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Alternance codique swahili/français dans le journal swahil et débats politiques radiodiffusés à  la radio le messager du peuple à  Uvira (juillet 2023). Contribution à  une étude sociolinguistique appliquée aux médias.


par Antoine AKILI Kirongomera
Institut Supérieur Pédagogique d'Uvira (ISP-UVIRA) - Licence 2023
  

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République Démocratique du Congo

MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE

INSTITUT SUPERIEUR PEDAGOGIQUE

ISP-UVIRA

B.P:2316 Bujumbura/Burundi E- mail: .ispuvira@g-mail.com

SECTION DE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DE FRANÇAIS-LANGUES AFRICAINES

ALTERNANCE CODIQUE SWAHILI/FRANÇAIS DANS LES
INTERVENTIONS AU JOURNAL SWAHILI ET DEBATS POLITIQUES
RADIODIFFUSES A LA RADIO LE MESSAGER DU PEUPLE A UVIRA
(JUILLET 2023)

Contribution à une étude sociolinguistique appliquée aux médias.

0703-2023 AU 8-04-2023

Par Antoine AKILI KIRONGOMERA

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention

du Diplôme de licence en pédagogie appliquée

Option : Français

Directeur : ALUMA KABIKA JEAN YVES

Professeur Associé

Co-directeur : KIJINDIRE TUNDWA ARTHUR Chef de Travaux

ANNEE ACADEMIQUE 2022-2023

1

EPIGRAPHE

« Le pas le plus difficile dans l'étude du langage est le premier » (Leonard Bloomfield)

« Pour ceux qui étudient la langue ainsi qu'il faut l'étudier, c'est-à-dire comme les géologues étudient la terre E...] » (Victor Hugo)

2

A Christelle TULIZO SADA, mon épouse et à nos futurs enfants. Je dédie ce travail.

3

IN MEMORIUM

A notre feue maman DORCAS TABITHA morte le 4-11-2017, que la terre des ancêtres te soit toujours douce.

4

REMERCIEMENTS

Nous exprimons notre sincère gratitude :

Au professeur Associé ALUMA KABIKA JEAN YVES et le Chef de Travaux KIJINDIRE TUNDWA ARTHUR pour avoir sacrifié leur sommeil, occupations et loisirs en vue de l'aboutissement heureux du présent travail. Leurs conseils et corrections ont donné la forme et le fond acceptable au présent travail.

A tous les enseignants de l'ISP-UVIRA, et particulièrement à ceux qui enseignent au département de français pour leur bravoure qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui ; nous ne nous sentirons pas satisfait si nous ne citons pas le C.T MAVUDIKO BASHOMBERWA François pour s'être disponibilisé en nous servant des ouvrages pour notre recherche. Le C.T. NAMUNE MUGANGUZI Joël pour ses multiples conseils et encouragements de depuis longtemps mérite d'être cité également.

A notre père MAGOTE KIRONGOMERA Ezéchiel pour sa décision. Il sait pourquoi. A mon oncle et ami intime Paul MAGOTE KIRONGOMERA, qui lors de sa soutenance m'avait poussé d'étudier.

Je ne peux pas clore cette page sans citer mes camarades de promotion pour plusieurs raisons qui ne peuvent pas contenir cette page : BYAMUNGU SHAMAMBA, HURUMA RUSAKANA, OMBENI MAURIDI, BUTOTO MANENGA, TEACHER MERCI MAENDELEO, KALUMBI ALIMASI, NGALO MUPENDA, KAZEGE ESPOIR ...

Aux camarades TIMBA MUGOZI, LUSHULI BYAMUNGU et AMANI KASALI pour leur soutien. Aux uns et aux autres, nous demandons de recevoir l'expression de ma profonde gratitude.

Antoine AKILI KIRONGOMERA

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SIGLES ET ABREVIATIONS

AL-RDC : Atlas Linguistique de la République Démocratique du Congo

AIA : Alphabet International Africain

AFDL ; Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération

ASBL : Association Sans But Lucratif

FBI : Bureau Fédéral d'Investigation (en français)

FCC : Fronc commun pour le Congo

ISP : Institut Supérieur Pédagogique

RMP : Radio le Messager du Peuple

RCM : Radio Communautaire Mitumba

RTNC : Radio Télévision Nationale Congolaise

O.N.G : Organisation Non Gouvernementale

Op.cit. : Ouvrage cité

TFC : Travail de Fin de Cycle

L1. Première langue apprise

L2. Deuxième langue apprise

p.e. Par exemple

PUF : Presse Universitaire Française

PPRD : Parti Politique pour la Reconstruction et la Démocratie

UDPS : Unions des Démocrates pour le Progrès Social

NSCC : Nouvelle Société Civile Congolaise

e.a./ et ali : et les autres

C.f : Se referer à

TN : Thème Nominal

PN : Préfixe Nominal

PV : Préfixe Verbal

CORDAID: Catholic Orgnisation for Relief and Development Aid, en Anglais

MIJAS : Mission de Jacobins Sages

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0. INTRODUCTION GENRALE

O.1. Nature, intérêt et choix du sujet

Notre étude cadre avec l'analyse conversationnelle des interventions radiodiffusées.

Ces interventions radiodiffusées en général et en particulier celles se rapportant au journal swahili et aux débats politiques paraissent comme des touts conflictuels et hétéroclites à cause de mélange des langues qui les caractérisent. De même que l'influence de l'anglicisme envahit la langue française, de même le contact du français avec les langues africaines a eu des impacts sur les pratiques linguistiques dans toutes les sphères des activités sociales. C'est ainsi que les parlers des intervenants aux émissions radiodiffusées n'ont pas échappé au phénomène de métissage langagier ; celles-ci comme lieu où se confondent le français et les langues congolaises.

Très souvent les approches thématique, stylistique, sémantique et socioculturelles sont envisagées pour comprendre les conversations. La sociolinguistique est une approche moins exploitée alors qu'elle présente beaucoup d'avantages. En effet, étant une pratique d'élucidation et d'interprétation des énoncés effectivement produits par des locuteurs réels dans des situations concrètes de la vie, la sociolinguistique peut aider à comprendre les différents aspects du métissage langagier dans les interventions radiodiffusées et leur lien avec les structures sociales des auditeurs. De ce fait, elle s'accorde un intérêt particulier à l'étude de l'alternance codique, objet de cette recherche.

De par sa nature, la sociolinguistique ne s'enferme pas dans l'homogénéisation d'une variété dite standard, elle prend par contre les variétés qu'elle en liaison avec la variation des situations des locuteurs. En étudiant les alternances codiques swahili/français dans les interventions au journal swahili et débats politiques radiodiffusées à la RMP, nous voulons combler le vide du manque d'études en sociolinguistique appliquée aux médias.

Cette recherche aura l'estime de comprendre les raisons et les mobiles qui président au choix des codes dans les émissions radiodiffusées.

Pour ce qui concerne le choix de notre sujet, nous partons du postulat selon lequel les médias sont des industries de langues.

En ce qui concerne ce travail, des auditeurs finissent par imiter la façon dont parlent les intervenants. Pour nous, la Radio constitue la véritable industrie linguistique en ce sens qu'elle contribue à l'évolution de langue vu que la langue est un mystère qui n'existe que dans les sujets parlants.

Ferdinand de Saussure a reconnu que c'est la parole qui fait évoluer la langue. Ce sont les impressions reçues en entendant les autres qui modifient nos habitudes linguistiques.

0.2. Etat de la question et problématique

Résultant des faits de contact de langues, l'alternance codique n'a fait l'objet d'aucune étude à l'ISP-Uvira mais à l'ISP-Bukavu nous avons répertorié plusieurs travaux dans différentes approches linguistiques et sociolinguistiques.

Deux travaux sur l'alternance codique nous ont fort inspirés. Il s'agit des mémoires de :

7

John LUSHULI BYAMUNGU, (2016) intitulé « L'alternance codique lingala/français dans quelques albums de Koffi Olomide (1990-2015). Dans ce travail, l'auteur s'est appesanti sur huit albums des chansons à caractère bilingue ou multilingue où il a montré par quelle alchimie l'artiste musicien Koffi Olomide parvenait à allier dans un même discours, deux langues en dépit de leur différence manifeste. Après ses analyses, l'auteur a confirmé l'hypothèse selon laquelle, Koffi Olomide recoure à deux types d'alternances : des alternances interphrastiques et des alternances extraphrastiques. Ce recours à l'alternance extraphrastique s'explique par le souci de Koffi Olomide de rendre la sagesse des anciens qui constitue l'argument d'autorité par excellence dans leur forme originale.

Quant au second mémoire de PALUKU Mwira wa Vangi (1990) intitulé « A study of code switching et ISP/Bukavu ». Dans ce travail, l'auteur a montré pourquoi les étudiants de l'ISP/Bukavu recourent à l'alternance codique pendant leurs échanges. Après ses analyses, l'auteur a confirmé l'hypothèse selon laquelle, le recours à l'usage alterné des codes est fonction du degré d'intimité entre interlocuteurs.

Toutefois, le mémoire d'Olivier BYAMUNGU FATAKI, (2014) intitulé « Enseignement du français en situation du bilinguisme franco-Kifuliiru. Cas des élèves de 5ème et 6ème années de l'Institut Taraja à Kiliba » souligne quelques paragraphes sur le métissage linguistique français/fuliiru des élèves de Taraja.

Citons les deux recherches en sociolinguistique à l'ISP-Uvira :

LWAKIHUGO SHANDE Lin Holm, (2018) intitulé « Analyse sociolinguistique de quelques enseignes inscrites sur les automobiles de la Cité d'Uvira » (Mémoire).

LWABOSHI KUNGUTA John, (2012) intitulé « Le multilinguisme dans les marchés de la Cité d'Uvira : Etude socio-linguistique » (TFC).

Après plusieurs auditions des émissions radiodiffusées, nous nous sommes étonné de voir dans une émission swahili le recours aux métissages linguistiques swahili/français ou français/swahili et par les journalistes et par les intervenants voire les co-débatteurs. Ce constat de la transformation du kiswahili a suscité en nous cette curiosité que vous allez découvrir en lisant ce travail.

En fait, le choix des langues dans les interventions radiodiffusées fonctionnant comme stratégies communicatives, les choix linguistiques ou langagiers dans un contexte d'hétérogénéité ethnolinguistique comme celui de la République Démocratique du Congo (RDC), correspondent à des stratégies de communications. Les personnes qui parlent, parlent dans l'intention d'accomplir des actes. En d'autres termes les langues sont ce qu'en font les communautés qui les emploient. Paraphrasons-nous Pierre Bourdieu dans son article sur L'économie des échanges linguistiques : « La langue vaut ce que valent ceux qui la parlent. »

La RDC a un paysage linguistique divers, on y dénombre plus de 250 langues, parmi lesquelles quatre langues nationales dont le kiswahili devenu prédominant dans la partie Est après son adoption comme langue de l'armée lors de l'AFDL et des guerres dites de « Libérations ».

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A côté du Kiswahili, langue nationale, sont venues se greffer des langues d'importance coloniale, à savoir le français et l'anglais. C'est ainsi que les interventions radiodiffusées en général et en particulier celles de la Radio le Messager du Peuple sont marquées par la diversité linguistique.

Tout en se fixant comme objectif d'examiner comment le plurilinguisme se déploie dans les interventions radiodiffusées et d'étudier les mobiles qui président au choix du français, notre problématique se résume en questionnement suivant1 :

- Quels sont les moments importants qui favorisent le choix d'alternance codique ?

- Pourquoi les discours swahili produit par les intervenants au journal swahili et aux débats politiques sont-ils ornés d'expression en français ?

- Quelle fonction en terme d'intentionnalité, de but et donc de stratégies remplissent l'alternance linguistique des interventions radiodiffusées ?

- Quels usages et quelle distribution les intervenants à la Radio font-ils des langues dans leurs interventions ?

0.3. Object et Objectifs du travail

0.3.1. Object

En jetant notre dévolu sur l'étude de l'alternance codique dans les interventions au journal swahili et aux débats politiques radiodiffusés à la RMP, nous voulons examiner les types d'alternance codique qui sont convoqués dans le journal swahili du 20,22, 24, 26 juillet 2023 et dans les débats politiques du 23 et 30 juillet 2023. C'est-à-dire dans quatre émissions journal swahili et 2 débats politiques ainsi que les différentes stratégies discursives du choix des langues dans les interventions.

0.3.2. Objectif global

Il nous sera question de fournir une explication permettant de rendre intelligible tous les faits linguistiques voire sociolinguistiques de notre corpus.

0.3.3. Objectifs spécifiques

Nos objectifs spécifiques sont :

? Circonscrire la notion d'alternance codique et tous les termes qui lui sont parents : bilinguisme, prulinguisme et multilinguisme ;

? Déterminer les types d'alternances qui sont utilisés dans les six (6) interventions radiodiffusées à la RMP ;

? Déterminer les fonctions sociales ou communicatives de l'alternance codiques ;

? Déterminer les motifs et les raisons des choix des langues dans les interventions radiodiffusées

à la RMP.

0.4. Hypothèse de recherche

L'hypothèse est une explication anticipée et rationnelle d'un fait-problème. Selon Anne-Sophie CONSTANT et ali, « L'hypothèse est une proposition relative à l'explication d'un phénomène, qui est admise avant d'être soumise au contrôle de l'expérience » (Op.cit. :58).

1 Nous suivons le schéma de base d'Anne-Sophie CONSTANT et d'Aldo LEVY, Réussir mémoires et thèses 4e édition, Gualino, 2012 p.51

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Suite aux questions soulevées par notre problématique, nous avons essayé d'émettre une série de réponses provisoires en nous appuyant sur les données théoriques et empiriques de l'alternance codique :

- Les intervenants feraient appel à l'alternance codique swahili/français à cause d'une faiblesse en langue swahili. C'est-à-dire que leurs interventions seraient compensées de leurs carences linguistiques par l'incursion (insertion) d'unités linguistiques françaises étant donné que l'évolution dans l'apprentissage d'une langue pourrait amener à oublier ou à abandonner le vocabulaire de la L1 en faveur de la L2. (Slotes)

- Les discours swahili produit par les intervenants au journal swahili et par les co-débatteurs seraient ornés d'expression en français parce que ces derniers voudraient se démarquer socialement par rapport aux autres communautés linguistiques ou pour montrer leur véritable identité ou par souci de prestige.

- Nous pourrions penser que l'alternance codique (swahili/français) indiquerait plutôt l'attachement des locuteurs à une sphère civilisationelle, surtout que le français reste dans notre pays « le symbole de l'identité » et de l'ouverture sur l'Europe, son utilisation viserait à intégrer ou à identifier l'individu à un certain type de société.

- Les alternances codiques constitueraient des stratégies des communications et exerceraient
donc une fonction pragmatique.

Telles sont les réponses anticipées qui vont guider notre réflexion tout au long de nos analyses.

0.5. Limites du sujet

Notre sujet se limite aux quatre émissions journal swahili du 20, 22, 24, 26 juillet 2023 et aux deux débats politiques du 23 et 30 juillet 2023 radiodiffusés à la Radio le Messager du Peuple.

Avec les contraintes d'ordre temporel et institutionnel dans lequel le présent travail sera présenté, nous n'avons pas pu envisager faire des analyses systématiques couvrant tous les aspects des interventions radiodiffusées. Nos analyses se limitent dans la perspective descriptive de la sociolinguistique et se propose d'examiner les usages, la distribution des langues ainsi qu'aux motivations pragmatiques qui président aux différents choix linguistiques relevés dans les interventions radiodiffusées.

0.6. Présentation du milieu

0.6.1. La situation sociolinguistique et médiatique de la ville d'Uvira

Il nous semble évident de situer historiquement Uvira avant de brosser sa situation sociolinguistique de pluralisme et de multilinguisme et terminer par l'aspect médiatique ainsi que les langues médiatisées dans cette ville.

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A. Situation historique

Le Territoire d'Uvira a été créé par l'Ordonnance n°21/91 du 28 février 1938, modifié par Ordonnance-loi n°67-221 du 03 mars 1967. Ce territoire fait partie de huit (8) territoires ruraux de la Province du Sud-Kivu2.

A la première subdivision administrative de l'Etat Indépendant du Congo, le 1er août 1888, le Kivu est baptisé Territoire de la Ruzizi-Kivu et fait partie du district de Stanleyfails. Le chef-lieu de ce Territoire est fixé à Uvira. En 1897, ce district est subdivisé en deux Zones, dont celle de Tanganyika, Chef-Lieu Uvira. Un arrêté royal du 7 mars 1910 subdivise le Congo en 12 districts dont, celui de Stanley Ville qui compte parmi les cinq zones, celle du Kivu. Uvira demeura jusqu'en 1926 le chef-lieu du Secteur du Tanganyika, avant de devenir à partir du 1927, celui du Territoire de Bafuliiru. Avec la réforme administrative de 1933, elle subdivise le pays en six provinces, Constermansville en devient une, subdivisée en deux districts :

- Le Kivu, Chef-lieu Constermansville (Bukavu) - Le Maniema, Chef-lieu Kasongo.

Le Kivu compte alors sept Territoire dont celui des « Bafuliiru » que le Belge, pour une prononciation plus commode, écrit et prononce « Bafuliiru ». Le chef-lieu est à Uvira. L'ordonnance de Mars 1935 accorde les noms des chefs-lieux aux territoires à la place des noms des tribus ; le Territoire devient ainsi Territoire d'Uvira3.

Selon Passy WALUMBUKA KIGOGO, le territoire d'Uvira comprend en son sein les chefferies des Bafuliiru, des Bavira et de la Plaine de la Ruzizi et trois cités dont la cité d'Uvira, la cité de Kiliba/Kagando et la cité de Sange. Administrativement, la cité d'Uvira était dirigée par un chef de cité secondé par un adjoint.4 (Uvira est devenue ville en 2013. Elle sera effective à l'installation du Maire de la ville et de son adjoint en 2019.

B. Uvira, une ville multilingue et plurilingue

Divers auteurs ont donné la distinction entre ces deux termes. (Multilinguisme et plurilinguisme). D'après Chaudenson « La diversité linguistique au sein d'un Etat serait ainsi appelée plurilinguisme tandis que la présence des mêmes langues dans plusieurs pays serait appelée multilinguisme »5.

Nous appuyant sur cette définition, nous nous rendrons compte que la RDC en général est un pays plurilingue étant donné les différentes langues qui y sont parlées. C'est dans ce même angle qu'Uvira est une ville dans laquelle ce phénomène est pratiqué. C'est une ville où l'on parle

2 TIMBA MUGOZI, (2015), Quelques enseignes sur les maisons commerciales y compris les pharmacies du quartier Mulongwe/ Territoire d'Uvira : Analyse socio linguistique, mémoire inédit ISP-Bukavu, p12

3 MAHANO, G. L'évolution administrative de la zone d'Uvira 1885-1960 In Revue Culturelle « Buguma » (cf. CASE culturelle Fuliiru/Uvira) p. 17.

4 Passy WALUMBUKA KIGOGO, (2009), Analyse d'impact qu'ont les médias de proximité sur l'éducation des jeunes en cité d'Uvira, ISDR-Uvira (mémoire online)

5 CHAUNDENSON, R. (2000), Mondialisation, la langue française a-t-elle encore un avenir ? Paris, l'Harmattan p.25

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plusieurs langues. En d'autres termes, Uvira est occupé par plusieurs communautés linguistiques, ce qui fait que les habitants soient plurilingues.

Le multilinguisme désigne exclusivement la présence de plusieurs langues dans un milieu donné indépendamment de ceux qui les parlent. Par exemple, le fait que deux langues soit présentées dans un territoire ne permet pas de savoir si les habitants connaissent l'une et l'autre ou s'ils ne connaissent que l'une d'entre elles. TIMBA M. (2015 :20).

Il sied de savoir ici que par rapport à toutes les provinces congolaises, le Sud-Kivu est plus précisément la Ville d'Uvira est parmi les villes où l'on pratique le multilinguisme, car il est difficile de savoir si réellement les habitants de cette ville s'expriment mieux dans telle ou telle autre langue. Presque tout le monde s'exprime mieux en Kifuliiru comme en kiswahili. Si pas ces deux langues, ils s'expriment mieux en ébembe comme en Kivila et en Kinyarwanda pour ceux qui vivent dans le haut-plateau. Le caractère multilingue de certaines de nos sociétés doit être admis comme un fait qui ne disparaît pas de la face de la terre quelles que soient les opinions chauvines que nous pourrions nourrir à l'égard de la place et du rôle des langues non africaines dans nos sociétés 6. Un sujet parlant est plurilingue quand il utilise à l'intérieur d'une même communauté plusieurs langues selon le type de communication (dans sa famille, dans ses relations sociales, dans ses relations avec l'administration, etc.)7.

On observe aujourd'hui dans plusieurs familles le système de multilinguisme à Uvira. Par exemple, le Mufuliiru qui n'avait que la langue maternelle parle le français, le kiswahili, l'ebembe, l'amashi et d'autres langues vernaculaires d'autres communautés. Une communauté est plurilingue lorsqu'elle utilise plusieurs langues dans divers types de communication8.

Nous ne pouvons-nous éloigner de ce que DUBOIS appelle communauté plurilingue. C'est une communauté dans laquelle on parle plusieurs langues. C'est le cas de la RDC qui, à l'échelle du continent africain occupe une place considérable parmi d'autres pays parlant plusieurs langues. Uvira est l'une de ses villes où sont parlées au moins cinq langues vernaculaires en plus du français et de l'anglais.

Le plurilinguisme est considéré comme un principe visant à accroître l'offre en langues des systèmes éducatifs (nombre d'apprenant ayant accès aux enseignements d'un certain nombre des variétés linguistiques que l'on peut étudier...). Le plurilinguisme réfère à un nombre d'apprenants qui se fixent comme but d'apprendre d'autres langues à part la langue maternelle. Parmi les moyens nécessaires pour accroître ce phénomène linguistique, DUBOIS et les autres ont cité par exemple les décideurs politiques, c'est-à-dire l'école et d'autres milieux éducatifs. Nous pouvons aussi citer les voyageurs, et les soldats étrangers : par exemple les militaires de l'ONU déployés partout au monde en général et en RDC en particulier sont à la base du plurilinguisme constaté aujourd'hui à Uvira. Mais on sait que le fait qu'un Etat soit officiellement multilingue ne garantit pas automatiquement le caractère pluriel des compétences en langues des citoyens. De même, l'offre accrue en langue des systèmes éducatifs ne conduit pas les langues. TIMBA M. (2015 :21).

6 UNESCO, (1981), Langues africaines, Paris, Unesco p.149

7 DUBOIS, J.e.a. (2007), Dictionnaire de la linguistique, Paris, Larousse, p.368

8 DUBOIS,J., (1973), Dictionnaire de linguistique, Paris, éd. Librairie Larousse p.381

12

On note le fait qu'Uvira soit multilingue, mais cela ne signifie guère que tous les Uvirois parlent plusieurs langues. C'est plutôt un phénomène qui engage une partie d'Uvirois. C'est ainsi que par exemple à Uvira, où il y a le kiswahili comme langue véhiculaire, plus de cinq langues vernaculaires ou ethniques et le français comme langue officielle ; on ajoute l'anglais qui ne jouisse d'aucun statut au pays, ceci ne signifie pas que l'hypothèse selon laquelle, tout Uvirois doit être locuteur de plusieurs langues soit confirmée. Il est vrai que qu'il peut y avoir quelques Uvirois qui peuvent avoir la compétence d'actualiser plusieurs langues mais pas tout le monde.

0.6.2. Aspect médiatique (radiodiffusique) de la ville d'Uvira

La ville d'Uvira dispose de 7 stations de radiodiffusions dont une officielle, 4 communautaires et 2 privées. Nous pouvons citer la RTNC Uvira, la Radio le Messager du Peuple (qui nous a fourni les données de notre corpus), la RNDT, RTCM, la RCUF (qui relie la Radio Top Congo), la Radio Methononia FM et la Radio Ngoma ya Uvira installée récemment. La sous-station de la RTNC prend régulièrement en relais les émissions diffusées par Kinshasa.

Toutes ces radios sont de moins en moins servies en fourniture électrique. Outre la Radio Okapi, plusieurs chaînes étrangères sont suivies à Uvira.

Localement, il n'y a qu'une seule chaîne de télévision, celle de SHAHIDI TV (une sous-branche de la Radio le Messager du Peuple), mais les images de la RTNC, Digital Congo et celles en provenance du Burundi sont captées à Uvira.

Le média audio-visuel n'est pas à la portée de tout le monde pour raison de pauvreté, d'insécurité et d'instabilité de la fourniture en courant éléctrique.

La presse écrite n'est guère abondante, on signale déjà la disparition de l'hebdomadaire LesLundi, et Uvira News Home Magazine qui ne sont plus opérationnels.

Le bulletin de l'Agence congolaise de presse éditée en français à Kinshasa parvient en territoire d'Uvira via sa représentation locale. La viabilité de ces médias est misée par un contexte économique délétère dans une région sinistrée par de conflits et la pauvreté. Hormis la RTNC, et les chaînes de CANAL+, les médias communautaires sont asphyxiés par les coûts de production élevés et diverses taxes auxquels ils sont assujettis. Ils doivent leur survie à des subventions extérieures qui permettent difficilement de couvrir de frais de fonctionnement de ce fait ne permettent pas de rentabiliser ces radios qui sont obligée de fonctionner avec un effectif réduit et peu professionnel.

A. La Radio le Messager du Peuple

La radio « le Messager du Peuple » est apparue suite aux besoins en informations exprimés par les populations de la ville d'Uvira lors de la célébration de la décennie de la MIJAS asbl. Les participants avaient soumis une recommandation de la création d'une radio communautaire à Uvira pour remédier à la crise en information au quotidien car la RTNC/Uvira, de tendance du pouvoir, ne parvenait pas à donner des informations non partisanes.

Comme le besoin en information se faisait sentir de plus en plus au sein de la population locale et qu'aucun effort n'était fourni par des organisations tant de la société civile qu'internationale en

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vue de pallier à ce problème qui était à la base de l'ignorance, l'ONG MIJAS, asbl a jugé bon de mettre en place une radio de proximité pour mieux informer le public Uvirois.

C'est dans ce contexte qu'est née la Radio le Messager du Peuple en date du 15 juin 2005 dans la Cité d'Uvira, sur avenue Kakungwe% n°4.

Cette radio communautaire émet en onde courte sur la bande FM au 88.0 Mhz, 94.4 Mhz, au 93,5 Mhz et 105.4 Mhz avec comme ligne éditoriale de combattre l'ignorance, promouvoir la culture de la non-violence, épargner la personne humaine de toute forme de la violence.

La Radio le Messager du Peuple émet à Uvira sur un rayon de 10 km2 avec des ondes rebelles sur la cité urbaine de Kiliba au Nord soit à 25 km et à Makobola à 25 km au Sud de la ville d'Uvira, Gatumba (au Burundi) à 25 km du côté de l'Est.

Eu égard de la diversité culturelle et linguistique de la ville d'Uvira ; les langues de diffusion à la RMP sont ainsi réparties : Swahili 35 %, français 50%, dialecte locale 15%. Le français dispose de 50% car il est à la fois mélangé ou superposé dans les divers communiqués et animations en swahili. La RMP émet tous les jours dès O5H00 à 22H00.

Dans ses stratégies d'intervention, la RMP sert comme un véritable messager, c'est-à-dire de servir comme courroie de transmission entre la base et le pouvoir local. Sur ce fait, la RMP donne plus la possibilité aux sans voix (paysans, démunis, victimes, ...) de s'exprimer librement dans le cadre de la promotion de la liberté d'expression.

La RMP offre les services suivants à son public :

- Animations : chaque jour, il y a un thème d'animation à produire par les différents animateurs. Les sujets sont choisis au niveau de service de production par rapport aux circonstances d'actualité dans le but de sensibiliser et d'éduquer le public.

- Les émissions : il y a trois catégories d'émissions, des émissions patronnées, des émissions propres à la radio qui sont en majorité en direct où les producteurs laissent parfois le téléphone ouvert aux auditeurs et des émissions de la communauté pour la promotion et l'échange interculturel (Bavira, Bafuliiru, Babembe, Barega, Bashi et Banyarwanda,...)

- Le journal en swahili et en français

- La musique pour apaiser les émotions surchauffées dont 40% sont de la musique à caractère éducatif, 35% de la musique ordinaire, 10% chants religieux, 5% de la musique instrumentale et le 10% des chants en langues locales.

Les musiques swahiliphones prennent le dessus suivies de celles francophones et vernaculaires.

A travers les émissions et les dédicaces, les auditeurs se sont organisés autour des radios clubs. (Un radio club peut se définir comme un groupe des personnes qui écoutent les émissions et mettent en pratique les conseils, et bonnes choses puisés dans ces émissions avec la volonté et la détermination de changer ou d'améliorer leur condition de vie.

Il s'agit donc d'écoute en commun, suivi d'un débat en vue d'amorcer des actions concrètes de développement en mettant en pratique, la trilogie (Voir-juger-agir). Il est question ici des amateurs de l'émission des dédicaces. C'est ainsi que la MIJAS, asbl a décroché un financement de CORDAID pour distribuer 4.000 petits postes radios et 8.000 piles crayons à des auditeurs dont les

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retournés de la Tanzanie, projet qui est parvenu à la mise sur pied de 9 radio-clubs dans 9 quartiers sur 14 qui constituent la ville d'Uvira.

Actuellement, 2 seulement de ces 9 radio-clubs sont actifs et organisent régulièrement des actions des travaux communautaires et de solidarité. Tous les jours de 05H. O5' à 05H.55' se passe l'émission « Amka tujenge » qui veut dire « Réveillons-nous pour la reconstruction ». A ce moment les auditeurs trouvent une occasion pour se communiquer sur la situation socio-sécuritaire, c'est aussi une occasion pour les marginalisés et les opprimés de présenter leurs problèmes.

0.6.3. Les langues des médias à Uvira

Toutes les radios de la ville d'Uvira sont à 60% swahiliphones et à 25% francophones et seulement 15% de leurs services peuvent englober toutes les langues vernaculaires actualisées dans la ville.Tous les journaux matinaux et vespéraux sont diffusés en kiswahili dit « Bora et tukufu » et en français standard. Aucun journal en langues vernaculaires. Tous les débats politiques sont diffusés en swahili même si l'alternance codique swahili/français ou français/swahili se fait écouter.La RMP n'en fait pas l'exception

6.3.1. Présentation des langues de radiodiffusion à la RMP

Comme nous l'avons évoqué précédemment, les médias d'Uvira sont à la fois bilingues, plurilingues et multilingues. Les langues de radiodiffusions à la RMP sont présentées comme suite selon leur fréquence méditative.

1. Le swahili

Le mot « swahili », vient de la racine arabe « sahil » (sahil : côte, littoral). C'est la langue des habitants de la côte orientale de l'Afrique. Le swahili (ou kiswahili) s'étend sur une aire géographique très vaste qui comprend, du Nord au Sud, toute la zone côtière située entre la ville de Brava (au Sud de Mogadiscio en Somalie) et la côte Nord du Mozambique, et rejoint vers l'intérieur des terres les lacs de la Rift Valley.

Le swahili couvre ainsi une large part de l'Afrique Orientale, et plus précisément : la Tanzanie, le Kenya, l'Ouganda, le Nord du Mozambique, le Rwanda, le Burundi, l'Est de la République Démocratique du Congo, le Nord de la Zambie et du Malawi.

Selon A. CROZON et A. POLOMACK : « on estime à 30 à 40 millions le nombre de personnes parlant swahili. Leur niveau de connaissance de la langue est cependant très variable, compte tenu de l'origine et des cultures diverses de ces populations »9.

Qu'est-ce que le swahili ?

Le swahili appartient au groupe linguistique bantou. Ce groupe comprend la majorité des langues parlées en Afrique dans la zone située entre le 5e parallèle, au Nord de l'équateur, et l'Afrique du Sud. Les langues bantoues sont caractérisées par des structures grammaticales, des formes lexicales et syntaxiques communes. Dans ces langues qui ne connaissent ni articles, ni

9 A. CROZON et alii, (1992), Parlons swahili. Langue et Culture, Paris l'Harmattan p. 11

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marque de genre féminin ou masculin, les noms sont rangés dans des classes nominales qui se distinguent les unes des autres par des préfixes. Le swahili participe à ce fonds bantou commun mais présenté la particularité d'avoir assimilé un grand nombre de mots arabes, persans, indiens, ainsi que des mots provenant de langues européennes. Les mots d'emprunt sont surtout nombreux dans les domaines de la religion du droit, et du commerce.

Ces différents apports n'ont pas influencés la structure générale de la langue, qui reste spécifiquement bantou.

D'une part, les formes nominales sont rangées en une quinzaine de classes dont les règles régissent l'accord des verbes, des adjectifs et des pronoms.

D'autre part, les verbes sont construits à partir d'une racine sur laquelle viennent se greffer toute une série de préfixes et de suffixes destinés à en préciser le sens, la forme, l'aspect ou le temps, ainsi qu'à marquer l'accord au sujet et la référence à des compléments. Diffusée sur un espace très large, la langue swahilie est multiple : elle regroupe plusieurs dialectes qui sont des variétés régionales du swahili. Le terme « swahili » est donc un terme générique pour l'ensemble de ces dialectes dont les principaux sont les suivants :

- Le bajun, parlé de la cité somalie à Lamu

- L'amu, parlé sur l'île de Lamu

- Le mvita, parlé à Mombasa et ses environs

- Le mrima, parlé sur la côte tanzanienne

- L'unguja, parlé à Zanzibar

- et le mgao, parlé dans la partie sud de la Tanzanie. A. CROZON et ali (1992:12 et 13)

Les dialectes swahilis se distinguent les uns des autres par, entre autres, des accords différents. Cependant la structure de ces dialectes reste même et leur intercompréhension est immédiate.

Exemples :

Amu unguja

Ndoo njoo : viens

En amu, « nj » devient systématiquement « nd ».

Mrima unguja

Balua barua : lettre

Mgao unguja

Chichwa kichwa : tête
A. CROZON et ali (1992:14.)

Les distinctions entre dialectes swahilis sont plus marquées sur la côte kenyane que sur la côte tanzanienne. Le mrima par exemple, parlé à Tanga, Bagamoyo et Dar esSalaam, est très proche de l'unguja parlé à Zanzibar. La langue comorienne (ngazija, maore, nzuwani et mwali, selon les îles) est apparentée au swahili. Cependant, la compréhension entre le swahili est le comorien n'est pas immédiate.

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Historique du kiswahili

L'origine géographique du swahili est, aujourd'hui encore, sujette à controverse. Néanmoins, tous s'accordent à la localiser sur la côte orientale de l'Afrique aux environs su Xe siècle. Le swahili serait le fruit d'une acculturation entre les peuples côtiers de la langue bantoue et les marchands arabes et persans établis sur les îles côtières. La côte est-africaine fut en effet très tôt en contact avec les peuples de navigateurs et de commerçants ; arabes, persans, indiens, chinois... certains, principalement les persans et les arabes, s'y sont installés durablement, créant des villes-Etats sur la côte et sur les îles proches. C'est dans ce contexte d'influences multiples qu'il faut imaginer la naissance du swahili.

Le swahili fut diffusé sur le continent par l'intermédiaire des commerçants arabes, qui, depuis la côte sillonnaient le pays. C'est principalement au XIXe siècle que le swahili pénétra l'intérieur des terres. D'une part, le développement du commerce des esclaves reliant la côte et l'intérieur des terres. D'autre part, attiré par les potentialités de la côte et surtout celles de Zanzibar, le sultan d'Oman, Sayyid Saïd, qui n'avait jusqu'alors exercé qu'une domination nominale sur les régions côtières, décida de transférer sa capitale à Zanzibar : ce fut le point de départ d'un commerce plus actif entre la côte et l'arrière-pays. Zanzibar devint la plaque tournante de ce commerce.

Zanzibar étant situé face à l'actuelle Tanzanie continentale, les routes commerciales furent plus nombreuses dans cette région qu'au Kenya. Le swahili et l'islam devaient pour ces raisons se diffuser bien plus profondément au Sud qu'au Nord. Des villes, où les caravanes faisaient halte, furent créées le long des pistes caravanières. Ilots swahiliphones et musulmans, ces villes-relais ont permis la diffusion du swahili parmi des populations jusqu'alors sans contact avec la côte. Les villes de Tabora et Ujiji en sont des exemples.

Le swahili lingua-franca

ALUMA K.J. Yves définit la lingua franca comme une langue généralement utilisée pour la communication intergroupe par de nombreux locuteurs dont ce n'est pas la langue maternelle. Il s'agit d'une langue véhiculaire qui, si elle n'est pas un pidgin, finit par devenir la langue maternelle de certains locuteurs qui peuvent former la majorité des habitants, d'un pays, ou être dominants dans une région donnée, ou encore avoir un prestige socio-économique10. La plupart des langues en Afrique servent largement et exclusivement dans la communication intre-groupe. Pour la communication intergroupe, d'autres langues sont apprises et utilisées ; la plupart d'entre elles ne se révèlent pas être rattachées à une communauté linguistique précise. C'est le cas du kiswahili (Est-RD Congo, Kenya, Tanzanie), du lingala, du monokutuba, etc. (ALUMA K.J.Yves, op. cit.)

Le swahili était la langue du négoce, un moyen de communication entre les populations de la bande côtière de l'Afrique orientale et de l'intérieur des terres. Les premiers Européens à s'y être intéressés sont les missionnaires. Ces derniers transcrirent le swahili en caractères latins. Jusqu'alors le swahili était écrit en caractères arabes (transcription appelée « ajémi »).

La colonisation allemande (1882-1914) contribua à renforcer la position de lingua-franca du swahili poursuivant une politique semblable à l' « Indirect rule » britannique au Kenya, les colonisateurs allemands recrutèrent des cadres indigènes, choisis parmi les populations côtières. Très vite le swahili s'imposa comme la langue locale la plus apte à fonctionner dans l'enseignement

10 ALUMA KABIKA JEAN Yves, (2023), Cours de sociolinguistique, ISP-Uvira, inédit p.49

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et dans l'administration locale. Pour les populations de l'intérieur, la connaissance du swahili représentait le seul moyen d'accéder et de participer, à un faible niveau hiérarchique à l'administration du pays.

Après la première Guerre mondiale, le Kenya, le Tanganyika et le Sultanat de Zanzibar furent placés sous autorité britannique. L'anglais devint alors la langue de l'élite permettant une promotion sociale, ce qui laissait au swahili un statut de langue de seconde classe.

La standardisation du swahili

Très tôt émergea le besoin de standardiser le swahili en fixant une orthographe unique, et en uniformisant ses règles grammaticales et lexicales. Il faut préciser que l'enseignement du swahili et sa standardisation, répondaient plus à des intérêts pratiques et administratifs, qu'à des considérations morales animées de la volonté de respecter une langue et les cultures africaines. Il s'agissait en effet de faciliter les communications entre le gouvernement et les populations africaines. En juin 1928, une conférence à laquelle participèrent le Kenya, le Tanganyika, l'Ouganda et Zanzibar eut lieu à Mombasa (Kenya). L'objectif de cette conférence était de sélectionner une langue qui serait la langue du système éducatif de ces territoires. Le swahili de Zanzibar fut choisi. Un comité fut chargé de promouvoir la littérature swahilie et les publications tout en surveillant leur conformité au swahili standard.

L'événement notable de cette période fut la publication d'un dictionnaire qui aujourd'hui encore sert de référence aux swahilisants : le « Standard Swahili-English dictionary » de Frederick Johnson11, premier secrétaire du comité. La swahilisation de l'ensemble du territoire était en marche.

En Tanzanie, le swahili a été promu langue nationale en 1967. Utilisé dans l'enseignement et l'administration, le swahili est aussi la langue dans laquelle s'exprime la politique. Grâce à une diffusion efficace par les médias (radio et presse), le swahili a contribué à forger une identité nationale. Pour Nyerere, premier président de la Tanzanie, le swahili a les mêmes possibilités littéraires et conceptuelles que les langues européennes. Il a d'ailleurs formulé son idéologie (l'Ujamaa ou socialisme en swahili et traduit le marchand de Venisse de Shakespeare dans cette langue.

Au Kenya, ce n'est qu'en 1974 que le swahili a été reconnu comme une des langues nationales du pays, au même titre que le kikuyu, le luo etc. Mais à la différence de la Tanzanie, le swahili reste la langue des côtiers et est peu diffusé à l'intérieur des terres, à l'exception des villes où il a gardé son rôle de langue véhiculaire. La langue officielle du pays est l'anglais. Au Rwanda et au Burundi, tout comme en Ouganda, le swahili est essentiellement la langue des commerçants et des musulmans, car dans ces pays existent d'autres langues nationales : kinyarwanda au Rwanda et kirundi au Burundi.

Parlé en République Démocratique du Congo, dans le Katanga, le Maniema, le Sud et Nord-Kivu voire le Kisangani, le swahili est l'une des quatre langues nationales de notre pays, aux côtés du lingala, du kikongo et du ciluba.

11Cité par Ariel CROZON et ali, Parlons swahili. Langue et culture, Ed. L'Harmattan, Paris, 1992 p 19

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Le swahili a été accepté comme langue de travail de l'organisation de l'Unité africaine et des Nations-Unies. Actuellement, c'est la langue africaine la plus étudiée dans le monde, enseignée entre autres à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales à Paris, ainsi qu'à Londres, Los Angeles, New York, Pologne, Moscou etc.

Selon l'AL-RDC (2008 :56), le swahili est parlé dans les provinces du Katanga et du Kivu ainsi que dans la Province orientale où il cohabite avec le lingala. Il est aussi utilisé de plus en plus à Mbuji-Mayi, Katanga et Ilebo où le gros des locuteurs de cette langue est constitué des populations kasaiennes expulsées du Katanga en 1991/199212. Selon le cours de swahili en ligne13, le swahili est au 7eme rang des langues les plus parlées dans le monde avec entre 45 et 100 millions de personnes qui l'utilisent comme langue première ou seconde.

Dans la langue swahilie.1ère partie. Cours méthodique, Ernest NATALIS intervient en ces sens : « le swahili serait compris ou parlé, avec plus ou moins de perfection, par quarante millions d'Africains. En tout état de cause, on peut affirmer qu'il est l'une des douze langues les plus répandue dans le monde. » (1965 :14).

2. Le français

Le français est une langue européenne issue du latin vulgaire ou populaire et non du latin classique. Ce latin a été introduit en Gaule par les Romains conquérants (soldats, marchands, colons, ouvriers, ...) des premiers siècles avant Jésus-Christ14. Le français est une langue romane, c'est-à-dire qui tire son origine du latin vulgaire. C'est une langue de la grande famille indo-européenne, du groupe italo-celtique, de la branche italique dans laquelle se situe le latin, langue ayant donné naissance au roman.

En effet, le roman était scindé en langues d'Oïl, au nord de la France, et en langues d'Oc, au Sud. Le francien, l'un des parlers d'Oïl, a donné naissance au français (Cf.14e siècle).Le français contemporain a le triple statut de langue officielle, de langue de travail et de langue internationale dans l'espace francophone et dans les organisations internationales (p.ex., ONU).

Les origines

Au 1er siècle de notre ère, après 800 ans de guerre, l'Empire romain s'étendait de l'Egypte à l'Angleterre, de l'Asie mineure à l'Espagne et de la Germanie à l'Afrique du nord. Le latin de César et de Cicéron était la langue officielle de tous les moyens logistiques et humains étaient utilisés pour les porter jusqu'au fins fonds de l'empire.

Après une longue période de bilinguisme, les nations vaincues adoptèrent la langue latine ; mais ce latin parlé par les fonctionnaires, les soldats, les colons romains au contact des autochtones assimilés, se différencia peu à peu du latin classique du 1er siècle.

Progressivement, ce latin populaire dont les colorations régionales étaient très importantes fut employé pour la rédaction des actes publics et d'une foule de documents religieux ou civils. Il allait

12 Romain KASORO Tumbwe et ali, (2016), Apprendre le français et le swahili. Dictionnaire élémentaire illustré, Cecotel, Kinshasa p.3

13 Consulté le samedi 20-octobre 2023 sur http://mwanasimba.online.fr/F-chap02. html,

14 JALUMA KABIKA J. Y. (2023), Notes de cours d'Histoire de la langue française, ISP-Uvira

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triompher définitivement du latin classique qui restait réservé à l'aristocratie et aux écoles. Au cours de siècles, le mixage des langues continua d'évoluer et pendant que le latin écrit restait intact, les langues parlées qui allaient devenir le français, l'Italien, l'Espagnol, le Catalan, etc., se formaient lentement. C'est en ce sens qu'on parle des langues romanes.

Au fil du temps, ces langues romanes se sont distinguées de plus en plus pour devenir réellement distinctes tout en conservant de nombreux éléments communs. La langue française n'existait pas encore. Elle ne fut attestée qu'au 9e siècle et portait alors le nom de « Langue rustique » (ou langue vulgaire, de « Vulgus » qui signifiait « peuple ». C'est ainsi qu'elle était appelée lors du Concile de Tours en 813. On peut affirmer que les Serments de Strasbourg (en 842) relatent l'histoire de Louis le Germanique et Charles le Chauve s'alliant contre Lothaire, leur frère, constituent l'acte de naissance du français (Francien) parce que tous les documents écrits antérieurement étaient rédigés uniquement en latin.

Au 10e siècle, pour des raisons politiques, Hugues Capet, roi de France impose son dialecte, le français, comme la langue nationale mais la langue administrative et religieuse reste toujours le latin. En 1539, François I impose le français comme langue juridique et administrative. Le latin restera pour la langue religieuse. En 1634, au 17e siècle, le Cardinal de Richelieu fonda l'Académie française qui donnera naissance au premier dictionnaire de la langue française ainsi qu'à des livres de grammaire. ( fr.wikipédia.org/wik/Histoire-de-la langue française).

Comme on peut le constater, il est difficile de déterminer avec exactitude la date de naissance du français. A part les Serments de Strasbourg, on peut également citer Séquence de Sainte Eulalie, une suite de 29 vers qui raconte la vie d'une jeune fille martyrisée au 4e siècle. Le français est devenu moderne quand les patois ont disparu, grâce au rapport de l'Abbé Grégoire sur l'abolition des patois.

A partir de 1880, Jules Ferry instaure l'école laïque, gratuite et obligatoire, dans laquelle l'enseignement se fait naturellement en français. C'est ainsi que l'usage des patois commença à se raréfier. Au 20 siècle, le français bénéficiera de nouvelles techniques permettant une plus large diffusion (la TFS, la radio, la télévision, ...). Ceci a nettement constitué à l'uniformisation de la prononciation délaissant peu à peu les parlers régionaux. Le français devient ainsi la langue commune. Notons en passant que le français est la plus germanique des langues romanes.

En outre, les spécialistes de la linguistique historique et comparée retiennent que parmi les neufs familles (selon la classification génétique des langues du monde) l'Indo-européenne donne naissance au groupe italique, sous - groupe latin, langues romaines et parmi lesquelles se trouvent le français.

Selon la fragmentation linguistique évoquant par Jacques Leclerc, on constate qu'une langue ancienne peut évoluer sous des formes très diversifiées dans certaines régions, au point où elle donne naissance à des nouvelles langues. C'est ce qui est arrivé au latin après la chute de l'Empire romain. Le latin s'est diversifié à un point tel qu'il a donné naissance aux différentes langues romanes que nous connaissons aujourd'hui :portugais, galicien, espagnol, catalan, français, occitan, franco-provençal, italien, silicien, sarde, corse, roumain, etc. (1989 :231).

En gaule, les invasions germaniques ont occasionné des morcellements et la faiblesse du pouvoir politique. Les dialectes français comprennent deux groupes : les groupes du Nord de la Loire ou groupes d'oil et les groupes du Sud de la Loire ou groupes d'oc.L'ancien français est né

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après les serments de Strasbourg en 842. Cette année est considérée comme celle de la naissance d'une langue romane dont le latin est la mère.

2.2. Statuts constitutionnels du français et de langues nationales

Le français est la langue officielle et administrative de la RDC ; il occupe le haut de la pyramide. Il assume les fonctions sociales les plus prestigieuses et les plus valorisantes de la langue littéraire et scientifique, de la langue d'enseignement, de la justice, de la presse, de la langue des intellectuels et s'impose comme seule langue acceptable dans les discours officiels des situations officielles (H.E.MANDUKU 2004 :546) cité par John Lushuli Byamungu (2015 :20). NYEMBWE Ntita, e.a (1992 :29) cités par H.E. MANDUKU (op.cit. :549) ajoutent que « le français, langue officielle, est également employée dans la ville, non seulement par ses locuteurs légitimes (francophones lettrés, étrangers) mais aussi par tous ceux qui font semblant d'en être ou qui se trouve (*) dans l'obligation professionnelle de l'utiliser [...]. ».

Le lingala jouit du contexte politique de l'époque qui a fait de cette langue la langue de l'armée et principale langue indigène de communication. Dans les régions où cette langue est la plus actualisée, à Kinshasa ou dans les régions du Moyen-Congo, cette langue est la plus utilisée malgré le prestige dont jouit le français dans les différentes sphères de la vie (administration, médias, affaires...)

Le lingala est même la langue de la musique qui favorise son expansion dans tous les coins et recoins de la RDC. Le kiswahili quant à lui est associé à la partie Est de la RDC. Comme le lingala et les autres langues véhiculaires du pays, il a une orthographe et une grammaire relativement standardisé même si les écrits se font rares et consistent principalement en textes religieux. Le ciluba et le kikongo ne dérogent pas à la règle. On compte plus de 6 millions de locuteurs cilubaphones au travers le pays. Cette langue se parle surtout au centre de la RDC dans les deux Kasaï. Alors que le Kikongo est actualisé au Bas-Congo et au Bandundu et dans les pays limitrophes comme le Congo-Brazzaville et l'Angola. (Ekyoci Rex, S., 2014 :103-104 citant Kilosho, S.). Cités par John Lushuli B. (2016 :21).

La constitution adoptée à Sun City en 2006 reconnaît à ces langues le statut de langues nationales. Le Professeur Bashi Constantin reprenant en sa faveur les propos de Ngalasso, soutient que : « seul le français bénéficie d'un statut juridique clairement défini par la constitution qui le désigne comme langue officielle. Il n'existe rien de semblable en ce qui concerne les langues nationales [...] » (Ngalasso, politique Afrique n°23 :20 cité par Bashi Constantin 2008 :19).

La réalité des faits est que le français se trouve en situation diglossique ou glottophagique avec les langues congolaises aux statuts de langues véhiculaires dans les grandes agglomérations. Il reste tout à fait évident que le plurilinguisme caractérisant les médias d'Uvira en général, en particulier la Radio le Messager du Peuple, caractérise aussi les pratiques langagières des uvirois et enrichissent les productions des écrits comme pour marquer une certaine ascension sociale ou pour marquer son appartenance à un groupe donné étant donné que les médias demeurent des véritables industries de la langue.

Ainsi, comme il est difficile de trouver une langue pure après tous les contacts linguistiques que les langues d'héritage colonial, et dont la maîtrise prévaut un certain prestige à celui ou celle qui parle la (les) langue (s) étrangère (s) ; les alternances ainsi que les discours alternatifs dans les débats politiques radiodiffusés à la RMP relèvent de plusieurs fonctions sociales alliant la fonction

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identitaire à la fonction persuasive et les deux à la fois à des fonctions à des fonctions langagières diversifiées.

0.7. Méthodologie du travail

Dans toute recherche scientifique, il est indispensable que le chercheur précise sa méthode et ses approches de recherche, car c'est à travers celles-ci qu'il montre le cheminement de sa démarche par rapport à ce qu'il vise dans sa recherche.

Nous aurons recours à une seule méthode appuyée par trois à quatre approches. Il s'agit de la méthode sociolinguistique et des approches linguistiques ou structurales, fonctionnelles, lexicologiques, pragmatiques et distributionnelles

0.8. Articulation du travail

Ce mémoire s'articule sur trois chapitres :

Le premier s'intitule cadrage théorique et méthodologique où l'on a essayé de circonscrire les concepts clés de l'intitulé de notre travail et tous les termes qui lui sont proches. C'est ainsi qu'en plus de la notion d'alternance, nous allons clarifier les termes de bilinguisme et d'interlangue.

Après le cadre théorique, nous aborderons les techniques et les méthodes utilisées dans la récolte et l'analyses des données. Enfin, la question relative au corpus et au système de notation y seront examinés.

Le deuxième chapitre, intitulé alternance phrastique et interlexicale dans les interventions au journal swahili et aux débats politiques radiodiffusés à la Radio le Messager du Peuple. Ce chapitre s'intéressera à l'analyse des alternances phrastiques et interlexicales dans l'angle distributionnelle et structurale.

Le troisième quant à lui examine « Les fonctions communicatives et pragmatiques des alternances codiques swahili/français » et se limitera à la fonction identitaire et persuasive.

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