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Pouvoir politique et parenté dans le système Mossi.

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par Ndigue Faye
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master II 2011
  

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SOMMAIRE

Introduction 4

PREMIERE PARTIE: GENESE ET FORMATION DE L'ETAT 10

Chapitre A: La question de l'origine de l'empire et des peuples Mossi: la réalité du

mythe 15

Chapitre B: Du processus de formation de l'Etat 34

DEUXIEME PARTIE : DES RAPPORTS ENTRE PARENTE ET POUVOIR 53

Chapitre A: La question de la parenté dans le système politique Mossi 54

Chapitre B : Enjeux philosophiques et politiques du rapport parenté/pouvoir 66

TROISIEME PARTIE: DE LA « PHILOSOPHIE MOSSI »DE LA

GOUVERNANCE 88

Chapitre A: De l'effectivité de l'Etat et du système de dévolution du pouvoir 89

Chapitre B: Des principes de désignation des Naba 102

CONCLUSION 110

BIBLIOGRAPHIE 114

INTRODUCTION

4

5

Faut-il revisiter philosophiquement le patrimoine sociopolitique et économique des civilisations africaines ? A quelles conditions et selon quelles modalités spécifiques cette étude va-t-elle s'opérer ? En quoi cette analyse constitue un intérêt et que représente-t-elle pour les Etats africains modernes ? Quels apports la compréhension des structures politiques qui ont régi les sociétés traditionnelles africaines et partant Mossi pourrait-elle avoir dans l'échiquier politique africain moderne ? Quelles sont les caractéristiques particulières de ses structures et quelles fonctions jouent-elles dans la gestion du pouvoir ?

Ces interrogations constituent l'espace théorique dans laquelle nous essaierons d'inscrire ce travail. Il s'agira pour nous de réfléchir sur les mécanismes traditionnels de gouvernance de la société Mossi notamment celle de Ouagadougou dans leur manière d'acquérir, de gérer et de transmettre le pouvoir d'une part, et de l'autre, dans leur capacité à harmoniser la vie politique et économique et de mettre en vigueur des lois, fussent-elles coutumières, qui sauvegardent l'unité et la stabilité sociales. En d'autres termes, le politique faisant toujours l'objet d'une invention1 qui suscite bien des astuces stratégiques, des procédures techniques et des approches méthodologiques, il s'agit pour nous, ici, de décrire mais surtout d'analyser afin d'interpréter ces technologies de la politique africaine traditionnelle, d'en montrer la nature et les formes spécifiques, le sens et les finalités qu'elle s'assigne. En général, il consistera donc à déterminer et à réfléchir sur les assemblages et les configurations possibles qui ont coexisté dans l'histoire politique des peuples Mossi ; ce qui permettra, nous semble t-il, de saisir le tréfonds des grands défis que doit relever l'Afrique et parmi lesquels figure le problème de la résolution de la crise de l'Etat et du développement.

La faiblesse de nos Etats, du fait de leur instabilité, se ressent de plus en plus sur le continent. Elle met en évidence les problèmes relatifs à l'intégration nationale des peuples et de leurs traditions préexistantes dans la gestion du pouvoir. La difficulté pour les Etats africains à rendre citoyen les peuples et leurs différentes cultures semble se justifier par le fait qu'ils ont tendance à perdre leur force mythique, leur capacité à faire peur, à imposer leur volonté, à créer l'altérité et à l'uniformiser afin d'exercer leur ascendance au nom de la centralité.

1 Ce que nous voulons exprimer ici c'est que la pratique du pouvoir doit à chaque fois être associée à l'esprit de créativité, à la création de nouvelles règles car comme le remarque Savonnet-Guyot : « Il y a si longtemps que, chez nous, le pouvoir, s'il s'exerce encore, ne s'invente plus ». Cf. ETAT ET SOCIETES AU BURKINA. Essai sur le politique africain. Paris : Edition KARTHALA, 1986, p.7

6

Autrement dit le principal problème de nos Etats réside dans leur difficulté à gouverner dans la différence. Car comme nous le montre Savonnet-Guyot : « après avoir créé de la différence, tout l'art du politique est de tenter d'utiliser cette différence, puis la réduire jusqu'à soumettre l'autre et en faire son semblable. Soumettre l'autre, c'est le subjuguer, c'est supprimer l'altérité, mais à son profit à soi».2 Ce qui revient pour l'Etat et son appareil à effacer tous les replis identitaires, les différences pour le compte de l'harmonie et de la quiétude sociales. Dans nos sociétés modernes, l'Etat perd de plus en plus sa dimension transcendantale et redoutable car il ne se dérobe plus du regard du commun populaire, il n'est plus caché et semble ne plus jouir de sa suprématie originelle. Il semble ne plus refléter l'image de Dieu et incarner cette «force divine ». Cette démythification de l'Etat et de sa puissance fait que les chefs d'Etat et les institutions nationales se voient destituer de tort à travers, manipuler sans raison objective, instrumentaliser pour des intérêts privés au détriment des causes générales. A l'image des rois qui inspiraient la crainte, nos chefs d'Etat doivent incarner la force afin de solidifier les bases et les fondements étatiques, sociaux et culturels des peuples.

Cette crise des Etats peut se comprendre aussi par le fait que l'édification de nos Etats postcoloniaux et l'établissement des institutions juridiques et politiques ne sont pas accompagnées de mécanismes valorisant une certaine conscience nationale de la part des citoyens au sens propre du terme capable de servir de répondant. Cette crise constitue un soubassement par rapport à celle du développement. Sans une réponse citoyenne aux sollicitations de l'Etat, il semble avérer qu'on ne peut concevoir de développement durable car les deux sont liés. Une maîtrise parfaite des diverses espaces géographiques et politiques permettra d'user et de ruser des potentialités humaines et des ressources naturelles pour développer aussi bien l'espace économique que politique.

Notre conviction quant à l'étude du peuple mossi et plus spécialement de son système politique et administratif n'est pas une fin en soi. Elle ne constitue pas à proprement parler une approche exclusivement exceptionnelle mettant en branle des jugements subjectifs de valeur c'est-à-dire de le présenter comme la meilleure forme de gouvernement ou d'en faire un archétype par rapport aux autres entités politiques contemporaines. Mais pour plus de concision et de rigueur et surtout pour éviter de tomber dans les abus de comparaison, nous jugeons utiles, surtout à ce stade de la recherche, de procéder par espace politique afin de

2 Savonnet-Guyot, C. ETAT ET SOCIETES AU BURKINA. Essai sur le politique africain. Paris : Edition KARTHALA, 1986, p.10

7

pouvoir ultérieurement travailler sur les études comparatives. Cela, nous semble t-il, n'entrave en rien la bonne connaissance que l'on peut avoir de l'Afrique dés lors que nous sommes conscients de la possibilité, en ce qui concerne l'étude des systèmes traditionnels africains, de les appréhender tous sans les dissocier ; et cela, comme le montre d'ailleurs Pathé Diagne, lorsque rapportant le propos de Cheikh Anta Diop, à cet effet, il rappelle : « Diop suggère au terme de son inventaire l'unicité des principes qui donnent leur consistance aux structures politiques de ces Etats ouest-africains ».3

Ainsi, à l'instar de la plupart des sociétés africaines traditionnelles, le pays Mossi a toujours été caractérisé par un type d'organisation rigoureux dans sa gestion du pouvoir à travers une politique d'élaboration et de structuration de mécanismes susceptibles de garantir une certaine sécurité sociale et une stabilité économique et culturelle. Ce dispositif préventif constituait un support non négligeable quant au respect des lois établies lesquelles statuaient sur la manière de transmettre le pouvoir, de l'exercer et de fonder une justice pour tous. L'implication de tous les acteurs dans la gouvernance de l'empire constitue un aspect fondamental. Toutes les catégories sociales sont représentées au sein des instances de décision ; ce qui autorise à concevoir dans une telle société, dans un tel model d'organisation une tendance à la démocratisation de la vie politique. Dés lors, ne serait-il pas logique pour les Etats africains de s'approprier philosophiquement cet héritage traditionnel et de l'intégrer à leurs institutions ?

C'est d'ailleurs dans cette optique que des textes relatifs à la vulgarisation des politiques de démocratisation et de rationalisation des structures juridiques et économiques ont été mis en place. Ainsi la Charte africaine des Droits de l'Homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, s'engageait déjà dans son préambule à prendre en considération le legs historique africain en matière de respect des Droits de l'Homme. Ainsi elle déclarait les propos suivants:

« Tenant compte des vertus de leurs traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser leurs réflexions sur la conception des droits de l'homme et des peuples » ;

3 Diagne, Pathé. Pouvoir Politique Traditionnel en Afrique Occidentale. Essais sur les Institutions politiques précoloniales. Paris : Présence africaine, 1967, p.16

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« Fermement convaincus de leur devoir d'assurer la promotion et la protection des droits et libertés de l'homme et des peuples, compte dument tenu de l'importance primordiale traditionnellement attachée en Afrique à ces droits et libertés, ».

Toutefois ces théories sont loin d'être observées dans l'échiquier politique des Etats africains : coups d'Etat, abus de pouvoir, instrumentalisation des institutions, violation des droits humains, dévolution monarchique arbitraire, tensions pré et post électorales, conflits inter religieux et inter ethniques... à tel point que la question africaine apparait de nos jours comme une équation quasi irrésoluble. Ayant perdu ses repères du fait de l'aveuglement de l'impérialisme et du néo-colonialisme, de la faiblesse de ses institutions et de la perte croissante de ses vertus ancestrales, l'Afrique « indépendante » nage désormais dans l'incertitude, la tentation, l'imitation. Devant toutes ces difficultés, ne devient-il pas donc opportun et urgent de repenser davantage notre patrimoine historique afin d'en saisir le fonds commun susceptible de promouvoir un développement effectif ? L'Afrique ne doit- elle pas, au lieu de se focaliser uniquement sur la question du développement, penser comme le souligne Ki-Zerbo, à ressusciter son passé ? Ceci relève d'une exigence de la part des africains car comme il le montre, « un peuple ne peut vraiment affronter son avenir sans avoir une vision de son propre passé. On ne peut vivre avec la mémoire d'autrui »4.

C'est dans cette logique d'étude du passé que nous situons l'intérêt suscité par ce travail lequel consiste à réfléchir sur la Nation Mossi. Celle-ci se caractérise, à l'image de tous les empires africains, par un model d'organisation sociopolitique à travers laquelle elle a résisté tout au long de son histoire. Comme l'a bien remarqué d'ailleurs Skinner: « Leur remarquable société a conservé sa forme tout au long de la domination française et ce n'est qu'à l'aube de l'indépendance que l'organisation politique traditionnelle des mossi s'est effondrée ».5

Dés lors, comme l'existence d'une authentique civilisation africaine ne fait plus l'ombre d'un doute suite aux travaux de chercheurs émérites tels que Bekri, Khaldoun, Tempels, Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah entre autres, il convient donc d'accentuer davantage l'examen. En effet, comme l'a remarqué Alassane Ndaw en rapportant un proverbe africain : « la science est le tronc d'un baobab qu'une seule personne ne peut embrasser »6.

4 Ki-Zerbo, J. Histoire de l'Afrique Noire, Paris : Hatier, 1972, p.29

5 Skinner, E.P. LES MOSSI DE LA HAUTE-VOLTA. NOUVEAUX HORIZONS. Paris, 1972, p.22.

6 Ndaw, A. LA PENSEE AFRICAINE, recherches sur les fondements de la pensée Négro-africaine. Dakar : NEA, 1983, p.37.

Ce qui aura comme finalité la valorisation de cet héritage dans le but de l'adapter à nos réalités pour un accroissement progressif. Ainsi dans l'analyse de ce sujet portant sur le pouvoir politique tel qu'il peut s'appréhender à travers les rapports entre parenté et gouvernance dans le système traditionnel Mossi, nous nous proposons d'examiner d'abord la genèse et la formation des Etats mooses. Cette étude nécessitera, nous semble t-il, un recours aux formes symboliques notamment au discours mythique. Car comme le montre Skinner, « l'origine de la société Mossi est enfouie dans des mythes qui non seulement sanctionnent le pouvoir des familles dirigeantes, mais aussi étayent le système politique grâce à un riche passé de migrations et de conquêtes ».7 Une tentative d'approche interprétative de ce discours mythique serait en mesure de favoriser une meilleure compréhension des politiques administratives et sociales opérées après la période des conquêtes et constituera une phase déterminante dans ce travail.

Il s'agira ensuite de faire l'examen du rapport entre la parenté, en tant que système d'organisation sociale et culturelle, et le pouvoir politique afin d'en saisir les implications et les enjeux philosophiques dans le système d'organisation de l'empire moose. Il sera enfin question, dans ce travail, d'analyser la texture du système Mossi de gouvernance, entendant par là, l'architecture idéologique et la superstructure matérielle et institutionnelle mises sur pied pour une bonne gestion du pouvoir et une conduite des affaires publiques. Pour cela nous estimons procéder par une déclinaison de son système politique et étatique et des principes de transmission du pouvoir à l'intérieur de son organisation sociale et politique. Ceci permettra, nous semble t-il, de jauger l'ensemble des structures politico-sociales, culturelles et économiques qui fonde la société voltaïque traditionnelle dans la gestion du pouvoir et de susciter une certaine prise de conscience par rapport au legs culturel des ancêtres.

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7 Skinner. Op.cit. p.35

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand