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Vivre au service d'une culture itinérante


par Elodie Duclos
ENSAAMA - Diplôme National des Métiers d'Arts et du Design (DNMAD) 2023
  

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Vivre au

service

d'une

culture

itinérante

Elodie DUCLOS

DNMADE _ Espace Habitat

ensaama 2023

Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante

Remerciements

En premier lieu, j'adresse mes remerciements à M. Jean Christophe Valleran, tuteur de mon mémoire pour son temps accordé et ses précieux conseils.

Mme. Isabelle Sinclair, pour sa contribution et

son ouverture d'esprit encourageante.

Je remercie également Mme. Emmanuelle Valleran qui aura su me mettre sur la voie de mon sujet, dès notre premier projet d'atelier en première année, «piaggio-logis», un habitat itinérant.

Enfin, mes proches, pour leurs relectures

avisées, qui m'ont permis d'avancer.

Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante

SOMMAIRE

7 Présentation

8 Introduction

10 Un mode de vie spécifique

Racines et influences 10

Une culture qui s'enrichit en voyageant 14

18 La necessité d'une architecture adaptée

L'habitat mobile 20

Le métier éphémère 24

29 Conclusion

30 Corpus 32 Annexes

6

Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 7

PRÉSENTATION

« En France, l'implantation territoriale des équipements culturels (bibliothèques, théâtres, cinémas, musées, spectacles, etc.) est contrastée. Ils sont concentrés dans les capitales régionales et dans le long du littoral méditerranéen.»1.

Ce que révèle l'INSEE en avril 2021, c'est l'inégal accès à la culture en France, mais pas seulement. Malgré l'adoption de politiques inclusives, on observe ce phénomène partout dans le monde. Les territoires isolés sont défavorisés ou marginalisés.

En parallèle, une population nomade, qu'on nommera « forains » diffuse ses spectacles et attractions à toute population, des plus modestes aux plus fortunés, allant au-devant de son public, même dans les zones les plus enclavées.

Et si dans le nomadisme se cachait une solution pour lutter contre les inégalités territoriales ? Consciemment ou non, le forain vit au service d'une culture itinérante, et c'est son mode de vie que nous étudions dans cet ouvrage.

Répartition des équipements culturels

Carte de la France représentant le nombre d'équipements culturels par bassin de vie en 2020 réalisée par le ministère de la Culture, Deps, et illustration de l'irrigation culturelle en zones isolés.

1 selon l'INSEE dans son ouvrage «La France et ses territoires, édition 2021», chapitre «Accès à la culture» paru le 29 avril 2021

8 Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 9

INTRODUCTION

« L'homme est un animal social» a dit Aristote 300 ans av. JC.

Depuis toujours, l'être humain se développe en communauté ; et lors-qu'on remonte au Paléolithique, on observe que ces communautés étaient constamment amenées à se déplacer. À la recherche de ressources pour subvenir à leurs besoins, les Hommes ont commencé à suivre des itinéraires stratégiques faisant du nomadisme le seul mode de vie envisageable quant à la constitution d'un environnement abondant de manière saisonnière. Les évolutions favorables du climat offrant des terres plus fertiles à ces futurs cultivateurs, les peuples se sédentarisent délaissant progressivement la cueillette et la chasse.

Mais certains groupes humains, par nécessité ou par désir d'indépen-dance, vivent et travaillent sur les routes, se déplaçant de villes en villes. À l'heure où les frontières sont dessinées, des communautés se retrouvent sans territoire approprié, presque contraintes à la mobilité. C'est ainsi qu'on retrouve les tziganes blancs dans toute l'Europe. D'autre part, des tribus mongoles, Tsaatan, ou irlandaises, Siuil, sont attachées aux traditions et voyagent au gré des saisons suivant leur bétail. De grands conquérants comme les Vikings sillonnaient le monde motivé par la recherche de ressources ainsi que l'expansion de leur territoire. Chaque communauté nomade a des objectifs et motivations qui leur sont propres pour perpétuer l'itinérance. Dans cet ouvrage, nous nous intéresserons aux formes de nomadisme lié à l'activité professionnelle, à la culture et au commerce.

On parle ici d'un regroupement d'individus qui choisissent de se déplacer au service d'une pratique collective. Ils sont organisés, répondant à leurs propres règles sociales et traditions, émanant d'une culture significative, où les savoir-faire leur sont propres et se transmettent de génération en génération. Pourtant, à la différence des communautés qui vivent en zones désertiques, ceux-ci s'implantent ponctuellement dans différents bourgs, villages, et villes établies.

Leur présence éphémère créée une cohabitation et des échanges culturels deviennent possibles. Ces nomades, sont appelés les « forains », ce qui signifie en vieux français « quelqu'un d'extérieur, étranger au village ». Ici, cette dénomination comprendra tous les individus vivant au service d'une pratique d'échanges mercantiles au sein d'une collectivité organisée.

Nous en questionnerons les principes architecturaux et matériels mis en place pour répondre à un mode de vie si spécifique. Nous en étudierons alors, dans un premier temps le caractère singulier de leur mode de vie ainsi que l'influence qu'ils exercent sur le monde sédentaire puis nous nous attarderons sur le type de constructions et de dispositif qui en émane.

Les populations nomades

Illustration des populations nomades mentionnées dans l'introduction. À gauche en haut: les Vikings se déplaçant en bateau. À gauche en bas: les Siuil dans leurs roulottes irlandaises. À droite en haut: les tziganes blancs dans leurs roulottes tziganes. À droite, en bas : les Tsaatan vivant dans leur tente d'éleveurs de rennes. Au centre: les forains dans leurs camions déployables.

10 Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 11

UN MODE DE VIE

SPECIFIQUE

Racines et influences

Ces « nomades de profession » puisent leurs racines en Occident au Moyen-âge. Dans un monde gouverné par la religion, c'est sur les chemins de pèlerinages que s'implantent ponctuellement, en différents points stratégiques, des communautés de commerçants et de bateleurs1 prêts à faire argent de tout talent. C'est ainsi que des communautés d'artistes-com-merçants décident de vivre ensemble au service d'une activité lucrative qui crée de la vie dans les différents bourgs.

Au fil des ans, ces activités prennent la forme de foires et deviennent de véritables phénomènes sociaux. Elles sont l'instrument du commerce intérieur et international des pays dans lesquels elles s'implantent ainsi que le lieu de rencontre et d'échange majeur jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. La prise d'ampleur de ces événements est certainement liée à leur caractère populaire et festif. Tout le monde y est convié : du bourgeois à l'ouvrier, du senior au bambin, c'est la transcendance des frontières intergénérationnelles et sociales. C'est aussi la première fois que tous les provinciaux peuvent profiter de représentations, de spectacles théâtraux, de chanteurs, jongleurs, acrobates et danseurs. De par leur mobilité et la diversité de leurs services, les forains rendent leur culture accessible à tous.

C'est ici que l'on trouve tous les nouveaux outils de divertissement. Le cinéma, ou le cycle font leurs premières apparitions sur ces foires par exemple. Tant de formes d'expression qu'on considère aujourd'hui comme partie intégrante du patrimoine culturel.

1 Comédiens, acrobates, sportifs, jongleurs, musiciens, danseurs, montreurs d'animaux, tous se joignent à la fête et ces foires itinérantes deviennent le lieu de tous les spectacles.

Si le « lieu de tous les spectacles » a connu autant de succès, selon Blaise Pascal, c'est parce que « Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés pour se rendre heureux, de ne point y penser : c'est tout ce qu'ils ont pu inventer pour se consoler de tant de maux ». En somme, l'homme, dans l'incapacité à faire face à sa condition de mortel, chasse ses pensées par le divertissement. Celui-ci, se détachant des événements du quotidien, est une expression de joie, un renchérissement de l'existence.2

Cette idée est de plus en plus portée par notre société : une étude menée en 2019 par Havas montre que 83 % des personnes interrogées considèrent le divertissement comme un besoin vital. Si nous avons besoin de ces évasions temporaires, c'est également pour leur valeur transforma-tive3. À long terme, le divertissement participe à l'éducation. C'est une représentation de nos cultures locales, une transmission vivante et participative d'une culture qui devient commune à tous jusqu'à intégrer la culture légitime. Ce concept développé par le sociologue Pierre Bourdieu, elle désigne le type de connaissances et de savoirs qui apparaissent légitimes aux yeux de tous les individus d'une même société. Dans notre société d'occidentaux sédentaires, certaines pratiques sont plus valorisées que d'autres par l'institution scolaire, le niveau d'instruction déterminant cette légitimité. Selon Bourdieu, le détenteur de la culture légitime, dispose d'un prestige social certain.

C'est ainsi que des domaines considérés autrefois comme simple source de divertissement comme le théâtre, le cinéma, la littérature, la peinture ou la sculpture sont aujourd'hui des activités culturelles artistiques qu'il est important d'expérimenter pour échanger avec ses pairs. Ces anima-

tions à l'origine purement lucratives prennent alors un réel intérêt social.

2 « Le spectacle de divertissement se présente tour à tour comme un excès de l'art et un retour à la vie, un éclatement des lieux traditionnels de l'illusion. » - Armel Marin, metteur en scène et conseiller en éducation populaire et techniques d'expression.

3 La valeur transformative désigne ici la quantité de nouvelles informations inculquées par le client.

12

Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 13

Le pouvoir fédérateur des foires

Image extraite du film « Nightmare Alley » de Guillermo del Toro représentant les foires foraines du XIXe siècle, et illustrations représentant les différents type de populations qui y étaient conviés.

De gauche à droite : peintre âgé dessinant une riche jeune femme, un enfant d'ouvrier jouant avec une jeune bourgeoise, un couple de nobles auprès d'une impécunieuse mère et son fils, musicien animant la course du manège vélocipède (innovation du cycle rendue accessible à tous).

14

Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 15

Mais d'autres dispositifs7, 8, 9 existent à une échelle sociale et locale moins spectaculaire.

Une culture qui s'enrichie en voyageant

Les foires proposant une démonstration variée de savoir-faire: où l'on pouvait admirer des acrobates performer, soutenir un boxer sur le ring, se faire dessiner son portrait, s'émerveiller devant les images animées d'un film muet, faire un tour à la ménagerie ou rire aux répliques des comédiens, ont disparues peu après la révolution industrielle. L'attrait des forains pour les nouvelles technologies les a poussées à se concentrer sur les manèges stimulant nos sens kinesthésiques et non plus aux arts plastiques et sculpture de décors. Aujourd'hui, on distingue les fêtes foraines des cirques ou des théâtres itinérants. La culture circule dans plusieurs « secteurs d'activités. »4.

Étudier les forains du 21e siècle, c'est parler de toutes ces communautés spécialisées qui démontrent des savoir-faire sur leur passage. Leurs déplacements sont motivés certes par l'argent, mais également par l'offre d'une compétence. Le progrès technique a permis de s'émanciper de la petite verdine5, de se déplacer plus loin, diffuser plus largement.

Les acrobates du cirque du soleil par exemple, sillonnent les airs et les terres afin de démontrer un savoir-faire unique à l'échelle mondiale. La troupe des Tréteaux de France, plus modeste, explore les villages français pour «Faire du théâtre là où il n'y en a pas. Voilà la vocation de ce théâtre national dont la particularité est d'être sans mur» 6. De par la tradition, ces troupes nomades de chapiteaux se déplacent avec une structure physique nécessaire à la matérialisation de leur spectacle. Une partie de leur mode de vie consiste à transporter, monter et démonter de toute pièce des dispositifs architecturaux au service de la transmission culturelle.

4 sous forme de musées ambulants, de troupes de théâtre itinérantes, de familles circassiennes, musiciens en tournée ou d'expositions éphémères par exemples.

5 Une verdine est une roulotte aménagée en habitation tirée par des chevaux ou des boeufs utilisée par les populations nomades jusqu'en 1950.

6 selon Jean Luc Gandrit, ancien directeur adjoint des tréteaux de France.

Ces infrastructures à vocation sociales sont donc bénéfiques pour les résidents des quartiers dans lesquels ils s'installent temporairement, mais également pour les forains. En tant que nomades, ils vont pouvoir enrichir leur pratique au contact des différentes populations qu'ils rencontrent. Leur itinérance leur permet d'échanger avec une multitude de civilisations qui ont leurs propres savoir-faire, manières de vivre et de penser10.

C'est ainsi que naissent d'ailleurs, les itinérances de formation11.

En somme, nous l'aurons vu, le nomadisme de profession des forains qui avait à l'origine un objectif purement marchand, s'est avéré être un phénomène social majeur et une source de diffusion de la culture légitime non-négligeable. Ils vivent en itinérance au service d'une pratique fédératrice qui est non seulement bénéfique pour les sédentaires qui viennent divertir : des Sénégalais en terres reculées ont, grâce à eux, accès au cinéma ; mais aussi pour leur savoir-faire qui vient s'enrichir au cours du voyage. Mais concrètement, quelles structures architecturales permettent de répondre à ce mode de vie si spécifique?

7 Le musée ambulant s'implante dans des écoles, des camps de jour ou des maisons de retraite. S'emparant alors d'une base structurelle pré-existante pour s'approprier l'espace par une scénographie spécifique. ( voir annexe 1)

8 Les associations de CNA (Cinéma Numérique Ambulant), qui projettent des films dans les régions enclavées pour les populations défavorisées d'Afrique, empruntent seulement une superficie extérieure pour y installer un écran sans pour autant transformer le paysage urbain.

9 Les bibliobus n'ont besoin que d'une place de parking pour proposer des services de bibliothèque à une clientèle défavorisée et excentrée dans un véhicule aménagé. (voir annexe 2 et 3)

10 Cette pratique prend toute son importance lorsqu'on la lie à la thèse du philosophe Charles Pépin sur la rencontre «Sans rencontrer les autres, impossible de savoir ce qui nous anime vraiment, de quoi nous sommes capables, impossible de sortir de nos prisons identitaires, de nos carcans sociaux ou mentaux».

11Si les forains sont une société formée autour des métiers du spectacle et du divertissement, les compagnons par exemple, forment une communauté d'ouvriers travaillant le bois, la pierre, le fer et le cuire. Ils sont similaires en leur identité sociale solidaire, pourvoyant des valeurs. Mais les compagnons mettent à l'honneur la formation professionnelle nomade. Persuadés que chaque individu apprendra mieux les filons de son métier en se confrontant a plusieurs manières de faire, chaque année, des apprentis sont envoyés en tournée. Ils rencontreront sans cesse, se réalisant et s'enrichissant chaque jour un peu plus, tout en gardant la forte identité du «compagnon». Car le compagnonnage consiste avant tout à prôner codes, valeurs et pratiques au gré d'une mobilité qualifiante.

16 Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 17

Les forains du 21ème siècle

Illustration des itinérants contemporains : acrobates se déplaçant en avion, musicien en tournée, acteur montant son théâtre ambulant, conservateur d'un train-musée, bibliothécaire d'un bibliobus, membre de la CNA (Cinéma Numérique Ambulant) devant une projection en plein air.

18 Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 19

LA NÉCESSITÉ UNE

ARCHITECTURE ADAPTÉE

Si la particularité de leur mode de vie réside dans la mobilité nécessaire de leurs infrastructures, on remarque également que chaque forain dispose de deux types d'espaces spécifiques. L'un est consacré à l'habitat, sans qu'il ne soit obligatoirement déployable, celui-ci doit répondre à une logique de fixité dans la mobilité. Stable, la structure doit être assez solide pour se déplacer, mais aussi pour transporter le deuxième espace : le «métier». Un métier, dans le monde forain, représente la structure nécessaire à la matérialisation du spectacle, du service ou du lieu d'un échange commercial. Celui-ci viendra occuper temporairement l'espace public afin de dynamiser ces places les rendant attractives. Cela nécessite donc une structure déployable, assez légère pour être transportée et assez durable pour être réutilisée.

Architectures foraines

Illustration d'un forain présentant les deux types d'espaces auquel il est confronté quotidiennement : à gauche : son habitat, à droite : son métier.

20 Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 21

L'habitat mobile

Jusqu'au milieu du XXe siècle, les forains vivaient dans de petites verdines tractées par des animaux. Étant une minorité à pratiquer l'itinérance, les architectes occidentaux ne s'étaient pas penchés sur le cas de la maison mobile jusqu'aux jours des premiers congés payés. En 1936, les sédentaires Français ont pour la première fois l'occasion de voyager et naissent tous types de projets architecturaux répondant au souci de la légèreté et de l'espace minimum. Ces populations nomades, qui étaient jusqu'alors cantonnées à la mobilité terrestre dans leur roulotte de bois, bénéficient, grâce à ce phénomène, de nouvelles infrastructures métalliques, gonflables, aériennes, textiles voire même pliantes (voir annexe 4).

Le catalogue d'aujourd'hui est tel qu'il peut répondre à toutes les ambitions. Les concepteurs contemporains imaginent que le nomade doit être décisionnaire de la forme qu'aura son habitat 12 , de la sorte, aucune frontière n'est infranchissable, et chaque communauté peut demeurer dans un environnement adapté à ses besoins et ses valeurs.

Mais dans la réalité des choses, la plupart d'entre eux se contentent de caravanes routières. Traditionnellement attaché à ce mode de déplacement, il semble également être le plus approprié. Inscrit dans les moeurs, il est facile de trouver des terres d'accueil, hors période de festivités, pour ce genre d'architecture portative. Les réglementations routières imposent une limitation des dimensions des camions les plus imposants à 16 mètres de long pour 2,5 mètres de large proposant ainsi une surface habitable maximum d'environ 33 m2 13. Cela relève tout de même d'une ingéniosité certaine quant à l'aménagement intérieur d'une maison pour 4 personnes sur une superficie allant de 15 à 33m2.

L'agence qui saura relever le défis en premier c'est celle des frères-entrepreneurs Notin 14 loin de la production automatisée, le forain est commanditaire et chaque véhicule est unique. Au service de l'évolution de sa clientèle, Notin troque la porte d'entrée arrière contre une porte laté-

12Yona Friedman dira même «les architectes et urbanistes aujourd'hui ne sont plus des artistes ou «preneurs de décision» mais seulement des serviteurs publics. Les habitants ne doivent pas être considérés comme des consommateurs mais des professionnels hautement spécialisés et experts en matière d'habitat, chacun ayant une suffisamment longue expérience du mode de vie qui lui convient, pour savoir ce qu'il veut.» extrait du manifeste L'architecture mobile de Yona Friedman. Mentionné dans l'ouvrage Maisons Mobiles de Véronique Willemin qui dresse l'inventaire des habitats répondant aux modes de vie des nomades.

13Cet espace, les forains n'hésitent pas à l'exploiter jusqu'à y additionner une caravane de 7,5 mètres de long en remorquage. Ces monstres de fer sont lourds et puissants proposant ainsi tout le confort intérieur d'une maison fixe.

14Ayant lancé ses premières remorques d'habitation foraines à traction animale en 1921, puis automobile en 1928, il est le plus vieux constructeur français de camping-car.

rale, mettant définitivement un terme à la typologie des roulottes foraines (voir annexe 5). L'entreprise a su penser l'organisation d'un espace vital15 améliorant le confort de ses foyers d'années en années jusqu'à suivre un «principe essentiel : aucune limite en matière d'équipement et de finitions intérieures». Aujourd'hui considérées trop luxueuses, elles sont plutôt d'usage de loisir pour citadins aisés. Les itinérants de profession verront plus d'intérêt aux caravanes «Laurent» qui s'apparentent à de réels semi-remorques capables de transporter à la fois leur habitat et leur métier (voir annexe 6).

15l'espace vital se résume à l'espace nécessaire à la survie, il est autant physique que psychologique puisqu'il répond à un besoin physique d'individualité, on estime la superficie de celui-ci à 9m2 par personne. Sans être nécessairement capable de répondre aux besoins primaires tels que boire, manger, et dormir, on considère tout de même qu'un espace vital suggère l'autonomie et comprend ces fonctionnalités.

22 Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 23

L'habitat mobile

Photographie libre de droit prise par Brett Sayles et illustration du passage des habitats forains sur les routes ainsi que leur installation temporaire sur une parcelle mise à leur disposition.

24 Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 25

Le métier éphémère

En pièces détachées ou repliées dans sa remorque, le métier n'est pas exploité toute l'année, mais une fois déployé et installé, il a le pouvoir de transformer et d'animer totalement un lieu de manière temporaire16 .

Et pour ce faire, il est du ressort du forain d'installer et désinstaller ses infrastructures sur un terrain mis à disposition par la commune qui lui ouvre ses portes. « Structures faciles à transporter, flexibles, avec un seul espace, en matériaux légers et résistants : la technologie de la construction coïncide avec celle du transport. Ses matériaux sont aussi légers que les textiles, les branches et les peaux.»17 .

De la même manière que l'habitat nomade s'est émancipé de sa forme première grâce au progrès technologique, du kiosque de marché pliable en acier18 au camion-musée déployable19, le métier se voit aujourd'hui composé de multiples matériaux exploités sous différentes formes.

Mais un projet qui s'inscrit parfaitement dans les principes architecturaux forains au service de la diffusion de la culture est le Centre Pompidou Mobile des architectes Patrick Bouchain et Loïc Julienne. Trois modules en forme de losange à pointe allongée, que l'on peut disposer de différentes façons sur une superficie de 650m2 sont les murs de cette exposition. Elle a pour objectif de mettre à disposition des oeuvres d'art majeur à des habitants de zones éloignées de l'offre culturelle et a fait le tour de la France de 2011 à 2013. De par ses matériaux légers20 et solides qui s'adaptent à tous les sols, elle est facile à transporter, monter et démonter, relevant à

la fois l'enjeu de la sobriété énergétique et celui de la sécurité nécessaire au transport de ces oeuvres d'art21 .

Ce musée ambulant ainsi que tous les autres médias culturels nomades se rapportent à la définition que Patrick Bouchain donnera du forain : «Forain est celui qui construit et reconstruit, destiné à abriter une manifestation. C'est aussi celui qui se déplace continuellement pour se rapprocher de son public. Et qui s'approprie pour un temps donné un territoire prêté»

16«L'éphémère implique la possibilité de construire dans des espaces conçus pour d'autres utilisations, d'occuper temporairement l'espace public afin de le transformer ou de modifier des lieux fermés pour y attirer le public de manière inhabituelle.L'architecture éphémère doit être capable de dynamiser un lieu, changer de perception que nous en avons, ou de mettre en relief le bâtiment ou l'espace public lui-même que ce soit en le couvrant ou en faisant ressortir certaines de ses caractéristiques. « extrait de la préface du livre Architectures éphémères, 100 projets, 1000 idées de Alex S Vidiella rédigé par l'architecte Xevi Bayonna

17Les matériaux mentionnés dans l'extrait de l'ouvrage Architecture Portative, environnements imprévisibles de Pillar Encheverria, les forains s'en porteront d'une grande affection. Tout particulièrement du bois du tilleul. A la fois léger et solide, il est historiquement considéré comme un bois de sécurité. On le retrouve dans les structures des tréteaux montés en métiers tout comme dans ses ornements car il est également très facile à travailler et ne fait pas d'écharde. De plus, il se bonifie avec le temps car il devient plus résistant, élément non négligeable quand on sait qu'il sera réutilisé d'année en année. En effet, ce type d'architecture n'est éphémère que dans son ancrage à un même environnement mais a tout d'une infrastructure pérenne. Le textile est aussi une matière très exploitée par l'architecture foraine, permettant l'édition de grands abris sous forme de chapiteaux.

18 en référence au projet «Kiosque M.poli» de Ben Bushe réalisé à Madrid en 2008 (voir annexe 7).

19 en référence au projet «Mumo» par Hérault-Arnod architectes réalisé à Massy en 2022 (voir annexe 8).

20 Composée d'une structure métallique et d'un revêtement textile (à l'image des chapiteaux), le tout est solidement arrimé au sol par d'énormes sacs en bâche caoutchoutée remplis d'eau.

21 «Temporaire, il occupe un terrain où on ne l'attendait pas. Mobile, il fait tomber les a priori sur le monde figé des musées. Forain, il fait évènement autour de sa renommée. Modulable, il change de forme à chaque étape. Partout, il crée la rencontre et le partage. Son départ ne laisse pas un vide mais un trop plein de souvenirs» - extrait d'un article journalistique de Philippe Migeat

26 Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 27

Le metier ephémère popidou mobile, à droite: les boites commerciales Uniqlo. Dans la partie superieure de l'image sont

Photographie libre de droit de la Piazza del Popolo à Rome, Italie; et illustration des différentes typolo représentés des manèges, foodtrucks, bibliobus, Kiosk.m de marché, théatre de tréteaux ainsi que Le

gies de métiers. En bas de l'image, on trouvera à gauche: Le Théatre du Centaure, au milieu: le centre théatre Dromesko.

28 Elodie DUCLOS - Vivreauserviced'unecultureitinérante 29

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