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Contention et psychomotricité. Intérêt du soin psychomoteur dans une unité de soins intensifs en psychiatrie adulte.


par Louise LOZANO PICCOLO
ISRP Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice - Diplôme d'état de sychomotricien  2019
  

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4.3 Psychomotricité et contentions physiques

Nous devons nous saisir du rôle qui est le nôtre, inscrire le patient dans le système de soin, et cela de la meilleure des façons. Notre approche et la qualité des soins - en cela j'inclue la relation de soin - seront déterminants pour la suite de la prise en charge. « Le temps du soin aux urgences est déterminant [...]. C'est la qualité de ce premier temps qui conditionnera la qualité de la prise en charge ultérieure. » (Passamar, Tellier, & Vilamot, 2011, p. 455). Mais la relation n'est-elle pas censée être le pivot de la démarche de soin en maladie mentale ? (Guivrach & Cano, 2013)

4.3.1 Penser la contention

Nous aurons forcément besoin de la contention mécanique dans des cas extrêmes, ces cas où tous les autres moyens thérapeutiques ont échoué, ces cas où nous nous devons quand même

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de trouver une solution pour ne pas laisser le patient se faire du mal ou faire du mal à autrui. C'est dans ces moments qu'il est important d'avoir au préalable laissé un espace à la discussion, et à la réflexion autour de la contention, sans quoi elle sera utilisée de façon délétère et traumatique pour le patient. Ces espaces de réflexions sont également des garde-fous nécessaires quand ces pratiques font partie de notre quotidien, pour empêcher un glissement vers des pratiques inappropriés.

M, Azouley et S, Raymond, psychiatres à l'Unité pour Malades Difficiles (UMD) Henri Colin, nous mettent en garde, contre le danger actuel de ne plus évoquer ni de conceptualiser la contention physique. Et de ce fait, de pouvoir devenir maltraitant. En dehors d'un jugement de la valeur thérapeutique de la contention physique en elle-même, il s'agit de penser à comment la mettre en oeuvre au mieux. Puisque de fait, elle semble nécessaire, dans certaines situations, attachons-nous à la penser au mieux. « La conjoncture actuelle nous semble dangereuse : vouloir faire comme si la contention physique n'existait pas, vouloir faire comme s'il était toujours possible de faire autrement c'est prendre le risque de ne plus jamais l'évoquer, la conceptualiser, la penser, la réfléchir. Or, il arrivera forcément un moment où elle s'avèrera nécessaire. Et c'est là que, sans compétences spécifiques, la mise en contention sera traumatique pour les patients et pour les soignants [...] » (Azoulay & Raymond, 2017, p. 844).

4.3.2 Reprise en équipe pluridisciplinaire

Quelle est la place de la contention physique dans le soin en psychiatrie adulte ? Cette question soulève la question du positionnement des soignants face à cette pratique. Quelle influence le positionnement des soignants peut-il avoir dans l'exécution du soin ? « Comment pouvons-nous rassurer les patients si nous-mêmes ne sommes pas au clair avec nos pratiques et intimement convaincus du sens thérapeutique des mesures que nous mettons en place ? » (Azoulay & Raymond, 2017, p. 844). L'article de Guivrach et Cano (2013) nous donne une représentation du vécu des soignants lors de la pose des contentions. « [...] les soignants confrontés à la contention avaient un vécu majoritairement négatif à type de frustration, colère et absence de ressenti, qu'il s'agissait pour eux d'une expérience difficile mais nécessaire, qui était à la fois un acte de soin et sécurité. » (Guivrach & Cano, 2013, p. 243). L'absence de ressenti, la colère, la frustration sont retrouvés dans les symptômes décrivant l'épuisement professionnel. Dans ce contexte de soin, nous pouvons craindre que les soignants amenés à contentionner des patients risquent de perdre l'estime de leur travail. Nous pouvons aussi penser

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qu'en cherchant à se protéger de la perte de sens que provoque en eux la pose des contentions, ils le fassent de façon robotique, sans y engager de relation et de portage psychique.

La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande un temps de reprise en équipe pluridisciplinaire après la pose de contention à un patient. Dans le but de « Permettre aux soignants d'exprimer leurs difficultés face à cette pratique vécue parfois avec culpabilité ; permettre aussi l'expression de la peur ou de la difficulté de prendre soin d'un patient qui a ou qui a eu un comportement violent. » et de « Permettre l'expression des difficultés éprouvées face à un contexte d'exigences contradictoires et de dissonance éthique. » (Haute Autorité de Santé, 2017, p. 18). Ce temps de reprise est indispensable, il permet d'une part que nous remettions sans cesse en question nos pratiques et d'autre part que nous puissions parler de notre vécu. Nous autres psychomotriciens, bien que souvent figurants dans ces pratiques d'équipe, nous avons tout à fait notre place dans ces temps de reprise et de réflexion. Nous mettons à disposition de tous nos observations du langage corporel des patients et des soignants. C'est ensemble que nous pouvons comprendre ce qui a été bénéfique et ce qui ne l'a pas été. Nous pouvons aussi par la verbalisation de notre propre ressenti, que nous avons appris à identifier et à analyser, inciter les autres professionnels à faire de même. Faire vivre la pensée, la capacité de pensée, le savoir critique, remettre en cause, se questionner sur les notions de morale et d'éthique. Pousser les équipes au dialogue, pour penser ses actes et créer des discussions, c'est aussi oser dire des bêtises. François Tosquelles, psychiatre catalan, nous dit que nous ne sommes jamais tant sérieux que lorsque nous ne nous prenons pas au sérieux. Nous autres psychomotriciens, nous sommes aussi présents pour parler des émotions de chacun, patients et soignants. Que chacun prenne une place dans les discussions d'équipe pour que le patient soit représenté et éclairé par différents regards. Le psychomotricien se doit de faire exister le corps et plus spécifiquement le rapport au corps dans l'imaginaire commun. Prendre le temps pour élaborer, donner du sens, rêver, émettre des hypothèses, rompre avec l'intelligence rationnelle, c'est mettre à disposition sa psyché pour penser le patient.

C'est aussi à travers les questionnements autour du corps que notre présence soulève, que nous pouvons amener les soignants à penser le patient différemment. C'est au détour d'expériences avec les équipes soignantes, que nous échangeons sans nous en rendre compte des éléments de nos pratiques. Le psychomotricien a pour habitude d'expérimenter avec son propre corps chaque stimulation qu'il propose au patient. C'est donc naturellement que je me suis livrée à l'expérimentation de la contention mécanique. A mon grand étonnement, les soignants se sont saisis de ce moment, de manière innocente, pour me questionner sur mon vécu corporel. C'est

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parfois dans ces moments informels, que nous construisons ensemble une praxie commune. La complexité des pathologies psychiatriques et de leur prise en charge nous pousse, plus qu'ailleurs, à mettre en commun nos connaissances. Plus qu'une pluridisciplinarité, il est souhaitable que nous nous engagions dans une transdisciplinarité. Saulus la définit comme « la capacité professionnelle à enrichir sa pratique de données issues de disciplines différentes de la sienne, sans perdre sa spécificité » (Saulus, 2008, p. 162). C'est par ces échanges de pratiques, de connaissances, en amenant dans l'imaginaire collectif, les concepts d'enveloppes psychiques, de contenances, de toucher thérapeutique, que nous pouvons participer à la contention mécanique. Nous pensons cette mesure avec les soignants pour qu'ils puissent y voir une mesure thérapeutique où leurs gestes, leurs positionnements, leurs paroles et leur toucher serait aussi thérapeutique, si ce n'est plus, que la prescription des contentions mécaniques elles-mêmes.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld