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Le mercenariat en Afrique au sud du Sahara : approche endoscopique et perspectives

( Télécharger le fichier original )
par Ylliass Destin Lawani
Université d'Abomey Calavi - Diplôme du Cycle I de l'ENA en Diplomatie et Relations Internationales 2004
  

Disponible en mode multipage

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République du Bénin

..............

Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

..............

Université d'Abomey Calavi

Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature

OPTION FILIERE

Administration Générale Diplomatie et Relations

Internationales (DRI)

Promotion : 2001-2004 ( XX ème )
MEMOIRE DE FIN DE FORMATION
CYCLE I

Thème :

LE MERCENARIAT EN AFRIQUE AU SUD DU SAHARA : APPROCHE ENDOSCOPIQUE ET PERSPECTIVES

Réalisé et soutenu par : Sous la direction de :

Ylliass Destin LAWANI Athanase Johanès TOUDONOU

Professeur à l'ENAM

Décembre 2004

L'ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION ET DE MAGISTRATURE DU BENIN N'ENTEND DONNER

AUCUNE APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS EMISES DANS LE PRESENT MEMOIRE. ELLES DOIVENT ETRE CONSIDEREES COMME PROPRES À SON AUTEUR.

Dédicace

Je dédie le présent mémoire,

Ø Au ciel qui sait pourvoir en toute chose et sans qui rien n'est possible. Votre lumière m'a illuminé et m'a donné la force de ne jamais désespérer malgré les nombreuses difficultés et souffrances.

Ø A mon père, Joseph S. LAWANI. Dès le moment où j'ai vu le jour, tu m'as soutenu sans relâche et m'as donné ce que j'ai de plus précieux : l'honnêteté et la fierté dans le travail bien fait.

Ø A ma mère, Marie Madeleine MOUZOUNVI, pour m'avoir donné la vie, la protection, l'éducation.

Ø A mes frères et soeurs, pour leur indéfectible soutien. Vous êtes la fraîcheur qui adoucit ma vie.

Ø A mes oncles, tantes, cousins, cousines...

Ø A ma petite mère, Mme Alidjennatou ALIOU EMMANUEL dont l'attention, la compréhension et le soutien ne m'ont jamais fait défaut.

Ø A mon frère ami et oncle, Wahidi BELLO, qui a fait le pari de croire en moi.

Ø A toute la communauté GLOBE du Bénin pour avoir éveillé en moi la curiosité scientifique et m'avoir permis de m'exprimer.

Ø A la mémoire de mon compagnon de lutte, Manuello KOUDOGBO, avec qui je rêvais d'un monde meilleur, toujours possible.

Ø A Alima, Célia, Estelle, Fanta, Ida, Karelle, Linotte, Marlène et Raynatou, puis Angelo, Aubin, Auréanaud, Cyrille, Dramane, Eusèbe, Falilou, Freud, Ghislain, Serge et Yannick, mes camarades de classe. XXème Promotion de Diplomates formés à l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature, nous avons la lourde mission de réussir notre carrière.

Ø Enfin à tous ceux qui oeuvrent d'une manière ou d'une autre pour une Afrique débarrassée du fléau du mercenariat et de la guerre...

Remerciements

Je ne saurais dresser la liste exhaustive de toutes les personnes qui ont contribué de diverses manières à la réalisation du présent mémoire. Que chacune d'elles reçoive ici le témoignage de ma profonde gratitude.

Mes remerciements vont expressément :

Ø A mon maître de mémoire, Monsieur Athanase Johanès TOUDONOU qui, malgré ses multiples occupations, a bien voulu accepter de superviser ce travail.

Ø A tous les enseignants de l'ENAM, plus particulièrement Messieurs Michel HOUNDJAHOUE, Alphonse da SILVA, Noël GBAGUIDI, Rogatien BIAOU, Epiphane SOHOUENOU, Théodore LOKO, Raymond DOSSA, Roger DOSSOU-YOVO, Samson DOSOUMON, Gilles YEKPON..., pour cette noble tâche qu'ils ont bien voulu assumer. Qu'ils veuillent bien accepter cette reconnaissance de notre part pour les efforts incessants fournis afin de faire reculer les barrières de notre ignorance intellectuelle.

Ø Aux membres du jury pour l'objectivité de l'appréciation qu'ils porteront sur ce modeste travail, en gardant certainement à l'esprit qu'il est le fait d'un élève encore balbutiant sur le chemin du savoir.

Ø A l'ensemble du personnel du Ministère des Affaires Etrangères et de l'Intégration Africaine pour l'attention qu'il nous a consacrée au cours de notre stage pratique et de nos recherches, notamment :

· Monsieur Rogatien BIAOU, Ministre ;

· Monsieur Raphaël C. Mensah, Directeur de la Coopération Décentralisée et de l'Action Humanitaire ;

· Monsieur Théodore AHIMAKIN, Directeur Afrique et Moyen Orient ;

· Monsieur Ruphin LISSASSI, Directeur de l'intégration Africaine ;

· Monsieur Thomas ADOUMASSE, Directeur des Organisations Internationales ;

· Léopold TAKPONON, Directeur Adjoint de la Planification et de la Prospective ;

· Les chaleureux personnels de la DICODAH et de la DAMO dont la collaboration et la disponibilité m'ont été d'un grand secours ;

Ø Aux différentes personnes contactées lors de mes recherches sur Internet et dont les informations m'ont été d'une grande importance tout au long de l'élaboration du présent travail. Il s'agit de :

· Cristina Giordano, Responsable de la Bibliothèque des Nations Unies à Genève ; 

· Luc Dalens de l'Université Laval au Canada et l'un des concepteurs du site http://etudiants.fsa.ulaval.ca/projet/gie-64375/mercenaires/accueil.htm

· David Hornus, Directeur commercial de SECOPEX, première Société Militaire Privée française revendiquant cette appellation.

Ø A toutes les personnes rencontrées lors de la réalisation de ce mémoire.

Ø A tout le personnel Administratif de l'ENAM pour la qualité de la formation reçue.

Ø A Nadia DJIKPETO, Raynatou HAMIDOU, Léopoldine MEHOUELLEY MIGAN, Roukiatou MORA, Bérénice et Sylviane SERO, Ira SOHOUNHLOUE, Raymond NATO et Frank YEHOUESSI, pour leur soutien et leur aide.

Ø A tous mes amis, Jean Paul, Olivier, Victor, Rhylwann........

A tous ceux que j'ai oublié,

Qu'ils ne m'en tiennent pas rigueur.

A tous ceux qui ont cru en moi

Et à tous ceux qui ont douté de moi

sigles, acronymes et abréviations

SIS  Sociétés Internationales de Sécurité

ONU  Organisation des Nations Unies

OUA  Organisation de l'Unité Africaine

OMP  Opérations de Maintien de la Paix

UA  Union Africaine

CEDEAO  Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest

ECOMOG  ECOWAS Cease-Fire Monitoring Group (Groupe de la CEDEAO chargé du contrôle et de la mise en oeuvre du cessez-le-feu)

PCASED  Programme de Coordination et d'Assistance pour la Sécurité et le Développement

CPS  Conseil de Paix et de Sécurité

PNUD  Programme des Nations Unis pour le Développement

ALPC  Armes Légères et de Petit Calibre

DSL  Defence Systems Limited

CRG Control Risks Group Ltd.

Gurkhas Gurkha Security Guards, Ltd.

OING Organisation Internationale Non Gouvernementale

MPRI  Military Professional Ressources Inc.

UM Union Minière

Sommaire

INTRODUCTION GENERALE

Première partie : DU MERCENARIAT CLASSIQUE AUX SOCIETES INTERNATIONALES DE SECURITE (SIS).

Chapitre I : Le mercenariat classique.

Section 1 : Historique, formes et manifestations en Afrique au sud du Sahara.

Section 2 : Le libéralisme anglo-saxon face à l'intransigeance de l'ONU et de la France, dans la manière d'appréhender le mercenariat.

Chapitre II : Les Sociétés Internationales de sécurité, nouveau cadre d'évolution du mercenariat.

Section 1 : Causes et conditions d'émergence du marché des Sociétés Internationales de Sécurité en Afrique noire.

Section 2 : Nature des relations entre les Etats et les Sociétés Internationales de Sécurité.

Deuxième partie : LA RÉPRESSION JURIDIQUE DU MERCENARIAT DANS SES NOUVELLES FORMES SUR LE CONTINENT AFRICAIN ET REPONSES DES ETATS

Chapitre I : La répression juridique du mercenariat.

Section 1 : L'arsenal juridique international.

Section 2 : La question de la responsabilité.

Chapitre II : Réponses des Etats face au phénomène du mercenariat en Afrique.

Section 1 : Sur les plans international, régional et sous-régional.

Section 2 : Quelques suggestions pour lutter contre le mercenariat contemporain en Afrique.

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

INTRODUCTION GENERALE

Le mercenariat est un sujet qui suscite de vifs débats et qui touche des questions fondamentales comme l'égalité souveraine, l'indépendance politique et l'intégrité territoriale des États, le non-recours à la force dans les relations internationales, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, les droits de l'homme, la responsabilité des Etats et le comportement à tenir dans des situations de conflit armé ou de violence organisée. Il s'agit donc d'un sujet très sensible pour les États à divers niveaux et il ne laisse aucune région du monde indifférente.

La chute du mûr de Berlin et la décristallisation de la tension est/ouest par la fin de la guerre froide, a vu une recrudescence du mercenariat partout dans le monde et un changement progressif de la nature des conflits. Cet état de chose se remarque plus particulièrement en Afrique où l'on note une multiplication des conflits intra-étatiques, nouveaux champs d'expression de ce phénomène qui a muté au fil des années en passant d'une forme « classique » à une forme plus élaborée, celle des « Sociétés Internationales de Sécurité » (SIS).

Même si le recours à ces forces privées semble se justifier par la multiplication dans le monde, et plus particulièrement en Afrique, des crises de basses intensité, il n'en demeure pas moins qu'elles font l'objet de débats passionnés au sein des Nations. En effet la ligne de démarcation entre les activités des SIS et le mercenariat est très infirme, parfois même inexistante. Certains auteurs soutiennent même que les hommes qui acheminent des soldats et du matériel militaire sur le champ de bataille, qui participent à l'entretien, à l'entraînement, au renseignement, à la planification ou à l'organisation, participent autant à l'opération militaire que ceux qui utilisent les armes. On

distingue même des sociétés privées de services militaires (qui ont le plus souvent des visées militaires) de celles dites de sécurité (qui s'occupent essentiellement de protéger les biens et les personnes).

Mais si ces activités privées rencontrent de la méfiance en France, elles recueillent plus de compréhension dans le monde anglo-saxon, où certains envisagent même de « créer des forces de mercenaires volontaires organisées par des entreprises privées, pour mener des guerres sur une base contractuelle pour le compte des Nations Unies ».1(*)

La réapparition des mercenaires aujourd'hui dans certaines crises africaines, rappelle l'acuité du problème et la nécessité de le cerner pour mieux l'appréhender2(*).

Le présent travail voudrait donc coller à cette préoccupation majeure de l'Afrique contemporaine. Il met en rapport deux réalités :

Premièrement : l'évolution qu'a connu le mercenariat dans le temps en passant d'une forme classique à une forme plus élaborée, les Sociétés Internationales de Sécurité ( SIS) .

Deuxièmement la répression du phénomène dans ses formes nouvelles, en particulier sur le continent africain et les réponses que les Etats ont élaborées afin d'en contrer l'évolution.

A ce titre, le présent travail voudrait trouver des approches de réponses aux questions suivantes :

- Comment le phénomène du mercenariat est-il né et a-t-il évolué ?

- Quel est le nouveau cadre d'évolution du phénomène, autrement dit, quels en sont les moyens, les nouveaux aspects et structures ?

- Comment le système juridique africain et international résout-il la question à travers les organisations internationales, régionales et sous régionales ?

- Quelles modifications apporter à la convention de l'OUA sur le mercenariat pour une plus grande efficacité ?

- Enfin quelles peuvent être les perspectives pour le continent africain ?

Il nous est paru plus indiqué d'adopter une démarche en deux temps : dans la première partie, elle sera analytique et exposera, après en avoir fait l'historique, les nouvelles formes ainsi que les caractéristiques du mercenariat contemporain ; ensuite la seconde partie procèdera à un bref commentaire de l'arsenal juridique en vue d'éradiquer le mercenariat du continent et essaiera de tracer les perspectives d'avenir pour l'Afrique.

PREMIERE PARTIE

DU MERCENARIAT CLASSIQUE AUX SOCIÉTÉS INTERNATIONALES DE SÉCURITÉ (SIS)

Le phénomène des mercenaires n'est pas nouveau, il existe sous diverses formes depuis des temps immémoriaux. L'image des mercenaires n'a pas toujours été aussi peu glorieuse que celle qui ressort des prises de position récentes de la communauté internationale. En effet l'évolution des attitudes à leur égard a, d'une manière générale, coïncidé avec les changements intervenus dans les formes de gouvernement et d'organisation sociale et avec l'apparition de principes régissant les relations entre États souverains (chapitre I)

Les mercenaires classiques peuvent être décrits, en quelques mots, comme des soldats à louer. Au lieu de se battre pour leur propre pays, ils proposent leurs services à des gouvernements ou des groupes dans d'autres pays moyennant une contrepartie pécuniaire substantielle.

La décolonisation a engendré des crises multiples auxquels les mercenaires ont largement pris part. Agissant dans de nombreux pays du tiers monde, l'Afrique reste alors pour eux le terrain le plus attractif et le plus lucratif.

Cependant, au cours des siècles, l'activité mercenaire a évolué vers d'autres formes de participation aux conflits. Coexiste désormais avec le mercenariat classique, le mercenariat d'entreprise, véritable outil de globalisation des activités de sécurité et de défense dont les acteurs sont les Sociétés Internationales de sécurité (Chapitre II)

Chapitre I : LE MERCENARIAT CLASSIQUE.

Depuis son apparition, le phénomène du mercenariat progresse de façon importante pendant qu'il se manifeste de diverses manières, tout particulièrement en Afrique (section 1).

Mais cette évolution dénote sur les pratiques des Etats dans le domaine de la perception qu'ils ont du phénomène. C'est ainsi que l'on note dans les pays anglo-saxons tels que la Grande Bretagne et les Etats-Unis, une attitude libérale passant par une acceptation tacite du phénomène, alors que la France et l'ONU affirment leur détermination à en annihiler l'influence de plus en plus grandissante (section 2).

Section 1 : Historique, formes et manifestations du mercenariat en Afrique au sud du Sahara

L'image traditionnelle que l'on a toujours eue du mercenaire est celle d'un homme, souvent un soldat, recruté pour un conflit armé ponctuel et qui sert à prix d'argent un gouvernement étranger. C'est donc par appât du gain que le mercenaire entre en scène pour accomplir sa mission. Ainsi le mercenaire ne combat ni pour la protection des intérêts de son pays, ni pour la souveraineté de celui-ci, ni même pour l'honneur ; il obéit et travaille pour des gens qui l'emploient et le paient.

Paragraphe 1 : Historique et formes du mercenariat classique

A - Historique

Plusieurs travaux en éthologie et en psychologie du comportement semblent indiquer, qu'avant la période du Néolithique, l'Homo sapiens sapiens de part son activité de chasseur- cueilleur, et l'organisation sociale dans laquelle il s'inscrivait, présente des bases psychologiques hautement susceptibles d'induire une conduite guerrière3(*).

Avec l'apparition de l'agriculture puis de la domestication, qui sédentarise les populations humaines en leur assurant un approvisionnement constant, le conflit armé avec l'autre devient partie intégrante du quotidien comme l'atteste l'apparition d'un habitant désormais pourvu de structures défensives.

La naissance de la belligérance aurait ainsi été motivée par les razzias prédatrices qu'auraient lancé les « convoiteurs » (have-nots) contre les « possédants » (haves) et par le soucis de ces derniers de se défendre4(*).

Du fait de cette pression de plus en plus croissante des haves-nots, on assiste à une multiplication des conflits. Les conflits étant le terreau favorable à l'action du mercenaire, il est aisé de conclure que ces derniers ont favorisé l'apparition du mercenariat.

Plusieurs documents d'histoire attribuent l'apparition du mercenariat à la Grèce antique. En effet le mercenariat, dans l'histoire de la Grèce, prend son envol à la fin de la guerre du Péloponnèse5(*). La paix ne permet pas à tous les Grecs de se réinsérer dans un cadre civil. Les ravages de la guerre ont appauvris de nombreux individus et le métier des armes, exercé pendant de longues années, reste l'ultime recours contre la pauvreté.

La maîtrise des armes et l'excellence des hoplites6(*) grecs permettent aux mercenaires de trouver rapidement un employeur. Les cités grecques et les satrapes perses recrutent des soldats. La campagne de Cyrus le Jeune contre le monarque perse, son frère, est l'expression la plus manifeste de l'importance du phénomène au IVe siècle av. J.-C. Le recours de plus en plus systématique au mercenariat fait réagir Démosthène au milieu du IVe siècle av. J.-C. Athènes, en guerre contre la Macédoine, n'envoie, en effet, que des mercenaires pour les expéditions lointaines et dangereuses.
Si les armées perdent leur caractère civique, elles deviennent faciles à recruter pour tout détenteur d'une fortune considérable. C'est ainsi que les Phocidiens lors des guerres sacrées recrutent une armée de mercenaires grâce aux emprunts faits au sanctuaire de Delphes. De même les Grecs employèrent les Macédoniens pour protéger leur capitale, et les Romains utilisèrent une tribu germanique pour se défendre contre des agresseurs orientaux et protéger leur empire.

La conquête de l'empire perse par Alexandre ne fait qu'amplifier les besoins en mercenaires. Les nouveaux Etats gréco-macédoniens apparaissant au début du IIIe siècle av. J.-C. sont tous grands employeurs de soldats. Les monarques hellénistiques, en guerre permanente contre leurs voisins, s'ingénient à enrôler des mercenaires en Grèce et à créer des colonies militaires pour pouvoir disposer de cette main d'oeuvre guerrière en tout temps.
Le mercenaire est appelé misthophoros (qui reçoit une solde) ou xenos (étranger), mais il est souvent difficile de connaître le lien exact entre le soldat et son employeur. Il est également fréquent que les officiers des armées hellénistiques soient des mercenaires ayant acquis leurs lettres de noblesse sur les champs de bataille7(*).

Au Moyen âge la disparition de l'Empire Romain et le déferlement des hordes barbares imposent une réorganisation politique et aboutit , en Occident, au morcellement du pouvoir temporel puis à l'instauration du système féodal 8(*).Ceci engendre une infinitude de souverainetés et de princes aux allégeances multiples, dont les prérogatives fluctuent au gré des circonstances, et qui se livrent nombre de conflits ( dans le but d'élargir leurs pouvoirs et de les faire respecter) qui tendent à se transformer en questions privées. Conçue comme un outil d'affirmation politique d'un particulier ou de son lignage, la guerre se transforme en activité privilégiée de la noblesse et, partant, en véritables affaires commerciales qui seront bientôt déléguées à des entrepreneurs militaires, les Condottieri9(*). Seuls les armes, les chevaux, les soldats représentent tout le capital du condottiere, car les combats n'étaient pas pour détruire l'ennemi mais de le soumettre et d'obtenir une rançon pour la capture des ses capitaines. Ces jeux exaltants pour leurs meneurs exaspèrent les acteurs, en l'occurrence les mercenaires. Ces hommes appartiennent généralement aux marges de la société. Cadets de familles désargentées, aventuriers ou simples miséreux, ils s'avèrent facilement rebelles et imprévisibles. Payés pour se battre, ces soldats ne sont souvent guère motivés à le faire, surtout quand l'argent tarde à rentrer. Rien d'étonnant à ce que ces armées composites se révèlent instables et versatiles, prêts à se vendre au plus offrant ou à déserter à la moindre escarmouche. De plus, ils sont dépourvus des scrupules animant les seigneurs qui les engagent et, quant ils ne fuient, peuvent faire montre d'une férocité sans limite.

C'est ainsi qu'en Europe, les razzias et autres pillages ont souvent constitué la finalité même d'expéditions armées qui, dans une perspective de thésaurisation matérielle, cherchaient à enrichir ceux qui les dirigeaient en s'emparant des biens, voir des corps d'autrui10(*). Leur solde comprend couramment une partie du butin qui se transforme ainsi en payement des services rendus et en incitations à se battre valeureusement pour l'obtenir. Mais même en temps de paix il arrive que l'on permette le pillage afin d'occuper et de calmer les troupes de Condottieri désoeuvrées11(*), ce qui désamorce toute velléité de mutinerie.

Vers la fin du Moyen âge les mercenaires sont devenus de véritables instruments de politique étrangère des monarques. En effet, ne pouvant forcer leurs vassaux à servir militairement à l'extérieur du pays pour une durée indéterminée (le service d'Ost était limité dans le temps et ne pouvait être que défensif ), ces derniers perçoivent des sommes d'argent des fiefs qui veulent se racheter de ce service. Cet impôt sert donc à entretenir des mercenaires, ce qui institutionnalise ainsi la violence privée à des fins internationalistes. Les mercenaires constituent l'exemple type de stratégie étatique pour échapper aux lourdeurs du système féodal concernant les obligations militaires.

Au XVIIIème siècle la pratique du mercenariat était telle que tous les Etats employaient et fournissaient des troupes mercenaires, les armées devenant de véritables forces multinationales. Les mercenaires venaient alors majoritairement des Etats Allemands, des Pays-Bas, d'Angleterre, de Venise et de Suisse, ces pays « fournisseurs » de mercenaires étant eux mêmes « employeurs » d'étrangers dans leurs armées. Ces échanges d'hommes entre les pays étaient un enjeu stratégique très important. C'est ainsi qu'en 1516, la Suisse signe un accord avec la France promettant de ne jamais fournir de mercenaires aux ennemis de la France12(*).

Mais les pratiques mercenaires ont progressivement perdu leur légitimité à la suite de la promulgation par les Etats-Unis de lois de neutralité en 1794 et 1818 qui considèrent comme délit le fait qu'un citoyen américain prépare ou prenne part à un conflit à l'étranger13(*). Pour la première fois, des lois codifiaient de façon permanente, les droits et devoirs des Nations neutres (les Etats Unis en étaient l'exemple type), ce qui a entraîné au XIXème siècle une vague de législations anti-mercenaires internes qui finirent par se généraliser et s'uniformiser sur le plan international.

Cependant le phénomène du mercenariat n'a pas disparu pour autant. Il réapparut pendant la première et la deuxième guerre mondiale sous les traits de soldats Gurkha qui combattaient pour la Reine d'Angleterre14(*).

La période de l'immédiat après-guerre (la deuxième Guerre Mondiale) a été celle de l'apparition du mercenariat en Afrique et dans les pays du tiers monde qui luttaient pour leur indépendance. Ce fut le temps des mouvements de libération nationale, de guerres d'indépendance, et autres droit des peuples à l'autodétermination professé par l'ONU. L'action des mercenaires consistait à empêcher ces pays, notamment les pays africains, d'accéder à l'indépendance, à fomenter des sécessions ou à préserver le régime de l'Apartheid en Afrique du Sud. Cet état de chose a été considérablement favorisé par l'éclatement de conflits armés du fait de la guerre froide.

Des textes sont alors élaborés pour réprimer le phénomène, respectivement la Convention de l'Organisation de l'Unité Africaine sur l'élimination du mercenariat en Afrique, adoptée à Libreville le 3 juillet 1977 et la Convention internationale des Nations Unies contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, adoptée le 4 décembre 1989 mais entrée en vigueur en 2001.

Cependant avec la fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin, le mercenariat a évolué et ses missions se sont diversifiées. Les conflits ont progressivement changé de nature et semblent entraîner un recours accru à des forces privées, marquant ainsi le passage vers l'instauration d'un marché de la violence qui échappe au contrôle des Etats les plus faibles. Il s'agit des Sociétés Internationales de Sécurité qui sont de véritables entreprises à vocation (para) militaire, particulièrement structurées et organisées (reconnues et payant des impôts), aux seules fins financières et parfois même cotées en bourse.

Ces sociétés sont passées maîtres dans la communication, les relations publiques, et proposent de très larges « gammes de services » tels que la protection, le conseil en achat d'armements, stratégie, délivrance d'otages ou encore espionnage commercial et industriel.

Au fur et à mesure que le mercenariat évoluait, il a revêtu des formes diverses selon les époques.

B- Les formes du mercenariat

Nous l'avons vu, le mercenariat a englobé diverses réalités au cours des siècles. Cette hétérogénéité est non seulement le fait des différents types d'organisations des entreprises mercenaires et des services qu `elles proposent, mais également fonction de leurs degré de légitimité sur la scène internationale. Le mercenariat fluctue alors selon l'époque entre un statut d'activités autorisées et non autorisées, qui dérivent des formes de violence externes étatiques dont parle Janice E. Thompson15(*). Cette violence fut démocratisée, commercialisée et internationalisée par l'action des dirigeants européens eux-mêmes16(*).

Il y a trois formes de violence non-étatiques autorisées progressivement, apparues à partir du XIIIème siècle : les corsaires, les compagnies marchandes et les mercenaires, qui se sont succédées dans le temps et ont subit chacune un processus de « délégitimation normative ».

Les corsaires dirigeaient des navires rapides (du même nom) et armés par un équipage habilité par son gouvernement pour capturer des bâtiments de commerce ennemis. Contrairement aux pirates qui poursuivent leurs propres intérêts, ils agissaient donc, du moins théoriquement, sous l'autorité d'un Etat qui, était responsable de leurs actes. Cette pratique prenait une ampleur considérable pendant les conflits et les guerres inter-étatiques et représentait une base pour la puissance navale de l'Etat.

La pratique des corsaires a généré la piraterie organisée. En 1856, un accord formel signé à Paris, amorçait une uniformisation internationale du droit maritime excluant progressivement les activités de corsaires.

Créées au XVIème siècle en Europe, les compagnies marchandes représentent la forme la plus complexe de violence non-étatique autorisée. Ces compagnies étaient affrétées par l'Etat pour faire du commerce sur de longues distances ou pour établir des colonies. Les plus importantes étaient les deux compagnies hollandaise et britannique des Indes Orientales et la compagnie de la baie d'Huston17(*). Leur organisation différait d'une compagnie à l'autre de même que leur degré de privatisation par rapport à l'Etat. Par conséquent, leurs objectifs (pouvoir/profit) variaient selon que les pays d'origine étaient plus ou moins centralisés. Ces compagnies recevaient des pouvoirs extraordinaires qui leur conféraient une quasi-souveraineté. Il y avait donc souvent collusion d'intérêts, ce qui fait dire à Janice Thompson que « les compagnies marchandes étaient des institutions créées par l'Etat qui utilisaient la violence dans la poursuite d'un gain économique et de pouvoir politique à la fois pour l'Etat et des acteurs non-étatiques »18(*). 

Mais les compagnies marchandes ont utilisé leurs capacités militaires contre les autres compagnies indépendamment des relations que pouvaient entretenir leurs Etats d'origine respectifs. Elles ont été progressivement éliminées à travers différents processus sans jamais être formellement interdites. La plupart ont disparu suite à des faillites et certaines ont progressivement perdu leur contrat d'affrètement.

Enfin les mercenaires constituent l'exemple type de stratégie étatique pour échapper aux lourdeurs du système féodal concernant les obligations militaires.

L'utilisation des mercenaires s'était donc généralisée au XVIIIème siècle à tel point que près de la moitié de la marine anglaise était faite d'étrangers. Elle a entraîné le risque pour les Etats de s'opposer les uns aux autres. Ce risque a été favorisé par l'émergence des pratiques et principes associés à la neutralité qui rendent responsable un Etat d'actes internationaux dommageables d'individus placés sous sa juridiction. Plus qu'un simple acteur du marché, le mercenaire était devenu un acteur politique.

Alors que la délégitimation des corsaires a été le fruit d'une évolution du Droit International, pendant que celle des compagnies marchandes a été le produit du temps, la répression du mercenariat s'est faite par un renforcement du droit interne, surtout des Etats-Unis. De plus, la régulation anti-mercenaire reflète des nouvelles relations entre l'Etat et la population, le premier cherchant à mieux contrôler la seconde à l'intérieur de ses frontières.

S'il nous a été possible de parler de violence non étatique autorisée, c'est bien qu'il existe une forme de violence non étatique non autorisée. Il existe deux pratiques non autorisées de Violence non-étatique : la piraterie et la flibusterie.

Comme nous l'avons déjà dit, la piraterie a été générée par la pratique des corsaires. Le pirate est un bandit qui parcourt les mers pour piller les navires de commerce et est distinct du corsaire. Toutefois il faut noter qu'au XVIème siècle la piraterie acquiert une nature politique. Les pirates sont alors des « communautés ou des quasi-Etats basés sur le principe de la démocratisation des pouvoirs politiques et de la violence »19(*).

Peu à peu, la piraterie passa du statut de pratique non autorisée, mais hors de la responsabilité des Etats et potentiellement exploitables, à celui d'activités criminelles à éliminer à tout prix. Ainsi la campagne contre la piraterie a été précédée par un changement dans l'attitude de l'Etat.

Il fallait cependant savoir d'abord qui était souverain en mer, donc responsable des activités des pirates. Mais cette question n'ayant finalement pas été tranchée, les normes d'interdiction et de poursuite des pirates ont été générées par le seul droit interne.

La flibusterie quant à elle était une nouvelle forme de violence extraterritoriale apparue après l'établissement d'un gouvernement républicain aux Etats-Unis. Cette pratique, essentiellement limitée au continent américain, consistait en des expéditions militaires non-étatiques contre les territoires voisins. Trois types d'expéditions étaient possibles : les expéditions mises en place par des initiatives privées de nationaux étrangers ou de citoyens américains, celles résultant des efforts malencontreux des Mexicains pour attirer les résidents américains, et enfin celles conduites par des agents du gouvernement américain. Ces trois types de flibusterie ont pour point commun leur nature politique complexe, produit de la faiblesse de l'Etat fédéral face aux Etats et aux citoyens. La délégitimation de cette pratique correspond donc à un « un effort de l'Etat à étendre et renforcer son contrôle sur les individus à l'intérieur de sa juridiction territoriale »20(*).

Avec la délégitimation de la violence non-étatique le mercenariat apparaît dans la première moitié du XXème siècle comme une anomalie puisque marginalement légitimé par les deux guerres mondiales. Mais depuis les années 60, le mercenaire n'apparaît plus dans les conflits inter-étatiques mais au contraire dans les conflits infra-étatiques qui offrent moins de visibilité.

L'Afrique noire a été le champ d'intervention de ces mercenaires de la deuxième moitié du XXème siècle.

Paragraphe 2 : Les manifestations du mercenariat en Afrique au sud du Sahara

L'Afrique noire a connu le mercenariat pendant la guerre froide par les guerres de libération nationale, les coups d'états et autres guerres de sécession, mais aussi après la guerre froide avec des conflits de basses intensités aux structurations complexes.

A- Les manifestations du mercenariat en Afrique pendant la guerre froide

Nous les verrons à travers un tableau.

Les manifestations du mercenariat en Afrique de 1950 à 1990

Pays

Date ou Période

Les mercenaires concernés

Nationali-té(s)

Recrutés par :

Objectif(s) fixés :

Résultat (s)

Sierra Leone

Années 1950

 
 

Harry Oppenhei-mer de De Beers

Sir Percy Stilltoe pour lutter contre les activités de contrebande

 

Kenya, Malawi, Tanzanie

1960 à 1970

Kulinda Security Ltd (Watchguard)

Variable

Les gouverne-ments

Formation militaire

 

Zambie

1967-1969

Watchguard

Variable

Gouverne-ment Zambien

Provision de forces ; surveillance de la frontière nationale

 

Congo Belge (actuel RDC)

1960-1961

Compagnie internationale

200 mercenaires, principale-ment des belges et des sud africains

Le leader sécession-niste Moise Tsombe et la compagnie Belge, Union Minière (UM)

Promouvoir la sécession du Katanga et protéger les concessions de l'UM

Les mercenaires ont échoué en combattant les forces de l'ONU et du gouverne-ment Congolais

Congo Belge

1964-1965

 les «cinq commandos » menés par le Colonel « Mad Mike » Hoare

Au nombre de 1000, principale-ment sud africains, belges, français et Rhodesiens

La CIA et ensuite le Président Moise Tshombe

Combattre les forces patriotiques nationaliste du Premier Ministre Patrice Lumumba

Défaite des nationalistes, assassinat de Lumumba, établisse-ment du néo-colonialisme

Congo Belge

1967

Les restes des « cinq commandos » menés par Bob Denard et Jacques Schramme

Les mêmes que ci-dessus

inconnu

Renverser le Président Mobutu Sese Seko

Mains mises sur la ville frontière de Bukavu mais le complot échoua

Rhodésie (actuel Zimba-bwe)

1965-1980

Surtout les anciens soldats anglais, recrutés dans l'infanterie d'élite de Rhodésie (RLI) et les Forces Spéciales (SAS)

Uniquement des Anglais

Gouvernement de Rhodésie

Supporter la minorité blanche contre la ZANU de Mugabe et la ZIPRA de Nkomo

Lourdes pertes ; défaite du gouverne-ment minoritaire ; tenue d'élections en 1980, le pouvoir fut transféré à Mugabe

Biafra, Nigéria

1967

Groupe de mercenaires français dirigé par Robert Faulques, vétéran du Katanga et plus tard par Rolf Steiner

Au nombre de 53 ; principale-ment des français et des allemands

Les Services Secrets français et le leader sécession-niste Col. Ojukwu

Aider le Biafra à faire sécession

Défaite des troupes fédérales ; Cinq tués

Angola, Zaire

1975

Security Advisory Services Ltd

Anciens parachutes anglais

Donald Telford, Royaume Unis et une agence de recrutement dirigée par John Banks

Force recrutée en Angola pour supporter le FNLA (renforcé par la CIA) contre le MPLA (supporté par Moscou) et l'UNITA (renforcé par les troupes Sud africaines)

Défaite du MPLA, des essais d'exécutions de soldats comme criminels de guerre (1976)

Bénin

1977

« force oméga » dirigée par Bob Denard

60 mercenaires blancs et 30 mercenaires noirs

Opposants du gouverne-ment

Renverser le Président Kérékou

Le coup a échoué avec plusieurs dizaines de morts ; Denard plus tard réussira son coup dans les îles Comores

Mozambi-que

Années 1980

Lonrho

Gurkhas

 

Sécurité Rurale

 

Mozambique, Soudan, Kenya et autres

De 180 jusqu'au début des années 1990

Defense Systems Ltd (DSL)

Britannique

Organisa-tions Internationales (Banque Mondiale, ONU, ONG Humani-taires)

Installation de sécurité et entraîne-ment des forces

En cours

Afrique Australe

1986-1990

KAS Enterprises (Watchguard)

 
 

Opérations de Lutte contre le braconnage

Terminé

Afrique du Sud

1989

Executive Outcomes (EO)

 
 

Entraîne-ment des forces spéciales

 

Source : Rapport de la chambre des communes « Private military companies : options for régulations », 12 février 2002, pp. 28 à 30.Traduit de l'Anglais par nous.

B- Les manifestations du mercenariat en Afrique après la guerre froide

La fin de la guerre froide n'a pas rangé les mercenaires aux oubliettes. La chute du régime de l'Apartheid en Afrique du Sud suivi du démantèlement de ses services spéciaux a jeté sur le marché des tas de candidats au mercenariat. Les nouveaux Etats issus de l'effondrement de la Yougoslavie et du bloc soviétique sont devenus à leur tour pourvoyeurs de « chiens de guerre »21(*). De plus, l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord deviennent « le vivier traditionnel des « affreux », pour la plupart nostalgiques des colonies, paternalistes sinon racistes à l'égard des Noirs et viscéralement anticommunistes »22(*).

Dans les années 1990, la guerre en Angola (de 1992 à 1998) et en Sierra Leone (1991 à 1998) avait été leur champ d'action. Suivront ensuite les conflits Libérien (1995 à 1997) , Congolais (1994 à 1996), dans les Grands Lacs ( depuis 1996)23(*), et récemment Ivoirien 24(*), de même que l'ultime agression, le 28 septembre 1995, de Bob Denard contre le régime du président Mohamed Said Djohar de la République Fédérale Islamique des Comores25(*), et le très récent coup d'Etat déjoué en Guinée Equatoriale26(*).

Le mercenariat est perçu de diverses façons selon que l'on se trouve en France, à l'ONU ou dans les pays Anglo-saxons.

Section 2 : Le libéralisme anglo-saxon face à l'intransigeance de l'ONU et de la France, dans la manière d'appréhender le mercenariat.

L'ONU s'est toujours montrée à l'avant garde de la lutte contre le mercenariat quelque soit la forme sous laquelle elle se présente. Cette position de l'organisation internationale semble rejoindre celle de la France qui s'est dotée en 200327(*) d'une loi relative à la répression de l'activité de mercenariat , après des décennies d'attentisme.

Par contre aux Etats Unis et en Grande Bretagne, on remarque une acceptation tacite du phénomène qui se traduit par une non application des textes anti-mercenaires.

Paragraphe 1 : La vision de l'ONU et de la France

A- L'ONU

Au cours des 20 dernières années, l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social et la Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies ont adopté plus de 100 résolutions condamnant les activités des mercenaires et ceux qui ont recours à ces derniers. Une étape a été franchie en 1989 avec l'adoption par l'Assemblée générale de la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires.

C'est un sujet qui suscite de vifs sentiments d'indignation et de réprobation dans les instances internationales, car le mercenariat touche des questions fondamentales qui ont accaparé l'attention de la communauté internationale depuis l'adoption de la Charte des Nations Unies en 1945 telles que l'égalité souveraine, l'indépendance politique et l'intégrité territoriale des États, le non-recours à la force dans les relations internationales, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, les droits de l'homme et le comportement à tenir dans des situations de conflit armé ou de violence organisée. Il s'agit donc d'un sujet très sensible pour les États membres de l'ONU à divers niveaux qui ne laisse aucune région du monde indifférente.

Le rôle dévolu aux mercenaires à l'occasion de la décolonisation, dans les années 60 pour lutter contre les mouvements de libération nationale et empêcher les peuples se trouvant sous domination coloniale d'exercer leur droit à l'autodétermination et pour déstabiliser les États nouvellement indépendants, était considéré comme inacceptable et a été largement condamné par les organes de l'Organisation des Nations Unies.

C'est ainsi que par Résolution 1987/16, la Commission des droits de l'homme a nommé un rapporteur spécial chargé d'étudier la question des mercenaires, le péruvien Enrique Bernales Ballesteros. Son dernier rapport (après 16 années d'exercice) propose un nouvelle définition juridique du mercenaire, face aux lacunes que présentent la Convention internationale de l'ONU ( entrée en vigueur en 2001) et le Droit international28(*).

B- La France

La France a longtemps eu vis à vis du mercenariat une position ambiguë (voir ses attitudes vis à vis des agressions dont ont été victimes le Bénin29(*) et les Comores avec le légendaire Bob Denard).

Cependant depuis 2003, elle a adopté « une législation ferme et équilibrée »30(*), laquelle législation consiste « à encadrer le phénomène du mercenariat en sanctionnant ses manifestations les plus condamnables, mais sans entraver toute possibilité de renforcer la protection des Etats »31(*). La loi française permet l'incrimination non seulement des personnes physiques, mais aussi des personnes morales qui participent à l'organisation d'activités mercenaires. Selon celle-ci, « est passible de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende » toute personne qui a été « spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé » en échange d'une forte rémunération, sans être ressortissante ou membre des forces armées de l'un des pays engagés dans ledit conflit32(*). Mais la France n'entend certainement pas se priver d'un outil de politique étrangère essentiel, et qui va encore prendre de l'importance dans les années à venir. Les participants au débat parlementaire n'étaient d'ailleurs pas dupes. Guy Teissier, le président de la commission de la Défense nationale, a souligné que « les services de renseignements préfèrent parfois recourir à des personnels spécialement rémunérés plutôt qu'à leurs propres éléments pour accomplir certaines missions ». On comprend mieux la suppression du terme « officiel » dans la définition du type de mission effectuée par le mercenaire. Ne seront pas poursuivis ceux qui pourront se prévaloir d'une protection de l'État lors de « chantiers » à l'étranger, qu'ils soient publics ou non33(*). On peut dès lors conclure que pour les autorités françaises, pas de multinationales de sécurité militaire et privée si ce n'est avec l'aval du gouvernement.

Paragraphe 2 : La vision anglo-saxonne

A-La Grande Bretagne

La Grande Bretagne développe une approche particulière du mercenariat. Elle est le berceau historique de la forme moderne du mercenariat dont elle a toujours su tirer des bénéfices pour ses propres objectifs de politique étrangère Plusieurs cas d'implication directe des « entreprises de sécurité », qui y sont implantées, dans des conflits armés en Angola, Sierra Leone, Papouasie-Nouvelle-Guinée ou en Croatie, ont défrayé la chronique britannique depuis 1995.

Le peu de motivation du gouvernement anglais à légiférer sur la question des mercenaires et la prolifération des firmes de sécurité sur son sol (telles que DSL, CRG, Gurkhas, Sandline, pour ne citer que celles-là ...) sont révélateurs de la permanence d'un état d'esprit pragmatique en la matière. Les autorités britanniques tendent à considérer le travail des Sociétés Internationales de Sécurité comme naturel et allant de soi. Elles estiment que le recours à des sociétés militaires privées , professionnelles, responsables, bien réglementées, peut, dans certaines circonstances, contribuer à établir ou maintenir une relative stabilité, en aidant des gouvernements encore fragiles à garantir un niveau minimal de sécurité.

B- Les Etats-Unis

Ils ont été les premiers à adopter vis à vis du mercenariat une attitude rigide de répression. Il serait alors plus entendu d'affirmer qu'ils ont beaucoup oeuvré pour l'apparition des Sociétés Internationales de Sécurité vis à vis desquelles les différents gouvernements américains ont une sympathie à peine voilée. C'est ainsi que par exemple au Nigéria, à la suite du rétablissement de la démocratie en 1999, après la mort du Général Sani Abacha, la société américaine MPRI a remporté le marché pour aider les responsables nigérians de la défense à élaborer un plan d'action en matière de défense, «le gouvernement américain et le gouvernement du Nigeria se partageant, de façon égale d'ailleurs, le financement des contrats qui lui sont confiés ».34(*)

De récentes études américaines concluent  qu'à un niveau international, les opérations d'assistance militaire actives menées par des Sociétés Internationales de Sécurité sont en effet légitimes bien que l'évaluation de leur légitimité reste contestable et qu'elles soient conduites dans un vide juridique international complet, sans aucune réglementation efficace.

Chapitre II : LES SOCIETES INTERNATIONALES DE SECURITE, NOUVEAU CADRE D'EVOLUTION DU MERCENARIAT

Au cours de l'histoire de nombreux Etats ont eu recours aux mercenaires par habitude ou par nécessité. Il n'en est pas moins vrai que ce phénomène progresse depuis une décennie de façon importante, tout particulièrement en Afrique au sud du Sahara. Au cours des années 1990, un grand nombre de sociétés internationales ont entrepris de fédérer et d'organiser l'activité mercenaire selon un model commerciale et légale, sous la forme de Sociétés Internationales de Sécurité (SIS)35(*). Certains auteurs parlent même de « mercenariat entrepreneurial ».36(*)

L'apparition des SIS répond à des conditions de fond (causes et conditions d'émergence) et elles ont des rapports tant avec les Etats qui les hébergent que ceux les employant, qui ne sont pas toujours reconnus du fait de certaines contingences de la vie internationale.

Section 1 : Causes et conditions d'émergence du marché des Sociétés Internationales de Sécurité en Afrique noire.

Le processus global de morcellement politique qui s'installe dès la fin de la guerre froide engendre de nombreux conflits armés. Décidées à toucher les dividendes de la paix, les grandes puissances deviennent plus réticentes à intervenir dans des guerres qu'elles ne considèrent plus comme les leurs. La majorité des Etats occidentaux jugent alors nécessaire de réduire substantiellement leurs budgets de défense et adaptent le format de leurs armées à ce qu'ils pensent être un nouvel ordre mondial. De 1987 à 1994 près de cinq millions de soldats sont rendus à la vie civile, et de nombreux matériels conventionnels prolifèrent sur les différents marchés.

Dès lors, les firmes exportatrices de main d'oeuvre militaire et d'expertise sécuritaire se positionnent sur un marché vierge, qui résulte de la rencontre d'une demande de plus en plus croissante et d'une offre diversifiée.

En favorisant le facteur économique par rapport au déterminant militaire de la puissance étatique dans la défense des intérêts nationaux, les Etats ont déclenché des mutations importantes au sein de leurs appareils de défense et dont les conséquences quant à l'émergence des Sociétés Internationales de Sécurité, sont évidentes.
 

Paragraphe 1 : Les armées face au libéralisme économique de l'après guerre froide

La fin de la guerre froide a vu le triomphe des Etats Unis sur l'Union Soviétique. Plusieurs Etats qui n'étaient pas du bloc capitaliste se sont retrouvés avec de réelles difficultés pour faire décoller leur économie et réaliser une certaine stabilité. Les grondes sociales et l'obligation de s'adapter aux exigences de l'économie de marché ont poussé les gouvernements à réduire les dépenses nationales en vue de mobiliser les fonds nécessaires au règlement des problèmes du moment. Plusieurs secteurs, dont celui de l'armée, connaissent alors une vague de privatisation et de licenciement. C'est ainsi qu'on assiste à une chute des budgets de défense suivie d'une privatisation de certains appareils de défense et de sécurité. De plus la démobilisation mondiale des troupes a mis sur le marché de l'emploi une main d'oeuvre qualifiée.

A- La baisse des budgets de défense et la privatisation des appareils de défense et de sécurité

La chute des dépenses militaires dans les pays impliqués dans la défense des blocs de la guerre froide (les pays de l'OTAN et du Pacte de Varsovie) a été spectaculaire.

Mais en Afrique subsaharienne les dépenses militaires baissent de 21,4% dans la période 1985-1996.37(*) Cela n'a aucune corrélation avec le retour à la stabilité politique : les montants des dettes publiques des pays africains expliquent en grande partie cette apparente réduction. La " mal gouvernance " a provoqué des interventions du Fond Monétaire International et de la Banque Mondiale : Programmes d'Ajustement Structurel avec leurs conditionnalités, rééchelonnements de la dette sous des conditions de gestion draconiennes et accords contraignants adoptés par les Clubs de Paris et de Londres.

Ces coupes budgétaires engendrent dans l'ordre interne une privatisation progressive des appareils de défense. Le processus est en marche dans la plupart des secteurs touchant au domaine de la défense et de la sécurité. L'industrie de défense d'Etat a été la première à connaître la privatisation et ceci pour des raisons tenant à la fois aux impératifs de rentabilité et à la concurrence farouche qui règnent dans ce secteur qui a pris de plein fouet la baisse des commandes militaires publiques et la réduction des marchés à l'export. Les entreprises de défense se tournent désormais vers les technologies duales et les domaines d'application civile. La plupart d'entre elles entretiennent désormais des activités militaires marginales dans leurs bénéfices, dont la justification économique n'est plus une évidence. Dassault Aviation, par exemple, assure sa rentabilité grâce aux jets d'affaires Falcon. La construction des matériels nationaux n'est plus une priorité et le manque de fiabilité des lois de programmations militaires tend à conforter les firmes dans leurs recherches de débouchés à l'exportation.

Ce phénomène est moindre en France en comparaison avec les comportements des pays de tradition plus libérale. En effet, si la France est réticente sur ce point, les pays anglo-saxons sont allés bien plus loin dans la privatisation qui touche de manière plus poussée des domaines stratégiques .

Les Etats font alors appel à des acteurs privés pour répondre à des tâches peu sensibles, techniques mais coûteuses telles que le déminage, la maintenance des matériels ou encore la logistique.

En France, les hélicoptères de la Marine Nationale sont entretenus par des sociétés de services privées sous contrat. L'armée de l'Air fait aussi appel à des avions appartenant à des compagnies de transport privées qu'elle loue pour augmenter ses moyens de projection (Antonov ou Boeing). Autre secteur délégué au privé : le déminage. Des sociétés spécialisées dans ce domaine assurent désormais ces activités au profit des Etats industriels (souvent premiers producteurs et exportateurs de mines antipersonnelles) et des Nations unies.

Le Département de la Défense américain (DoD) sous-traite toutes les tâches qu'il juge annexes. La sophistication et l'étendue des délégations américaines s'expliquent largement par l'immensité du marché intérieur de défense des Etats-Unis. Le budget fédéral ne pourrait pas supporter, à lui seul, une nationalisation de toutes les activités liées aux secteurs stratégiques. La sous-traitance est donc nécessaire. Ainsi la logistique et l'intendance des forces armées américaines sont en grande partie sous-traitées par des compagnies privées complètement associées aux opérations extérieures. Durant la première guerre du Golfe, la Defense Logistics Agency (D.L.A.) a négocié plus de 550 000 contrats pour un montant global de 760 millions de dollars avec des compagnies privées (Federal Express, AT&T, Evergreen, Southern Air Transport par exemple).38(*)

Une autre composante publique privatisable et privatisée de manière différenciée selon les pays est la sécurité des structures publiques. En France, certains maires ont réclamé la création de polices municipales et leur armement. La tendance, face à la pression politique des habitants, à créer des structures publiques décentralisées sous l'autorité des collectivités locales pour renforcer la sécurité est éminemment perverse. Poussé à l'extrême, ce phénomène aboutit aux milices d'autodéfense puis aux armées privées.

Aux Etats-Unis, les gardiens de prisons ne sont pas des fonctionnaires, mais des " matons " privés provenant de la puissante et énigmatique firme Wackenhut Corporation.39(*)

La compagnie anglaise Defense Systems Limited (DSL) assure quant à elle la sécurité des ambassades de nombreux pays : à Bahreïn au profit des Etats-Unis, en République Démocratique du Congo pour les Etats-Unis, la République Sud-Africaine et la Suisse et enfin en Angola pour les Etats-Unis, la Grande Bretagne, l'Italie, la Suisse, la République Sud-Africaine et le Consulat de Belgique. En effet, l'instabilité de certains pays exige que l'on prenne des mesures de sécurité et les attentats du 7 août 1998, contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et Dar es-Sallam (Tanzanie), de même que les nombreux attentats contre les intérêts américains à travers le monde après le 11 septembre 2001, montrent toute la légitimité de cette protection.

D'autres firmes assurent la sécurité d'installations stratégiques, comme les pipelines ou les gazoducs. La construction du gigantesque pipeline de 1100km reliant le champ pétrolifère in shore tchadien de Doba au port d'évacuation camerounais de Kribi (inauguré récemment) avait prévu un appel d'offre au privé pour sa sécurité durant les travaux et après la mise en service. Pour sa connaissance du terrain tchadien, la société de sécurité de Paul Barril a été évoquée comme la mieux placée pour le contrat. Executive Outcomes, la plus grande compagnie militaire privée du monde, avait déjà été sollicité pour la surveillance et la protection des structures gazières de la SONATRACH, dans le nord de l'Algérie, face à la prolifération des groupes islamiques armés mais les négociations avaient échoué.
 

Sous-traiter le maintien de l'ordre dans une structure publique est une chose courante dans certains pays. En Afrique du Sud, une des plus grandes entreprises de sécurité privée du pays, Combat Force Security, a été appelée en renfort par les responsables de l'Université de Durban-Westville pour assurer la fermeture du campus. Deux étudiants ont été blessés et des centaines intoxiqués par des gaz lacrymogènes au moment où les gardes ont pris le contrôle de l'université.

Le maintien de l'ordre (répressif et postérieur à une situation existante) ne suffit souvent pas aux gouvernements. Le volet préventif, qui comprend la surveillance des personnalités subversives influentes, peut aussi être sous-traité à des compagnies privées. Wackenhut a ainsi fournit au gouvernement fédéral américain, en pleine période MacCarthyste, un fichier de 2,5 millions de noms de personnes " subversives ou sympathisantes " présumées communistes.

B- La démobilisation mondiale des effectifs et ses conséquences

  L'autre phénomène structurel qui favorise le développement du « mercenariat entrepreneurial » réside dans l'immense " dégraissage " des armées nationales effectué au niveau mondial depuis la fin de l'affrontement Est-Ouest. La baisse des budgets de défense et des dépenses militaires ont permis une réduction, quelque fois drastique, des effectifs militaires dans la plupart des pays développés et dans les pays qui possédaient une instabilité entretenue par le " grand jeu " des puissances pendant la période de la guerre froide

Globalement, les effectifs mondiaux au service des forces armées ont diminué de plus de 5 millions de personnes entre 1985 et 199640(*).

Il est clair que ce n'est pas la démobilisation mondiale seule qui a permis la résurgence du phénomène du mercenariat et sa mutation en multinationales. Mais ce processus de réduction des effectifs a été plus ou moins bien conduit selon les pays. Si la France a contracté le format de son armée, elle l'a fait avec des mesures d'accompagnement économique et social. Dans d'autres pays, notamment à l'Est et en Afrique du Sud, le phénomène a été plus brutal et le retour à la vie civile de certains militaires s'est fait plus difficilement. La frustration engendrée par le sentiment de l'inutilité et de l'ingratitude, consécutives à l'explosion de certaines sociétés militaires, n'a pas eu les effets escomptés du point de vue de la paix : ceux qui rejoignent les rangs des firmes de sécurité sont en majorité des Ukrainiens, des Serbes, des Polonais, des Russes et des Sud-Africains.

Cela est d'autant plus vrai que cette démobilisation a coïncidé avec la fin des conflits régionaux, gros pourvoyeurs de main d'oeuvre, tels que l'Afghanistan et l'ex-Yougoslavie. L'afflux de mercenaires, immédiatement après l'arrêt d'un conflit, est un phénomène bien connu depuis longtemps. Il y a eu l'après Vietnam pour les Américains, les Malouines pour les Anglais, la guerre du Golfe et enfin la Yougoslavie qui a vu arriver sur le marché du recrutement des Français déçus et des Serbes vexés par la résolution de ce conflit.

  Qu'il soit volontaire ou imposé, le passage du secteur public au secteur privé de cette main d'oeuvre qualifiée au chômage technique, s'il est assez bien admis dans la fonction publique civile, pose quelques problèmes éthiques quand il s'agit de militaires redoutables, de hauts responsables de la défense ou des membres des services de renseignement, qui continuent d'exercer leurs compétences dans le même domaine d'activité mais à des fins commerciales.

Depuis que les mercenaires existent, ils sont issus des troupes les plus efficaces et reconnues comme telles. Les unités d'élite sont ainsi des réserves de premier choix pour les SIS. L'époque glorieuse des " Africains Blancs " a connu des contingents de " chiens de guerre " triés sur le volet : légionnaires et parachutistes coloniaux français, Royal Marines, bérets verts américains, pilotes de la Royal Air Force, pour ne citer que ceux-là.

Les troupes d'élite sont la base de l'expertise militaire vendue par les SIS. La " vieille école " s'en était servie de manière sporadique et individuelle, chacun étant susceptible de rejoindre les " Commandos " africains en fonction de sa nationalité. Actuellement, le recrutement est beaucoup plus systématique.

Chose plus inhabituelle et surprenante, le corps des officiers, plus marginalement attiré par le mercenariat, est de plus en plus tenté par le passage au privé. La firme américaine Military Professional Resources Incorporated en est l'archétype. Selon la formule consacrée, " elle possède plus de généraux quatre étoiles que le Pentagone ". Même si cela est une particularité américaine, le procédé a tendance à se développer au fur et à mesure que les soldes " privées " sont élevées.

Par ailleurs les hommes de renseignement passent au privé. Ce processus bien connu pour les soldats, est tout aussi vrai pour les membres éminents des services secrets et des hauts responsables politiques de la défense.

Mais contrairement à un recyclage vers le renseignement économique, les firmes de mercenaires demandent aux personnes qui les rejoignent une continuité totale de leur action et de leurs compétences mais cette fois au service d'intérêts privés et commerciaux. Ces hommes continuent à faire du renseignement militaire et des opérations spéciales, en tant qu'experts, pour le compte des compagnies de sécurité.

Là aussi le phénomène n'est pas nouveau. Les premières sociétés commerciales de mercenaires qui apparaissent en Grande Bretagne après la deuxième guerre mondiale sont fondées et constituées d'anciens SAS (Special Air Service), qui sont encore aujourd'hui l'un des principaux viviers du mercenariat. Par exemple le fondateur du redoutable Special Air Service, David Stirling, est à l'origine de Watchguard Organisation qui, à partir de 1967, entraîne des mercenaires et les déploie au gré des intérêts du Foreign Office.

Le phénomène n'est pas seulement anglais. Les autres pays possédant des structures de renseignement efficaces connaissent aussi cela. Les services sud-africains de renseignement sous l'apartheid ont fourni les cadres dirigeants de la plus importante société de sécurité mondiale : Executive Outcomes.

  

Les compagnies d'assistance militaire et de sécurité profitent pleinement de ces conditions. Des bases de données permettent aux firmes de posséder un réservoir d'hommes disponibles et contactables sans préavis. De même, les unités d'élite sont largement démarchées, voire débauchées, par des annonces qui circulent sur le Web ou dans des revues spécialisées. Executive Outcomes disposait d'une base permanente de 2 000 personnes mobilisables dans des préavis très courts. Eeben Barlow, fondateur et directeur d'Executive Outcomes jusqu'en juillet 1997, ajoute que sa firme remplit en cela un rôle social de recyclage des désoeuvrés et des laissés pour compte de la sécurité et de la défense.

La firme américaine Military Professional Resources Incorporated joue sur le même registre. En se présentant comme " le plus grand groupe d'expertise militaire dans le monde ", elle déclare posséder un fichier en croissance continue de plus de 2 000 noms d'officiers du Pentagone. Sur son site Internet41(*), la firme américaine met en avant le fait que " la communauté militaire à la retraite est une ressource nationale " à mettre en valeur.

Certaines revues spécialisées comme l'américaine Soldiers of Fortune (SOF) et la française SECURIMAG centralisent ces demandes d'emploi d'un genre spécial. La disponibilité du marché peut surprendre mais la plupart des annonces pour des activités de mercenaires ne transitent pas par ces publications. Les réseaux de contacts et les News Groups du Web sont beaucoup plus discrets. Les possibilités d'emploi sont d'autant plus alléchantes (financièrement) qu'elles sont aussi un moyen quasiment assuré de partir sur des théâtres extérieurs " chauds ", chose que les pays occidentaux sont de moins en moins enclins à faire avec leurs propres hommes...

 Paragraphe 2 : les calculs stratégiques des Etats et l'explosion de la demande

La nouvelle donne stratégique de la mondialisation et la divergence des intérêts économiques et commerciaux des Etats les ont amené à se désintéresser progressivement de l'action militaire pour leur propre compte. Ceci a eu pour conséquence de favoriser l'apparition sur le marché, des SIS qui prétendent remplacer ces grand Etats pourvoyeurs en éléments pour les interventions de l'ONU, dans leurs missions traditionnelles de gardiens de la sécurité collective, et même fournir des services plus compétitifs financièrement.

A- Les calculs stratégiques des Etats comme cause d'émergence des SIS

Le continent africain apparaît de plus en plus comme le théâtre des luttes stratégiques des pays développés. En effet la multiplication des conflits, la lutte contre le terrorisme, la mobilisation des opinions publiques nationales face aux images désolantes d'un continent qui se meurt et l'engagement militant des Organisations Internationales Non Gouvernementales, mais surtout la position géostratégique du continent noir et l'immense potentiel de son sous-sol, ont tôt fait d'attirer l'attention de ces Etats sur l'intérêt qu'ils ont de s'y investir.

Les chasse-gardées des grandes puissances impérialistes ne semblent plus résister aux désirs des dirigeants africains de diversifier leurs partenaires au développement. On assiste alors à un conflit d'intérêts parfois antagonistes comme ce fut la cas entre la France et les Etats-Unis par rapport à une force interafricaine de maintien de la paix. En effet « entre 1990 et 1994, la France, comptant sur un certain soutien européen, avait avancé de mettre sur pied une " force interafricaine de paix". En octobre 1996, avant le déclenchement du conflit du Kivu, le Président Clinton a envoyé son Secrétaire d'Etat, M. Warren Christopher, dans une tournée africaine afin de promouvoir la constitution d'une "force interafricaine de paix"; initiative très critiquée par des porte-parole français qui la décrivaient comme une "tactique électorale pour gagner les votes noirs". L'idée a gagné à nouveau en actualité avec le conflit du Zaïre. La force de paix africaine a déjà été un motif de discorde entre les deux puissances. La rivalité anglo-saxonne est une des raisons qu'exprime la paralysie d'une telle idée, laquelle existe, du côté africain, depuis la création de l'OUA42(*). »

C'est justement sur le terrain de la paix que se concrétisent les enjeux stratégiques des Etats. En effet le problème tenant aux risques politiques des opérations extérieures des Nations Unies (les échecs électoraux qui découlent des fiascos somaliens, rwandais et autres, tendent à mettre en difficultés les dirigeants politiques qui décident des interventions et en sont par la suite responsables politiquement ) se combine avec d'autres facteurs d'explication d'ordre économique pour amorcer peu à peu le désintérêt des membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies, pris individuellement, aux conflits mondiaux.

Les trois Etats de l'OTAN, traditionnels bailleurs de contingents pour le compte de l'ONU, semblent privilégier la décentralisation du maintien de la paix à toutes les opérations extérieures ne mettant pas directement en danger leurs intérêts stratégiques ou leurs ressortissants nationaux43(*). L'ONU légitime cette pratique en confiant certaines de ses Opérations de Maintien de la Paix à des coalitions interafricaines sous commandement d'une puissance régionale comme cela est le cas pour le Nigeria qui fut à la tête des opérations de l'ECOMOG au Libéria et en Sierra Léone.

Le caractère multinational implique constamment de ménager les susceptibilités nationales des petits pays qui entendent participer aux opérations alors qu'ils ne possèdent pas les matériels et la formation suffisants pour les mener correctement. Ces contradictions ont eu des conséquences opérationnelles et humaines importantes au sein de la population locale comme du côté des forces armées engagées par l'ONU. Mais le volet financier, aussi trivial qu'il puisse paraître, constitue un des griefs majeurs des Etats à l'encontre les Nations Unies. 

Du fait de leur prolongation dans le temps, de leur coût et du long processus décisionnel du conseil de sécurité des Nations Unies, les opérations de maintien de paix sont de plus en plus sujets à caution.

Les gouvernements légaux sont souverains et l'ingérence dans leurs affaires intérieures est proscrite. Le véritable problème est bien celui de la légitimité des contractants en matière de sécurité ou d'expertise militaire. En effet, il convient d'analyser précisément la demande et les besoins que satisfont les firmes privées en lieu et place des Nations Unies et de la Communauté internationale qui en a progressivement abandonné l'exclusivité.
 

B- L'explosion de la demande et la légitimité de l'offre

La multiplication des conflits régionaux a induit la croissance des besoins d'intervention de la communauté internationale. Le manque de capacité et de rapidité des Nations unies, la complexité du processus de décision de cette organisation et la réticence de certains États à se commettre sur certains terrains d'activité, ont mené à une régionalisation de la résolution des conflits et des opérations de maintien de la paix (OMP). Des quelques 75 000 Casques bleus déployés en 1994 sous l'égide des Nations unies, seulement 42 000 étaient encore en opération en octobre 2003. Incidemment, la majorité des conflits ont étés gérés non pas par l'ONU, mais par des organisations régionales de sécurité (OTAN, OUA, UE, OEA...)44(*). Cependant, malgré le désengagement de la communauté internationale, et ce particulièrement en Afrique, les besoins en matière de stabilisation et d'OMP n'ont pas disparu. On assiste même aujourd'hui à une forte augmentation du nombre des opérations de maintien de la paix de l'ONU en Afrique, qui nécessitent 2,9 milliards de dollars sur les 3,9 milliards du budget que cette institution a consacré au maintien de la paix45(*).

Malgré la compréhensible réticence de la communauté internationale à reconnaître l'apport des SIS, certaines d'entre elles ont démontré dans le passé leurs aptitudes à la stabilisation de la situation sur le terrain. En Sierra Leone, EO a joué un rôle instrumental dans l'altération du scénario du conflit, ce qui a obligé le RUF à s'asseoir à la table des négociations. La conclusion des accords de paix de novembre 1997 a suffisamment apaisé la situation pour permettre la tenue des premières élections en 27 ans. En Angola, les lourdes pertes de l'UNITA sur les champs de bataille, conjuguées à la reprise du contrôle de gisements  miniers par EO aidé des forces gouvernementales, furent les facteurs déterminants qui devaient mener à l'établissement des accords de Lusaka en 1994. L'entraînement militaire et les conseils stratégiques dispensés par EO renforcèrent les capacités de combat de l'armée angolaise. L'engagement de MPRI dans le conflit yougoslave aux côtés de la Croatie, bien que de nature beaucoup plus complexe que celui de EO en Afrique de l'Ouest, fut une incroyable démonstration de sa rapidité d'action et de sa capacité à élaborer des opérations d'un haut degré de complexité. En ce sens le Président de la sous commission américaine des affaires africaines de la Chambre des représentants affirmait le 8 octobre 2004 à ses paires que face aux crises dont de nombreux États africains sont la proie, «  il convient d'envisager de nouvelles mesures telles que le recours à des sociétés spécialisées dans la sécurité, étant donné que la sécurité est indispensable au développement de l'Afrique ». « Nous avons fait appel à de telles entreprises au Liberia et en Côte d'Ivoire pour la logistique (...) et je sais qu'elles s'occupent de la logistique au Darfour dans le cadre de la mission de l'Union africaine »46(*) ajoutera t-il par la suite.

Cependant tout ce qui entoure l'imputabilité des activités de telles entreprises est aussi à considérer. Bien qu'aucune SIS ne se soit dernièrement engagée dans la défense d'intérêts stratégiques allant à l'encontre des politiques de son gouvernement, les actionnaires (dont les objectifs sont essentiellement pécuniaires) sont ceux à qui elles doivent rendre des comptes. Une motivation de nature étatique, comparativement à une philosophie purement commerciale, incorpore au processus décisionnel des paramètres autres que le seul facteur de profitabilité. Néanmoins, le risque lié à l'exploitation des ressources minières et énergétiques dans un contexte d'instabilité s'avère un puissant incitatif pour maintenir la stabilité. Cette motivation entre en synergie avec les objectifs des gouvernements locaux. Il ne peut y avoir d'investissements  sans qu'un climat de stabilité s'installe. Les SIS, en plus de contribuer à la vitalité économique des États dans lesquels elles opèrent, s'assurent par le fait même que le client bénéficiera des ressources nécessaires pour s'acquitter de la facture.

Section 2 : Nature des relations entre les Etats et les Sociétés Internationales de Sécurité.

Le recours à des soldats « privés » (terme qui remplace celui de mercenaire jugé trop galvaudé) présente pour l'Etat hôte des avantages majeurs. Il l'exonère ainsi de tout contrôle démocratique, sans risque de froisser l'opinion publique et lui permets de payer de manière ponctuelle un service rendu. Cependant pour les Etats bénéficiaires (souvent africains) il existe des risques politiques bien précis.

Paragraphe 1 : les Sociétés Internationales de Sécurité comme outils de politique extérieurs des Etats hôtes

Les Etats hôtes sont, bien sûr, ceux qui hébergent les sièges sociaux des SIS. Afin de mieux étudier la question, nous prendrons deux cas illustratifs : la France et les Etats-Unis.

A- Le cas Français

La France, nous l'avons vu, ne cautionne pas les intervention des SIS dans des conflits internationaux tendant à faire croire à une privatisation de la violence par l'Etat.

L'absence de lien organique avec les mercenaires a souvent permis à l'Etat français de conduire une politique par procuration. De ce fait, tous les Présidents de la Vème République ont laissé faire sinon provoqué des opérations mercenaires : le général de Gaulle puis Georges Pompidou, du Katanga au Biafra ; Valéry Giscard d'Estaing, des Comores au Bénin ; François Mitterrand, du Tchad au Gabon. Sous la présidence de Jacques Chirac, plusieurs opérations ont été tolérées : Zaïre (1997), Congo-Brazzaville (1997-1998, 2000 ), Côte d'Ivoire (2000, 2002) 47(*)

Outre le fait qu'il peut constituer un signe politique de soutien, même minimaliste (comme ce fut le cas au Zaïre fin 1996-début 1997 avec la trentaine de mercenaires français chargés d'encadrer l'armée de Joseph Mobutu mise en déroute par les troupes de Laurent Désiré Kabila, équipées par le Rwanda et l'Ouganda), ce lien laisse transparaître la complicité entre le privé et l'Etat qui fait que les « coups » réalisés par les premiers ne sont en général pas remis en cause par les seconds48(*).

  On comprend aisément le grief que porte le gouvernement français contre la définition du mercenaire proposée par la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, en son article 1er alinéa 1 -e) qui dit que (Le terme «mercenaire» s'entend de toute personne) « Qui n'a pas été envoyée par un État autre qu'une partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit État. ». En effet il considère qu'il fallait parler plutôt de « mission » tout court et que l'adjectif « officiel » était de trop. On pourrait avancer que cette position du gouvernement français n'était qu'un paravent pour les SIS qu'il emploie, de façon non officielle, dans certaines circonstances.

B -Cas des Etats Unis

Après la période exceptionnelle de la guerre froide49(*) qui voit une présidentialisation inédite du régime politique américain, l'Oncle Sam tend à revenir à des préoccupations de " domestic policy " et à un système plus équilibré dans lequel le Congrès retrouve ses pouvoirs constitutionnels et l'opinion publique américaine fait pression pour recentrer les objectifs politiques du pays. Dans cette nouvelle configuration des forces internes, les Etats-Unis se montrent d'autant plus réticents à intervenir militairement que les sondages et le Congrès s'y opposent fortement.

Le recours à des compagnies privées est alors un moyen commode de contourner les autorisations budgétaires du Congrès et d'éviter les réactions défavorables de l'opinion face aux pertes américaines. De plus, les activités de firmes américaines d'assistance militaire permettent des actions moins officielles dans la plus pure tradition des " black operations " du temps de la guerre froide.  

Dans tous les cas de figure, l'aval du Département d'Etat américain est nécessaire et se matérialise par le biais d'une licence du State Department Office of Defense Trade Controls qui autorise ou pas, l'exportation de main d'oeuvre sécuritaire ou l'octroi d'une assistance militaire par un opérateur privé, pour le compte des Etats-Unis. Cette procédure s'apparente à celle utilisée pour les ventes de matériels de guerre (Foreign Military Sales), suivant en cela l'opinion générale des responsables du Pentagone qui insistent sur la légitimité de cette comparaison et donc sur la nécessité de l'identité formelle entre les dispositions de contrôle : négociations d'accords d'Etat à Etat, autorisations progressives à la conclusion du contrat et durant son déroulement, etc.  

  Des experts estiment qu'en 2004 le Pentagone aura dépensé $30 milliards US, ce qui représente environ 8% du budget de la défense, en contrat avec des compagnies militaires privées50(*). Il existe donc une relation d'extrême proximité entre le Pentagone et les compagnies militaires privées, puisque ces dernières sont généralement dirigées par d'anciens hauts gradés du département de la défense. Ce lien étroit rend parfois difficile la distinction entre les forces régulières et civiles oeuvrant pour des compagnies privées.

Des soupçons ont même pesé sur une ONG américaine comptant pourtant dans son conseil d'administration Henry Kissinger : l'International Rescue Committee. Des journalistes belges ont mis en cause son rôle dans le soutien logistique accordé à Laurent-Désiré Kabila et notamment dans l'installation de batteries antiaériennes autour de la ville de Bukavu après le bombardement de la ville. Ces allégations ont été démenties par la suite.

Quant au MPRI, elle a la particularité de ne pouvoir travailler qu'avec l'accord de la Maison Blanche : autrement dit, elle n'a jamais été qu'un prestataire de services de l'exécutif américain. On relève notamment qu'elle succéda à EO en Angola au lendemain de la visite du Président Clinton à Luanda, et sous la pression de l'administration démocrate.

Paragraphe 2 : Des risques politiques pour les Etats africains bénéficiaires

A- Un néocolonialisme de plus en plus imminent

Cet aspect de la question a largement été étudié par le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme de la Commission Economique et Social des Nations Unies.

En effet dans son rapport daté du 20 février 1997, le rapporteur spécial sur les mercenaires pour le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme, Enrique Bernales Ballesteros, met en garde les Etats qui contractent avec les SIS :

" Les pays faibles qui pourraient, à cause de leurs problèmes institutionnels, être tentés de devenir des clients de ces puissantes compagnies, pourraient bien avoir donné le premier coup de grâce à leur propre Etat. (...) elles peuvent devenir une véritable menace du fait des activités qu'elles mènent, parce qu'elles possèdent des experts hautement entraînés, des armes sophistiquées et des renseignements classifiés, parce qu'elles opèrent avec des gouvernements légitimes mais aussi avec des mouvements d'opposition armée, parce qu'elles interfèrent dans l'économie du pays qu'elles aident et enfin parce qu'elles utilisent la violence et des tactiques de déstabilisation en lien avec d'autres compagnies. "

Mais Bernales Ballesteros développe aussi un autre aspect du risque politique pour les Etats contractants :

 " Transférer ces responsabilités à des compagnies privées provenant de pays tiers restreint la souveraineté du gouvernement qui signe un contrat tel que les pouvoirs de police, de défense du territoire et de la population sont délégués. (...) cela peut être dangereux pour l'Etat d'assumer ainsi les abus qui pourraient être commis par les compagnies de sécurité à l'encontre de la population civile dans sa chasse à l'opposition politique, ou les violations des droits de l'homme ou du droit humanitaire, ou enfin si les firmes privées profitent de leurs relations avec des multinationales minières, pétrolières, chimiques ou autres pour étendre leurs intérêts et utiliser leurs ressources militaires pour établir une hégémonie politique, économique et financière pour leurs partenaires d'affaires. (...) [ces Etats] paveraient ainsi la voie du néo-colonialisme du XXIème siècle. "
La présence de mercenaires dans un pays est politiquement déstabilisatrice. Ils menacent le monopole de la coercition et de l'emploi de la force qui est un principe de base des Etats légaux. De plus, certains " chiens de guerre " ont des ambitions démesurées.

La prolifération des Gardes Présidentielles dans la plupart des Etats africains est aussi une forme subtile de substitution des mercenaires aux plus hauts organes publics nationaux. Au Gabon, en Centrafrique, aux Comores avec Bob Denard, ces gardes prétoriennes ont très largement influencé les pouvoirs qu'ils protégeaient dans le sens de leurs propres intérêts.

B- Des contrats qui tendent à s'éterniser et des tentatives de se faire payer en nature

Il faut surtout remarquer que les intérêts des mercenaires résident beaucoup plus dans la prolongation du conflit que dans l'amélioration de la situation dans le pays. En effet, les firmes ont une tendance marquée à tenter de pérenniser leurs activités les plus rentables (formation des militaires gouvernementaux puis protection des compagnies d'extraction) et donc à s'implanter durablement dans les pays contractants.

La concurrence entre les firmes transnationales de sécurité et d'assistance militaire paraît évidente si l'on considère l'intérêt financier à mener des opérations offensives en lieu et place d'un Etat, à former une armée étrangère ou à donner des conseils d'expert moyennant des contrats colossaux dont certaines contreparties sont des investissements à long terme très rentables. Les ponctions financières sur les budgets publics sont donc importantes, surtout si l'on considère la nature économique des principaux pays contractants. La plupart sont des Etats fragiles en voie de développement ou en transition vers une démocratie à économie de marché. Leur dette et leurs déficits chroniques, déjà très problématiques, sont alors grevés par le montant des contrats militaires et sécuritaires privés. Mais si l'on a évoqué le paiement du contrat d'Executive Outcomes en Sierra Leone , on est obligé de constater que les pays concernés s'engagent délibérément avec les compagnies de mercenaires et donc que ces dépenses sont parfaitement volontaires. A tel point que les impossibilités de règlement font l'objet de compensations en nature suite à des accords particuliers entre l'Etat et la firme.

Les nombreux dérapages des firmes justifient et impliquent la nécessité d'une législation contraignante permettant le contrôle, l'interdiction et la poursuite des activités des mercenaires modernes dans l'ordre interne (pays dans lesquels ils agissent, Etats hôtes) mais aussi sur le plan international à cause de leurs structures mondialisées.

SECONDE PARTIE

LA RÉPRESSION DU MERCENARIAT DANS SES NOUVELLES FORMES SUR LE CONTINENT AFRICAIN ET REPONSES DES ETATS

La critique que l'on fait aux différents textes existant qui condamnent ou répriment le mercenariat, est qu'ils ne prennent pas en compte le nouveau cadre d `évolution, les nouvelles formes du mercenariat contemporain, à savoir le mercenariat entrepreneurial.

La question est de savoir quels sont les textes de loi qui condamnent le mercenariat (quelles sanctions prévoient-elles) et quelle est la responsabilité des Etats d'une part, et d'autre part, quelles sont les réponses que les Etats ont élaborées pour lutter contre le phénomène et les perspectives pour le continent africain, continent qui a longtemps souffert du phénomène tel que nous l'avons montré dans la première parti.

Chapitre premier : LA REPRESSION JURIDIQUE DU MERCENARIAT

Plusieurs textes existent et condamnent le mercenariat. Il en existe sur le plan international de même que sur les plans régional et national.

Section 1 : L'arsenal juridique international

Plusieurs textes internationaux, régionaux et nationaux portent sur le mercenariat. Il s'agit notamment de la convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, de Traités relatifs à certaines infractions, de la convention de l'OUA sur l'élimination en Afrique du mercenariat, et plusieurs législations nationales dont celle sud-africaine qui retiendra notre attention.

Paragraphe 1 : La répression du mercenariat dans les textes internationaux

Comme textes internationaux nous parlerons de la convention des Nations Unis contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires et de Traités relatifs à certaines infractions.

A- Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires

La Convention établit toute une série d'infractions qui peuvent être commises par des mercenaires individuellement, par des personnes recrutant, utilisant, finançant ou instruisant des mercenaires et par les États parties, de même qu' elle impose à ces derniers (aux États parties) un certain nombre d'obligations à cet égard.

Les États parties ont des obligations positives aussi bien que négatives à cet égard. Ils doivent non seulement s'abstenir de se livrer à aucune des activités visées mais aussi prendre les mesures voulues pour empêcher que d'autres ne s'y livrent. Ceci s'applique en particulier aux activités dont le but est de s'opposer à l'exercice légitime du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. En outre, les infractions définies par la Convention doivent être punies de peines correspondant à leur gravité.

Outre qu'elle définit des infractions, la Convention établit un cadre pour faciliter la poursuite des délinquants au niveau national. Elle exige des États qu'ils fassent en sorte que leur législation permette les poursuites. L'auteur présumé d'une infraction doit être placé en détention par le territoire de l'État dans lequel il se trouve et une enquête préliminaire doit être ouverte. Si la personne concernée n'est pas extradée pour être jugée dans un autre État, l'affaire doit être soumise aux autorités nationales compétentes. Tout au long de la procédure, l'auteur présumé doit être traité équitablement et bénéficier de garanties judiciaires. Les États doivent coopérer entre eux pour prévenir et réprimer les infractions, notamment par l'échange d'informations.

La convention fait obligation aux Etats de ne pas recourir aux mercenaires de façon générale, en particulier en vue de s'opposer à l'exercice légitime du droit des peuples à l'autodétermination, sous peine d'engager leur responsabilité internationale.

G.Abraham désigne trois domaines pour lesquels la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires est considérée comme problématique 51(*):

« C'est seulement lorsque le crime de mercenariat est perpétré au sein des frontières d'un Etat ou par le ressortissant d'un Etat, que cet Etat se voit accorder la juridiction pour juger de ce crime ;

En cas de conflit, la Convention refuse à l'Etat lésé le droit de poursuivre l'Etat fautif ;

La Convention ne prévoit aucun mécanisme de contrôle sur ces dispositions, plaçant ainsi la responsabilité sur les Etats-membres eux-mêmes. »

B- Traités relatifs à certaines infractions

Divers traités ont été élaborés pour interdire un type particulier de comportements, quelle que soit la nature ou l'identité de celui qui s'y livre. Ils comprennent la Convention de Tokyo de 1963 relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs, la Convention de La Haye de 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, la Convention de 1973 sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, la Convention internationale de 1979 contre la prise d'otages et la Convention de 1988 pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime. Nombre de ces traités établissent la compétence universelle à l'égard des auteurs d'infractions, ce qui signifie que chaque État a le pouvoir d'engager des poursuites contre eux et, de fait, a l'obligation de le faire s'il ne les extrade pas vers un autre État. Comme ces traités interdisent le résultat sans tenir compte de l'auteur de l'infraction, ils sont applicables aux mercenaires qui commettent l'un quelconque des actes prohibés.

La Cour Pénale Internationale (CPI) est quant à elle compétente pour engager des poursuites contre les individus responsables de crimes visés dans son Statut, et bien qu'elle ne mentionne pas expressément les activités des mercenaires, les individus concernés devraient faire l'objet de poursuites comme quiconque commet un des crimes visés dans le Statut. La qualité de mercenaire pourrait aussi se révéler une circonstance aggravante au moment du prononcé de la peine.

Paragraphe 2 : Le mercenariat dans les lois régionale et nationale en Afrique au sud du Sahara

L'Afrique n'est pas restée non plus sans chercher à réprimer le mercenariat. Ce fut fait à travers la Convention de l'Organisation de l'unité africaine sur l'élimination du mercenariat en Afrique, adoptée à Libreville le 3 juillet 1977. De plus depuis quelques années et face à la résurgence du phénomène, certains Etats ont renforcé leurs Droit positif. C'est le cas de la République Sud-Africaine.

A- La convention de l'OUA

La Convention de l'Organisation de l'Unité Africaine sur l'élimination du mercenariat en Afrique du 3 juillet 1977 a été le deuxième instrument international après le Protocole additionnel I du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève, qui porte sur le mercenariat.

Fondée en partie, quant à la définition du mercenaire, sur des projets antérieurs52(*) et, à l'exception du problème de la rémunération, sur la définition du mercenaire telle qu'elle figure à l'article 47 du Protocole I, cette Convention répond au soucis de ceux qui voient, dans le texte du Protocole, « un encouragement à l'élaboration d'instruments régionaux plus fermes ». Fait nouveau, elle incrimine le mercenariat comme tel, et non seulement le mercenaire (article 1 paragraphe 2) et interdit purement et simplement d'accorder aux mercenaires le statut de combattants et de prisonniers de guerre (article 3). Enfin la particularité de cette convention (qui s'écarte en ce point du Protocole) est qu'elle fait de l'agression un crime de mercenariat.53(*)

L'OUA, à travers la Convention, condamne les gouvernements qui recrutent des mercenaires pour réprimer des mouvements de libération nationale, mais ne condamne pas ceux qui se défendent contre les groupes dissidents, illégitimes à l'intérieur des frontières en employant des mercenaires ou des membres de sociétés de sécurité privée (comme ce fut le cas en Côte d'Ivoire et en Angola).

Outre qu'elle crée une infraction spécifique de mercenariat, la Convention de l'OUA énonce toute une série d'obligations connexes. Les États doivent prendre des mesures pour éliminer les activités des mercenaires en se dotant d'une législation punissant de la peine la plus sévère le crime de mercenariat et en échangeant des informations sur les activités mercenaires qui viennent à leur attention. Les États s'engagent à poursuivre ou extrader toute personne commettant une infraction visée dans la Convention et à s'assurer réciproquement la plus grande assistance en ce qui concerne les enquêtes et les procédures engagées pour le crime de mercenariat. Les États peuvent être accusés de violations de la Convention devant tout tribunal de l'OUA ou tribunal international compétent, et leurs représentants peuvent être punis.

Certains Etats ont élaboré des législations nationales diverses, plus ou moins sophistiquées selon les pays, telles que des lois interdisant le recrutement militaires pour l'étranger et des lois portant sur les exportations de technologies militaires et de services connexes liés aux ventes d'armes. Sur le continent africain, c'est l'exemple sud africain qui retiendra notre attention.

B - Les lois nationales africaines : cas de l'Afrique du Sud

L'Afrique du Sud s'est dotée en 1998 d'un « Regulation of Foreign Military Assistance Act » autrement dit « La Loi sur l'assistance militaire à l'étranger », qui régit à la fois l'existence des compagnies de sécurité ; en les forçant à s'enregistrer, et leurs opérations en leur imposant de demander une autorisation pour chacune d'entre elles. En effet elle interdit la « participation directe d'un Sud-Africain à un conflit armé dans le dessein d'en tirer un avantage personnel » ; de même « tout citoyen ou résident sud-africain » ne doit pas « recruter, utiliser » des personnes en vue d'activités mercenaires, encore moins y « participer » ou les « financer ».

Cependant les personnes reconnues coupables s'exposent à « une amende et/ou une peine prison » et le texte ne fixe aucune limite maximum. Cette disposition centrale de la loi sud africaine mérite que l'on s'y attarde.

En effet, pour un Sud africain ou un étranger résident en Afrique du Sud qui aurait participé directement en tant que combattant à un conflit armé à des fins privées, qui aurait recruté, utilisé entraîné, financé des personnes en vue d'activités militaires ou qui aurait été reconnu comme tel, s'offrent deux possibilités de condamnation : l'amende et/ou la prison. A l'épreuve l'on a remarqué que les délinquants préfèrent alléger leur compte en banque plutôt que d'aller croupir en prison. C'est le cas de Richard Rouget, sud africain d'origine française qui a été interpellé en juillet 2003 à l'aéroport de Johannesburg pour activités mercenaires en Côte d'Ivoire. Il a plaidé coupable lors de son procès, affirmant avoir agit « par amitié envers le gouvernement ivoirien » et a été condamné au choix à cinq ans de prison ou une amende de 100.000 rands (12.084 euros).54(*) Plusieurs autres mercenaires ont bénéficié de cette loi sud-africaine (dont le plus récent est Mark Thatcher, le fils de Margaret Thatcher, soupçonné d'avoir financé un coup d'état déjoué en mars 2004 en Guinée Equatoriale).

Conscientes de cette faille, les autorités sud-africaines affirmaient peu après l'arrestation de Mark Thatcher, leur détermination à renforcer leur législation anti-mercenaire en révisant la Loi sur l'assistance militaire à l'étranger. « Il nous incombe de réviser cette loi pour s'assurer que nous avons colmaté toutes les brèches » a expliqué à l'Agence France Presse, le ministre sud-africain à la sécurité, Charles Nqakula. "L' http://www.politiqueglobale.org/article.php3?id_article=105Afrique du Sud est l'exportateur principal d'expertise mercenaire et il est donc de notre responsabilité d'être au coeur de la bataille pour vaincre ce fléau", avait de son coté affirmé la ministre des renseignements Lindiwe Sisulu. Tous résument leurs dires en cette phrase de la ministre sud africaine des affaires étrangères, Nkosazana Dlamini-Zuma, qui affirmait toujours dans le cadre de l'affaire des mercenaires de Guinée Equatoriale : "Nous n'aimons pas l'idée que l' http://www.politiqueglobale.org/article.php3?id_article=105Afrique du Sud soit un cloaque pour mercenaires".55(*)

Cette apparente volonté du gouvernement sud africain met en exergue la volonté de l'Etat d'endosser sa responsabilité internationale.

Section 2 : La question de la responsabilité

Il s'agira ici de la responsabilité de l'Etat du fait d'activités mercenaires de ses ressortissants, et de la responsabilité individuelle du mercenaire

Paragraphe 1 : La responsabilité de l'Etat du fait d'activités mercenaires

On considère que la Convention de La Haye n° V de 1907 concernant les droits et devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre exprime le droit coutumier, ce qui signifie qu'elle est applicable à tous les États. En fait, l'article 4 de cette Convention met à la charge des États une obligation de prévenir la constitution de groupes de mercenaires sur leur territoire en vue d'intervenir dans un conflit armé à l'égard duquel ils ont décidé de rester neutres. S'ils ne le font pas, ils violent leurs obligations au regard du droit international.

La question de savoir dans quelle mesure un Etat peut ou devrait être tenu pour responsable de ses ressortissants engagés dans des activités mercenaires est extrêmement délicate. C'est d'autant plus le cas aujourd'hui qu'il y a convergence des motivations dans la définition du mercenaire, tant dans le Protocole additionnel, que dans la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires. Sur ce point, les deux conventions ignorent la responsabilité des Etats quant aux actions menées par leurs ressortissants. Quelle est l'étendue de la responsabilité de l'État? S'agit-il d'une obligation négative - celle de s'abstenir de recruter des mercenaires ou d'appuyer leurs activités - ou comprend-elle une obligation positive d'empêcher ces activités?

Normalement, la responsabilité des Etats peut être invoquée en vertu d'obligations découlant d'une conduite prohibée par le droit international. Dans le cas des mercenaires il y a certainement analogie avec les obligations assumées par les Etats en vertu du droit de la neutralité.

Selon les experts, un Etat devrait être responsable du fait qu'il a été incapable d'empêcher le recrutement, l'instruction ou le financement de mercenaires sur son territoire et du fait q'il a permis à une personne de quitter son territoire ou sa juridiction alors que les autorités savaient que cette personne partait avec l'intention de participer à un conflit armé sur un territoire dont elle n'est ni ressortissante ni résidente de longue date56(*).

Néanmoins l'Article 5 de la convention de l'OUA prévoit la Responsabilité générale de l'État et de ses représentants, auquel cas toute autre partie à la Convention peut invoquer les dispositions de celle-ci dans ses relations avec l'État accusé et devant les organisations, tribunaux ou instances internationales ou de l'OUA compétentes.

Du point de vue de la responsabilité de l'Etat les Conventions internationales sont restées muettes sur l'obligation de l'Etat envers un mercenaire ressortissant de son territoire mais appréhendé dans un autre pays. La question se pose de savoir si l'Etat dont il a la nationalité a une obligation quelconque de le protéger. Le problème ne semble pas se poser s'il est établi qu'il est en mission pour le compte de son Etat territorial.57(*)

Paragraphe 2 : La responsabilité individuelle des mercenaires

La responsabilité individuelle des mercenaires est retenue par la convention de l'OUA qui dispose en son article 1er alinéa 3 que « Toute personne physique ou morale qui commet le crime de mercenariat tel que défini au paragraphe 1 du présent article commet le crime contre la paix et la sécurité en Afrique et est punie comme tel. ». De même le fait d'assumer le commandement de mercenaires ou de leur donner des ordres constitue une circonstance aggravante (art.2). Enfin l'article 4 parle de l'étendue de la responsabilité pénale du mercenaire car tout « mercenaire répond aussi bien du crime de mercenariat que de toutes infractions connexes, sans préjudice de toutes autres infractions pour lesquelles il pourrait être poursuivi ».

De plus la responsabilité pénale du mercenaire pourrait être retenue par la Cour Pénale Internationale si les Etats concernés acceptent de le faire comparaître devant cette Cour. En effet l'article 5 paragraphe 1 de la Convention de Rome du 17 juillet 1998 portant création de la Cour, retient cinq incriminations relevant de la compétence de cette juridiction, dont le crime d'agression qui concerne les mercenaires. Malheureusement le crime d'agression ne fait pas encore l'objet d'une définition et l'article 5 paragraphe 1 ci-dessus indiqué, maintient l'incertitude sur la définition de l'agression. Elle ne pourra résulter que d'une procédure d'amendement conformément à la Convention, ce qui revient à reconnaître implicitement que la définition de 1974 ( voir note de bas de page 53 ) est insatisfaisante, et que le définition de l'agression exige un très large consensus entre les Etats.

Chapitre II : REPONSES DES ETATS FACE AU PHENOMENE DU MERCENARIAT EN AFRIQUE

Depuis une dizaine d'années, le sous continent africain est le théâtre de multiples guerres aux structurations diverses et complexes (les conflits armés sont passés du type conventionnel à la guerre de faible intensité) qui constituent un environnement favorable à la prolifération d'activités mercenaires.

Face à cette menace les organisations régionales et sous régionales africaines telles que la CEDEAO et l'Union Africaine sont devenues, avec la collaboration de l'ONU et de certains Etats occidentaux, de véritables acteurs dans la préservation de la paix et de la sécurité sur le continent.

Section 1 : Sur les plans international, régional et sous-régional

Outre l'ONU (et ses casques bleus) qui a la lourde charge d'assurer la sécurité collective dans le monde, la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est l'une des organisations sous-régionales africaines qui s'est le plus penchée sur la question de la Paix et de la Sécurité, indirectement sur celle du mercenariat. L'efficacité et le savoir-faire de l'ECOMOG, appellation officielle de ECOWAS Ceasefire Monitoring Group (Groupe de la CEDEAO chargé du contrôle et de la mise en oeuvre du cessez-le-feu), dans les OMP sont fortement appréciés par la communauté internationale.58(*)

L'Union Africaine en disposant parmi ses organes-clef du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) consacre le principe de « non indifférence » qui est au coeur du projet de l'organisation panafricaine.

Enfin certains Etats occidentaux ont développé, principalement en direction de l'Afrique subsaharienne, des programmes d'aide à la sécurité et au renforcement des capacités régionales de maintien de la paix.

Les OMP de l'ONU, l'ECOMOG, le CPS et les Programmes d'Etats occidentaux en direction des pays africains, sont des initiatives qui tendent directement à prévenir et arrêter les conflits ou à renforcer les capacités coercitives des Etats en vue de faire disparaître toute velléité de crise favorable au déploiement d'activités mercenaires.

Paragraphe 1 : Sur le plan international

A-Les Opérations de Maintien de la Paix de l'ONU

L'impact des OMP de l'ONU sur le recul du phénomène du mercenariat n'est pas négligeable. En effet en s'interposant entre les parties belligérantes d'un conflit et en veillant à l'application stricte des accords de cessez-le-feu ou du respect des embargos sur les armes (comme c'est le cas actuellement avec l'ONUCI en Côte d'Ivoire) l'ONU participe à lutter contre la présence de mercenaires dans les conflits et enrayer ainsi leurs méfaits.

B- Les programmes d'Etats

Conscients des problèmes, mais peu désireux pour autant d'intervenir eux-mêmes militairement, plusieurs pays ont développé des doctrines d'aide à la sécurité régionale. L'Afrique subsaharienne est aujourd'hui la première zone d'expérimentation de ces nouveaux concepts.59(*) L'objectif final est de permettre aux États subsahariens d'assumer seuls et directement la gestion des crises régionales.

L'Union Africaine, la CEDEAO et les Etats africains bénéficient de diverses manières de ces programmes conçus par les pays occidentaux pour développer leurs capacités de soutien de la paix.60(*). Les plus étoffés de ces programmes sont ceux américain, britannique et français.

Ø La France et le RECAMP

Le programme français de Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix (RECAMP)61(*) s'adresse à tous les États africains qui le souhaitent, en s'appuyant sur les regroupements sous-régionaux. Les États de la communauté de l'Afrique de l'ouest, ceux de l'Afrique centrale et récemment ceux de l'Afrique australe ont déjà bénéficié d'un cycle d'entraînement. La Grande Bretagne est un partenaire privilégié de ce programme, lequel associe également la plupart des pays de l'Union européenne, ainsi que les États-Unis, la Chine, le Japon, l'Australie et l'Argentine.

Outre les domaines de formation et d'entraînement, RECAMP comporte une contribution à l'équipement des unités de maintien de la paix. Trois dépôts de matériels prépositionnés ont déjà été constitués. Le premier de ces dépôts a servi, entre autres, à équiper les unités qui ont participé à la Mission des Nations unies en Centrafrique (MINURCA) et à l'opération de l'ECOMOG en Guinée-Bissau.

RECAMP doit permettre, à terme, aux Africains de mener des opérations de soutien de la paix sur leur continent soit dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l'ONU, soit dans le cadre des opérations sous l'égide de l'ONU, dites « opérations autorisées » (mandat de l'ONU, de l'UA ou d'une Organisation Sous Régionale). Dans le premier cas, il s'agit pour les armées africaines de pouvoir prendre part dans les meilleurs délais et avec un haut degré de qualification aux OMP. Dans le second (opérations autorisées), il est nécessaire de constituer une force multinationale à partir des armées nationales africaines, de la commander avec des états-majors multinationaux africains et d'assurer le contrôle et la direction de l'opération à partir de structures politico-militaires. En attendant que cet objectif soit atteint, RECAMP s'inscrit en soutien des forces africaines qui s'engageraient dans une opération de soutien de la paix sur le continent.

Ø Les Etats-Unis et le programme ACOTA

L'« African Contigency Operations Training and Assistance Program » (Programme ACOTA), succède à l'Initiative de réaction aux crises africaines (ACRI). Plusieurs forces formées dans le cadre de l'ACRI ont par la suite participé à des missions de maintien de la paix déployées sur le continent en vertu du chapitre VI de la Charte des Nations unies.

Le programme ACOTA, quant à lui, met l'accent sur une approche plus ferme en vertu du chapitre VII de cette Charte, qui autorise notamment les forces mandatées par l'ONU à utiliser des méthodes plus agressives pour protéger les civils lors de la mise en oeuvre d'accords de cessez-le-feu. Il établie un partenariat entre les États-Unis avec des armées africaines afin de renforcer leurs capacités d'imposition et de maintien de la paix.

En 2004 le programme ACOTA a permis de former et a contribué à équiper presque neuf bataillons de troupes africaines, soit près de 9.000 soldats, aux fins d'interventions d'urgence pour faire respecter la paix à la demande d'organisations régionales telles que la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et l'Union africaine (UA).62(*)

Ø La Grande-Bretagne et le programme BPST (British Peace Support Team)

Le British Peace Support Team, en République Sud Africaine et au Kenya, est orienté vers le maintien de la paix et concourt au renforcement de la sécurité en Afrique. Cependant il coexiste avec d'autres programmes britanniques tels que deux British Military Advisory and Training Team (BMATT), l'un au Zimbabwe, l'autre au Ghana, qui visent, à un échelon régional, à la coordination et à la coopération militaire des opérations internationales de maintien de la paix ; le British Defence Advisory Team (BDAT) au Nigeria et l'International Military Advisory Training Team (IMATT) en Sierra Leone.

Suite à la déclaration tripartite de 1997 (dit accords P3 entre la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis) les différents partenaires des Etats africains dans les opérations de soutien de la paix, joignent parfois leurs efforts pour fournir seulement la logistique et la formation faisant défaut.

Sans prétendre être exhaustif, il convient de souligner également l'aide non négligeable apportée par les pays scandinaves à la préparation des opérations de maintien de la paix, notamment l'initiative du Danemark, qui a créé, au sein de l'Ecole de guerre du Zimbabwe, un cours sur les Observateurs des Nations Unies, ouvert aux représentants de tous les États africains. S'y ajoutent l'initiative prise par le Japon, en 1999, de lancer  des projets d'aide, en priorité au Sénégal, en Tanzanie, en Zambie, en Côte d'Ivoire et en Afrique du Sud,63(*) ainsi que les stages organisés par le Canada au profit des armées francophones.

L'intérêt porté par les nations occidentales à la préparation des forces de l'Afrique subsaharienne aux opérations de maintien et, le cas échéant, de restauration de la paix est donc incontestable, même si certains peuvent trouver trop modestes leurs contributions au regard des besoins les plus manifestes du continent. Cependant, les initiatives des uns et des autres n'ont sans doute pas l'efficacité que l'on pourrait en attendre, du fait de la dispersion des efforts et de la moindre priorité accordée à la formation opérationnelle collective à l'échelon supérieur64(*).

Paragraphe 2 : Au niveau régional et sous-régional

A- Le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'Union Africaine

La nouvelle Union Africaine compte aussi régler la question des multiples conflits qui agitent le continent et qui favorisent le déploiement de l'appareil mercenaire. Il s'agit du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS).

Installé à Addis-Abeba au siège de l'Union Africaine le mardi 25 mai 2004, Le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'Union Africaine est l'un des organes clef de l'Organisation panafricaine. Le protocole qui l'institue est entré en vigueur le 26 décembre 2003. Juridiquement, c'est à cette date que le Conseil a remplacé le mécanisme pour la prévention, la gestion et la résolution des conflits de l'OUA, adopté au Caire en juin 1993 lors du sommet des chefs d'Etats et de gouvernement.

Le CPS, sorte de Conseil de sécurité façon Onu à l'échelle africaine, pourra déployer des missions de paix dans les pays membres et recommander à la Conférence de l'UA, qui regroupe les dirigeants de l'UA, l'envoi de troupes dans un pays en cas de génocide, crimes de guerre ou crimes contre l'humanité.

Mais si le mécanisme pour la prévention, la gestion et la résolution des conflits obéissait aux principes de la charte de l'OUA, et notamment à celui de non ingérence, le CPS ouvre une brèche juridique dans cette neutralité entre Etats membres : certes, l'article 4 (f) du protocole instituant le Conseil de paix et de sécurité mentionne comme principe de base «la non ingérence d'un Etat membre [souligné par nous] dans les affaires intérieures d'un autre Etat membre», mais le texte prévoit quatre alinéas plus bas «le droit de l'Union [toujours souligné par nous] d'intervenir dans un Etat membre sur décision de la conférence dans certaines circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre l'humanité, conformément à l'article 4(h) de l'acte constitutif».Le pouvoir de décision échappe au Conseil de paix et de sécurité en ce domaine, puisque le Conseil ne fait que formuler des recommandations à la conférence des chefs d'Etat (article 7(e) du protocole).

De plus le CPS est secondé par un groupe des sages composé de cinq personnalités africaines nommé pour trois ans et susceptible de mener des actions de prévention. Il est doté d'un outil militaire que n'avait pas le mécanisme, à savoir la «force africaine pré positionnée»: des troupes susceptibles d'être mobilisées en cas de crise seront en principe désignées par les Etats membres. Le Conseil de paix et de sécurité travaillera également sur les informations que lui fournira un «système continental d'alerte rapide» chargé d'identifier les crises naissantes.

B- L'ECOMOG et le Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de sécurité de la CEDEAO

L'ECOMOG (les Casques Blancs), s'est illustrée par ses interventions de 1990 à 1999 au Liberia, alors déchiré par une guerre civile, en 1997 en Sierra Leone, en proie à une autre guerre civile (1991-2001) et de 1998 à 1999 en tant que Groupe de surveillance du cessez- le- feu en Guinée- Bissau. Elle collabore actuellement avec les missions de maintien de la paix de l'ONU en Côte d'Ivoire (ONUCI), en Sierra Leone (MINUSIL) et au Libéria (MINUL).

En prenant de plus en plus de responsabilités dans le maintien de l'ordre, (comme ce fut le cas en 1997 à Monrovia en Sierra Léone) elle participe à réduire l'impact des activités mercenaires dans les conflits.

En plus des questions de maintien de la paix, la CEDEAO s'est aussi penchée sur le problème de la circulation des armes légères et de petit calibre (ALPC) et celui du développement du mercenariat qui lui est presque consubstantiel. A coté du Traité et des protocoles, qui affirment des principes généraux, il existe un moratoire et un code de conduite sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères en Afrique, ainsi qu'un Programme de Coordination et d'Assistance pour la Sécurité et le Développement( PCASED)65(*).

En instituant à Lomé le 10 décembre 1999 un Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de sécurité au sein de la CEDEAO, les Etats membres entendent créer et consolider « les conditions devant permettre à l'Afrique de l'Ouest de réagir promptement aux situations de crise », notamment à travers « le renforcement de la coopération dans les domaines de la prévention des conflits, de l'alerte précoce, des opérations de maintien de la paix, de lutte contre la criminalité transfrontalière, le terrorisme international, la prolifération des armes légères, et les mines anti-personnel » ainsi que « la formulation et la mise en oeuvre de politiques de lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent et la circulation illégale des armes légères » ( article 3 du Protocole relatif au Mécanisme) 66(*), domaines dans lesquels les mercenaires sont très actifs.

De plus, des liens existent entre les activités mercenaires, le trafic illicite des armes et la violation des embargos sur les armes, qui contribuent à alimenter et à prolonger les conflits en Afrique de l'ouest.67(*) 

Section 2 : Quelques suggestions pour lutter contre le mercenariat contemporain en Afrique

Pour lutter efficacement contre le mercenariat tel qu'il se présente aujourd'hui sur le continent noir, il faudra, à notre avis, penser à adapter les différents textes et instruments juridiques existant aux formes contemporaines du phénomène (cela passera par une révision de la définition du mercenaire) et l'affirmation d'une volonté politique très forte. En effet la question de la lutte contre le mercenariat, quelque soit sa forme, demande que les différents gouvernements du continent le décident réellement et le transposent dans leurs actes.

Paragraphe 1 : La nécessité d'une adaptation des instruments juridiques existant aux formes contemporaines du mercenariat.

A- Vers une révision de la Convention de l'OUA sur l'élimination du mercenariat en Afrique

Pour une plus grande efficacité, et au vu des insuffisances de la Convention, il convient que la définition du mercenaire et du crime du mercenariat qu'elle propose soit revue et tienne compte des nouvelles formes du mercenariat, plus précisément de l'avènement sur le continent noir des SIS.

La Convention de l'OUA pourrait être considérée comme plus élaborée que la Convention internationale car elle consacre un paragraphe important au but de l'acte mercenaire : porter atteinte par la violence armée à un processus d'autodétermination, à la stabilité d'un autre État ou à son intégrité territoriale. Il ressort clairement du paragraphe 2 a) de l'article premier que les États ou leurs représentants, les individus, les groupes ou associations sont responsables des actes mercenaires. Compte tenu des manifestations actuelles du mercenariat, les termes "groupe" ou "association" et "personne morale" sont essentiels. Ainsi une société de sécurité privée ou une compagnie militaire privée pourrait être poursuivie pour des crimes mercenaires commis par des individus recrutés par elle, sans préjudice des poursuites dont les individus eux-mêmes pouvaient faire l'objet.

L'article 6 de la Convention de l'OUA (intitulé Obligations des Etats) empêche l'utilisation du territoire des États africains pour faire transiter des mercenaires, et est parfaitement clair en ce qui concerne les responsabilités et les obligations des États, qui s'engageraient à décourager et à éliminer les activités mercenaires sur leur territoire. La Convention de l'OUA va au-delà, puisque les États s'y engagent à promulguer des lois pour pouvoir punir (« de la peine la plus sévère prévue dans sa législation ») les mercenaires conformément à la Convention (art. 7 et 8) et dispose sans ambiguïté que les États ont le devoir d'apporter toute l'assistance nécessaire aux États victimes d'une action mercenaire en ce qui concerne l'enquête (art. 10) et l'extradition (art. 9). Mais jusque là aucun État africain n'a encore suivi la Convention au point d'intégrer réellement ses dispositions dans sa législation interne.

Il faut cependant relever certains éléments qui expliquent les faiblesses et l'inefficacité de la Convention de l'OUA. D'abord les notions d'autodétermination, de stabilité et d'intégrité territoriale ont perdu leur sens d'origine qui s'inscrivait dans le contexte de la décolonisation, de la lutte contre l'apartheid et de l'édification de l'indépendance politique.

Ensuite la Convention porte presque exclusivement sur la question du déploiement extraterritorial de mercenaires et est muette sur leur déploiement interne.

Nous proposons alors que la Convention soit mise à jour pour tenir compte de la question du déploiement de mercenaires par les États Membres dans les conflits internes. Il est nécessaire de réviser les articles consacrés au motif financier des activités mercenaires tout en développant les articles qui portent sur les objectifs de l'acte mercenaire ainsi que sur les effets de tels actes.

En ce qui concerne la question particulière des SIS l'Union Africaine, au moyen d'un protocole additionnel, pourrait ajouter à la Convention des dispositions interdisant l'emploi de mercenaires par des compagnies militaires privées en cas de guerre civile et permettant uniquement le déploiement de telles compagnies dans des circonstances exceptionnelles, selon une réglementation très stricte. En temps de paix, les activités de prestataires de services d'escorte et gardes de sécurité de ces compagnies pourraient être autorisées, conformément à la législation nationale des Etats membres. Il ne serait en effet pas judicieux de chercher à ignorer le rôle joué par ces compagnies sur le continent.

Enfin il serait salutaire que chaque Etat membre de la nouvelle Union Africaine (UA) intègre dans son droit interne les dispositions de la convention (révisée) et que toute initiative de l'UA concernant des dispositions nouvelles relatives au mercenariat s'appuie sur les initiatives, déjà nombreuses, des Nations Unies allant dans le même sens.

Comme nous l'avons déjà souligné, le rôle à jouer par les Etats africains eux mêmes dans la lutte contre le phénomène du mercenariat dépend dans une large mesure des dispositions, à souhait restrictives, de leurs législations internes.

B- Le renforcement des droits positifs internes des Etats hôtes et exportateurs

Les nombreux dérapages des firmes justifient et impliquent la nécessité d'une législation contraignante permettant le contrôle, l'interdiction et la poursuite des activités des mercenaires modernes dans l'ordre interne (pays dans lesquels ils agissent, Etats hôtes) mais aussi sur le plan international à cause de leurs structures mondialisées.

Sur le plan interne, la manière la plus directe et la plus efficace de faire face au mercenariat serait de faciliter l'engagement de poursuites contre les mercenaires au niveau national. Le Rapporteur spécial des Nations Unies chargé d'étudier la question des mercenaires a, à maintes reprises, encouragé les États à se doter d'une législation réprimant expressément les activités des mercenaires68(*), mais bien que les États aient été nombreux à formuler des condamnations dans les instances internationales, peu d'entre eux ont donné suite à cette recommandation.

Dans la plupart des États, les mercenaires pourraient être poursuivis en vertu de la législation réprimant les infractions de droit commun telles que les coups et blessures, le meurtre, la destruction de biens, l'utilisation illicite d'armes à feu ou le terrorisme. Il pourrait aussi être possible d'invoquer la réglementation sur l'exportations et le commerce des armes ( lesquelles sont les instruments de travail de la profession ) ou des lois interdisant l'enrôlement de nationaux dans des forces armées étrangères sans le consentement de l'État de nationalité. Certaines formes nouvelles du mercenariat pourraient être punissables en vertu des règlements régissant la fourniture d'une aide militaire à l'étranger, qui limitent strictement l'assistance qui peut être fournie à l'étranger à partir du territoire d'un État.

L'implication des SIS dans les conflits armés internes pourrait être perçue comme constituant une intervention de la part de l'Etat de siège (Etat exportateur) de la Société, que tel soit ou non le cas. Dans ces conditions le seul moyen pour cet Etat d'éviter de passer pour responsable est d'exiger que tout arrangement entre un gouvernement présumé et une SIS soit conclu par l'intermédiaire d'un autre gouvernement ou reçoive le consentement de l'Etat d'accueil (Etat hôte).

L'Etat du siège de la société serait tenu de s'assurer que la partie demandant l'assistance remplit les conditions auxquelles le droit international subordonne une telle assistance et que l'autorité requérante exercerait en fait sa juridiction pénale sur tout membre du personnel qui violerait la législation nationale ou internationale. Vu qu'il est clair que les autorités gouvernementales et autres entités souhaitent recourir aux services de sécurité, il faudrait prévoir une clause précisant qu'un moyen de défense admissible en cas d'accusation de participation illicite à un conflit serait d'apporter la preuve que l'accusé exerçait ses fonctions en vertu d'un arrangement de ce type. Le but de tels arrangements serait de garantir qu'il y a une autorité responsable de la conduite des personnels étrangers concernés et, en cas de participation à un conflit entre deux parties sur le territoire, que l'Etat du siège de la société a l'assurance que le type d'assistance fourni est compatible avec le Droit international.

Paragraphe 2 : L'affirmation d'une volonté politique réelle et efficace

L'aspect juridique à lui seul ne saurait suffire pour lutter efficacement contre le mercenariat, plus précisément le mercenariat contemporain. Il faut aussi qu'aux niveaux régional et sous-régional la volonté politique s'affirme et que la société civile soit impliquée activement dans le processus.

A- Aux niveaux Régional et Sous-régional

Au niveau des instances régionale et sous-régionale africaines, certaines dispositions pourraient être prises en vue d'éradiquer du continent le phénomène du mercenariat :

- S'intéresser aux modalités pratiques de recrutement des mercenaires et surveiller tout particulièrement les revues spécialisées et certains sites Internet. Cette vigilance s'impose d'autant plus que le mode de recrutement s'articule autour de réseaux de connaissances et de solidarité inter-personnels.

- Constituer en droit communautaire un nouveau délit, celui de contournement d'embargo ou tout au moins assimiler la violation d'embargo à une circonstance aggravante au plan pénal, pour lutter efficacement contre les mercenaires.

- Réaffirmer le principe de l'application directe des règlements communautaires en droit interne car les Etats rechignent souvent à intégrer dans leurs législations les mesures prises en ce sens sur le plan régional et/ou sous régional et pour lesquelles ils se sont pourtant engagés.

- Les mercenaires ont besoin de moyens de transports, rapides et performants, notamment parce que pour conduire leurs opérations ils préfèrent la location à l'acquisition de leurs matériels de guerre compte tenu des coûts d'entretiens trop élevés de ceux-ci. Engager la responsabilité des transporteurs constituerait un moyen de pression supplémentaire et concret.

- L'amélioration des programmes de démobilisation et de réinsertion pourrait aussi être un moyen d'empêcher les anciens combattants de reprendre du service comme nouveaux mercenaires.

- La diffusion incontrôlée des armes légères et de petit calibre dans les zones de conflits internes ou frontaliers incite à accorder une attention particulière à l'action des courtiers en armement qui portent une certaine responsabilité dans cette situation. Pour cela l'application effective du moratoire de la CEDEAO serait un atout.

- Harmoniser les différentes législations nationales de gestion des stocks, de la circulation et de l'usage des armements. Ceci passe évidemment par une uniformisation des conditions de délivrance des autorisations de port et de commerce d'armes. Partout dans les Etats membres, les conditions à satisfaire seraient les mêmes mais la désignation des autorités compétentes resterait l'affaire des Etats eux-mêmes, puisqu'elle dépend de leur propre organisation administrative.

- Etablir un code de conduite que l'on pourrait imposer à toutes les SIS intervenant sur le continent.

- Poursuivre le travail international dans le cadre multilatéral pour aller au-delà d'une simple condamnation de principe et pour parvenir à concrétiser les actions visant à éliminer le recours au mercenariat, sous toutes ses formes, dans les conflits armés que connaît le continent.

- Au-delà du texte de l'OUA révisé, il faudra commencer à rechercher des réponses au sein de l'UA, afin d'aboutir à une législation commune et à un code de conduite.

B- La nécessité d'une plus grande implication de la société civile

La société civile est de nos jours le garant de la démocratie mais aussi la tour de vigilance des dirigeants de nos pays. Dans la lutte contre le mercenariat elle pourra par exemple :

- Veiller à l'application, par les Gouvernements, des engagement qu'ils prennent sur les plan régional et sous-régonal en matière de lutte contre le mercenariat.

- En cas de présence sur les territoires des Etats d'éléments inconnus, elle pourrait attirer l'attention de l'opinion nationale, voire internationale.

- Jouer un rôle fédérateur et consolidant dans les processus de soutien de la paix.

- Aider les Etats à contrôler la circulation des armements.

- La communauté internationale, les bailleurs de fonds, les OING, pourraient conditionner leur aide aux gouvernements au respect scrupuleux du droit international anti-mercenaire.

- Aider les Etats à débusquer les mercenaires afin de les réprimer.

CONCLUSION

La lutte contre le mercenariat est une tâche complexe. Si la communauté internationale a toujours condamné sans équivoque les activités des mercenaires, les efforts déployés pour réglementer ces activités ont été entravés par des divergences quant à la méthode à adopter et par des préoccupations opposées. Un certain nombre de questions clefs demeurent sans solution et la situation a été rendue encore plus complexe par l'apparition de nouvelles formes, plus subtiles, de mercenariat que constituent les Sociétés Internationales de Sécurité. De plus les rapports qu'entretiennent certains Etats avec ces sociétés, tendant à faire de celles-ci des outils de politique étrangère69(*), l'extrême fragilité de la barrière entre leurs activités et le mercenariat, la collaboration efficace entre ces sociétés et certaines entités gouvernementales, non gouvernementales, Onusiennes et autres acteurs, sont de nature à remettre en cause le rôle exclusif de l'Etat et de l'ONU en tant que principaux garants de la sécurité publique et collective respectivement, et de la protection des Droits de l'Homme.

Le défi auquel est confrontée la communauté internationale consiste à traduire les condamnations en mesures concrètes propres à remédier efficacement aux effets pervers des activités mercenaires contemporaines. En effet les différents textes existant en matière de répression du mercenariat70(*) paraissent caducs face aux manifestations du mercenariat entrepreneurial. Cependant ils fournissent un cadre utile pour la poursuite des infractions et la définition de modalités de coopération entre les États, en faisant particulièrement de la participation à des activités mercenaires une infraction relevant de la compétence universelle obligatoire, ce qui signifie que l'auteur de l'infraction, s'il n'est pas extradé, doit être jugé par tout État sur le territoire duquel il se trouve.

Sur le continent noir, les faiblesses des armées nationales souvent inefficaces et corrompues, ainsi que le déploiement tardif des casques bleus de l'ONU, font que les armées de mercenaires sont considérées comme l'instrument possible de maintien ou de rétablissement de la Paix. Cela peut être vu comme une privatisation progressive par certains Etats africains d'une partie de leurs forces de coercition interne, et un moyen commode « d'externalisation » de leurs outils de défense par les Etats impérialistes71(*) . Il est ainsi évident qu'en procédant de la sorte, les Etats africains courent le risque d'un Néocolonialisme, aussi subtile soit-il.

Il devient alors nécessaire de réviser les textes de lois en les adaptant aux nouvelles structurations du phénomène et de renforcer la coopération internationale tant en matière pénale, politique, que militaire. En effet les informations disponibles montrent aisément que les activités mercenaires et activités analogues se sont multipliées dans les situations de conflits de ces dernières années. De l'Angola à la Côte d'Ivoire en passant par le Bénin, le Libéria, le Congo-Brazaville, l'Erythrée, l'Ethiopie, la République Démocratique du Congo et la Sierra Léone, le continent Africain a beaucoup souffert et continue de souffrir du mercenariat qui entrave dangereusement son développent économique et politique.

Enfin le rôle à jouer par les Etats africains eux-mêmes dans la lutte contre le phénomène mercenarial dépend dans une large mesure des dispositions, à souhait restrictives, de leurs législations internes, et de l'affirmation effective sur le plan continental de leur volonté politique de lutter contre l'impact négatif des activités mercenaires sur leur souveraineté et sur leurs populations.

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- Rapport de Enrique B. Ballesteros sur la question de l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Commission des Droits de l'Homme, 17 janvier 1996, référencé E/CN.4/1996/27.

- Rapport de Enrique B. Ballesteros sur la question de l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Commission des Droits de l'Homme, 29 novembre 2002, référencé E/CN.4/2003/16.

- Rapport de Enrique B. Ballesteros sur la question de l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Commission des Droits de l'Homme, 24 décembre 2003, référencé E/CN.4/2004/15.

- Rapport du Secrétaire Général sur les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durable en Afrique, Assemblée Générale, 20 août 2004, référencé A/59/286.

- 8ème Rapport du Foreign Affaires Commitee de la chambre des Communes, Private Military companies : options for regulation, Foreign and Commonwealth Office, 12 février 2002.

TABLE DES MATIERES

Dédicaces

Remerciements

Sigles, acronymes et abréviations

Sommaire

Introduction Générale

Première partie : DU MERCENARIAT CLASSIQUE AUX

SOCIÉTÉS INTERNATIONALES DE

SÉCURITÉ (SIS)

Chapitre I : Le mercenariat classique.

Section 1 : Historique, formes et manifestations

du mercenariat en Afrique au sud du Sahara

Paragraphe 1 : Historique et formes du mercenariat classique

A- Historique

B- Les formes du mercenariat

Paragraphe 2 : les manifestations du mercenariat en Afrique

au sud du Sahara

A- Les manifestations du mercenariat en Afrique

pendant la guerre froide

B- Les manifestations du mercenariat en Afrique

après la guerre froide

Section 2 : Le libéralisme anglo-saxon face à l'intransigeance de l' ONU et de la France, dans la manière d'appréhender le mercenariat

Paragraphe1 : La vision de l'ONU et de la France

A- L'ONU

B- La France

Paragraphe 2 : La vision anglo-saxonne

A- La Grande Bretagne

B- Les Etats-Unis

Chapitre II : Les Sociétés Internationales de sécurité,

nouveau cadre d'évolution du mercenariat

Section 1 : Causes et conditions d'émergence

du marché des Sociétés Internationales

de Sécurité en Afrique noire

Paragraphe 1 : Les armées face au libéralisme économique

de l'après guerre froide

A- La baisse des budgets de défense et la

privatisation des appareils de défense et de sécurité

B- La démobilisation mondiale des effectifs

et ses conséquences

Paragraphe 2 : les calculs stratégiques des Etats et

l'explosion de la demande

A- Les calculs stratégiques des Etats comme cause

d'émergence des SIS B- L'explosion de la demande et la légitimité de l'offre

Section 2: Nature des relations entre les Etats et les

Sociétés Internationales de Sécurité

Paragraphe1 : les Sociétés Internationales de Sécurité comme outils de politique extérieurs des Etats hôtes

A- Le cas Français

B- Cas des Etats Unis

Paragraphe 2 : Des risques politiques pour les Etats africains bénéficiaires

A- Un néocolonialisme de plus en plus imminent

B- Des contrats qui tendent à s'éterniser et des tentatives

de se faire payer en nature

Deuxième partie : LA RÉPRESSION DU MERCENARIAT

DANS SES NOUVELLES FORMES

SUR LE CONTINENT AFRICAIN ET

REPONSES DES ETATS

ChapitreI : La répression juridique du mercenariat

Section1 : L'arsenal juridique international

Paragraphe1 : La répression du mercenariat dans

les textes internationaux

A- Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires

B- Traités relatifs à certaines infractions

Paragraphe 2 : Le mercenariat dans les lois régionale

et nationale en Afrique au sud du Sahara

A- La convention de l'OUA

B- Les lois nationales africaines : cas de l'Afrique du Sud

Section 2 : La question de la responsabilité

Paragraphe1 : La responsabilité de l'Etat du fait d'activités mercenaires

Paragraphe 2 : La responsabilité individuelle des mercenaires

Chapitre II : Réponses des Etats face au phénomène du mercenariat en Afrique

Section1 : Sur les plans international, régional et sous-régional

Paragraphe 1 : Sur le plan international

A- Les Opérations de Maintien de la Paix de l'ONU

B- Les programmes d'Etats

Paragraphe 2 : Au niveau régional et sous-régional

A- Le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS)

de l'Union Africaine

B- L'ECOMOG et le Mécanisme de prévention,

de gestion, de règlement des conflits, de maintien

de la paix et de sécurité de la CEDEAO

Section 2 : Quelques suggestions pour lutter contre le

mercenariat contemporain en Afrique

Paragraphe 1 : La nécessité d'une adaptation des instruments

Juridiques existant aux formes contemporaines

du mercenariat

A- Vers une révision de la Convention de l'OUA sur

l'élimination du mercenariat en Afrique

B- Le renforcement des droits positifs internes

des Etats hôtes et exportateurs

Paragraphe 2 : L'affirmation d'une volonté politique réelle et efficace

A- Aux niveaux Régional et Sous-régional

B- La nécessité d'une plus grande implication

de la société civile

Conclusion

Références bibliographiques

Table des matières

* 1 Alvin et Heidi Toffler, (Guerre et contre-guerre, Fayard, Paris, 1994, 431p) cités par de Saint- Quentin G., « Mercenariat et mutations stratégiques », Defense Nationale, avril-juin 1998, p. 42.

* 2 Les activités de mercenaires ont secoué ou secouent plusieurs pays africains comme le Libéria, la République Démocratique du Congo, la Sierra Léone « où on a pu dénombrer 21 opérations de mercenariat très bien conduites, organisées et planifiées en 7 ans »

* 3 Aristote considérait la chasse et la guerre comme deux moyens semblable d'acquisition, la première formant une branche de la seconde, La politique, 1, 8, 3ème édition par Jean Tricot, Vrin, Paris, 1977, p. 595

* 4 .Irène HERMANN et Daniel PALMIERI, « Les nouveaux conflits : une modernité archaïque ? », in Revue Internationale de la Croix-Rouge, mars 2003, Vol.85, No. 849, pp. 23-44 

* 5 C'est la Guerre qui opposa de 431 à 404 av. J.-C., Sparte à Athènes pour l'hégémonie du monde Grec. Elle marqua la chute d'Athènes qui dut signer une paix qui la dépouilla de son Empire.

* 6 Fantassins lourdement armés de la Grèce antique.

* 7 Toutes ces informations ont été tirées du site vitrine de l'Université de Fribourg dans le domaine des technologies éducatives à l'adresse http://elearning.unifr.ch/antiquitas

* 8 .Guy Hermet, Histoire des Nations et du Nationalisme en Europe, Seuil, Paris, 1996, pp.29 ss

* 9 Le Condottiere dont le pluriel savant est Condottieri, est un chef de soldats mercenaires.

* 10 Voir Pierre Ducrey, le traitement des prisonniers de guerre dans la Grèce antique. Des origines à la conquête Romaine, Editions de Broccard, Paris, 1968.

* 11 .Franco Cardini, la culture de la guerre : Xème -XVIIIème siècle, Paris, Gallimard, 1992, p.165

* 12 Voir l'article de Elodie Rigaud, « Janice E. Thomson : le mercenariat comme forme socio-historique de coercition privée », Cultures & Conflits, N° 52, été 2004. Cet article est disponible à l'adresse Internet http://www.conflits.org/article.php3?id_article=765

* 13 .Elodie RIGAUD, idem.

* 14 Population composite de l'Inde et d'origine Népalaise, les Gurkha sont connus pour leurs traditions martiales, ce qui les firent retenir pour la composition de régiments d'élites de l'armée britannique.

* 15 THOMPSON Janice E., Mercenaries , Pirates and Sovereigns: State-building and Extraterritorial Violence in Early Modern Europe, Princeton Univerty Press, 1994

* 16 La majorité des informations est tirée de l'article de Elodie Rigaud, op. cit.

* 17 Compagnie commerciale anglaise créée en 1670 par Charles II et qui joua un grand rôle dans la colonisation des régions septentrionales du Canada

* 18 .THOMPSON Janice E., op.cit., 1994, p.41

* 19 . Thompson Janice E., op. cit., p.46.

* 20 . Ibid, p. 143.

* 21 Autre nom des mercenaires auquel on peut ajouter ceux d'«affreux », « soldats de fortune », « Marchands de chaos », « corsaires de la République », « Barbouzes », « Lansquenets »...

* 22 .M'BOKOLO Elikia, « Echec aux affreux », in Jeune Afrique Economie, N° 358, octobre 2004, p.62.

* 23 .Rapport de la chambre des communes « Private military companies : options for régulations », 12 février 2002, pp. 30 à 38.

* 24 .Rapport( référencé E/CN.4/2003/16) de Enrique B. Ballesteros sur la question de l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Commission des Droits de l'Homme, 29 novembre 2002, par.33.

* 25 . François Dominguez et Barbara Vignaux, « La nébuleuse des mercenaires français », Le Monde diplomatique, octobre 2003, pp.4-5. Cet article est disponible à l'adresse www.monde-diplomatique.fr/2003/08/DOMINGUEZ/10303 .

En ce qui concerne les multiples agressions mercenaires dont cet Etat insulaire a été victime, voir le rapport ( référencé E/CN.4/1996/27) de Enrique B. Ballesteros sur la question de l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Commission des Droits de l'Homme, 17 janvier 1996, par.48 à 61.

* 26 Pour plus d'information voir le dossier réalisé par Isa Koulibaly « Les dessous d'un coup foireux » dans Africa International, N° 379 de septembre 2004, pp.9-13

* 27 . Loi n°2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l'activité de mercenariat, Journal Officiel français , n°89 du 15 avril 2003, p. 6636.

* 28 . Rapport ( référencé E/CN.4/2004/15) de Enrique B. Ballesteros sur la question de l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Commission des Droits de l'Homme, 24 décembre 2003, par.47.

* 29. Emmanuel E. OHIN, Influence de l'agression du 16 janvier 1977 sur les relations internationales du Bénin, mémoire de fin de formation du cycle II, ENA, 1989, pp. 78-80

* 30 Michèle Alliot-Marie, Ministre de la Défense française, lors des débats sur le projet de loi relatif à la répression de l'activité mercenaire.

* 31. http ;//www.senat.fr/seances/s200302/s.200030206/s20030206004.html ,p.2.

* 32 . Sandra FONTAINE, «  Des chiens de guerre aux entreprises de guerre », L'intelligent France, 13 avril 2003. Cet article est disponible à l'adresse Internet http://www.jeuneafrique.com/gabarits/articleJAI_online.asp?art_cle=LIN13043descherreug0#

* 33 . Sandra FONTAINE, idem.

* 34 Jean-Pierre Plancade lors des débats sur le vote de la loi française sur la répression de l'activité de mercenariat, Sénat, 2001

* 35 L'expression Sociétés Internationales de Sécurité (SIS) ou Private Security Providers(PSP) pour sa variante anglo-saxonne, regroupe une multitude de sociétés associées au mercenariat, qui offrent des services très diversifiés et s'acquittent de tâches couvrant un vaste champ opérationnel. Il est extrêmement difficile d'arriver à une taxonomie exhaustive de cette nouvelle réalité. Généralement, les spécialistes s'entendent pour regrouper à une extrémité du spectre les Sociétés Militaires Privées (SMP) de leur acronyme anglaise Private Military Companies ou PMC, et à l'autre les Sociétés de Sécurité Privée (SSP) ou Private Security Companies, PSC en anglais. Les premières assurant principalement des activités de soutien et de participation aux opérations militaires, de conseil militaire (assistance et entraînement des forces gouvernementales, de l'acquisition d'armements et l'analyse stratégique des menaces) et de soutien logistique (transport de matériel, entretien des équipements, protection humanitaire, opération de maintien de la paix et activités post conflit). Les secondes se spécialisant dans la sécurité civile (protection de sites et d'entreprises et analyse des risques sécuritaires) et la prévention de la criminalité. Cependant, il est évident qu'une telle classification en fonction de la forme ignore une panoplie de facteurs déterminants, mais non essentiels à la compréhension de la réalité des usages privés. À des fins de simplification, il nous est donc plus pratique de désigner l'ensemble de ces entités par l'abréviation SIS. 

* 36 Jean Marguin, La privatisation des forces armées : une révolution inéluctable ? Revue L'Armement, no 69, mars 2000

* 37 Source : Military Balance, édition 1998

* 38 www.ifrance.com/intelligence/Mercenaires.htm

* 39 Avec 30000 employés de par le monde, 700 millions de dollars de chiffre d'affaires et 139 millions de dollars de bénéfices en 1996, Wackenhut est une vieille compagnie. Fondée en 1954 par un ancien agent du FBI, George Wackenhut, elle assure la protection de 13 ambassades américaines, de l'oléoduc d'Alaska et de la réserve stratégique de pétrole des Etats-Unis. Mais aux dires de son ancien avocat, Bill Casey devenu sous l'administration Reagan directeur de la CIA, la firme s'est livrée à des opérations beaucoup moins avouables. Wackenhut est le relais privé présumé de nombreuses " blacks operations " de la CIA

* 40 www.ifrance.com/intelligence/Mercenaires.htm

* 41 Pour plus d'informations, consulter www.mpri.com

* 42 . Clara PULIDO ESCANDELL, « Les nouvelles tensions France-Etats-Unis dans le pré carré Africain », Université de Bordeaux, disponible à l'adresse Internet http://www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol4n2/arti5.html

* 43 Au sommet de La Baule, François Mitterrand avait précisé que les pays africains pourraient compter sur la France s'ils étaient menacés de l'extérieur, mais non pour régler des conflits internes. Dans ce dernier cas, si les troupes françaises participaient, ce serait seulement pour « protéger ses ressortissants », au lieu des régimes amis (comme cela se passait avant)

* 44 http://etudiants.fsa.ulaval.ca/projet/gie-64375/mercenaires/accueil.htm

* 45 . Ed Royce (Président de la sous-commission des affaires africaines de la Chambre des représentants) cité par Jim Fisher-Thompson , « Maintien de la paix : les opérations de l'ONU en Afrique donnent peu de résultats » ,disponible sur le site du Département d'Etat américain www.usinfo.state.gov/francais/

* 46 Jim Fisher-Thompson, idem.

* 47 . François Dominguez et Barbara Vignaux, « La nébuleuse des mercenaires français », Le Monde diplomatique, octobre 2003.

* 48 . François Dominguez et Barbara Vignaux, idem.

* 49 . Les Etats-Unis ont dès leurs origines été très réticents à s'impliquer dans la gestion des affaires internationales. Repliés sur leur modèle de société, les Américains ont souvent prôné la retenue et l'isolationnisme face à leurs dirigeants, trop enclins à exporter l'american way of life. La doctrine Monroe, charnière entre la fin du XIXème siècle et le XXème siècle, en est le parfait exemple, la formule " l'Amérique aux Américains " résume cet état d'esprit. Intervenant uniquement quand leurs intérêts sont menacés, notamment en Europe pendant les deux guerres mondiales, Washington craint depuis toujours les " foreign entanglements " qui entraveraient sa liberté d'action

* 50 http://etudiants.fsa.ulaval/projet/gie-64375/mercenaires/accueil.htm

* 51 .G. Abraham, « The Contemporary Legal Environment », The Privatisation of Security in Africa, South Africa, South African Institute of International Affairs, 1999, p. 98.

* 52 Projet de Convention sur l'élimination des mercenaires en Afrique présenté par un Comité d'experts de l'OUA à la Conférence des Chefs d'Etat réunie à Rabat en 1972, et Projet de Convention sur la prévention et la suppression du mercenariat élaborée par une Commission internationale d'enquête invitée à assister, à Luanda en 1976, au procès de 13 mercenaires ayant participé à la guerre civile angolaise

* 53 la définition de l'agression adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies (rés. 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974, adoptée sans vote) inclut à son article 3, al. ' g ', parmi les actes qui réunissent les conditions d'une agression, «l'envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre Etat» lorsqu'ils sont d'une gravité telle qu'ils équivalent aux conditions énumérées aux rubriques précédentes du même article, ou «le fait de s'engager d'une manière substantielle dans une telle action». Ce n'est pas le mercenaire qui est ici incriminé, mais l'Etat qui permet l'envoi de mercenaires.

* 54 « La Loi sur l'assistance militaire à l'étranger, spécificité sud-africaine » , Agence France Presse , 26 août 2004

* 55 « En épinglant Thatcher, l' Afrique du Sud envoie un signal fort aux mercenaires », Agence France Presse, 26 août 2004

* 56 . Rapport de la deuxième réunion d'experts sur les formes traditionnelles et nouvelles de l'emploi de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'Homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à l'autodétermination, document des Nations Unis, référencé E/CN.4/2003/4 (par. 25) .

* 57 l'une des critiques que les autorités françaises font à la Convention internationale de l'ONU contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires est qu'elle ne fait pas de distinction entre le mercenaire et le soldat qui a été envoyé en mission par son Etat d'origine.

* 58 Pour plus d'informations voir Kofi Annan, « les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durable en Afrique » : Rapport du Secrétaire Général, 13 avril 1998, Documents des Nations Unies A/52/871 et S/1998/318

* 59. P.CONESA, « Modernes mercenaires de la sécurité », Le Monde diplomatique, avril 2003, consultable à l'adresse Internet http://www.monde-diplomatique.fr/2003/04/CONESA/10080

* 60 les opérations de soutien de la paix -OSP (peace support operation -PSO) recouvrent les opérations d'imposition de la paix (peace enforcement), de rétablissement de la paix (peace making) , de maintien de la paix -OMP (peace keeping - PKO), de construction de la paix (peace building).

* 61. Le concept RECAMP est le fruit d'un long travail en commun entre la France et les Africains. En 1995 s'était déjà tenu à Dakar un séminaire franco-africain sur le problème du maintien de la paix. Les événements de Bangui de 1996 ont conduit à mettre en oeuvre la nouvelle approche de sécurité arrêtée à Dakar. C'est ainsi que s'est déployée la  Mission interafricaine de surveillance des accords de Bangui  (MISAB), relevée par la suite par la MINURCA. C'est en s'appuyant sur ces opérations qu'a été développé le concept RECAMP (source : intervention du Général Raffenne lors du colloque international tenu à l'Assemblée nationale française sur  la nouvelle politique internationale de la France en  novembre 1998 )

* 62 Lire pour cela l'article de Jim Fisher-Thompson « Le programme ACOTA et le maintien de la paix en Afrique » sur le site gouvernemental du département d'État des États-Unis à l'adresse Internet http://usinfo.state.gov/regional/af/security/french/f4101503.htm

* 63 Le Japon a également accueilli à Tokyo, le 22 mai 2001, un colloque international sur les problèmes primordiaux et les plus urgents en matière de sécurité et de développement en Afrique, qui fait suite aux deux conférences de 1993 et 1998 pour le développement africain (TICAD 1 et 2, voir à ce sujet l'article de Sadaharu  Katoaka dans Géopolitique Africaine, n° 4, automne 2001).

 

* 64 . Claude Mouton, « Pour une doctrine de sécurité en Afrique subsaharienne »,

Géopolitique Africaine, n° 5, Hiver 2002. Disponible sur le site www.african-geopolitics.org/home_french.htm

* 65 Tout est parti de l'adoption, à l'occasion du sommet de la CEDEAO tenu à Abuja en octobre 1998, du Moratoire sur l'Importation, l'Exportation et la Fabrication des armes légères dont la Déclaration a été signée le 31 octobre 2003. Il est l'expression de la volonté des Etats membres de prévenir la violence et de consolider la paix dans la sous-région. De ce fait, le Moratoire répond à un souci d'instaurer un climat de confiance qui privilégie la sécurité comme base d'un développement économique et social durable.

Pour une bonne application du Moratoire, le Programme de Coordination et d'Assistance pour la Sécurité et le Développement (PCASED) a été créé, à la demande des chefs d'Etats et de Gouvernements de la CEDEAO. Programme régional du PNUD, le PCASED est l'organe technique d'appui et de la mise en oeuvre du Moratoire. Son but est d'assister et de soutenir les activités qui favorisent la création d'un environnement de paix et de sécurité pour un développement socio-économique durable dont l'une des conditions d'établissement est l'éradication de la prolifération incontrôlée des armes légères. La réunion des ministres des Affaires Etrangères sur les modalités de mise en oeuvre du PCASED, tenue à Bamako les 24 et 25 mars 1999, a adopté un plan d'action et un projet de code de conduite qui fut soumis au 22ème Sommet des chefs d'Etats de la CEDEAO tenu à Lomé en décembre de la même année. Le code de conduite (adopté le 10 décembre 1999) énumère les structures institutionnelles qui contribuent à l'application effective du Moratoire. Il s'agit notamment, à l'échelle nationale, des Etats membres à travers les commissions nationales de lutte contre la prolifération des armes légères et, à l'échelle sous-régionale, du Secrétariat exécutif de la CEDEAO (articles 4 et 5 du code). Chacune de ces institutions bénéficie de l'appui du PCASED. Une importante disposition du code est celle relative à la saisine du secrétariat de la CEDEAO par tout Etat membre, pour l'acquisition d'armes et de munitions. A cet égard, le Secrétariat de la CEDEAO travaille en collaboration avec le PCASED et dialogue avec les fabricants et les fournisseurs d'armes (Groupe de Wassenaar) pour veiller au respect des dispositions contenues dans le code de conduite.

Avec le nouvel article 58 du Traité révisé de la CEDEAO, la sécurité devient une préoccupation de la communauté et la lutte contre le trafic illicite des armes légères sous toutes ses formes, une sur-priorité. En tant que problème spécifique cette question est abordée aux articles 50 et 51 du Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de sécurité.

* 66 Cheikh Oumar Diarra, « la CEDEAO comme cadre institutionnel de lutte contre la prolifération des armes légères en Afrique de l'Ouest », in Lutte contre la prolifération des armes légères en Afrique de l'Ouest : Manuel de formation des forces armées et de sécurité, Publication des Nation Unies, UNIDIR/2003/13, p.35.

* 67 Résolution 1467 (2003) du Conseil de Sécurité portant sur la `` Prolifération des armes légères et de petit calibre et mercenariat : menaces à la paix et à la sécurité en Afrique de l'Ouest'' adoptée en sa 4720ème séance, le 18 mars 2003

* 68 Voir, par exemple, Nations Unies, document E/CN.4/1999/11 du 13 janvier 1999, par. 94 et 95 ; Nations Unies, document A/54/326 du 7 septembre 1999, par. 87 et 88, et Nations Unies document E/CN.4/2000/14 du 21 décembre 1999, par. 86 et 87.

* 69 Il est plus facile pour ces acteurs non-étatiques de fomenter des coups d'états, de déstabiliser des régimes dits « illégitimes », de mener des activités d'intelligence économique et/ou politique, de perpétrer des actes de terrorisme, de participer à des conflits aux côtés de mutins, d'insurgés, de rebelles ou autres oppositions armées dans le but de déposer des gouvernements.

* 70 La Convention de l'OUA sur l'élimination du mercenariat en Afrique, la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, ect...

* 71 Tels que la Grande Bretagne et les Etats-Unis dans une grande mesure, et la France dans une moindre mesure.






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