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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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5.1.3.1.1 Le gérant de Ghetto

Parmi les acteurs de l'économie de la migration dans la région d'Agadez on peut mentionner le gérant de ghettos. Acteur indispensable de la chaine migratoire il facilite l'hébergement des migrants durant leur transit avant la remontée vers le Nord.

« Nous avons des contacts avec des gens en Côte d'Ivoire qui rassemblent les migrants et les envoient vers le Niger en notre nom. Pendant leur séjour dans les ghettos ils paient 200FCFA/jour et par migrant pour la consommation d'eau. Les restaurateurs du quartier et boutiquier profitent pour leur vendre des articles et services. Les conducteurs d'Adai daita nous livrent parfois des migrants qui rentrent à Agadez sans aucun contact de gérant de ghetto, ils nous les livrent à 10.000 FCFA par migrant». (Entretien Laminou, Gérant de ghetto, Agadez, 25-07-2018).

Au pic de la migration de transit en 2015-16 les acteurs estiment à plus de 100 le nombre de ghettos à Agadez. La même année les acteurs humanitaires comme la Croix-Rouge, Médecins du Monde et IRC qui apportent assistance aux migrants dans les ghettos dénombrent une moyenne de 70-80 foyers qui hébergent des migrants à Agadez. Ces maisons sont généralement louées pour servir de lieux de logement aux migrants. En général, ce sont des espaces modestes de 2 à 3 pièces. Le coût de la location varie en moyenne de 50 000 à 75 000 FCFA par mois. L'impact économique peut s'apprécier en faisant le calcul sur 12 mois pour une moyenne de 80 ghettos multipliés par 50 000 FCFA pour s'en tenir aux chiffres des acteurs humanitaires. On a au total pour une année 40 000 000 FCFA par an qui sont injectés dans l'économie de la ville d'Agadez rien que par la location des maisons servant de ghettos. Bien sûr ces chiffres sont des estimations à relativiser car les ghettos ne sont pas pleins tout le temps.

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Les ghettos sont détenus par des nationaux ou des personnes ressortissantes des pays d'origine des migrants. Ainsi, on trouve des foyers nigérians, maliens, sénégalais ou gambiens détenus souvent par des migrants ayant déjà séjourné en Afrique du Nord. Les frais de séjour des migrants dans les foyers varient de 1000 à 4000 FCFA par semaine. La durée de séjour, quant à elle, varie d'un jour à plusieurs mois. Sur cette base en essayant de calculer l'impact économique pour une moyenne de 30 000 migrants ayant transité on a 120 000 000 FCFA qui rentre dans l'économie locale par les prestations d'offre de logement

5.1.3.1.2 Le transporteur

Le transporteur est le maillon essentiel de la chaine migratoire. L'offre de transport vers l'Afrique du Nord à partir d'Agadez s'est considérablement améliorée durant la forte demande des migrants. En effet, l'introduction des véhicules de types Hilux a largement facilité la mobilité entre les deux rives du Sahara. En contact avec des coxers, des gérants de ghettos et souvent par leur propre réseau des passeurs/transporteurs quittent chaque lundi Agadez avec le convoi officiel en transportant des migrants. Le coût du transport varie de 80.000-100 000 FCFA jusqu'à Gatroun ou Sebha. Les transporteurs sont souvent des Nigériens et accessoirement des Toubous de Libye qui connaissent bien le Kawar. Les véhicules peuvent prendre entre 20 à 30 personnes.

« Il y a d'abord le réseau de coxers, qui livre les migrants. Ensuite, les gérants de ghettos qui rassemblent une quarantaine de migrants vous les donnent à un prix abordable. Enfin, les amis migrants qui si vous les transportez dans de bonnes conditions, ils donnent vos contacts à leurs frères qui vont venir. Le risque est que parfois le coxer te dit de les déposer à Gatroun alors lui il a pris les frais du voyage Agadez -- Tripoli. Arrivée à Gatroun, les migrants vous disent qu'ils ont payé pour Tripoli. C'est à vous chauffeur de gérer l'affaire » (Entretien Mohamed, transporteur, Agadez, 25-07-2018).

L'analyse de l'impact économique de la migration de transit dans le transport peut s'apprécier à travers quelques scénarios pour avoir des données chiffrées. Ainsi, sur la base des 30 000 *80 000= 240 000 000 FCFA, on peut estimer le chiffre d'affaire annuel du transport des migrants en direction de l'Afrique du Nord avec 2015 comme année de référence. Les chiffres de migrants indiqués proviennent des estimations de l'OIM sur le nombre de migrants sorti d'Agadez. Cette somme est également le montant estimatif directement payé aux transporteurs. Elle ne tient pas compte des commissions que prélèvent les coxers sur les frais de transport. Ce volet fera l'objet d'une estimation à part afin de mieux saisir l'incidence financière. Toutefois, il est important de rappeler qu'en 2017, seulement 1000 personnes migrantes sont enregistrées à l'entrée de la ville d'Agadez. Si l'on applique la même estimation à ce groupe on se retrouve à 80 000 000 FCFA de chiffre d'affaire du business du transport vers l'Afrique du Nord.

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Également, l'offre de transport des principales villes du Niger (Niamey, Zinder et Dosso) sur Agadez est partie intégrante de l'économie de la migration. En effet, à Niamey par exemple les principales gares modernes offrent des possibilités de transport jusqu'à Agadez au nord du Niger dans l'optique de satisfaire une forte demande composée en majorité de migrants. Dans l'enceinte de ces gares modernes des possibilités de se loger pendant un à deux jours existent le temps pour le migrant de se reposer, récupérer ses frais de transport transférés via les agences de transfert, réduire le nombre de jours à Agadez, prendre des contacts à partir de Niamey et planifier son voyage entre le mercredi et jeudi. Il s'agit de passer 72 h à Agadez afin de réduire les dépenses et de pouvoir quitter pour le nord le lundi qui correspond au jour de départ des convois.

Ainsi, en lien avec la dégradation de la route et la forte demande de transport, les frais de transport sur l'axe Agadez-Niamey ont augmenté. Cette augmentation des frais de transport n'a pas pour autant affecté la clientèle. Ainsi, une compagnie comme Rimbo affirme avant l'application de la loi 2015-36 organiser des convois spéciaux d'un à deux bus par jour sur l'axe Agadez. Pour apprécier cette économie de transport à partir du cas emblématique de Rimbo nous posons l'hypothèse que la compagnie convoie 70 migrants par jour à destination d'Agadez. Le scénario du chiffre d'affaires est donné dans le tableau ci-dessous par jour, semaine, mois et année.

Tableau 3 : Estimation du chiffre d'affaires des compagnies de transport

Nombre de migrants

Cadence

Prix billet

Niamey/Agadez en CFA

Chiffre d'affaires estimatif

70

Jour (1)

25 000

1 750 000

490

Semaine (7)

25 000

12 250 000

2100

Mois (30)

25 000

52 500 000

25 200

Année (360)

25 000

630 000 000

 

Source : Notre enquête

Il ressort de cela que le transport de 70 migrants chaque jour en une année représentera un chiffre d'affaires de 630 000 000 de FCFA à la compagnie Rimbo sur l'axe Niamey-Agadez. Certes, ces chiffres sont des estimations qu'il faut relativiser en fonction de la variation de la

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clientèle par saison. Il n'est pas exclu qu'il ait des jours où RIMBO ne peut remplir la moyenne de 70 migrants qui est la base de ce calcul. En revanche aux périodes de pics de l'arrivée des migrants correspondant à la fin de la saison de pluie et durant toute la saison froide cette compagnie peut dépasser 140 clients migrants par jour sur cet axe.

Cependant, Rimbo n'est pas le seul opérateur qui profite de ce business. Niamey compte plus de 5 gares modernes qui offrent la même prestation. Il s'agit de Sonef, 3 STV, STM, Al Izza, Nijma, Azawad, et Sonitrav. Certes, ces gares n'ont pas la même flotte que Rimbo ni la même présence géographique à l'international qui offre une capacité de fidélisation et de recrutement des clients. Toutefois, elles arrivent pour certaines à organiser des bus spéciaux pour les migrants en direction d'Agadez. Ainsi, si nous devions extrapoler afin de saisir ces montants, on peut considérer que chacune des compagnies organise un bus spécial chaque jour de l'année pendant dix mois. On aura donc une moyenne de 5 migrants par jour et par compagnie.

Tableau 4 : Estimation du chiffres d'affaire journalier, hebdomadaire, mensuel et annuel par compagnie de transport

Compagnie

Nbre de migrants

Billet

Niamey/A

gadez en
CFA

Jour (1)

Semaine (7)

Mois (30)

Année (360)

3 STV

5

25 000

 

125

000

875

000

3.750.

000

45

000

000

Sonef

5

25 000

 

125

000

875

000

3.750.

000

45

000

000

STM Ténéré

5

25 000

 

125

000

875

000

3.750.

000

45

000

000

AZAWAD

5

25 000

 

125

000

875

000

3.750.

000

45

000

000

All Izza

5

25 000

 

125

000

875

000

3.750.

000

45

000

000

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Source : Notre étude

Pour apprécier cette économie de la migration pour l'ensemble des gares modernes on aura un chiffre d'affaires annuel de 940 800 000+ 2 100 000 000= 3 040 800 000 FCFA rien que sur l'axe Niamey Agadez à travers une entrée par les gares modernes.

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Sur l'axe Zinder-Agadez où transite l'essentiel des flux en provenance du Nigéria et d'Afrique centrale le transport vers Agadez se fait à travers les gares modernes, mais aussi les hiaces qu'empruntent les Nigérians en majorité depuis l'application de la loi 2015-36, mais bien avant aussi. Les hiaces sont utilisées de fois par les transporteurs nigériens pour aller à Bénin city (Nigéria) ou à Kano pour convoyer leurs clients. Toutefois, les cas les plus fréquents pour ces

Hiaces sont de la frontière

Carte 7: Localisation des gares routières à Agadez

Source : notre étude

à Dan Barto avec le Nigéria où ils offrent leurs services de transport sur Zinder et éventuellement vers Agadez. Quelle que soit la variante sur cet axe Dan Barto-Zinder-Agadez la clientèle migrante a permis aux conducteurs des véhicules de marque Hiace d'avoir un nouveau souffle face à la concurrence imposée sur de longues distances par les gares modernes sur l'ensemble du pays. Ainsi, pour des sommes variant de 5000 à 7000 FCFA avant la loi 2015-36 ces conducteurs de Hiace transportent les migrants jusqu'à Agadez. Ce transport est en essor avec les restrictions imposées par la loi 2015-36 sur le transport de migrants.

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Plus petit et discret, les hiaces sont empruntées par les passeurs à cause de leur capacité à se faufiler sur les pistes secondaires de Zinder à Agadez évitant systématiquement les postes de police.

« Les transporteurs de petits véhicules (19 places) eux les prennent depuis les régions de Maradi et Zinder voire Nigeria vers la destination de la région d'Agadez. Entre ces transporteurs de 19 places et nous autres (Taximans, et kabou kabou), la communication est permanente, les chauffeurs nous appellent à quelques kilomètres d'Agadez (20 à 30 km) sur la route de Zinder pour venir prendre les migrants et contourner les barrières de police et de gendarmerie. » (Entretien Harouna, Agadez 28, 02, 2019).

Aussi, il est courant d'entendre des migrants affirmer avoir fait tout ce trajet sans passer par un seul poste de contrôle. Arrivés à 10 km par exemple de la ville d'Agadez, les passeurs sous-traitent l'entrée de la ville avec des kabou kabou chargés de faire le reste du trajet. Pour ce faire, ces derniers réclament 10 000 à 15 000 FCFA par migrant. Le kabou kabou est aussi un acteur important dans la chaine de l'économie de la migration. À l'arrivée des migrants, les kabou kabou les acheminent dans les ghettos.

En journée, les migrants s'appuient sur leurs services pour se rendre dans les banques, au marché et pour d'autres courses. Les kabou kabou interrogés affirment facturer une course aux migrants entre 1000 et 3000FCFA contre 300FCFA aux locaux

. « Les conducteurs de moto taxi Kabou Kabou facturent des courses aux migrants. Ces courses sont : aller à la banque, aller au marché, acheter le bois ou bien les amener aux ghettos. Pour une course donnée, tu peux avoir 3000fCFA ou même 5000fCFA. Déjà, nous avons des amis qui vendent des bois. Nous travaillons en liaison (Kabou kabou, les gérants de ghettos, vendeur de bois et passeur aussi) chacune fait profit de l'autre. Les gérants de ghettos appellent un kabou kabou pour aller prendre les migrants à la gare » (Entretien Mohé, Agadez, 28 02 2019).

D'autres acteurs opérant dans les marchés d'Agadez mais aussi dans les gares tirent bénéfice de la migration. Il s'agit notamment des vendeurs de turbans. Ce tissu est utilisé par les migrants afin de se protéger contre le vent et la poussière lors de la traversée du Sahara. Les vendeurs de turbans ont compris que les migrants constituent une clientèle dont il faut tirer profit comme le montrent ces propos : « les vendeurs achètent moins cher et revendent plus cher aux migrants. Par exemple le mètre du turban se vendait à 750 FCFA voire 1000 FCFA alors que nous l'achetons à moins de 500FCFA en détail, mais ce sont des bandes qu'on commande vers le Nigeria, l'Algérie. Il y'a aussi le turban genre libyen trop cher que le tissu ordinaire » (Entretien, Aminou, Agadez, 29-03-2019).

Les vendeurs de lunettes sont aussi des acteurs importants du petit commerce de la migration à Agadez. Cet article est utilisé par les migrants pour se protéger contre le vent et le sable pendant la traversée du Sahara comme en témoignent ces propos « Les lunettes se vendaient à un prix

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très apprécié entre 1500 à 2500 FCFA l'unité, je partais au niveau du garage situé au quartier Sabon Gari non loin du marché est, et les gens faisaient la queue autour de ma table. Je faisais le plein des bénéfices le jour du convoi pour le voyage Agadez-Libye » (Entretien Tambari, Agadez, 30-03-2019).

Ce bénéfice tiré auprès des migrants est confirmé par Hamza, vendeur de lunette « On vendait les lunettes à prix honorable et l'on faisait des bénéfices. Les lunettes de 500 FCFA coutaient en son temps 1250 f CFA et parfois 1500fCFA. » (Entretien, Hamza, Agadez, 29-03-2019).

Les bidons et les bois sont aussi des éléments essentiels qui rentrent dans la traversée du Sahara. C'est pourquoi ils font l'objet d'un petit commerce à l'intention de la population migrante nationale et internationale.

Les bidons sont utilisés pour transporter de l'eau pendant la traversée du désert. Pour satisfaire ce besoin, toute une activité s'est mise en place à Agadez autour de la vente des bidons. Barazé, vendeur au marché Tôle nous explique « On paye les bidons vides de 5 l à 150 FCFA, on l'emballe dans un paquet de carton et de fibres (Gharara) puis on le vend à 500 FCFA, celui de 25 litres à 500 FCFA puis on le vend aux migrants à 2000 FCFA et parfois 3000 FCFA. Je vendais par jour 10 bidons de 25 l et 15 bidons de 5 litres. » (Entretien, Barazé, Agadez, 7-032019). Ce vendeur gagne donc 10.000 FCFA/jour, 40 000 FCFA/semaine et 60 000 FCFA/mois par extrapolation. Il lui arrive aussi de vendre tous les bidons aux grossistes nigériens qui les achètent et cherchent des migrants pour tirer bénéfices.

Photo 5 : Des bidons pour le transport d'eau en vente Crédit photo : B. Ayouba Tinni, Agadez, 7 mars 2019

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Les tiges de bois sont utilisées pour servir de support aux migrants qui sont assis au bord de la benne de voiture. Les véhicules (Hilux) qui transportent les migrants ne sont pas destinés pour le transport de personnes, donc il faut avoir des tiges de bois fixés sur le véhicule en arrière pour que les migrants s'accrochent au risque de tomber parfois. Cet impératif sécuritaire a rendu nécessaire le commerce de tiges de bois à Agadez exclusivement tourné vers une clientèle migrante comme le précise Mogobiri « Pour nous vendeurs de bois, on achète ces bois à 100FCFA l'unité auprès de gens qui les coupent dans les jardins. Ce sont de petits bâtons de 1 m à 2 m de longueur pour la plupart en forme de V. Les transporteurs des véhicules (Hilux) viennent les payer pour ses passagers à 500FCFA l'unité, parfois à 1000FCFA l'unité ». (Entretien Mogobiri, vendeur de bois, Agadez 3 mars 2019).

5.2 Incidences de la lutte contre la migration de transit sur l'économie locale 5.2.1 Les conséquences économiques

L'application de la loi 2015-36 à Agadez a eu un poids non négligeable sur le petit commerce de la migration de transit à Agadez. Cette loi stipule : « est passible d'une peine d'emprisonnement de cinq (5) à moins de dix (10) ans et d'une amende de 1 000 000 de FCFA à 5 000 000 de FCFA, toute personne qui, intentionnellement et pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, assure l'entrée ou la sortie illégale au Niger d'une personne qui n'est ni un ressortissant ni un résident permanent au Niger ». Cette mesure interdit de facto l'hébergement, la facilitation et le transport de migrants subsahariens vers l'Afrique du Nord. Elle a conduit à une baisse considérable des migrants qui entrent officiellement dans la ville. Les statistiques de la Direction de la Surveillance du Territoire renseignent cette baisse, de 30 000 migrants en 2015 on descend à plus de 1000 migrants en 2017. Cette baisse des flux migratoires a eu des conséquences économiques sur les activités qui en dépendent. Le transport semble le plus touché. L'interdiction du transport vers l'Afrique du Nord est synonyme de chômage de fait pour les acteurs qui animent cette activité. Ceux qui ont passé outre cette mesure se sont vus confisquer leurs véhicules. D'août 2016 à aujourd'hui, c'est plus de 120 véhicules qui ont été immobilisés dans l'enceinte de la zone de défense N° 2 à Agadez.

L'hébergement a aussi été touché par cette politique. Les ghettos ou foyers accueillant traditionnellement les migrants durant leur séjour de transit à Agadez sont criminalisés. Les 70 à 80 ghettos sont aussi appelés à cesser toute activité. Cette mesure a ainsi privé les propriétaires de ces maisons de revenus de la location. À eux, s'ajoutent les gérants de ghettos qui vivent de

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cette économie de l'hébergement des migrants. Ce groupe s'est trouvé en chômage de même que les coxeurs connus pour être des rabatteurs de migrants autour des gares. Ces acteurs sont les plus touchés par l'application de cette mesure. Cette situation s'explique par le fait que ces activités telles que développées à Agadez ciblent exclusivement une clientèle migrante. Ce business dépend donc du passage des migrants.

D'autres activités ont été également touchées par l'application de la loi. Le transport intra-urbain assuré par les taxis motos en est une. Bien que ne dépendant pas exclusivement des migrants, ce groupe représente une clientèle non négligeable pour ces acteurs. En témoignent les bénéfices importants réalisés avec les migrants : ils disent facturer les migrants à 3000F CFA la course contre 300FCFA pour les locaux. L'exclusion de ce groupe de la clientèle a un poids économique non négligeable sur le secteur. Selon Mohamed conducteur de tricycle depuis l'application de la loi 2015-36, il constate un « manque de clientèle, manque d'argent, ce qui fait qu'on peut circuler toute la journée sans assurer le versement journalier qui est de 5000FCFA/par jour au propriétaire de Adai daita, ni même penser à faire de bénéfice.» (Entretien Mohamed, Agadez, mars 2019).

Les boutiquiers autour des ghettos, les vendeurs de lunettes, de gants, de bidons et de bois sont aussi essentiels dans la chaine de support à la migration vers l'Afrique du Nord. Les articles qu'ils commercialisent sont largement destinés à une clientèle migrante voulant traverser le Sahara. En effet, dans les quartiers, les migrants en transit représentent une clientèle importante pour ces boutiquiers. Par semaine ces espaces peuvent accueillir plus de 30 à 100 personnes. Durant le séjour ces migrants ont recours aux boutiquiers du quartier pour payer de l'eau minérale, des biscuits, des sardines et du pain. De sorte que le migrant contribue aussi au dynamisme des commerces du quartier. Aujourd'hui, avec l'application de la loi sur le trafic illicite de migrants, les migrants sont exclus de la clientèle de ces acteurs. Les domaines des transferts d'argent (Western Union, Wari, orange money) ont également été négativement impactés.

Autre commune concernée par le passage des migrants, la municipalité de Dirkou tire des bénéfices assez consistants du transit des migrants à travers les taxes de voirie qu'elle perçoit sur chacun d'eux. Une somme de 1500 FCFA est perçue sur chaque migrant en transit dans la commune. Cette ressource est utilisée pour le fonctionnement de la municipalité à travers le paiement des salaires et représente la première ressource mobilisée par la commune. Mais depuis l'application de la loi, les migrants ne passent plus par cette commune au risque d'être

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interceptés et renvoyés par les forces de défense et de sécurité. Cette situation a créé une baisse considérable des revenus de la mairie qui ne parvient plus à payer les salaires de ses employés.

Il ressort de cela que l'application de la loi 2015-36 a eu un impact considérable sur le petit commerce de la migration. Des activités dédiées exclusivement à la clientèle migrante comme le transport, l'hébergement dans les ghettos et le travail de coxeurs ont subi les plus fortes conséquences. Les autres activités comme les taxis motos et le petit commerce sont économiquement touchés. En effet, certains ont perdu plus de 2/3 de leur clientèle.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire