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De la manoeuvre des moeurs et du silence des mots dans le lexique français


par Julie Mamejean
Faculté des Chênes, Cergy-Pontoise - DEA Lettres et Sciences du langage 2006
  

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B- Le politiquement correct à reculons

Le politiquement correct, devenu synonyme de veulerie, on utilise avec fierté le politiquement incorrect, indéniable label de qualité intellectuelle, pour désigner des propos personnels et anti-conformistes qui osent prendre le risque de déranger ou de choquer.

Pour contrer les différents auteurs des ouvrages sur le politiquement correct qui ne remarquent dans ce phénomène que ce que leur propre correction politique leur recommande de remarquer, les détracteurs du politiquement correct vont s'imposer par des dictionnaires ou des oeuvres qui vont rester clés dans cette volonté de dénigrement et de négationnisme.

Et ce désir de dire le politiquement incorrect s'appuie sur une base solide, celle de la liberté de penser.

De fait, nous allons constater dans cette mouvance, une évolution dans la définition de la locution « politiquement correct ». La définition proposée par le logiciel Words offre un aspect nouveau en analysant la locution sous l'angle de ses principaux défauts :

« Politically correct adj.(1970): conforme à un corps de doctrine d'inspiration libérale ou radicale (...) caractérisé par (...) le rejet d'un langage ou d'un comportement, etc., considéré comme discriminatoire ou offensant (...) souvent utilisé dans un sens ironique par ceux qui n'épousent pas ces thèses (...) ».

Langage du conformisme, de la censure, donc, cette récurrence se retrouve également dans le supplément du Trésor de la Langue française qui propose ceci :

« Manière d'exprimer sous une forme codée, dans une phraséologie stéréotypée et dogmatique, à l'aide d'euphémismes, de lieux communs, de termes généraux et/ ou abstraits, un message idéologique (...) compris dans son vrai sens par un petit nombre d'initiés ; p.ext. tout langage qui s'alimente au dictionnaire des idées et des formes reçues ».

Cette définition très pertinente tend à présenter le politiquement correct sous un jour nouveau puisque pour la première fois on l'envisage comme un langage d'influence (termes en gras) pouvant sembler presque dialectal à des novices.

Ici donc, l'adverbe « politiquement » prend toute l'ampleur attendue.

Ce qui est également mis en avant à travers ces lignes c'est la dépendance du politiquement correct aux préjugés (« lieux communs ; formes reçues »).

Lorsque G. Flaubert entreprit son fameux dictionnaire du même nom, il tentait de se libérer de la sottise qui l'entourait et qui s'exprimait dans la paresse langagière. Il se faisait en quelque sorte précurseur du refus de la préciosité langagière.

On retrouve de nos jours la même analyse, notamment avec F.Brune qui préconise vivement dans l'avertissement de son ouvrage260(*) de refuser, de renier, d'oublier le politiquement correct qui inévitablement, mène d'une manière ou d'une autre à la stupidité.

S'il affirme que « dans un monde où la bêtise est virulente, il faut rendre l'intelligence contagieuse », c'est bien parce qu'il perçoit dans l'usage du politiquement correct, un danger pour l'épanouissement de la langue et de la pensée.

En présentant le politiquement correct comme une modalisation discursive déformante, F.Brune ne confère à ce phénomène aucun autre rôle que celui de la réduction burlesque de tout un lexique jugé inconvenant. Ainsi, dans un ouvrage de presque cinq cents pages au titre très ironique, il établit un lexique virulent et succulent de ce qu'il ne faut jamais dire si l'on veut adhérer à la mouvance politiquement correcte.

Nous avons choisi de retranscrire ici les définitions les plus cyniques :

« -Avortement : mieux que la solution finale, c'est la solution initiale : elle résout les problèmes avant qu'ils ne se posent ;

-Baiser : soin palliatif ;

-Blacks : désignation antiraciste de ceux que les racistes nomment Noirs ;

-Chômage : paresse ;

-Chômeurs : malade de longue durée dont la maladie profite à ceux qui ne l'ont pas ;

-Décès : dysfonctionnement de longue durée ;

-Maison de retraite : se dit de certaines morgues non encore climatisées ;

-Mariage des homosexuels : dernier rempart contre l'IVG ;

-Obésités : aux Etats-Unis, moyen de communication de masse ;

-Pauvres : on dit toujours que c'est le pauvre qui paie, cela prouve qu'il ne manque pas de moyens ;

-Seniors : vieux qui tentent, en mimant les jeunes, de leur transmettre l'oubli du passé ;

-Vérité : dans le discours dominant, effet d'une défaillance rhétorique »

Par le biais de toutes ces définitions, l'auteur ridiculise, détériore et en quelque sorte annihile la pensée commune et unique que prône le politiquement correct, ce qui n'est pas sans rappeler le sarcasme de certaines des définitions du Manuel de V.Volkoff, clairement politiquement incorrect, comme nous le prouve par exemple cette définition :

« Foetus : seul être humain dont il est politiquement correct de trancher la vie sans réprobation, et dont la mort est remboursé par la sécurité sociale »261(*) .

Et c'est sur ce même constat, que de nombreux auteurs vont jouer la provocation à l'extrême en prônant l'usage du politiquement incorrect, qui semble apparaître comme la nouvelle marque d'une préférence linguistique.

* 260 In Médiatiquement correct...

* 261 V.Volkoff, Manuel..., p.84

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard