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La commission internationale des frontières et des eaux (IBWC) face aux enjeux de la préservation de l'environnement


par Clémence Léger
Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 - Master Etudes Européennes et Internationales - Aire anglophone 2022
  

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Les causes des problèmes liés à l'eau à la frontière États-Unis-Mexique

Les problèmes hydriques rencontrés à la frontière sont nombreux. Il semblerait que la difficulté principale, datant d'avant la signature du Traité de 1944, soit l'approvisionnement en eau en raison des sécheresses qui se multiplient dans la zone. En effet, en 1943 déjà, le Mexique faisait face à une sécheresse dans la vallée de Mexicali (Anderson 1972, 608), en Basse Californie, au nord-ouest du Mexique. Ce problème est né, en majeure partie, de la croissance démographique et du développement constant des industries, de part et d'autre de la frontière, qui ont entraîné un stress hydrique au cours des XXe et XXIe siècles (Nava Jiménez 2007, 11). En effet, ces dernières décennies, la population à la frontière a augmenté de manière exponentielle pour atteindre 14 millions d'habitants. Cette population est localisée, pour une grande part, dans les villes frontalières jumelées telles que San Diego aux États-Unis et Tijuana au Mexique qui cumulent 4,9 millions d'habitants et à El Paso et Ciudad Juarez qui comptent 2,2 millions d'habitants. Les autres villes frontalières des deux côtés de la frontière s'y ajoutent pour former un ensemble de 14 millions (Wilder et al. 2020, 192). Pour préciser ce propos, en se focalisant sur les villes jumelles de Ciudad Juarez et d'El Paso, il est possible de constater une augmentation impressionnante tout au long du XXe siècle. Par exemple, El Paso est passé de quelques milliers d'habitants en 1900 à plus de 600 000 habitants en 1998, tandis que la ville de Ciudad Juarez comptait une population de 43 000 habitants en 1930, puis plus d'un million en 1995 (Peach 1998, 3), enregistrant ainsi une augmentation de 2 225,6 %. Ceci a entraîné une utilisation de plus en plus importante de ressources épuisables. En effet, puisque la population et les industries utilisent de plus en plus d'eau pour satisfaire leurs besoins sans que les réserves ne soient pleines ou sans qu'elles n'aient le temps de se renouveler, il est prévisible que la demande puisse dépasser la quantité d'eau disponible.

Dans ce contexte, le secteur agricole pose un double problème. En effet, dans un premier temps, il nécessite une utilisation accrue des ressources hydriques qui peut entraîner des problèmes environnementaux :

« In the Upper Rio Grande Basin alone, from its headwaters in Colorado to Fort Quitman in Texas, over 300,000 acres (120,000 hectares) are irrigated, including 25,000 acres (10,000 hectares) on the Mexican side of this section of the basin (SECURE Water Act 2011). Agriculture, including livestock production, accounts for over 85 percent of the surface water withdrawals in the bains » (Lubner et Thiel s.d., 1).

Il est ainsi aisé de comprendre le lien entre croissance démographique et utilisation accrue des ressources en eau ainsi que les problèmes que ce phénomène engendre. Cette croissance démographique a entraîné une augmentation constante de la demande en eau par les industries et les populations qui a provoqué, au fur et à mesure, un appauvrissement, voire la disparition, des ressources en eau, qu'elles soient souterraines ou non. Ce premier facteur, ajouté à un dérèglement climatique global qui s'intensifie dans les bassins des fleuves du Colorado et du Rio Grande favorisent l'apparition de sécheresses prolongées et d'un climat de plus en plus aride. Ceci peut également porter atteinte à la biodiversité puisqu'un manque d'eau constant dans une zone donnée ne permet pas aux espèces marines et aquatiques, entre autres, de rester, de se développer et d'évoluer (« Colorado River Basin and Delta » s.d.). Ce fut notamment le cas dans le delta du Colorado pendant plusieurs décennies (James 2020). C'est dans ce contexte que, durant l'été 2021, les États frontaliers mexicains et étatsuniens ont déclaré un état d'urgence environnemental puisqu'ils faisaient face à une pénurie d'eau induisant une réduction des livraisons d'eau dans le sud-ouest des États-Unis (Snider 2021) et par extension dans le nord-ouest du Mexique. Cette situation, si elle perdure, ne permettra bientôt plus aux retenues du Colorado, dont le lac Powell situé dans les États d'Arizona et du Nevada, mais étant partagé, depuis la Minute 319, entre les deux pays, de se remplir suffisamment pour compléter les débits naturels du Colorado et pour continuer de produire assez d'électricité dans des barrages, comme celui de Glen Canyon, dans l'État d'Arizona (Snider 2021).

Ce nouvel exemple permet de comprendre la multitude de problèmes liés à une diminution constante du débit d'eau des fleuves du Colorado et du Rio Grande et le lien intrinsèque entre toutes les conséquences qui en découlent et qui s'enchaînent.

Par ailleurs, un second problème émerge du développement de l'agriculture intensive et de la croissance démographique. Il s'agit de la pollution qu'elle induit avec l'utilisation d'engrais, de pesticides et d'autres polluants pour favoriser la production (Wilder et al. 2019). En effet, les répercussions de la croissance démographique se ressentent particulièrement avec la surexploitation des eaux par les activités agricoles, par exemple, qui induit une explosion de la pollution des débits du Colorado et du Rio Grande, causée par l'utilisation de polluants, comme il en sera question plus tard (Burman et Cornish 1975, 387).

Comme l'expliquent Flores B., Ren J., Krishnamurthy S. et Belzer W. dans Chemical Contamination of the Lower Rio Grande near Laredo, TX, le Rio Grande a été fortement affecté par la pollution de l'activité humaine à la frontière qui a réduit la présence de biodiversité dans la zone :

« For many years the Rio Grande has been polluted with municipal, industrial, agricultural and farming contaminants from both sides of the border. This pollution has led to the extinction or reduction of certain wildlife species as well as affecting the health of the residents along the border » (Flores et al. 2006, résumé).

Ainsi, par le biais des industries qui fleurissent et des polluants du secteur agricole, les eaux des deux côtés de la frontière sont de plus en plus polluées et en quantité de moins en moins suffisante pour répondre aux besoins de la population. Ceci dégrade notamment les écosystèmes dans la zone (Vega Cárdenas 2020, 29). Ainsi, pour ce qui est du Colorado, le plus long fleuve à la frontière, logiquement, le Mexique reçoit de plus en plus régulièrement de l'eau impropre à l'utilisation pour l'agriculture et pour la consommation des habitants, même si des Minutes récentes tentent de répondre aux problèmes de salinité. C'est le cas des Minutes 319 de 2012 et 323 de 2017 dont il sera question dans ce travail.

L'installation de barrage du côté des États-Unis est également un facteur de problèmes hydriques et de sécheresse à la frontière et au Mexique puisque, d'une certaine manière, l'eau est contrôlée pour ne pas provoquer d'inondation. Pour rappel, les barrages servent aussi à la conservation de l'eau pour les États-Unis et le Mexique comme des retenues d'eau (« Amistad Dam and Power Plant, Del Rio, Texas » s.d.). Ces barrages peuvent aussi être utilisés pour l'approvisionnement en électricité des populations dans une zone donnée. Cependant, puisque l'eau, au niveau des barrages localisés sur la section étatsunienne du Colorado, ne s'écoule que lorsque les États-Unis libèrent un certain volume d'eau, il arrive que cela conduise à des sécheresses du côté mexicain (Vega Cárdenas 2020, 33). En effet, comme l'explique Benedito Braga dans le chapitre « Water without Borders: sharing the flows? » de l'ouvrage Hydro-Diplomacy: Sharing Water Across Border : « When a dam is constructed, benefits are generated but at the same time change the flow regime will impact downstream users » (Pangare 2014, 17). Ainsi, les agriculteurs mexicains peuvent craindre, à raison, de manquer d'eau pour leurs cultures ou de recevoir de l'eau inutilisable puisque polluée. La crise dans la vallée du Rio Grande présentée plus haut est un exemple du manque d'approvisionnement en eau pour ces derniers puisque les Mexicains doivent céder de l'eau provenant d'une retenue binationale pour pouvoir répondre aux attentes des États-Unis.

Il est aussi possible de considérer que le problème d'approvisionnement du delta du Colorado est causé par le barrage de Morelos. En effet, comme il l'a été mentionné plus tôt, puisque les débits du Colorado sont déviés au niveau du barrage de Morelos pour permettre l'irrigation des champs dans la vallée de Mexicali (James 2021), ces débits n'ont plus atteint le delta qui voyait son volume d'eau diminuer au fil des décennies jusqu'à ce que l'eau ne puisse plus se jeter dans le golfe de Californie.

En ce qui concerne les nappes phréatiques, qui n'étaient pas prises en compte dans le Traité de 1944, leur quantité en eau dans la région frontalière a considérablement baissé, tout comme la quantité d'eau dans les retenues ; les réserves en eau ont été partiellement détruites. Par exemple, au début de l'année 2022, le niveau en eau dans le lac Powell, sur le fleuve Colorado, était descendu à 3 525 pieds par rapport au niveau de la mer, soit 1 074,42 mètres ; niveau le plus bas constaté depuis sa création dans les années 1960 (Torres 2022). Le niveau du lac est, en moyenne, situé à 3 700 pieds par rapport au niveau de la mer, soit 1 128 mètres. Il est ainsi possible de distinguer une forte baisse de la quantité d'eau dans la réserve qu'il faudrait maîtriser pour permettre à cette réserve de continuer de répondre aux besoins en eau en cas de besoin.

Ce n'est qu'en 1973 que fut demandé par l'IBWC le développement de la première Minute couvrant les ressources souterraines en eau qui ne vit finalement jamais le jour (Umoff 2008, 86). L'utilisation des eaux souterraines demeure un enjeu principal à la frontière avec la protection de l'environnement (Umoff 2008, 89) puisque plus de 40 % des eaux fournies à l'État d'Arizona et 60 % des eaux versées au Texas proviennent de ressources souterraines (Umoff 2008, 95). Ainsi, l'appauvrissement des retenues souterraines provoque, aujourd'hui, encore davantage de sécheresse dans la région (Vega Cárdenas 2020, 33).

Le rôle de la Commission Internationale des Frontières et des Eaux (IBWC)

Les problèmes cités plus haut, notamment celui de la dégradation de la biodiversité et l'aggravation constante des sécheresses, constituent en grande partie les raisons pour lesquelles le XXIe siècle représente un tournant dans la prise en charge des problèmes hydriques à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Ainsi, l'accroissement et la récurrence des incidents liés à la pollution et à des sécheresses ont poussé l'International Boundary and Water Commission (la Commission Internationale des Frontières et des Eaux) à mettre en oeuvre de nouvelles réglementations binationales pour tenter de sauvegarder la biodiversité et maintenir un niveau d'eau suffisant dans les rivières frontalières en essayant d'instaurer une coopération durable entre les deux pays.

Pour comprendre le rôle de l'IBWC dans le contexte mexicano-étatsunien, il convient de se rappeler que le partage d'une frontière fluviale implique la nécessité, pour les États limitrophes, de coopérer pour pouvoir résoudre les différends liés à la gestion et à la dégradation des ressources, ou du moins de les minimiser sur le long terme, sans fragiliser les relations diplomatiques binationales. De la même manière, le partage équitable de l'eau à la frontière est primordial et requiert une collaboration constante.

Ce facteur reste considérable même si depuis plusieurs décennies s'y ajoutent les enjeux de protection de l'environnement, devenue un aspect fondamental des relations hydriques régionales (Comair 2021). Toutefois, les exemples mexicano-étatsuniens présentés ci-dessus prouvent que cette coopération demeure compliquée à mettre en place et à maintenir dans les faits. Malgré ces difficultés, l'aspect environnemental, aujourd'hui prépondérant, pousse les deux nations à mettre de côté leurs différends pour protéger leurs ressources en eau et leurs populations contre de potentiels incidents environnementaux découlant des problèmes hydriques.

La mise en place d'une hydro-diplomatie est ainsi incontournable puisque la protection de l'environnement est devenue un enjeu fondamental. En effet, les économies, les cultures, les sociétés et l'historique des relations propres aux États-Unis et au Mexique ne permettent pas de consolider et pérenniser une coopération durable sans l'instauration de réglementations et d'instances de coopération. Il est, par exemple, possible de constater l'importance des questions environnementales qui se reflète dans leur inclusion dans des accords économiques majeurs tels que l'ALENA (Accord de libre-échange nord-américain). Cet accord, selon certains, a été le premier accord de libre-échange faisant un lien entre l'environnement et le commerce, notamment avec l'ANACDE (Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement) (Gouvernement du Canada 2020, 2), dont il sera question dans ce travail. Malgré tout, les exemples mexicano-étatsuniens présentés ci-dessus prouvent que cette coopération demeure compliquée à mettre en place.

En outre, les relations entre les deux pays sont asymétriques dans le sens où les États-Unis sont beaucoup plus influents sur le plan économique, avec une économie industrialisée avancée, par rapport à une économie mexicaine toujours en développement. De la même manière, les relations entre les États-Unis et le Mexique sont jalonnées de conflits liés à la délimitation de la frontière, à l'utilisation de l'eau et à l'immigration des Mexicains aux États-Unis, par exemple. Ces conflits se résolvent avec l'élaboration de compromis et d'accords pour la mise en place de relations commerciales ainsi que pour la lutte contre tous les types de trafics à la frontière et en faveur de la préservation de la frontière et de son environnement (Wilder et al. 2019).

Pour en venir à la définition de l'hydro-diplomatie, elle peut être précisée, d'un point de vue général, ainsi :

« those aspects of water that are subject to international relations - including negotiations of differences and conflicts, establishment of specialised transnational institutions, and establishment of protocols and agreement on use » (Pangare 2014, 23).

Cette définition marque une volonté d'appliquer des moyens diplomatiques, tels que des accords et le recours à des institutions spécialisées pour gérer les conflits liés à l'eau. Il est ainsi possible de considérer que l'IBWC, institution transnationale entre les États-Unis et le Mexique, créée dès 1889 sous le nom d'IBC, International Boundary Commission, relève d'une forme précoce d'hydro-diplomatie. Elle devient l'IBWC avec la signature du Traité de 1944, dont il sera question plus tard. Ses prérogatives sont les suivantes :

« [the IBWC] has responsibility for applying the boundary and water treaties between the United States and Mexico and settling differences that may arise in their application » (« The IBWC - Its Mission, Organization and Procedures for Solution of Boundary and Water Problems » s.d.).

Pour résumer, le but principal de la Commission est de créer une coopération entre les États-Unis et le Mexique pour la gouvernance de l'eau. Cette gouvernance se partage en deux organisations distinctes et équitables, une étatsunienne et une mexicaine, pour qu'aucun de ces pays n'ait, en théorie, plus de pouvoir décisionnel que l'autre (« The IBWC - Its Mission, Organization and Procedures for Solution of Boundary and Water Problems » s.d.).

L'année 1944 est ainsi fondamentale pour les relations hydriques à la frontière des États-Unis et du Mexique. En effet, la signature du Traité de 1944 sur l'utilisation des eaux des rivières du Colorado et de Tijuana et du Rio Grande (Water Treaty for the Utilization of Waters of the Colorado and Tijuana Rivers and of the Rio Grande) marque une nouvelle fois une tentative de coopération durable entre les deux pays s'agissant des eaux des fleuves et rivières citées et surtout un approfondissement de la coopération déjà existante avec la mise en place de Minutes.2(*) Ces documents ont permis à l'IBWC d'accroître ses prérogatives en faveur de l'environnement ainsi que de la régulation et de la gestion de l'eau à la frontière. Ces nouvelles prérogatives peuvent ainsi aussi aider à la préservation des économies et des relations entre les deux pays.

* 2 Comme il en sera question plus précisément dans le corps du mémoire, les Minutes sont des documents officiels qui mettent en place des réglementations pour résoudre les problèmes hydriques à la frontière.

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