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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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6.3.11 L'application de la loi 2015-36

La région d'Agadez qui s'illustre par l'offre de services aux migrants est fortement dépendante des ressources générées par la migration. Pour Anacko Mohamed30, « la migration a été paradoxalement une bouffée d'oxygène pour l'économie locale à travers les emplois qu'elle génère pour la jeunesse de la région. ». C'est justement en raison de la position stratégique d'Agadez dans la circulation transsaharienne que l'État décide unilatéralement sous la pression de l'Union européenne d'appliquer en août 2016 la loi 2015-36 dans cette seule région du Niger. Selon Moussa Tchangari, acteur de la société civile, le Niger monnaye son engagement auprès de l'UE dans la lutte contre la migration irrégulière : « Les autorités nigériennes ont accepté, moyennant un financement de 50 milliards FCFA, de s'investir totalement dans la lutte contre ce que les Européens appellent «la migration irrégulière», «le trafic de migrants» et «la traite des êtres humains». Cela veut dire que le Niger va prendre des mesures pour empêcher les migrants de remonter vers le Nord, y compris au mépris des dispositions du protocole de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des biens. Cela veut dire que le Niger installera, avec l'appui des Européens, et l'expertise de l'OIM, des centres de rétention des migrants sur son territoire. » ( Discours, Tchangari, jeudi 5 mai 2016).

La mise en application de la loi 2015-36 est perçue par la population comme une tentative de les priver de leur principale source de revenus. Son caractère brusque qui se traduit par des arrestations et des emprisonnements a accentué le sentiment de révolte. Au bilan de la mise en oeuvre de cette loi, on note entre le 6 juin 2016 et le 27 septembre 2017, selon le procureur de la République d'Agadez 71 procès-verbaux, en matière de trafic illicite de migrants, 134 personnes déférées, 59 condamnations et 109 véhicules misent à la disposition du parquet31. Pour bon nombre d'acteurs, cette loi est en contradiction avec les textes communautaires car les migrants qu'ils transportent sont des ressortissants de la CEDEAO. Ils ont donc le droit de les transporter jusqu'à la frontière nord du Niger conformément au protocole de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des biens. Le fait le plus révoltant pour les populations généré par l'application de cette loi est son application sélective à la seule région d'Agadez. En effet, les transporteurs qui assurent la desserte vers la Libye et l'Algérie font le même travail que les promoteurs des gares modernes qui transportent les migrants de Niamey à Agadez.

30 Discours du Président du Conseil Régional le 24 janvier 2017 à Agadez à la signature de la convention entre la HACP et l'UE

31 Rapport de la 3ème journée nationale de mobilisation contre la traite des personnes, Agadez 2017.

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Pourtant ces promoteurs ne sont nullement inquiétés. Pour Issouf Ag Maha, Maire de Tchirozerine, la loi « est vécue comme du «deux poids, deux mesures» en ce sens que les transporteurs des migrants sur les différentes étapes avant Agadez mènent allègrement leur activité pendant que ceux des étapes après Agadez deviennent des criminels à arrêter et dont il faut confisquer le capital productif »32. En outre, les opérations d'investigation mises en oeuvre par la police pour démanteler les réseaux de passeurs et des gérants de ghettos ont participé à la détérioration des relations entre police et population locale. Bien plus, la criminalisation de la migration par cette loi a contribué à la clandestinité de cette migration de transit avec pour conséquence l'augmentation du prix de transport, la vulnérabilité des migrants, l'abandon des migrants durant le transport, le changement de route ainsi que l'augmentation du nombre des morts. En mai 2017 par exemple, «les corps de 44 migrants ont été retrouvés sans vie dans le désert nigérien. Ils sont morts de soif après avoir été victimes d'une panne de moteur. Après la Méditerranée, c'est le désert d'Agadez qui devient à son tour un cimetière pour les réfugiés (pour les migrants) »33.

Selon l'ONG Médecin du monde Belgique qui procure des soins aux migrants à Agadez, « cette tragédie n'est que la partie émergée de l'iceberg, et le désert se fait chaque mois plus meurtrier. La raison, une loi soutenue par l'Union européenne au Niger en mai 2015. Depuis son entrée en vigueur, les migrants sont forcés d'emprunter des routes inconnues pouvant -- comme dans ce cas -- s'avérer mortelles. ». L'organisation humanitaire appelle à une « révision urgente de ce dispositif ».

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