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Le cyberespace et la sécurité de l'état en Afrique centrale: entre incertitudes et opportunités


par Alain Christian ONGUENE
Université de Yaoundé II-Soa  - Master en science politique  2019
  

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Paragraphe 2 : la maitrise de l'information comme enjeu de la présence des Etats dans le cyberespace

Les spécialistes des relations internationales qualifient désormais le système international de société de l'information au vu de la place de plus en plus prépondérante qu'elle occupe dans la structuration des relations internationales à l'ère du tout numérique. L'hyper interconnexion des sociétés reconfigure le mode de circulation de l'information en impactant sur la production des politiques publiques, mais principalement sur la sécurité à travers le maintien de l'ordre public, l'endiguement des conflits, la préservation de l'intégrité territoriale et la lutte contre le terrorisme. L'information constitue aujourd'hui le point de départ de ces phénomènes conflictuels. Avec les troubles qui traversent les Etats d'Afrique Centrale, il est nécessaire qu'ils investissent la couche sémantique du cyberespace à travers le contrôle de l'information comme mesure de sécurité (A) et la contre-information comme réponse aux tentatives de déstabilisation de l'Etat.

A. Le contrôle de l'information comme mesure de sécurité

La production de l'information a toujours constitué un élément de sécurité nationale pour les Etats. Le façonnage de l'information par l'Etat participe à construire les schémas de pensée et d'action des populations. A l'ère du numérique la domination de la sphère informationnelle par l'Etat est contestée par l'émergence de nouveaux acteurs qui décentrent les canaux de production de l'information. Les sources et les lieux de production de l'information sur internet étant difficilement contrôlables, ou ne pouvant être triés selon une sélection qualitative, le contrôle de l'information par l'Etat, se manifeste par la numérisation de ses organes de presse. On assiste à une implantation progressive des organes de production de l'information dans l'espace cybernétique dans les Etats d'Afrique Centrale. Il s'agit des médias gouvernementaux mais aussi des organes de communication des forces de défense et de sécurité.

La production de l'information dans la sphère virtuelle par l'Etat s'articule principalement autour de la numérisation des médias gouvernementaux, car la désinformation sur internet et les réseaux sociaux s'opère par « la production, la rétention ou la déformation » de l'information125(*). Ayant constaté qu'internet est devenu le principal lieu d'information des populations, les Etats de la CEEAC ont procédés à la numérisation de leurs organes de presse. En les adaptant aux exigences des usagers d'internet à savoir l'interactivité, l'attractivité, l'instantanéité de l'information. Pour mesurer l'impact de la production de l'information en ligne, on remarque que les médias publics ont créés des chaines de diffusion en ligne, le cas de CRTV Web au Cameroun, Télé Congo Web au Congo, Gabon Télévision Web au Gabon126(*). Il s'agit principalement de l'accessibilité de la chaine de télévision nationale à travers internet, du journal de la presse écrite. Le but ici étant de prolonger la sphère d'influence étatique à un public livré à un flux exponentiel de contre-informations sur l'Etat. Le rapport de causalité entre l'absence des médias gouvernementaux et l'adhésion de populations aux discours séditieux n'est pas clairement établi, mais la présence des organes de presses publics sur internet et les réseaux sociaux constitue des sources de vérification de l'information à la disposition des usagers dès lors que l'authenticité d'une information est mise en doute. Internet libère les contestataires des contraintes imposées par le cadre territorial et par les supports traditionnels de la communication, dès lors la production de l'information par l'Etat dans cette sphère, relève d'une stratégie qui consiste à investir le champ d'expression favorable à l'adversaire afin de créer un contrepoids dans la circulation de l'information127(*). L'implication de l'Etat dans la production de l'information dans le cyberespace a pour but d'« exercer un contrôle sur le flux d'information »128(*). L'une des principales stratégies de l'Etat s'articule désormais autour de la contre-information comme réponse aux tentatives de déstabilisation de l'Etat.

B. La contre-information comme réponse aux tentatives de déstabilisation de l'Etat

La contre-information se matérialise dans la communication officielle du gouvernement et de l'armée en utilisant internet et les réseaux sociaux. Il s'agit de production d'un discours à même de garantir la stabilité du tissu social en réponse aux informations d'influences relayées par les mouvements contestataires à l'autorité publique. Et d'apporter des démentis sur les fausses rumeurs et informations qui circulent sur internet. Comme en témoigne la note du ministre des Postes et Télécommunications camerounais apportant un démenti sur une possible coupure d'internet sur toute l'étendue du territoire national lors de l'élection présidentielle du 07 octobre 2018129(*). Dans cet espace caractérisé par la liberté d'expression « le contre-discours est généralement préférable à la répression de la liberté de parole »130(*).

La maitrise de la couche sémantique du cyberespace constitue un enjeu majeur de la présence de l'Etat dans le cyberespace. Il s'agit d'un impératif stratégique conditionnant l'acceptation de l'action de l'Etat dans la crise car « l'espace médiatique présente une pertinence toute nouvelle quand la situation de crise se transforme en état de belligérance »131(*).  Dès lors aux rumeurs s'oppose l'information officielle de l'Etat.

C'est l'exemple récent de l'affaire de santé du président Gabonais Ali Bongo, qui victime d'un malaise avait été évacué à Riyad où il avait été hospitalisé. La rumeur de sa mort avant même son arrivée aux urgences, avait progressivement gagné du terrain sur internet, affirmant avec des hypothétiques preuves que le Président avait bel et bien rendu l'âme. Des vidéos truqués avec « d'anciennes bandes sonores », des montages photos avec Photoshop relayés sur les réseaux sociaux gabonais132(*). On constate ici l'usage de l'aspect viral des réseaux sociaux pour créer la psychose au sein des populations sur la base d'informations erronées et difficiles à remettre en doute vu le silence qui caractérisait la communication du pouvoir. Le prolongement des actes d'influence se prolongeait sur YouTube avec un individu identifié comme Isidore Aya Tonga qui affirmait la mort du Président avec certitude en enjoignant les populations à faire suivre des actions concrètes pour « récupérer le pouvoir longtemps confisqué par un clan »133(*). Dès lors des voix s'élevaient de plus en plus pour revendiquer une preuve palpable que le Président était encore en vie. C'est le prolongement sur internet de la bataille de la perception qu'on observe dans les médias classiques. Influer sur les imaginaires des populations et des usagers d'internet constitue le principal champ de bataille que l'Etat investi en se projetant dans le cyberespace. Non pas que cette présence assure un impact et une garantie d'influence sur les usagers d'internet, mais la communication étatique vient s'inscrire en contrepoids de ces nouveaux champs de production de l'information. Dans le dénouement de cette affaire l'Etat Gabonais a dû sur les mêmes réseaux sociaux publier des photos du Président rétabli affichant bonne mine aux côtés de son homologue Marocain134(*).

C'est dans ce contexte de contre influence et de contre-information qu'il faut comprendre la communication des forces de défense et de sécurité pour rassurer les populations, les sites internet de la police, de l'armée participent à renforcer la confiance entre l'armée et les populations et rendre plus compréhensible le lien armée-nation.

Face aux manoeuvres de propagandes et d'intimidation des mouvements terroristes et sécessionnistes déployés sur internet et les réseaux sociaux qui pullulent dans la sous-région Afrique Centrale. Car dans la réalité des sociétés de virtualité qui s'appuient sur les technologies d'internet et des réseaux sociaux pour communiquer, la perception et la construction sociale du conflit se font dans l'espace d'échange et d'information numérique135(*).

* 125 Jean-Baptiste JEANGENE VILMER, Alexandre ESCORCIA, Marine GUILLAUME, Janaina HERRERA, Les Manipulations de l'information : un défi pour nos démocraties, Rapport du Centre d'analyse de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) du ministère des Armées, Paris, août 2018, p 17.

* 126 www.crtv.cm pour le Cameroun, www.telecongo.cg pour le Congo, www.rtg.ga au Gabon.

* 127 Imen KHANCHEL EL MEHDI, « Gouvernance et tic : cas des pays d'Afrique », in ISEOR-RSG, n°86, 2011, pp 63-84.

* 128 Mathias VIRILLI, « couper internet : solution bien aimée pour contrôler l'information », in RFI en ligne du 21 avril 2017 http://www.rfi.fr/hebdo/20170421-reseaux-sociaux-internet-coupure-solution-controle-information, consulté le11 janvier 2019.

* 129 Note n° 336/MPT/CAB du 10 septembre 2018.

* 130Combattre les discours de haine sur internet, UNESCO, 2015, p 5.

* 131 Michel MATHIEN, « La médiatisation des relations internationales et les médias comme enjeu », in, pp 801-803.

* 132 France 24/Les observateurs, « Ali Bongo mort ? les intox des réseaux sociaux gabonais autour d'une rumeur » https://observers.france24.com/fr/20181107-intox-gabon-ali-bongo-mort-reseaux-sociaux-rumeur mis en ligne le 07 novembre 2018, consulté le 08 janvier 2019.

* 133 https://www.youtube.com/watch?v=ownwoJ6K508. Consulté le 26 décembre 2018.

* 134 https://www.lalibreville.com/media-ali.

* 135 William GRENIER-CHALIFOUX, « Radicalisation hors ligne : le rôle des réseaux sociaux dans le passage à l'acte terroriste islamiste (1990-2016) », mémoire de sciences politiques, Université du Québec à Montréal, juillet 2017, p 34.

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