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Concilier sport de haut niveau et études


par Teva FAKATAULAVELUA
Université de Lorraine - Master 2022
  

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UFR Lettres - Sciences Humaines et Sociales Département de Sociologie - Nancy

M2 PRIS 2022-2023

Concilier sport de haut niveau et études

Enquête sur les étudiants sportifs de haut niveau de l'Université de

Lorraine

Mémoire de Master 2 de Sociologie

Teva FAKATAULAVELUA

Mémoire rédigé sous la direction de Mme. Elsa MARTIN, Maîtresse de
conférences à l'Université de Lorraine à Nancy et membre du Laboratoire
Lorrain de Sciences Sociales.

2

Remerciements :

Je souhaite remercier, en premier lieu, ma directrice de mémoire Elsa Martin, qui m'a accompagné tout au long de ce travail. Merci de l'investissement, de l'enthousiasme et du soutien durant ce travail de mémoire.

Je tiens également à remercier les autres professeurs du département pour leurs conseils et leur dévouement. Grâce à eux, j'ai pu acquérir des connaissances méthodologiques, théoriques et des compétences pratiques, je suis reconnaissant pour l'aide qui a été apporté.

Je souhaite aussi remercier ma famille pour m'avoir aidé et soutenu tout au long de l'année. Je tiens à les remercier pour ce soutien inconditionnel.

Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à mes camarades de promotion, en particulier Irsam ABDOURAHAMANE, Lara PARISOT et Sambarou KANDE. Leur présence à mes côtés fut une expérience importante et enrichissante.

Je remercie les étudiants sportifs de haut niveau qui m'ont permis de réaliser cette étude en collaborant à cette recherche. Sans la collaboration de mes informateurs, ce travail n'aurait jamais pu voir le jour. Un grand merci à eux.

3

Table des matières :

Remerciements .2

Table des matières 3

INTRODUCTION .4

Chapitre I - Questionnement sociologique et présentation de l'étude 8

Partie I - Question de départ, problématisation du sujet 8

12

- Hypothèses de recherche

Partie II - Méthodologie, terrain, explication 14

.14

- 1. La méthodologie et terrain d'enquête

21

- 2. L'explication de la méthodologie d'analyse

Chapitre II - Analyse et résultats .....24

Partie I - Devenir et être sportif de haut niveau 24

24

- 1. Les vecteurs premiers de la mise en pratique du sport : un entourage décisif

- 2. Un statut particulier qui permet des ressources et des financements souvent avantageux...31

.35

- 3. Des opportunités d'encadrement et de soutien variables entre ESHN

42

- 4. Une planification et une organisation quasi militaire : une discipline de fer ?

Partie II - Concilier le sport et les études : une priorité donnée aux études ? ..48

48

- 1. Réussir dans les études pour s'épanouir dans le sport

- 2. Mais des sports plus fortement rémunérateurs : entre passion et opportunité financière 54

.56

- 3. Des perspectives professionnelles en lien avec le sport

Partie III - Un soutien inégal des pairs pour les ESHN 61

61

- 1. Dans le champ sportif, des acteurs multiples qui n'exercent pas la même influence

.71

- 2. Dans le champ universitaire, des enseignants et des camarades conciliants ?

Partie IV - La reconnaissance peu valorisée des ESHN ? 81

.81

- 1. A l'université, des étudiants sportifs de haut niveau peu valorisés

85

- 2. ... mais source de fierté dans le cercle familial

88

- 3. La médiatisation de leur pratique : entre critiques et éloges

Discussion .94

CONCLUSION 97

Bibliographie ..100

Annexe ...107

4

INTRODUCTION

Depuis la fin du 19ème siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale, le sport a évolué dans le contexte particulier, des valeurs aristocratiques et bourgeoises. Les autorités ont progressivement commencé à encadrer et à former l'élite française dans ce domaine (Fleuriel, 2013). C'est seulement à partir du début 20ème siècle que de jeunes gens vont volontairement se tourner vers une pratique sportive de haut niveau au détriment parfois des études (Hébert, 1927). Georges Hébert critiquait ces « jeunes lycéens prêts à abandonner complètement leurs études pour la vaine gloire d'être acceptés dans les compétitions futures, sacrifiant ainsi leur avenir » (Hébert, 1927). C'est une préoccupation croissante qui alimente les débats publics concernant l'incompatibilité entre le temps dédié au sport et la poursuite des études (Hébert, 1927).

Selon Isabelle Queval (2004), le sport de haut niveau est caractérisé par le dépassement de soi, une notion spécifique aux 20ème et 21ème siècle. Très médiatisé dans certaines disciplines, le sport de haut niveau est également un important moteur économique, produisant des athlètes qui se distinguent par leurs performances sportives, il est guidé par le désir de « faire toujours mieux, en allant au bout de soi » (Queval, 2004). Le sport de haut niveau soulève des questions sur la définition de l'excellence physique. Il soulève également des interrogations sur les capacités et les limites des athlètes. Comme le note Pascal Duret (2012), la société attend des sportifs qu'ils battent des records, ce qui suppose une vision d'un progrès illimité des performances. Pour atteindre ces objectifs, les athlètes sont prêts à s'entraîner intensivement pendant des jours, des mois et des années. Ainsi, la plupart des sportifs de haut niveau sont prêts à endurer la douleur associée à de tels entraînements intenses. Par ailleurs, que ce soit à l'école ou dans les publicités par le biais du sport, les individus sont encouragés à dépasser leurs limites (Duret, 2012). Le contexte social élargi dans lequel évoluent les sportifs de haut niveau a également évolué au cours des dernières décennies. L'accroissement de la commercialisation et de la médiatisation du sport a engendré de nouvelles pressions et opportunités pour ces athlètes d'élite (Andrews, 2001). C'est depuis les années 1970 que la sociologie du sport a pris de plus en plus d'importance, permettant d'examiner en profondeur l'environnement des sportifs de haut niveau (Dunning, 1999). De plus, des problématiques telles que la santé mentale et le bien-être général des sportifs sont devenues de plus en plus prégnantes dans le cadre du sport de haut niveau (Smith, 2019).

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Bien que le sport de haut niveau soit remis en question par d'autres formes de pratique sportive, il reste un puissant exemple de la poursuite du dépassement de soi. Dans une étude réalisée par Jean-Michel Faure sur le ski de haut niveau, il a constaté que neuf skieurs sur dix privilégiaient le sport aux études au milieu des années 1970, et ce, indépendamment des différentes formes d'éducation proposées par les autorités fédérales, y compris les cours par correspondance, le tutorat individuel, et les programmes de ski-études (cité par Papin, Viaud, 2018).

A la fin du 20ème siècle, l'appareil administratif français a créé le statut du sportif de haut niveau. Ce statut pose la problématique de l'inscription de l'éducation des athlètes dans les priorités politiques (Fleuriel, 2004). De ce fait, la question de l'équilibre entre le sport et les études commence à se poser ; En effet, le contexte sociopolitique peut également influencer l'expérience des sportifs de haut niveau. Les politiques aux niveaux national et international, les tensions géopolitiques, ainsi que les questions d'équité et de justice sociale peuvent toutes avoir un impact sur la carrière et l'expérience vécue par ces athlètes (Houlihan, 2005)

L'articulation des pratiques sportives aux études.

Adapté librement de la contribution de Jean Paul Callède, « Thème 1 : Le sport des étudiants. Quelques perspectives concernant la France » dans « Le sport, l'université, l'Europe », 1993, La Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, Pessac.

L'établissement des campus universitaires et l'augmentation du nombre d'étudiants ont transformé la vie étudiante dans les années 1970. Il est important de souligner que les programmes de sport-études ont commencé à prendre forme dès 1974, illustrant une volonté de ne pas séparer l'éducation du sport. Ce problème a été mis sur l'agenda politique et a été intégré dans la réglementation à plusieurs reprises. Par exemple, la loi du 16 juillet 1984 définit le cadre général des relations entre les athlètes de haut niveau et leur environnement dans la charte des sports. Cette loi stipule que l'objectif est de faciliter l'élaboration d'un projet de formation pour l'insertion professionnelle des athlètes et de soutenir leur réussite sportive. Dans la même veine, la circulaire du 1er août 2006 et les textes législatifs précisent les conditions pour l'adaptation de la scolarité dans les établissements secondaires et supérieurs. De plus, la réforme Pécresse de 2008 a favorisé la promotion du sport à l'université. Cette réforme a une double ambition : encourager les étudiants à faire plus de sport et valoriser les compétitions universitaires.

Le sport de haut niveau renvoie à une exigence toute spécifique, comme l'indique la définition de l'INSEE. « Le sport de haut niveau est reconnu par le code du sport et par la charte du sport de haut niveau (fondée sur les principes déontologiques du sport). Il repose sur des critères bien

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établis qui sont : la reconnaissance de haut niveau des disciplines sportives ; les compétitions ; la liste des sportifs de haut niveau ; les filières d'accès au sport de haut niveau. ». Ces athlètes doivent avoir au moins 12 ans au moment de l'inscription sur les listes. Ils doivent figurer dans la liste des athlètes sélectionnés en équipe de France. Il est donné l'exemple du joueur qui joue au PSG ou à l'OM, s'il n'est pas en équipe de France, il n'est pas considéré comme sportif de haut niveau.

En outre, pour être considéré comme étudiant sportif de haut niveau à l'Université de Lorraine, le sportif doit figurer sur des listes ministérielles des sportifs de haut niveau pour l'année en cours. Il peut soit appartenir aux Projets de Performance Fédéraux (PPF), soit être dans un centre de formation d'un club professionnel ou encore satisfaire à certaine performance sportive, selon le site officiel des ESHN (Etudiants Sportifs de Haut Niveau), de l'Université de Lorraine. Ces étudiants ont aussi la possibilité d'avoir des coordonnateurs de dispositif, qui seront des interlocuteurs privilégiés mise à leur disposition : ils renseignent sur l'obtention du statut d'ESHN, ils jouent le rôle de médiateur et sont en mesure de répondre à toute demande.

Le sport peut être combiné avec d'autres activités comme le travail ou les études, mais la question est de savoir comment les pratiquants peuvent gérer ces deux aspects simultanément. Ce mémoire vise à explorer l'expérience des sportifs de haut niveau à travers le spectre de la sociologie, en s'appuyant sur une variété de données empiriques et en se prêtant à une critique constructive des théories sociologiques existantes.

Par ailleurs, les conclusions de la Cour des Comptes (2013), ainsi que celles du rapport Karaquillo (2015), mettent en exergue les défis rencontrés par les athlètes de haut niveau pour réussir dans les études supérieures (Papin, Viaud, 2018). Une enquête menée par Sophie Javerlhiac (2014) confirme la difficulté à concilier la réussite et sport de haut niveau, évoquant « l'assujettissement de l'athlète au projet sportif exclusif » (Papin, Viaud, 2018). Ces constats attestent d'une apparente fatalité de l'échec scolaire parmi les sportifs de haut niveau. En effet, ces sportifs consacrent leur vie à l'excellence dans leur discipline, subissant constamment une pression intense pour atteindre la perfection tout en faisant face à des défis sociologiques uniques (Hughes et Coakley, 1991).

D'après Bourdieu, le sport est un phénomène socioculturel qui reflète et renforce même les structures et inégalités existantes au sein de la société (Bourdieu, 1978). Les sportifs de haut niveau évoluent dans un contexte spécifique, caractérisé par des exigences de performance extrêmement élevées et des attentes sociétales considérables. Cet environnement unique exerce

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une influence profonde sur la vie de ces athlètes, leurs expériences et leurs perspectives (Hughes et Coakley, 1991). Cette perspective prend une importance particulière lorsqu'il s'agit des sportifs de haut niveau, car leur parcours sportif est intrinsèquement lié aux plus grandes structures socio-économiques (Houlihan et Green, 2008). L'analyse sociologique offre une vision alternative et complémentaire, permettant de comprendre comment les athlètes interagissent avec leur environnement social et comment cela influence leur parcours sportif (Giulianotti, 2004).

Au regard de ces éléments, nous proposons de nous demander si le sport de haut niveau peut se concilier avec les études : comment les étudiants sportifs de haut niveau à l'Université de Lorraine arrivent à concilier leur sport et les études ?

8

Chapitre 1 - Questionnement sociologique et présentation de l'étude Partie I - Question de départ, problématisation du sujet

A partir de cette question de départ nous pouvons en effet nous demander comment les étudiants devenus sportifs de haut niveau, deviennent dans un même temps des étudiants. Comment ces deux aspects sont-ils conciliés par les individus concernés par cette désignation ? En nous intéressant à leur devenir d'étudiants et de sportifs, cela nous amène à étudier de plus près la notion de carrière et de trajectoire. En particulier, les sociologues interactionnistes tels que Howard Becker ou Ervin Goffman analysent la carrière au sens professionnel, ils analysent aussi les étudiants, les chômeurs, les déviants peuvent aussi avoir une carrière d'après leur vision. L'analyse de la carrière se focalise sur la manière dont les acteurs anticipent les changements, comment ils affrontent les difficultés, et comment ils interprètent leurs échecs ou réussites. En particulier, Ervin Goffman a développé un concept de la carrière morale : « c'est-à-dire au cycle des modifications qui interviennent dans la personnalité du fait de cette carrière et aux modifications du système de représentation par lesquelles l'individu prend conscience de lui-même et appréhende les autres. » (Goffman, 1968). La carrière aurait donc une influence sur la personnalité, mais aussi sur les visions du monde des individus, il parle ainsi de « cycles de modification ». Il a appliqué son concept pour les malades mentaux, de notre côté, nous allons l'appliquer pour les sportifs de haut niveau. En effet, à partir des deux temps distingués par l'auteur, nous pouvons nous intéresser d'abord aux « contingences de la carrière » : en d'autres termes, il s'agit dans notre cas d'analyser les mécanismes qui conduisent à l'entrée dans le milieu compétitif et aussi le rôle que peut tenir les parents dans cet engouement. Ensuite, nous pouvons porter une attention singulière au processus de socialisation de l'individu et mieux appréhender l'ensemble des acteurs au sein du sport qui compte pour les étudiants. Il s'agit donc de se demander si les trajectoires des sportifs de haut niveau sont linéaires ? Quels ont été les mécanismes qui ont mené ces étudiants à s'orienter vers une pratique de haut niveau ? Dans quelle mesure les parents par exemple, sont-ils moteurs ou au contraire freins de cette carrière sportive ? Comment les étudiants se projettent dans leurs études ? Comment les étudiants ont construit leur carrière de haut niveau ?

Le deuxième concept s'attache au processus de socialisation temporelle, ou autrement dit la gestion du temps. Nous nous intéressons à leur rythme de vie, c'est-à-dire temps sportif, temps scolaire ou universitaire, temps professionnel, temps de récupération, temps de loisir privé et social, etc. (Mathilde Julla-Marcy et al., 2017). Dans cette optique, il apparaît que leur temps

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objectif (l'organisation de leur emploi du temps) et leur temps subjectif (le vécu de celui-ci) ne rentrent pas toujours en coïncidence (Mathilde Julla-Marcy et al., 2017). En effet l'autrice explique : « Nous identifions à la fois une capacité générale de ces sportifs à gérer une organisation temporelle particulièrement chargée (dont ils sont souvent demandeurs), mais aussi de profondes variations d'un profil de sportif à l'autre, d'où l'idée d'une construction sociale du temps subjectif. ». A l'image des questions posées par l'auteure, nous pouvons tenter de « comprendre quels éléments ont tendance à favoriser un meilleur vécu d'un emploi du temps objectivement chargé. ». Si l'auteure est attentive à comprendre la conception des différentes temporalités de la préparation des sportifs », elle explique que la distinction entre temps de travail et temps de loisir demeure floue. Nous pouvons donc nous demander comment les temps sportifs et les temps de loisirs sont perçus ? Elle montre d'ailleurs que cette préparation s'inscrit elle-même dans un contexte institutionnel spécifique : la construction du rythme de vie de ces sportifs est alors la recherche d'un compromis entre temps collectif (et contraignant) et temps individuel (et maîtrisé). » (Mathilde Julla-Marcy et al., 2017). Au regard de cette conception du temps, nous pouvons nous demander comment ces sportifs arrivent à gérer leur temps d'étude en contrepartie de leur sport ? En effet, sur quels critères le juste-milieu est établi par ces étudiants-là ? Est-ce le temps ou les choix qui vont être prépondérant dans cette conciliation ? L'entraînement, est-il perçu comme un temps de travail ou comme un temps de loisirs ? Quels sont les mécanismes qui vont pousser les étudiants à s'orienter sur leur sport plutôt que les études, ou inversement ?

Désormais, pour le troisième concept, nous sommes amenés à parler du concept de reconnaissance sociale dans « La lutte pour la reconnaissance » établit par Axel Honneth, un philosophe allemand. Ce concept peut être défini comme « un processus d'identification où chaque membre du groupe pose un regard sur l'autre membre. Il s'agit d'un système d'interactions, d'échanges qui impliquent l'intériorisation ou l'assimilation de normes, de modèles, de valeurs à partir de sa propre histoire, de son milieu familial et de sa trajectoire personnelle et professionnelle. » (Honneth, 1992). Il faut comprendre ici que cette théorie implique que cette reconnaissance sociale dépend de notre socialisation à savoir notre éducation, nos expériences et tous ces éléments vont favoriser ou non notre identification à autrui. En s'aidant de la lecture d'Hegel, Honneth avance que la reconnaissance s'appuie sur trois espèces d'attitudes interpersonnelles : l'amour (se sentir aimée), le respect (la justice entre les membres) et l'estime (image de soi et apport vis-à-vis du groupe) (Honneth, 1992). Sans ces éléments, l'individu manquera de ressources psychologiques nécessaires à son épanouissement

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personnel au sein d'un groupe. Autrement dit, les relations sociales et les formes institutionnalisées de l'interaction sociale permettent la reconnaissance dans la construction des relations positives et maintenir des attitudes tels que la confiance en soi, le respect de soi et l'estime de soi nécessaire à l'autoréalisation individuelle. (Honneth, 1992). Dans le contexte de nos ESHN, nous pouvons avancer l'idée que l'amour correspond peut se traduire par des encouragements ou bien le soutien de la famille et de l'entourage en générale. Pour la notion de respect, il sera intéressant de voir si les ESHN sont tous traités de la même manière. Et en dernier lieu, pour l'estime, l'étude des performances des ESHN est intéressante pour avoir un oeil sur leur propre représentation.

Outre leur engagement dans le sport et les études, on peut également se poser la question relative à leurs trajectoires sont-elles susceptibles de varier selon le sport sélectionné ? Quels sont les éléments prépondérants qui vont intervenir à cette conciliation et quels sont les arguments qui participent à privilégier l'un ou l'autre ? Certains auteurs ont abordé par exemple le caractère plus ou moins rémunérateur de certains sports comme pouvant contribuer à un engagement variable dans la carrière sportive (Papin, Viaud, 2018).

Par ailleurs, nous pouvons aussi nous demander quelles sont les difficultés qu'ils rencontrent dans la pratique des études et du sport ? L'entourage participe -t-il d'une façon ou une autre au soutien de la réalisation de cette double activité ? Par ailleurs, en s'appuyant sur les travaux sociologiques qui mettent en avant les dispositions sociales des individus dans la réalisation d'une ou plusieurs activités (culturelles, éducatives, etc) à l'image des travaux de Bourdieu, est-ce que l'origine sociale va influer sur le parcours de ces étudiants ? A cet égard, nous pourrions nous intéresser à d'autres caractéristiques sociales telles quel le genre : quelles différences pouvons-nous tirer entre les sportives et les sportifs de haut niveau ? En posant ces questions, il s'agit de comprendre tant la manière dont les sportifs de haut niveau sont entrés dans cette catégorisation et nous chercherons aussi à comprendre la manière dont ils envisagent les perspectives d'avenir et se projettent dans le futur ?

Ainsi, au regard de ces lectures et de ces réflexions, nous aboutissons à la problématique suivante : comment la carrière des étudiants sportifs de haut niveau se met-elle en place et comment celle-ci est perçue par les étudiants eux-mêmes ? Il s'agira donc de comprendre comment la conciliation entre étude et sport se réalise et comment les étudiants se projettent. Quelles influences exercent les agents sportifs, familiaux, amicaux, médiatiques sur l'étudiant sportif de haut niveau ? Il s'agira d'étudier plus en profondeur le rôle de l'entourage sur le sportif de haut niveau, quels sont leurs apports dans cette conciliation. Quels sont les facteurs

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qui incitent les ESHN à prioriser le sport ou les études dans la conciliation ? Pour cela, nous étudierons de plus près l'environnement social de l'étudiant sportif.

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Hypothèses de recherche

Nous sommes désormais en mesure d'énoncer les hypothèses qui sont en relation avec le sport et les études.

Grâce à nos lectures, l'hypothèse générale que nous pouvons émettre vis-à-vis de notre sujet est la suivante : les sportifs de haut niveau sont amenés à faire des choix pour réaliser au mieux leur sport et leurs études, c'est l'idée de sacrifier un élément pour un autre. Lors de leurs cursus scolaires, ils seront amenés à prioriser plutôt le sport ou plutôt les études ou bien trouver un équilibre entre les deux : ils ont l'option de prolonger une année universitaire sur deux ans afin d'atteindre un objectif sportif immédiat, ou de réduire leurs aspirations sportives sur une durée déterminée pour privilégier leur projet éducatif (Papin, Viaud, 2018). En effet, au-delà du temps, ces étudiants doivent réaliser des choix, mettre en place des stratégies, des tactiques afin d'accomplir au mieux leurs ambitions. Néanmoins, nous faisons l'hypothèse que cette hiérarchisation des tâches (scolaires versus sportives) est variable selon les moments, l'emploi du temps et les périodes de l'année.

La première hypothèse consiste à affirmer que ces étudiants sportifs de haut niveau s'attachent à mettre en avant le manque de temps et la fatigue dans la conciliation entre le sport et les études (Stambulova, 2014 ; Piffaretti 2006). En effet, le double projet représente un défi pour ces individus, ils doivent jongler avec des horaires chargés et trouver un équilibre adapté. (Stambulova, 2014 ; Piffaretti 2006). Même confrontés à la grande difficulté de gérer ces deux responsabilités simultanément et subissant souvent une fatigue intense, ils persistent à suivre ce double chemin. (Mathilde Julla-Marcy et al., 2017). La fatigue et le manque de temps devraient donc constituer les obstacles principaux auxquels les étudiants doivent s'opposer. En effet, la panique temporelle est une forme d'angoisse dans la gestion du temps (Mathilde Julla-Marcy et al., 2017). D'après la publication de Debois et al. (2015), la difficulté à investir les deux activités et le manque de temps devrait être intensifié lors de grandes compétitions.

La deuxième hypothèse établie s'attache aux imprévus ou aléas sportifs probables chez nos étudiants sportifs comme par exemple le surentraînement, les blessures, un déclassement, un changement de club ou encore un déménagement : la baisse de motivation pourrait être observée pendant ces périodes dites d'imprévus. « En outre, cela dégage l'athlète d'une certaine pression : si celui-ci n'a que son projet sportif à mener, il peut rapidement se trouver démuni et subir une forte perte d'identité, en cas de blessure par exemple » (Delalandre et Demeslay, 2015).

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La troisième hypothèse se concentrera sur les influences de l'origine sociale ainsi que les pairs et le projet élaboré. Nous partons du principe que le choix du sport et les études qui ont été sélectionnés par ces étudiants sportifs de haut niveau dépendent de l'origine sociale et de l'influence des pairs, les vocations et la construction du projet de vie des étudiants sont inséparables de ces influences sociales. L'entrée et le maintien dans l'univers sportif sont influencés par l'entourage, c'est-à-dire les parents, les pairs, les entraîneurs, les attentes culturelles, les établissements et les médias (Moret, 2017 ; Pifaretti, 2006 ; Debois et al., 2015). Par exemple, « l'attirance des jeunes hommes issus des fractions populaires pour le football (Bertrand, 2011 ; Rasera, 2016) ou le cyclisme (Lefèvre, 2007), deux pratiques sportives qui autorisent des projections vers des carrières « professionnelles », plaident également dans le sens d'un ethos populaire propice à faire du sport un projet exclusif. » (Papin, Viaud, 2018). En outre dans le milieu de l'athlétisme, les parents issus de classes populaires préfèrent mettre en avant le sport devant les études par un effet de méconnaissance et chez les parents de classe favorisées, la conciliation entre le sport et les études est perçue comme une concurrence (Papin, Viaud, 2018). En effet, les choix entre les filières ou les vocations devraient donc être liés à ces influences.

Enfin, la dernière hypothèse concerne les étudiants qui privilégient le sport aux études car les gains potentiels dans le monde professionnel sont importants dans certains sports. Nous pourrions donc nous attendre à ce que, par exemple, les étudiants participants issus du football ou du basketball se projettent davantage dans un futur professionnel sportif alors que les autres étudiants choisissent ou sont forcés de poursuivre une double carrière du fait que certains sports sont moins rémunérateurs (Stambulova, Ryba, 2013). En effet, nous pensons que dans les sports professionnels les plus rémunérateurs tels que le football, invitera les étudiants sportifs de haut niveau à privilégier le sport aux études.

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