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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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8.3.1.4.5 Vers une solidarité entre rapatriés

Il est 17 h, le bus de la compagnie malienne Polana qui devrait transporter les autres migrants jusqu'au Sénégal entre dans la gare. Pendant ce temps le responsable de Rimbo donne les frais de transport nécessaire à Aboubacar Camara l'unique Guinéen de Conakry pour prendre le taxi de brousse et rentrer dans son pays. Il prend sa valise, son sac au dos en quittant la gare Rimbo après un au revoir aux autres migrants qui font leur entrée dans le bus. Mais malheureusement, certains n'ont pas de place puisque le bus est venu avec des passagers. Les rapatriés se fâchent et l'un d'entre eux lance : « Nous sommes ensembles OIM, si une seule personne manque de place on descend ». Le chauffeur intervient « calmez-vous, vous allez trouver des places. Et de rajouter OIM, descendez, on va compter ». Tous les passagers descendent pour être recompté ; avant de remonter, les passagers OIM n'ont alors plus de problème de place.

Le bus quitte la gare de Rimbo vers 18h pour Dakar, à ce niveau on peut noter que dans le bus se trouvent des migrants nigériens qui partent au Sénégal pour exercer dans la dibiterie. Dans le bus se côtoient rapatriés et migrants.

Le voyage continue toute la nuit. Au petit matin, une pause prière est marquée à Kayes. Juste avant l'embarquement, Youssouf, leader des rapatriés se plante devant le bus pour que celui-ci ne laisse pas ses camarades.

Je profite de cette pause pour échanger quelques mots avec les migrants. Je me tourne alors vers Chérif resté très silencieux et timide durant tout le voyage. Seul fils d'un couple sénégalo-gambien, âgé de 34 ans, marié avec 2 enfants qui vivent en Gambie, il a passé 18 mois en Libye où il s'est fait torturer. Il a alors décidé de rentrer au pays après 18 mois sans envoyer aucun franc à sa famille. Arrivé à Agadez, il s'inscrit au centre OIM pour se faire rapatrier. Il n'a informé personne de son retour. Avec les fonds que l'OIM va lui donner une fois à Dakar, il compte donner une partie de l'argent à son père et à sa femme. L'autre partie il prévoit de payer de la friperie pour faire du commerce et commencer une nouvelle vie.

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Pendant 18 mois en Libye, il n'a pas pu appeler son père. Il prend de ses nouvelles via un ami qui travaille dans une agence gouvernementale gambienne. Pour son retour au pays, cet ami a envoyé de l'argent à Shérif pour que se celui-ci paye un téléphone à sa femme.

Il a été torturé par ses geôliers en Libye pour qu'il appelle au pays afin d'envoyer l'argent nécessaire à sa libération. Il a préféré souffrir de la torture et épargner son père malade. Il n'a donc pas donné de numéro.

Candidat au rapatriement, Chérif, n'a appelé ni femme ni parents pour annoncer son retour. Il affirme à cet effet : « It is not easy, 18 mois sans envoyer aucun franc ».

8.3.1.4.6 De Kayes à Diboli (frontière Mali/Sénégal) entre tracasseries administratives et pratiques corruptive

Le bus est arrivé à l'aube au poste de police frontalier de Kayes. Là, à la sortie du bus un policier récupère les cartes et se retire dans leur hangar. L'agent OIM présente la note verbale et les sauf-conduits. Les détenteurs sont exemptés de contrôle. Par contre ceux ayant la carte doivent passer au hangar pour les formalités. L'agent OIM présente sa liste sur laquelle figure son nom ainsi que ceux des autres migrants détenteurs de carte pour pouvoir les récupérer. Les autres passagers doivent payer 1000 FCFA afin de pouvoir continuer.

Arrivé au poste de Diboli, l'agent de police vient au bus récupérer les cartes. Les rapatriés détenteurs de laissez-passer sont invités à rejoindre le bus. Cependant, ceux possédant des pièces d'identité sont amenés au poste de police. Les voyageurs sont invités à s'asseoir pour attendre l'appel. Soudain arrive un adjudant-chef de la police : « je viens voir la liste des refoulés ». Il vérifie les noms en commençant par le convoyeur de l'OIM : « Toi, comment t'appelle-tu ? Il retrouve le nom sur la liste et demande à son collègue de lui remettre sa carte. La même méthode est appliquée aux autres rapatriés. En revanche, les autres passagers doivent payer 1000 FCFA pour passer la frontière.

8.3.1.5 Le Sénégal, 4ème étape du rapatriement ou la grande séparation 8.3.1.5.1 Vers une obsession du paraitre

Le bus entre au Sénégal par le poste douanier de Guidara. Les rapatriés en particulier les Sénégalais se procurent des puces de téléphone, se font identifier, payent des lunettes et des écouteurs. Ils préparent leur retour dans leur communauté. Ils en profitent aussi pour s'échanger leur numéro. Après 2 ans d'absence ils constatent que leur puce est coupée par l'opérateur

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orange et ils doivent reprendre une nouvelle puce pour échanger des numéros WhatsApp et Facebook avec leurs amis.

Ils profitent de cet arrêt de bus pour payer des Power Bank, de l'eau minérale. Ils veulent paraitre une fois à destination. Les rapatriés travaillent leur image à travers la téléphonie et les accessoires.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand