WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

6.1.1 Des points d'entrées multiples

Le Niger offre des portes d'entrées officielles sur son territoire à travers ces différents postes de police frontaliers au nombre de 18 selon une présentation de la DST lors d'une session de formation de ses agents sur la protection internationale dans le contexte des mouvements mixtes en décembre 2019 à Arlit. Ainsi, dans la région de Tillabéri on peut noter le poste transfrontalier de Yassan, canal d'entrée d'une bonne partie des flux en provenance du Mali qui mène jusqu'à

143

Niamey et les postes frontaliers de Makalondi et Petel Koli (voir carte 9) sur la frontière avec le Burkina Faso. Par ces deux derniers postes entre l'essentiel du flux migratoire qui traverse le pays en direction de l'Afrique du Nord. En effet, ils regroupent les flux en provenance du Burkina Faso, du Mali, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, de la Guinée Conakry, du Sénégal, de la Sierra Leone, du Liberia, du Ghana, de la Côte d'Ivoire et marginalement du Togo.

Enfin, le poste frontalier de Gaya concentre les flux en provenance du Bénin, du Togo, du Ghana et marginalement de la Côte d'Ivoire. C'est un point d'entrée d'importance moindre par rapport aux précédents. Au centre du pays, le poste frontalier de Birni N'Konni capte une partie des flux en provenance ou en transit du Nigéria.

Carte 8 : Itinéraire de migrants de l'ouest vers le Nord

Source : Notre étude

La particularité de ces flux est qu'ils se rencontrent au niveau de la route nationale N° 1 à partir de Birni N'Konni. On a donc les flux en provenance du Golfe de Guinée (Sénégal, Guinée, Cote d'Ivoire, Ghana, Togo, Bénin) du Sahel central (Mali et Burkina Faso) et d'une partie du Nigéria et du Cameroun qui se retrouvent sur la même route en direction de Tahoua. Birni N'Konni est donc un point stratégique dans la jonction entre le sud et le nord du Niger. À partir

144

de Tsernawa la route migratoire continue sur Tahoua, puis Abalak avant d'atteindre la région d'Agadez, point de transit stratégique pour les migrants.

Au centre du pays, ce sont les postes frontaliers de Dan issa (région de Maradi) et de Maimoujia (région de Zinder) qui concentrent l'essentiel des flux en provenance ou en transit du Nigeria. On y dénombre des ressortissants de l'Afrique de l'Ouest et Centrale. De tous ces points d'entrées, celui de Maimoujia présente le plus d'enjeux stratégiques, car il draine plusieurs milliers de migrants par an : c'est par là que transite la majorité des flux en provenance du Nigéria. Or, les Nigérians représentent la 2ème communauté de migrants en transit à Agadez.

Dans l'extrême est du pays, deux points d'entrée sont à noter celui de N'Guigmi-frontière Tchad qui ouvre vers Diffa, Zinder et Agadez. Pour les flux qui passent par ce point d'entrée l'itinéraire classique se recoupe au niveau de la ville de Zinder devenu carrefour secondaire, car elle accueille à la fois les flux en provenance de l'Afrique de l'ouest et centrale. Ces flux sont alors drainés vers Agadez en transitant par Tanout.

Carte 9 : Itinéraire des migrants du centre et de l'est vers le nord

Source : Notre étude

145

Quels que soient l'origine ou l'itinéraire à partir du Niger, qu'ils soient sud ou est les flux se retrouvent dans la commune d'Agadez, carrefour stratégique/ point de jonction entre l'Afrique subsaharienne et le Maghreb. À partir de cette ville, deux possibilités s'offrent aux migrants : l'Algérie et la Libye. Dans les deux cas, la route migratoire classique est la suivante :

Dans l'extrême Est du pays à N'Guigmi une route migratoire (carte 11) était active au moment du pic de l'exploitation d'or du Djado. Elle vit des flux en provenance du Tchad, de Centrafrique, du Cameroun et du Soudan. Sa particularité c'est qu'elle contourne les capitales régionales de Diffa et Agadez pour rejoindre le Kawar. Les points de passages incluent N'Guigmi, N'gourti, Bidouharam, Balabri, Zao, Bilma, Madama et Gatroun (Libye).

Carte 10 : Itinéraire des migrants de l'extrême est au nord

Source : notre étude

146

6.1.2 Des frontières poreuses, une tradition de mobilité

Sur les 5 697 km que le Niger partage avec ses voisins au-delà des points d'accès officiels, la porosité des frontières est un facteur favorable à la mobilité humaine. Celle-ci est renforcée par la longue histoire commune, car de part et d'autre vivent des populations de même culture, souvent de même famille que le tracé des frontières a divisé. Ainsi, à l'ouest du Niger à Makalondi vivent des deux côtés de la frontière des populations gourmantchés, à Petel Koli des populations peules se partagent entre les deux pays, tout comme des populations Sorko dans la zone de Yassan. Ces populations ont des liens très anciens et partagent souvent les mêmes infrastructures (santé, éducation, marché, puits) et une bonne connaissance du milieu. Avec les difficultés de franchissement des frontières, ces communautés utilisent les motos pour contourner les postes de police. Cependant, cette pratique de mobilité des communautés est affaiblie depuis quelques années avec la généralisation de l'état d'urgence dans toute la région de Tillabéri et l'interdiction de la circulation des motos et les opérations militaires : Fassa, Almahaw, Saki 2 et Dongo.

Dans le centre-est, dans les régions de Maradi et Zinder, des communautés haoussa et peuls vivent aussi de part et d'autre de la frontière avec le Nigeria. Sur cet espace, la porosité des frontières est un fait. Les populations utilisent divers moyens : changement de moyens de transport, contournement des postes de police pour circuler d'un endroit à un autre. Ici, l'espace est utilisé comme lieu de contrebande dans le but de se soustraire aux charges douanières et aux tracasseries administratives des fonctionnaires des services d'immigration.

Dans l'extrême sud-est, la situation sécuritaire dans le bassin du Lac Tchad avec le déploiement des forces armées le long des frontières n'a pas permis une sécurisation parfaite de la frontière. En dépit de l'état d'urgence, les populations arrivent à circuler entre le Niger, le Nigeria et le Tchad. Au Nord, la situation sécuritaire en Libye et le caractère particulier du désert font que chaque acteur peut tracer sa voie pour se rendre en Libye ou en Algérie. Les populations touarègues et toubous ont une forte tradition de mobilité en lien avec leur mode de vie nomade. Elles mettent à profit leurs connaissances du terrain pour se rendre d'un pays à un autre. L'espace est utilisé pour la contrebande des produits alimentaires, manufacturés, l'essence, les produits prohibés et les êtres humains.

147

Carte 11 : Routes migratoires à travers le Niger

Source : Notre étude

Autre fait majeur qui impacte la mobilité dans cette partie du Niger, ce sont les enjeux des puissances occidentales autour du Sahara. Ainsi, on note la présence d'une base militaire française à Madama (fermée en 2018) à la frontière avec la Libye et une américaine à Agadez. Ces forces étrangères surveillent le Sahara ; en particulier, les États-Unis ont installé à Agadez leur plus importante base de drones en Afrique de l'Ouest. Cette présence dissuade les populations à passer par les postes officiels notamment la ville de Dirkou comme le souligne le vice maire de Dirkou :

« Par essence ce sont des gens qui sont un peu réfractaires aux forces de défense et de sécurité même s'ils sont en règle parce que c'est une perte de temps pour eux même pour montrer les papiers. Deuxièmement c'est un raccourci pour eux de ne pas passer par Dirkou, c'est au moins 100l d'essence de moins et aujourd'hui avec la technologie les gens ont accès aux moyens modernes de voyage. Ils ont des GPS, des téléphones thuraya, ils ont tout de façon à ne pas craindre le désert et ils ont des véhicules performants de la dernière génération qui peuvent faire ce tronçon-là très aisément donc on n'a pas besoin de passer par Dirkou. Si tu passes à Dirkou même si toi on ne te dit rien tu sais que tes passagers ce sont des gens qui ne sont pas en règle que tu as transportés on peut les garder est-ce que tu vois ? Donc voilà un peu les raisons pour lesquelles les gens se cachent pour éviter les barrières, pour éviter les forces de l'ordre. » (Entretien vice maire Dirkou, Agadez, novembre 2016).

148

L'armée nigérienne effectue également des patrouilles terrestres. Les échanges d'informations entre les armées étrangères et celle du Niger aboutissent à une relative sécurisation de l'espace contre les terroristes et trafiquants, mais influent la migration, car on note un cas où les passeurs disent avoir été arrêtés par l'armée française. Mais toujours est-il qu'entre le Niger et le Maghreb la porosité des frontières est un atout à la mobilité humaine.

6.2 La lutte contre la migration de transit au Niger 6.2.1 La frontière comme obstacle à la mobilité

Pour endiguer la migration dite irrégulière, une des premières actions entreprises par l'État du Niger et ses partenaires est le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité. L'idée est de former des hommes dont la mission essentielle est la gestion des frontières. Dans cette perspective, la frontière devient un objet qui présente beaucoup d'enjeux dont il faut assurer la gestion quotidienne. Ceux-ci concernent les flux migratoires et les considérations sécuritaires dans un contexte de lutte contre le terrorisme. Pour prévenir les flux migratoires par exemple, les agents aux frontières doivent être en mesure de détecter des faux documents, maitriser les techniques de fouille, prendre des empreintes digitales. Dans ce cadre, le Niger est accompagné par la GIZ, l'OIM, Eucap Sahel et l'UE.

Ainsi, dans le cadre de la gestion des flux migratoires, aux postes de police, les voyageurs n'ayant pas la documentation requise ne sont plus amendés et autorisés à entrer sur le territoire comme auparavant. Ils sont simplement interdits d'accès au territoire et refoulés. On note donc un changement de stratégie. On passe de l'amende au bénéfice du trésor public au refoulement pour défaut de documents.

En dehors de l'application de la loi, sur certains postes de police dont celui de N'Guigmi , instructions a été données aux agents de ne pas permettre l' accès au territoire aux Camerounais et Soudanais même s'ils sont en possession des passeports et visa. Pour les Tchadiens il est exigé un passeport alors que pendant des décennies les ressortissants de ce pays ont traversé cette frontière sur la base d'un laissez-passer délivré par les autorités de part et d'autre de la frontière.

En fait, que ce soit dans l'ouest du Niger ou le bassin du lac Tchad, le gouvernement profite de l'état d'urgence et des mesures de lutte contre la migration pour utiliser la frontière comme un espace de sélection et de refoulement des voyageurs qui prétendent au passage.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"