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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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3.4.3 Les rébellions armées : un autre visage de la région d'Agadez

En 1971 le paysage sociopolitique et économique de la région d'Agadez a connu l'intrusion d'un nouvel acteur qui va rester jusqu'au début des années 2000 : il s'agit du touriste. En effet, l'accueil en 1971 des premiers touristes par l'agence Croix du Sud dans l'Aïr constitue un tournant décisif dans la promotion du tourisme dans la région. Durant la première décennie (7080), l'activité était détenue par des Européens. Mais en 1980, le décret portant l'exploitation des agences de tourisme par les nationaux est un pas décisif dans l'appropriation de cette activité par les nationaux notamment les Touaregs. Très vite, des agences de voyage se mettent en place avec en parallèle le développement de plusieurs petites activités qui se greffent au tourisme (Brachet, 2007). Comme support à cette nouvelle activité, des agences de voyages et de tourisme (au nombre de 27 en 1997) se mettent en place dans la région pour faire découvrir aux touristes les merveilles de l'Aïr et du Kawar. Le point culminant de cette activité est le passage du Rallye Paris-Dakar dès sa première édition en 1978 dans la région avec une journée de repos à Agadez. Très vite une économie locale du tourisme s'installe dans la région comprenant le transport, l'hébergement, la restauration et l'artisanat « Au cours des années quatre-vingt et jusqu'à la rébellion, le tourisme va être au coeur des dynamiques régionales et surtout urbaines. Agadez, plus que son arrière-pays, voit naître et se développer toute une série d'activités qui en feront un pôle économique régional et non plus seulement une préfecture de départements. Cette mutation s'accompagna d'importantes recompositions socio-économiques marquées par l'émergence de nouvelles hiérarchies avec à leur tête les animateurs du tourisme et certains groupes socioprofessionnels qui en profitaient largement (artisans-forgerons) » (Grégoire, 2006, p98). Le tourisme est porteur de prospérité économique, de brassage culturel pour Agadez. C'est le noeud de la notoriété de la ville. Toutes les activités économiques étaient suspendues au tourisme « chaque année, des sommes importantes étaient ainsi injectées dans l'économie locale (300 à 500 millions de francs FCFA selon les estimations) » (Grégoire, 2006).

« les restaurants et les agences de voyages, l'épreuve bénéficiait à toutes sortes de petits métiers (garagistes, vendeurs en tout genre, artisans, chasse-touristes,

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gardiens, etc.) et de personnes (prostituées, fonctionnaires et particuliers qui louaient maisons et véhicules au prix fort). Même l'administration profitait de sa venue par la perception d'un surcroît de taxes et la location de lieux d'hébergement et d'entrepôts. Outre ces retombées directes, le rallye fut un excellent moyen pour promouvoir à moindres frais la région d'Agadès en Europe où la course faisait l'objet de nombreux reportages dans la presse écrite et à la télévision. »

Au-delà de l'impact économique du tourisme sur la région d'Agadez durant la période de gloire plusieurs ONG voient le jour en Europe à l'initiative de ces mêmes touristes pour favoriser l'assistance dans le domaine de la santé, de l'éducation et de l'hydraulique. Le tourisme a donc indirectement donné naissance à une intervention humanitaire dans la région d'Agadez. Il aura aussi une dimension politique. En effet, Mano Dayak, principal promoteur du tourisme local, fort de son carnet d'adresses n'hésita pas à déclencher une rébellion armée au début des années 1990. Ainsi, l'un des faits marquants dans la région au cours des années 1990 est sans doute le déclenchement d'une rébellion armée dans le nord du Niger portée par des ressortissants des régions nomades de Tahoua et Agadez. Les fronts armés regroupés autour de la coordination de la résistance armée (CRA) dirigée par Mano Dayak, revendiquent des meilleures conditions sociales, plus de place dans l'administration et le pouvoir central pour les communautés minoritaires arabes et touarègues qu'ils représentent. Les différents fronts recrutent leurs combattants au niveau local mais aussi en Libye puisque plusieurs d'entre eux ont appartenu à la Légion islamique du Colonel Khadafi. La rébellion touarègue s'enlise et reçoit des soutiens de la France (en raison de liens d'amitié tissés durant le tourisme) qui à travers les médias relai l'opinion des rebelles et à leur demande devient le principal négociateur dans les pourparlers qui les liaient aux autorités de Niamey. L'accord de paix signé le 24 avril 1995 abouti à l'adoption de la décentralisation comme mode de gouvernance, la réinsertion dans les corps des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) des ex-combattants, mais aussi à l'amnistie. Une nouvelle période de stabilité et de sécurité voit alors le jour. Les agences de tourisme reprennent leur activité sans atteindre leur gloire des années 1980. Toutefois le tourisme s'impose comme l'un des premiers secteurs d'emplois informels de la région d'Agadez malgré la baisse des fréquentations. C'est dans ce contexte qu'en 2007 une nouvelle rébellion armée sous le nom du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ) voit le jour dans la région. Ce dernier dénonce

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« la mal gouvernance, l'absence de développement et les exactions du pouvoir, thèmes de l'ancienne rébellion, auxquels s'ajoute l'échec de l'application des accords de paix ».21

Cette fois-ci l'État central ne la reconnaitra pas comme mouvement armé. Après deux ans de combats armés, elle finit par déposer les armes sous l'injonction du Président Kadhafi. Cette nouvelle période d'insécurité emporte le tourisme. En l'absence d'un plan de reconversion comme lors de la première rébellion, les ex-rebelles sont invités par l'État central à faire le transport des migrants vers l'Afrique du Nord, une activité en plein essor. Le transport des migrants devient ainsi le secteur de cantonnement des anciens rebelles.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld