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Comment les commissions vérité et réconciliation s'efforcent-elles de remplir leurs objectifs?

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par Sophie-Victoire Trouiller
Institut Catholique de Paris - Master 1 Géopolitique et relations internationales 2013
  

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Première partie : l'objectif de Vérité

Certains chercheurs en relations internationales se demandent si les obligations des commissions vérité sont légales ou morales46(*). Pour certains, elles remplissent des obligations tirées des Droits de l'Homme. C'est le cas typique du Droit à la Vérité qui implique d'autres droits bien connus comme le Droit à la Justice. C'est un droit clairement reconnu par le droit international public. Cependant, la Vérité répond également à un objectif moral : celui des victimes et des nouvelles institutions.

Cet objectif de vérité exprime donc une condamnation du silence et il convient ici de savoir de quelle façon les commissions remplissent un objectif si délicat.

Par ailleurs, certaines commissions se contentent de mener l'enquête dans le but de réconcilier les parties. D'autres défèrent ceux qui ont commis les actes les plus graves devant des tribunaux pénaux locaux ou internationaux. D'autres encore défèrent devant des tribunaux toutes les personnes qui n'ont pas avoué leurs crimes (l'Afrique du Sud en est un exemple). Il est donc nécessaire de comprendre quels sont les moyens par lesquels les commissions recherchent la vérité. Enfin, il convient d'expliquer à quoi sert l'objectif de vérité.

1 : Le Droit à la Vérité

En Droit international, le Droit à la Vérité fait partie du Droit humanitaire. Reconnu d'abord par la plupart des Etats en tant que Droit coutumier, il est codifié dans de nombreux textes, y compris dans les articles 32 et 33 du protocole additionnel des conventions de Genève de 1949. Ainsi, le droit coutumier exige des Etats qu'ils enquêtent sur les crimes de guerre commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants durant un conflit armé et qu'ils en poursuivent les suspects47(*). Pourtant, durant la guerre froide, le besoin de justice et de vérité des victimes a été écarté par les Nations Unies sous prétexte du maintien de la paix, celui-ci ne reposant alors que sur des bases fragiles. Après la guerre froide, on observe un retournement de la situation : le silence, autrefois considéré comme le garant de l'unité nationale, est à présent combattu au profit de la parole. On explique ce changement par l'apparition de la justice transitionnelle et des outils de réconciliation qu'elle met en place.

Le Droit à la Vérité est également reconnu par certaines organisations internationales qui luttent pour promouvoir les Droits de l'Homme. Dans le protocole additionnel aux conventions de Genève signé en 1997, l'article 32 reconnaît aux familles le droit de connaître le sort de leurs membres. L'article 33 énonce des dispositions particulières concernant les personnes disparues. L'alinéa 1 prévoit notamment que «dès que les circonstances le permettent et au plus tard dès la fin des hostilités actives, chaque partie au conflit doit rechercher les personnes dont la disparition a été signalée par une partie adverse. Ladite partie adverse doit communiquer tous renseignements utiles sur ces personnes, afin de faciliter les recherches ».

Le Droit à la Vérité est ainsi considéré par certains Etats comme un droit à l'information à l'égard des victimes de violations des Droits de l'Homme ou bien à l'égard des proches de victimes disparues. Mais il ne concerne pas uniquement les victimes. D'une part, les dictatures en Amérique latine ont suscité une forte revendication de ce droit, fondé sur une logique de dissuasion : si un responsable de violations des Droits de l'Homme doit publiquement rendre des comptes, cette sanction le dissuadera, ainsi que d'autres personnes, de récidiver. D'autre part, le Droit à la Vérité permet une remise en cause des structures du pouvoir jugé responsable de la répression. Enfin, ce droit constitue une condition fondamentale pour appliquer d'autres droits fondamentaux comme le droit à la justice. Ainsi, dans l'arrêt Velasquez-Rodriguez, rendu en 1987, la cour interaméricaine des Droits de l'Homme affirme que les Etats parties à son texte fondateur ont l'obligation, s'ils ne peuvent empêcher leurs violations, d'enquêter sur les exactions commises48(*). Signalons également que le principe de compétence universel autorise tout Etat à enquêter sur d'autres crimes de guerre, sans égard à la nationalité des individus poursuivis.

Déjà en 1993, dans le cadre des Nations Unies, le rapporteur spécial Louis Jouanet fonde ses quarante « principes pour la promotion et la protection des Droits de l'Homme par la lutte contre l'impunité » sur quatre droits fondamentaux appartenant aux victimes dont le droit de savoir. Selon ce rapport, le droit inaliénable à la Vérité est « le droit pour chaque peuple ou chaque personne de connaître la vérité sur les événements passés, ainsi que sur les circonstances et les raisons qui ont conduit, par la violation massive ou systématique des Droits de l'Homme, à la perpétration de ces crimes ». Outre la responsabilité individuelle des auteurs d'exactions, l'accent est mis, dans cette définition, sur la responsabilité institutionnelle du système ayant permis que de tels actes se produisent dans une société donnée. Il est ainsi précisé que la vérité n'a pas seulement un effet thérapeutique sur les victimes de violations des Droits de l'Homme, mais qu'elle a une importance considérable pour l'avenir de la société touchée.

Il est par ailleurs nécessaire d'opérer une conciliation entre le Droit à la Vérité et l'obligation, faite par le droit international, d'engager des poursuites et de punir certains comportements49(*). Pour exécuter cette obligation, l'Etat ne doit pas nécessairement adopter une sanction pénale : les sanctions peuvent également être administratives ou disciplinaires. Le besoin et le désir de vérité justifient que certains auteurs d'exactions ne soient pas poursuivis. En quelque sorte, le criminel échange la vérité contre l'amnistie ou des remises de peines. Reconnaître publiquement la vérité sera sa vraie sanction. La réconciliation peut alors s'accomplir, puisqu'elle est fondée sur une relation de confiance entre la victime et l'agresseur, contrairement à la relation qui s'établit entre eux dans le cadre d'un procès où la vérité est souvent manipulée par l'avocat. Pourtant, les victimes contestent parfois la validité de l'amnistie lorsqu'elle est accordée, considérant qu'elle va à l'encontre du combat contre l'impunité. La question posée par cette conciliation entre ces deux principes est encore d'actualité. Ainsi, lors d'un débat du Parlement tunisien à propos d'une loi sur la justice transitionnelle en Tunisie, le directeur du programme « Vérité et Mémoire » de l'ICTJ, Eduardo Gonzalez, précise que « connaître la vérité à propos du passé fait partie de la justice et n'est pas une alternative aux poursuites »50(*). L'alternative entre amnistie et sanction sera étudié plus loin.

Ainsi, les Etats peuvent raconter une partie de leur passé, alors qu'ils avaient tenté de l'occulter. Les sujets dangereux, censurés dans les écoles et rarement évoqués dans la presse, peuvent refaire surface. Ainsi, naît l'idée d'un Etat soucieux de préserver son histoire et de ne pas céder au révisionnisme. Le Droit à la Vérité peut donc aider la société à comprendre les causes d'un conflit et des violations des Droits de l'Homme qui en ont résulté. Il peut contribuer à la restauration et à la stabilisation de la paix, ainsi qu'à la réconciliation nationale. En somme, le Droit à la Vérité vise le rétablissement de l'Etat de Droit, le combat contre l'impunité, la satisfaction des victimes et le rachat des bourreaux. En ce sens, c'est le droit fondateur des CVR. Ainsi, leurs mandats doivent-ils leur permettre non seulement de satisfaire ce Droit à la Vérité, mais également de faciliter les poursuites en justice des responsables, par l'établissement d'une vérité la plus exhaustive possible. Si le bourreau peut être amnistié, le commanditaire du crime commis peut être condamné. Par ailleurs, hormis les CVR, le Droit à la Vérité se manifeste aussi par d'autres processus, comme le fait de donner au public un libre accès à l'information et aux archives. C'est notamment le cas au Salvador, où un musée et des parcours de tourisme militaire ont été mis en place pour mieux comprendre la guerre civile opposant la République salvadorienne à des guérillas marxistes de 1980 à 1992. Pour les CVR, la recherche de la vérité reste d'ailleurs très difficile, du fait que les preuves d'exactions sont souvent dissimulées, voire détruites, par le gouvernement qui les a commises ou par ses successeurs désireux de racheter la paix civile.

* 46 Michal Ben-Josef Hirch, « Measuring the commissions, success and impact», 2007.

* 47 Laura Olson, op. cit.

* 48 Michal Ben-Josef Hirsch, op. cit.

* 49 Laura Olson, op. cit.

55 www.ictj.org «Knowing the truth about the past is part of justice, not an alternative to prosecutions.»

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand