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Pouvoir politique et parenté dans le système Mossi.

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par Ndigue Faye
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master II 2011
  

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CONCLUSION

Tout au long de cette étude, il a été question pour nous d'analyser le rapport parenté/pouvoir dans l'organisation politico-sociale et administrative de la société traditionnelle Mossi et de traiter des enjeux philosophiques et des stratégies qui en résultent. Notre prétention a consisté de même à voir l'impact politique que ce rapport pouvait favoriser dans la fondation de l'Etat, la gestion du pouvoir, l'harmonisation de la vie commune à travers un respect et une soumission totales de tout le peuple et de tous les mandatés du pouvoir devant les lois établies fondées sur la coutume et dont le principal garant est le Mogho Naba, chef de l'univers.

Cette corrélation parenté/ pouvoir ne relève point d'une subordination unilatérale de l'un par rapport à l'autre et vice versa ni d'un rapport de domination absolu et désuet mais d'un rapport de force justifié et fondé sur une politique de légitimation et de légalisation dont la finalité fondamentale semble être la fondation d'un Etat fort, un « Etat de droit » susceptible de garantir la vie commune d'un peuple foncièrement hétérogène, son bien être, sa sécurité et sa survie ; et cela, même en dépit de l'absence de code écrit matérialisant la constitution.

Cela n'exclut en rien le fait que cette gestion du pouvoir, qui du reste a toujours été fréquent dans les sociétés négro-africaines, présente des insuffisances, des ruses et des intentions toujours inavouées comme d'ailleurs dans toute entreprise politique et exercice d'un pouvoir. Ce qu'il importe vraiment de retenir à cet effet, c'est que quels que soient les méthodes et les moyens dont use un souverain pour conserver un pouvoir ou gouverner une société, son objectif final, semble t-il, est de parvenir à la réalisation d'un cadre de vie harmonieux de respect des libertés citoyennes, de sa propre sécurité et de celle de son peuple. Quelle que soit sa coloration religieuse et son statut divin, un monarque ne peut avoir d'intérêts particuliers contraires à ceux de sa société, de son terroir, bref de l'ensemble dont il fait partie ; il est par nature un « animal politique » dans son acception la plus générale chez Aristote. Il s'agit donc pour nous de dire que les notions de complémentarité, d'interdépendance et de réciprocité régissent tout système politique, tout rapport de force entre chefs et peuples, entre gouvernants et gouvernés, entre bien et mal, entre maitres et esclaves...

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Ce travail, loin de se soumettre à une description des modes de gestion politique ou à une étude historique du passé des peuples du royaume burkinabé ou à une critique subjective, obéit, nous semble t-il, à une analyse philosophique consistant à déceler dans cet univers politique en apparence chaotique l'ensemble des modalités de l'exercice traditionnel d'un pouvoir fondé, non pas sur un contrat imaginaire, mais sur la conquête, la violence et des enjeux susceptibles d'y être décelés. Il s'agit donc à la fois d'un réexamen en détails et d'une évaluation analytique de l'ensemble des procédés de gestion du pouvoir et de la structuration politique, sociale et administrative de l'Etat dans le but de lever toute ambigüité ou confusion, tout malentendu ou tout préjugé négateur de la capacité des peuples africains traditionnels à assumer leur destin, à s'organiser politiquement. Il consiste aussi à mettre à jour, comme l'ont déjà fait bon nombre d'intellectuels africains depuis les débuts de la période post coloniale, un éveil philosophique pour l'accaparement par les peuples africains de leurs patrimoines ancestraux et de l'adapter aux réalités socio-économiques et politiques au lieu de se morfondre dans l'imitation, la copie et la dépendance sur tous les plans.

Les problèmes actuels de l'Afrique reposent sur la difficulté à fonder et à solidifier un Etat-Nation digne de ce nom, un Etat suffisamment autonome et fort pour venir à bout des guerres ethniques, tribales et interreligieux du fait de l'absence de politiques susceptibles de réduire l'hétérogénéité de sa population, d'assurer l'unité et l'intégrité territoriales ; question qui, pourtant, s'est posée dans la vie politique de nos anciens royaumes et résolue, me semble t-il, à bien des égards. Leurs institutions, comme nous l'avons vu avec le royaume du Mogho Naba, quoique traditionnelles et à ce stade reculé de l'histoire de la pensée humaine - l'époque féodale- se sont manifestées avec éclat par leur capacité à remplir entièrement leur fonction policière et à garantir l'ordre, la justice et la paix civile.

De nos jours les questions africaines suscitent un intérêt et des interrogations non négligeables dans la géopolitique mondiale. Il se pose dans la plupart des Etats africains modernes, les problèmes liés à la puissance de l'Etat c'est-à-dire à sa difficulté à coordonner les différentes formations sociales préexistantes et l'incapacité de socialiser l'ensemble multiforme de sa population, du développement, du politique et de la justice surtout dans cette période de néocolonialisme.

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Il devient alors urgent pour les africains et les organisations internationales de revisiter et de repenser les valeurs traditionnelles afin de réduire la distance entre la campagne et la ville à travers une politique de décentralisation des compétences, d'encourager l'intégration sous régionale et régionale vers un processus de réconciliation de l'Afrique avec elle-même et pour cela se soustraire des intérêts particuliers, privés et égocentriques qui gangrènent l'Unité africaine. Aussi les Etats africains doivent-ils poser le débat sur le concept « Etat-Nation » et de se soustraire de toute pression ou orientation étrangère comme l'a bien posé d'ailleurs Claudette Savonnet-Guyot :

« A l'heure aussi où la crise de l'Etat africain suscite plus de totalitarismes que d'élans vers la démocratisation, sans doute est-il opportun de se souvenir de ces sociétés qui ont été des sociétés politiques, maîtresses de leur destin parce qu'elles avaient le contrôle de leur production économique et des règles institutionnelles qui assuraient leur production sociale. Aujourd'hui, privées en quelque sorte de leurs droits politiques, elles se voient imposer un ordre juridique, économique et social qui réduit comme peau de chagrin leurs possibilités d'initiative et leur domaine d'intervention ».140 Ce qu'elle entend ici c'est la nécessité pour les Etats africains de jeter un regard sur les traditions politiques afin d'en tirer quelques enseignements utiles pour sa survie.

En définitive, ce qui importe ici c'est l'invention par les sociétés traditionnelles africaines en particulier chez les Mossi d'une manière propre de faire la politique et de l'adapter à un environnement pas totalement maitrisé et où les risques de troubles et de soulèvements sont inscrits au coeur du vécu quotidien. Elle constitue une réponse par rapport aux différentes et multiples difficultés que posent les réalités naturelles. Ainsi il reviendrait à nos Etats modernes en général d'inventer ou de réinventer l'art politique en tirant de la tradition des valeurs universalistes non mimiques et à nos intellectuels, de même qu'à tout africain, « d'avoir la patience de reprendre l'ouvrage ; la force de refaire ce qui a été défait ; la force d'inventer au lieu de suivre ; la force d'imaginer notre route et de la débarrasser des formes toutes faites, des formes pétrifiées qui l'obstruent ».141

140 SAVONNET-GUYOT, Claudette. ETAT ET SOCIETES AU BURKINA, Essai sur le politique africain. Paris : Editions KARTHALA, 1986, p.13.

141 Ziegler, J. Le pouvoir africain .Éléments d'une sociologie politique de l'Afrique noire et de sa diaspora aux Amériques. Paris : Editions du Seuil, 1971, p.215

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Cela, me semble t-il, ne pourra passer forcément que par l'intégration des peuples, l'unité des Etats dans la lutte contre le néocolonialisme, la culture de la force économique et de la puissance politique, le risque dans la prise de nouvelles voies, de nouvelles techniques, de nouvelles formes d'organisation adaptées à la civilisation africaine, le refus du mimétisme, du dictat extérieur, le rejet de l'état de survie et de la dépendance. Aussi devrons-nous libérer et faire participer les campagnes dans les politiques de développement, ouvrir les esprits à la responsabilité collective, briser et reconstruire l'administration, revaloriser l'esprit armé-nation comme dans un style sankarien à coloration Mossi : « plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui rappeler incessamment que sans formation patriotique, un militaire n'est qu'un criminel en puissance... ».142

Il s'agit donc d'une invention d'une nouvelle culture africaine libératrice et progressiste, déterminante pour le progrès social et culturel, économique et politique du continent et cela passe surtout par la révolte, le refus car comme l'a définit Heidegger : « la culture d'un peuple, c'est d'abord cela : le refus du néant, la révolte devant l'inadmissible scandale de la mort. La revendication obstinée, inutile, de l'éternité »143. Ainsi une véritable entreprise de réécriture de l'histoire digne de l'Afrique et par les Africains eux-mêmes s'imposerait et constituerait, de ce fait, le leitmotiv dans la réhabilitation d'une vie digne et la source d'inspiration à partir de laquelle ses fils devront et pourront puiser des richesses spirituelles et des motifs d'existence.

142 Ce dernier paragraphe est inspiré du Discours de Thomas Sankara tenu le 04 Octobre 1984 à New York lors de la 39e Assemblée Générale de l'ONU.

143 Heidegger, M. Chemins qui mènent nulle part. Traduit par Wolfgang Brokmeier, édité par François Fédier. Paris : Gallimard, 1962, p. 32-33. Repris par Ziegler, La victoire des vaincus, op.cit. p.31

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard