes dynamiques et expérimentées en négociation ;

- Des personnes apolitiques, c'est-à-dire, ceux qui ne défendent pas des intérêts de

partis politiques, d'ethnie ou de région ;

- Des personnes résidant de façon permanente en Guinée depuis les dernières années ;

- Des guinéens de l'étranger.

7.2.3. Les critères de fonctionnement

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- Vérité : exposer les faits tels qu'ils se sont passés, doit être le facteur fondamental de

fonctionnement de cette commission ;

- Ouverture : la commission doit s'ouvrir à toutes les personnes désireuses d'être

entendu ou disposant de témoignages ;

- Discrétion sur le règlement de certains différents ;

- Indépendante des autorités politiques et administratives;

- Impartiale écoute de toutes les parties et élaboration des propositions et

recommandations ;

- Inclusivité de la commission ;

- Autonomie financière.

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VIII- LA DIASPORA GUINEENNE EN ACTION AU BENIN : ELEMENTS

EMPIRIQUES

Au delà de ces discours concernant la transition démocratique en Guinée, la diaspora guinéenne du Bénin est loin d'être passive en raison des activités qu'elle mène pour participer au rétablissement de la quiétude sociale et de l'unité nationale en Guinée. Ces activités sont coordonnées par des structures sociales mises en place à cet effet.

8.1.Bref aperçu des structures sociales existantes

Au Bénin, les structures sociales guinéennes reconnues sont principalement le consulat honoraire et la CRGB. Il existe des sous-structures à caractère régionale ou socioculturelle.

- Le consulat honoraire

En effet, si les relations diplomatiques entre la Guinée et le Bénin datent de l'indépendance, il faut dire qu'elles se sont tardivement matérialisées quant à l'existence d'une structure diplomatique guinéenne au Bénin. C'est seulement en l'an 2000 que M. Ibrahima Youla prendra l'initiative d'ouvrir un consulat honoraire de la Guinée au Bénin. Celle-ci se donnera pour mission principale de protéger les intérêts des guinéens vivant au Bénin et de faciliter leurs démarches administratives. Avant cette date, toutes les procédures administratives devraient être engagées à l'ambassade de Guinée à Lagos (Nigeria). De nos jours, le consulat est l'organe officiel intermédiaire reliant les guinéens du Bénin à l'ambassade de Guinée à Abuja. Il travaille en étroite liaison avec la CRGB qui l'organe au sein du quel les guinéens du Bénin exercent leurs activités associative.

- La CRGB

La communauté est plus ancienne que le consulat car, elle date de 1975 et fut crée par des fonctionnaires guinéens affectés au Bénin sous le régime de feu Ahmed Sékou Touré. Elle consacre l'essentiel de ses activités non seulement à la résolution des problèmes quotidiens que connait la Guinée mais aussi aux problèmes qui affectent ses membres. De nos jours, elle est composée de deux catégories de guinéens diasporés : ceux venant du pays et ceux nés au Bénin. Ceux venant du pays suite à des situations difficiles sont cependant plus actifs dans les activités que ceux nés ici dans un milieu parental ambiant. Elle regroupe des guinéens issus de toutes les confessions religieuses, de toutes les formations politiques représentées au Bénin et tous les groupes socioculturels du pays. Elle compte environs 1200 membres contre 1750

96

97

habitants enregistrés au consulat. La communauté demeure la super structure au sein de laquelle se créent des sous-structures avec des pouvoirs d'action limitée.

- Les sous-structures

Il s'agit des structures associatives qui existent mais ne sont pas reconnues comme telles par le consulat et les autorités guinéennes. Elles sont pour la plus part des associations de groupements ethniques ou régionaux. Leurs activités sont focalisées uniquement au renforcement de la cohésion entre les membres d'un groupe socioculturel ou d'une région. Elles manifestent de fortes solidarités lorsqu'il est question de venir à la rescousse d'un des leurs. La plupart d'entre elles sont rattachée à la structure dominante qu'est la CRGB.

8.2.Appartenances des enquêtés aux structures sociales existantes Graphique VI : Appartenance des enquêtés aux structures sociales guinéennes

Apparténance à des structures de
représentation guinéenne

70%

65%

60%

50%

40%

30%

20%

15%

12%

10%

8%

0%

Consulat, CRGB et autres structures (69)

Consulat uniquement

(16)

Autres structures
uniquement (13)

Aucune structure (9)

Source : Enquête de terrain 2011-2012

On constate sur ce graphique que plus de la moitié (65 %) des personnes interrogées sont membres de la CRGB et sont enregistrées au consulat. Ces enquêtés sont issus de tous les groupes socioculturels, de tous les partis politiques et de toutes les catégories socioprofessionnelles de la présente étude. Ils sont par ailleurs, ceux qui participent le plus activement au débat politique inter-guinéen. Ce explique fortement l'implication de la diaspora guinéenne du Bénin dans son ensemble aux situations politico-économiques que

connait la Guinée. Malgré leur différence politique, socioculturelle et socioprofessionnelle, leur structure commune d'action est la CRGB. Ce qui démontre leur attachement aux valeurs d'unité et les donne un positionnement social susceptible de rendre leurs oeuvres fécondes dans le cadre de la réconciliation nationale qu'ils prônent.

15 % des enquêtés sont simplement enregistrés au consulat et ne sont pas membres ni de la CRGB ni d'aucune structure. Ils sont pour la plus part des étudiants et des commerçants. Cela peut s'expliquer par les occupations professionnelles de ces enquêtés qui ne leur permettent pas de prendre part à des activités des structures associative présentes ici. Mais malgré leurs occupations, ils tiennent à faire acte de leur présence au consulat qu'ils reconnaissent comme une structure chargée d'assurer leur protection en toute circonstance. En se faisant enregistrer au consulat, ils ont la certitude d'être sous « la protection maternelle » de la Guinée qui leur tient à coeur. Ils ne se livrent à aucune activité allant dans le sens du débat politique dans leur pays. Ce qui s'explique par leur méfiance vis-à-vis de la chose politique. Cette méfiance tire son origine de l'instabilité politique que connait le pays et qui fait douter les étudiants (dont la plus part sont sous la tutelle de certains ministères) quant à leur devenir professionnelles une fois de retour au pays.

12 % représentent la taille des enquêtés qui n'appartiennent pas à la CRGB et ne sont pas enregistrés au consulat mais sont membres de structure associative à caractère régional. Ces enquêtés sont majoritairement des ménagères qui sont soit mariées à des guinéens vivants au Bénin ou soit à des béninois. Ce qui explique quelque part l'attachement aux pratiques communautaristes au sein de la communauté guinéenne du Bénin. Mais cela reste souvent inaperçu puisque les interviewés qui sont membres de ces structures ne participent pas aux actions qui concernent directement le processus de transition démocratique en Guinée. Ces structures dont il est question ici, ont une vocation plus sociale et économique que politique dans la mesure où la plus part d'entre elles focalisent leurs activités sur les tontines, assistance sociale de tous genres (baptême, décès, mariage, naissance, maladie). Elles ne sont que des formes d'entraide face aux difficultés quotidiennes rencontrées au Bénin.

Enfin, 8 % des enquêtés ne font partie d'aucune structure se réclamant de la diaspora guinéenne. Ils sont en grande partie des ménagères, des commerçants et quelques étudiants/doctorants. Ce qui explique le manque d'intérêt de ces interviewés vis-à-vis de la vie associative à l'étranger. Leur préoccupation majeure reste leurs activités professionnelles respectives.

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8.3.Typologie des actions ? Les actions de plaidoyer

Il s'agit des actions qui visent à influencer les décisions politiques. Elles constituent des lobbyings qui se manifestent par la publication de mémorandums adressés aux autorités publiques guinéennes. Ces actions de plaidoyer en faveur de la stabilisation de la situation politique en cours se manifestent principalement de trois manières :

- La procédure diplomatiques/consulaires. Dans ce cas, la diaspora pour faire parvenir sa déclaration aux autorités guinéennes, doit prendre contact avec le consulat honoraire de la Guinée au Bénin qui, à son tour, rend compte à l'Ambassade de la Guinée au Nigeria. C'est celle-ci qui prend la décision finale concernant la publication de la dite déclaration. Cependant, cette procédure semble favoriser la censure des textes qui ne seront pas en faveur du système politique en place. S'il est vrai que la plus part des personnes qui incarnent les représentations diplomatiques et consulaires sont très souvent soucieuses de conserver leur poste, on peut constater que celles-ci utilisent toutes les stratégies nécessaires pour plaire aux autorités en place y compris le refus de publier ces déclarations qui `'dérangent `' ;

- La procédure de tutelles béninoises. A ce niveau, il s'agit pour la diaspora de passer directement par les autorités béninoises en charge de l'intégration africaine et des Mairies pour rendre publique ses intentions à travers des manifestations couvertes par la presse internationale et les médias guinéens. Cette procédure est souvent très peu soumise à la censure mais elle subit des retards dus à la lenteur administrative et à la méfiance de ces autorités de tutelles. Celles-ci craignent souvent que ces déclarations n'engendrent des crises diplomatiques entre les deux pays. Ce fut le cas des démarches engagées pour protester contre les évènements du 28 septembre 2009. Une copie de la demande introduite auprès de la mairie de Cotonou en cette occasion figure en annexe de cette production ;

- La procédure de la confrontation directe. Il s'agit ici d'une voie verbale qui consiste à échanger directement avec des personnalités guinéennes en mission ou en visite au Bénin. La diaspora profite de la présence de ces derniers pour les rencontrer et échanger avec eux sur les situations qui prévalent dans le pays. On peut noter quelques rencontres avec des personnalités de la transition en cours comme :

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V' M. Mohamed Bamba Camara, conseiller du ministre des guinéens de l'extérieur à la date du 04/04/2010 ;

V' Général Facinet Touré, médiateur de la République en date du 27/02/2011 ; V' Mgr Albert David Gomez, vice-président du CNT à la veille du premier tour des élections présidentielles (scrutin du 27 juin 2010) ;

V' Général Sory Doumbouya, grand chancelier de l'ordre national du mérite en date du 14/12/2011 ;

? Les actions de sensibilisations

Il s'agit des actions dirigées par la diaspora pour susciter un changement de comportements chez les guinéens de l'intérieur souvent confrontés à des crises politico-ethniques qui favorisent leur division. La diaspora, après s'être renseignée sur ce qui se passe au pays, procède d'abord à la diffusion de l'information sur cette situation à l'endroit de tous ses membres. Ainsi, pendant les assemblées générales ou les réunions extra-ordinaires, des stratégies communes sont envisagées pour lancer des appels à l'unité et à la cohésion nationale. La nature de ces stratégies varie selon la circonstance en cours. Il peut s'agir des rencontres de prières entre les ressortissants des quatre régions naturelles si elle fait face à une crise ethnique ; ou une rencontre des représentants de partis politiques sanctionnée par un meeting commun lorsqu'elle fait face à une crise politique.

Photo I : Le Président de la CRGB lisant un discours

Source : Cliché Pierre Pévé BAVOGUI du 02/10/2011

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Sur cette photo figure le président de la CRGB lisant un discours. A coté de lui se tient le responsable des guinéens de Porto-Novo et juste derrière lui on voit le consul. Ce discours intervenait juste à la sortie d'une rencontre de prière en faveur de la paix en Guinée. Cette rencontre qui avait eu lieu dans les locaux du consulat honoraire était co-organisée par ces deux structures. Toutes les quatre régions naturelles étaient représentées. Des guinéens étaient venus de partout à travers le Bénin (Porto-Novo, Parakou, Bohicon, etc.) pour lancer un appel à la paix et à l'unité nationale ;

? Les actions de médiation et intermédiation

Ces actions sont engagées lorsqu'il s'agit essentiellement de crises qui interviennent entre les acteurs politiques internes ou externes. La diaspora, procède à l'instauration d'une mission de médiation chargée de résoudre les différents entre les acteurs nationaux concernés ou d'intermédiation s'il est questions des acteurs membres de la diaspora ;

? Les autres actions

Il s'agit notamment des actions menéespour la fraternité et les convivialités entre la diaspora et les guinéens de l'intérieur. On peut noter ici les partenariats dans le cadre de la promotion de la culture guinéenne au Bénin à travers la commercialisation des habits artisanaux (lépi, forêt sacré, étoffes traditionnels, etc.) et d'autres objets culturels guinéens sur le sol béninois. Ces actions culturelles se sont matérialisées par la création de quatre centres de teintures dans la ville de Cotonou dont le centre Manda Saran, celui du Lycée Koulibaly et les deux centres situés à Akpakpa. Ces centres jouent un grand rôle dans l'emploi des diasporés spécialisés dans la teinture (plus de 300 employés de la sous région). On peut également noter des matchs de Gala organisé ici ou au pays et tout récemment la création d'un centre académique de football dans la ville de Kankan par l'Association des Jeunes Dévoués pour l'Emergence de la Guinée (AJDEG) dont le lancement a eu lieu le 14 janvier 2012. Ces actions sont largement diffusées par les médias au sein de la population guinéenne.

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Photo II: Match de Gala pour l'unité nationale

Source : Cliché Pierre Pévé BAVOGUI du 02/10/2011

Cette photo présente deux équipes débutant un match Gala de football en faveur de la réconciliation nationale et de la paix en Guinée. Ce match fut organisé dans le cadre des festivités du 53ème anniversaire de l'indépendance de la Guinée. Les guinéens venus de toutes les villes du Bénin avaient pris part à cet évènement organisé par le consulat en collaboration avec la CRGB.

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PERSPECTIVES POUR UNE THESE DE DOCTORAT EN SOCIOLOGIE :

DE LA DEMOCRATIE AUX VALEURS MARCHANDES A LA DEMOCRATIE AUX VALEURS EDUCATIVES

La problématique de la démocratie en Afrique reste très controversée. Il ressort cependant des analyses de cette étude que, pour une réussite du processus démocratique en Guinée, il est nécessaire de passer d'une démocratie marchande à une démocratie basée sur l'éducation.

De la démocratie aux valeurs marchandes

La démocratie telle qu'elle se présente en Afrique de façon générale et en Guinée de façon particulière est d'une valeur purement marchande. Le sens de marchandise donnée ici à la démocratie s'explique par son imposition aux peuples qui n'en ont aucune culture, c'est-à-dire, aucun mode de vie parallèle. Le peuple de Guinée dans son ensemble, est fortement ancré dans les valeurs ancestrales de la royauté, de la chefferie et du droit d'aînesse. Ces valeurs sont d'ailleurs communes à toutes les sociétés africaines. Avec l'avènement de la démocratie, les guinéens se sont vus privé de leurs valeurs traditionnelles au profit de celles

européennes et américaines dont ils sont ignorants. Cette manière de vivre
« démocratiquement » n'a pas prit en compte leur manière de vivre anciennement. Or, comme le dit l'autre, « vouloir poser la toiture d'une case sur une autre, elle tombe dedans ou elle déborde ». Elle tombe dedans ou elle déborde parce que tout simplement cette case sur laquelle on veut la poser n'a pas les mêmes dimensions que celle pour laquelle la toiture a été confectionnée au départ. Pour que cette case soit convenablement couverte, on n'a pas besoin de transposer une autre toiture qui n'est pas la sienne mais plutôt d'en confectionner une en fonction de ses propres dimensions. Cet exemple de la toiture de la case illustre bien le caractère marchand de la démocratie. Cette démocratie de culture occidentale est imposée par les puissances occidentales aux sociétés africaines dans le seul but de voir les intérêts de ses promoteurs prospérer sur le continent noir.

Pour parvenir à cette fin, ils apportent leur soutient à des élites africaines dévouées à leur cause même si ceux-ci sont incompétents et ne peuvent en rien contribuer au développement de leur propre pays. Ainsi, la logique de la démocratie marchande est qu'il faut garantir les intérêts de son protecteur pour rester au pouvoir. Tout dirigeant qui ne se plie pas à cette règle peut se voir renversé d'un moment à l'autre.

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Une démocratie aux valeurs éducatives

Le moyen le plus efficace pour réussir le développement en Guinée, serait de définir comme priorité, la valorisation de l'éducation. Il faut entendre ici par éducation les aspects scolaire et traditionnel de celle-ci. L'éducation scolaire fait allusion à l'instruction qui a pour garant l'Etat tandis que l'éducation traditionnelle quant à elle, fait allusion aux formes traditionnelles d'éducation dont la famille est le principal acteur. En effet, depuis l'indépendance, avec les réformes scolaires contradictoires, on a eu l'impression que l'éducation n'est pas une priorité nationale en Guinée. Or, il n'y a pas de développement réussi sans une politique axée sur l'éducation. Ce qui rend indissociable et interdépendant l'éducation, la politique démocratique et le développement. Faire donc de l'éducation une priorité c'est opter pour le développement car, comme le disait Claude Assaba, « l'éducation est la clef de tout développement » (ASSABA, 2004 : p. 143) La démocratie, pour engendrer le développement, exige des citoyens plus d'éducation, de maîtrise de soi et de connaissances générales car, ces citoyens sont appelés à prendre des décisions pour l'évolution du pays. MOUGNIOTTE, 2002, cité par ASSABA, op. cit. : p. 190, martèle : « Vanter la démocratie sans organiser l'éducation est une duperie (...) La société globale ne nourrira véritablement la volonté politique d'éducation à la démocratie que dans la mesure où ses membres eux-mêmes ont été formés aux valeurs de celle-ci. Mais comment le seraient-ils si cette volonté politique a fait défaut à l'éducation ? »

Cette démocratie éducative peut induire au développement si elle trouve solution à trois inquiétudes fondamentales à savoir la revalorisation de la fonction enseignante, la formation des formateurs et la question des infrastructures scolaires dignes de noms. Ainsi, s'ouvre une nouvelle problématique recherche : pourquoi et comment passer de la démocratie à valeurs marchandes à la démocratie à valeurs éducatives ? C'est à cette préoccupation que seront consacrées de nouvelles recherches dans le cadrede la thèse de doctorat en sociologie.

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CONCLUSION

Cette production scientifique a porté sur une analyse sociologique de la transition démocratique en Guinée à partir de la perception politique et sociale de la diaspora vivant au Bénin, précisément dans les communes d'Abomey-Calavi, de Cotonou, de Porto Novo et de Sèmè Kpodji.

Les données produites dans la première partie de la présentation des résultats renseignent sur la diversité de la diaspora guinéenne du Bénin. Cette diversité réside dans les motifs de leur départ de la Guinée, les activités qu'ils exercent au Bénin et les conditions qu'ils posent pour leur retour en Guinée. Cette diversité ne permet pas de les nommer au singulier mais plutôt au pluriel. Le constat a montré que les discours qu'ils produisent sur la transition démocratique ne sont pas en rapport avec les travaux qu'ils exercent c'est-à-dire, leurs activités professionnelles. La diversité des discours est plutôt fonction de l'appartenance politique et socioculturelle. Les positions des différents enquêtés sont généralement le reflet de leur appartenance à des partis politiques ou à des groupes socioculturels surtout lorsqu'il s'agit des groupes socioculturels dominants : peul et malinké. Ces deux groupes socioculturels constituant en grande partie les partis politiques UFDG et RPG opposés au second tour de la présidentielle de 2010. Ils sont les plus divisés quant à leur conception de la chose politique. Cependant, malgré leur division, ils aspirent tous à des changements de conditions de vie des populations guinéennes. Ce qui explique leur attachement au développement de leur pays.

La seconde partie rend compte de la transition démocratique guinéenne, caractérisée par l'insuffisance de dialogue entre les acteurs politiques de l'opposition et de la majorité présidentielle. Aucun acteur n'éprouve la volonté de collaborer avec l'autre qu'il considère d'ennemi au lieu d'adversaire politique. Mais ce manque de volonté des acteurs est le résultat du mécontentement causé par les évènements politiques que le pays a connu depuis son accession à la souveraineté nationale en 1958. Ces évènements ont touché le peuple dans son ensemble et constituent un frein à la marche démocratique parce qu'aucun dialogue n'a été engagé avec les victimes et les parents des disparus. Chaque communauté se sentant victime se replie sur elle-même et par conséquent, se distancie de la vie de la communauté nationale. Depuis l'élection du nouveau président, aucun consensus n'a été trouvé sur l'organisation du scrutin législatif qui marquera la fin de la transition politique et le début de la consolidation démocratique. Même si les acteurs se rejettent la responsabilité de ce retard, il faut retenir que

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cela constitue un danger pour le pouvoir en place car, il y a des risques de renversement du régime par la force. Il serait donc préférable que chaque acteur manifeste la volonté de trouver un consensus pour la tenue des élections législatives et sur les modalités d'apaisement des victimes d'évènements politiques. Ce n'est que par ce tribut que le pays peut retrouver son équilibre pour la marche démocratique et l'écartement de toute tentative de prise de pouvoir par la force.

La dernière partie présente les conditions de la réussite démocratique en Guinée notamment la réconciliation nationale. La réconciliation reste une priorité pour la diaspora guinéenne du Bénin malgré sa diversité tant soit politique, socioculturel et professionnelle. Et pour mener à bien cette réconciliation il sera nécessaire de constituer une commission vérité et réconciliation qui prenne en compte toutes les diversités nationales avec des personnes compétentes, expérimentées et connues pour leur probité morale. Le patriotisme, la justice sociale, la méritocratie, le pardon, l'amour du prochain, le dialogue et la participation de toutes les couches sociales sont les conditions clairement définies par les guinéens du Bénin comme indispensables à l'unité nationale. Et pour finir, la contribution de la diaspora à la réussite de la transition démocratique à fait l'objet du dernier chapitre. Il s'agit des actions de plaidoyer, de sensibilisation, de médiation et d'intermédiation et d'autres actions à caractère sportif, convivial, culturel, etc. Ces actions sont menées et coordonnées par le consulat et la CRGB.

En termes de perspectives de recherche, une analyse sociologique de la démocratie révèle que l'éducation est indispensable pour la réussite démocratique en Guinée. On ne peut pas prétendre à un développement dans un pays où les citoyens ne sont pas éduqués et formés. A cet effet, l'éducation doit être une priorité pour l'Etat guinéen car, comme le dit Claude Assaba, « Une éducation sous perfusion ne peut pas favoriser le développement» (ASSABA, op. cit. : p. 192). Dans ce contexte politique, comment passer de la démocratie à valeurs marchandes à la démocratie à valeurs éducatives ? Se pose ainsi une nouvelle problématique axée sur l'approche éducative de la démocratie occidentale confrontée aux réalités endogènes de l'Afrique. Cette problématique fera l'objet d'une recherche approfondie dans le cadre de la thèse.

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http://www.irenees.net/fr/fiches/notions/fiche-notions-177.html, consulté le 27/06/11 à 22h 05

7- FONDATION PANAFRICAINE SEKOU TOURE, 2008 ; Biographie, consultable à l'URL : http://www.fondationsekoutoure.org/biographie.html, consulté le18/12/11 à 14h 02

8- GUINEE MEDIA, 2011 ; consultable à l'URL :
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9- INTERNATIONAL CRISIS GROUP, 2006 ; La Guinée en transitionin Briefing Afrique N° 37 du 11 avr. Dakar/Bruxelles, consultable à l'URL :

109

http://www.crisisgroup.org/fr/regions/afrique/afrique-de-louest/guinee/B037-guinea-in-transition.aspx, consulté le 18/04/11 à 22h 35

10- JEUNE AFRIQUE, 2011, Guinée : le régime d'Alpha Condé accusé de "dérives

autoritaires", consultable à l'URL :
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20110609111705/violences-guinee-repression-societe-civileguinee-le-regime-d-alpha-conde-accuse-de-derives-autoritaires.html, consulté le 09/06/11 à 11h:54 ;

11- KABA Lansiné, 2009 ; Le 28 septembre 1958 et l'identité nationale guinéenne consultable à l'URL : http://www.28septembre.com/article/42/le-28-septembre-et-l-identite-nationale-guineenne.html, consulté le 18/12/11 a 13h 41

12- KONAN André Silver, 2011 ; Guinée : Alpha Condé ouvre la porte à

l'oppositionconsultable à l'URL :
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2654p020.xml0/opposition-president-reforme-ufdgguinee-alpha-conde-ouvre-la-porte-a-l-opposition.html, consulté le 02/01/12 à 23h 40

13- LEFASO.NET, 2008, Transitions démocratiques en Afrique : L'introuvable formule

magique, consultable à l'URL :
http://www.lefaso.net/spip.php?page=impression&id article=27809, consulté le 01/11/10

14- MANENT Pierre, 1982, Tocqueville et la nature de la démocratie, Gallimard ;

consultable à l'URL :
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15- OBSERVATEUR GUINEE, 2006, Déclaration de la coordination de la jeunesse forestière pour le développement (C.J.F.D) consultable à l'URL : http://www.observateur-

guinee.com/index.php?id=102&no cache=1&tx ttnews[pointer]=103&tx ttnews[tt news]=339&tx_ttnews[backPid]=41&cHash=b1b7b6f521 consulté le 15/12/11 à 15 h 26

16- OMAR TOURE, 2011, Connaissez-vous la république de Guinée ?, Présentation du pays, consultable à l'URL : http://www.omar-toure.com/, consulté le 31/12/11 à 23h 24

17-

110

RFI, 2009 ; Violences en Guinée, consultable à
l'URL : http://www.rfi.fr/actufr/pages/001/page 441.asp, consulté le 18/12/11 à 14h 12

18- SARGET Marie-Noëlle, 2005,Approche systémique, autonomie des systèmes

politiques, et avenir de la planète, consultable à

l'URL : http://www.afscet.asso.fr/resSystemica/Paris05/sarget2.pdf, consulté le
16/12/11 à 18h 56

19- SECK Cheikh Yérim, 2009 ; Comment Dadis a survecu?, consultable à l'URL :

http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2553-012-013.xml0/, consulté le 19/12/2011 à 01h 31

20- SKYMINDS.NET, 2010 ; Démocratie et inégalités, consultable à l'URL : http://www.skyminds.net/economie-et-sociologie/changement-social-et-inegalites/democratie-et-inegalites/, consulté le 24/09/11 à 8h 33

21- SOVOGUI Antoine Akoï, 2008 ; Agression Portugaise du 22 Novembre 1970 .

Des leçons à tirer !, consultable à l'URL :
http://www.guineemoderne.com/novembre2008/agression.html, consulté le 17/12/11 à 16h 19

22- STAR-GUINEE, 2008, Histoire et faits marquants, consultable à l'URL :

http://www.stat-guinee.org/General/histfaits.htm, consulté le 02/01/2012 à 15h 26)

23- TOUPICTIONNAIRE, 2011 ,Diaspora ; consultable à l'URL :
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Diaspora.htm, consulté le 02/08/11 à 09 h 05)

24- UGLC-SC, 2011; Admission-Inscription, consultable à l'URL . http://www.uglc-sonfonia.org/web/index.php?option=com_content&view=article&id=70&Itemid=70, consulté le 13/01/12 à 12h 36

25- UNIVERSITE DE LAVAL, 2011 ; Guinée-Conakry, consultable à l'URL : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/afrique/guinee franco.htm, consulté le 12 /12/2011 à 02h 51)

26- WEBGUINEE, 2011 ; La grande muette prend la parole, consultable à l'URL :

http://www.webguinee.net/bibliotheque/sekou toure/ce-quil-fut/grande-muette-parle.html, consulté le 15/12/11 à 15h 18

27- WEBGUNEE, 2011 ; Violations des droits de l'homme sous la deuxième république

consultable à
l'URL : http://www.campboiro.org/bibliotheque/drthiernobah/combat guinee/vdh.htm l, consulté le 18/12/11 à 1h 45.

28- WIKIPEDIA, 2011, 2010 en Guinée , consultable à
l'URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/2010_en_Guin%C3%A9e, consulté le 29 /09/11 à 15h 25

29- WIKIPEDIA, 2011, Diaspora ; consultable à l'URL :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Diaspora, consulté le 27/07/11 à 13 h 43

111

ANNEXES

112

TABLEAU 4: Liste des 24 candidats retenus par la cours suprême par ordre de délibération :

PARTIS

CANDIDATS

1

UFDG (Union des Forces Démocratiques de Guinée)

CellouDalein Diallo

2

UFR (Union des Forces Républicaines)

Sidya Touré

3

PNR (Parti National pour le Renouveau)

Boubacar Barry

4

PEDN (Parti de l'Espoir pour le Développement National)

Lansana Kouyaté

5

UDG (Union Démocratique de Guinée)

Mamadou Sylla

6

PLUS (Parti Libéral pour l'Unité et la Solidarité)

Dr Ousmane Kaba

7

NGR (Nouvelle Génération pour la République)

Ibrahima Abe Sylla

8

RPG (Rassemblement du Peuple de Guinée)

Alpha Condé

9

FUDEC (Front Uni pour la Démocratie et le Changement)

LoucenyFall

10

GPT (Guinée Pour Tous)

Kassory Fofana

11

PUDIG (Parti de l'Union pour le Développement Intégré de la Guinée)

Joseph Bangoura

12

PUP (Parti de l'Unité et du Progrès)

Aboubacar Somparé

13

PR (Parti Républicain)

Alpha Ibrahima Keira

14

CDP (Convention Démocratique Panafricaine)

Mme Saran Daraba

15

RDIG (Rassemblement pour le Développement Intégré de la Guinée)

Jean Marc Telliano

16

PDU (Parti pour le Développement et l'Unité)

M'Bemba Traoré

17

RDR (Rassemblement pour la Défense de la République)

Papa KolyKourouma

18

RGUD (Rassemblement Guinéen pour l'Unité et le Développement)

Abraham Bouré

19

ADPG (Avenir Démocratique Prospérité de Guinée)

Boubacar Bah

20

RGP (Rassemblement pour une Guinée Prospère)

El hadj Bouna Keita

21

GECI (Génération Citoyenne)

Fodé Mohamed Soumah

22

UFD (Union des Forces Démocratiques)

Mamadou Bah Baadiko

23

PTS (Parti du Travail et de la Solidarité)

Mamadou Diawara

24

UPR (Union pour le Progrès et le Renouveau)

Bah Ousmane

Source :CENI, 2010 : En ligne

113

Outil destiné aux membres de la diaspora guinéenne vivant au Bénin

I- RAISONS DE DEPART DU PAYS SELON LA DIASPORA

1- Raisons de départ du pays et itinéraire suivi

2- Nombres d'années au Bénin

II- PERSPECTIVES DE RETOUR SELON LA DIASPORA

1- La diaspora et la situation politique, sociale et économique du Bénin

2- Les conditions indispensables pour un éventuel retour définitif en Guinée

III- ATOUTS DES TRANSITIONS MILITAIRES SELON LA DIASPORA

1- Dites ce que vous avez ressenti à l'arrivée au pouvoir du Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD)

2- Evoquez les actes posés par cette junte militaire dirigée par le Capitaine Moussa Dadis Camara

3- Evoquez les actes posés par la présidence transitoire du Général Sékouba Konaté

IV- FAIBLESSES DES TRANSITIONS MILITAIRES SELON LA DIASPORA

1- Citez les défaillances de la junte militaire dirigée par le Capitaine Dadis Camara

2- Citez les défaillances de la présidence transitoire du Général Sékouba Konaté

3- Que dites vous de la neutralité de l'armée et du gouvernement dans le processus électoral ?

4- Dites ce que vous pensez des violences qui ont accompagné le processus électoral

5- Dites ce que vous pensez des évènements du 28 septembre 2009

6- Citez les 4 évènements qui ont fragilisé le tissu social en Guinée depuis l'indépendance

V- OPINION DE LA DIASPORA VIVANT AU BENIN SUR LA TRANSITION DEMOCRATIQUE GUINEENNE

1- Dites ce que vous pensez sur le déroulement des dernières élections présidentielles en Guinée

2- Dites ce que vous avez ressenti à l'annonce de la victoire du Professeur Alpha Condé

3- Exprimez votre opinion sur la gestion du pays par le Pr Alpha Condé depuis son élection

4-

114

Dites ce qui explique le retard de l'organisation des élections législatives

5- Dites les conséquences qui peuvent en découler

6- Dites ce qui explique le manque de dialogue politique entre l'opposition et la majorité présidentielle

7- Exprimez votre opinion sur la véracité de la récente tentative d'assassinat contre la personne du Président Condé

8- Quels sont les changements que vous souhaité en Guinée ?

VI- CONDITIONS PREALABLES A L'UNITE NATIONALE SELON LA

DIASPORA

1- Au regard des évènements tragiques qui ont rendus fragile le tissu social guinéen depuis l'indépendance, citez 3 conditions indispensables à l'unité nationale

2- Définissez 4 critères auxquels doivent répondre les personnes qui seront membres de la commission vérité et réconciliation annoncée par le Président Condé

3- Décrivez 3 critères de fonctionnement de la commission vérité et réconciliation

4- A votre avis, qu'est ce qui explique le retard de la constitution de cette commission vérité et réconciliation pourtant annoncée dès la prise de fonction du Président Alpha Condé ?

5- Proposez 2 solutions pour mettre fin aux clivages ethniques et régionaux que vivent les guinéens

VII- CONDITIONS PREALABLES A LA CONSOLIDATION DEMOCRATIQUE

SELON LA DIASPORA

1- Dites ce que vous pensez de la légitimité de la constitution actuelle adoptée par le Conseil National de la Transition et signé par le Président de la transition, le Général Konate

2- Dites comment vous souhaitez que la future constitution soit adoptée

3- Citez 3 acteurs qui doivent engager cette procédure

4- Définissez les conditions indispensables au dialogue politique en Guinée

5- Définissez les rôles des différents acteurs pour faciliter l'organisation des prochaines législatives

6- Enumérez 4 conditions indispensables à la réussite de la transition démocratique en Guinée

VIII- PROFILS SOCIOLOGIQUES

115

Nom et Prénoms (facultatif):

Age :

Niveau d'étude :

Statut matrimonial :

Sexe :

Profession :

Appartenance politique :

Groupe socioculturel :

Religion :

Lieu de résidence au Bénin:

Représentation Guinéenne de tutelle :

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~_

COMMUNAUTE DES RESSORTISSA l'9 Gu11v ENS AU fET`TN-

Cotonou, le 09 Octobre 2009

Réf : n°005-2009/CRGB/BE/P

A

Monsieur le Maire de la ville de Cotonou-Bénin

OBJET : Demande de marche de soutien aux Forces vives de la Guinée-Conakry

Monsieur,

Nous venons très respectueusement auprès de votre haute personnalité, vous demander de nous accorder une journée de marche dans cette semaine.

En effet, cette marche permettra à la Communauté des Ressortissants Guinéens résidant au Bénin, de marcher à travers la ville de Cotonou pour affirmer son indignation face à la situation politique qui prévaut dans notre pays. Nous voulons ainsi, solliciter les autorités béninoises et celles internationales afin de condamner les actes de tueries qui se sont passés au stade du 28 septembre 2009 à Conakry. Nous souhaitons que les auteurs soient traduits devant la cours internationale de justice de la Haye.

Veuillez agréer, monsieur le Maire, l'expression de nos sentiments distingués.

Le Secrétaire. Général

Le Vice Président,

 
 

MAMOUDÔU CISSE

TOURE ALPHA OUMAR

Siègj. `ocial : C/94 Jcnquet 01 BP 2878 Cotonou Tél. (229) 95 40 48 18 / 95 06 07 90

117

TABLE DES MATIERES

RESUME

7

INTRODUCTION

.8

I- CADRE THEORIQUE

.11

1.1.Problématique

11

1.2.Hypothèses

...17

1.3.Objectifs de recherche

17

1.3.1. Objectif principal

.17

1.4.Objectifs spécifiques.........................................................

.............................17

1.5.Clarification conceptuelle

19

o Transition démocratique

19

o Acteur

20

o Discours

20

o Stratégie

21

 

1.6.Délimitation thématique

21

1.7.Justification du sujet

22

1.7.1. Raisons subjectives

22

1.7.2. Raisons objectives

22

1.8.Présentation de la République de Guinée

23

1.8.1. Des rivières du sud à la Guinée

23

1.8.2. Géographie

24

1.8.3. Groupes socioculturels

25

1.8.4. Politique

.26

1.9.Présentation et justification du cadre de l'étude 29

1.10. Quelques axes actuels de la discussion 30

1.11. Modèles théoriques d'analyse ..38

L'analyse Systémique ..38

Le Structuro-fonctionnalisme 40

II- CADRE PRATIQUE 41

2.1.Nature de l'étude 41

2.2.Démarche méthodologique de la recherche 41

118

2.3.Les sources de l'enquête 41

2.3.1. Sources documentaires 41

2.3.2. Sources orales ..42

2.4.Population cible et échantillonnage 43

2.4.1. Population cible 43

2.4.2. Echantillonnage 43

2.5.Techniques de collecte et traitement de données 45

2.5.1. Techniques de collecte 45

2.5.1.1.L'entretien 45

2.5.1.2.Le focus groupe et le brainstorming 45

2.5.2. Analyse des informations ..45

2.6.Organisation de l'enquête sur le terrain 46

2.6.1. Identification des enquêtés 46

2.6.2. Déroulement des entretiens 46

2.6.3. Synthèse, compte rendu et réajustement des données 46

2.7.Chronogramme 47

III- DE LA DIASPORA AUX DIASPORAS GUINEENNES DU BENIN 49

3.1.De la diaspora 49

3.2.Des diasporas guinéennes du Bénin 50

3.2.1. Les raisons de départ 50

3.2.2. Les activités exercées au bénin 53

3.2.3. Les conditions exigées pour le retour 55

IV- TYPOLOGIE DE DISCOURS DES DIASPORAS GUINEENNES SUR LA TRANSITION

DEMOCRATIQUE EN GUINEE ..58

4.1.Atouts et faiblesses des transitions militaires 58

4.1.1. Atouts des transitions militaires 58

4.1.1.1.Atouts de la présidence du Capitaine Moussa Dadis Camara 58

4.1.1.2.Atouts de la présidence transitoire du General Sékouba Konaté 60

4.1.2. Faiblesses des transitions militaires .61

4.1.2.1.Faiblesses de la présidence du Capitaine Moussa Dadis Camara 61

119

4.1.2.2.Faiblesses de la présidence transitoire du General Sékouba Konaté

 

61

4.2.Déroulement des élections présidentielles et gestion du pays par le président élu

62

4.2.1. Déroulement des élections présidentielles

62

4.2.1.1.De la neutralité de l'armée et du gouvernement de transition

63

4.2.1.2.Des violences électorales

.63

4.2.2. Gestion du pays par le président élu

64

4.3.La tentative d'assassinat contre la personne du Président élu

66

4.4.Les changements souhaités en Guinée

.67

4.4.1. Les changements relevant de la compétence de l'Etat 67

4.4.2. Les changements relevant des masses populaires 68

4.5.Appartenance politique des enquêtés 68

4.6.Appartenance socioculturelle des enquêtés 70

V- EVENEMENTS POLITIQUES DES DEUX PREMIERS REGIMES AUX POUVOIRS

MILITAIRES DE TRANSITION 72

5.1.Les évènements politiques du premier régime

72

5.1.1. L'agression du 22 Novembre 1970

.72

5.1.2. Des détentions au camp boiro et à l'intérieur du pays

73

5.1.3. Le complot peul

74

5.2.Les évènements politiques du deuxième régime

74

5.2.1. De l'arrestation de l'équipe du Premier Ministre Louis Lansana Béavogui

75

5.2.2. De l'arrestation du Général Diarra Traoré et compagnons

.76

5.2.3. De l'arrestation de l'opposant Alpha Condé à l'exil de Dr Facinet Béavogui

76

5.2.4. De l'assassinat du Professeur Julien Pokpa Onivogui et compagnons

77

5.3.Les évènements politiques des pouvoirs militaires de transition

78

5.3.1. Du 28 septembre 2009

.78

5.3.2. De la tentative d'assassinat du Capitaine Moussa Dadis Camara aux accords de

Ouagadougou 80

5.3.3. Des affrontements politico-ethniques pendant la période électorale 81

VI- SITUATION DU DIALOGUE POLITIQUE .83

6.1.L'état actuel du dialogue politique 83

6.2.Les répercussions sur les élections législatives 84

120

6.2.1. Le retard des élections législatives 84

6.2.2. Les conséquences possibles de l'insuffisance de dialogue politique pour le pays ...86

VII- NECESSITE D'UNE CONCERTATION NATIONALE 88

7.1.Les conditions indispensables pour l'unité nationale 88

7.1.1. Les exigences de l'opposition .88

7.1.2. Les exigences de la mouvance présidentielle 90

7.2.La commission vérité, justice et réconciliation 92

7.2.1. Le retard de la constitution de la commission de réconciliation .92

7.2.2. Composition et critères de choix des membres 93

7.2.3. Les critères de fonctionnement 94

VIII- LA DIASPORA GUINEENNE EN ACTION AU BENIN : ELEMENTS

EMPIRIQUES .95

8.4. Bref aperçu des structures sociales existantes 95

- Le consulat honoraire 95

- La CRGB 95

- Les sous-structures 96

8.5. Appartenances des enquêtés aux structures sociales existantes 96

8.6.Typologie des actions 98

· Les actions de plaidoyer 98

· Les actions de sensibilisations 99

· Les actions de médiation et intermédiation 100

· Les autres actions 100

PERSPECTIVES POUR UNE THESE DE DOCTORAT EN SOCIOLOGIE : DE LA DEMOCRATIE AUX VALEURS MARCHANDES A LA DEMOCRATIE AUX VALEURS

EDUCATIVES 102

8.1.De la démocratie aux valeurs marchandes .102

8.2.Une démocratie aux valeurs éducatives 103

Conclusion 104

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 107

WEBOGRAPHIE .108

ANNEXES 111

TABLE DES MATIERES 117






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault