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La problématique de l'efficacité de l'aide internationale en Haà¯ti pour la période allant de 1995 à  2018


par Elga EXIL
Université Quisqueya - Licence en Sciences Economique 2022
  

Disponible en mode multipage

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Université QUISQUEYA

Faculté des Sciences Economiques et Administratives

(FSEA)

La problématique de l'efficacité de l'aide internationale en Haïti pour la période allant de 1995 à 2018

Par

Elga EXIL et Marc-aurèle MERCIER

Sous la direction du Professeur

Thebeau MICHEL

En Accomplissement Partiel des Exigences Requises pour l'Obtention du Diplôme de Licence en Sciences Economiques

Remerciements

Au terme de ce travail, il nous tient à coeur d'exprimer nos sentiments de gratitude à l'endroit de toute personne qui, de près ou de loin, a contribué à sa réalisation.

La présentation de ce travail nous fournit l'occasion de rendre un juste hommage à notre directeur de mémoire, Monsieur Thebeau MICHEL, un homme de culture, un esprit curieux, passionné par les questions haïtiennes, qui a su nous conseiller, nous guider et nous assister à toutes les étapes de la réalisation de ce travail de recherche. Ses pertinentes remarques, ses sages conseils, sa patience et son courage ont été pour nous, une leçon tant scientifique que morale.

Nos sentiments de reconnaissance et de gratitude vont à l'endroit de Monsieur Jemley Marc JEAN BAPTISTE, pour tant de sacrifices fournis dans le cadre de ce travail, surtout dans la partie empirique du mémoire. Ses suggestions et ses remarques si importantes sont un plus assez considérable à la réussite de ce travail.

Nous sommes aussi redevables à Monsieur Harry SALOMON, pour ses conseils si utiles.

A tous nos chers professeurs et amis, nous leur disons merci.

Résumé

Mots clés : Haïti, Aide Publique au Développement, efficacité, faiblesse institutionnelle, corruption, pauvreté.

Ce travail mené autour du concept aide publique au développement pour la période allant de 1995 à 2018 se donne pour objectif de recenser certaines causes à l'inefficacité de l'aide en Haïti. Il s'inspire du travail de Paul Collier et de David Dollar (2002). Constatant le décalage qu'il y a entre la quantité d'aide reçue par Haïti et la croissance économique décevante, nous avons posé comme hypothèse que l'aide est sans effets sur la croissance et que l'instabilité politique et la corruption en sont des causes. Pour tester notre hypothèse, on se sert d'un système récursif estimé par la méthode des moindres carrés ordinaires. Notre hypothèse est en partie vérifiée car une relation négative est trouvée entre l'aide et la croissance. L'aide dans le cas d'Haïti pour notre période d'étude ne permet pas de booster l'économie et de réduire la pauvreté.

L'estimation économétrique montre qu'une augmentation de l'aide publique au développement de 1% entraîne une diminution de la croissance de 0.0442%. L'aide étant fournie dans une situation de corruption et d'instabilité chronique, on déduit qu'elles en sont au nombre des causes de l'inefficacité. Les obstacles liés à l'inefficacité de l'aide ont permis de formuler des recommandations axées sur la lutte contre la corruption, le renforcement institutionnel et l'investissement de l'aide dans des secteurs où le pays détient un avantage comparatif.

Abstract

Key words: Haiti, Official Development Assistance, effectiveness, institutional weakness, corruption, poverty.

This work on the concept of official development assistance for the period from 1995 to 2018 aims to identify some of the causes of aid ineffectiveness in Haiti. It is inspired by the work of Paul Collier and David Dollar (2002). Noting the discrepancy between the amount of aid received by Haiti and its disappointing economic growth, we hypothesize that aid has no effect on growth and that political instability and corruption are causes. To test our hypothesis, we use a recursive system estimated by the ordinary least squares method. Our hypothesis is partially verified because a negative relationship is found between aid and growth. Aid in the case of Haiti for our study period does not boost the economy and reduce poverty.

The econometric estimation shows that an increase in official development assistance of 1% leads to a decrease in growth of 0.0442%. Since aid is provided in a situation of chronic corruption and instability, it is inferred that these are among the causes of inefficiency. The obstacles to aid ineffectiveness have led to recommendations that focus on fighting corruption, strengthening institutions, and investing aid in sectors where the country has a comparative advantage.

Table des matières

INTRODUCTION 1

CHAPITRE I - GÉNÉRALITÉS SUR L'APD 7

1- ORIGINE DE L'APD 7

2- DÉFINITION ET OBJECTIFS DE L'APD 8

2.1- L'APD : de quoi s'agit-elle ? 8

2.3- Les types d'aide 10

2.4- Objectifs 10

3- L'APD AU NIVEAU MONDIAL 11

4- LES ACTEURS DE L'APD 13

4.1- Les acteurs internationaux 13

4.2- Les acteurs locaux 16

CHAPITRE II- L'EFFICACITÉ DE L'AIDE : UNE REVUE DE LITTÉRATURE 21

1- LITTÉRATURE SUR L'EFFICACITÉ DE L'AIDE 21

1.1- Récapitulatif de la revue de littérature 29

1.2- Positionnement sur la revue de littérature 30

2- DES PROBLÈMES À L'APD 30

2.1- A qui profite de l'aide ? 30

2.2- Responsabilité des bailleurs 31

3- APD ET LA DÉCLARATION DE PARIS 31

3.1- Les indicateurs d'efficacité de l'APD 31

3.2- Haïti et la déclaration de Paris 35

CHAPITRE III : EFFICACITÉ DE L'AIDE EN HAÏTI (LES FAITS) 37

1-APD EN HAÏTI 37

1.1- Origine de l'APD en Haïti. 37

1.2- Evolution de l'APD en Haïti 37

1.3- APD et réformes en Haïti 41

2- TRAÇABILITÉ DE L'AIDE EN HAÏTI 43

3- INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES EN HAÏTI 44

4- EFFICACITÉ DE L'AIDE À HAÏTI VIS À VIS DE L'OMD 49

5- OBSTACLES À L'EFFICACITÉ DE L'APD EN HAÏTI 51

5.1- La faiblesse institutionnelle 51

5.2- Instabilité socio-politique 57

5.3- Catastrophes naturelles 58

CHAPITRE IV - EFFICACITÉ DE L'AIDE EN HAÏTI : UNE ÉTUDE EMPIRIQUE 61

1- DONNÉES 61

2- MÉTHODOLOGIE 62

3- SPÉCIFICATION DU MODÈLE 62

4- DESCRIPTION DES VARIABLES 63

4.1- Variables endogènes 63

4.2- Variables exogènes 64

5- ETUDE DE LA STATIONNARITÉ DES SÉRIES 65

6 - RÉSULTAT DE L'ESTIMATION 66

7 - ANALYSE STATISTIQUE DES RÉSULTATS 66

7.1- Test de normalité 66

7.2- Test de significativité globale : Test de Fisher 67

7.3- Test de significativité individuelle : Test de Student 67

7.4- Test de détection d'autocorrélation 68

8 - INTERPRÉTATION ET ANALYSE ÉCONOMIQUE DES RÉSULTATS 70

CONCLUSION 73

BIBLIOGRAPHIE 75

ANNEXES 1

Liste des sigles et abréviations

APD : Aide Publique au Développement

BID : Banque Interaméricaine de Développement

BM : Banque Mondiale

BMPAD : Bureau de Monétisation des Programme d'Aide au Développement

BRH : Banque de la République d'Haïti

CAD : Comité d'Aide au Développement

CAED : Cadre de Coordination de l'Aide Externe au Développement d'Haïti

CARICOM : Marché commun de la Caraïbe (Caribbean Community)

CIRH : Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti

CSLP : Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté

DSNCRP : Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté

DSRP : Document de stratégie de réduction de la Pauvreté

FAS : Facilité d'Ajustement Structurel

FASR : Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé

FEC : Facilité Elargie de Crédit

FMI : Fond Monétaire International

FRH : Fond de Reconstruction d'Haïti

FRPC : Facilité de Réduction de la Pauvreté et de la Croissance

IDH : Indice de Développement Humain

IHSI : Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique

MCO : Moindre Carré Ordinaire

MPCE : Ministère de la Planification et de la Coopération Externe

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques

ODD : Objectif de Développement Durable

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

OMD : Objectifs Millénaires de Développement

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONPES : Observatoire Nationale de la Pauvreté et de l'Exclusion Sociale

PARDH : Plan d'Action pour le Relèvement et le Développement d'Haïti

PAS : Programme d'Ajustement Structurel

PED : Pays En Développement

PIB : Produit Intérieur Brut

PMA : Pays Moins Avancés

PNUD : Programme des Nation Unies pour le Développement

PRSP : Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (Poverty Reduction Strategy Paper)

PURE : Programme d'Urgence pour le Redressement de l'Économie

RNB : Revenu National Brut

SNCRP : Stratégie Nationale pour la Croissance et la réduction de la Pauvreté

UCAONG : Unité de Coordination des Activités des ONG

UE : Union Européenne

ULCC : Unité de Lutte Contre la Corruption

Liste des tableaux et graphiques

Tableau 1- Tableau récapitulatif de la revue 29

Tableau 2 : Haïti et corruption (Score) 55

Tableau 3 : Résultats des tests de racine unitaire 65

Tableau 4 : Résultats du test de Student pour les variables explicatives. 68

Graphique 1 : Aide publique au développement nette 1960-2018 13

Graphique 2: Evolution de l'APD en Haïti en millions (1995-2018) 40

Graphique 3 : Evolution du taux de croissance du PIB réel et celui de l'APD 46

Graphique 4: Evolution du taux d'investissement en Haïti 47

Graphique 5 : Evolution du taux d'inflation en Haïti (1995-2018) 48

INTRODUCTION

L'aide étrangère trouve principalement sa justification dans une hypothèse formulée par l'économiste américain Jeffrey Sachs, selon laquelle les pays pauvres sont pris dans une trappe à pauvreté. Cette trappe est expliquée par l'inadéquation d'agrégats macroéconomiques tels que le niveau de l'épargne globale et les rendements croissants des investissements. A cette inadéquation qui freine la capacité de ces pays à financer des projets porteurs de croissance, l'aide internationale apparaît comme une alternative incontournable. Dans ce contexte, la communauté de l'aide est inondée de plans, de stratégies et de cadres de travail visant à rencontrer les réels besoins du monde des pauvres. En transférant des modèles de développement, accompagnés de moyens humains, financiers et matériels, Easterly (2006) constate que depuis les années cinquante, les pays riches ont dépensé 2300 milliards de dollars US pour l'aide au développement sans pour autant éradiquer la pauvreté. Mais, on pourrait se demander si ce montant dépensé est insuffisant pour éradiquer la pauvreté ou c'est la façon dont l'allocation se fait qui pose problème. L'échec de ces différentes tentatives va mettre en exergue la limite de la théorie purement économique du développement.

Les experts en développement s'accordent pour dire que la croissance ne dépend pas seulement de l'investissement, de la consommation, de la technologie, du capital humain et autres mais aussi de l'infrastructure institutionnelle. Les travaux de North (1990, 1995), Alesina et Perotti (1996), Acemoglu et al. (2004) soutiennent que les institutions, qui d'après la définition généralement acceptée (celle de Douglas North), sont les règles du jeu, plus formellement les contraintes humaines conçues qui façonnent les activités économiques d'une nation seraient une condition nécessaire aux succès économiques des nations. Dans le cadre des institutions formelles, on les regroupe en institutions économiques et institutions politiques. Celles qui sont économiques organisent les interactions économiques et celles qui sont politiques déterminent les contraintes et les incitations des acteurs dans la sphère politique. L'absence totale ou le dysfonctionnement des institutions entrave certainement le processus de développement de tout pays même avec le budget des Etats-Unis.

Comme le prétendait les partisans de l'aide, elle n'a pas eu les mêmes effets dans tous les pays. Parmi les pays aidés, rares sont ceux qui ont su profiter de l'aide pour renouer avec la croissance et faire un saut vers le développement.En ce sens, Lemay-Hébert et Pallage (2012, p.1), affirment que : « L'aide internationale peut être un moteur formidable de développement. Mais elle peut aussi en être le plus grand frein ». Dans certains pays, au lieu de déclencher la croissance, elle entraîne la dépendance. C'est ainsi que DambisaMoyo (2009) déclare que l'aide internationale provoque plus d'effets néfastes qu'autre chose pour les pays pauvres en général. Des pays comme le Botswana, la Corée, l'Indonésie, le Taiwan et, plus récemment, la Mozambique et l'Ouganda ont tiré un excellent parti de l'aide reçue.  Dans ces pays, l'aide stimule la croissance et leur permet d'afficher de meilleures performances économiques. Par contre, des pays comme la Zambie, la République démocratique du Congo, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et particulièrement Haïti, qui ont bénéficié des montants d'aide importants, ont des bilans désastreux en matière de croissance économique (Perkins, Radelet et Lindauer, 2008). Mais, pourquoi ce constat d'échec dans ces pays et plus particulièrement en Haïti ?

Haïti demeure un des pays au monde recevant le plus d'attention de la communauté internationale, avec un bond manifeste de l'aide publique au développement surtout après le tremblement de terre de 2010. L'aide publique au développement en Haïti est passée de 167 millions de dollars en 1990 à 1.3 milliard en 2012, avec un pic à près de 3 milliards de dollars après le séisme de 2010. En 2011, l'Aide publique au développement (APD) d'Haïti a représenté 16% du PIB (Rapport OMD Haïti, 2013). Selon Doura (2003), entre 1994 et 2001,Haïti demeure le pays qui reçoit le plus d'aide par habitant malgré la diminution de l'aide bilatérale et multilatérale. La moyenne de l'aide annuelle par habitant en Haïti était de 57.5 dollars (toute forme d'aide, y compris l'aide alimentaire), tandis que les autres pays de la périphérie capitaliste ont reçu en moyenne 12 dollars par habitant (WDID, cité dans Doura, 2003). Toutefois, de nombreux défis demeurent, et les progrès enregistrés dans certains secteurs restent trop faibles pour avoir un impact significatif sur le développement et la réduction de la pauvreté.

La communauté internationale est présente en Haïti dans toutes les sphères du développement depuis plus d'un demi-siècle. Il est surprenant de constater que malgré l'injection de plusieurs millions de dollars d'aide dans l'économie haïtienne, on assiste à une dégradation accrue de la qualité de vie des Haïtiens qui rend le pays de plus en plus dépendant. Un rapport de la Banque mondiale (2014) mentionne que 6.3 millions d'Haïtiens ne sont pas en mesure de satisfaire leurs besoins essentiels, donc vivants sous le seuil de pauvreté et 2.5 millions vivent en dessous du seuil d'extrême pauvreté. En termes relatifs, le pays comptait 58.5% de pauvres et 23.8% d'extrême pauvres. Selon le rapport sur le développement humain (PNUD, 2015), sur une échelle de 0 à 1, Haïti accuse un score de 0.493, ce qui la place à la 163e place sur 188 pays. Une manière claire d'expliquer que le niveau d'éducation, le revenu par habitant et l'espérance de vie à la naissance dans le pays est très faible. Ce qui nous laisse comprendre qu'en Haïti, la multiplication des projets de coopération et l`affluence de l'aide internationale depuis les dernières décennies ont entraîné peu ou pas de changements notables dans les conditions socio-économiques des destinataires officiellement définis (Paul, 2012).

En effet, certains secteurs accusent un retard très important. Dans tous les pays de la CARICOM, Haïti est celui qui accuse le plus grand retard dans la qualité des routes, des infrastructures portuaires et aériennes (Rapport OMD Haïti, 2013). En raison d'infrastructures maritimes inadaptées, Haïti ne peut exploiter pleinement l'accord établi entre les pays de la CARICOM. Tous ceux-ci expliquent que l'assistance bilatérale et multilatérale n'a pas permis à la situation sociale et économique du pays de s'améliorer.

L'APD à Haïti fait face à de nombreux enjeux sociaux, politiques, économiques et environnementaux. Sans être exhaustif, on peut citer : une instabilité socio-politique récurrente, la carence institutionnelle, la corruption, la mauvaise gouvernance économique et la vulnérabilité face aux catastrophes naturelles. Est-ce là les principaux obstacles à son efficacité ?

Un rapport du MPCE paru en avril 2011 mentionne que l'APD représente en moyenne 60% du budget de l'état Haïtien et plus de 85% de ses programmes d'investissement public. En ce sens, (Deshommes, 2014) relate quel'état de cette économie fait que l'on ne peut se passer de l'aide internationale. Vu que les problèmes institutionnels et la corruption empêchent le pays de recueillir les ressources internes nécessaires, l'aide est donc un enjeu crucialcar elle semble être notre seul et unique recours pour trouver les ressources nécessaires lui permettant de financer certains projets d'investissement. Cependant pour certains, l'aide à Haïti est un échec flagrant. Pour Ricardo Seitenfus (2010), Haïti est la preuve de l'échec de l'aide internationale1(*). Ces affirmations semblent être fondées et validées par les indicateurs socio-économiques. En tant que futurs économistes, il nous paraît intéressant d'identifier les principaux obstacles qui empêchent à l'aide d'atteindre ses objectifs. Constatant le contraste existant, nous sommes amenés à réfléchir sur l'aide publique au développement en Haïti. Ainsi, notre thématique de recherche est intitulée : « la problématique de l'efficacité de l'aide internationale en Haïti pour la période allant de 1995 à 2018. »

? Question de recherche

Il est évident que le poids de l'APD dans l'économie haïtienne est assez considérable. Compte tenu de la contribution substantielle de celle-ci et les piètres performances de l'économie du pays, il nous est important de se questionner sur les causes qui empêchent à l'APD de donner de meilleurs résultats en termes d'efficacité. Ainsi notre question de recherche est formulée comme suit : Pourquoi l'aide octroyée à Haïti n'arrive pas à la mettre sur la voie de la croissance ?

? Hypothèse du travail

Avec un score moyen de 19 pour les dix dernières années, le pays s'installe de façon quasi permanente dans la zone des plus corrompus du monde. On comprend vite que depuis bon nombre d'années, l'aide est fournie dans le cadre d'un système corrompu. Ainsi, les ressources nationales pour le développement et l'aide elle-même en sont affectées. Là où règne la corruption, le gaspillage et la mauvaise utilisation des ressources sont toujours présents. La corruption peut compromettre de manière significative les résultats des programmes de développement. Au sein des pays bénéficiaires, la corruption peut gravement nuire à la réalisation des résultats escomptés, de manière directe, en détournant un pourcentage de l'aide des objectifs et des bénéficiaires initialement visés, ou de manière indirecte, en encourageant l'utilisation impropre de l'aide. Dans un tel contexte, les fonds disponibles ne sont jamais utilisés à bon escient pour soulager la misère des plus pauvres. Au lieu d'investir dans des projets sociaux pour améliorer les conditions de vie des démunis, les autorités se tournent souvent vers des stratégies leur permettant de détourner les ressources à leurs profits et à ceux de leurs proches. Donc en situation de grande corruption, comme c'est le cas en Haïti, quel que soit le niveau de l'aide reçue, fort probablement elle sera détournée de ses vrais objectifs et n'aura pas d'impact sur la croissance et la réduction de la pauvreté.

L'instabilité politique est un autre fléau qui met en déroute l'efficacité de l'aide en Haiti. En 1960, avec un PIB réel par habitant de 1018 dollars américains, un haïtien était cinq fois plus riche qu'un chinois dont le PIB était d'à peine 192.3 dollars américains. Pour cette même année, les deux républiques partageant l'île d'Haïti avaient un PIB réel par habitant sensiblement égal. Soixante ans plus tard, la République dominicaine est devenue onze fois plus riche qu'Haïti avec un PIB par habitant de 8630 dollars. L'instabilité politique chronique a certainement plombé le décollage économique du pays et explique en grande partie pourquoi il n'arrive pas à épouser la même trajectoire économique que la Chine et la République dominicaine. Ainsi, on comprend aisément qu'en situation de crise permanente, les apports d'aide n'auront pas de retombées économiques significatives. Ces apports, au lieu d'être investis dans la construction des infrastructures, la santé et l'éducation, sont détournés vers des secteurs n'ayant pas d'impact sur le développement. Donc, autant que l'instabilité politique freine la croissance dans un pays, autant que l'objectif de l'aide ne sera pas atteint.

Plusieurs autres facteurs peuvent influencer les résultats de l'aide en Haïti. Ne pouvant pas tous les énumérer, on se focalise sur ces deux qu'on estime être incontournables et on formule l'hypothèse du travail de la manière qui suit. «L'aide publique au développement n'est pas efficace en Haïti. Et que la corruption généralisée et l'instabilité politique chronique en sont des causes».

? Objectif et intérêt du travail

Cette démarche de recherche ne vise pas à étudier l'impact de l'aide publique au développement sur la croissance économique d'Haïti. Mais elle se concentre à produire une réflexion sur la problématique de l'efficacité de l'aide publique en Haïti pour la période allant de 1995 à 2018. Pour être plus précis, ce travail se donne pour objectif de comprendre pourquoi l'aide publique au développement ne donne pas de résultats probantsen Haïti.

Les travaux sur l'efficacité de l'aide sont nombreux, mais rares sont ceux qui s'intéressent à chercher les causes de son inefficacité là où elle est vue comme un échec. Approfondir notre connaissance sur cet aspect témoigne tout l'intérêt de notre étude.

? Structure du travail

Notre démarche de recherche comporte quatre chapitres. Le premier chapitre présentera les généralités de l'aide publique au développement. On y fera un survol historique de l'APD sur le plan international. Dans ce chapitre nous présenterons l'évolution de l'aide tant au niveau mondial que local. Les différents acteurs internationaux et nationaux qui oeuvrent dans le domaine de l'APD seront aussi présentés.

Le deuxième chapitre est relatif à la mesure de l'efficacité de l'APD. On fera une revue de littérature autour de l'efficacité de l'aide publique au développement. On abordera aussi la déclaration de Paris avec ses cinq piliers sur l'efficacité de l'aide.

On enchaîne au chapitre trois en se focalisant exclusivement sur Haïti. Après avoir présenté l'APD et sa traçabilité, nous présenterons l'évolution des indicateurs macroéconomiques. Ainsi, l'efficacité de l'APD sera analysée en se basant sur des faits comme le PIB, l'investissement, l'inflation et le chômage. Ce qui va nous permettre de mieux nous situer sur la problématique de l'efficacité de l'APD en Haïti. A la fin du chapitre des obstacles à l'efficacité de l'APD en Haïti seront présentés.

Le quatrième chapitre concerne la partie empirique de notre étude. Après avoir analysé et interprété les résultats du modèle, on aura à conclure en présentant des limites du travail suivi de quelques recommandations.

CHAPITRE I - GÉNÉRALITÉS SUR L'APD

Ce chapitre présente le cadre général de l'APD en passant par son origine, sa définition, ses objectifs, son évolution et les principaux acteurs.

1- Origine de l'APD

La dénomination « aide au développement » apparaît en tant que telle avec le plan Marshall, qui ne s'adresse d'abord qu'aux pays sortant de conflits avant de considérer les pays pauvres ou en développement. Le plan Marshall financé par les Etats-Unis au lendemain de la seconde guerre mondiale a permis de mobiliser d'importantes ressources financières pour la reconstruction de l'Europe. Par ce plan, le relèvement de l'Europe a été rapide et prodigieux. Dans cette optique est née l'idée selon laquelle un apport massif de capitaux aux pays sous-développés de l'Afrique ; l'Asie et l'Amérique latine pouvait contribuer à un développement similaire à celui de l'Europe d'après-guerre. Aussi, en pointant du doigt la grande pauvreté qui affecte la moitié de l'humanité dans son discours d'investiture à travers le fameux point IV, ce 20 janvier 1949, leprésident des Etats-Unis Harry S. Truman a dès lors marqué le point de départ des politiques d'aide au développement. Pour Truman, la pauvreté des régions sous-développées représente un handicap et une menace pour les régions les plus prospères comme les Etats-Unis. Corollairement, il fallait aider les peuples pacifiques à avoir une vie meilleure en mettant à leur disposition les avancées scientifiques et les progrès industriels dont disposent les Etats-Unis. L'idée mise en avant était d'aider les pays sous-développés à surmonter les obstacles auxquels ils se heurtent dans la mobilisation des ressources nécessaires pour financer leur développement durable mais c'était aussi un moyen de défendre leurs intérêts en évitant l'expansion du communisme au début de la guerre froide. Ces propos du président Truman serviront également de stratégie aux autres pays occidentaux détenteurs de capitaux et dépositaires de connaissances scientifiques mais au détriment des anciennes colonies.

2- Définition et objectifs de l'APD

2.1- L'APD : de quoi s'agit-elle ?

L'aide publique au développement consiste en « des prêts ou dons fournis par le secteur public, dans le but de favoriser le développement économique et d'améliorer les conditions de vie, à des conditions financières douces (dont l'élément de libéralité est au moins égal à 25%) ; sont donc exclues les aides militaires ». Plus tard, en 1972 plus précisément, le Comité d'aide au développement (CAD) propose une formulation plus rigoureuse et avec plus de précision « L'aide publique au développement (APD) devient des « prêts ou dons accordés aux pays et territoires figurant dans la liste des bénéficiaires d'APD établie par le CAD et aux organisations multilatérales, par le secteur public, à des conditions financières libérales (dans le cas des prêts, l'élément de libéralité doit être d'au moins 25 %) dans le but principalement de faciliter le développement économique et d'améliorer les conditions de vie dans des pays en voie de développement». Ainsi, d'après l'OCDE, « L'APD se compose des apports de ressources qui sont fournis aux pays moins développés et aux institutions multilatérales par des organismes officiels, y compris des collectivités locales ou par leurs organismes gestionnaires qui, considérés séparément, au niveau de chaque opération, répondant aux critères suivants : (a) être dispensés dans le but essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie dans les pays les moins développés ; (b) revêtir un caractère de faveur et comporter un élément de libéralité au moins égal à 25%

Selon Olivier Charnoz et Jean-Michel Severino, l'aide publique au développement est une activité par laquelle les pays font transiter vers d'autres des ressources publiques en vue de contribuer à leur développement. L'aide publique au développement n'est pas uniquement constituée de capitaux financiers, elle englobe également les biens et services, les compétences et les technologies qui sont transférés aux pays en développement. 

Pour être éligible à l`aide publique au développement, une dépense doit satisfaire quatre critères :

? Ce doit être une dépense publique, c'est-à-dire réalisée par un Etat ou une collectivité territoriale dans le cadre d'une coopération décentralisée. L'APD repose sur le budget des autorités publiques.

? Cette dépense publique doit se faire au bénéfice des pays ou territoires endéveloppement. Elle doit être attribuée à un pays en développement ou à un organisme international qui se chargera d'allouer cette ressource à des pays en développement selon ses propres critères. L'aide acheminée directement est dite bilatérale, et l'aide allouée par l'intermédiaire d'une institution internationale est appelée aide multilatérale. La liste des pays éligibles à l'APD est déterminée par le comité d'aide au développement de l'OCDE.

? Les dépenses publiques réalisées en faveur des pays éligibles à l'APD doivent avoir pour objectif le développement du pays bénéficiaire. L'intention du donateur doit être d'améliorer le niveau de vie de la population de ce pays.

? Pour être considérée comme une aide publique au développement, une dépense publique à destination d'un pays en développement doit être accompagnée de conditions financières favorables. Le versement des ressources financières ou autres peut se faire sous formes de dons ou de prêts. Un prêt pour être éligible à l'APD doit contenir un élément don d'au moins 25% du montant du prêt.

2.2- Composition de l'APD

Depuis 1969, la délimitation officielle du périmètre de l'APD est du ressort du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. Elle inclut tous les apports publics en espèces, en produits ou en services fournis aux pays en développement et aux institutions multilatérales, visant à promouvoir le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des bénéficiaires, effectués à des conditions financières favorables. On y trouve par exemple, les dons, les prêts concessionnels comportant un élément de libéralité d'au moins 25 %, l'assistance technique, les opérations d'allègement de dette ou encore la prise en charge des frais d'éducation de ressortissants d'un pays en développement, etc.

2.3- Les types d'aide

L'aide, quelle que soit sa forme, peut être octroyée en espèces, en nature ou sous forme d'assistance technique.

? Aide en espèces

On parle d'aide en espèces quand un gouvernement ou une institution privée reçoit des fonds destinés au financement des projets de développement. Elle peut se présenter sous forme de prêts accompagnés de conditions financières favorables ou de dons.

? Aide en nature

L'aide en nature consiste en matériel, céréales ou autres produits de première nécessité qu'un gouvernement ou une ONG reçoit d'un autre gouvernement ou d'une autre ONG.

? Aide en assistance technique

L'assistance technique appelée aussi coopération technique repose sur le financement de formations de hauts fonctionnaires et des techniciens ou sur la mise à disposition d'experts (auprès des ministères, d'autorités locales, d'agences publiques). Elle vise à renforcer les ressources humaines des pays aidés et à faciliter le transfert des compétences, de connaissances et des technologies ou coopération technique non intégrée à un investissement. Elle peut renforcer les capacités de gestion d'une politique publique (santé, environnement etc..) ou appuyer la mise en oeuvre d'un projet bien déterminé (approvisionnement en eau, télécommunication...) ou coopération technique liée à un investissement.

2.4- Objectifs

Dès sa conception, l'objectif principal de l'APD vise à favoriser le développement économique et l'amélioration des conditions de vie des populations dans les pays les moins avancés (PMA). De manière concrète, le but de l'APD est de créer tant au niveau national que mondial, un climat propice au développement et à l'élimination de la pauvreté par un partenariat entre les pays développés et les pays en développement. Avec le temps, les objectifs de l'APD s'articulent autour de la déclaration du millénaire pour le développement signée en septembre 2000 par 189 pays et sont au nombre de huit :

1. Réduire l'extrême pauvreté et la faim

2. Assurer l'éducation primaire universelle

3. Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes

4. Réduire la mortalité infantile

5. Améliorer la santé maternelle

6. Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies

7. Assurer un environnement durable

8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement

En support aux OMD, des institutions internationales comme le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Interaméricaine de développement (BID) et la Banque Mondiale (BM), ont intégré dans leur approche respective un volet relatif à la lutte contre la pauvreté, visant ainsi à adapter leur mission avec la réalité des pays sous-développés. En Haïti, des accords en liaison directe avec les OMD ont été signés par la BM. Ces accords, connus sous les noms de « Poverty Reduction Strategy Paper (PRSP) », « Document de stratégie de réduction de la Pauvreté (DSRP) », ou encore « Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) », visent à améliorer l'offre et la fourniture des services sociaux de base dans les domaines de l'éducation, la santé, l'eau potable, la gestion des déchets, la coopération entre le secteur public et le secteur privé, le partenariat international ; en bref ce qui est au coeur des OMD. En dépit de tout, la réalité est-elle apte à montrer une amélioration des conditions d'existence en Haïti ? Dans la littérature de l'aide, l'efficacité renvoie à la réalisation des objectifs. En tenant compte de ces différents objectifs, on va tenter de faire le point sur l'efficacité de l'APD en Haïti.

3- L'APD au niveau mondial

Depuis la création du CAD, en 1960, le volume de l'APD nette a progressé à un rythme plus ou moins régulier jusqu'à la fin de la guerre froide. Il est passé, en prix courant, de 5 milliards de dollars en 1960 à un niveau record de 60 milliards en 1991. Suite à cette longue période de progression, l'APD s'est fortement contractée jusqu'en 2000, année à partir de laquelle elle est repartie progressivement à la hausse pour atteindre, en 2005, un nouveau record de 107 milliards de dollars. Ce record qui, selon plus d'un, ait été lié à des opérations exceptionnelles d'annulation de la dette dont les effets positifs sur le volume de l'APD s'estompe à partir de 2006. Lors des années suivantes, l'APD renoue progressivement avec la croissance pour atteindre un nouveau record à la hauteur de 139 milliards de dollars en 2011. L'augmentation de l'aide observée au cours de la décennie 2000-2010 ne peut être attribuée avec certitude à l'adoption des OMD, mais de toute façon elle a joué un rôle central. Toutefois, après une période de contraction importante pendant les années 1990, les années qui suivent la Déclaration du Millénaire ont vu effectivement ressurgir la croissance de l'APD. Une baisse a été observée pour l'année qui suit, passant de 139 milliards en 2011 à 133 milliards en 2012. Pour l'année 2014, un pic de 161 milliards a été atteint en passant par un montant de 151 milliards en 2013. En 2015, l'APD a connu une baisse considérable, passant de 161 milliards à 146 milliards. Suite à cette baisse, elle est repartie à la hausse pour atteindre 165 milliards en 2018.

Lorsque l'APD est mesurée en pourcentage du RNB des pays donneurs, le bilan est très différent. Le taux d'effort a atteint en 1961 son niveau le plus élevé, soit 0,375 % du RNB des pays donneurs. À partir de cette année, le ratio APD/RNB commence à baisser progressivement pour se situer à 0,21 % en 1973. Ensuite, il commence à remonter légèrement sans atteindre les niveaux observés dans les années 1960. Lors de la décennie 1980, il se maintient à peu près stable mais il redescend à nouveau dans la décennie 1990. Il chute de 0,237 % en 1992 à 0,153 % en 1997. En 2000, le ratio (APD/RNB) a atteint le niveau le plus bas de son histoire, soit 0.145%. Il faut attendre l'année 2005 pour que ce ratio soit porté à 0,226 % et rattrape presque le niveau qu'il avait déjà atteint en 1992. Malgré cet élan de 2005, le ratio allait redescendre à 0.184% en 2007 et pour enfin atteindre un niveau stagnant autour de 0.196% en moyenne de 2008 à 2018.

Bien que l'APD à prix courant ait atteint des sommets, elle continue à rester bien en deçà de l'objectif de 0.7% du RNB des pays donateurs. Le niveau du ratio est resté bien en dessous du niveau enregistré dans les premières années d'existence du CAD.

Le graphique 1 illustre l'évolution de l'APD nette en dollars courant, ce qui permet d'avoir une idée beaucoup plus réaliste dans l'évolution dans le temps du volume d'aide pour la période de 1960 à 2018.

Graphique 1 : Aide publique au développement nette 1960-2018

Source : Graphique réalisé par les auteurs à partir de la base de données statistiques de la Banque mondiale.

4- Les Acteurs de l'APD

Depuis ces dernières années, l'architecture de l'aide devient de jour en jour beaucoup plus complexe en raison de l'intervention, en plus des donateurs bilatéraux et multilatéraux traditionnels, des pays émergents, des fondations privées (à titre d'exemple : la Fondation Bill et Melinda Gates), des fonds thématiques mondiaux (comme le Fond Mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme et des organisations de la société civile et du secteur privé. Dans cette section, nous allons présenter, en premier lieu, les différents acteurs qui oeuvrent dans le domaine d'aide publique au développement au niveau international. En second lieu, nous allons nous pencher sur les acteurs locaux de l'APD.

4.1- Les acteurs internationaux

Dans cette sous-section nous présentons, comme annoncés dans le paragraphe précédent, les principaux acteurs internationaux. En d'autres termes, l'aide venant d'un groupement de pays.

a- L'Union Européenne

L'Union Européenne est une entité qui détient le titre de plus gros bailleur de fonds de l'APD (MEVALAZA Angelo, avril 2013, P. 9). Elle est financée par ses États membres.

Cette institution est créée le 9 mai 1950 par Robert Schuman (Ministre français des affaires étrangères) dans le but de mettre fin aux guerres qui ont régulièrement ensanglanté le continent pour aboutir à la Seconde Guerre mondiale. Dès sa création, afin de maintenir une paix durable, une communauté fondée par 6 pays dont la Belgique, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas unissent progressivement les pays de l'Europe sur le plan économique et politique. Cette communauté est connue sous le nom de «Communauté européenne du charbon et de l'acier».

b- Les institutions de Bretton Woods

Les institutions de Bretton Woods sont créées après la fin de la deuxième guerre mondiale. Au cours de cette période, plusieurs pays se trouvaient dans des difficultés financières. Ainsi, le 22 juillet 1944, sont signés les accords de Bretton Woods par 44 nations alliées dans l'objectif de mettre en place une organisation monétaire mondiale et de favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par cette guerre.

Cet accord a donné naissance à deux organismes :

? La Banque Mondiale (BM)

La Banque mondiale est l'organisme multilatéral le plus important. Elle a commencé son action en tant que Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD). Elle regroupe actuellement 189 Etats membres, plus de 170 collaborateurs et plus de 130 antennes à travers le monde. Son appui consiste en des prêts ou des dons, ou parfois un mélange des deux (matchinggrant). Le groupe de la Banque mondiale est composé de cinq institutions oeuvrant de concert à la recherche de solution durables pour réduire la pauvreté et favoriser le partage de la prospérité2(*). Elles sont les suivantes :

1. Banque Internationale pour la Reconstruction et le développement (BIRD)

2. Association Internationale de Développement (IDA)

3. Société Financière Internationale (IFC)

4. Agence Multilatérale de Garantie des Investissement (MIGA)

5. Centre Internationale pour le Règlement des Différends relatif aux Investissements (CIRDI)

? Le Fond Monétaire international (FMI)

Le FMI est gouverné par ses 189 Etats membres tout comme la Banque Mondiale. L'institution s'engage à encourager la stabilité financière et la coopération monétaire internationale, et s'efforce aussi de faciliter le commerce international, d'oeuvrer en faveur d'un emploi élevé et d'une croissance économique durable et de faire reculer la pauvreté dans le monde3(*). Cette institution a été créée en juillet 1944, lors d'une conférence des Nations Unies à Bretton Woods dans le Hampshire aux Etats-Unis.

L'une des principales fonctions du FMI est de fournir des prêts aux pays évoquant des difficultés de la balance des paiements. Contrairement aux banques de développement, cette institution n'accorde pas de prêts pour des projets spécifiques. Généralement, les prêts du FMI sont octroyés aux pays membres qui font la demande sous forme de d'accords respectant les conditions à remplir pour avoir accès aux ressources.

? L'Organisation des Nations Unies (ONU)

Fondée en 1945, l'organisation internationale ONU compte aujourd'hui 193 États membres. La charte est l'instrument constitutif de l'organisation. Cette dernière oeuvre dans de domaines multiples tels que le changement climatique, le développement durable, les droits de l'homme, l'égalité entre hommes et femmes, la gouvernance, la paix et tant d'autres.

Le système des Nations Unies est souvent appelé «Famille des Nations Unies». Il est composé de l'organisation des Nation Unies et de nombreux programmes, fonds et institutions spécialisées4(*). Chacune de ces entités a sa propre direction, son propre budget et ses propres États membres.

Les institutions spécialisées comptent d'une vingtaine telles que : FAO, FIDA, OACI, OMI, OIT, ONUDI, UNITAR et tant d'autres

Les fonds, programmes et organisations comptent eux-mêmes d'une dizaine tels que : PAM, PNUD, UNICEF, UNIDIR, ONU-Habitat, FNUAP et tant d'autres.

4.2- Les acteurs locaux

Dans le cadre de l'APD, les pays bénéficiaires disposent d'un ensemble d'acteurs locaux qui sont incontournables dans le transfert de l'aide. Dans le cas d'Haïti, il ne fait pas de doute que le ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE) est l'acteur principal autour duquel s'articule l'ensemble de la coopération et de l'APD à Haïti. Au MPCE s'ajoute d'autres entités comme le BMPAD, le CAED, le CIRH, la FRH, les ONG

a- Le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE)

Créé par le décret du 10 Mars 1989, le ministère de la planification a pour mission d'élaborer des plans nationaux de développement économique et social et à améliorer les systèmes de planification devant permettre l'utilisation des ressources disponibles pour un développement économique et social plus équilibré. Il est le principal partenaire local de l'APD à Haïti. Plusieurs plans et programmes qui proviennent des acteurs de l'APD à Haïti sont parrainés par ce Ministère qui regroupe plusieurs directions. Dans le cadre de l'APD, le rôle du MPCE s'exerce à travers la direction de la coopération externe dont la mission vise à mettre en oeuvre la politique du gouvernement en matière de coopération externe au développement (MPCE, 2014c). La direction de la coopération externe a pour principales attributions de :

? Contribuer à la formulation de la définition de la politique du gouvernement en matière de coopération externe.

? Coordonner l'identification des besoins de coopération et des sources de financement externes.

? Établir l'adéquation entre les besoins et les possibilités de financement et proposer des scénarii.

? Participer aux négociations des accords de financement et d'assistance avec les bailleurs de fonds

? Veiller à l'application des principes de l'efficacité de l'aide externe au développement

? Contribuer à l'évaluation de l'impact des programmes et projet financés par l'aide externe

? Participer aux réunions régionales et internationales des organisations bilatérales et multilatérales

b- Bureau de Monétisation des Programmes d'Aide au Développement (BMPAD)

Compte tenu de la complexité de l'aide externe et des compétences qu'elle exige pour sa gestion, le BMPAD a été créée sous la tutelle du MPCE. Cette institution vient en remplacement au programme d'alimentation pour le développement (PL 480, titre III, cité dans Lahens, août 2014) dont la mission consistait à gérer exclusivement l'aide américaine à partir de 1985. Sa performance et son dynamisme lui ont valu la confiance d'autres bailleurs comme le Canada, la France, l'Espagne, le Japon et l'Italie. Chargé de la gestion des projets financés par la BM à titre d'agence nationale d'exécution, cette institution était aussi le principal acteur de l'accord Petrocaribe passé entre les gouvernements haïtien et Vénézuélien (BMPAD, 2007a).

La mission du BMPAD est donc de veiller à l'application des conventions, protocoles d'entente, accords de dons et/ou de prêts, conclus entre le gouvernement haïtien et un donateur ou un bailleur de fonds, dans le cadre des programmes d'aide au développement à Haïti. Cette mission est exercée en liaison avec les organismes nationaux et internationaux intéressés tandis que les ressources générées par la monétisation sont utilisées pour le financement de projets de développement prioritairement dans les secteurs de l'agriculture, des travaux publics, de la santé, de l'éducation, de l'environnement (BMPAD, 2007b)

Dans le cadre de l'aide internationale, les dons peuvent être en espèce ou en nature. Pour les dons en nature, la monétisation vise à commercialiser sur le marché local, des denrées et des produits reçus dans le cadre des accords de dons ou de prêts intervenus entre le gouvernement haïtien et le pays donateur ou le bailleur (BMPAD, 2007b). Cette activité n'est pas toutefois sans conséquence sur la production locale.

c- Le cadre de Coordination de l'Aide Externe au Développement d'Haïti (CAED)

Comme tant d'autres acteurs locaux, Le CAED a vu le jour dans le contexte du séisme dévastateur du 12 janvier 2010. OEuvrant au sein du MPCE, le CAED a été conçu dans le but de faciliter le dialogue entre le gouvernement haïtien, les bailleurs de fond ainsi que les autres partenaires, afin que l'effort de tous s'articule autour d'objectifs communs à long terme, à travers la mise en oeuvre efficace des plans triennaux d'investissement. Le nouveau cadre et les nouveaux mécanismes de coordination de l'aide externe au développement se fixent pour objectif de mettre sur pied des modes de fonctionnement permettant à l'aide d'appuyer les priorités de développement économique et social de la république d'Haïti à travers :

? Le leadership responsable du gouvernement et l'engagement politique des bailleurs à le supporter pour une meilleure coordination de l'aide externe

? L'adhésion des partenaires techniques et financiers aux objectifs stratégiques de développement et programmes ou projets d'investissement du gouvernement

? Le renforcement des capacités institutionnelles de gestion du développement du pays, et la coordination entre tous les acteurs concernés.

d- La commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH)

Au lendemain du tremblement de terre, les limites et les faiblesses du cadre institutionnel de gestion de l'aide externe en Haïti seront mises à nues. Compte tenu des nombreuses promesses d'aide émanant des nombreux partenaires d'Haïti (traditionnels et occasionnels), il était urgent de trouver un mécanisme intérimaire de coordination desdites promesses, à la fois sur le plan technique et financier (MPCE, 2012). Ainsi, la création de la CIRH représente une réponse à la faiblesse de l'appareil gouvernemental haïtien, déjà très fragile, dans sa capacité à gérer un accroissement massif du volume d'aide (MPCE, 2012). De plus, il ressort de la mission de la CIRH, une volonté de résoudre de façon définitive les problèmes inhérents à la gestion, à l'organisation et la distribution de l'aide externe. C'était le moment opportun d'initier une réforme dans la gestion de l'aide, ce qui laisse supposer qu'il existait un manque de transparence, de cohérence et d'efficacité de l'aide externe. La CIRH était donc chargé de coordonner sur une période d'un an et demi (18 mois) le processus de planification et de mise en oeuvre des priorités, plans et projets visant à appuyer la reconstruction du pays à travers :

? Une meilleure coordination entre les bailleurs

? Un marketing ciblé du pays et une plus grande visibilité internationale

? Une plus grande transparence de l'action publique pour la reconstruction

? Un renforcement institutionnel des ministères

? Une mobilisation sans précédent des bailleurs de fonds et des ONG internationales

? Une plus grande disponibilité des ressources financières

? Une plus grande transparence dans l'action des ONG

? Un nouveau rôle de la société civile et de la diaspora haïtienne (MPCE, 2012)

e- Le fond pour la reconstruction d'Haïti (FRH)

Le FRH est un partenariat entre les bailleurs et le gouvernement haïtien destiné à aider à financer les projets de reconstruction post séismes prioritaires. Le FRH est un fonds commun, souvent désigné comme un fonds fiduciaire multi donateurs, un compte unique sur lequel les bailleurs donnent de l'argent. L'Association Internationale de Développement de la Banque mondiale agit comme administrateur du compte du FRH. Le fond pour la reconstruction d'Haïti a pour but de mobiliser, coordonner et allouer des ressources par des contributions visant l'amélioration des conditions de vie en Haïti et l'assistance au renforcement des capacités à long terme du gouvernement haïtien, en s'alignant au plan d'action pour le relèvement national. Ses principaux objectifs sont les suivants :

? Améliorer la coordination au sein de la communauté internationale et entre les partenaires de développement et le gouvernement

? Tirer parti des avantages comparatifs de partenaires éprouvés sur le plan international (BID, ONU et BM) et au niveau local (gouvernement, agences des nations-unies, entreprises privées)

? Réduire les coûts de transaction liés à l'aide au développement car le gouvernement et les bailleurs traitent avec un interlocuteur unique

? Aider à éviter le chevauchement des initiatives et la répétition des efforts

? Permettre de répondre aux besoins de financement stratégique identifiés par le gouvernement haïtien dans le processus de reconstruction (MPCE, 2012).

f- Les Organisations Non Gouvernementales (ONG)

Les ONG sont reconnues comme un important acteur des relations internationales. Elles sont impliquées dans les débats internationaux portant sur une panoplie de sujets tels que l'aide au développement, les secours d'urgence, l'environnement et les droits de la personne. Par leur professionnalisme reconnu, elles sont appréciées par les États et les organisations interétatiques.

En Haïti, la présence continue des ONG et leurs multiples interventions dans de nombreux secteurs d'activités ont fait accroître leurs rôles dans la dispensation de l'aide. Ainsi, «sont désignées `'Organisations Non Gouvernementales d'Aide au Développement'', et identifiées ci-après sous le sigle d'ONG toutes Institutions ou Organisations privées, apolitiques, sans but lucratif, poursuivant des objectifs de Développement aux niveaux national, départemental ou communal et disposant de ressources pour les concrétiser» (Article 1, décret 14 septembre 1989) (MPCE,2014b). Selon l'article 13 de ce même décret, les activités des ONG sont coordonnées et supervisées par le MPCE par l'intermédiaire de l'Unité de Coordination des Activités des ONG (UCAONG) au niveau national et au niveau départemental par le Conseil Départemental de Coordination et de Supervision des Activités des ONG(MPCE,2014d).

CHAPITRE II- L'EFFICACITÉ DE L'AIDE : UNE REVUE DE LITTÉRATURE

Ce chapitre traite un aspect important du travail : la revue de littérature. Il avance les points de vue de trois catégories d'auteurs. Ceux qui croient que l'aide a un impact positif, ceux qui voient l'aide comme obstacles à la croissance et enfin ceux qui pensent que l'aide a un impact positif conditionnel. La déclaration de Paris est aussi passée en revue vu son rôle dans la question de l'efficacité de l'aide. On enchaîne avec les scores obtenus par Haïti dans le cadre de cette déclaration.

1- Littérature sur l'efficacité de l'aide

La littérature scientifique sur l'APD et son efficacité est très étendue. De nombreux travaux théoriques et empiriques ont cherché à évaluer son efficacité, et cette dernière est en généraletrès contestée. De l'aveu même du CAD et de l'OCDE, aucune méthode ne peut prétendre mesurer l'efficacité de l'aide au développement de manière certaine (Larquemin, 2008). Selon Easterly (2003), les débats concernant l'efficacité de l'aide sont marqués profondément par l'absence d'un modèle théorique clair et accepté à l'unanimité. Pour se faire une idée de l'efficacité de l'APD, les économistes et les experts en développement se sont toujours penchés sur l'impact de cette dernière sur la croissance et la réduction de la pauvreté. Cette partie du travail se fixe pour objectif de recenser les travaux théoriques et empiriques les plus pertinents effectués autour du concept APD. Cet exercice va nous permettre de mieux cerner les différents contours de l'APD en ce qui a trait à son efficacité.

L'idée de base de l'APD était que le processus de croissance des pays les moins avancés était freiné par une épargne domestique et des réserves en devises trop faibles. Il est alors très vite apparu comme évident qu'une aide financière de la part des pays industrialisés ayant, eux, réalisé leur décollage économique, permettrait de favoriser celui de ceux en développement. Dans ce même ordre d'idée, d'Harrod (1939, 1942) et Domar (1946) soutiennent que l'aide publique au développement peut accroître l'investissement et induire une augmentation de la croissance. Dans leurs travaux, ils ont postulé que lorsque l'épargne interne est défaillante, le volume de l'épargne étrangère peut aider à atteindre un taux d'investissement compatible avec le taux de croissance désiré.

Les auteurs Nurske, Rosentein-Rodan (1943, 1961a, 1961b)ont démontré que l'APD est cruciale pour une économie en besoin de financement. Ces auteurs ont fait remarquer que des injections massives en flux de capitaux extérieurs devaient favoriser le financement des investissements dans les pays en développement et leur permettre de faire un saut qualitatif vers le développement économique et social. Nurske (1953) a relevé l'une des limites de ces travaux. Il souligne le fait que l'aide pourrait courir le risque de se voir détournée vers la consommation et non la production.Pour Chenery et Strout (1966), la situation de sous- développement des pays pauvres est caractérisée par la diminution de leurs possibilités de développement, par le manque de l'épargne, le manque des devises étrangères donc l'impossibilité d'importation. Le rôle de l'APD est de combler l'écart entre l'épargne et l'investissement.

L'efficacité de l'aide publique au développement figure sans aucun doute dans le top des sujets suscitant plus de controverse parmi les experts du développement. Lui est reproché son manque, voire son absence d'efficacité vis-à-vis des objectifs qui lui ont été assignés lors de sa création. Dès les premières politiques d'aide, de nombreuses études ont été menées afin de vérifier l'impact de l'aide sur les pays à faible revenu. Ainsi, des études ont tenté d'observer l'impact de l'APD sur la croissance et sur l'épargne domestique. Ces travaux sont initiés par Griffin et Enos (1970). A travers leur travail, ils n'ont pas réussi à mettre en évidence de telles relations et parvenaient au contraire à montrer que l'APD a un impact négatif sur l'épargne domestique. L'économiste américain Gustave Papanek, en utilisant le modèle présenté par Griffin et Enos, a lui-même tenté d'étudier l'impact de l'aide. Ses résultats montrent pour la première fois qu'en dépit de l'impact négatif de l'aide sur le taux d'épargne, il existe une relation positive entre l'APD et la croissance économique. Pourtant, ces résultats mettent en évidence une corrélation et ne peuvent à eux seuls identifier une relation de cause à effet entre l'APD et la croissance.

Milton Friedman (1958), Peter Bauer (1972) et William Easterly (2001) sont les opposants les plus farouches à l'APD. Ils affirment qu'il n'existe aucune relation entre l'APD et la croissance et que celle-ci a conduit à une expansion de la bureaucratie étatique, pérennise les mauvais gouvernements et enrichit l'élite des pays pauvres. Ces auteurs évoquent l'ampleur de la pauvreté en Afrique et en Asie du Sud en dépit de 30 ans d'aides et le cas des pays qui ont reçu de gros apports d'aide et qui ont pourtant affiché un bilan désastreux comme la République Démocratique du Congo (RDC), la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Haïti, et la Somalie. Ils suggèrent un profond remaniement de l'aide ou tout simplement sa suppression.

Par contre, Joseph Stiglitz (2002), Nicolas Stern (2002) et Jeffrey Sachs (2004) soutiennent que, même si l'aide n'a pas toujours bien fonctionnée, elle a joué un rôle stratégique dans la croissance et la lutte contre la misère de nombreux pays et a contribué à empêcher des résultats encore pire dans de nombreux autres pays. Pour asseoir leurs points de vue, des pays comme le Botswana, la Corée, l'Indonésie, le Taiwan et, plus récemment, la Mozambique et l'Ouganda qui ont bénéficié de l'APD ont servi de modèles de réussite à ces auteurs. De leurs avis, les lacunes liées à l'APD sont imputables aux bailleurs de fonds. Par ailleurs, ils ont souligné que depuis 40 ans, les indicateurs de pauvreté se sont repliés dans de nombreux pays et les indicateurs de santé et d'éducation ont connu une croissance sans précédent dans l'histoire de l'humanité.

La fin des années 1980 et le début des années 1990 sont marqués par la multiplication d'études très critiques à l'encontre de l'aide au développement. Mosley et al. (1987, 1992) ; souligne l'absence d'efficacité macro-économique des projets de développement ; ses effets potentiellement pervers pour les structures incitatives des pays en développement sont avancés par (Bauer, 1993 ; Berg, 1993 ; Thiel, 1996). La remise en cause des fondements de l'aide, associée à la crise économique et aux contraintes budgétaires fortes pesant sur de nombreux pays donneurs, a entraîné à partir de 1992 une chute brutale des flux d'aide en direction des pays en développement. C'est dans cette conjoncture défavorable à l'aide internationale que la Banque mondiale a relancé le débat sur l'efficacité de l'aide avec la publication de son rapport AssessingAid(1998). Fondé sur les travaux de Burnside et Dollar, ce rapport soutient que l'efficacité de l'aide en matière de croissance dépend de la qualité des politiques économiques des pays en développement, ouvrant ainsi la voie au principe de sélectivité des pays receveurs sur la base de ce critère.

L'analyse de Burnside et Dollar (1997, 2000) est au coeur du débat sur l'efficacité de l'aide qui a animé la communauté internationale dans les années 1990. L'idée développée par Burnside et Dollar et défendue par la Banque mondiale dans le rapport AssessingAidest que l'efficacité de l'aide en termes de croissance dépend de la qualité des politiques économiques mises en oeuvre par les pays en développement. Cette conclusion se fonde sur un travail économétrique dans lequel Burnside et Dollar estiment des équations de croissance incluant une variable d'aide et un terme d'aide en interaction avec un indicateur de politique économique. L'étude de Burnside et Dollar et le rapport AssessingAidont constitué une réponse aux détracteurs de l'aide :certes, l'aide n'est pas toujours efficace, mais quand les politiqueséconomiques mises en oeuvre par les pays endéveloppement sont saines, l'aide a une influence positive surla croissance.

Les travaux de Burnside et Dollar ont été poursuivis par Collier et Dollar (2001, 2002), qui tentent d'identifier les implications en matière de réduction de la pauvreté, d'une réallocation de l'aide en fonction de la qualité des politiques économiques et du niveau de pauvreté des pays en développement. Pour comprendre l'effet de l'aide sur la réduction de la pauvreté, certains auteurs ont évoqué son impact sur la croissance économique : si l'aide contribue à la croissance et que la croissance contribue à la réduction de la pauvreté, alors l'aide permet de lutter contre la pauvreté. L'analyse de Collier et Dollar consiste à optimiser l'allocation de l'aide de façon à maximiser la réduction de la pauvreté. Deux idées servent de socle à Leur modèle : (i) l'aide a un effet positif sur la croissance dans les pays ayant mis en place de bonnes politiques économiques (Burnside et Dollar, 1997, 2000) ; et (ii) la croissance entraîne une réduction de la pauvreté (Ravallion et Chen, 1997 ; Dollar et Kraay, 2000).

Le coeur de leur analyse réside alors dans l'idée suivante : « pour maximiser la réduction de la pauvreté, l'aide devrait être allouée aux pays ayant de graves problèmes de pauvreté et de bonnes politiques économiques » (Collier et Dollar, 2002 : 1482). En se fondant sur les conclusions de l'analyse de Burnside et Dollar, Collier et Dollar défendent alors l'idée que la réduction de la pauvreté serait maximisée par une allocation fondée sur les performances économiques et la qualité des institutions des pays receveurs. Selon ces auteurs, l'aide est conditionnellement productive. Elles soutiennent la croissance économique dans les pays qui mènent de bonnes politiques économiques. Mais dans les pays où l'environnement de politique macroéconomiques est malsain, l'aide est sans effet sur la performance macroéconomique.

Les travaux de Burnside, collier et Dollar n'étaient pas exempts de critiques. L'analyse d'Easterly et al. (2003) a permis d'infirmer l'efficacité de l'aide au développement même en présence de bonnes politiques macroéconomiques. En se basant sur les résultats de Burnside et Dollar (1997, 2000), Easterly, Levine et Roodman (2003) se sont intéressés à l'impact de l'aide au développement sur la croissance du PIB par habitant dans le monde en prenant en compte la qualité de la politique économique menée. Utilisant le même échantillon que celui de Burnside et Dollar en s'élargissant à d'autres pays, les mêmes variables explicatives, la même méthode de spécification et l'ajout de nouvelles données disponibles, ils arrivent à la conclusion que l'action positive sur la croissance économique de l'aide disparaît même en présence de bonnes politiques économiques. Ce résultat a remis en cause l'idée admise de Burnside et Dollar. Le débat sur l'efficacité de l'aide au développement est donc relancé.

Pour montrer l'impact de l'aide sur la croissance, Clemens, Radelet et Bhavnani (2004) fait une distinction entre deux types d'aide : celle dont on peut attendre des répercussions rapides sur la croissance, et celle qui présente un objectif humanitaire ou un intérêt économique sur le long terme. Ils évoquent non pas la qualité des politiques économiques menées comme facteur d'efficacité de l'aide, mais ce qu'elle finance. Pour eux, l'aide alimentaire est contre-productive alors que le financement des infrastructures économiques a un impact positif sur la croissance économique à moyen terme. Ils démontrent ainsi un effet notable de l'aide à impact rapide, que les pays bénéficiaires mènent ou non une bonne politique.

DambisaMoyo de son côté voit l'aide comme un facteur nocif pour le développement. Passant en revue la performance des pays africains pendant cinq décennies d'octroi d'aide internationale, Moyo tire cette conclusion : « l'aide n'est pas la solution, c'est une partie du problème - en fait l'aide est le problème » (Moyo 2009 : 47).D'après cette auteure, non seulement l'aide encourage les pratiques de corruption mais elle est aussi source de conflits, ralentit la croissance et décourage la libre entreprise. Moyo rend l'aide responsable de quasiment tous les maux de l'Afrique, en allant jusqu'à dire qu'elle a contribué à rendre les pauvres encore plus pauvres. De fait, elle affirme, sans aucune nuance, que l'aide est un « désastre total » (Moyo 2009 : 6).   

Les conclusions d'Easterly ne sont pas différentes de celles de Moyo, mais elles sont plus nuancées et sont basées sur les résultats de travaux empiriques.   Les résultats des travaux d'Easterly (1999, 2001, 2003) montrent que l'aide « n'achète » pas la croissance, et cela indépendamment du montant des sommes déboursées. Par conséquent, Easterly (2006) affirme que la croyance selon laquelle l'aide peut sortir les pays de la pauvreté ne relève que d'un « mythe » qu'il formule comme suit : « les pays les plus pauvres sont prisonniers d'un piège à pauvreté  dont ils ne peuvent sortir sans un plan massif financé par l'aide internationale, plan constitué d'investissements et de mesures à même d'effacer tout ce qui empêchait jusque-là le développement ; après quoi, ces pays connaîtront un décollage menant à une croissance autonome, et l'aide internationale deviendra inutile. » (Easterly 2006 : 53). Easterly ne cesse de critiquer les défenseurs de l'aide massive, comme Jeffrey Sachs, et affirme que les théories avancées par ces derniers ont été mises en échec en Afrique décennie après décennie.   

Dans la littérature sur l'efficacité de l'aide, l'effet de l'aide sur les indicateurs sociaux a été moins étudié. Cependant, les rares études qui ont évalué directement l'impact de l'aide sur les indicateurs sociaux de bien-être aboutissent à des résultats controversés. Ainsi, Burnside et Dollar, fidèles à leurs idées, soutiennent que l'aide ne favorise la baisse de la mortalité infantile que dans les pays qui mènent de bonnes politiques économiques. Gomaneeet al. (2003) mettent en évidence une influence positive de l'aide sur l'indicateur de développement humain et sur la réduction de la mortalité infantile. Quant à Kosack (2003), l'aide n'a d'effet sur le développement humain que dans les régimes démocratiques. Selon eux, cet effet passe par le financement de dépenses publiques favorables aux plus pauvres. La qualité de l'environnement de politique économique ne serait pas déterminante. Pourtant, les analyses économétriques de Mosley et al. (1987) tout comme Boone (1996) concluent que l'aide internationale est stérile. Les résultats de leurs études prouvent que l'aide internationale n'a aucun effet sur la mortalité infantile.

D'autres travaux ont également identifié certains facteurs naturels et structurels pouvant influencer l'efficacité de l'aide dans les pays en développement. Ainsi Guillaumont et Chauvet (2004) ont démontré que l'aide était en moyenne plus efficace dans les pays qui étaient fortement exposés aux chocs extérieurs tels que les fluctuations brutales des termes de l'échange où les importantes variations climatiques. D'après Collier et Dehn (2001) l'aide pourrait effectivement avoir un effet dit « compensateur » et atténuer l'impact négatif de ces chocs exogènes sur la croissance. Par la suite Dalgaard, Hansen et Tarp (2004) ont observé que l'aide était moins efficace dans les pays géographiquement proches des tropiques, mettant en lumière le fait que les rendements induits par l'APD, notamment dans le secteur agricole, seraient limités par une trop faible productivité causée par les conditions climatiques difficiles de ces zones géographiques. Acemoglu, Johnson et robinson (2003) focalisent leur attention sur les facteurs historiques notamment la colonisation. Enfin d'autres études, Kosack (2003), Collier et Hoefler (2002) ont également souligné la prépondérance de la qualité institutionnelle et notamment du climat politique dans la performance de ces flux. 

La littérature sur l'efficacité de l'aide demeure extrêmement riche et variée et comporte quasiment autant d'articles qui exposent la relation positive entre l'aide et la croissance que d'articles qui soutiennent l'absence totale de relation. Cette diversion dans la littérature sur l'efficacité de l'aide est inspirée du manque de consensus divisant les pays et les institutions en charge de l'allocation de l'aide publique au développement. Bien que certaines études, comme celle de Burnside et Dollar, aient fortement influencées la décision d'octroyer l'APD et le choix des pays destinataires, l'impossibilité de statuer sur cette question ne permet toujours pas de standardiser la façon dont ces flux devraient être déboursés et alloués.

Dans l'optique de trouver un résultat final à ce débat, des auteurs, en considérant à chaque fois les différents modèles utilisés, se portent à mener des méta-analyses sur l'ensemble des travaux effectués antérieurement. Cette démarche était juste pour conclure si, dans l'ensemble, la recherche scientifique avait davantage identifié d'impacts positifs de l'aide sur la croissance que d'impacts négatifs ou même inexistants.

Ainsi, Hansen et Tarp (2000) a effectué un travail d'analyse des résultats issus de ses différents travaux de recherche, depuis les années 1960 jusqu'en 2000. Il a regroupé les travaux empiriques en trois générations : La première traite la relation entre l'aide, l'épargne et la croissance ; la deuxième, se penche elle-même sur la relation entre l'aide, l'investissement et la croissance ; par contre la troisième explore la relation entre l'aide, les politiques et la croissance. Ses conclusions soutiennent que la littérature atteste globalement que l'aide augmente la performance économique. : « L'aide augmente l'épargne ; l'aide augmente l'investissement ; et il existe une relation positive entre l'aide et la croissance » (Hansen et Tarp 2000 : 393). Au-delà de ce constat, il a affirmé que même dans les pays avec un environnement politique défavorable le lien entre l'aide et la croissance reste forte. Ils soutiennent que pour les trois générations d'étude, la majorité des travaux montre qu'il y a une relation positive entre l'aide et la croissance et ils sont convaincants. En 2001, Hansen et Tarp par leur propre étude empirique, ont complété cette revue de littérature. Ils arrivent aux mêmes conclusions : « l'aide augmente le taux de croissance et cette conclusion ne dépend pas de l'indicateur de gouvernance établi par Burnside et Dollar (2000) » (Hansen et Tarp 2001 : 566). 

Ces méta-analyses ont conclu qu'effectivement, les travaux réalisés avaient majoritairement observé un effet positif de l'aide, mais ont cependant soulevé une question primordiale ; celle du biais de publication. L'existence du biais de publication, mise en évidences par Doucouliagos et Paldam (2009), soutient que les chercheurs et économistes (notamment ceux directement liés aux institutions financières internationales comme la Banque mondiale ou le FMI) seraient plus enclin de publier des résultats positifs de l'aide sur la croissance dans le but de justifier l'intervention de ces institutions dans les pays en développement.

En réponse à l'étude de Doucouliagos et Paldam, Tarp (2013), dans une analyse, contredit les résultats en démontrant qu'il n'existait pas de biais de publication et que l'aide était globalement efficiente.

1.1- Récapitulatif de la revue de littérature

Tableau 1- Tableau récapitulatif de la revue

Littérature entre la relation de l'APD et croissance

Auteurs

Leçons tirées

Positions

Relation entre aide et croissance économique

Harrod (1939, 1942) et Domar (1946)

L'aide publique au développement peut accroître l'investissement et induire une augmentation de la croissance.

Partisan

Nurske, Rosentein-Rodan (1943, 1961a, 1961b)

L'APD est cruciale pour une économie en besoin de financement.

Opposant

Griffin et Enos (1970) 

L'APD a un impact négatif sur l'épargne domestique.

Opposant

Gustave Papanek 

En dépit de l'impact négatif de l'aide sur le taux d'épargne (Griffin et Enos, 1970), il existe une relation positive entre l'aide et la croissance.

Partisan

Milton Friedman(1958), Peter Bauer (1972) et William Easterly (2001)

Aucune relation entre l'APD et la croissance. L'APD selon eux ne fait qu'enrichir les élites des pays pauvres.

Opposant

Stiglitz (2002), Nicolas Stern (2002) et Jeffrey Sachs (2004)

Même si l'APD n'a pas toujours bien fonctionné, il joue dans la réduction de la pauvreté.

Partisan

Relation entre APD, institution et politique économique

Burnside et Dollar (1997, 2000)

L'efficacité de l'aide dépend de la qualité des politiques économiques mises en oeuvre dans le pays.

Partisan

Easterly et al. (2003)

Infirme l'efficacité de l'aide au développement même en présence de bonnes politiques macroéconomiques.

Opposant

Bräutigam et Knack (2004) 

Un niveau d'aide élevé s'accompagne d'une détérioration de la qualité de la gouvernance et aussi un effort fiscal plus réduit dans le pays récipiendaire.

Partisan

DambisaMoyo 

L'aide n'est pas la solution, elle est une partie du problème. En fait, elle est le problème.

Opposant

Gomaneeet al. (2003) 

L'aide influence positivement l'IDH et sur la réduction de la mortalité infantile.

Partisan

Relation entre Aide, Gouvernance et Pauvreté

Fielding et al. (2006)

L'APD a une influence positive sur les variables des OMD, mais peu favorable aux pauvres. Puisque le sous-groupe des personnes les plus pauvres ne semble pas être le principal bénéficiaire.

Partisan

Konsack (2003)

L'aide n'a d'effet sur le développement humain que dans les régimes démocratiques.

Partisan

Source : Tableau réalisé des auteurs

 
 

1.2- Positionnement sur la revue de littérature

Nous arrivons à comprendre, grâce à la revue de littérature théorique, le niveau de diversité qui existe entre les différents chercheurs par rapport au concept d'Aide Publique au Développement et la problématique de son efficacité en termes d'impact sur la croissance économique et sur la réduction de la pauvreté. En résumé, nous avons pu découvrir trois grands courants théoriques concernant l'efficacité de l'APD. Un courant stipule que l'APD « n'influe pas sur la croissance, au contraire elle peut même la freiner ». Parmi les auteurs qui ont été à bord de ce courant de pensée, DambisaMoyo, Milton Friedman (1958), Peter Bauer (1972) et William Easterly (2001) furent les opposants les plus farouches de la liste.

Le deuxième courant laisse croire que l'APD, de manière générale, influence positivement la croissance économique (dépendamment du pays). Il faut mentionner que, selon plus d'un, le rendement décroît à mesure que l'aide augmente. Les auteurs Harrod (1939, 1942), Domar (1946), Burnside et Dollar (1997, 2000) et tant d'autres sont ceux faisant partie du groupe.

Le troisième et dernier courant que nous avons retenu avance que l'influence de l'Aide Publique au Développement sur la croissance économique est conditionnelle. Leurs travaux sontbasés sur l'idée selon laquelle l'efficacité de l'Aide Publique au Développement dépend des caractéristiques des pays récipiendaires de l'aide. Des auteurs ont même avancé que l'efficacité de l'aide dépend aussi des pratiques et des procédures des bailleurs de fonds envers les pays aidés. Parmi les auteurs ayant adopté cette position, on peut citer, entre autres, Konsack (2003), Collier et Hoefler (2004), Dalgaard, Hansen et Tarp (2004).

2- Des problèmes à l'APD

2.1- A qui profite de l'aide ?

Selon le programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), la gestion de l'aide génère des coûts exorbitants. Environ 100 000 experts étrangers, dont 2700 fonctionnaires du FMI et 8000 de la Banque mondiale sont envoyés chaque année dans les pays récipients d'air. Leurs salaires représentent environ 20% du total de l'aide, soit 10 milliards de dollars par année ; les dépenses de fonctionnement des organisations internationales (soit une estimation de 577 millions de dollars américains pour le FMI et 1 milliard pour la Banque Mondiale) sont incluses (MD, sept. 2000).

Les apports de capitaux vers les pays dominés favorisent les rapatriements privés vers les pays donateurs a plus de 80% du flux initial. L'aide revient aux pays donateurs sous forme d'une demande de bien d'équipement et de consommation ou de produits alimentaires. L'aide est bénéfique aussi pour les entreprises oeuvrant au sein des pays donateurs ayant profité des flux en retours pour investir et créer des emplois, car un flux financier en direction d'un pays sous-développé génère plus considérablement des flux en retour dans les pays donateurs.

2.2- Responsabilité des bailleurs

En ce qui a trait à la responsabilité des bailleurs, ils n'ont pas tenu parfaitement leurs promesses. Un rapport de l'OCDE datant de 2008 soutient que l'imprévisibilité des flux d'aide reste un problème, car seulement un tiers de l'aide annoncée est décaissé à temps. Selon la banque mondiale, 47.5% des fonds en soutien au plan de développement 2004-2007 avaient été décaissés en septembre 2007. Pour les financements annoncés en réponse du cyclone de 2008 en Haïti, 12% avait été décaissé en décembre 2009. Pour l'année 2010, les bailleurs arrivent à décaisser près de 70% des fonds promis. Et aussi plus de 60% des fonds pour les années 2010 et 2011 n'arrivent pas à être décaissés. Le calendrier de flux d'aides importants, y compris à l'appui budgétaire, reste imprévisible.

3- APD et la déclaration de Paris

3.1- Les indicateurs d'efficacité de l'APD

Le débat sur l'efficacité de l'aide occupe depuis plusieurs années le devant de la scène du développement. Cependant, il n'existe pas de méthodes permettant de mesurer l'efficacité de l'APD de manière indiscutable.

Après la naissance du programme de l'efficacité de l'aide au sommet de l'ONU en 2002 à Monterrey, une conférence internationale s'est tenue en février 2003 à Rome à l'initiative de l'OCDE et d'un groupe de pays donateurs. Lors de cette conférence, un engagement mutuel a été scellé en vue d'améliorer l'efficacité de l'aide. La déclaration finale de Rome a associé une quarantaine d'agences d'aide et 28 pays bénéficiaires, afin de respecter les priorités des pays bénéficiaires, simplifier et harmoniser les procédures, et mettre davantage l'accent sur les résultats.

Après plusieurs années de réflexion au sein du CAD, en mars 2005, une entente internationale et un programme de réforme historique en vue d'améliorer la qualité de l'aide et son impact sur le développement est enfin entérinée. Celle-ci est connue sous le nom de la «Déclaration de Paris». Le défi lancé par cette dernière consiste à réformer la manière dont les donneurs et les pays partenaires collaborent pour atteindre des objectifs communs et faire le meilleur usage des ressources limitées au développement (Revue de l'OCDE sur le développement, 2006). Elle consacre cinq principes longuement discutés en vue d'assurer une efficacité maximale de l'aide. Ces cinq principes sont déclinés en quinzeindicateurs de suivi, lesquels permettent de mieux faire une idée sur l'efficacité de l'APD. En plus de préconiser des exercices de suivi, la Déclaration de Paris insiste également sur la nécessité de réaliser une évaluation des pays pour mieux comprendre la manière dont l'amélioration de l'efficacité de l'aide contribue à atteindre les objectifs du développement.

Les cinq principes de la Déclaration de Paris qui constituent la « pyramide de l'efficacité » sont les suivants :

Harmonisation

A travers ce principe, les donateurs s'engagent à mieux coordonner leurs actions, à leur conférer une plus grande efficacité collective et à les rendre moins lourdes à gérer, notamment pour les pays dont les capacités de gestion administrative sont faibles. Ils mettent notamment en place, dans les pays partenaires, des dispositifs communs pour la planification, le financement et la mise en oeuvre des programmes de développement ». Ce principe préconise donc que les actions des pays donateurs soient mieux harmonisées et plus transparentes, afin de permettre une plus grande efficacité collective.

L'alignement

Alors que l'appropriation peut être considérée comme la charnière centrale de l'armature de la déclaration de Paris, l'alignement représenterait la pièce maîtresse du partenariat à instaurer. Ce principe s'appréhende comme le fait de faire correspondre l'aide avec les priorités, les systèmes et les procédures des pays partenaires. Ceci implique que ces systèmes et procédures soient efficaces. A terme, ce principe permettra de fixer les aides extérieures vers les priorités et ainsi d'éviter au maximum le gaspillage des ressources extérieures. L'expérience montre qu'une aide bien alignée sur les politiques des pays d'une part, et sur les systèmes nationaux d'autre part, contribue davantage au développement qu'une aide fragmentée répondant aux priorités des donneurs.

Les engagements pris à travers ce principe sont les suivants :

- Les donateurs s'alignent sur les stratégies nationales : et pour ce faire, ils s'engagent à faire reposer l'ensemble de leur soutien sur les programmes stratégiques de développement des pays partenaires et les évaluations périodiques sur le niveau d'avancement de l'exécution de ces stratégies ; à lier autant que possible leurs conditionnalités aux stratégies nationales de développement des pays partenaires ou à l'état de mise en oeuvre de ces stratégies présentées dans les rapports annuels.

- Les pays partenaires renforcent leurs propres capacités de développement avec le concours des donateurs.

-Les donateurs, quant à eux, s'engagent à aligner le soutien qu'ils apportent en matière d'analyses ou d'aides financières sur les objectifs et les stratégies de renforcement des capacités.

- Le renforcement des systèmes nationaux de passation des marchés : Les donateurs se sont engagés aussi à recourir davantage aux systèmes des pays partenaires pour la passation des marchés lorsque des normes et procédures convenues d'un commun accord sont appliquées ; à adopter des approches harmonisées lorsque les systèmes nationaux ne répondent pas aux normes de performances convenues d'un commun accord ou lorsque les donneurs ne les utilisent pas.

- La Consolidation des capacités de gestion des finances publiques : Les donateurs s'engagent en outre à fournir une liste indicative fiable d'engagement au titre de l'aide qui s'inscrit dans un cadre pluriannuel, et à verser l'aide en temps voulu et selon un calendrier prévisible en respectant les échéances convenues ; à se conformer dans toute la mesure du possible sur les mécanismes budgétaires et comptables transparents des pays partenaires.

Appropriation

Définie comme étant la capacité des pays à exercer une réelle maîtrise sur leurs politiques et stratégies de développement, l'appropriation est un élément clé de la déclaration de Paris. Elle est cruciale pour l'efficacité de l'aide et l'obtention de résultats en termes de développement. L'expérience montre que l'aide est plus efficace lorsqu'elle soutient les efforts de développement des pays partenaires et des politiques auxquelles adhèrent vraiment les dirigeants, les fonctionnaires et les citoyens de ces pays. Par contre, elle perd en efficacité lorsque les politiques sont imposées.

Par ce principe, les pays partenaires sont chargés d'élaborer eux-mêmes leurs politiques et stratégies de développement et assurent la coordination des actions de développement. En ce sens, ils doivent entreprendre un certain nombre de réformes afin de permettre aux bailleurs de fonds de s'appuyer sur les systèmes nationaux et de privilégier la prise en charge des stratégies de développement par les autorités nationales. L'aide au développement doit être fournie conformément aux priorités nationales et de façon adaptée aux contextes des pays bénéficiaires qui ont défini leurs priorités. Aucun progrès n'est possible si les parties prenantes au niveau national et local ne souscrivent pas aux réformes économiques. C'est pourquoi, il est important que l'ensemble des acteurs du pays s'approprient les mesures et programmes et politiques nécessaires.

L'objectif de la Déclaration de Paris concernant cet indicateur est de porter à 75 % la proportion de pays partenaires ayant des stratégies de développement opérationnelles bien ou quasiment établies (catégorie A ou B).

La gestion axée sur les résultats

Selon le PNUD, la GAR est une stratégie ou méthode de gestion appliquée par une organisation pour veiller à ce que ses procédures, produits et services contribuent à la réalisation de résultats clairement définis. Introduite dans les années 60 par Peter Drucker, la GAR offre un cadre cohérent de planification et de gestion stratégique en améliorant l'apprentissage et la responsabilité. Il s'agit aussi d'une vaste stratégie de gestion visant à apporter d'importants changements dans le mode de fonctionnement des organismes, l'accent étant mis sur l'amélioration de la performance et la réalisation de résultats. Ceci passe par la définition de résultats réalistes, le suivi du progrès dans la réalisation des résultats escomptés, l'intégration des enseignements tirés dans les décisions de gestion et la communication d'information au sujet de la performance. Elle permet d'établir une cohérence et une congruence, à partir des orientations de politiques générales, dans les stratégies et les actions à mettre en oeuvre pour réaliser les objectifs de développement.

Selon la Déclaration de Paris, «axer la gestion sur les résultats» signifie gérer et mettre en oeuvre l'aide en se concentrant sur les résultats souhaités et en utilisant les données disponibles en vue d'améliorer le processus de décision. La GAR est donc une approche qui se concentre de façon systématique sur les résultats, plutôt que vers la réalisation d'activités déterminées, en optimisant l'utilisation des ressources humaines et financières.

La responsabilité mutuelle

Vue comme une innovation importante de la déclaration de paris, la responsabilité mutuelle part du principe que l'aide est plus efficace lorsque les donneurs et les gouvernements partenaires sont responsables devant leurs opinions publiques de l'utilisation qui est faite des ressources à l'appui du développement, et lorsque les uns et les autres doivent se rendre mutuellement des comptes. Ainsi, les donateurs et les pays partenaires sont responsables des résultats obtenus en matière de développement. Ce principe entend concrétiser un lien réel de partenariat entre les bailleurs de fonds et les pays partenaires.

3.2- Haïti et la déclaration de Paris

La déclaration de Paris est considérée comme un instrument de référence pour promouvoir l'efficacité de l'aide. Elle est largement utilisée et discutée par les acteurs de la coopération internationale.  A présent, plus de la moitié de l'APD est évaluée à l'aune des indicateurs prévus dans la Déclaration de Paris. Ainsi, cet instrument peut être d'une très grande utilité pour évaluer l'APD en Haïti (Voir l' annexe 1).

En dépit de la déclaration de Paris, l'aide internationale à Haïti demeure très controversée en raison du nombre élevé d'intervenants et du manque d'organisation de ces derniers (Dufour, 2011). Outre la multiplicité des acteurs, survient un autre enjeu d'importance dans la coordination de l'aide. Il s'agit de l'apparition des nouveaux donateurs comme la chine qui ne s'efforce pas de participer à l'harmonisation de l'aide (Jacquet, 2006). Les obstacles tant au niveau interne qu'externe à l'APD en Haïti constituent un grand frein à son efficacité et entravant ainsi l'atteinte des objectifs de développement durable.

Selon une enquête de 2009, les objectifs ont été atteints pour 2 des 15 indicateurs établis par la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide, un léger progrès a été mesuré pour 2 indicateurs, alors que 11 indicateurs ont stagné ou sont même sujets d'un recul. En se basant sur cette enquête, on pourrait dire que le résultat escompté n'a pas été atteint. Donc à la lumière de la déclaration de Paris en fonction du score obtenu pour chaque indicateur, on peut se permettre de dire que l'aide n'est pas efficace dans le cas d'Haïti.

CHAPITRE III : EFFICACITÉ DE L'AIDE EN HAÏTI (LES FAITS)

Ce chapitre est consacré exclusivement à Haïti. Il présente l'origine et l'évolution de l'APD, la situation socio-économique du pays au travers des indicateurs macro-économiques, la situation des OMD et enfin des facteurs jugés comme obstacles à l'efficacité de l'aide.

1-APD en Haïti

1.1- Origine de l'APD en Haïti.

Le pays connaît un déséquilibre socio-économique structurel causé par la croissance de sa dette publique qui date depuis le lendemain de son indépendance en 1804. Son niveau d'épargne et d'investissement est faible. En effet, ce triple déficit, budgétaire, d'épargne et de la balance des paiements semble durer trop longtemps. Cette situation à laquelle se trouvait le pays était caractérisée par le manque de ressources pour répondre à ses besoins qui deviennent de plus en plus importants en raison de sa croissance démographique accélérée. En effet, la croissance de cette dette jusqu'à l'occupation américaine occasionne les États-Unis à assurer leur hégémonie sur Haïti en matière de financement externe. Ainsi, les États-Unis reste un des pays les plus ancrés dans les affaires économique, politique et financière d'Haïti. En 1919, en pleine occupation américaine, Haïti signait un accord qui lui permet de bénéficier d'un prêt de 40 millions de dollars US. Dès lors, Haïti, dans le but de rembourser ce prêt aux États-Unis, a fait une succession de prêts : Les emprunts de 1922 (23 millions de dollars), celui de J.G White de la EXIMBANK, en 1941 (emprunt de 5.5 millions de dollars auprès du précurseur de la Banque Mondiale) et un emprunt en juillet 1941 de la SHADA financé par EXIMBANK.

1.2- Evolution de l'APD en Haïti

L'aide à Haïti a débuté véritablement au cours de la décennie de 1950 à 1960. A cette époque, le gouvernement américain fait des dons à Haïti évaluant à 40 millions dollars US, dont plus de 50%, soit 21.4 millions, ont été décaissés en faveur du gouvernement des Duvalier (Pean, 2007). Selon Pean, pour l'année fiscale 1961, le support financier américain était de 14.9 millions de dollars, dont 11.4 millions en dons, 2.5 en assistance technique, 1.14 million en aide alimentaire et 250,000 en prêts. De 1952 à 1968, l'aide américaine à Haïti était estimée à 64 millions de dollars US. Haïti a reçu un montant d'aide beaucoup plus important à partir des années 1970. Au cours de cette année, Haïti a reçu un prêt de 236 millions de dollars US de la part du FMI afin d'irriguer les terres agricoles de la vallée de l'Artibonite. L'aide apportée dans les années 1960 à 1970 était très controversée en raison des multiples violations des droits humains perpétrées sous le régime Duvaliériste. Les prêts sont parfois stoppés et parfois rétablis.

De 1980 à 1982, l'APD à Haïti croit au taux respectif de 2.12%, 18.81% et 4.59%. Pendant cette période, comme beaucoup d'autres pays en développement, Haïti appliquait les politiques d'ajustement structurel préconisées par les institutions de brettonwoods. Les troubles politiques que connaissait le pays à la fin du régime de Duvalier n'ont pas permis à l'APD de connaître une croissance de long terme. Dans les années qui ont suivi le départ de Jean-claude Duvalier, l'APD a pris la forme de facilité d'ajustement structurel (FAS) du FMI, de crédit de rétablissement économique de la BM et de crédit du gouvernement des Etats-Unis (Lahens, 2014). L'APD à Haïti est donc passé de 200 millions de dollars américains en 1986 à 250 millions en 1987, pour connaître une réduction en 1991 à cause du coup d'état du 30 septembre (Beaulière et autres, cité dans Lahens, 2014).

Quoiqu'une baisse significative de l'aide a été observée au niveau mondial au début des années 1990, la situation d'Haïti en matière d'aide était encore plus difficile. De 1991 à 1994, un embargo et des sanctions économiques étaient infligés à Haïti. Malgré les sanctions imposées par la communauté internationale, l'aide externe, notamment celle des Etats-Unis, continuait à affluer à travers d'autres canaux de transmission, en particulier les ONG. De 1990 à 1993, le total de l'APD à Haïti se chiffrait à 276.9 millions de dollars dont 15.3% était consacré à l'économie, 38.3 à la sécurité alimentaire et 46.4% à la santé (NAPA, 2006)

A partir de 1995, le retour à l'ordre constitutionnel a permis le déblocage de l'APD à Haïti et une hausse exponentielle a été observée. Une croissance de 397.17% par rapport à l'année précédente a été enregistrée. Toutefois, les années comprises entre 2000 et 2003 ont marqué par un ralentissement de l'aide dû à l'instabilité socio-politique qu'a connu le pays. Suite à cette période, l'APD affiche une tendance à la hausse entre 2005 et 2009 avec un taux de croissance moyen oscillant entre 30% à 40%.

Deux grands changements ont été adopté au regard des modalités de l'aide en Haïti dans l'intervalle 2004-2009. Premièrement, la Banque interaméricaine de développement (BID), la Banque mondiale et les bailleurs bilatéraux ont converti leur APD à Haïti de prêts en dons et annulé la plus grande partie de la dette du pays. Deuxièmement, les bailleurs ont rétabli l'appui budgétaire comme modalité et ont offert une aide budgétaire générale conséquente au gouvernement, environ 60.5 millions de dollars par an en moyenne, y compris 93.6 millions de dollars pour l'exercice budgétaire 2009.

Entre les années 2004 et 2009, l'aide est passée de 298.6 millions de dollars à 1.12 milliard de dollars (OSE, 2011). Cela inclut un doublement de l'aide humanitaire, qui a passé de 70 millions de dollars en 2004 à près de 140 millions de dollars en 2009. Entre 2004 et 2009, le gouvernement haïtien a reçu un soutien important dans le but de préparer des politiques de développement se projetant sur plusieurs années susceptibles de donner une nouvelle orientation à l'aide.

? L'APD après le séisme du 12 janvier 2010

Le volume de l'APD a fluctué de manière significative au cours des 20 dernières années. Cependant, la période post-tremblement de terre a changé considérablement la donne. Après l'annulation des dettes bilatérales d'Haïti par les pays du G7, en mars 2010, lors de la réunion de New-York, les bailleurs de fonds et les états membres des nations unies ont promis de mobiliser un montant de 10 milliards de dollars américains pour la reconstruction d'Haïti (Bernard et Salignon, cité dans Lahens 2014). Après inventaire des besoins, le Plan d'Action pour le Relèvement et le Développement d'Haïti (PARDH) a été présenté par le gouvernement haïtien et le coût était estimé à 11 milliards de dollars. Lors de la conférence, 58 bailleurs ont fait la promesse de soutenir la mise en oeuvre du PARDH.

La promesse des 10 milliards des partenaires et amis internationaux pour permettre au pays de s'engager sur la voie du relèvement suite au séisme ne s'est pas tenue, car les décaissements n'ont pas atteint ce chiffre. Pour la période 2010-2012, des apports de 6.04 milliards US étaient décaissés avec un pic de près de 3 milliards en 2010. Ce montant inclut 2.41 milliards pour l'humanitaire et 3.63 milliards pour la reconstruction. Pour l'année 2010, 63.6% du montant promis était versé. Il a été ainsi réparti : 188 millions en appui budgétaire, 44.1 millions au fond de reconstruction d'Haïti (FRH), 223.6 millions, à titre de dons, en provenance des nations-unies, de la BID et de la banque mondiale, à travers le FRH, 688.9 millions en dons au gouvernement d'Haïti, via des agences multilatérales, les ONG et les contracteurs privés et 135.3 millions à titre de prêt concessionnels.

Pour l'année 2011, l'aide a connu une baisse de près de 50%, passant de 2.89 milliards à 1.5 milliard environ. Depuis lors, l'aide ne cesse de diminuer pour ainsi atteindre la barre des 900 millions en 2018 selon nos données.

Pour les besoins de notre travail, une illustration graphique sur l'évolution de l'aide en Haïti pour notre période d'étude nous paraît nécessaire.

Graphique 2 : Evolution de l'APD en Haïti en millions (1995-2018)

Source : graphique des auteurs à partir des données de la Banque Mondiale

1.3- APD et réformes en Haïti

1.3.1- Les programmes d'ajustements structurels

La notion d'ajustement structurel, appliquée aux pays sous-développés, était étroitement liée à la spirale infernale de l'endettement international, ainsi qu'à la crise de paiement qui l'a suivie au début des années 1980. Limité, au départ, à certains pays de l'Amérique latine, le phénomène de cessation de paiement s'était généralisé pour toucher plusieurs pays producteurs de pétrole, notamment après le choc pétrolier de 1986. Face à l'ampleur du phénomène d'insolvabilité, les bailleurs de fonds internationaux, notamment le FMI et la Banque Mondiale, avaient décidé d'exiger des pays emprunteurs de s'engager à prendre des mesures économiques et financières radicales, pour parvenir à dégager des excédents financiers et rembourser leur dette extérieure. Dans ce contexte, les pays devaient mettre en application certaines mesures comme : la privatisation, l'ouverture des frontières, la libéralisation des prix, la dévaluation, etc. Ces programmes devaient ainsi permettre aux pays pauvres bénéficiaires de l'APD d'améliorer leur compétitivité.

Pour bénéficier du financement international, en matière d'aide publique au développement, les pays pauvres devaient adhérer les PAS qui étaient devenus la seule solution pour retrouver le développement durable. La chute de la dictature des Duvalier en 1986 a marqué le début de l'ère néolibérale imposée par les institutions internationales comme condition nécessaire et suffisante pour que les pays en développement puissent renouer avec la croissance. Dès lors, on a assisté à une succession de programmes avec pour objectifs de stimuler la croissance et de réduire la pauvreté.

Dans les PAS figure : la facilité d'ajustement structurel (FAS), la facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR), le programme d'urgence et de redressement économique (PURE), la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC), La facilité élargie de crédit (FEC).

Les retombées économiques obtenues suite à la mise en oeuvre des différents PAS se sont révélées insignifiantes et éphémères, donc inefficaces. La mise en oeuvre du consensus de Washington au travers des PAS s'est traduite par une dépossession d'un grand nombre de pays, en particulier Haïti, de la maîtrise de leurs orientations stratégiques. Les réformes économiques mises en oeuvre par les institutions internationales, de concert avec les gouvernements haïtiens dans le cadre des PAS, n'ont pas pu freiner le déclin amorcé depuis les années 70. La déréglementation et l'ouverture totale des marchés aggravent les problèmes des PED, dont Haïti. Loin de favoriser le consommateur en faisant baisser les prix, ces mesures permettent surtout aux firmes multinationales de conquérir des parts de marché en inondant les PED de produits subventionnés, en violation des règles édictées par l'organisation mondiale du commerce (OMC), et en entraînant ainsi la disparition des producteurs locaux. La baisse des prix promise se transforme alors souvent en hausse, engendrant ainsi inflation et chômage.

Ce constat d'échec a permis à la communauté des bailleurs, notamment la banque mondiale, le FMI, l'UE et autres de réévaluer leurs approches de l'APD en Haïti.

1.3.2- Le document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP)

Le document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) s'inscrit dans la logique des documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) exigés aux pays pauvres par les institutions financières internationales, la Banque mondiale et le fonds monétaire international, comme condition de déblocage en leur faveur de l'aide. Il fait suite au Cadre de coopération intérimaire (CCI, 2004), qui avait repris l'essentiel des dispositifs des deux Plans d'ajustement structurel (PAS) de 1986-87 et de 1996-97, dont le Programme d'urgence et de redressement économique de 1994-95. Il met en oeuvre une approche axée sur une vision à long terme, caractérisée par l'accent mis sur le développement et la rénovation des structures organisationnelles allant dans le sens d'une plus grande efficacité en termes de mobilisation des ressources nationales pour mettre le pays sur les rails du développement durable. Ce Document comporte deux aspects imbriqués l'un dans l'autre : l'aspect économique et l'aspect institutionnel.

L'aspect économique est centré sur un certain nombre de dispositifs relatifs à l'agriculture et au développement rural, tourisme, modernisation des infrastructures, science, technologie et innovation. Outre le renforcement de la productivité et l'encouragement de la consommation à travers le relèvement du revenu moyen et du niveau de vie des ménages les plus pauvres figure l'adaptation de l'économie haïtienne à l'économie régionale. En effet, dans la liste des mesures préconisées, on peut noter celle de se doter d'une économie moderne à large base territoriale et compétitive pour faire face à la modernisation accélérée des économies de la Caraïbe qui rend impérieux le rééquilibrage du rapport de compétitivité régionale d'Haïti.

Ces objectifs purement économiques sont complétés par d'autres axes stratégiques spécifiques et transversaux d'intervention tels que : la garantie des services publics essentiels (santé, éducation, sécurité, etc.), la protection des libertés et des droits fondamentaux (propriété, sûreté, citoyenneté, etc.) et de l'environnement, la construction des solidarités sociales et territoriales.

Le succès de cette stratégie nationale passe par l'institutionnalisation des activités dans tous les domaines, c'est-à-dire la régularisation des comportements économiques et sociopolitiques, ainsi que des logiques conflictuelles. Il s'agit donc d'instaurer des mécanismes coercitifs et cognitifs, c'est-à-dire des institutions capables d'influencer positivement les comportements et les choix individuels.

2- Traçabilité de l'aide en Haïti

Le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) est investi de la mission de conduire, animer et piloter le processus de planification du développement économique et social du pays et de coordonner l'APD, en support à l'effort national de développement. Suivant le cadre de planification macro-économique et les priorités en matière de politiques publiques, la répartition sectorielle de l'APD se manifeste à travers un fractionnement imputé aux secteurs social, économique, politique et culturel. En termes clairs, l'aide au développement doit affecter les secteurs déterminants de l'économie, afin qu'elle puisse déboucher sur la croissance et la réduction de la pauvreté. Le rapport du Ministère de l'Economie et des Finances (MEF,2002) sur la répartition sectorielle de l'APD indique qu'elle s'est principalement concentrée ces dernières années dans les secteurs suivants : Appui budgétaire, assistance humanitaire, gouvernance, agriculture, environnement, santé, éducation, transport, énergie, eau et infrastructures, le développement du secteur privé, entres autres.

Selon ce rapport, l'aide externe est fortement orientée vers l'appui budgétaire, la gouvernance et l'assistance humanitaire. En effet, au cours de l'exercice 94-95,214.69 millions US ont été octroyés en appui budgétaire, ce qui représente un pourcentage de 35% par rapport au volume de l'APD, tandis que les secteurs agriculture et éducation ont reçu respectivement 4.46% et 2.82% du total d'aide. Au cours de cette même période, 64.71 millions de dollars ont été utilisés pour l'assistance technique, ce qui représente 10.58% de l'aide totale reçue par Haïti pour cette période.

Sur la période allant de 1994 à 2001, le secteur agricole a reçu en moyenne 29 millions de dollars et un montant de 6.97 millions a été alloué au secteur de l'environnement. Mais l'agriculture, insuffisamment diversifiée et modernisée, reste encore fortement dépendante des conditions climatiques. Après la période de trouble politique qu'a connu le pays, la communauté internationale a priorisé le secteur de la gouvernance en vue de renforcer les institutions étatiques et de lutter contre la corruption. C'est ainsi que pour l'exercice 97-98, une enveloppe de 75.92 millions de dollars a été allouée au secteur de la gouvernance.

Bien que l'éducation et la santé aient toujours été considérées comme les secteurs déterminants de la croissance dans le long terme (théorie du capital humain), on a constaté que ces secteurs n'ont bénéficié que d'une faible part de l'aide accordée à Haïti. Finalement, selon l'OCDE, la répartition sectorielle de l'aide externe en Haïti présente la configuration suivante : 53% pour le social, 3% pour renforcer la production, 11% pour l'aide-programme, 17% pour l'aide humanitaire, 13% à l'économie et 3% aux autres secteurs.

3- indicateurs macroéconomiques en Haïti

3.1- Croissance économique

Globalement, la stratégie des bailleurs de fonds vise à implanter un modèle économique reposant sur la croissance. Étant un important bénéficiaire de l'APD, il importe de mentionner qu'Haïti est à la fois le seul PMA de la Caraïbe et l'un des pays les plus pauvres du monde. Conformément à l'objectif de promotion du développement de l'APD, le pays n'a jamais eu une forte croissance pouvant lui permettre de sortir de sa pauvreté (Blain et Selmé, cité dans Lahens, 2014).

L'économie haïtienne a enregistré pendant plusieurs décennies des résultats de croissance faible. Le PIB en Haïti a connu son meilleur niveau au cours de la décennie 1970. Durant cette période, des pics de 6.48%, 8.44% et 7.56% ont été enregistrés dans l'économie pour les années 1971, 1976 et 1979 respectivement.

Les bouleversements politiques internes et la situation politico-internationale ont fait souffrir grandement l'économie haïtienne. Entre 1981 et 1994, le taux de croissance du PIB affichait une tendance négative allant jusqu'à atteindre le seuil de -13.8% en 1992. Au cours des premières années de la décade de 1990, l'aide extérieure a connu une certaine raréfaction à cause de l'embargo de 1991 et les exportations ont chuté de 29%. Avec le rétablissement de l'ordre constitutionnel, le pays a connu un certain calme. La coopération internationale a été reprise et cela a permis à l'économie haïtienne de renouer avec la croissance. Quoique faible, entre 1995 et 2000, le pays enregistrait des taux croissance variant entre 4.4% en 1995 à 0.87% en 2000 passant respectivement par 2.70% et 2.71 % entre 1996 et 1999.

La chute amorcée en 2000 allait déboucher sur une crise socio-politique qui, en effet, a entraîné une croissance de 1.04% à -3.52% de 2001 à 2004 et une reprise de l'ordre de 1.80% amorcé en 2005 (Blain et Selmé, cité dans Lahens, 2014). Pour les années qui suivent, l'économie affichait de meilleures performances. Soit 2.25% en 2006, 3.34 % en 2007 et 3.08% en 2009. En 2010, avec le séisme dévastateur qui a frappé le pays, la quasi-totalité des infrastructures était détruite ou endommagée. Cette situation nous a conduit à un taux de croissance négatif de l'ordre de (-5.3). Une reprise rapide a été observée l'année suivante et atteint un taux de 5.52% de croissance économique. Il faut signaler que ce taux observé en 2011, après celui de 1995 (soit 9.9%), est le plus fort taux de croissance observé pendant notre période d'étude. Cependant, ce niveau de croissance obtenu en 2011 n'a même pas pu être tenu pendant la décennie. Passant de 5.52% en 2011 à 2.89% en 2012 pour atteindre 4.3% en 2014. Les performances affichées par l'économie pour les années qui suivent étaient vraiment faibles, moins de 2%.

La figure suivante présente, a prix constant de 2010, l'évolution du taux de croissance du PIB (Axe primaire) et de l'APD à Haïti (Axe secondaire) pour la période allant de 1995 à 2018.

Graphique 3 :Evolution du taux de croissance du PIB réel et celui de l'APD

Source : Graphique par les auteurs à partir des données de WDI

3.2- Evolution du taux d'investissement

L'investissement est considéré comme étant un facteur déterminant de la croissance, en raison du fait qu'il exerce un impact sur les deux côtés de l'identité comptable, à savoir l'offre et la demande globale. L'investissement influence, d'abord dans le court terme, le niveau de la demande, via le multiplicateur, vu qu'il est une composante de cette dernière. En effet, les dépenses d'investissements privés et publics représentent une partie de la demande adressée aux entreprises d'un pays. Quand l'une ou l'autre augmente, la demande globale augmente, et par ricochet, le niveau de la production.

Du côté de l'offre, l'investissement augmente à moyen terme les capacités de production ainsi que la productivité des entreprises et encourage l'innovation. Le niveau de la production est lié aux quantités disponibles des facteurs de production capital(K) et travail(L). Or, investir revient à accroître les quantités de capital utilisables et donc à augmenter la production.

Haïti est un pays où l'instabilité socio-politique et économique est très élevée. Cet état de fait décourage tout investisseur potentiel, vu les risques et les coûts induits par l'instabilité dans le pays. L'autre handicap dont souffre le pays est la détérioration des infrastructures physiques et sociales. Les structures sanitaires, technologiques, écologiques fournissent difficilement le minimum requis pour l'installation de certaines firmes. La concentration des services administratifs dans la capitale est aussi un problème grave empêchant l'implantation d'entreprises dans certaines régions provinciales déjà inaccessibles en raison du piètre état des infrastructures de base.

Le graphe qui suit illustre l'évolution du taux d'investissement pour notre période d'étude.

Graphique 4 : Evolution du taux d'investissement en Haïti

3.3- Inflation

L'inflation est la perte du pouvoir d'achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix . Haïti, pays moins avancé de l'Amérique, fait face à une inflation relativement élevée depuis le milieu des années 1980. Sur les vingt dernières années, une tendance inflationniste est observée dans l'économie haïtienne. Elle est due généralement par la monétisation du déficit budgétaire par la BRH et la détérioration de la gourde par rapport au dollar. Les chocs externes sont aussi à l'origine du processus inflationniste en Haïti. Citons l'augmentation du prix du baril de pétrole, du prix des matières premières, en particulier des produits alimentaires et les changements dans les taux d'intérêts aux Etats Unis.

L'inflation a de multiples conséquences. Elle pénalise les épargnants et d'une manière générale toutes les personnes à revenu fixe. Elle pénalise aussi le commerce extérieur en rendant les produits plus chers à l'étranger. Elle réduit l'incitation à investir, augmente le niveau du crédit et du niveau de la dette. Avec l'accélération de l'inflation, ceux qui se trouvaient à la frontière de la pauvreté vont devenir sans aucun doute de nouveaux pauvres. Dans le cadre de la mise en application de sa politique monétaire pour combattre l'inflation, la BRH adopta plusieurs mesures. Malgré la mise en oeuvre d'une politique monétaire restrictive par la Banque de la République d'Haïti (BRH), le taux d'inflation continue de gagner des points. En dépit de l'appui du Fonds monétaire international (FMI), Haïti arrive à obtenir très peu de succès durable dans la stabilisation du niveau d'inflation.

Le graphique ci-dessous réalisé à partir des données de l'IPC pour notre période d'étude laisse voir la tendance de l'inflation.

Graphique 5 : Evolution du taux d'inflation en Haïti (1995-2018)

3.4- Chômage

Le chômage élevé est un trait dominant des économies sous-développées. Plus un pays est sous-développé, plus le niveau de chômage y est élevé. Ce mal frappe de plein fouet les jeunes, en particulier ceux qui sont relativement plus instruits. En Haïti, le marché de l'emploi enregistre une chute de salariés avec la compression des effectifs imposée par les deux programmes d'ajustements structurels (1986-1989 et 1996-1999) et un départ important des industries entre 1991 et 1994 (Aspilaire, 2014). Le chômage touche 40% de la main-d'oeuvre urbaine et près de 50% de la main-d'oeuvre féminine. Le taux de chômage des jeunes dépasse les 60%, ce qui suscite des préoccupations non seulement d'ordre économique, mais aussi sociales. Trouver un emploi constitue un véritable défi car le marché du travail est très restreint et les conditions d'accès ne sont pas toujours intéressantes. Haïti affiche le plus faible taux d'activité économique de la région : 60% seulement des personnes en âge de travailler sont sur le marché du travail contre 70% en République dominicaine. Parmi ceux qui trouvent un emploi, 60% ont des revenus inférieurs au salaire minimum, et les femmes gagnent, en moyenne, 32% de moins que les hommes (Banque Mondiale, 2014).

Le problème du chômage engendre la montée en puissance du secteur informel qui est un manque à gagner pour l'économie haïtienne. Entre 1999 et 2000, 54.7% des emplois de la capitale sont informels (IHSI, 2001) et en 2007, 57.1% des emplois sont informels (IHSI, CELADE, 2007). En l'absence de toute politique d'emploi, les activités informelles urbaines sont tolérées par l'instance étatique.

Dans un contexte où l'Etat haïtien est caractérisé par la recherche de rentes et la prévalence de la prédation, il est impossible de concevoir et de mettre en oeuvre des politiques d'emplois (CEPALC, 2005). Donc, rien ne permet de dire que les perspectives de l'emploi s'amélioreront sensiblement dans l'avenir proche si la tendance actuelle se poursuit.

Malgré la forte migration des jeunes vers l'étranger, le chômage est à un niveau record dans le pays. Le niveau exceptionnellement élevé du chômage et l'absence de politiques d'emploi nous laisse croire que l'aide ne contribue pas substantiellement à réduire le chômage dans le pays.

Au vu de ce que montrent les indicateurs socio-économiques, l'impact de l'aide à Haïti reste nuancé. D'une part, la croissance reste très inférieure au niveau requis pour atteindre les OMD, et d'autre part, cette croissance reste très volatile et sans création d'emplois. Or pour l'atteinte des OMD, les analystes locaux et internationaux préconisent une croissance annuelle de 5 à 6% sur une longue période. Pourtant, selon les données sur l'économie haïtienne, ce taux de croissance a été atteint seulement pour l'exercice 2010-2011(soit 5.5%).

4- Efficacité de l'aide à Haïti vis à vis de l'OMD

La déclaration du millénaire est une invitation aux pays du Nord à accompagner les pays du Sud dans leur processus de développement en leur aidant à trouver les ressources nécessaires pour se mettre sur la voie du développement durable. Grâce aux ressources externes, les pays pauvres comme Haïti pourraient bénéficier d'un renforcement de leurs capacités qui viserait à canaliser davantage d'investissements dans des secteurs dont les retombées devraient faciliter la poursuite et l'atteinte des OMD. En Haïti, le suivi des OMD est réalisé par l'ONPES du MPCE et le plus récent rapport est celui de 2013 réalisé de concert avec le PNUD.

Selon ce rapport, Haïti a réalisé d'importants progrès sur la majorité des indicateurs OMD, et a atteint ou pratiquement atteint plusieurs cibles. Ainsi, le pays a atteint trois ans avant l'échéance la cible visant à réduire de moitié l'insuffisance pondérale chez les enfants de moins de cinq ans, et la pauvreté extrême a diminué, s'élevant à 24 % en 2012. Les progrès les plus notables enregistrés ont trait à l'éducation, avec un taux net de scolarisation de 88 % en 2011. De même, la parité entre garçons et filles a été atteinte depuis 2000 sur les bancs des cycles primaire et secondaire. Des progrès sensibles ont également été réalisés dans le domaine de la santé. Ainsi, la mortalité infantile a baissé de 44 % depuis 1990, plus vite que la tendance mondiale. En 2010, 90 % des femmes ont fait au moins une visite prénatale pendant leur grossesse, contribuant sensiblement à réduire la mortalité maternelle, établie à 157 pour 100 000 par le ministère de la Santé publique et de la population. L'épidémie du VIH/sida a été stabilisée, avec un maintien de la prévalence à 0,9 % chez la population âgée de 15-24 ans, qui dans plus de 60 % des cas utilise un préservatif lors des rapports sexuels à haut risque. Haïti a pratiquement atteint la cible visant à garantir un accès à l'eau, avec 64,8 % des ménages ayant accès à une source d'eau potable améliorée.

Toutefois, on pourrait se demander si ces petits progrès enregistrés ont suffisamment d'impacts sur le développement et la réduction de la pauvreté ? En effet, certains secteurs accusent un retard très important. Les inégalités ont explosé, et l'emploi ne suffit plus pour sortir les personnes de la pauvreté, puisque 45 % des travailleurs vivent avec moins de 1,25 dollar par jour. Concernant l'égalité entre les sexes, il est important de noter que seulement 4 % de femmes sont représentées au Parlement, et Haïti fait partie des six pays au monde dont l'une des chambres parlementaires est exclusivement masculin. Dans le domaine de l'environnement durable, les efforts réalisés pour lutter contre la déforestation et la perte de la biodiversité n'ont pas été suffisants pour enrayer la tendance.

Certains progrès doivent être consolidés pour assurer leur pérennité. Ainsi, la réduction de la pauvreté extrême est davantage liée à des facteurs externes, et notamment l'aide publique au développement et les transferts de la diaspora, qu'à une croissance économique forte et inclusive, rendant une grande partie de la population vulnérable à de potentiels chocs externes. Dans le secteur de l'éducation, le chantier reste immense pour garantir une éducation de qualité, favoriser la rétention scolaire et développer l'offre publique, et pour garantir la parité à l'école sur le long terme, l'indice de parité des sexes ayant légèrement reculé dans le primaire en 2012.

En clair, les OMD ne sont pas atteints dans le cas d'Haïti. N'étant pas atteints, avec ajout de quelques autres objectifs, les OMD sont transformées en objectifs de développement durable (ODD). Avec la réalisation des ODD, Haïti vise à être un pays émergent à l'horizon 2030. Avec la dégradation de l'environnement économique, politique et social, ces objectifs seront-ils encore atteints ?

5- Obstacles à l'efficacité de l'APD en Haïti

L'aide publique au développement (APD) est souvent perçue comme peu efficace et rime pour certains avec un gaspillage de l'argent du contribuable. Quoique chaque pays a ses propres caractéristiques, l'inefficacité de l'aide dans la majorité des pays assistés peut s'expliquer parfois pour ne pas dire souvent par des causes communes. Etant donné que les différents travaux effectués autour de l'aide en Haïti montrent qu'elle est inefficace, dans cette partie du travail, on se donne pour objectif de présenter certains obstacles à l'efficacité de l'APD en Haïti.

Parmi les principaux obstacles à l'APD on peut citer : la faiblesse institutionnelle, la corruption, les catastrophes naturelles, l'instabilité politique.

5.1- La faiblesse institutionnelle

Les problèmes dont souffre Haïti sont directement liés à la faiblesse institutionnelle que connaît le pays depuis longtemps. Ce vide institutionnel favorise les inégalités, empêche la croissance, augmente la pauvreté et facilite la corruption en Haïti. Pour Cecilia Ann Winters et Robert Derrell (cité dans Paul, 2012), la différence de développement économique entre Haïti et la République Dominicaine a pour origine une accumulation de causes dont certaines sont institutionnelles. A cause de la négligence de cette dimension locale beaucoup de stratégies de développement parfois très coûteuses à mettre en oeuvre ont échoué. C`est le cas des politiques d`ajustement structurel (PAS) mises en oeuvre dans de nombreux pays par les institutions de Bretton Wood. Non seulement elles se sont révélées inefficaces (Beaulière, 2007), les stratégies de ce type ont produit le comportement inverse au sein des populations locales (Mobekk et Spyrou, cité dans Paul, 2012).

La problématique de la gouvernance est aujourd'hui au fond de toutes les discussions dès qu'il s'agit de la gestion de l'appareil décisionnel dans les pays moins avancés. En Haïti, des problèmes de gouvernance politique, exprimés par des comportements antidémocratiques, le non-respect des règles du jeu et la fraude électorale, ont eu des conséquences graves sur la vie de tous les haïtiens et sont, sans aucun doute, à la base des difficultés diverses, comme par exemple l'instabilité socio-politique et l'insécurité, que l'on a enregistrées dans le pays ces derniers temps. La mauvaise gouvernance économique qui s'y est associée a laissé ses traces négatives sur l'économie du pays, désarticulée et en panne de croissance, suite à de mauvais choix faits par les dirigeants. En matière de gouvernance, pour l'année 2008, Haïti se trouve en dernière position pour les pays de l'Amérique latine et de la Caraïbe.

En Haïti, le pilotage à vue est souvent le trait dominant de la gestion de la chose publique, ce qui est contraire aux principes de la bonne gouvernance qui nécessite des plans, des objectifs et des lignes de base pour mesurer les progrès. Certainement, les conséquences s'en ressentent au niveau social puisque la gestion que l'on fait des ressources est faible et ne laisse pas assez de place à la construction de l'armature éducative et sanitaire accessible à la grande majorité des citoyens.

Les principes autour de l'efficacité de l'aide soulignent que, pour pouvoir générer un développement à long terme, l'aide doit servir à renforcer les institutions de l'État et que ce renforcement est plus efficace si l'aide est canalisée par celles-ci. Pourtant, au lieu de renforcer l'Etat et les institutions, l'aide est offerte dans un cadre ne favorisant pas, comme dans beaucoup d'autres pays, l'épanouissement institutionnel des gouvernements (Collier et Dollar, 2004 ; Ear, 2007).

Dans les pays possédant des systèmes de gestion des ressources publiques transparents et efficaces, l'aide passe par l'appui budgétaire. Ainsi, le pays a la possibilité d'agir sur ses priorités et d'engager des investissements permettant d'accroître le tissu productif. Par contre, beaucoup de bailleurs craignent des malversations au vu de la faiblesse des mécanismes de contrôle des finances publiques et préfèrent le canal des ONG pour leur apport d'aide. Au cours des dernières décennies, des Organisations Non Gouvernementales et d'autres fournisseurs privés ont de plus en plus occupé des fonctions qui relèvent des attributions fondamentales de l'État haïtien. D'un côté, ceci a permis de combler des lacunes à des endroits où les autorités n'intervenaient pas. D'un autre côté, ceci a contribué à affaiblir davantage les institutions étatiques.

Dans un contexte de dépendance vis-à-vis de l'aide, l'Etat haïtien se voit dans l'incapacité de déterminer par lui-même les priorités nationales, quant aux prises de décisions économiques et aux types de production et de développement à privilégier. Ainsi, la dépendance de l'aide déresponsabilise les dirigeants, encourage la recherche de rentes, favorise la corruption et entrave le développement d'une société civile saine dans la mesure où les dirigeants se sentent davantage redevables de leurs actes aux pays donateurs qu'à leurs propres citoyens. Ces dirigeants montrent leur incapacité à mobiliser les ressources nationales nécessaires, à la fois humaines et financières, pour financer le développement du pays.

Il importe de rappeler qu'en raison de notre défaillance institutionnelle chronique, une bonne partie de l'aide est détournée par les organismes exécutants, en particulier les ONG, pour payer des salaires faramineux à un personnel expatrié pléthorique, alors que leur travail pourrait être réalisé sur place, à moindre coût par des haïtiens. Dans un tel contexte, une large part de l'aide est répartie à l'extérieure sans être utilisée au profit du pays. En plus de la fragmentation qui est un problème sérieux, les fonds ont rarement été investis dans des programmes structurels, élaborés selon les priorités du peuple haïtien. On pourrait bien se demander comment une aide littéralement détournée aurait pu atteindre ces objectifs de développement économique et d'amélioration des conditions de vie des plus défavorisés.

Aucun pays ne peut prétendre à se développer sans infrastructures institutionnelles de haute qualité. Donc, autant que l'aide fragilise les institutions haïtiennes, elle ne pourra pas atteindre ses objectifs de réduction de la pauvreté car elle sera toujours détournée et empochée par des élites corrompues.

? La corruption

La corruption est un phénomène constaté dans tous les pays, les riches comme les pauvres, les petits comme les grands (Easterly, cité dans BIGIRIMANA et al. 2011). Elle est placée au quatrième rang après la criminalité, l'inflation et la récession selon une enquête réalisée par l'agence Roper Starch International (Easterly, cité dans BIGIRIMANA et al. 2011). Suivant les données fournies par l'International Credit Risk en 1990, la corruption et l'efficacité de l'APD sont inversement corrélées. De même qu'elle est inversement corrélée avec l'investissement (BIGIRIMANA et al., 2011). En effet, le phénomène de la corruption impacte directement l'efficacité de l'aide, et a des effets indirects sur les conditions politiques nécessaires à l'efficacité de l'APD surtout dans les nations fragiles.

La corruption se définit de multiples façons. Ces définitions varient selon les facteurs culturels, juridiques ou autres. D'une manière générale, elle est perçue comme le fait d'abuser les fonctions publiques ou privées pour son bénéfice personnel (OCDE, 2008). D'autre part, selon Transparency International, la corruption résulte du comportement de la part d'agents du secteur public, qu'il s'agisse de politiciens ou de fonctionnaires, qui s'enrichissent, eux ou leurs proches, de façon illicite, à travers l'abus des pouvoirs publics qui leur sont confiés (OCDE, 2008).

Le niveau de la corruption varie d'un pays à l'autre, pour être plus clair, des nations plus corrompues et d'autres moins. En Haïti, la corruption constitue l'un des plus grands problèmes qui ronge le coeur du pays. Elle ne s'agit pas donc d'un phénomène nouveau. Depuis les années 1990, la problématique de la corruption semble avoir pris de l'ampleur (Cadet, cité dans Magaly Brodeur 2012). Aujourd'hui, il est indéniable que la corruption affecte tous les rouages de l'Etat. Son niveau a varié en fonction des priorités des gouvernements en place.

En effet, le pays ne jouit pas d'une bonne réputation en ce qui a trait à la lutte contre la corruption. Au contraire, cette dernière est un fléau qui s'est, au fil des décennies, graduellement institutionnalisé en Haïti. Les rapports en témoignent. Selon une enquête réalisée par le Bureau de recherche en informatique et en développement économique et social (BRIDES), l'Unité de lutte contre la corruption (ULCC) et l'Institut de la Banque mondiale (IBM), 93 % des ménages affirment que la corruption est maintenant un problème « très grave » en Haïti (BRIDES et al., cité dans Magaly Brodeur 2012). Les impressions se reflètent lorsqu'on suit l'évolution des indices de perception de la corruption de l'ONG Transparency International. De 2002 à nos jours, Haïti est passé du 89e rang mondial (score de 22 sur 100) à 168e rang (score de 18 sur 100) en matière de corruption (Transparency International, 2002 et 2019). Elle figure actuellement dans la liste des pays les plus corrompus dans le monde et est réputée la plus corrompue de la Caraïbe. Il s'agit là d'une situation qui est loin d'être enviable et à laquelle le pays doit s'attaquer pour assurer son développement.

Tableau 2 : Haïti et corruption (Score)

Haïti, Degré de liberté face à la corruption (1995-2017)

Période

1995-2003

2004-2009

2010-2017

Score moyen

10.00

17.33

18.25

Source : A partir de la base de données en ligne de l'Université de Sherbrooke5(*)

Le phénomène de la corruption en Haïti relève de la complicité des acteurs haïtiens, mais aussi des acteurs étrangers présents dans le pays tels que les organisations internationales (OI) et les organisations non gouvernementales. D'ailleurs, dans une enquête diagnostique sur la gouvernance et la corruption en Haïti réalisée en 2007, 41% des ONG ont affirmé payer des pots-de-vin afin d'obtenir des contrats publics (BRIDES et al., cité dans Magaly Brodeur 2012). Ce phénomène est tellement bien implanté dans les moeurs haïtiennes, qu'il arrive que, même si plusieurs le condamnent, une fois en situation de pouvoir, ils paraissent s'en accommoder. D'ailleurs, «l'assertion couramment reprise « volé l'État cé pas volé » tend à illustrer le degré d'imprégnation de l'acceptation de la corruption en Haïti» (Cadet, cité dans Magaly Brodeur 2012, p. 51).

En fait, la corruption revêt différentes formes en Haïti telles que : pot-de-vin, concussion, enrichissement illicite, blanchiment d'argent provenant de crimes économiques, abus de fonctions, trafic d'influence, malversations, fraude fiscale, surfacturation des services à l'Etat, sous facturation des redevances à l'Etat, détournement de fonds, népotisme, passation illégale de marché public (ULCC, stratégie de la lutte contre la corruption). Les pots-de-vin représentent la forme la plus fréquente de corruption en Haïti. Quel que soit la forme considérée, la corruption constitue un obstacle au développement socio-économique du pays et à l'instauration d'un Etat de droit, mine la confiance du citoyen dans les institutions publiques, projette une image négative du pays à l'extérieur et décourage les investisseurs privés tant nationaux qu'étrangers. Elle fausse les règles du jeu démocratique et de l'économie de marché et elle est coûteuse pour la société.

En ce qui a trait à la corruption en Haïti, plusieurs cas se présentent tels que : L'affaire Petro Caribe, surfacturation... Ces différents cas de corruption prouvent qu'on est loin d'éradiquer ce fléau qui met à nu toute la nature de la classe de cet Etat haïtien.

? L'affaire PetroCaribe comme cas plus récent de corruption en Haïti

Dans tous les cas de corruption en Haïti, les fonds «PetroCaribe» est l'exemple le plus récent et d'actualité prouvant l'installation de la corruption à grande échelle dans le pays. Ce cas dessine clairement une autre architecture de la corruption en Haïti. Ce programme est le fruit d'un accord entre Venezuela et divers pays de la région caribéenne dont Haïti en fait partie. Cet accord facilite les pays bénéficiaires l'acquisition des produits pétroliers à un coût raisonnable et à payer leur commande suivant des modalités avantageuses. Haïti a adhéré à ce programme après la signature d'un accord entre la République bolivarienne du Venezuela et la République d'Haïti le 15 mai 2006 et ratifié par l'Assemblée Nationale le 29 août 2006 (CSCCA, mai 2019). Ce contrat donne à Haïti la possibilité de payer un certain pourcentage de sa facture pétrolière à la livraison et d'investir le solde dans des projets économiques et sociaux. Il s'agit en fait d'un prêt concessionnel au taux préférentiel de 2% l'an remboursable sur 17 ans ou 1% l'an remboursable sur 25 ans suivant les conditions de répartition des ressources financière avec un délai de grâce de deux ans pour tous les cas (CSCCA, mai 2019).

Démarré en août 2007 lors de la signature du traité de sécurité énergétique (TSE)6(*), le Fonds PetroCaribe a généré 4.23 milliards de dollars américains à l'État haïtien du 5 mars 2008 au 14 avril 2018 (CSCCA, mai 2019). Ce fonds, malheureusement dilapidé, allait créer des tensions socio-politiques. Ce qui avait occasionné des enquêtes réalisées par la commission éthique et anti-corruption au niveau du parlement haïtien et ensuite des rapports d'audit de la CSCCA. Le deuxième rapport publié en mai 2019 par la CSCCA a fait mention du nom de l'ex président Jovenel MOÏSE comme étant l'une des personnes impliquées dans un «stratagème de détournement de fonds». Pourtant, lors de son passage à Paris en 2018 l'ex a déclaré : «la corruption est un crime contre le développement». Son discours critique à l'égard de la corruption n'a pas cessé. Lors de son intervention à la 73e session de l'Assemblée Générale des Nations Unies, il a affirmé avoir identifié 5 problèmes dont Haïti fait face : «la corruption, corruption, corruption, corruption et corruption».

Le pays traîne honteusement actuellement dans la corruption au plus haut niveau de la société. La corruption généralisée devient un mal endémique, une bourbe salissante. Ce phénomène est devenu une véritable plaie sociale qui gangrène nos institutions, rend la politique malade et qui nuit gravement au développement du pays. Il est clair que la corruption qui gangrène à tous les niveaux de l`administration publique haïtienne participe sans aucun doute à l`inefficacité des financements internationaux (Péan, 2007).

5.2- Instabilité socio-politique

Depuis son indépendance, le 1er janvier 1804, Haïti a connu une succession de coups d'Etat et de conflits politiques. Une façon de dire que dès sa création le pays connaît de l'instabilité. Un large consensus existe concernant l'influence négative de l'instabilité sociopolitique sur la croissance des pays en développement. Ce phénomène engendre un environnement incertain peu favorable à l'investissement et freine ainsi la croissance. Si, pour une large part, l'investissement dans les pays en développement provient de l'APD, on comprend vite que l'instabilité socio-politique interne est très susceptible d'influencer l'efficacité de l'aide en matière de croissance. A ce sujet, Chauvet et Guillaumont (2004) estime après analyse que l'aide est plus efficace dans les pays politiquement stables. Pour eux, un environnement politiquement instable, avec des changements fréquents de gouvernement et de la violence politique, affecte négativement l'effet de l'aide sur la croissance.

Le départ de Jean-Claude Duvalier a marqué le début d'une période de grande instabilité politique. Entre 1986 et 2014, le pays a changé 18 fois de président et a subi d'importants changements de régime politique. En outre, selon la Cross-National Time Series Data Archive, Haïti a connu 20 changements de gouvernement entre 1986 et 2006 (changements de premier ministre ou de la moitié du portefeuille ministériel). Des études empiriques ont montré que de tels changements nuisent à la croissance (Aisen et Veiga, 2013). Elles indiquent que la croissance d'Haïti aurait progressé 1,2 % plus vite si le pays avait connu un niveau moyen de stabilité politique

Cette instabilité s'est souvent accompagnée de violence, d'un affaiblissement constant des institutions de l'État et de la primauté du droit, et d'une détérioration du climat de l'investissement qui ont miné la confiance des investisseurs. L'incertitude entourant la capacité des investisseurs d'obtenir un juste rendement de leurs investissements constitue un des principaux obstacles à la croissance en Haïti. L'instabilité politique a aussi conduit à l'imposition, au cours de la première moitié des années 90, d'un embargo qui a paralysé les activités du secteur privé.

Les instabilités peuvent se présenter sous plusieurs formes : manifestations, émeutes, grèves, assassinats politiques, attaques armées, coup d'Etat, etc. Quel que soit la forme considérée, elle a un impact sur la croissance. L'instabilité engendre des dépenses qui ne permettent pas d'accroître le tissu productif. Elle peut entraîner une augmentation des dépenses militaires au détriment des dépenses dans les secteurs de la santé et de l'éducation. Ainsi, on pourrait dire que les pays fortement dépendant de l'aide et qui souffrent d'instabilité chronique voient leur aide détournée au profit des secteurs n'ayant pas d'impacts directs sur le développement.

Il n'est pas surprenant de dire que le pays souffre d'une déficience d'infrastructures de toutes sortes. Pourtant force est de constater qu'à chaque période d'instabilité, on perd une partie de ce qu'on avait déjà construit. Soit des véhicules de l'Etat incendiés, des bâtiments publics vandalisés et des tronçons de routes détruits par des pneus enflammés. Très souvent, ces acquis sont en partie financés par l'aide ou tout simple des dons venant de l'extérieur. Ces actes ne contribuent aucunement en une efficacité de l'aide puisqu'ils amènent toujours à refaire ceux qu'on a déjà comme acquis.

5.3- Catastrophes naturelles

Les catastrophes naturelles sont étroitement liées au processus de développement de l'homme. De ce fait, il n'est pas douteux de dire que les acquis de développement sont menacés par des catastrophes naturelles. Depuis des décennies, le nombre de catastrophes naturelles et l'ampleur de leurs incidences sur le développement économique et humain ne cessent d'augmenter. Dès lors, les acteurs de développement se mettent à analyser les dégâts que peuvent causer les catastrophes naturelles et mesurer ses impacts sur l'économie. Selon les recherches actuelles, les effets secondaires des catastrophes peuvent avoir de sérieuses répercussions sur le développement humain et économique à long terme. En effet, l'analyse des pertes économiques causées par les catastrophes naturelles se présentent généralement sous 3 formes : Les coûts directs (les dommages matériels), les coûts indirects (l'interruption de la circulation des biens et services) et les effets secondaires (Les incidences des catastrophes sur l'ensemble de l'économie et des conditions socio-économiques, qu'elles soient limitées ou de longue portée).

Généralement, les pays en développement sont plus exposés aux catastrophes naturelles, et les personnes les plus pauvres en sont plus souvent les grandes victimes. Ces dernières ont parfois causé des destructions d'infrastructures, des pertes de moyens de subsistance, des blessures, de la maladie, des pertes en vie humaine etc. En effet, les catastrophes naturelles impactent toujours négativement le niveau de vie des victimes et les rendent beaucoup plus vulnérables.

Un pays, le fait d'être vulnérable face aux catastrophes naturelles peut être une source de motivation en matière d'aide publique au développement auprès des bailleurs. C'est-à-dire plus il est vulnérable, plus il peut recevoir d'aide. Par contre, en matière d'efficacité, plus le pays est vulnérable face aux catastrophes naturelles, plus l'aide peut être sujet à l'échec. Car les pertes causées par les catastrophes risquent de produire d'autres chocs et d'aggraver d'autres crises comme les crises financières, les conflits sociaux ou politiques, les maladies, et la dégradation de l'environnement. L'incidence de ces pertes dues aux catastrophes risque de compromettre en effet les efforts visant à réduire la pauvreté et la famine ; à fournir l'accès à l'éducation, aux logements salubres, à l'eau potable et aux systèmes d'assainissement ; ou à protéger l'environnement et les investissements financiers qui génèrent l'emploi et les revenus. C'est en ce sens que le rapport mondial du PNUD sur la réduction des risques de catastrophes en 2004 affirmait que : «Les pertes économiques occasionnées par les catastrophes naturelles entravent les efforts déployés par de nombreuses communautés et pays en vue d'atteindre les Objectifs de développement de l'ONU pour le Millénaire (OMD)» (P.9). De ce fait, les catastrophes naturelles constituent des obstacles à surmonter dans la lutte contre la pauvreté.

En ce qui a trait aux catastrophes naturelles, Haïti est un des pays les plus vulnérables de la planète - Cyclones, inondations et séismes. De tous les pays de la Caraïbes, Haïti est celui qui subit le plus grand nombre de catastrophes par kilomètre carré (Singh and Barton-Dock 2016). Dans le pays, une goutte d'eau de pluie suffit pour qu'il y ait morts, des blessés et des dégâts matériels. Parler de cyclones, ouragans et tremblements de terre est pire. Cette situation ne date pas d'hier, mais elle s'aggrave de jour en jour. Notre position géographique nous met sur la trajectoire des catastrophes naturelles. Avec le changement climatique, le passage des catastrophes naturelles est devenu plus fréquent. On se rappelle qu'en 2008, le pays avait été frappé par trois cyclones consécutifs. Deux ans plus tard, le 12 janvier 2010, il allait être frappé par l'une des plus grandes catastrophes en termes de pertes économiques connues depuis son existence. Cette catastrophe a causé une perte en vie humaine estimée à 200 000 personnes et un déplacement massif de 1.4 millions de personnes et une perte de valeur estimée à 120% du PIB national (BM, 2016).

En somme, on dirait qu'entre la pauvreté haïtienne et les pertes énormes au passage des catastrophes naturelles, il y a une relation de cause à effet. Donc les effets des catastrophes naturelles peuvent ne pas être nuls sur l'échec de l'APD en Haïti.

Les faits relatés dans ce chapitre, surtout les indicateurs macroéconomiques et les OMD en Haïti, laissent penser que l'aide est inefficace. Ne pouvant pas se focaliser uniquement sur les faits pour conclure sur la non-efficacité de l'aide dans le pays, une démarche empirique sera présentée dans le chapitre qui suit pour corroborer les faits. Cette démarche nous permettra de mieux conclure sur la problématique de l'efficacité de l'aide en Haïti.

CHAPITRE IV - EFFICACITÉ DE L'AIDE EN HAÏTI : UNE ÉTUDE EMPIRIQUE

Ce présent chapitre se propose de statuer sur l'aspect économétrique de notre travail de recherche. Il va nous permettre de confirmer grâce à une démarche empirique si l'APD influence positivement la croissance économique d'Haïti, si non pourquoi. Après avoir effectué des tests de stationnarité sur les séries nous procéderons à l'estimation du modèle économétrique. Ensuite, nous le soumettrons à un ensemble de tests, notamment, les tests de significativité globale et individuelle, de normalité, d'autocorrélation. Enfin, nous présenterons une analyse économique des résultats du modèle estimé.

1- Données

Les données utilisées dans le cadre de ce travail sont des données secondaires à l'exception de la série «Catastrophe naturelle» qui a été générée en fonction de son impact sur l'économie. Celles concernant le taux de croissance du PIB et l'APD sont en provenance de la base de données statistique de la Banque mondiale. Pour celles relatives au contrôle de corruption et stabilité politique, on se réfère au Worldwide Governance Indicator (WGI).

Par ailleurs, les données relatives aux catastrophes naturelles sont utilisées dans notre modèle comme des variables binaires. Pour générer cette série, nous avions recensé pour notre période d'étude une chronique de catastrophes naturelles en Haïti. Ensuite, on a identifié parmi eux ceux ayant impacté significativement l'économie haïtienne pour chaque année. Pour chaque observation dans la série, on met 1 pour les années au cours desquelles le pays est frappé par des catastrophes naturelles qui impactent significativement l'économie, et 0 pour les cas contraires. Pour connaître si l'impact est significatif ou pas, nous avions pris le temps de consulter les rapports annuels de l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI) plus précisément les Comptes économiques, les rapports de la Banque de la république d'Haïti.

Les données sont à fréquence annuelle et couvrent la période 1995-2018 (Voir l' annexe 2). Les variables ont été prises au besoin de l'analyse envisagée et dans le champ de la théorie existante.

2- Méthodologie

La méthodologie adoptée à cette démarche de recherche se donne comme objectif de présenter des causes internes de l'inefficacité de l'APD constaté en Haïti si elle serait réellement sans impact sur la croissance.

Etant donné notre objectif, nous avons opté pour un modèle SES récursif avec deux équations, donc deux variables endogènes, l'aide publique au développement et le produit intérieur brut. Et quant aux variables exogènes, elles sont au nombre de trois : Stabilité politique, Catastrophe naturelle et Contrôle corruption. La variable Catastrophe naturelle est utilisée dans notre modèle comme variable dummy comme on a expliqué dans la partie précédente.

Après avoir spécifié notre modèle et décrit les variables, nous allons effectuer les tests de racine unitaire afin de s'assurer que toutes les séries sont stationnaires (à l'exception de la série utilisée comme variable dummy). Notre modèle sera estimé par les méthodes des MCO car nous sommes en face d'un système d'équations triangulaires. Ensuite, nous aurons à vérifier la robustesse du modèle pour s'assurer qu'il respecte les exigences théoriques.

3- Spécification du modèle

La spécification du modèle repose sur de nombreux travaux empiriques qui se sont effectués antérieurement. Il est inspiré des travaux de Paul Collier et David Dollar (2002) qui ont analysé l'effet de l'APD sur la croissance économique dans 109 pays pour la période de 1990 à 1996.

Ainsi notre modèle est de la forme qui suit :

LAPDt = â0 + â1STABPOLt + â2CNt + â3CCORt + ut

LPIBt = á0 + á1LAPDt + á2STABPOLt + á3CNt + á4CCORt + vt

ut et vt  ~ N ( u, ??2 )

LAPD : Logarithme de la série Aide Publique au Développement

LPIB : Logarithme de la série Produit intérieur brut

STABPOL : Stabilité politique.

CN : Catastrophe naturelle.

CCOR : Contrôle Corruption.

âi et ái : Paramètres

ut et vt : Termes d'erreurs

La première équation nous permet de comprendre la relation entre l'aide publique au développement et les variables exogènes citées précédemment. La deuxième elle-même a trait à l'efficacité de l'aide, c'est-à-dire l'apport de l'aide publique au développement dans la création de richesse dans le pays. Elle va nous permettre de vérifier l'hypothèse que l'aide publique au développement n'est pas efficace en Haïti. Par ailleurs, dans cette même équation, la variable endogène APD se présente comme variable explicative du PIB, elle nous sert donc d'un canal de transmission afin de vérifier notre hypothèse que le faible contrôle de corruption et l'instabilité politique sont des causes de l'inefficacité de l'aide publique au développement en Haïti.

4- Description des variables

4.1- Variables endogènes

En fonction de l'objectif fixé, le modèle comporte deux variables dépendantes qui sont le PIB et l'APD.

? Le produit intérieur brut (LPIB)

Le PIB est un indicateur économique qui permet de mesurer la production économique intérieure réalisée par un pays. Le PIB a pour objet de quantifier la production de richesse réalisée sur un Etat sur une période donnée, généralement un an, grâce aux agents économiques résidant dans le pays concerné. Etant donné notre objectif, le recours au PIB dans ce travail est justifié par le fait qu'il permet de mesurer l'apport de l'aide publique au développement dans la création de richesse et la réduction de la pauvreté.

? L'Aide publique au développement (LAPD)

L'aide publique au développement poursuit un objectif de croissance et de réduction de la pauvreté. Pourtant, dans le cas d'Haïti, comme l'illustre le Graphique 3, la croissance n'est pas au rendez-vous et la pauvreté tend à augmenter en dépit de l'aide. Cette variable est incontournable dans notre travail, car nous parlons de l'efficacité de l'aide. Elle nous permet de vérifier si effectivement l'aide est efficace et nous sert de canal de transmission quant à la confirmation de la deuxième hypothèse.

L'utilisation de l'APD comme variable dépendante permet de vérifier si effectivement les variables citées ci-dessous sont parmi les causes de l'inefficacité de l'aide. En se référant à notre première hypothèse, une relation négative est proposée entre APD et PIB puisque nous partons de l'hypothèse que l'APD n'est pas efficace en Haïti.

4.2- Variables exogènes

Les variables exogènes de notre modèle sont au nombre de trois : Contrôle corruption, instabilité politique, catastrophes naturelles.

? Contrôle Corruption (CCOR)

La corruption est un phénomène qui entraîne la perte de confiance des citoyens dans la capacité de l'Etat à gérer l'économie dans leurs intérêts. Elle a un impact négatif sur toutes les structures d'une économie. Dans ce travail, nous utilisons la variable «Contrôle de corruption» pour mesurer la capacité de l'Etat à lutter contre ce phénomène. Les données relatives à cette variable sont en provenance de World Governance Indicator (WGI). Les valeurs pour cette série varient de -2.5 à 2.5. Un score plus proche de -2.5 signifie que plus l'Etat est incapable de lutter contre la corruption et plus proche de 2.5 signifie que plus l'Etat est capable de lutter contre ce phénomène. On s'attend à une relation positive entre PIB et Contrôle de corruption et entre APD et contrôle de Corruption.

? Catastrophes naturelles (CN)

Haïti est un pays très vulnérable face aux catastrophes naturelles. Parfois ces catastrophes ont de graves conséquences sur l'économie, surtout le secteur agricole qui occupe une place importante. Ainsi, nous avons jugé nécessaire d'intégrer cette variable dans notre modèle pour voir son impact sur l'économie et sur l'efficacité de l'aide, elle est utilisée comme variable dummy.

? Stabilité politique (STABPOL)

Les données relatives à cette variable sont en provenance de World Governance Indicator (WDI). Les valeurs sont coincées entre -2.5 et 2.5. Plus le score est proche de -2.5, plus le pays est politiquement instable (Plus de violence). Un score proche de 2.5 implique que le pays est politiquement stable (moins de violence). Cette variable est utilisée dans notre modèle économétrique pour mesurer le mode de gouvernance en Haïti auprès des institutions publiques surtout. Selon la théorie, l'instabilité politique est inversement corrélée avec la croissance. L'intégration de cette variable dans le modèle permettra de mesurer ses impacts sur la création de la richesse dans le pays. Le signe positif est attendu pour le coefficient de cette variable pour chacune des équations.

5- Etude de la stationnarité des séries

Avant d'estimer notre modèle, nous avons effectué sur chacune des séries des tests de stationnarité permettant de voir si nos séries sont stationnaires ou non. Ces tests permettent de vérifier si les séries conservent une distribution constante au cours du temps, c'est-à-dire que les propriétés statistiques ne varient pas dans le temps (Esperance, variance, autocorrélation). La variable dummy (Catastrophe naturelle) n'est pas prise en compte dans l'étude de la stationnarité.

Tableau 3 : Résultats des tests de racine unitaire (Voir respectivement les annexes 3 à 6)

Test de stationnarité au seuil de 5%

Variables

Stationnarité

Dickey-Fuller (ADF)

 

Tendance

Constante

Ordre d'intégration

Valeur des statistiques

Valeur critiques

Probabilité

LAPD

Non

Non

I (1)

-4.7922

-1.9572

0.0000

LPIB

Non

Oui

I (1)

-4.5272

-3.0048

0.0018

CCOR

Oui

Oui

I (0)

-5.2787

-3.6736

0.0024

STABPOL

Non

Non

I (2)

-6.1566

-1.9590

0.0000

Source : Calcul des auteurs sur Eviews

 

6 - Résultat de l'estimation

Les résultats de l'estimation présentent pour chacune des deux équations du modèle un coefficient de détermination (R2) respectivement de 0.38 et 0.74. Ce qui signifie que les variables explicatives de l'équation 1 expliquent la variable dépendante à 38% et celles de l'équation 2 expliquent la variable dépendante à 74%. (Voir l' annexe 7)

Le modèle estimé se présente ainsi :

D(LAPD)= -0.9409 - 0.5631 * CCOR + 0.4371 * CN - 0.1380 * D (STABPOL,2)

[-1.63] [-1.35 ] [3.21 ] [ -0.69]

( 0.11 ) ( 0.18 ) ( 0.00) ( 0.49 )

D(LPIB) = 0.0616 - 0.0442 *D(LAPD) + 0.0397 *CCOR + 0.0116 *CN+0.0198 * D (STABPOL,2)

[ 2.44] [ -4.60 ] [2.23] [ 1.67 ] [ 2.41 ]

( 0.01 ) ( 0.00 ) ( 0.03 ) ( 0.10 ) ( 0.02 )

[...] : t-Statistic (...) : Probabilité

7 - Analyse statistique des résultats

7.1- Test de normalité

Le test de normalité porte sur la distribution de l'écart aléatoire åt. Il permet de vérifier que les éléments aléatoires sont distribués selon une loi normale. Dans cette étude nous utilisons le test de normalité de Jarque-Bera. Les hypothèses sont les suivantes :

H0 : Les résidus suivent une loi normale (åt~ N (u, ??2))

H1 : Les résidus ne suivent pas une loi normale

Dans le cadre de notre étude, l'hypothèse de normalité des erreurs n'est pas confirmée pour la première équation du modèle. Par contre pour la deuxième équation du modèle, l'hypothèse de normalité des erreurs est acceptée au seuil critique de 5%. Pour la première équation, la probabilité associée à la statistique de Jarque-Bera est de 0.0055 et celle de la deuxième équation est de 0.8675 (Voir l' annexe 8). En conclusion, la deuxième équation de notre modèle à système triangulaire respecte l'hypothèse de normalité des termes d'erreur contrairement à la première équation. Ce qui peut constituer une limite à notre travail. .

7.2- Test de significativité globale : Test de Fisher

Le test de Fisher permet de déterminer si l'ensemble des variables explicatives prises simultanément permet d'expliquer les variations de la variable dépendante. Il mesure le rapport entre la variance de la variable dépendante expliquée et non expliquée par le modèle de régression (SCE/SCR).

Les hypothèses sont les suivantes :

H0 : á1= á2= ... = á5 = 0 (l'ensemble des coefficients du modèle est non significatif)

H1 : il existe au moins un coefficient non nul

La statistique de ce test est :

La règle de décision : l'hypothèse nulle est rejetée si la statistique calculée est supérieure à la statistique lue dans la table de Fisher-Snedecor au seuil de 5% à (K-1) et (N-K) degrés de liberté. Pour chaque équation de notre modèle, la statistique lue dans la table de Fisher-Snedecor est inférieure à celle calculée.

Pour la première équation : F*= 3.7325 > Ftab=3.1599 (Rejet de H0 )

Pour la deuxième équation : F*= 12.4164 > Ftab=2.9647 (Rejet de H0 )

Dans chacune des équations de notre modèle, pour un niveau de confiance de 95%, les coefficients sont globalement significatifs.

7.3- Test de significativité individuelle : Test de Student

Il est important d'effectuer le test de significativité individuel car il nous permet de voir si les variables du modèle jouent un rôle explicatif dans le modèle. Pour ce faire, on fait référence au coefficient de chacune des variables explicatives du modèle. Donc le test de Student.

Les hypothèses du test sont les suivantes :

H0 : ái = 0, pour i=0 à 5, le coefficient n'est pas significatif

H1 : ai ? 0, le coefficient est significatif

La statistique du test est :

La statistique du test suit la loi Student à (N-k) degrés de liberté car les erreurs du modèle suivent une loi normale.

Règle de décision : on rejette H0 si |t| calculé est supérieur à t tabulée. On conclut que le coefficient est significativement différent de zéro et que la variable- joue un rôle explicatif dans le modèle.

Il faut noter que quand la taille de l'échantillon est grande (N>30), on peut directement comparer |t| avec le seuil critique de la loi normale centrée et réduite qui est 1.96 (pour un risque de 5%). Donc si |t| > 1.96, on rejette H0 et on accepte H1 : le coefficient est significatif et la variable joue un rôle explicatif dans le modèle.

Tableau 4 : Résultats du test de Student pour les variables explicatives.

Equation 1

Variable

t

|t|

Prob.

Décision (Seuil 5%)

CCOR

-1.3588

1.3588

0.1829

Non significatif

CN

3.2150

3.2150

0.0028

Significatif

STABPOL

-0.6963

0.6963

0.4908

Non significatif

Equation 2

Variable

t

|t|

Prob.

Décision

CCOR

2.2397

2.2397

0.0316

Significatif

CN

1.6791

1.6791

0.1020

Non significatif

STABPOL

2.4194

2.4194

0.0209

Significatif

LAPD

-4.6066

4.6066

0.0001

Significatif

7.4- Test de détection d'autocorrélation

L'autocorrélation des erreurs est un problème qu'on peut rencontrer lorsqu'il y a de l'inertie dans les séries temporelles, si les variables incluses dans le modèle ne sont pas stationnaires, lorsqu'il y a des biais de spécification (Forme fonctionnelle incorrecte ou omission de variables pertinentes) ou mauvaise manipulation ou transformation des données et bien tant d'autres. Ce problème rend les estimateurs des MCO toujours biaisés, inefficients (ne sont pas BLUE). Les variances et covariances des estimateurs des MCO sont aussi biaisées et inconsistantes. Pour détecter si notre modèle fait face à ce problème, nous avons effectué le test suivant.

7.4.1- Test de Durbin-Watson (premier ordre)

Les hypothèses du test sont les suivantes :

H0 : ñ = 0, les erreurs ne sont pas autocorrélées

H1 : åt = ñåt-1+õt, les erreurs sont autocorrélées

La statistique du test est :

La statistique de DW est coincée entre 0 et 4. Quand la valeur calculée est proche de 2, on conclut que les erreurs ne sont pas autocorrélées.

Dans le cadre de notre étude, pour chacune des équations du modèle, les statistiques de DW sont respectivement 1.79 et 1.93. Ces deux valeurs sont très proches de 2. On peut conclure que les erreurs ne sont pas corrélées. Toutefois, pour être plus confiant, nous allons effectuer un test d'autocorrélation de Portmanteau.

7.4.2- Test d'autocorrélation de Portmanteau

Ce test évalue la corrélation existante entre les résidus. Dans l'analyse des séries chronologiques, pour tester une éventuelle autocorrélation dans les résidus d'un modèle, deux versions sont vraiment connues : il teste si l'un d'un groupe d'autocorrélation de la valeur résiduelle des séries temporelles sont différents de zéro. Ce test est celui de Ljung-Box qui est une version améliorée de celui de Box-Pierce.

Les hypothèses sont les suivantes :

H0 : Il n'existe pas d'autocorrélation dans les résidus.

H1 : Les résidus sont autocorrélés

La statistique du test est :

Donc, une trop grande valeur de Q indiquerait une certaine corrélation entre les åt.

Les résultats du test dans le cadre de notre travail montrent que, pour h égal à 12, toutes les probabilités sont supérieures à 5% (voir l' annexe 9). Ce qui nous conduit à rejeter l'hypothèse alternative. Maintenant, nous sommes très confiants qu'il n'existe pas de problème d'autocorrélation dans les résidus de notre modèle.

8 - Interprétation et analyse économique des résultats

Présenter des causes internes à l'inefficacité de l'APD en Haïti est l'objectif de notre travail. Pour y parvenir, nous avons adopté une démarche empirique permettant de vérifier l'impact de l'aide sur la croissance puisqu'on ne pouvait pas se fier à nos observations pour conclure de l'inefficacité de l'aide. En ce sens, on a formulé un modèle SES dans lequel la deuxième équation nous a permis de vérifier la relation existante entre l'aide et la croissance. Dans les lignes qui suivent, on va procéder à l'interprétation des résultats de l'estimation pour chacune des variables du modèle.

? Aide publique au développement

Suite à l'estimation du modèle, les résultats empiriques confirment l'existence d'une relation négative entre l'aide et la croissance en Haïti comme nous l'avons espéré. Selon le coefficient testé, pour un niveau de confiance de 95%, une augmentation de l'aide publique au développement de 1% entraîne une diminution de la croissance du PIB de 0.044%. Donc, plus l'aide augmente, moins il y aura de croissance. Ce résultat est contraire à l'objectif poursuivi par l'aide publique au développement qui est la croissance et la réduction de la pauvreté. Ce résultat va de préférence dans le sens des auteurs qui voient l'aide comme une entrave à la croissance. Ce résultat confirme notre première hypothèse sur l'inefficacité de l'aide publique au développement en Haïti et donne ainsi sens à notre objectif qui est la recherche des causes.

? Contrôle corruption

Comme attendu, les résultats du modèle confirment une relation positive entre «Contrôle corruption» et PIB. Ce qui nous laisse comprendre que pour créer de la richesse dans le pays, il faut éradiquer la corruption. Avec un risque de 5% de se tromper, une réforme dans la lutte contre la corruption dans le pays qui augmenterait le score «Contrôle de corruption» d'une unité entraînerait une augmentation de 3.97 % du produit intérieur brut (PIB). Donc, lutter contre la corruption en créant des structures efficaces ou en renforçant celles existantes devrait être un objectif prioritaire pour les autorités étatiques s'ils veulent vraiment une amélioration de la situation économique dans le pays. Les résultats de l'estimation confirment ceux obtenus par Mauro (1995) qui supposent que la corruption serait nuisible à la croissance. Le modèle estimé montre une relation négative entre Contrôle corruption et APD (Première équation). Par interprétation, une amélioration au niveau des institutions faisant augmenter le score « Contrôle corruption » entrainerait une réduction de l'aide publique au développement dans le pays. Etant non significatif le coefficient de la variable CCOR dans l'équation (1) au seuil de 5%, donc on n'a pas assez d'évidence statistique pour confirmer cette relation.

Il faut se rappeler que, pour notre période d'étude, le meilleur score obtenu en Haïti pour le contrôle de la corruption est -1.09, donc très proche de -2.5. Constatant la grande corruption qui règne dans le pays au vu des différents scores obtenus pour cette série, ceci nous amène à conclure que : Plus l'aide est fournie dans une situation de corruption, moins il aura d'impact positif sur la croissance économique du pays car elle sera détournée de ses vrais objectifs pour servir les intérêts d'un groupe. Donc voilà bien une raison de la non efficacité de l'aide dans le pays pour notre période d'étude.

? Catastrophe naturelle

Si on se réfère à l'année 2010, année du séisme, on comprendra vite que l'aide augmente significativement lorsque surviennent des catastrophes naturelles de grande ampleur ayant un impact significatif sur l'économie. Les résultats du modèle estimé le confirment. Pour un niveau de confiance de 95%, lorsqu'au cours d'une année surviennent des catastrophes naturelles ayant un fort impact sur l'économie, le pays reçoit une aide supplémentaire de 43.71%, toutes choses égales par ailleurs. Donc pour notre période d'étude, les résultats de l'estimation montrent que les catastrophes naturelles restent une variable explicative très pertinente de l'aide publique au développement.

Cependant, l'aide reçue suite à des catastrophes naturelles ne vise pas totalement le développement. Très souvent, la plus grande partie vise à voler au secours des personnes en situation extrêmement difficile. Ces flux ne vont pas avoir de grands impacts sur la croissance. La vulnérabilité d'Haïti face aux catastrophes naturelles est un facteur très explicatif de l'aide publique au développement.

Paradoxalement, l'estimation du modèle révèle une relation positive entre la variable catastrophe naturelle et le PIB. Bien que le résultat n'est pas statistiquement significatif au seuil de 5%, il devra faire l'objet d'une étude beaucoup plus approfondie.

? Stabilité politique

Comme attendu, les résultats de l'estimation du modèle, confirment une relation positive entre Stabilité politique et le PIB. Ce résultat justifie que la stabilité politique est une condition sine qua non pour favoriser la croissance. Une amélioration de la situation politique du pays qui augmenterait le score d'une unité entraînera une augmentation du PIB de 2% pour un niveau de confiance égal à 95%. Comme dit la théorie, les pays avec un environnement politique stable sont beaucoup plus susceptibles de croître économiquement car ils sont plus aptes à recevoir des investissements. Toutes les valeurs de la série «Stabilité politique» sont négatives, donc plus proches de -2.5, ce qui laisse comprendre qu'une situation d'instabilité régnait dans le pays pour toute notre période d'étude.

En effet, plus un pays est instable, plus il y a de chance que son administration soit inefficace et opaque, que la qualité de régulation y soit faible, que les règles de droit ne soient pas respectées. Et surtout, plus ce pays a de chance d'être corrompu.

CONCLUSION

Notre démarche de recherche a été menée sur la problématique de l'efficacité de l'aide publique au développement en Haïti et l'objectif était de comprendre pourquoi l'aide ne donne pas les résultats en termes de croissance économique et de réduction de la pauvreté. L'étude s'étend sur la période allant de 1995 à 2018 et est centrée autour des causes internes à l'inefficacité de l'APD en Haïti. En effet, ce constat d'échec nous a amené à formuler comme hypothèse que l'APD n'est pas efficace en Haïti. Et que la corruption généralisée et l'instabilité politique en sont des causes. Ce travail est inspiré des travaux de Collier et Dollar qui ont fait savoir que l'aide est efficace dans les pays auxquels la qualité des institutions est bonne et s'est installée une bonne gouvernance politique.

Pour mener notre étude, nous avons utilisé un système d'équations triangulaires dont l'estimation a été faite par les MCO. Ce système nous a permis de mesurer l'impact de l'APD sur la croissance économique et aussi, de mesurer les effets de la stabilité politique et le contrôle de la corruption sur la performance économique du pays.

L'idée de la non-efficacité de l'aide publique au développement se révèle bien vraie pour notre période d'étude. Les résultats de notre étude ont confirmé que l'aide publique au développement ne donne pas de résultats en termes de croissance économique en Haïti. Notre modèle confirme une relation négative entre l'aide et la croissance. N'ayant pas d'impact sur la croissance, la réduction de la pauvreté ne pourra pas se faire. D'où, l'échec de l'aide publique au développement en Haïti.

Recherchant les causes de cet échec, nous avons supposé que la corruption généralisée et l'instabilité politique sont des facteurs flagrants. Les résultats montrent qu'un climat de stabilité politique et une bonne maîtrise de la corruption jouent un rôle crucial dans la performance économique du pays. Avec un risque de 5% de se tromper, une augmentation d'une unité du score de contrôle de la corruption dans le pays augmenterait le PIB de 3.97% et une variation d'une unité de plus du score de la stabilité politique entraînerait une augmentation du PIB de 2%. Or les scores enregistrés pour ces deux variables pour notre période d'étude sont coincés entre -1.99 et -0.63 pour la stabilité politique, ceux du contrôle de la corruption sont de -1.72 et -1.09. Une façon de dire que le pays était politiquement très instable et que la corruption était monnaie courante et la situation tend à s'aggraver. Dans un tel contexte, tout effort visant à réduire la pauvreté en passant par la croissance n'aura pas d'effet car ces deux fléaux rongent le coeur de l'économie haïtienne. Ainsi, le point de vue de Collier et Dollar laissant croire que dans les pays où l'environnement de politique macroéconomique est malsain, l'aide est sans effet sur la performance macroéconomique est justifiée dans notre cas d'étude.

Donc, on peut se permettre de dire que la corruption entraînant la faiblesse institutionnelle, et l'instabilité politique chronique expliquent en partie l'inefficacité de l'APD pour notre période d'étude.

Notre travail présente certaines limites. Notre étude a été réalisée sur une période de 23 ans, en raison de la non disponibilité des données de certaines variables, ce qui représente une taille assez étroite. Pour la première équation du modèle, on a un coefficient de détermination de 0.38, ce qui signifie que les variables considérées expliquent l'APD seulement à 38%. Donc d'autres variables pertinentes pourraient expliquer l'échec de l'APD. D'ailleurs, notre travail s'accentue sur deux causes internes de l'inefficacité de l'aide (la corruption et l'instabilité politique). Etant donné que le test de normalité de Jarque-Berra montre que les erreurs de la première équation ne suivent pas une loi normale, cela peut être vu comme limite à ce travail.

La réduction de la pauvreté en Haïti doit passer par la voie d'une croissance soutenue et inclusive. Pour ce faire, l'aide publique au développement est appelée à jouer un grand rôle puisque le pays en dépend grandement. Mais pour Easterly, il n'y aura pas de succès de toute politique d'aide sans responsabilisation, sans évaluation des agences. Ainsi, Pour une gestion efficace de l'APD en vue de son efficacité, nous proposons ce qui suit en termes de recommandations :

? Renforcer l'autonomie des institutions de lutte contre la corruption afin qu'elles puissent vraiment contrer ce phénomène

? Mettre en place des structures pour assurer l'harmonisation et l'alignement de l'aide sur les initiatives locales bien conçues tout en assurant une plus grande responsabilisation.

? Évaluer chaque étape des projets locaux entrepris par les agences pour plus de transparence et plus de résultats en termes d'efficacité.

? Assurer que l'aide reçue soit investie dans les secteurs les plus productifs auxquels le pays détient un avantage comparatif

? Réduire la duplication des actions découlant de l'APD par les ONG dans la réalisation de petits projets n'ayant pas d'impacts significatifs.

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AnnexesAnnexe 1 : Les indicateurs d'efficacité de l'APD

 

Indicateur

2005 (pour référence)

2007 (pour référence)

Cible 2010

Résultat 2010

1

Les partenaires ont des stratégies de développement opérationnelles

D

D

B ou A

D

2

Les systèmes nationaux de gestion des finances publiques sont fiables

2.5

3

3

3

3

Les systèmes nationaux de passation des marchés sont fiables

Non disponible

Non disponible

Pas de cible

Non disponible

4

Les apports d'aide sont alignés sur les priorités nationales

--

80 %

85 %

22 %

5

Renforcement des capacités par un soutien coordonné

--

65%

50 %

82 %

6

Utilisation des systèmes nationaux de gestion des finances publiques

--

46 %

Pas de cible

54 %

7

Utilisation des systèmes nationaux de passation des marchés

--

31 %

Pas de cible

37 %

8

Éviter les structures de mise en oeuvre parallèles

--

39

Pas de cible

92

9

L'aide est davantage prévisible

--

67 %

Pas de cible

44 %

10

L'aide est non liée

81 %

86 %

Plus de 81 %

87 %

11

Utilisation de procédures ou dispositifs communs

--

61 %

66 %

35 %

12

Missions sur le terrain

--

21 %

40 %

18 %

13

Travaux analytiques par pays

--

53 %

66 %

46 %

14

Cadres axés sur les résultats

D

D

B ou A

D

15

Responsabilité mutuelle

Non disponible

Non

Oui

Non

Source: OCDE, Rapport 2011 sur l'engagement international dans les États fragiles (République d'Haïti)

Annexe 2 : Données utilisées dans le cadre du travail

Annexe 3 : Stationnarité de la série LAPD

Annexe 4 : Stationnarité de la série LPIB

Annexe 5 : Stationnarité de la série CCOR

Annexe 6 : Stationnarité de la série STABPOL

Annexe 7 : Résultat de l'estimation du modèle

Annexe 8 : Résultat du test de normalité Jarque-Bera

Annexe 9 : Résultat du test d'autocorrélation de Portmanteau

* 1 Interview accordé à Ricardo Seitenfus, Représentant de l'OEA en Haïti, par Arnaud Robert, paru dans les colonnes du quotidien suisse Le Temps en date du 21 décembre 2010.

* 2 Tiré du site d'internet de la BM via le lien suivant : https://www.banquemondiale.org/fr/who-we-are

* 3 Tiré du site d'internet de la BM suivant ce lien: https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/glancef.htm

* 4 Les «Institutions spécialisées» sont des institutions indépendantes, mais qui travaillent avec l'ONU. Ces relations sont définies par des accords négociés entre l'ONU et chaque institution en particulier. Parmi ces institutions, certaines existaient déjà, d'autres étaient associées à la Ligue des Nations et d'autres encore ont été établies en même temps que l'ONU. Quelques-unes ont été créées par les Nations Unies pour répondre à de nouveaux besoins.

* 5 Données disponibles via le lien suivant: http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codeTheme=9&codeStat=HFI.CORRUPTION&codePays=HTI&optionsPeriodes=Aucune&codeTheme2=9&codeStat2=x&codePays2=DJI&optionsDetPeriodes=avecNomP&langue=fr

* 6 TSE: Ce traité était signé entre le Venezuela et des pays de la région Caribéenne dont Haïti en fait partie.






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