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La lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l'homme

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par Sydney Adoua
Université d'Orléans - Master 2 2004
  

Disponible en mode multipage

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    Sommaire

    Introduction 3

    I) La lutte contre le terrorisme, une obligation de l'Etat 11

    A) Le terrorisme, une remise en cause de l'Etat de droit 12

    1) Le terrorisme : un défi à la démocratie 12

    2) Le terrorisme : une menace pour les droits fondamentaux 16

    B) L'Etat, garant de la sécurité des personnes 20

    1) L'obligation de protéger la vie des personnes 27

    2) Le recours à la force, une limitation nécessaire du droit à la vie 32

    II) Les limites de la lutte contre le terrorisme 48

    A) Le respect des droits fondamentaux 58

    1) Les droits insusceptibles de faire l'objet de restrictions 59

    2) Les droits susceptibles de faire l'objet de restrictions 66

    B) Les conditions de dérogation aux droits fondamentaux 75

    1) L'existence d'un danger public menaçant la vie de la nation 75

    2) La nécessité des mesures dérogatoires 78

    Sigleset Abréviations

    I) Annuaires,recueils etrevues

    A.C.E.D.H. Annuaire de la Convention européenne des droits de l'homme

    A.I.J.C. Annuaire international de justice constitutionnelle

    A.J.I.L. American Journal of International Law R.G.D.I.P. Revue générale de droit international public R.T.D.H. Revue trimestrielle des droits de l'homme R.U.D.H. Revue universelle des droits de l'homme

    II) Juridictions internationales

    C.D.H. Comité des droits de l'homme

    C.E.D.H. Cour européenne des droits de l'homme

    C.I.A.D.H. Cour interaméricaine des droits de l'homme

    III) Sigles divers

    A.F.P. Agence France Presse

    C.A.D.H. Convention américaine des droits de l'homme

    Conv.eur.dr.h. Convention européenne des droits de l'homme

    I.R.A. Irish Republican Army

    P.K.K. Parti des travailleurs du Kurdistan

    P.U.F. Presses Universitaires de France

    USA PATRIOCT ACT Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism

    Introduction :

    Une démocratie a-t-elle les moyens, sans se renier de lutter contre le terrorisme ?

    La question est ancienne et a pris une acuité particulière avec les tragiques attentats du 11

    septembre 2001.

    Le terrorisme est une réalité ancienne, c'est une forme de violence qui a toujours existé et qui au

    fil des années a subi une profonde mutation.

    Localisé aux débuts, il est devenu un phénomène planétaire, à tel point que l'on parle désormais d'hyper terrorisme pour désigner son ampleur démesurée.

    Le monde a pris conscience après les attentats du 11 septembre 2001 que le terrorisme représentait l'un des plus grands dangers que l'humanité ait connue.

    Le terrorisme est une agression contre les valeurs essentielles de la démocratie, il est une véritable négation du droit à la vie.

    L'existence même des démocraties est menacée par la montée du terrorisme, ce dernier tend à promouvoir des intérêts, des ambitions ou des messages par l'usage de l'intimidation, de la menace, de la violence.

    Son action est lucide et cynique, elle traduit une volonté de contrainte brutale sur les individus comme sur les groupes, sur l'opinion, sur les régimes politiques.

    Le terrorisme est une profonde remise en cause du droit à la vie et à ce titre il doit être combattu avec la plus grande fermeté.

    Depuis le 11 Septembre 2001, la lutte contre le terrorisme est devenue une priorité, dans cette lutte sans merci contre la barbarie les enjeux sont immenses.

    Il ne s'agit pas seulement d'une lutte contre un ennemi dont la cruauté est sans commune mesure,

    il s'agit d'une lutte pour préserver ce que l'humanité a de plus beau.

    Les Etats l'ont bien compris et ont décidé de s'engager dans la lutte contre le terrorisme international.

    Au lendemain des sanglants évènements du 11 septembre, le conseil de sécurité a adopté le 28 septembre 2001, une résolution condamnant les attentats et réaffirmant la nécessité de lutter par tous les moyens légaux contre le terrorisme.

    La résolution 1373 (2001), constitue le cadre générale de la campagne internationale contre le terrorisme, elle définit les mesures destinées à le combattre.

    Le suivi de l'application de cette résolution relève du comité contre le terrorisme, organe mis en place par la résolution 1373.

    Le cadre général (la résolution 1373) et le cadre institutionnel (le Comité contre le terrorisme) ainsi tracé, plus rien ne pouvait en principe empêcher les Etats de s'engager sous l'égide des nations unies dans une lutte sans merci contre le terrorisme.

    En principe car la résolution prétend lutter contre le terrorisme sans le définir ce qui est bien

    embarrassant car comment peut-on lutter contre le terrorisme, si l'on ne sait pas même pas ce que c'est.

    Cette « lacune » de la résolution « fondatrice » de la lutte contre le terrorisme est tout sauf surprenante car comment pouvait elle réussir à donner une définition du terrorisme là où les 12 conventions internationales y relatif ne l'ont pas fait.

    Comment aurait elle eu, dans le contexte particulier qui a prévalu lors de son adoption, une référence en la matière.

    Il est pourtant nécessaire du point de vue juridique de circonscrire le sujet pour élaborer des règles qui pourront lui être appliquées.

    Le droit international n'a jamais résolu ce problème, il s'est bien gardé de définir ce qui à ses yeux paraissait indéfinissable, aujourd'hui encore personne n'arrive à se mettre d'accord sur une définition commune du terrorisme.

    Définir le terrorisme implique de plonger dans les racines étymologiques, de s'arrêter sur l'histoire.

    « Terrorisme » dérive de terreur, celle qui s'installa en France du 31 mai 1793 au 27 juillet 1794.

    Le terme et le sens de terreur sont empruntés (vers 1356) au latin « terror » qui signifiait «effroi épouvantable, inspirant de l'effroi », lui-même dérivant de « terrère » qui signifiait « effrayer, épouvanter ».

    François Noël Babeuf va créer, en 1794 le mot « terroriste » pour qualifier les partisans et agents

    du système de la terreur.

    Le terrorisme désignait à l'origine les lois d'exception que l'on instaura lors de la période révolutionnaire.

    A partir de la fin du 19e siècle le mot va connaître une certaine émancipation et c'est à ce moment précis que vont apparaître plusieurs définitions qui vont contribuer à jeter le flou sur la notion.

    Le terme de terrorisme verra à partir de ce moment là son sens scindé en deux.

    Il y aura d'un côté le sens traditionnel, c'est-à-dire celui lié aux origines historiques de ce mot et d'un autre côté le sens politique du mot, de l'union de ses deux va naître une multitude de définition.

    Le terrorisme va devenir semblable à l'hydre de Lerne, ce monstre mythologique à sept têtes qui terrorisait la Grèce antique, et dont le nombre de têtes augmentaient à chaque fois que l'on essayait d'en couper une.

    Ceux qui s'attaquaient à lui à un moment ne savaient plus où donner de la tête. Il en va de même pour le terrorisme qui lorsqu'on tente de le définir opère des mutations qui rendent difficile cet exercice.

    Le terrorisme qui à l'origine désignait les lois d'exception établies par les révolutionnaires,

    devient au 20e siècle « un ensemble d'attentats, de sabotages, commis par une organisation pour créer un climat d'insécurité et impressionner ou renverser le pouvoir établi ».

    Le caractère éminemment politique du phénomène rend particulièrement difficile toute tentative

    de définition.

    Pourtant seule une définition commune sur le plan juridique peut servir de socle à une entente de

    la communauté internationale.

    La communauté internationale a condamné à maintes reprises le terrorisme et a tenter de le définir en se servant du droit international à cette fin.

    En droit international, la définition d'un concept peut provenir de plusieurs sources : la doctrine,

    les traités, la coutume, les principes généraux de droit, les décisions juridictionnelles ou encore

    du droit dérivé des organisations internationales.

    C'est à travers l'étude de certaines de ses différentes sources du droit international que l'on peut essayer de retracer les différentes tentatives visant à définir le terrorisme.

    La doctrine a joué un grand rôle dans la tentative de définition du terrorisme, elle bénéficie d'une plus grande liberté et cela a sans doute joué en sa faveur.

    Cela ne signifie par pour autant que c'est une tache facile, c'est tout le contraire car on constate qu'il n'existe pas un consensus doctrinal en la matière.

    La doctrine adopte plutôt une attitude dubitative, face à la définition du terrorisme.

    Gilbert Guillaume affirme que l'activité terroriste se caractérise par trois éléments invariants. Tout d'abord, un élément matériel constitué par des actes de violence de nature à provoquer la mort ou à causer des dommages corporels graves. Ensuite, la méthode utilisée, c'est-à-dire une entreprise individuelle ou collective tendant à la perpétration de ces actes, entreprise caractérisée

    par une certaine préparation, des efforts coordonnés dans l'objectif à atteindre.

    Enfin le but poursuivi, l'objectif, qui est de créer la terreur chez des personnes déterminées ou plus généralement dans le public.

    C'est le symbole qui se concrétise par le hasard pour les victimes, qui fait du terrorisme un phénomène si meurtrier. L'indiscrimination étant justement un vecteur important de la terreur.

    Le terrorisme selon Gilbert Guillaume désignerait donc « ...l'usage de la violence dans des conditions de nature à porter atteinte à la vie des personnes ou à leur intégrité physique dans le cadre d'une entreprise ayant pour but de provoquer la terreur en vue de parvenir à certaines fins.

    Si ces fins sont politiques, le terrorisme peut être qualifié de politique ».

    Le terrorisme ainsi circonscrit permettrait de le distinguer de notions voisines, telles que la guérilla, l'assassinat politique, l'anarchisme ou la violence politique.

    Cette définition laisse entier le problème d'un quatrième élément : la motivation du terrorisme.

    La légitimation à un rôle important à jouer dans la tentative de définition du terrorisme car c'est

    la légitimation qui permet d'éviter de qualifier certaines actions de terrorisme.

    Le dictionnaire de droit international public qui a été rédigé sous la direction de Jean Salmon affirme que le terrorisme serait un : « fait illicite de violence grave commis par un individu où un groupe d'individus agissant à titre individuel ou avec l'approbation, l'encouragement, la tolérance

    ou le soutien d'un Etat, contre des personnes ou des biens, dans la poursuite d'un objectif idéologique, et susceptible de mettre en danger la paix et la sécurité internationales » (1). Cette définition à le mérite de cibler le terrorisme en tant que fait illicite et non les activités terroristes en tant qu'expressions de ce fait comme cela est très fréquent notamment dans les conventions. Néanmoins il aurait peut être été nécessaire de préciser que les personnes ou les biens visés peuvent être publics.

    De plus, « l'objectif idéologique » pris au sens strict n'est pas une constante d'autres objectifs pouvant animer les terroristes.

    Enfin, la question de la motivation du terrorisme est passée sous silence, si cette motivation doit être écartée, il est préférable qu'elle le soit « positivement ».

    Une partie de la doctrine refuse d'attribuer une signification juridique au terme terrorisme, c'est selon eux un terme qui doit être réservé à certaines activités criminelles.

    Ce constat correspond à l'attitude concrète de la communauté internationale qui, à travers différents instruments, punit sans réellement définir.

    La cour internationale de justice n'a jamais essayé de clarifier cette question, la Cour pénale internationale aurait pu, après son entrée en vigueur, nous apporter une réponse mais les négociations en ont décidé autrement.

    En effet l'Inde (à la pointe du projet de convention générale sur le terrorisme), et la Turquie, voulaient inclure le terrorisme parmi les crimes visés par la future cour, mais cette proposition

    n'a pas abouti.

    Comme souvent en Droit international, la pièce maîtresse pour une définition du terrorisme reste

    le traité.

    En effet ces derniers ne manquent pas en matière de terrorisme (il y en a douze sur le plan international et plusieurs sur le plan régional), mais le nombre n'est malheureusement pas proportionnel au besoin de précision du concept.

    1) Dir., Jean Salmon, Dictionnaire de Droit International Public, Bruylant, Bruxelles, 2001, 1198p

    La plupart des conventions se réfèrent à des infractions déterminées, telles que le détournement

    d'aéronefs ou la prise d'otages, sans faire mention du terrorisme. Quant à elles qui recourent à ce concept, elles ne cherchent même pas à le définir.

    Le Traité de Genève sur le terrorisme, de 1937, de la Société des Nations, fut le premier précédent de codification d'une définition du terrorisme.

    Les difficultés ne furent pas mineures, et le texte opta pour inclure une définition générale du crime de terrorisme avec une énumération limitative d'actes qualifiés de terrorisme.

    Ainsi, le traité de Genève définissait le terrorisme comme des « faits criminels dirigés contre

    Un Etat et dont le but ou la nature est de provoquer la terreur chez des personnalités déterminées, des groupes de personnes ou dans un public ».

    Les articles 2 et 3 du Traité incriminaient des actes spécifiques ou des modalités de participation, voire complicité, à ces actes.

    La définition générale comme les incriminations spécifiques furent l'objet de sérieuses critiques

    (2).

    Ainsi certains auteurs considéraient que les définitions des actes spécifiques étaient trop vagues. D'autres considéraient, que la finalité recherchée du crime de terrorisme n'était pas de créer la terreur, et que la terreur était plutôt un moyen de commettre des actes qui ont des buts politiques, idéologiques ou criminels.

    Les définitions du traité de Genève faisaient l'amalgame entre le terrorisme national et le terrorisme international.

    Le traité n'entra jamais en vigueur, faute de ratifications suffisante, mais certains auteurs à instar

    de Jean-Marc Sorel estiment que cette convention : « ...à le mérite d'établir un système clair de responsabilité qui, en l'espèce, est circonscrit aux Etats, seul l'Etat étant visé et considéré comme responsable d'inactions face au terrorisme » (3).

    C'est la piraterie aérienne qui va impulser le retour des conventions pour combattre le terrorisme avant qu'elles ne se multiplient au niveau universel, et apparaissent au niveau régional de manière plus synthétique.

    La technique reste néanmoins identique : on adapte le droit à une forme d'action qui prédomine à

    un moment donné, en matière de terrorisme.

    2) Annuaire de la Commission du Droit international-1985, Volume II, première partie, doc. A/CN.4/SER.A/1985/Add.1 (Part.1), paragraphes

    138 à 148

    3) Sorel (J-M), « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? », in Le Droit international face au terrorisme, Paris, Pédone, 2002, p.45

    On contourne ainsi l'écueil de la définition globale au profit de mesures particulières selon les

    actes commis (piraterie aérienne), les personnes touchées (la prise d'otages) ou l'utilisation de certains dispositifs à des fins terroristes (explosifs, financement...).

    Parmi les conventions « contemporaines », la plus ancienne dans la série des 12 conventions à vocation universelle est celle du 14 septembre 1963 (Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs, Tokyo le 14 septembre 1963, en vigueur le 4 décembre 1969, 171 Etats parties à l'heure actuelle), négociée dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

    Comme les conventions qui vont suivre au sein de cette même organisation, elle ne comporte pas

    de définition du terrorisme, ni même la mention du mot terrorisme. Elle se contente, comme les précédentes, d'une description des actes possibles.

    La convention de 1999 des Nations Unies pour la répression du financement du terrorisme, dernière convention adoptée à ce jour se démarque des précédentes.

    En effet, elle définit dans son article 2, une infraction au regard de cette convention comme permettant le financement de tout acte énuméré dans les traités cités en annexes (les conventions précédentes) ou de : « tout acte destiné à tuer ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ».

    Toutes les conventions portant sur le terrorisme s'obstinent à définir l'acte de terrorisme plutôt que le terrorisme en lui-même

    Définir un acte, plutôt que le concept qui motive cet acte est très dangereux car il introduit dans

    ce débat une bonne dose d'arbitraire.

    En effet si ce sont les actes qui permettent de définir le terrorisme, alors c'est la porte ouverte à tous les excès.

    Certains Etats modifieront à volonté la définition du terrorisme pour pouvoir faire figurer leurs opposants sur la liste noire des terroristes.

    La Convention de l'Union africaine sur la lutte contre le terrorisme constitue un exemple frappant de cette crainte de dérives.

    En effet parmi les définitions qu'elle donne à l'acte terroriste, elle y inclut : « tout acte ou menace susceptible de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations » (4). Cette définition extrêmement large peut faire craindre que tombent sous le coup de l'infraction

    terroriste un très grand nombre d'actes et peut entraîner une dérive sécuritaire.

    4) Article 1.3 (a) de la Convention d'Alger du 10 juillet 1999

    Certains auteurs pensent qu'il n'est pas nécessaire de définir le terroriste car selon eux le

    terrorisme constituerait un « label » apposé sur des situations variées qui ne peuvent prétendre à

    un traitement identique.

    Le problème c'est que faute de définition, une certaine forme de loi du talion risque de perdurer avec une définition unilatérale du terrorisme.

    Cela sera alors certainement bien pire qu'une définition commune. Même approximative, la nécessité de la définition s'impose.

    La lutte contre le terrorisme ne doit pas être un prétexte à la mise en quarantaine des droits fondamentaux.

    Toute société traumatisée est tentée d'adopter le principe selon lequel : « la fin justifie les moyens ».

    Ce principe est souvent avancé par les terroristes eux-mêmes, et s'il est repris par les Etats, il peut conduire à une véritable escalade dans la lutte contre le terrorisme et conduire à des dérives regrettables pour un Etat de droit.

    Il ne faut jamais penser que l'on gagnera la lutte contre le terrorisme en terrorisant les terroristes.

    Il existe un lien très fort entre les droits de l'homme et le terrorisme, ce lien a été clairement affirmé par la Déclaration de Vienne (5), qui affirme au paragraphe 17.

    « Les actes, méthodes et pratiques de terrorisme sous quelque forme que ce soit, visent l'anéantissement des droits de l'homme, des libertés fondamentales et de la démocratie, menacent l'intégrité territoriale et la sécurité des Etats et déstabilisent des gouvernements légitimement constitués ».

    Un Etat qui réagit au terrorisme en adoptant une politique et des pratiques qui dépassent les limites de ce qui peut être admis en droit international et qui se soldent par des violations des droits de l'homme, portent atteinte aux droits de l'homme non seulement des terroristes mais aussi des civils innocents.

    Les gouvernements qui participent à la lutte contre le terrorisme doivent décider, si celle-ci fournit une occasion de réaffirmer les principes inhérents aux droits humains ou, au contraire, une nouvelle raison de les ignorer.

    Ils doivent décider si le moment est venu d'adhérer à des valeurs gouvernant les moyens et les

    fins ou, au contraire, de se donner un prétexte pour subordonner les moyens aux fins.

    5) La conférence mondiale sur les droits de l'homme, qui s'est tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993, Téhéran, en 1968 à aboutit à l'adoption de

    la Déclaration et du Programme d'action de Vienne (document A/CONF. 157/23, du 25 juin 1993) par 171 Etats.

    De leur choix ne dépendra pas la capture ou l'exécution des auteurs d'un acte terroriste, mais à

    long terme, il affectera la force du raisonnement « la fin justifie les moyens » qui sous-tend le terrorisme.

    Si la coalition anti-terroriste, dans son ensemble, ne rejette pas fermement cette amoralité et si les règles internationales des droits humains ne régissent pas clairement toutes les actions anti- terroristes, la lutte menée contre certains terroristes risque de donner des arguments à la démarche perverse du terrorisme.

    Cependant la primauté des droits de l'homme ne doit pas nous faire oublier le premier des droits sans lequel tous les autres n'existeraient pas : le droit à la vie.

    L'Etat doit assurer la sécurité des personnes présentes sur son territoire, la sécurité est un droit fondamental, c'est un devoir de l'Etat. La sécurité est au côté de la liberté un des droits naturels

    et imprescriptibles de l'homme.

    Elle consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.

    Le terrorisme parce qu'il constitue une menace sur la sécurité des personnes ne peut laisser les Etats indifférents, ils ont l'obligation de lutter contre le terrorisme (I) et cela au nom de la liberté. Les attentats du 11 septembre ont démontré que « l'individu peut être un monstre encore plus

    froid que l'Etat » (6).

    L'émergence d'une société « incivile » va obliger de repenser les rapports entre l'Etat et l'individu.

    Cependant la montée en puissance du terrorisme ne doit pas nous faire oublier notre foi en l'homme et en l'avenir.

    Dans la lutte contre le terrorisme, il y a des limites (II) à ne pas franchir. La vitalité de la démocratie, sa capacité à accepter la diversité et à promouvoir les droits fondamentaux

    constituent la plus convaincante des réponses au terrorisme.

    6) Stern (B), « le contexte juridique de l'après 11 septembre », in Le droit international

    face au terrorisme, Paris, Pédone, 2002, p.5.

    I) La lutte contre le terrorisme, une obligation de l'Etat

    « La sécurité est un droit fondamental. Elle est une condition de l'exercice des libertés et de la

    réduction des inégalités. A ce titre, elle est un devoir pour l'Etat qui veille sur l'ensemble du territoire de la République, à la protection des personnes, de leurs biens et des prérogatives de leur citoyenneté, à la défense de leurs institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l'ordre public » (7).

    C'est avec force que l'article premier de la loi française du 15 novembre 2001 définie les obligations de l'Etat en matière de sécurité.

    En effet, la possession par ce dernier du monopole de la contrainte lui donne l'obligation de protéger ceux qui vivent sur son sol des menaces qui pèsent sur la collectivité.

    Le terrorisme est actuellement la plus grande menace à laquelle l'Etat doit faire face. En effet depuis la fin de la guerre froide qui a entraîné la fin du monde bipolarisé, L'Etat doit faire face à

    de nouvelles menaces.

    L'émergence des forces paraétatiques sur la scène internationale a crée un bouleversement profond de l'ordre international.

    Ce bouleversement a entraîné l'émergence de nouvelles menaces auxquelles les Etats doivent faire face, le terrorisme constitue l'une d'entre elles.

    Le terrorisme est une menace pour les Etats car il instaure sur toute la planète une philosophie de

    la terreur et de la barbarie.

    Avec la montée en force de la mondialisation, les frontières s'effritent peu à peu rendant ainsi très grande la menace sans frontières que fait peser sur le monde le terrorisme.

    Les Etats doivent, tant bien que mal, lutter contre un ennemi qui non seulement n'a pas de visage, mais qui en plus ne respecte aucunes règles. De plus la lutte ne s'effectue pas à armes égales.

    L'Etat doit défendre la vie des personnes relevant de sa juridiction, le terroriste tue même ceux dont il prétend défendre la cause.

    L'Etat est facilement vulnérable de par son immobilité, le terroriste n'a aucune attache territoriale et cela lui donne une très grande mobilité et lui permet de perpétrer des crimes sur les quatre coins de la planète.

    L'Etat doit rendre compte de l'usage qu'il fait de la force, le terroriste n'a de compte à rendre à

    personne, même pas à sa propre conscience.

    7) Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité

    Quotidienne, Journal Officiel du 16 novembre 2001

    Le terrorisme est une menace car il remet en cause l'Etat de droit (A), fragilise les démocraties

    en menaçant l'existence des droits de l'homme.

    La sécurité est un droit fondamental, elle est un devoir de l'Etat qui en est le garant (B) et c'est à

    ce titre qu'il doit lutter contre le terrorisme.

    A) Le terrorisme: une remise en cause de l'etat de droit

    L'objectif du terrorisme, son ennemi, c'est l'Etat, l'organisation administrative d'un Etat qu'il

    s'agit de déstabiliser par la terreur, en menaçant de destruction l'existence et la cohésion de son peuple, ainsi que son unité.

    Les Etats démocratiques sont plus visés que les autres car ils représentent des valeurs qui sont l'antithèse complète du terrorisme.

    Le terrorisme en remettant en cause l'existence de l'Etat de droit, lance un véritable défi à la démocratie (1).

    Le terrorisme parce qu'il crée un environnement qui réduit à néant l'idéal de liberté de l'être humain, rendant ainsi plus difficile la promotion des droits de l'homme constitue une menace pour les droits fondamentaux (2)

    1) Le terrorisme: un défi à la démocratie

    Le terrorisme est devenu un phénomène redoutable au cours des dix dernières années.

    L'existence des réseaux terroristes internationaux est maintenant un fait établi, grâce à la puissance destructrice dont ils disposent, ces réseaux cherchent à déstabiliser des régimes politiques et ruiner les valeurs démocratiques.

    A la suite des sanglants attentats du 11 septembre 2001, les démocraties ont commencé à faire preuve de fermeté dans la lutte contre le terrorisme.

    Les mesures prises à l'échelle nationale et internationale se multiplient, mais elles n'ont pas encore atteint un niveau optimum du fait du morcellement du cadre législatif.

    Le terrorisme tend à promouvoir des intérêts, des ambitions ou des messages par l'usage de l'intimidation, de la menace, de la violence, il est l'expression de la contestation minoritaire des hommes et des femmes qui veulent par la menace, le crime et l'intimidation imposer leurs vues.

    Ce genre de comportement est en profonde contradiction avec la démocratie qui se caractérise par le gouvernement du peuple par le peuple librement consulté.

    La gravité du phénomène terroriste fait de ce dernier un véritable défi pour la démocratie, la

    menace qu'il fait peser sur la démocratie a été réaffirmée par le secrétaire général du Conseil de l'Europe lors de la dixième conférence judiciaire internationale.

    Au cours de la conférence il a affirmé : « Le terrorisme est une atteinte aux droits de l'homme, à

    la démocratie, et au principe de la prééminence du droit. Il doit être combattu avec la plus grande vigueur » (8)

    Le terrorisme parce qu'il frappe des innocents de manière cruelle et arbitraire constitue une véritable négation de la démocratie.

    En effet, la démocratie telle qu'héritée du siècle des lumières représente la victoire du droit sur l'arbitraire.

    La valeur de base de la démocratie est la liberté, elle est la clef de voûte de l'organisation sociale, institutionnelle et politique de société.

    La liberté, c'est d'abord celle de l'individu qui, au coeur de la société démocratique, doit pouvoir agir, se déplacer et s'exprimer librement.

    En frappant de manière aveugle et inhumaine le terrorisme instaure au sein de la société démocratique un climat de terreur qui ne permet pas à l'individu de jouir ses droits.

    L'ensemble des individus forme le peuple qui est le détenteur initial de la souveraineté ; cette souveraineté, il l'exerce par l'intermédiaire de ses représentants élus au suffrage universel.

    Lors des attentas de Madrid du 11 mars 2004 les terroristes étaient parvenus à inverser le cours

    des évènements et à provoquer la défaite du Premier ministre de l'époque José Maria Aznar alors que ce dernier avant les attentats était donné largement favori.

    La première décision qui fût prise par son successeur M Zapaterro fût d'annoncer le retrait des troupes espagnoles du territoire irakien donnant ainsi l'impression de céder au chantage des terroristes.

    C'est le risque de ces attentats qui font un nombre important de victimes : fragiliser la majorité

    des citoyens. Or la démocratie repose sur la majorité.

    8) Discours d'ouverture du secrétaire général du Conseil de l'Europe M Walter Schwimmer lors de la 10 e conférence judiciaire

    internationale (Strasbourg, 23-24 mai 2002), disponible sur le site internet du Conseil de l'Europe , http://www.coe.int

    La liberté de l'individu c'est également celle d'élire ses représentants. En effet, contrairement

    aux régimes autoritaires qui imposent leurs dogmes par la force et la contrainte, la démocratie reconnaît protège et se nourrit de la diversité, notamment la diversité des opinions.

    Le débat est le moteur de la démocratie, c'est par la confrontation des idées que la société démocratique se construit et évolue, cette méthode est l'inverse de celle des terroristes.

    Le terroriste ne discute pas, il n'admet pas la contradiction, il décrète, juge, condamne et exécute sans autre forme de procès. Il critique les dirigeants des démocraties et méconnaît la légitimité de

    ces derniers.

    Pour le terroriste, la démocratie est la source de tous les maux, elle est un système oppresseur. Le terroriste a décidé de la combattre en frappant de manière aveugle et cruelle des innocents afin d'intimider la population et de remettre en cause la place des dirigeants, méconnaissant ainsi la souveraineté populaire.

    La force des arguments qui est le bien commun de toutes les démocraties est menacée par l'argument de la force qui est l'arme par excellence des terroristes. Ce faisant ils refusent tout dialogue constructif.

    Le terrorisme substitue la brutalité à la loi, change sa définition. Elle n'est plus l'expression de la volonté générale comme en démocratie. Elle devient l'expression de la volonté du plus fort, la fin

    de la démocratie est le retour à l'état de nature, est la seule alternative prônée par les terroristes.

    La défense de la démocratie contre la menace terroriste doit devenir un combat permanent car en violant ouvertement les principes sur lesquelles elle se fonde, elle constitue un grave péril pour la démocratie. Le terrorisme oblige la démocratie à approfondir sa justification puisqu'il l'interroge dramatiquement sur le sens qu'elle donne à la liberté.

    Aucune nation n'est à l'abri des attaques des terroristes, ils frappent n'importe où et n'importe quand.

    Le jeudi 7 juillet 2005, en plein sommet des huit pays les plus industrialisés de la planète, la ville

    de Londres a été secouée par un terrible attentat.

    Quatre bombes ont déchiqueté des rames de métro et un autobus faisant une cinquantaine de morts et plus de sept cent blessés.

    Ces attaques qui sont les plus meurtrières jamais commises sur le sol britannique, sont vécues par

    la communauté internationale comme un véritable défi.

    « Ils essaient de nous intimider, mais nous ne nous laisserons pas intimider avec ces méthodes.

    Ils essaient de changer notre mode de vie, nous ne changerons pas » (9) a déclaré avec fermeté le

    Premier ministre Tony Blair.

    « Il s'agit d'une agression contre le peuple britannique, contre la démocratie et contre les libertés fondamentales qui sont au coeur de l'union européenne » (10) a déclaré le président de la Commission européenne M Barroso.

    La période choisie pour perpétrer cet attentat ne relève certainement pas du hasard, les terroristes

    en frappant dans le pays qui abritait le sommet des huit pays les plus industrialisés, ont symboliquement porté un coup au monde entier, à toutes les démocraties.

    Cet attentat qui survient après ceux de New-York (11 Septembre 2001), Casablanca (2003) et Madrid (11 Mars 2004) prouve si besoin il était que plus aucun pays n'échappera à la vague terroriste.

    L'attaque de Londres en plein sommet des huit pays les plus industrialisés montre combien ils sont déterminés à frapper en plein coeur des démocraties.

    Que la démocratie soit la garantie des droits de l'homme, c'est là une sorte d'évidence, constamment rappelée dans les instruments internationaux.

    On lit dans le préambule de la Convention européenne des droits de l'homme que le maintien des libertés fondamentales « repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique ».

    Dans le cadre de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), les Etats réunis en 1990 à Copenhague reconnaissaient que « la démocratie pluraliste et l'Etat de droit sont essentiels pour garantir le respect de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales ».

    De l'idée de garantie, on glisse parfois progressivement à celle d'une assimilation entre la démocratie et les droits de l'homme. Au fil de sa jurisprudence la Cour européenne des droits de l'homme, énumère les composantes d'une société démocratique.

    La liberté d'expression, le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture (Handyside, 1993), la liberté de religion en tant qu'élément de ce pluralisme (Kokkinakis, 1993), l'exigence d'un procès équitable et la prééminence du droit, sont autant de composantes d'une société démocratique.

    Par conséquent, on peut déduire qu'il existe un rapport entre la démocratie et les droits fondamentaux. Les droits de l'homme ne peuvent exister que dans une démocratie et, réciproquement, on n'est pas dans une démocratie si l'ensemble des droits fondamentaux n'est

    pas respecté.

    Le lien qui existe entre la démocratie et les droits fondamentaux est si étroit que lorsque l'on s'attaque à l'un, on viole automatiquement l'autre et vice-versa. C'est parce que le terrorisme est

    un défi pour la démocratie qu'il constitue une menace pour les droits fondamentaux.

    9) Discours de Tony blair disponible sur le site de l'Agence France Presse http://www.afp.com

    10)Discours de M Barosso disponible sur http://www.europa.eu.int

    2) Le terrorisme: une menace qui pèse sur les droits fondamentaux

    La communauté internationale a mis un temps relativement long à établir le lien entre le

    terrorisme et les droits de l'homme. Il a fallu attendre la Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l'homme en 1993 pour que ce lien soit établi (11).

    Ce lien n'a pas été établi par le passé en raison de profondes divergences idéologiques qui marquaient l'attitude des Etats membres à propos des conséquences pratiques et politiques qui en découlaient.

    Le terme de terrorisme est un terme qui a une forte connotation politique, il apparaissait donc très difficile de le définir et par conséquent de faire un lien éventuel avec les droits fondamentaux.

    S'il est actuellement très difficile de définir ce mot c'est d'abord parce que certains Etats adoptent une conception maximaliste du terroriste et d'autres une conception minimaliste. Mais c'est aussi parce que la définition organique du terrorisme ne fait pas l'objet d'un consensus claire et précis.

    En effet, jusqu'à ce jour on ne sait toujours pas avec précision si le terrorisme est uniquement le fait de groupes armés où s'il peut également être le fait d'un Etat.

    Lorsque des actions terroristes ont été mises en oeuvre, commanditées, manipulées et encouragées par un Etat, l'expression « terrorisme d'Etat » est parfois utilisée pour décrire des agressions ouvertement commises par un Etat contre un groupe particulier.

    L'expression « terrorisme d'Etat » a été forgée, dans le cadre de la guerre froide, par l'Union Soviétique. Ce pour désigner une stratégie de répression des mouvements insurrectionnels d'extrême-gauche, mise en place par les régimes d'Amérique du Sud dans les années 1970.

    Il s'agissait de dénoncer des pratiques qui consistaient à employer massivement des services secrets pour mener des actions d'assassinat et de torture.

    Cette expression est aujourd'hui utilisée pour désigner les actions de terrorisme commanditées ou soutenues par un Etat étranger.

    La notion de terrorisme d'Etat a été, et continue d'être une source de discorde entre les Etats.

    C'est elle qui a empêché que soit établi le plus tôt possible le lien entre terrorisme et violation des droits de l'homme.

    11) La Conférence mondiale sur les droits de l'homme, qui s'est tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993, a abouti à l'adoption de la Déclaration et

    du Programme d'action de Vienne (document A/CONF. 157/23, du 25 juin 1993) par 171 Etats.

    En effet si l'on établissait un lien entre le terrorisme et la violation des droits de l'homme cela

    signifierait que toutes entités qui commettraient des actes terroristes violeraient les droits de l'homme.

    Cette affirmation ne pose pas de problèmes lorsqu'il s'agira de qualifier de terroristes un groupe armé à l'instar du réseau Al-Quaïda.

    Mais s'il advenait qu'un Etat ait commandité un attentat terroriste, que se passera t-il à ce moment ?

    Les Etats ne sont pas encore tout à fait prêts à voir leur responsabilité engagée pour violation des droits de l'homme du fait de la perpétration d'un acte terroriste.

    Cela s'est illustré de manière éclatante dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au

    Nicaragua (12).

    Au cours de cette affaire, on aurait pu se poser la question de savoir si le comportement des

    Etats-Unis ne constituait pas un terrorisme d'Etat.

    En effet, il a été prouvé, que ce sont les Etats-Unis qui formaient, finançaient et armaient les

    Contras, ces rebelles qui menaient une guérilla et tuaient des civils.

    La cour Internationale de Justice aurait pu s'interroger sur cette question mais ce ne fût malheureusement pas le cas.

    C'était pourtant l'occasion pour la Cour de se prononcer sur la notion du terrorisme d'Etat et de contribuer à clarifier cette notion.

    La question du terrorisme d'Etat est à l'origine de la non adoption du projet de convention sur le terrorisme international présenté par l'Inde.

    Le champ d'application de la Convention (articles 1 paragraphe 2 et article 18 paragraphe 2) est source de préoccupation. Le paragraphe 2 de l'article 18 du projet initial exclut les Forces Armées, définies comme « Forces Armées d'un Etat » (article 1 paragraphe 2), du champ d'application de la Convention.

    Certains Etats soutiennent cette proposition. D'autres souhaitent apporter une précision à ce principe en limitant l'exclusion de la convention aux activités des forces armées seulement si elles ont agi dans le cadre de leurs fonctions officielles.

    Il faut en outre que leurs activités aient été conformes au droit international, en période de

    conflit armé afin d'éviter tout amalgame avec le terrorisme d'Etat pratiqué par certains Etats.

    12) CIJ, 27 juin 1986 (disponible sur le site de la CIJ http://www.icj-cij.org)

    Pendant longtemps, les Nations Unies s'en sont tenus au point de vue traditionnel du droit

    international selon lequel les droits de l'homme ne concernent que les rapports entre les Etats et leurs ressortissants. Par conséquent puisque la notion de terrorisme d'Etat n'était pas admise le lien entre terrorisme et droit de l'homme n'était pas établi.

    Cette approche traditionnelle du droit international exerce une influence importante sur la nature

    et la teneur du lien entre le terrorisme et les droits de l'homme.

    Elle met évidemment en jeu la question du champ d'application des droits de l'homme, notamment en ce qui concerne les acteurs du terrorisme et les situations dans lesquelles des actes

    de terrorisme peuvent être considérés comme des violations des droits de l'homme.

    Il a fallu attendre la Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l'homme pour que, au cours

    de la Déclaration et du Programme d'actions adoptés lors de cette conférence le lien soit clairement établi entre le terrorisme et les droits de l'homme.

    La formulation fût la suivante : « Les actes, méthodes et pratiques de terrorisme sous quelque forme que ce soit et dans toutes leurs manifestations et leurs liens, dans certains pays, avec le trafic de stupéfiants, visent l'anéantissement des droits de l'homme, des libertés fondamentales et

    de la démocratie, menacent l'intégrité territoriale et la sécurité des Etats et déstabilisent les gouvernement légitimement constitués » (13).

    Depuis la conférence de Vienne sur les droits de l'homme l'Assemblée générale, sur la recommandation de la Commission des questions sociales, humanitaires et culturelles a commencé à adopter des résolutions distinctes au sujet des « droits de l'homme et le terrorisme »

    (14).

    Les résolutions sur les droits de l'homme et le terrorisme révèlent non seulement une prise de conscience internationale des incidences du terrorisme sur les droits de l'homme mais aussi une certaine évolution dans l'attitude de l'Assemblée générale à l'égard des actes de terrorisme commis par des entités autres que les Etats.

    13) A/CONF. 157/ 23 (25 juin 1993), Partie 1, paragraphe 17

    14) Voir les résolutions suivantes de l'Assemblée générale : A/RES/48/122, en date du 20/12/1993 ; A/RES/49/185, en date du 23/12/1994 ; A/RES/50/186, en date du 22/12/1995 ; A/RES/52/133, en date du 12/12/1997 ; A/RES/54/164, en date du 17/12/1999 et A/RES/56/160, en date

    du 19/12/2001

    Désormais, il ne fait plus aucun doute que les actes et les méthodes terroristes portent non

    seulement atteinte aux droits de victimes mais aussi à l'ordre constitutionnel, à la société démocratique.

    Dans certains cas, ils peuvent compromettre la paix et l'ordre international en jouant un rôle de catalyseur de conflits plus étendus (15).

    En conséquence il faut admettre que le lien entre le terrorisme et les droits de l'homme est perceptible de façon indirecte

    Il l'est de façon indirecte lorsqu'un Etat réagit au terrorisme en adoptant une politique et des pratiques qui dépassent les limites de ce qui peut être admis en droit international.

    Ces mesures se soldent par des violations des droits de l'homme, comme les exécutions extrajudiciaires, la torture, les procès iniques.

    Ces mesures de répressions illicites portent atteinte, non seulement aux droits des terroristes,

    mais aussi des civils innocents.

    15) PLANTEY (A), « Le terrorisme contre les droits de l'homme », Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger,

    n°1, 1985, pp 5-13

    B) L'Etat,garant de la sécurité des personnes

    Dimension temporelle du droit, la sécurité est aux côtés de la liberté un droit naturel et

    imprescriptible de l'homme.

    La sécurité consiste dans la protection accordée par l'Etat à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés. Au nom de la liberté, il convient

    de ce fait d'assurer la sécurité de tous.

    Il arrive que les mesures devant être prises par les Etats pour lutter contre les atteintes à l'ordre public soient, elles mêmes, porteuses d'atteintes à l'ordre public et au principe de légalité.

    A cet égard les démocraties sont particulièrement fragiles. Elles doivent pourtant malgré la nécessaire recherche de sécurité, préserver les exigences de la liberté.

    Les démocraties ne parviennent pas toujours à réaliser cet équilibre tant recherché. Elles rencontrent à l'heure actuelle, dans un monde de plus en plus fragilisé par l'émergence d'une nouvelle forme de violence, d'assez grandes difficultés.

    Le problème posé par la délicate conciliation du couple « liberté-sécurité » n'est pas récent, c'est

    un problème très ancien.

    John Locke, l'un des premiers penseurs du libéralisme, justifiait la création de l'Etat par le fait que : dans l'état de nature la sécurité des droits n'était pas assurée.

    Plus généralement, la sécurité qui libère du risque, qui écarte les menaces est la condition d'un exercice paisible des libertés.

    Cependant il ne faut pas perdre de vue, qu'il n'est pas possible d'assurer la sécurité sans empiéter sur la liberté des individus.

    La liberté et la sécurité apparaissent ainsi comme deux impératifs contradictoires et solidaires qu'il convient de concilier au mieux.

    Aussi délicate que soit la conciliation à opérer, il était malgré tout entendu que la liberté devait prévaloir sur la sécurité.

    Aujourd'hui pourtant, au moment où la sécurité est devenue un enjeu stratégique avec la montée

    du terrorisme international, on constate une inversion dans les rapports entre liberté et sécurité.

    La sécurité qui était considérée au départ comme une condition de l'exercice des libertés, est désormais présentée comme « la première des libertés » (16).

    16) Lochak (D), Les droits de l'homme (Repères), La Découverte, Paris, 2005, pp 102-103

    Dans ce contexte ultra sécuritaire, l'équilibre entre les exigences de la liberté et celles de la

    sécurité penche de plus en plus en faveur des secondes et ceci au détriment des premières.

    La sécurité a été érigée en référant de l'action publique, et cela s'est traduit par une multiplication des lois relative à la sécurité dans la plupart des démocraties.

    A la suite des attentats du 11 septembre 2001, les grandes démocraties ont rapidement saisi l'ampleur du phénomène et se sont dotées de législations capables d'assurer la sécurité des personnes et des biens face à la menace terroriste.

    La France s'est dotée depuis 1986 d'une législation complète tant pour ce qui concerne la prise

    en charge des victimes du terrorisme, que pour ce qui concerne la prévention et la répression du terrorisme.

    La loi la plus récente est celle du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (17), elle sera complétée

    par une nouvelle loi sur le terrorisme qui sera déposée au Parlement pour examen d'ici août

    2005.

    La législation antiterroriste britannique est dans une large mesure dominée par la loi sur le terrorisme de l'an 2000 (Terrorism Act) et la loi de 2001 sur la lutte contre le terrorisme, la criminalité et pour la sécurité (Anti-Terrorism Crime and Security Act).

    Outre ces deux lois, la Parlement britannique a adopté la 11 mars 2005, une nouvelle loi antiterroriste (The Prevention of Security Act) qui constitue une modification de la partie quatre

    de la loi relative au terrorisme de 2001.

    Le 26 octobre 2001, le Congrès des Etats-Unis adopte une nouvelle loi dénommée USA Patriot

    Act(18) .

    Cette loi vise à faciliter l'identification, l'interception et la surveillance des terroristes présumés,

    en élargissant la définition du terrorisme et en accordant au ministre de la justice des pouvoirs accrus en matière de détention (19).

    17) Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 publié au journal officiel n°66 du 19 mars 2003

    18) Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism

    19) Gardbaum (S) et Guy (S), «L'actualité constitutionnelle dans les pays de Common Law et de droit mixte, in Revue Française de Droit

    Constitutionnel, n°50, Avril-Juin 2002, pp. 458-459.

    L'Espagne, au lendemain des attaques terroristes commises à Madrid le 11 mars 2004, a adopté

    un plan antiterroriste.

    Ce plan à pour but le renforcement des moyens matériels et des effectifs de la police nationale afin de parer plus efficacement la menace terroriste.

    Un centre national pour la coordination antiterroriste destiné à améliorer l'efficacité de la lutte contre le terrorisme.

    Enfin on peut citer la mise sur pied du comité exécutif du commandement unifié des services répressifs de L'Etat dont le but est de renforcer la lutte contre le terrorisme (20).

    L'Allemagne combat le terrorisme à l'aide de la panoplie d'outils « classique » du droit pénal et

    des mesures préventives destinées à parer les dangers. Elle ne dispose pas de législation antiterroriste distincte (21).

    Toutes ces législations nationales ne doivent cependant pas nous faire oublier que le terrorisme

    est aussi un phénomène international, le fait qu'il n'y ait plus de menaces aux frontières ne signifie pas pour autant qu'il n'y a plus de frontières aux menaces.

    La lutte contre le terrorisme passe par une coopération internationale des Etats comme le rappelle

    la résolution 1456 (2003) du conseil de sécurité des Nations Unies (22).

    « Le terrorisme ne peut être vaincu, que grâce à une démarche suivie et globale fondée sur la participation et la collaboration actives de tous les Etats... ». C'est en des termes clairs que la résolution 1456 encourage les Etats à une collaboration étroite dans la lutte contre le terrorisme.

    C'est au sein de l'Union européenne, que la coopération internationale en matière de lutte contre

    le terrorisme internationale semble la plus élaborée.

    Le 10 décembre 2001, le Conseil de l'Union européenne est parvenu à un accord sur une position commune en ce qui concerne l'application des mesures spécifiques visant à lutter contre le terrorisme.

    La mise en oeuvre des dispositions internationales de lutte contre le terrorisme par l'Union européenne s'effectue au sein d'un ensemble normatif préexistant.

    La prévention du terrorisme est en effet inscrite dans le traité sur l'Union européenne en son article 29.

    Selon ce texte, il s'agit d'offrir au citoyen un niveau de protection élevé dans un espace de liberté, de sécurité et de justice par la prévention de la criminalité internationale et du terrorisme.

    A la suite des attentats du 11 septembre 2001 le Conseil européen a adopté une décision-cadre

    (23) relative à la lutte contre le terrorisme et une décision-cadre sur le mandat d'arrêt européen.

    20) Rapport du Comité d'Experts sur le Terrorisme (CODEXTER) sur les profils nationaux relatifs à la capacité de lutte contre le terrorisme,

    disponible sur le site du Conseil de L'Europe www.coe.int

    21) Rapport du Comité d'Experts sur le Terrorisme (CODEXTER), op cit

    22) Résolution 1456 (2003) adoptée par le Conseil de sécurité le 20 janvier 2003 à sa 4688e séance.

    La décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme vise l'harmonisation des législations

    européennes relatives à la lutte contre le terrorisme. Afin de réaliser cet objectif elle propose une définition commune des infractions terroristes (24).

    Le mandat d'arrêt européen vise à supprimer les procédures d'extradition entre les Etats membres de l'Union et à les remplacer par un simple système de remise.

    Cette décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen à pour but de remplacer les conventions d'extradition entre les Etats membres, sans préjudice de leur application dans les relations entre Etats membres et Etats tiers (25).

    La mise en place d'un cadre répressif au sein de l'union européennes par le biais de ces deux décisions-cadres, est une grande avancée car elle permettra aux Etats-membres de garantir au mieux la sécurité des personnes.

    Cependant l'absence de références explicites à la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme dans ces deux décisions, soulève de vives inquiétudes au sein des organismes

    de protection des droits de l'homme.

    En effet, les cadres juridiques institués par l'union européenne en matière de lutte contre le terrorisme semblent avoir rangé au second plan le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

    D'une part la décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme, de par son large champ d'application, est susceptible d'ouvrir la voie à des abus commis dans le but de réprimer des activités légitimes entreprises dans l'exercice des droits civils et politiques (26).

    Cette décision semble marquer la volonté politique des Etats européens de justifier l'utilisation dans chaque Etat de procédures exceptionnelles.

    L'article premier alinéa 2 de la décision précise toutefois que « la présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l'obligation de respecter les droits fondamentaux et principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du traité sur l'Union européenne ».

    Néanmoins, toutes ces dérogations au droit commun ne méritent-elles pas un encadrement juridique plus délimité ?

    De toute évidence la multiplication de garanties formelles constitue un aveu des risques d'abus que véhicule la définition choisie (27).

    D'autre part, le mandat d'arrêt européen soulève des contestations juridiques similaires.

    Le mandat d'arrêt européen étend la souveraineté en matière pénale sur le territoire de l'Union pour chacun des Etats membres, tout en supprimant les contrôles de légalité de leurs actes.

    En effet, le mandat d'arrêt supprime le contrôle politique mais également celui exercé par les juridictions administratives. Le contrôle judiciaire ne porte plus que sur la régularité formelle du document.

    D'une manière générale, un large pouvoir d'appréciation est laissé à l'Etat et le principe de

    confiance en matière de respect de la démocratie et de l'Etat de droit prédomine.

    Cette absence de contrôle de légalité peut se traduire à terme par une protection affaiblie des libertés publiques.

    En effet, aucun contrôle n'est instauré par la décision-cadre, celle-ci pose directement le postulat

    du respect effectif des droits de l'homme par les Etats membres (28).

    Les démocraties, on le voit, prennent des mesures importantes pour lutter contre le terrorisme. Cependant l'absence d'un cadre normatif précis dans ce domaine pourrait amener les démocraties à « oublier » que la lutte contre le terrorisme, passe par le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

    Ni la résolution 1373 adoptée sous l'égide des Nations Unies (29), ni la décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme ne font expressément mention de la nécessité de respecter les droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

    L'urgence dans laquelle ont été adoptés ces deux textes est certainement à l'origine de ce fâcheux « oubli ».

    Néanmoins une oeuvre aussi importante que la guerre contre le terrorisme ne saurait être entreprise au niveau international sans textes de référence, qui définiraient les principes généraux

    à respecter lorsqu'il s'agira de mener cette guerre contre le terrorisme.

    En d'autres termes, la lutte contre le terrorisme nécessite l'élaboration d'un « droit de la lutte contre le terrorisme » dont le but serait d'empêcher que les Etats pris d'un brusque « vertige sécuritaire » violent les droits de l'homme sous prétexte de lutter contre le terrorisme.

    23) Décisions qui servent au rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres, elles lient les Etats membres

    quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et au moyen.

    24) Weyemberg (A), « L'impact du 11 septembre sur l'équilibre sécurité/liberté dans l'espace pénal européen », in Lutte contre le terrorisme

    et droits fondamentaux, E. Bribosia et A Weyemberg (dir.), collection Droit et Justice, éditions Bruylant, Bruxelles, 2002, pp 173-174

    25) Sorasio (D), « La coopération européenne », in SOS ATTENTATS Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, Doucet

    (G) (dir.), éditions Calmann-lévy, Paris, 2003, pp 78-79

    26) Thomas (I), « La mise en oeuvre en droit européen des dispositions internationales de lutte contre le terrorisme », in RGDIP 2004, p.474

    27) Weyemberg (A), « L'impact du 11 septembre sur l'équilibre sécurité/liberté dans l'espace pénal européen », op cit., p.169

    28) Thomas (I), « La mise en oeuvre en droit européen des dispositions internationales de lutte contre le terrorisme », op cit., p.476

    29) Résolution 1373 (2001) adoptée par le Conseil de sécurité le 28 septembre 2001 à sa 4385e séance

    Un tel texte n'existe pas au niveau international en raison de l'absence d'une définition de la

    notion de terrorisme international.

    Cette lacune au niveau international a été d'une certaine façon comblée par le Conseil de l'Europe.

    L'histoire moderne du continent européen est marquée par les efforts constants en matière de lutte contre le terrorisme.

    Le Conseil de l'Europe, se trouvant confronté à ce problème, a développé des mécanismes juridiques destinés à encadrer l'action des Etats membres (30).

    C'est ainsi que le 15 juillet 2002, le Conseil de l'Europe a adopté les « lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme » (31).

    Dans le préambule de ce texte, le Conseil de l'Europe affirme qu'il reste convaincu qu'une lutte efficace contre le terrorisme est possible dans le plein respect des droits de l'homme.

    La volonté de défendre et de promouvoir la liberté et la démocratie imprègne tout le statut du

    Conseil de l'Europe.

    Selon le Préambule du statut, les Etats signataires sont « inébranlablement attachés aux valeurs morales et spirituelles qui sont à l'origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du Droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable ».

    L'article 3 du statut précise que « tout membre du Conseil de l'Europe reconnaît le principe de prééminence du Droit et le principe en vertu duquel toute personne placée doit jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

    La création du Conseil de l'Europe a été l'occasion, d'une avancée spectaculaire dans la garantie internationale des droits de l'homme.

    En adoptant ses lignes directrices, le Conseil de l'Europe réaffirme le rôle précurseur qu'il a toujours joué dans la promotion et la protection des droits de l'homme.

    Les lignes directrices sur les droits de l'homme soulignent une fois de plus l'attachement des Etats européens à « un patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de la prééminence du droit ».Elles réaffirme que le maintient des libertés fondamentales repose sur « une conception commune et un commun respect des droits de l'homme. » (32)

    Les lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme réaffirment l'obligation, pour les Etats, de protéger la vie des personnes contre le terrorisme.

    Afin de remplir cet objectif, l'Etat peut recourir à la force pour faire respecter le droit à la vie des

    personnes relevant de sa juridiction.

    30) Doucet (G), « Terrorisme : Recherche de définition où dérive liberticide ? », in SOS ATTENTATS Terrorisme, victimes et responsabilité pénale

    internationale, Doucet (G) (dir.), op cit., p.399

    31) Texte disponible sur le site du Conseil de l'Europe : www.coe.int/T/FCommunication_et_Recherche/Presse/Dossiers_thématiques/Terrorisme/

    CM_LignesDirectrices_20020628.asp

    32) Sudre (F), Droit européen et international des droits de l'homme, Presses Universitaires de France, Paris, 7e édition, 2005, p.133

    La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

    élaborée immédiatement après la constitution du Conseil de l'Europe, est la réalisation la plus connue de l'organisation internationale.

    Signée à Rome le 4 novembre 1950 par les Etats membres du Conseil de l'Europe et entrée en vigueur le 3 septembre 1953, la Convention européenne des droits de l'homme ne se réduit pas à une simple énonciation des droits et libertés.

    La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme institue un mécanisme international unique de contrôle du respect par les Etats parties des droits énoncés.

    Elle le fait par le biais d'une part des organes supranationaux de contrôle, et la reconnaissance pour les particuliers d'un droit de recours devant ces mêmes organes de contrôle d'autre part.

    La mise en place d'un système supranational « juridictionnalisé » de contrôle, accessible aux particuliers, constitue sans nul doute l'une des innovations les plus remarquables du droit européen et fait de la Convention européenne des droits de l'homme le mécanisme le plus achevé

    de protection internationale des droits de l'homme (33).

    En application de l'article 1 de la Convention, l'Etat contractant reconnaît les droits et libertés définies dans celle-ci à toute personne se trouvant sous sa juridiction.

    Cela signifie que les Etats doivent assurer le respect des droits garantis par la Convention, et le premier de ces droits est le droit à la vie.

    L'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme est très clair sur ce sujet, il affirme en substance que les Etats ont l'obligation de protéger la vie des personnes (1).

    Cependant il précise également que la mort n'est pas considérée comme infligée en violation de

    cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire (2). Aucune protection internationale des droits de l'homme ne peut être sérieusement mise en oeuvre

    si elle ne s'accompagne pas de mécanismes juridictionnels appropriés.

    L'analyse du droit international des droits de l'homme conduit alors à constater que des deux mécanismes régionaux les plus pertinents en matière des droits de l'homme (américain et européen), la Convention européenne des droits de l'homme fournit le mécanisme le plus perfectionné (34)

    Par conséquent l'accent sera mis sur les dispositions de cette dernière et sur la pratique

    jurisprudentielle de la Cour européenne des droits de l'homme.

    33) Renout (H), Institutions européennes, Paradigme, Orléans, 7e édition, 2004, P.85

    34) Sudre (F), Droit européen et international des droits de l'homme, op cit., p.14

    1) L'obligation de protéger la vie des personnes

    Le droit à la vie est le premier des droits de l'homme, il est : « la valeur suprême dans l'échelle

    des droits de l'homme au plan international. » (35).

    Il est proclamé par tous les instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme (36).

    La cour européenne des droits de l'homme, après avoir affirmé que le droit à la vie est l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques, a souligné le caractère sacré de la vie protégé

    par l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme (37).

    Le respect du droit à la vie est la condition nécessaire à l'exercice de tous les autres droits, il doit être protégé par la loi.

    Cela implique que l'Etat à l'obligation, non seulement de s'abstenir de donner la mort intentionnellement, mais aussi de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie.

    Cette obligation de prendre des mesures d'ordre pratique pour « protéger l'individu dont la vie

    est menacée par les agissements criminels d'autrui » (38), a pris un caractère impératif avec la montée en puissance du terrorisme international.

    La cour européenne des droits de l'homme à eu l'occasion de se prononcer sur le contenu de cette obligation de l'Etat de prendre des mesures nécessaires à la protection de la vie dans l'arrêt Osman c/ Royaume-Uni du 28 octobre 1998.

    Dans cette affaire les requérants affirmaient qu'en ne prenant pas les mesures nécessaires et appropriées pour protéger la vie du second requérant et celle de son père, M. Ali Osman, contre

    le danger réel et connu que représentait M. Paget Lewis, les autorités avaient failli à l'obligation positive consacré par l'article 2.

    La cour note que la première phrase de l'article 2, § 1 astreint l'Etat non seulement à s'abstenir

    de provoquer la mort de manière volontaire et irrégulière, mais aussi de prendre des mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction.

    35) cour européenne des droits de l'homme, Streletz, Kessler et Kenz c/ Allemagne (paragraphe 87), in Annuaire de la Convention européenne

    des droits de l'homme (2001), p.82

    36) L'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 6 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques, L'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,

    et de la Convention américaine des droits de l'homme.

    37) Lambert (P), « La protection des droits intangibles dans les situations de conflit armé », in Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme, n°

    42, 1er avril 2000, pp 250-251.

    38) CEDH, « Osman c Royaume-Uni » du 28 octobre1998 (paragraphe 115), in Journal de Droit International, Chronique de Tavernier (P),

    1999, P.269

    Nul ne conteste que l'obligation de l'Etat à cet égard, va au-delà du devoir primordial d'assurer

    le droit à la vie en mettant en place une législation pénale concrète dissuadant de commettre des atteintes contre la personne.

    Cette législation devra s'appuyer sur un mécanisme d'application conçu pour en prévenir, réprimer et sanctionner les violations.

    Dans cette affaire c'est la question de l'étendue de cette obligation qui posait problème.

    « Pour la cour, et sans perdre de vue les difficultés pour la police d'exercer ses fonctions dans les sociétés contemporaines, ni l'imprévisibilité du comportement humain ni les choix opérationnels

    à faire en termes de ressources, il faut interpréter cette obligation de manière à ne pas imposer aux autorités un fardeau insupportable ou excessif.

    Dès lors, toute menace présumée contre la vie n'oblige pas les autorités, au regard de la

    Convention, à prendre des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation.

    Une autre considération pertinente, est la nécessité de s'assurer que la police exerce son pouvoir

    de juguler et de prévenir la criminalité en respectant pleinement les voies légales et autres garanties qui limitent légitimement l'étendue de ses actes d'investigations criminels. » (39)

    Au cours de l'arrêt « Osman c/ Royaume-Uni », la Cour a eu l'occasion de définir avec précision l'étendue de cette obligation positive de l'Etat.

    Il était important que la Cour clarifie le contenu de cette obligation positive de manière à ne pas faire peser sur les Etats un fardeau insupportable et excessif.

    Depuis la fin de la guerre froide, les Etats sont aujourd'hui confrontés à de nouvelles menaces, le terrorisme est l'une des plus redoutables d'entre elles.

    Dans la lutte qu'ils mènent contre le terrorisme, ils doivent respecter les droits de l'homme, à commencer par le premier d'entre eux : le droit à la vie.

    Respecter le droit à la vie dans la lutte contre le terrorisme implique non seulement de ne pas donner la mort intentionnellement (obligation négative) et arbitrairement, mais aussi de prendre

    des mesures nécessaires pour prévenir les atteintes à la vie (obligation positive).

    Imposer à l'Etat une obligation de résultat dans la prise de mesures nécessaires destinées à protéger l'individu contre les agissements criminels d'autrui entraînerait deux conséquences désastreuses.

    39) CEDH, « Osman c/ Royaume-Uni » du 28 octobre 1998 (§ 116), op cit., p. 269

    La première conséquence serait un affaiblissement de l'Etat dans sa lutte contre le terrorisme.

    En effet, si à chaque attentat terroriste l'Etat est perpétuellement condamné par les juridictions assurant la protection des droits de l'homme pour ne pas avoir pris des mesures nécessaires afin

    de protéger la vie des personnes, cela conduirait à affaiblir sa position dans le cadre de cette lutte contre le terrorisme.

    Ces condamnations perpétuelles auront pour seconde conséquence d'entraîner un « repli sécuritaire » des Etats.

    Ces derniers seront alors amenés afin de prévenir les attentats à prendre des mesures qui violeraient gravement les droits de l'homme.

    La cour européenne des droits de l'homme l'a bien compris et a posé un principe clair et précis sur le contenu et l'étendu de cette obligation.

    La cour a estimé que, celui qui allègue que l'Etat a failli à son obligation positive de protéger le droit à la vie dans le cadre de son devoir de prévenir et de réprimer les atteintes contre la personne doit apporter une double preuve.

    Il lui faut d'abord prouver que les autorités savaient (où auraient dû savoir) sur le moment qu'un

    où plusieurs individus étaient menacés, de manière réelle et immédiate dans leur vie, du fait d'un tiers.

    Il lui faut prouver ensuite, que les autorités n'ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui, d'un point de vue raisonnable, auraient sans doute pallié ce risque (40).

    L'arrêt « Osman c/ Royaume-Uni » est véritablement un arrêt de principe en matière de lutte contre la criminalité et de respect du droit à la vie, en ce qu'il consacre l'obligation positive de protection parmi les obligations de moyens et non parmi celles de résultats.

    En veillant à ne pas imposer un fardeau excessif aux Etats, la Cour tient compte des difficultés

    des fonctions policières, de l'imprévisibilité du comportement humain ainsi que des choix opérationnels à faire en terme de priorités et de ressources.

    Le réalisme de la Cour va permettre à l'Etat de pouvoir lutter contre la criminalité en général, contre le terrorisme en particulier tout en respectant le droit à la vie, dans ce domaine la Cour opère un contrôle strict.

    Avant la jurisprudence « Osman », la commission européenne des droits de l'homme s'était déjà prononcée sur la question dans deux arrêts de moindre importance que l'arrêt « Osman », mais

    qui méritent cependant d'être cités.

    Il s'agit de la décision du 20 juillet 1973 « X. c/ Irlande » et de celle du 28 février 1983 « Mme

    W. c/ Royaume-Uni »

    40) Andriantsimbazovina (J), Gouttenoire (A), Levinet (M), Marguénaud (J-P), Sudre (F), Les Grands arrêts de la Cour européenne des droits de

    l'homme (Thémis), PUF, Paris, 2e édition, 2004, P.95-96

    Dans la décision « X. c/ l'Irlande », le requérant se plaignait de ce que sa vie étant en grand

    danger en Irlande, les autorités irlandaises avaient refusé de continuer à lui accorder la protection d'un garde du corps. Il alléguait que ce refus constituait une violation de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

    Il est certain qu'aux termes de l'article 2, le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. Mais le requérant ne prétendait pas, fût-ce implicitement, qu'il n'existait en Irlande aucune loi protégeant le droit à la vie ; il se plaignait simplement qu'on lui avait refusé les services permanents d'un garde du corps.

    La Commission a estimé que l'article 2 ne saurait être interprété comme obligeant un Etat à accorder une protection de cette nature, du moins en tout cas sur une période indéfinie (41).

    Dans deux requêtes séparées, dirigées l'une contre la Royaume-Uni et l'autre contre la République d'Irlande, la requérante Mme W. se plaignait d'une violation de l'article 2 de la Convention en raison de ce que son mari et son frère avaient été assassinés par des commandos

    de l'Irish Republican Army (l'IRA), respectivement en République d'Irlande et en Irlande du

    Nord.

    La requête dirigée contre le Royaume-Uni tendait à faire dire à la Commission que l'engagement

    des Etats parties à protéger le droit à la vie, exigerait l'adoption de « mesures préventives telles que le déploiement de ses forces armées comme il paraît nécessaire pour protéger les personnes considérées comme menacées par des attaques terroristes ».

    La Commission écarta la requête comme manifestement mal fondée, la motivation de son raisonnement comporte deux phases.

    Elle refusa d'abord de se prononcer sur « l'opportunité et l'efficacité des mesures prises par le

    Royaume-Uni pour combattre le terrorisme en Irlande du Nord ».

    Elle se borna à juger ensuite, qu'elle « ne saurait dire que le Royaume-Uni était tenu, aux termes

    de la Convention, de protéger le frère de la requérante par des mesures autres que celles prises

    par les autorités pour protéger la vie des habitants d'Irlande du Nord contre les attentats terroristes » (42).

    Cette conception de la Cour européenne des droits de l'homme s'agissant de l'étendue de l'obligation de protection par la prise de mesures préventives, permet de prendre en compte la

    spécificité de la lutte contre le terrorisme.

    41) Commission européenne des droits de l'homme, requête n° 6040/73, X. c/ l'Irlande, décision du 20 juillet 1973, in

    ACEDH (1973), volume 16, p.393.

    42) De Schutter (O), « La Convention européenne des droits de l'homme à l'épreuve de la lutte contre le terrorisme », in Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, op cit., p.88

    En effet comme le rappelait le professeur américain Wilcox au lendemain des attentats du 11

    septembre 2001, « Citizens and politicians must accept the grim reality that while we can do more to prevent further catastrophes, terrorism in open societies can never be eliminated » (43).

    Dans une démocratie respectueuse des libertés fondamentales, le risque nul n'existe pas et c'est précisément le sens de la prise de position de la Cour européenne des droits de l'homme.

    Lorsqu'elle note que l'obligation des autorités d'un Etat, partie à la Convention, de prendre des mesures visant à prévenir les atteintes à la vie des personnes ne saurait constituer une exigence illimitée, elle fait preuve de bon sens.

    C'est en effet la nature même de cette obligation (obligation de prévention) qui fait qu'il en soit ainsi.

    La responsabilité de l'Etat n'est pas engagée uniquement parce que l'évènement qu'il fallait prévenir s'est produit.

    Il faut en outre démontrer que l'Etat aurait pu prendre certaines mesures adéquates à empêcher la survenance de l'événement sans que cela ne lui impose un fardeau excessif (44), et sans que cela

    ne l'amène à violer les droits fondamentaux qu'il est tenu de respecter.

    Cette précision apportée par la Cour européenne permettra aux Etats de lutter contre le terrorisme

    et de respecter le droit à la vie.

    L'avantage de cette position de la Cour européenne des droits de l'homme, est qu'elle permet de concilier l'obligation de prévention contenue dans l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme avec l'obligation de respecter les droits de l'homme.

    Ces deux obligations sont parfaitement conciliables et ceci quelles que puissent être les circonstances.

    Les Etats ne peuvent affirmer qu'il est possible de violer les droits fondamentaux en général, et le droit à la vie en particulier afin d'assurer l'obligation de prévention.

    En effet, au regard de la jurisprudence de la cour, l'Etat n'est tenu de combattre le terrorisme (et ainsi de protéger le droit à la vie des personnes relevant de sa juridiction), que dans la mesure où cela demeure compatible avec l'obligation qui lui est imposée de respecter les droits et libertés

    des citoyens.

    L'obligation de prévention ne s'étend pas au point de contraindre l'Etat à violer son obligation de respecter les droits de ces personnes, puisque la première obligation trouve dans la seconde sa limite.

    L'Etat doit respecter les droits et libertés, et c'est uniquement dans la mesure où cela demeure compatible avec cette obligation de respect, qu'il est en outre tenu de protéger la vie des personnes. Afin de remplir cette obligation, l'Etat peut avoir « recours à la force publique meurtrière » (45).

    2) Le recours à la force meurtrière, une limitation nécessaire du droit à la vie

    L'importance de l'article 2 de la Convention n'exclut pas la possibilité d'atteintes au droit à la

    vie.

    L'article 2 § 2 de la Convention contient une clause d'exception, qui ne figure pas dans les conventions générales.

    « La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans le cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu nécessaire :

    a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;

    b) pour effectuer une arrestation irrégulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ;

    c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »

    La Convention européenne est le seul texte international à envisager de manière réaliste le statut

    du droit à la vie.

    En effet, tout en reconnaissant à ce dernier un statut de droit insusceptible de faire l'objet de restrictions, la Convention fait sortir du champ d'application du droit à la vie les cas où la mort résulterait « d'un recours à la force rendu absolument nécessaire ».

    Il paraissait, en effet, impossible de ne pas prévoir cette hypothèse dans un monde de plus en plus caractérisé par la montée extrême de la violence et dont le terrorisme constitue l'une des manifestations les plus extrêmes.

    La lutte contre le terrorisme, ce déchaînement de violence qui porte atteinte au droit à la vie ne pourra se faire que si l'on accepte de limiter, sous certaines conditions, le droit à la vie.

    Afin de concilier la lutte contre le terrorisme avec le respect des droits de l'homme, il était nécessaire que les juridictions internationales chargées de la défense des droits de l'homme fassent preuve de réalisme.

    Respecter les droits de l'homme c'est d'abord permettre qu'il ne soit pas porté atteinte au droit à

    la vie car l'idée qui est au coeur même des droits de l'homme, c'est que rien ne doit porter atteinte à la vie humaine (46).

    43) Wilcox (C), «The Terror», in The New York Review of Books, vol. XLVIII, n°16, 19 september 2001, p. 4

    44) Sur la notion de « fardeau excessif » voir l'opinion dissidente du juge Gölcüklü dans l'arrêt « Kiliç c/Turquie » du 28 mars 2000, disponible sur le site de La cour européenne des droits de l'homme http://cmisjp.echr.coe.int/

    45) Sudre (F), Droit européen et international des droits de l'homme, op cit., p. 272

    46) Rapport du Haut-Commissaire présenté conformément à la résolution 48/141 de l'Assemblée Générale « Droits de l'homme : un cadre fédérateur », documents des Nations Unies E/CN.4/2002/18 au 27 février 2002, § 5.

    Comment protéger le droit à la vie face à des terroristes, des moudjahidin (47), qui sont prêts à

    commettre des attentats suicides pour faire le plus de victimes possible, si on ne supprime pas la vie de ces êtres qui de toute façon sont prêts à mourir pour tuer (48).

    Face à des hommes qui utilisent leur vie pour supprimer le droit à la vie de centaines d'innocents

    les Etats apparaissent désemparés et n'ont parfois d'autres solutions que d'avoir recours à la force publique meurtrière pour empêcher les terroristes de tuer. Ils doivent supprimer la vie pour préserver celles des innocents.

    La cour autorise le recours à la force, cependant elle entoure son exercice au respect de deux conditions cumulatives.

    La clause de l'article 2 § 2 est d'interprétation restrictive, le recours à la force doit être strictement proportionnée à la réalisation du but autorisé (a). Les agents de l'Etat ne peuvent procéder à des homicides arbitraires car cela constituerait des exécutions extrajudiciaires.

    Cette interdiction faite aux agents serait inefficace s'il n'existait pas de procédure permettant de contrôler la légalité du recours à la force meurtrière par les autorités de l'Etat (b).

    a) L'obligationde proportionnalitédu recours à laforce meurtrière

    En application du principe de la légitime défense, lorsque que l'on se trouve en présence d'une

    impérieuse nécessitée d'assurer la défense d'une personne contre la violence illégale, le recours à

    la force meurtrière est autorisé par la cour.

    La cour conditionne l'autorisation du recours à la force au respect d'une obligation de proportionnalité.

    L'usage de la force doit être strictement proportionné au but autorisé.

    La proportionnalité s'apprécie, selon la cour, en fonction de la nature du but recherché, du danger pour les vies humaines et de l'ampleur du risque que la force employée fasse des victimes.

    La doctrine s'est efforcée de limiter la portée de cette disposition en soulignant que « l'utilisation

    des armes pour opérer une arrestation ou prévenir une évasion ne doit jamais procéder d'une intention de tuer. La mort ne peut être que la conséquence involontaire de cette utilisation » (49).

    47) « Combattants de Dieu », surnom donnée aux combattants de l'Islam qui, mourant pour Dieu, accèdent au « paradis ».

    48) Gubert (R), Le terrorisme international, la guerre des temps modernes (Les Essentiels Milan), éditions Milan, Toulouse, 2005, p.36

    49) Guillaume (G), « L'article 2 », in La Convention européenne des droits de l'homme commentaire articles par articles, Decaux (E), Pettiti (L- E), Imbert (P-H) (dir.), Economica, Paris, 2e édition, 1999, p.151-152.

    La cour européenne des droits de l'homme a eu l'occasion de se prononcer avec précision sur le

    contenu de l'obligation de proportionnalité dans une célèbre décision rendue en 1995, il s'agit de l'arrêt «McCann et autres c/ Royaume-Uni » du 27 septembre 1995 (50).

    A l'origine de cette affaire se trouve une requête introduite devant la Commission européenne

    des droits de l'homme, en août 1991, par trois citoyens britanniques et irlandais, Madame

    Margaret McCann, Monsieur Daniel Farrell et Monsieur John Savage.

    Ces derniers sont des parents de monsieur Daniel McCann, mademoiselle Mairead Farrell et de monsieur Sean Savage qui, le 6 mars 1988, ont été tués par balles à Gibraltar par des membres du Special Air Service (régiment de l'armée britannique).

    Avant le 4 mars 1988, les autorités britanniques, espagnoles et gibraltariennes avaient connaissance de ce que L'IRA projetait un attentat terroriste à Gibraltar.

    Ce jour là, on signala, qu'une unité de l'IRA avait été repérée à Malaga en Espagne. A la date du

    5 mars, les autorités gibraltariennes et britanniques disposaient de renseignements donnant à penser que l'unité de l'IRA (qui avait été identifiée) commettrait un attentat au moyen d'une voiture piégée qui serait probablement télécommandée.

    On envisageait d'arrêter les membres de l'unité une fois qu'ils auraient introduit la voiture à

    Gibraltar, ce qui permettrait de réunir des preuves en vue d'un procès ultérieur.

    Toutefois, on considérait les membres de l'unité comme de dangereux terroristes qui seraient très probablement armés et qui, s'ils se heurtaient aux forces de sécurité, seraient prêt à faire usage de leurs armes où à faire exploser la bombe.

    Monsieur Sean Savage fût aperçu dans l'après-midi du 6 mars 1988 en train de garer une voiture

    à Gibraltar.

    On le vit plus tard, en compagnie de monsieur McCann et de mademoiselle Farrell, observant l'endroit où la voiture était garée.

    Après qu'ils se furent tous éloignés du véhicule, un artificier déclara, au terme d'un examen hâtif, qu'il pourrait s'agir d'une voiture piégée.

    On décida alors d'arrêter les trois suspects. Les agents du SAS, en civil, se tenaient à proximité dans cette perspective.

    Le contrôle de l'opération fut confié à leur commandant par le préfet de police de Gibraltar. Monsieur McCann et Mademoiselle Farrell se séparèrent de Monsieur Savage. Deux des

    militaires les suivirent.

    50) CEDH, « Affaire McCann et autres c/ Royaume-Uni » du 27 septembre 1995, in ACEDH, n°38, 1995, pp. 308 à 314

    Lorsque McCann se retourna, l'un d'eux dégaina et lui intima l'ordre de s'arrêter. McCann porta

    la main sur le côté, Farrell fit un brusque mouvement en direction de son sac.

    Pensant qu'ils appuyaient sur des télécommandes pour faire sauter la voiture piégée, les militaires tirèrent plusieurs fois à bout portant, tuant les deux suspects.

    Monsieur Savage était suivi par deux autres militaires. Lorsque éclata la fusillade qui tua

    McCann et Farrell, il pivota brusquement pour faire face à ses poursuivants. L'un de ceux-ci lui ordonna de s'arrêter et dégaina.

    Savage avança la main vers la hanche. Craignant qu'il ne cherchât à atteindre une télécommande,

    les militaires tirèrent plusieurs fois à bout portant, il fût tué.

    On ne trouva sur les corps des suspects ni armes ni détonateur. La voiture se révéla ne contenir ni engin explosif, ni bombe.

    Toutefois, un autre véhicule, découvert ultérieurement par la police espagnole à Marbella refermait un engin explosif, au milieu de 200 cartouches, avec deux minuteries.

    Mademoiselle Farrell avait louée cette voiture sous un faux nom.

    Le 6 septembre 1988, le coroner de Gibraltar ouvrit une enquête judiciaire sur les fusillades.

    Cette enquête révéla d'une part que mademoiselle Farrell avait reçu huit balles dont cinq à la tête alors qu'elle faisait face aux tireurs, tandis que monsieur McCann avait été frappé par cinq balles

    et monsieur Savage par seize balles, étant précisé que les trois suspects étaient presque à terre lorsque certaines balles les avaient touchés (51).

    Le 30 septembre 1988, le jury rendit un verdict concluant à la légalité des homicides.

    Mécontents de ces verdicts, les requérants engagèrent le 1er mars 1990, devant la Haute cour de

    Justice d'Irlande du Nord des actions contre le Ministère de la Défense.

    Le ministre des Affaires étrangères délivra toutefois des attestations excluant toutes instances contre l'Etat.

    Les requérants demandèrent en vain l'autorisation de solliciter le contrôle judiciaire de la légalité des attestations.

    Leurs actions furent définitivement rayées du rôle le 4 octobre 1991. Dans leur requête à la Commission, les requérants se plaignent de ce que la mort par balles des trois suspects constitue une violation de l'article 2 qui protège le droit à la vie.

    Saisie de la requête le 4 août 1991, la Commission à adopté le 4 mars 1994 un rapport établissant

    les faits et à déféré l'affaire à la Cour le 20 mai 1994.

    51) Pettiti (L-E), « Affaire McCann et autres », in Revue des Sciences Criminelles n°1, janvier-mars 1996, p.185

    C'est à l'occasion de cette affaire que la Cour eut l'occasion de se prononcer pour la première

    fois sur la question du recours à la force dans le cadre du droit à la vie.

    Les requéraient soutenaient que les homicides résultaient de l'incompétence et de la négligence avec lesquelles avait été préparée et menée l'opération anti-terroriste visant à arrêter les suspects.

    A ce titre la cour, a tout d'abord souligné « le cruel dilemme »devant lequel se sont trouvées les autorités britanniques.

    D'une part, elles avaient le devoir de protéger la vie des habitants de Gibraltar.

    D'autre part, en vertu de leurs obligations découlant du droit interne et international, elles devaient réduire au minimum le recours à la force meurtrière contre les personnes soupçonnées

    de créer cette menace.

    Ensuite, tenant compte de certains facteurs spécifiques du cas d'espèce (tels que la personnalité

    et les activités antérieures des suspect, l'impossibilité de connaître clairement la totalité des faits

    qui se préparaient), la Cour a précisé quelles seront les conditions qui devaient être réunies en l'espèce pour que l'on puisse conclure à une violation de l'article 2.

    La cour, a affirmé, qu'elle devait, pour déterminer si le recours à la force était compatible avec l'article 2, examiner attentivement si le recours à la force utilisée par les militaires était

    « rigoureusement proportionné » à la défense d'autrui contre la violence illégale.

    Elle a également examiné la question de savoir si l'opération anti-terroriste avait été préparée et contrôlée par les autorités de façon à réduire au minimum, autant que faire se peut le recours à la force meurtrière.

    Elle devait enfin, examiner, si les renseignements et instructions transmis aux militaires et qui rendaient pratiquement inévitable le recours à la force meurtrière, ont dûment pris en considération le droit à la vie des trois suspects (§ 194).

    A la lumière des critères et principes ainsi posés, la Cour est arrivée à la conclusion qu'eu égard à

    la décision de ne pas empêcher les suspects d'entrer à Gibraltar et au recours automatique à la force meurtrière lorsque les militaires ont ouvert le feu, elle n'était pas convaincue que la mort

    des trois terroristes ait résulté d'un recours à la force rendu absolument nécessaire.

    En conséquence la Cour a constaté à une courte majorité (par dix voix contre neuf) une violation

    de l'article 2.

    La courte majorité qui a permis d'aboutir à une telle conclusion et le fait que la Cour infirme les conclusions de la Commission illustrent bien le caractère hautement sensible de la question (52).

    52) Gölcüklü (F), « Le droit à la vie dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Melanges en hommage à Louis

    Edmond Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1998, p.429

    Le respect de l'obligation de proportionnalité est au coeur de la notion du recours à la force

    publique meurtrière prévue par l'article 2 de la Convention.

    Le non respect de l'obligation de proportionnalité permet de savoir avec certitude s'il s'agissait

    ou non d'un usage de la force rendu absolument nécessaire pour assurer la défense d'autrui contre la violence illégale.

    Dans l'affaire « McCann et autres c/ Royaume-Uni », la question du respect de l'obligation de proportionnalité se posait.

    En effet bien que la Cour ait reconnu le « cruel dilemme » auxquels étaient confrontés les autorités britanniques qui devaient protéger la vie des gibraltariens et respecter les droits de l'homme, la Cour a conclu que le recours à la force dans cette affaire constituait une violation de l'article 2 de la convention.

    L'absence de la part des autorités britanniques de stratégies de rechange et la place privilégiée

    qui à été faite au recours à la force publique meurtrière sont à l'origine de cette violation du droit

    à la vie.

    Les informations à la disposition des militaires britanniques étaient des hypothèses qui ont été présentées par leurs supérieurs comme des certitudes, privilégiant ainsi l'usage de la force sur toutes les autres solutions.

    Le fait que les trois suspects n'étaient pas armés et qu'ils étaient presque à terre lorsque certaines balles les avaient touchés démontre qu'il y a eu une intention délibérée de tuer. Les militaires britanniques ont fait un usage disproportionné de leurs armes.

    Les faits tels qui ont été rapportés par la Commission montre que le militaire qui tua monsieur Savage lui tira neuf balles à une distance de deux mètres visant d'abord le centre du corps puis la tête, ne s'arrêtant que lorsque ce dernier fut « immobile au sol et que ses mains fussent écartées

    du corps » (53).

    Un quatrième militaire avait entre-temps tiré six fois (également jusqu'à complète immobilité de

    la cible) contre monsieur Savage qui avait une poche droite dont le volume l'avait inquiétée.

    En admettant qu'il fallait empêcher les terroristes d'actionner leurs bombes, on est tout de même

    en droit de se poser la question suivante, est ce que l'on à besoin de tirer neufs balles sur une personne pour « l'immobiliser » et quatre autres alors qu'il est déjà mort ?

    La réponse est non bien sur. Rien ne saurait justifier l'usage de seize balles pour « immobiliser » une personne et de surcroît le besoin de tirer quatre balles sur un cadavre, ce comportement des militaires britanniques est une violation flagrante du droit à la vie.

    Il relève d'une politique qui consiste à « tirer pour tuer » et qui est une violation claire de la

    Convention (54).

    53) Pettiti (L-E), « L'affaire McCann et autres », op cit., p.185

    54) « Shoot to kill policy », politique mis en place par les autorités britanniques pour immobiliser un terroriste présumé

    La politique de « tirer pour tuer » est une politique que les autorités ont « emprunté » aux forces

    de l'ordre israéliennes.

    Selon Ian Blair, le chef de la police britannique : « Cela ne sert à rien de tirer dans la poitrine de quelqu'un parce que c'est probablement là que se trouve la bombe. Cela ne sert à rien de tirer ailleurs parce que s'ils tombent, ils vont la déclencher. La seule façon de réagir c'est de tirer dans

    la tête » (55).

    Ces propos inquiétants du chef de la police britannique intervenaient alors que la police britannique venait de se rendre coupable d'une très grave bavure au lendemain des attentats du 7 juillet 2005.

    La police britannique a abattu un jeune homme dans la station de métro de Stockwell, cet homme

    fût d'abord présenté à la presse comme étant un terroriste.

    Après quelques vérifications Scotland Yard a reconnu qu'il ne s'agissait pas d'un terroriste mais d'un innocent électricien brésilien nommé Jean-Charles de Menezes qui vivait à Londres depuis

    3 ans et qui se rendait à son travail.

    Après une poursuite dans la station, il a été abattu de sang-froid et sans sommation alors qu'il était à terre dans le wagon d'une rame à quai.

    Un témoin affirme l'avoir vu sauter dans le wagon, il courait si vite qu'il est tombé par terre. Un policier lui a alors tiré sept balles dans la tête.

    Ce drame ne peut que bouleverser les opinions publiques des démocraties car si l'on peut désormais tuer sur la base d'un simple soupçon, alors ce sont les droits de l'homme qui sont visées à la fois par les terroristes et par ceux qui sont censés lutter contre le terrorisme.

    Le plus grave c'est l'aspect désastreux sur le plan symbolique d'une telle bavure.

    En effet, cette bavure n'a pas eu lieu dans un pays quelconque, elle a eu lieu dans le pays de l'Habeas Corpus.

    Cette loi est considérée à juste titre par la doctrine comme « l'emblème » des droits de l'homme

    (56).

    Cette loi, votée en 1679 par le parlement anglais pour empêcher les détentions arbitraires, a été l'une des premières en occident à assurer le respect des libertés individuelles. Elle protège l'individu de l'arbitraire des puissants et lui garantit la liberté et l'intégrité de sa personne.

    La consigne de « tirer pour tuer » données aux forces de sécurité britanniques suscite des inquiétudes dans ce pays qui est plus que jamais partagé entre la lutte contre le terrorisme et le

    respect d'un Habeas Corpus tricentenaire.

    55) Intervention de Ian Blair au lendemain de la bavure policière, disponible sur le site de l'Agence France Presse : http://www.afp.com

    56) Wachsmann (P), Les droits de l'homme (Connaissance du Droit), Dalloz, Paris, 4e édition, 2002, p.2

    Cette politique est un véritable permis de tuer que s'arrogent les autorités britanniques sous

    prétexte de lutter contre le terrorisme.

    Il est vrai que la menace auxquelles ils ont été confrontés récemment justifie une vigilance particulière, cependant elle ne saurait justifier ce qui s'apparente (toute proportion gardée) à un meurtre avec préméditation.

    Avec cette bavure au pays des droits de l'homme, le Royaume-Uni envoie un signal fort à tout ce

    qui pense qu'au nom de la lutte contre le terrorisme on peut sacrifier les droits de l'homme, ceux qui pensent que la fin justifie les moyens.

    Le paradoxe est qu'en usant de méthodes draconiennes pour protéger la société civile, on risque

    de détruire ce que l'on entend protéger : le principe d'un Etat fondé sur la prééminence du droit, garant de la victoire de la justice sur l'arbitraire.

    La politique qui consiste à « tirer pour tuer » et une aubaine pour tous les Etats qui se servent de

    la lutte contre le terrorisme pour violer les droits de l'homme.

    Désormais dans ces Etats, le terme « assassinats en raison des opinions politiques » n'existera plus, on l'appellera désormais « tirer pour tuer ».

    Les Etats pourront liquider les opposants gênants en prétextant qu'ils « croyaient » qu'il s'agissait de terroristes présumés.

    Certains Etats ont déjà commencé à réagir contre cette politique de « tirer pour tuer ».

    La France, l'un des rares pays qui a une forte tradition de respect des droits de l'homme comparable à celle du Royaume-Uni a implicitement dénoncé cette politique qui consiste à tirer pour tuer.

    Le Premier ministre Dominique de Villepin a profité de sa deuxième conférence de presse mensuelle pour rassurer les français à propos du projet de loi sur la lutte contre le terrorisme qui sera adoptée à la rentrée.

    Le Premier ministre a affirmé qu'il n'était « pas question de rentrer dans des logiques d'exception, ni de remettre en cause les principes fondamentaux de notre Etat de droit dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ».

    « Nous sommes très soucieux de trouver le bon équilibre entre l'exigence de sécurité et l'exigence de liberté », a-t-il insisté.

    Le chef du gouvernement a également précisé qu' « aucune autorisation de tirer ne sera donnée aux forces de l'ordre, hors cas de légitime défense ».

    Ces propos du Premier ministre sont une allusion directe à la politique « tirer pour tuer » adoptée

    par la police britannique (57).

    57) Conférence de presse du 28 juillet 2005 de Monsieur Dominique de Villepin, disponible sur le site de l'AFP, http://www.afp.com

    Trois ans après l'affaire « McCann et autres c/ Royaume-Uni », la Cour a eu à nouveau

    l'occasion de se prononcer sur l'obligation de proportionnalité, il s'agit de l'affaire « H.Gûleç c. Turquie » du 27 juillet 1998 (58).

    Monsieur Hüseyin Güleç, ressortissant turc, est né en 1954. Le 4 mars 1991, une manifestation opposant les participants aux forces de l'ordre se déroule dans la ville de Idil.

    Deux personnes, dont le fils du requérant (Ahmed, âgé de quinze ans et élève au lycée de Idil)

    trouvent la mort et douze autres sont blessées.

    Le 5 avril 1991, le requérant dépose une plainte contre X et le commandant des forces de l'ordre auprès du Procureur de la République d'Idil.

    Il allègue que son fils a été tué par les forces de l'ordre qui ont tiré sur les manifestants pour les disperser.

    Constatant que la plainte est dirigée contre le commandant des forces de l'ordre, le parquet se déclare incompétent le 19 avril 1991 et défère l'affaire au conseil administratif du département

    de Sirnak.

    Le 18 octobre 1991, le conseil administratif rend une ordonnance de non lieu, au motif que la mort de la victime est survenue au cours d'un affrontement entre les manifestants et les forces

    de l'ordre et qu'il s'avère impossible d'identifier les responsables. L'ordonnance n'est pas notifiée au requérant.

    Saisi d'office, le Conseil d'Etat confirme le non-lieu le 13 novembre 1991, précisant qu'il est impossible d'engager des poursuites contre des fonctionnaires si l'identité des responsables et leur statut de fonctionnaires n'est pas établi.

    Le 20 janvier 1993, le requérant s'enquiert de la suite réservée à sa plainte en date du 5 avril

    1991.

    Par une lettre du 3 mars 1993, la préfecture de Sirnak lui communique une copie de l'ordonnance de non-lieu et de l'arrêt du Conseil d'Etat.

    Dans sa requête du 16 mars 1993 à la Commission européenne des droits de l'homme, monsieur

    Güleç allègue que la mort de son fils a été causée par des balles tirées par les forces de l'ordre

    au cours d'une manifestation.

    Il dénonce l'impossibilité de soumettre une plainte aux juridictions pénales, il invoque l'article

    2 de la Convention.

    La Commission adopte un rapport établissant les faits et défère l'affaire à la cour.

    58) Affaire « Güleç c. Turquie » du 27 juillet 1998, in Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Berger (V), Sirey, Paris, 8e

    édition, 2002, p.13 à 14. Voir dans le même sens CEDH, Affaire « Issaïeva c. Russie » (violation de l'obligation de proportionnalité par les forces russes en Tchétchénie), in RGDIP, Chronique de jurisprudence internationale de Weckel (P), Tome 109 /2005/2, pp. 477 à 479.

    La cour commence par constater que la manifestation litigieuse fût loin d'être pacifique, les

    dommages causés à des biens meubles et les blessures dont souffrirent certains gendarmes en sont la preuve.

    Face à des actes de violence graves affirme la cour, les forces de l'ordre, présentes sur place en nombre insuffisant firent appel à des renforts et deux véhicules blindés furent utilisés.

    Alors que le conducteur du Condor (le véhicule blindé), le sous-officier Nazim Ayhan, affirme avoir ouvert le feu en l'air, plusieurs témoins, parmi lesquels des notables locaux, ont fait état de

    tirs dirigés contre la foule.

    Bien que catégoriquement niée par le gouvernement, cette allégation trouve une base solide dans

    le fait que presque tous les manifestants blessés furent touchés aux membres inférieurs.

    Ces blessures concordent parfaitement avec les ricochets de balles à trajectoire descendante pouvant être tirées d'une tourelle de véhicule blindé.

    La cour admet que l'utilisation de la force peut se justifier dans le cadre d'un recours à la force employé pour réprimer une émeute ou une insurrection, cependant elle précise qu'un équilibre doit exister entre le but et les moyens.

    Les gendarmes employèrent une arme très puissante car ils ne disposaient apparemment ni de matraques et de boucliers, ni de canons à eau, balles en caoutchouc ou gaz lacrymogènes.

    Cette carence est d'autant plus incompréhensible et inacceptable que le département de Sirnak se trouve, comme le souligne le gouvernement, dans une région soumise à l'état d'urgence, où, à l'époque des faits, on pouvait s'attendre à des troubles.

    Quant à l'éventuelle présence de terroristes armés parmi les manifestants, la Cour note que le gouvernement n'a nullement étayé cette affirmation.

    Tout d'abord aucun gendarme ne fût blessé par balles, on ne releva de traces de blessures ni à l'endroit où périt le fils du requérant, ni sur les autres lieux où se tenait la manifestation.

    Ensuite, aucune arme ou douille censée appartenir à des membres du PKK (59), ne fût trouvée sur place.

    Par ailleurs, les poursuites intentées devant la Cour de sûreté de l'Etat de Diyarbakir contre les propriétaires de treize fusils confisqués après les incidents et dont les douilles avaient été recueillies par les forces de l'ordre, se terminèrent par la relaxe des inculpés. Les inculpés furent relaxés car ils n'avaient pas participé aux évènements litigieux.

    En conclusion, la Cour considère que la force utilisée pour disperser les manifestants et qui causa

    la mort d'Ahmet Güleç, n'était absolument pas nécessaire au sens de l'article 2, il y a donc eu violation de cet article.

    59) Parti des travailleurs du Kurdistan. Cette organisation est considérée comme étant une organisation terroriste par la Turquie et les Etats-Unis.

    Dans cet affaire la Cour devait logiquement aboutir à une telle conclusion tant la violation de

    l'obligation de proportionnalité était flagrante.

    En effet même s'il y avait eu des terroristes parmi les manifestants on ne disperse pas des manifestants en tirant sur eux, qui plus est avec un véhicule blindé.

    Comme le souligne la cour, les forces de l'ordre auraient dû avoir des canons à eau ou des bombes lacrymogènes.

    Le fait que la manifestation se déroulait dans un endroit où l'état d'urgence avait été décrété aurait dû leur faire prendre des précautions.

    Les forces de l'ordre ont utilisé des moyens disproportionnés, alors qu'ils pouvaient raisonnablement s'attendre à ce genre de manifestations à cet endroit, ils n'ont pas prévu de solutions de rechange.

    Dans cette affaire non seulement il n' y avait pas de menace terroriste, mais à supposer qu'il y ait

    eu une telle menace, les forces de l'ordre aurait pu s'ils avaient pris des mesures préventives contrer cette menace.

    Les juges de la Cour européenne des droits de l'homme doivent non seulement prendre en compte les actes des agents de l'Etat ayant utilisé la force pour apprécier un éventuel abus, mais

    ils doivent également opérer un contrôle des opérations prises par le gouvernement.

    Ils doivent vérifier si les précautions prises pour organiser et contrôler l'opération sont suffisantes.

    Si ce n'est pas le cas, il y a violation manifeste de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme (60).

    L'efficacité de l'obligation de proportionnalité pour vérifier que le recours à la force n'a pas violé le droit à la vie ne fait plus aucun doute.

    Cependant sa compatibilité avec la lutte contre le terroriste suscite cependant quelques interrogations.

    En effet ne faut-il pas à craindre qu'une application trop rigoureuse de l'obligation de réciprocité paralyse l'action des Etats dans leur lutte contre le terrorisme ?

    La sévérité des juges de la Cour est logique dans la mesure où le droit à la vie est considéré comme un droit intangible.

    Il n'en reste pas moins que le contrôle de proportionnalité est très délicat en matière de lutte contre le terrorisme, surtout qu'il aboutit en fin de comptes à une appréciation qui est assez relative.

    Une appréciation relative qui est faite par des hommes qui peuvent se tromper.

    60) Rennucci (J-F), Droit européen des droits de l'homme, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, Paris, 3e édition, 2002, p.91

    La lutte contre le terrorisme, elle, n'est pas relative. C'est une lutte qui est réelle et au cours de

    cette lutte les forces de l'ordre, elles, n'ont pas droit à l'erreur.

    En présence d'un cas où il est difficile de conclure à une violation du droit à la vie, il serait souhaitable que la Cour traite ce cas avec la plus grande précaution comme elle l'a fait dans l'affaire « Andronicou et Constantinou c. / Chypre », du 9 octobre 1997 (61).

    Toutefois, malgré le caractère relatif du contrôle, celui-ci existe et dans l'hypothèse d'un recours

    à la force qui serait disproportionné (et donc non absolument nécessaire), la violation de l'article

    2 serait caractérisée.

    Outre le contrôle de proportionnalité, la Cour opère un contrôle du respect par l'Etat des obligations procédurales découlant de l'article 2.

    b) Le Contrôledu respect del'obligationprocédurale découlant del'article2

    Dans l'arrêt « McCann et autres c/ Royaume-Uni » du 27 septembre 1995, la Cour a affirmé

    qu'il ne suffit pas qu'une loi interdise, de manière générale, aux agents de l'Etat de procéder à des homicides arbitraires.

    Cette interdiction serait efficace, précise la cour, « s'il n'existait pas de procédure permettant de contrôler la légalité du recours à la force meurtrière par les autorités de l'Etat. L'obligation de protéger le droit à la vie qu'impose l'article 2, implique et exige de mener une forme d'enquête efficace lorsque le recours à la force, notamment, par des agents de l'Etat, a entraîné mort d'hommes » (62).

    Les exigences procédurales découlant de l'article 2 ont la même importance que l'obligation de proportionnalité.

    En effet, pour déterminer la violation de l'obligation de proportionnalité, il est nécessaire de mener une enquête préalable.

    La cour a eu l'occasion d'être plus précise sur l'obligation procédurale découlant de l'article 2 de

    la Convention dans l'affaire « Kaya c. / Turquie » du 19 février 1998 (63).

    Cette protection procédurale implique, selon la cour, pour les agents de l'Etat l'obligation de rendre compte de leur usage de la force meurtrière.

    61) CEDH, Affaire « Andronicou et Constantinou c/ Chypre » du 9 octobre 1997, in Revue Universelle des Droits de l'Homme, Chronique de

    Sudre (F), 1998, p.91.

    62) CEDH, Affaire « McCann et autres c. / Royaume-Uni » du 27 septembre 1995, op cit., (§ 161)

    63) CEDH, Affaire « Kaya c. / Turquie » du 19 février 1998, in Les Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, op cit., p.93

    Leurs actes doivent être soumis à une forme d'enquête indépendante et publique propre à

    déterminer si le recours à la force était ou non justifié dans les circonstances particulières d'une affaire (64).

    Examinant dans cette optique l'activité menée par les autorités nationales, la Cour a conclu que

    les autorités n'avaient pas pratiqué d'enquête effective sur les circonstances dans lesquelles le frère du requérant avait trouvé la mort. Il y avait donc eu dans ce cas précis violation de l'article

    2 de la Convention.

    La cour a eu l'occasion de confirmer cette jurisprudence dans l'affaire « Salman c. / Turquie » du

    27 juin 2000 (65).

    Le 26 février 1992, Agit Salman fait l'objet d'une première arrestation par les policiers de la section anti-terroriste de la direction de la sûreté d'Adana qui enquête sur les activités du Parti

    des travailleurs du Kurdistan (P.K.K).

    Relâché dans les heures qui suivent son arrestation, il déclare à son épouse et à son fils qu'il a été soumis à des actes de torture pendant sa brève détention.

    Au cours d'une enquête menée ultérieurement sur les activités des membres présumées du PKK soupçonnés d'avoir participé à une attaque contre les forces de l'ordre, la police interpelle à nouveau Agit Salman sur son lieu de travail.

    L'on ne reverra plus Agit Salman vivant. Le matin du 29 avril 1992, les agents en fonction à la direction de la sûreté, emmènent Agit Salman à l'hôpital public d'Adana.

    Le médecin de garde constate l'arrêt des fonctions respiratoires et cardiaques et conclut au décès

    de Agit Salman vingt minutes avant son arrivée à l'hôpital.

    Selon les policiers, Agit Salman souffrait de problèmes cardiaques et, le policier chargé de la surveillance des gardes a vue ayant signalé qu'il paraissait se sentir mal, ils auraient décidé de l'emmener au service des urgences.

    Le médecin légiste qui examine la dépouille à l'hôpital décide de pratiquer une autopsie en vue d'établir la cause du décès.

    Le rapport d'autopsie qu'il rend le 21 mai 1992 conclut à l'impossibilité d'établir la cause du décès et conseille de transmettre le dossier à l'Institut de médecine légale d'Istanbul.

    Après examen du dossier, la commission de l'Institut de médecine légale d'Istanbul conclut que, compte tenu des faiblesses cardiaques anciennes présentes chez Agit Salman, le décès pouvait

    avoir été causé par un arrêt cardiaque.

    64) CEDH, Affaire « Kaya c. / Turquie » du 19 février 1998, op cit., (§ 87)

    65) CEDH, Affaire « Salman c. Turquie » du 27 juin 2000, in RTDH, 1/07/2001, observations de M. Van Nuffel (E), pp.845-885.

    Sur la base de ce rapport, le procureur d'Adana décide de classer le dossier.

    Mais, sur recours de Behiye Salman et ensuite, du ministre de la Justice, le dossier lui est renvoyé aux fin de poursuites des policiers présents dans les locaux de la direction de la sûreté lors de la détention de Agit Salman.

    Par un arrêt rendu le 26 décembre 1994, la Cour d'assises d'Adana acquitte les policiers poursuivis au bénéfice du doute, considérant qu'il ne pouvait pas être établit que les policiers avaient soumis Agit Salman à des actes de torture.

    Le requérant introduit alors une requête auprès de la Commission européenne des droits de l'homme en alléguant la violation de l'article 2 de la Convention.

    Confrontant les éléments en sa possession, la Cour considère que durant sa détention Agit

    Salman a reçu un violent coup qui lui a fracturé le sternum et a été soumis à des sévices.

    La Commission est convaincue au-delà de tout doute raisonnable, que Agit Salman a été interrogé durant sa détention et a subi des sévices physiques d'une particulière gravité avant son décès.

    La Commission a établi son rapport et a transmis l'affaire à la Cour européenne des droits de l'homme.

    La cour a porté son examen sur la façon dont les autorités de l'Etat ont enquêté à la suite de la plainte du requérant pour rechercher et poursuivre les auteurs présumés de l'homicide illicite ou

    des pratiques de tortures.

    En effet, a estimé la cour, lorsqu'un individu est placé en garde à vue alors qu'il est en bonne santé et que l'on constate son décès, il incombe à l'Etat de fournir une explication plausible des évènements qui ont conduit au décès.

    Il est d'autant plus ainsi, ajoute la cour, que « lorsque les évènements en cause, dans leur totalité

    où pour une large part, sont connus exclusivement des autorités, comme dans le cas des personnes soumises à leur contrôle en garde à vue, toute blessure ou décès survenu pendant cette période donne lieu à de fortes présomptions de fait.

    Il convient en vérité de considérer que la charge de la preuve pèse sur les autorités qui doivent, fournir une explication satisfaisante et convaincante » (66).

    La cour a rappelé que l'obligation de protéger le droit à la vie de l'article 2 de la Convention, implique et exige de mener une forme d'enquête effective lorsque le recours à la force a entraîné

    mort d'hommes.

    66) CEDH, Affaire « Salmann c. Turquie » du 27 juin 2000 (§ 100), op cit.,

    A cet égard, la Cour a souligné que l'obligation susmentionnée ne vaut pas seulement pour les

    cas où il a été établi que la mort avait été provoquée par un agent de l'Etat.

    En effet, le seul fait qu'une personne décède alors qu'elle se trouve en garde à vue fait automatiquement naître l'obligation procédurale découlant de l'article 2 de mener une enquête

    sur les circonstances du décès.

    La cour a conclu que les autorités n'ont pas mené d'enquête effective sur les circonstances entourant le décès d'Agit Salman, par conséquent, elle a conclu à une violation de l'article 2.

    Cette obligation procédurale qui découle de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme est fondamentale.

    En effet, en l'absence d'une enquête efficace sur tout recours à la force meurtrière par les agents

    de l'Etat, il serait complètement impossible de punir les responsables.

    Si les coupables de tels actes ne sont pas punis, il n' y a aucune garantie que des actes de ce genre ne se reproduisent. Cela entraîne une psychose au sein de la population qui craindra pour

    sa sécurité.

    En outre, l'absence d'une enquête effective aurait pour conséquence de conférer une immunité aux agents de l'Etat qui seront désormais assuré d'une impunité totale (67).

    La présence ou l'absence d'une enquête effective sur tout recours à la force meurtrière par les agents de l'Etat est à la base de la distinction que l'on opère entre un Etat de droit et un Etat de police.

    L'Etat de droit est un Etat dans lequel le pouvoir s'exerce dans le cadre du droit, en se soumettant

    lui-même à cet encadrement normatif. C'est à cette seule et unique condition que l'on peut affirmer que l'arbitraire est alors exclu du pouvoir des gouvernants.

    Dans un Etat de droit, l'Etat est responsable de l'usage qu'il fait du pouvoir. En cas d'abus dans l'exercice de pouvoir il doit rendre des comptes.

    La doctrine allemande du « Rechtsstaat » a ainsi distingué « l'Etat de droit » de « L'Etat de police ».

    L'Etat de police est un Etat qui édicte des règles opposables à ses ressortissants, mais qui ne se soumet pas lui-même à des règles supérieures (67).

    Lorsque les forces de l'ordre mènent une opération et que cette dernière cause la mort d'un individu, ils doivent ouvrir une enquête afin de déterminer les causes de ce décès.

    La lutte contre le terrorisme ne doit pas faire exception à ce principe, car cette lutte pour être

    efficace doit toujours être menée dans le cadre de l'Etat de droit (68).

    66) Cretin (T), « Immunité, impunité : rien qu'une consonne de différence ? L'immunité pénale des Chefs d'Etat : entre coutume et évolution »,

    in SOS ATTENTATS terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, op cit., pp.479 à 480.

    67) Kada (N), Lexique de droit constitutionnel, ellipses, Paris, 2004, p.44.

    68) Sandoz (Y), « Guerre contre le terrorisme : Fondements juridique et réflexion prospective », in SOS ATTENTATS terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, op cit., pp 507 à 509.

    Un Etat qui ne rendrait pas compte de l'usage de la force effectuée par ses services perdrait la

    confiance de sa population.

    C'est au nom de la sauvegarde du droit à la vie des populations que les Etats se sont engagés à lutter contre le terrorisme, il apparaît donc logique que les Etats ne procède pas à des exécutions arbitraires au sein de cette même population.

    Si c'était le cas, on se trouverait en présence de deux formes de terrorisme ce serait le terrorisme qui lutterait contre le terrorisme.

    Il y aurait d'un côté le terrorisme d'Etat qui sous prétexte de lutter contre le terrorisme confisquerait le pouvoir et instaurerait un régime de terreur fondé sur la répression, et de l'autre

    le terrorisme de groupes d'individus qui se présenterait comme la seule alternative à ce régime d'oppression.

    Prise ainsi entre deux feux nos démocraties ne pourraient résister à ces attaques et ce serait la fin

    de l'Etat de droit et le début de l'état de nature (69).

    C'est pour cette raison que les Etats doivent être très vigilants dans leur lutte contre le terrorisme,

    car même au nom d'une lutte contre un phénomène qui menace les fondements démocratiques de nos sociétés, il existe des limites à ne pas franchir.

    69) Jacquart (A), Petite philosophie à l'usage des non-philosophes (Le livre de Poche), Calmann-Lévy, Paris, 1997, pp.145 à 147.

    II) Les limites de la luttecontre le terrorisme

    « Nous avons eu le tort de boxer selon les règles du Marquis de Queensberry. Avec ces gens-là

    (les terroristes), on ne peut pas » (70).

    Ces propos inquiétants du président de la Commission sur le renseignement de la Chambre des Représentants, le républicain Porter Goss reflète bien l'état d'esprit dans lequel sont plongés nos démocraties au lendemain des attentats du 11 septembre.

    Ces propos résument une conception qui semble être largement partagée, et selon laquelle le respect des droits de l'homme serait à l'origine de la vulnérabilité des démocraties face à la menace terroriste.

    Selon Porter Goss les attentats du 11 septembre sanctionne une défaillance de la société démocratique (« societal failure »), société fondée sur la prééminence du Droit, la liberté et le respect des droits de l'homme.

    Le terrorisme a toujours constitué une menace pour les démocraties, ses valeurs sont une négation de la démocratie.

    Avant les Attentats du 11 septembre 2001, un large consensus existait au sein des Etats sur la prééminence du modèle démocratique et sur l'impérieuse nécessité de respecter les droits de l'homme et ceci quelles que puissent être les circonstances.

    Depuis les attentats du 11 septembre 2001, quelque chose a changé. En effet, de plus en plus de voix s'élèvent pour remettre en cause le modèle démocratique et pensent qu'il faut changer les règles du jeu démocratique.

    Au lendemain des attentats de Londres du 7 juillet 2005, le Premier ministre britannique Tony

    Blair s'est engagée à prendre de nouvelles mesures plus radicales pour lutter contre le terrorisme.

    « Personne ne doit douter du fait que les règles du jeu ont changé. Les conditions de notre sécurité nationale ont changé. Nous pouvons les remettre en question et, si nécessaire, nous pouvons amender la loi sur les droits de l'homme (71) », a affirmé Tony Blair (72).

    Le discours de Tony Blair au lendemain des attentats du 11 septembre est des plus inquiétants.

    Les mesures préconisées par le Premier ministre britannique au lendemain des attentats du 7

    juillet, marquent un virage important dans un pays où les droits de chaque individu sont protégés par l'Habeas Corpus.

    70) Crowley (J), « Sécurité et liberté : une nouvelle donne (Triomphe des sécuritaires), in Critique internationale n°14, janvier 2002, p.29.

    71) Human Rights Act de 1998, loi britannique qui intègre la Convention européenne des droits de l'homme dans le droit interne anglais.

    72) Discours de Tony Blair du 24 juillet 2005, disponible sur le site de l'AFP, http://www.afp.com

    Les propos du Premier ministre britannique doivent ils être interprétés comme le prélude à une

    suspension du droit dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?

    C'est la question que se pose les défenseurs des droits de l'homme tant le discours du Premier ministre britannique apparaît comme une véritable remise en cause des droits de l'homme.

    Selon le Premier ministre les attentats sont la preuve qu'il est temps de définir des exceptions à l'application courante des droits de l'homme.

    Il a en outre annoncé l'adoption d'une nouvelle loi anti-terroriste d'ici la fin du mois de septembre, il a précisé que si cette loi fait l'objet d'opposition parlementaire il demanderait la modification de la loi sur les droits de l'homme (Human Rights Act de 1998).

    L'adoption de la loi « Human Rights Act » de 1998 qui a pour objet de rendre la Convention européenne des droits de l'homme directement applicable par les tribunaux britanniques, représentait une formidable avancée dans le combat pour le respect des droits de l'homme.

    Le « Human Rights Act » de 1998 est une charte des libertés individuelles qui donne une force obligatoire à la Convention européenne des droits de l'homme dans le droit interne anglais, écossais et nord-irlandais.

    La Convention sert désormais de principe pour l'interprétation du droit interne et permet au juge, lorsque l'interprétation est divergente, de faire une déclaration de non conformité qui entraîne une modification du droit interne par le Parlement.

    L'éventuelle modification de cette loi ne sera pas sans conséquence sur la forte tradition de respect des droits de l'homme qui caractérise le Royaume-Uni.

    Les mesures annoncées par le Premier ministre au lendemain des attentats du 7 juillet et qui seront contenues dans la nouvelle loi anti-terroriste sont très inquiétantes, notamment les trois mesures suivantes :

    1) Le gouvernement britannique dressera une liste de sites Internet, de librairies et de centres religieux extrémistes. Les étrangers qui leur seront liés pourront être expulsés sur décision

    du ministre de l'intérieur.

    2) Le gouvernement va étudier les possibilités d'étendre la période de garde à vue des suspects de terrorisme avant leur inculpation. Il va également examiner la possibilité de mettre en place une nouvelle procédure judiciaire qui va permettre des pré-procès.

    3) Une base de données internationale doit être mise en place par les ministères des Affaires étrangères et de l'Intérieur pour interdire de séjour et expulser les personnes « dont les activités ou les points de vue constituent une menace pour la sécurité de la Grande- Bretagne ».

    Toutes ces mesures ont un point commun, elles donnent de grands pouvoirs à l'administration

    sans assortir ce pouvoir d'une quelconque responsabilité. Pourtant il est clair qu'un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.

    Sur quelle base légale le ministre de l'Intérieur expulsera t-il les étrangers qui seront suspectés d'avoir un quelconque lien avec les terroristes ?

    Ces étrangers bénéficieront-ils du droit de recours prévu par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ? (73).

    Qui fixera la durée de la période de garde à vue des présumés terroriste et est-il normal que de simples suspects soient détenus par la police pour une durée indéterminée ?

    Durant les pré-procès, les présumés terroristes auront-ils droit à un procès équitable comme l'exige l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ? (74).

    Pour l'instant toutes ces questions fondamentales restent sans réponse, et il semblerait que le gouvernement britannique ne veuille pas trouver de réponses à ces questions.

    En effet ces mesures qui ne mentionnent à aucun moment les conditions dans lesquelles la responsabilité de l'administration pourra être engagée sont de très mauvais augures.

    Elles semblent vouloir dire que désormais, pour les britanniques, la responsabilité de l'administration n'existe pas lorsqu'il faudra prendre des mesures pour lutter contre le terrorisme. L'idée que tout ordre juridique véritable suppose que les sujets de droits engagent leur responsabilité lorsque leurs comportements portent atteinte aux droits des autres sujets de droit,

    est à la base même de la notion d'Etat de droit (75).

    Comme le dit si bien Alain Pellet : « La responsabilité est l'un « des signes » de l'existence du droit » (76).

    Le droit est le corollaire de la responsabilité, on ne peut définir le droit sans la responsabilité et

    on ne peut définir l'Etat de droit sans le droit.

    Le doyen Vedel a merveilleusement exprimé cette idée, lorsqu'il a dit en voyant les déportés des camps de concentration au lendemain de la deuxième guerre mondiale : « Je ne sais toujours pas

    ce qu'est le droit, mais je sais désormais ce qu'est un Etat sans droit » (77).

    73) « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale ».

    74) « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera, (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... ».

    75) Daillier (P), Pellet (A), Droit International Public, LGDJ, Paris, 6e édition, 1999, pp. 740-741

    76) Pellet (A), « La responsabilité des dirigeants pour crime international de l'Etat quelques remarques sommaires au point de vue du droit international », in SOS ATTENTATS Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, op cit., p.403.

    77) Beignier (B), Bléry (C), Manuel d'introduction au droit, PUF, Paris, 1e édition, 2004, p.15

    Le plus grave, c'est qu'une partie de la presse britannique semblent penser que pour vaincre le

    terrorisme le Royaume-Uni devrait cesser de s'inscrire dans une tradition séculaire de respect des droits de l'homme.

    Au lendemain de l'annonce par le Premier ministre britannique des mesures anti-terroristes, le Daily Telegraph affirmait « Si Tony Blair pense ce qu'il dit, il est en train de tirer les premiers coups de feu dans une bataille sans doute tardive contre le monde judiciaire qui dans le passé a agité les droits de l'homme pour terrasser la législation anti-terroriste » (78).

    Cette loi anti-terroriste britannique, si elle venait à être adoptée telle qu'elle a été exposée compléterait un arsenal de lois anti-terroristes dont la compatibilité avec les droits de l'homme était déjà plus que douteuse.

    Ces lois ont défrayé la chronique au moment de leur adoption, il s'agit de la loi « Antiterrorism, Crime and Security Act » du 14 décembre 2001 et de la loi « The Prevention Security Act » du 11 mars 2005.

    La loi « Antiterrorism, Crime and Security Act » de 2001 constitue une réponse législative aux attentats du 11 septembre 2001 qui ont frappé les Etats-Unis d'Amérique.

    Elle fût adoptée suite au souhait, formulé par le Conseil de sécurité des Nations unies, que tous

    les Etats prennent des mesures de prévention des attentats terroristes (79).

    La loi « Antiterrorism, Crime and Security Act » de 2001 demeure critiquée pour diverses raisons, et avant tout pour avoir été adoptée dans l'urgence, avec peu de temps pour débattre de son contenu.

    Les dispositions de la loi de 2001 s'écartent tellement du droit commun normalement applicable, que le Royaume-Uni a jugé nécessaire de déroger à la Convention européenne des droits de l'homme.

    La loi antiterroriste de 2001 permet la détention illimitée, sans inculpation, d'un étranger suspecté de se livrer à des activités terroristes.

    L'article 21 permet de l'incarcérer indéfiniment grâce à un certificat émis par le ministre de l'intérieur.

    Cet acte est établi sur la base d'une « conviction raisonnable » que la présence d'une personne

    sur le territoire du Royaume-Uni représentait « un risque » pour la sécurité nationale et qu'il y a

    « une suspicion raisonnable » qu'elle soit un terroriste international (80).

    Les mots « conviction raisonnable », « risque pour la sécurité nationale », « suspicion raisonnable » montrent bien le caractère subjectif de ces mesures.

    78) Informations disponibles sur le site de l'AFP, http://www.afp.com .

    79) Résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) du Conseil de sécurité de l'Onu.

    80) Loi « Antiterrorism, Crime and Security Act » de 2001, disponible sur le site du gouvernement britannique, http://

    www.legislation.hmso.gov.uk/acts/acts2001.

    Cette loi fait entrer l'étranger suspecté de terrorisme par le gouvernement anglais dans un

    système global de non droit. Désormais la suspicion devient source d'incrimination au mépris du sacro saint principe de la présomption d'innocence.

    Le 22 décembre 2004, le Secrétaire général du Conseil de l'Europe Monsieur Terry Davis, a demandé l'abrogation immédiate de la loi antiterroriste britannique de 2001.

    « La législation antiterroriste du Royaume-Uni doit être changée de manière urgente. Nous ne gagnerons pas la guerre contre le terrorisme si nous minons les fondations de nos sociétés démocratiques » a-t-il affirmé (81).

    Cette prise de position du Secrétaire général intervient après que la Cour d'appel de la Chambre

    des Lords se soit prononcée sur la détention illimitée, sans inculpation et sans procès d'étrangers

    et d'activités terroristes.

    La cour d'appel a qualifié que ses dispositions violent la Convention européenne des droits de l'homme (82).

    La loi « The Prevention of Security Act » du 11 mars 2005 est une modification de la partie IV de

    « L'Antiterrorism Crime and Security Act » du 14 décembre 2001 (83), dont les dispositions spécifiques venaient à expiration le 14 mars 2005.

    Cette loi remet en cause la notion d'Habeas Corpus.

    Elle s'attaque à la séparation formelle des pouvoirs, en donnant au ministre de l'Intérieur des prérogatives de magistrat et réduit quasiment à néant les droits de la défense.

    Elle consacre également la primauté du soupçon sur le fait, puisque des mesures de restrictions

    de liberté, pouvant conduire à l'assignation à résidence, pourront être imposées aux individus en fonction de ce que le ministre de l'Intérieur pense qu'ils pourraient faire.

    Comme le dit le sociologue Jean-Claude Paye : « cette loi tourne délibérément le dos à l'Etat de droit et installe une nouvelle forme de régime politique » (84).

    Afin de justifier cette loi lorsqu'elle était débattue au parlement, le Premier ministre Tony Blair a brandit la menace terroriste.

    Il a affirmé : « Cette loi est réclamée par la police et les services de sécurité. La repousser, c'est mettre en danger la sécurité de notre pays » (85).

    Personne et pas même le Premier ministre britannique peut raisonnablement penser que

    l'insécurité juridique peut garantir la sécurité d'un Etat.

    81) Propos du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe disponible sur le site d'information en ligne, http://www.statewatch.org/news.

    82) Résumé du jugement de la Cour d'appel de la Chambre des Lords disponible sur le site d'information en ligne, http://www.statewatch.org/news/dec/hol-gov-resp-164.pdf.

    83) La partie IV est celle qui est relative au droit d'asile et à l'immigration.

    84) Paye (J-C), « The Prevention Security Act Britannique du 11 mars 2005 », in RTDH n° 63/2005, p.635

    85) Rassetti (J), « Blair revoit sa copie antiterroriste », in Journal « Le Soir » du 9 mars 2005 pp 4-5.

    La loi antiterroriste britannique du 11 mars 2005, autorise le ministre de l'Intérieur britannique

    d'interdire à une personne l'utilisation de son téléphone mobile, de limiter son accès à Internet,

    de l'empêcher d'avoir des contacts avec certaines personnes. Elle peut également l'obliger à être chez lui à certaines heures et limiter son accès à un emploi ou à une occupation (86).

    Ces mesures pourraient éventuellement se comprendre si elles s'appliquaient à l'endroit des personnes dont l'appartenance à des réseaux terroristes ne fait l'ombre d'aucun aucun doute. Malheureusement ce n'est pas le cas car ces mesures s'appliquent aux personnes soupçonnées de participer à des activités terroristes.

    Ce qui est plus grave c'est que ces soupçons n'ont besoin d'aucune base légale, ils se font sous

    « l'inspiration » du ministre de l'Intérieur qui n'est malheureusement pas aussi infaillible que celle du Saint-Esprit.

    Le ministre de l'Intérieur a déclaré lorsqu'il présentait la loi antiterroriste de 2005 que : « les mesures de contrôle peuvent être prises sur la base d'un avis fondé par les services de sécurité qu'il y a une suspicion raisonnable qu'un individu est ou a été concerné par le terrorisme » (87).

    Les interrogations que suscitent ce genre de propos sont les suivantes : qu'est ce qu'une suspicion raisonnable ?

    Cette « suspicion raisonnable » ne serait elle pas en réalité une « suspicion sécuritaire » qui conduirait à arrêter tous ceux qui ont le tort d'avoir un faciès qui ferait « suspecter raisonnablement » que la personne est d'origine musulmane (donc terroriste potentiel) ?

    Peut-on construire un système d'incrimination sur la base de simples soupçons ?

    Cette loi est fondamentalement contraire aux droits de l'homme car elle remet en cause la présomption d'innocence.

    En effet, raisonner en termes de soupçons reviendrait à dire : « Monsieur nous avons décidé que vous êtes un terroriste. Nous ne disposons pas encore des preuves, mais nous allons les chercher.

    En attendant que nous les ayons trouvé vous resterez en détention le temps qu'il faudra ».

    Ce raisonnement substitue la présomption de culpabilité à la présomption d'innocence. Désormais on déclarera d'abord une personne coupable et ensuite on cherchera les preuves, alors que la logique, le bon sens, voudrait que l'on fasse l'inverse.

    Le droit pénal est un droit dont les conséquences sont assez sérieuses pour la vie des personnes

    pour que l'on s'interdise d'adopter ce genre de raisonnement.

    86) Article 1 § 3 de la loi, disponible sur le site du Ministère de l'intérieur, http://www.homeoffice.gov.uk/docs4/terrorism_bill.pdf.

    87) Propos du ministre de l'Intérieur disponible sur le site du ministère de l'Intérieur, op cit.

    La législation antiterroriste britannique compte parmi les plus sévères des démocraties

    occidentales et la compatibilité de ces dernières avec les droits de l'homme pose de sérieux problèmes.

    L'adoption d'une nouvelle loi antiterroriste en novembre 2005, si elle se fait dans le même contexte que les précédentes constituerait un grave danger pour les droits de l'homme.

    Ce ressentiment négatif par rapport aux droits de l'homme, ce vent de remise en cause des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme n'est pas l'apanage du Royaume-Uni.

    L'endroit où cette remise en cause se fait le plus sentir est bien évidemment aux Etats-Unis. Avant les attentats du 11 septembre 2001, les américains étaient fiers de leur système pénal. Grâce à une jurisprudence audacieuse tout au long du 20e siècle, les individus ont bénéficié d'une protection juridique contre l'Etat.

    Les agents du pouvoir répressif (l'administration fédérale, les agents de police) étaient contraints de respecter les règles constitutionnelles énoncées par la Cour suprême fédérale.

    On était jugé conformément à la garantie de « due process of law ».

    Le « due process of law » est une clause qui est contenue dans les 5e et 14e amendements de

    la Constitution fédérale de 1787.

    Le 5e amendement, adopté en 1791, qui s'applique au gouvernement fédéral prévoit notamment :

    « Nul ne sera privé de vie, de liberté ou de propriété sans le bénéfice dues par le droit

    (without due process of law ».

    Le 14e amendement, adopté en 1868, s'applique aux Etats de l'union ; il dispose

    « Aucun Etat (...) ne privera aucune personne de vie, de liberté ou de propriété sans le bénéfice des protections dues par le droit (without due process of Law) » (88).

    A la suite des attentats du 11 septembre, on assiste à une redéfinition de l'équilibre qui doit exister entre la sécurité nationale et les droits fondamentaux. Cette redéfinition se fait au détriment de la liberté.

    Après les attentats de New York, le Congrès des Etats-Unis à très rapidement promulgué une

    loi anti-terroriste importante : « The USA Patriot Act ». Le Président des Etats-Unis et le ministre de la justice ont eux aussi édicté une série de décrets (Executive Orders) et de règlements ayant pour but la répression et la prévention du terrorisme.

    88) Zoller (E), « Due process of Law et principes généraux du droit », in Mélanges en l'honneur de Benoît Jeanneau, Les

    mutations contemporaines du droit public, Dalloz, Paris, 2002, p.235

    Ce dispositif législatif comporte de très importantes restrictions des libertés civiques, cela ne

    s'était plus produit aux Etats-Unis depuis la deuxième guerre mondiale.

    Ce dispositif a suscité de vives controverses en raison de leurs effets sur les libertés fondamentales.

    Il provoque un débat passionné aux Etats-Unis sur l'équilibre entre droits et libertés fondamentales et exigences de la sécurité nationale.

    Ce débat est plus élaboré en Europe, où plusieurs pays connaissent depuis longtemps le problème du terrorisme.

    Les Etats-Unis qui ont toujours été très fiers de la primauté qu'ils accordaient à la liberté individuelle, mais qui n'avaient jamais jusqu'alors connu d'attentats terroristes de grande ampleur découvrent ce débat.

    La loi « Patriot Act » a été promulguée hâtivement après un débat parlementaire restreint. L'observation du sénateur Leahy exprime le sentiment d'un bon nombre de sénateur, lorsqu'il affirme ;

    « Despite my misgivings, I acquiesced in some of the Administration's proposals to move

    the legislation forward... I do believe that some of the provisions... will face difficult tests in

    the courts, and that we in Congress have to revisit these issues at some time in the future when the present crisis has passed » (89).

    Cette loi de 166 pages, divisée en dix parties dont chacune traite d'un sujet différent retreint

    un certain nombre de droits fondamentaux.

    Les principaux droits impliqués sont le droit au respect de la vie privée (« privacy », surtout

    au sens du 4e Amendement en permettant un très haut niveau de surveillance des citoyens et des étrangers avec un contrôle judiciaire minimal), le « due process of Law » (5e Amendement) et la liberté d'expression et d'association (1er Amendement) (90).

    La question fondamentale qui se pose lorsque l'on examine cette loi est la suivante : « jusqu'à quel point l'Exécutif peut-il limiter des droits et libertés sans contrôle législatif ou judiciaire, au nom de ses pleins pouvoirs en matière militaire et étrangère ? » 91.

    La récente réélection triomphante du Président Georges W. Bush et l'élaboration d'une nouvelle loi qui généralise le recours aux mesures dérogatoires, faisant ainsi de l'Etat d'exception, un Etat qui est « exceptionnellement illimité » ne laisse rien présager de bon (92).

    Le Canada qui n'a pas voulu rester en retrait par rapport aux mesures adoptées par son

    89) Vroom (C), « Etats-Unis, Lutte contre le terrorisme et protection des droits fondamentaux », in AIJC, XVIII-2002, p.162.

    90) Vroom (C), op cit., p.163

    91) Vroom (C), op cit., p.163

    92) Loi antiterroriste « Domestic Security Enhancement Act of 2003 » ce nouveau texte est connu sous le nom de « Patriot II »

    puissant voisin, a également adopté une loi antiterroriste (la loi C-36), qui soulève de

    sérieuses inquiétudes quant à sa compatibilité avec les exigences de respect des droits de l'homme.

    La loi antiterroriste « C-36 », vient modifier plus d'une vingtaine de lois dont le « Code criminel », « la Loi sur les secrets officiels », « la Loi sur la preuve et « la Loi sur l'accès à l'information ». La loi antiterroriste est entrée en vigueur le 24 décembre 2001 (93).

    La loi antiterroriste canadienne autorise l'arrestation sans mandat, si le policier a des motifs raisonnables de soupçonner (et non de croire, la nuance est importante quand on connaît le caractère hautement subjectif du soupçon) que ceci est nécessaire pour éviter la mise en exécution d'une activité terroriste.

    Il est généralement admis que le critère de « motifs raisonnables » vient justement limiter le critère, beaucoup plus large et vague de « soupçons », assimilés jusqu'ici par les tribunaux aux rumeurs, aux informations non confirmées dont la fiabilité est douteuse.

    Ces deux notions sont comme le disait Madame Lucie Lemonde, des « antagonismes contraires » (94).

    La loi « C-36 » autorise également la tenue d'enquêtes sans mandat précis, la détention préventive pour fin d'interrogatoire, sur la base de simples soupçons, sans inculpation d'aucune infraction criminelle.

    Cette loi, on le voit bien, constitue une réponse largement excessive et injustifiée aux attentats du 11 septembre.

    Elle représente une grande menace pour les droit et libertés fondamentales des personnes et elle ne semble pas être une réponse appropriée aux attentas du 11 septembre.

    Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada, la liste des Etats qui au lendemain des attentats

    du 11 septembre 2001 ont adopté des lois qui violent les droits de l'homme afin de lutter contre le terrorisme ne cesse de s'allonger.

    Le terrorisme réussira t-il à faire ce que les deux guerres mondiales n'ont pas pu faire, à savoir provoquer une remise en cause et peut être une négation des droits de l'homme ?

    Doit-on reprocher à nos sociétés d'avoir les défauts de ses qualités, c'est-à-dire d'être fondée sur la liberté ?

    N'est ce pas au nom de la liberté et de la primauté de l'homme sur la barbarie que des

    millions d'hommes ont donné leurs vies pour vaincre le nazisme ?

    93) Crépeau (F), Jimenez (E), « L'impact de la lutte contre le terrorisme sur les libertés fondamentales au Canada », in Lutte contre le

    terrorisme et droits fondamentaux, op cit., p.249.

    94) Lemonde (L), « L'impact des mesures anti-terroristes sur les droits et libertés », in site Internet de l'Université du Québec à

    Montréal, http://www.gric.uquam.ca.

    L'humanité est arrivée à la croisée des chemins, elle doit décider comme en 1944 s'il faut

    organiser la lutte contre cette nouvelle menace que constitue le terrorisme dans le cadre de l'Etat de droit ou si la fin justifie les moyens.

    La nature odieuse et particulièrement grave de certains actes terroristes, ne peut servir de prétexte à un Etat pour ne pas accomplir ses obligations internationales en matière de droits

    de l'homme. Un discours sécuritaire prédominant encourage le sacrifice des libertés et des droits fondamentaux au nom de la lutte contre le terrorisme.

    Il n'y a aucune antinomie entre le devoir des Etats de protéger les droits des personnes menacées par le terrorisme et leur responsabilité de s'assurer que la protection de la sécurité

    ne sape pas les autres droits.

    Au contraire, protéger les individus des actes terroristes et respecter les droits de l'homme relèvent tous deux d'un même système de protection incombant à l'Etat.

    Les droits de l'homme laissent aux Etats une marge de flexibilité raisonnablement large pour lutter contre le terrorisme sans contrevenir aux obligations de ces derniers en matière de droits de l'homme.

    Lors de la 58e Session de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies qui s'est tenue à Genève du 18 mars au 26 avril 2002, le Directeur Général des Droits de l'Homme au Conseil de l'Europe, monsieur Pierre-Henri Imbert a fait la déclaration suivante.

    « Il peut être tentant de voir la lutte contre le terrorisme comme un objectif primordial en tant que tel et auquel les considérations de droits de l'homme doivent être subordonnés ».

    Une telle vue serait erronée et même potentiellement dangereuse. Lors du récent débat d'urgence au sein de notre Assemblée Parlementaire sur cette question, le Secrétaire Général Walter Schwimmer a insisté sur la nécessité d'éviter que les mesures anti-terroristes sapent la démocratie et les droits de l'homme.

    « Nous ne devons pas leur permettre de réussir avec notre propre aide. La lutte contre le terrorisme ne doit pas seulement être une lutte contre quelque chose, à savoir le terrorisme, mais aussi une lutte pour quelque chose: le respect des droits de l'homme.

    Il est faux de penser que nous devons sacrifier la protection des droits de l'homme en vue de combattre le terrorisme.

    Les deux peuvent et doivent aller de pair car leur objectif est de préserver et protéger les sociétés pacifiques et démocratiques.

    Concrètement cela signifie que le respect des droits de l'homme ne doit pas être considéré comme un obstacle à la lutte contre le terrorisme, mais comme formant partie intégrante de

    celle-ci » (95).

    95) Intervention de M. Pierre-Henri Imbert, disponible sur le site Internet des Nations Unies, http://www.un.org/french/.

    La lutte contre le terrorisme ne devrait qu'en partie être considérée comme une question de

    sécurité. C'est également une question de valeurs.

    La police, les services de renseignements, l'armée, ont tous un rôle à jouer lorsqu'il s'agit de répondre à des menaces terroristes particulières. Mais le terrorisme relève aussi du domaine

    de la moralité publique.

    La nécessité de lutter contre le terrorisme trouve sa limite dans le respect des droits fondamentaux (A).

    Si certaines restrictions aux droits de l'homme peuvent être admises au nom de la lutte antiterroriste, l'adoption de mesures de dérogation est subordonnée au respect par les Etats

    de certaines conditions (B).

    A) Le respect des droits fondamentaux

    Les droits garantis par les instruments pertinents en matière de droits de l'homme n'ont

    pas le même statut.

    Cette hiérarchisation au sein des droits de l'homme a été pour la première fois élaborée par madame Nicole Questiaux, en sa qualité de rapporteur spéciale de la Sous- Commission des droits de l'homme des Nations Unies sur les états d'exception.

    « Nous avons souligné que si les instruments pertinents admettaient que certains droits puissent être limités dans leur exercice, voire provisoirement suspendus dans certains cas (intangibilité relative), il en existait d'autres qui devaient être intégralement préservés même en cas de circonstances exceptionnelles (intangibilité absolue) » (96).

    Il existe donc au sein des droits de l'homme des droits insusceptibles de faire l'objet de restrictions (1) et des droits susceptible de faire l'objet de restrictions (2).

    96) Rapport sur les conséquences pour les droits de l'homme des développements récents concernant les situations dites d'état de siège

    ou d'exception, doc. E/CN.4/Sub.2/1982/15, p.15.

    1) Les droits insusceptibles de faire l'objet de restrictions

    Le noyau dur des droits de l'homme est très réduit : seuls quatre droits figurent, au titre des

    droits intangibles, dans les trois conventions (97).

    Il s'agit du droit à la vie (98), du droit de ne pas être soumis à la torture, ni de subir de traitements inhumains ou dégradants (99), de l'interdiction de l'esclavage et de la servitude (100), et du principe de la légalité des délits et des peines (101).

    Seule l'interdiction de la torture (a) et le principe de légalité des délits et des peines (b), mériteront une attention particulière.

    a) L'interdiction d'être soumis à la torture

    L'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants consacre,

    comme l'affirme fortement la Cour européenne des droits de l'homme dans sa décision

    « Soering c. Royaume-Uni » du 7 juillet 1989, « l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l'Europe » (102).

    L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, prohibe de façon absolue la torture et les peines ou traitements dégradants en ce qu'elle constitue une négation de la dignité inhérente à la personne humaine (103).

    L'interdiction du recours à la torture par les Etats constitue un droit intangible, il ne ménage aucune exception.

    Le droit qu'il garantit ne peut faire l'objet ni de limitations pour cause d'ordre public dans son exercice, ni même de dérogations.

    L'Etat ne peut suspendre la jouissance et l'exercice en cas de guerre ou de danger public menaçant la vie de la nation.

    Le droit de ne pas subir de torture ou de traitements inhumains ou dégradants fait partie du noyau dur de La Convention.

    Ce droit est applicable à toute personne, en tout temps et en tous lieux. Il est l'un des éléments centraux du « patrimoine commun » des Etats européens, évoqué dans le Préambule

    de la Convention.

    97) Convention européenne des droits de l'homme, Convention Américaine des droits de l'homme, Pacte relatives aux droits civils et

    politiques.

    98) Article 6 du PIDCP, article 2 de la Conv. eur. dr. h. , article 4 de la CADH.

    99) Article 7 du PIDCP, article 3 de la Conv. eur. dr. h. , article 9 de la CADH.

    100) Article 8 § 1.2 du PIDCP, article 4, § 1 de la Conv. eur. dr. h, article 6 de la CADH.

    101) Article 15 du PIDCP, article 7 de la Conv. eur. dr. h. , article 9 de la CADH.

    102) Arrêt « Soering c. Royaume-Uni » du 7 juillet 1989, Série A n° 161 § 88.

    103) Article 3 : »Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    Les autres instruments conventionnels de protection, qu'ils soient universels (Pacte des droits

    civils et politiques du 16 décembre 1966) ou régionaux (Convention américaine des droits de l'homme), édictent une interdiction absolue en la matière.

    Il n'y a que la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 28 juin 1981 qui ne distingue pas de droits intangibles parmi les droits qu'elle énonce.

    Le droit de ne pas subir de traitements contraires à la dignité de l'homme doit donc être considéré comme un attribut inaliénable de la personne humaine, fondé sur les valeurs communes à tous les patrimoines culturels et systèmes sociaux.

    Les Etats ont non seulement une obligation négative de ne pas pratiquer la torture, mais aussi une obligation positive de protéger toute personne relevant de leur juridiction, contre une situation où le risque d'être soumis à la torture est grand.

    La cour interaméricaine des droits de l'homme a confirmé cette approche dans son arrêt du

    29 juillet 1988 « Velasquez Rodriguez c. Honduras ».

    Dans cette affaire il été question de « disparitions forcées ».

    Au cour de cette affaire la Cour a jugé que, dans le domaine du droit à l'intégrité de la personne (prévue par l'article 5 de la convention américaine des droits de l'homme), la convention fait peser sur l'Etat non seulement le devoir de ne pas violer ce droit, mais aussi

    « un devoir de prévention » des violations du droit à l'intégrité physique (104).

    La lutte contre le terrorisme ne saurait justifier une quelconque atteinte à ce droit. Le Conseil

    de l'Europe l'a bien rappelé lorsqu'il a affirmé au point IV des lignes directrices sur les droits

    de l'homme et la lutte contre le terrorisme :

    « Le recours à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants est prohibé

    en termes absolus, en toutes circonstances, notamment lors de l'arrestation, de l'interrogatoire et de la détention d'une personne soupçonnée d'activités terroristes ou condamnée pour de telles activités, et quels qu'aient été les agissements dont cette personne

    est soupçonnée ou pour lesquels elle a été condamnée. (105) »

    La cour a eu l'occasion de rappeler l'obligation de ne pas déroger à l'article 3 et ceci même dans le cadre de la lutte antiterroriste dans un arrêt du 6 avril 2000, il s'agissait de l'affaire

    « Labita c. Italie ».

    104) Cohen-Jonathan (G), « cour interaméricaine des droits de l'homme. L'arrêt Velasquez », in RGDIP, 1990, p.455.

    105) Comité des ministres du Conseil de l'Europe, « Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme/ Textes de références », in RUDH, 2002, p.239.

    La cour a réaffirmé cette obligation en des termes dénués de toute ambiguïté.

    « L'article 3 de la Convention, La cour l'a dit à maintes reprise, consacre l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques.

    Même dans les circonstances les plus difficiles, telles la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

    L'article 3 ne prévoit pas de restrictions, en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la Convention et des protocoles n° 1 et 4, et d'après l'article 15 § 2 il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (...).

    La prohibition de la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants est absolue, quels que soient les agissements de la victime (...).

    La nature de l'infraction qui était reprochée au requérant est donc dépourvue de pertinence pour l'examen sous l'angle de l'article 3 » (106).

    Conçu comme une réponse aux crimes abominables du nazisme, il était tout à fait naturel que cet article fasse l'objet d'une attention particulière de la part de la Cour européenne des droits de l'homme (107).

    La cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée à de multiples reprises sur la violation

    de l'article 3 par les Etats, notamment dans l'affaire « Tomasi c. France » (108) du 27 août 1992 et dans l'affaire « Aksoy c. Turquie » du 18 décembre 1996 (109).

    Citoyen français, Monsieur Félix Tomasi est arrêté par la police le 23 mars 1983 à Bastia (Haute- Corse).

    On le soupçonne d'être impliqué dans un assassinat et une tentative d'assassinat perpétrés le 11

    février 1982 par l'ex Front de libération nationale de la Corse.Il est placé en garde à vue jusqu'au

    25 mars 1983, date à laquelle il est inculpé et placé en détention provisoire.

    Il est pour finir acquitté par la Cour d'assises. Le requérant se plaint d'avoir subi des sévices durant sa garde à vue. Il est examiné par plusieurs médecins qui constatent diverses lésions corporelles.

    Dans sa requête du 10 mars 1987 à la Commission, M. Tomasi invoque la violation de l'article 3.

    Le gouvernement reconnaissait ne pouvoir donner aucune explication sur la cause des lésions, mais affirmait qu'elles ne résultaient pas des traitements dénoncés par M. Tomasi.

    106) Affaire « Labita c. Italie » du 6 avril 2000 (§ 119), in ACEDH, pp. 142-148.

    107) Sudre (F), « L'article 3 », in Convention européenne des droits de l'homme commentaire article par article, op cit., p.156.

    108) Affaire « Tomasi c. France » du 27 août 1992, in ACEDH, n°35, 1992, pp 163-167.

    109) Affaire « Aksoy c. Turquie » du 18 décembre 1996, in Berger (V), Jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme, op cit., pp 31-34.

    Tel ne fût pas l'avis de la cour, qui se fonde sur plusieurs éléments. D'abord, nul ne peut

    prétendre que les traces observées sur le corps du requérant puissent remonter à une période antérieure à l'arrestation ou découler d'une action de l'intéressé contre lui-même ou encore d'une tentative d'évasion.

    De plus, dès sa première comparution devant le juge d'instruction il signala les marques qu'il portait.

    En outre, quatre médecins différents examinèrent l'accusé dans les jours qui suivirent la fin de la garde à vue et établirent des certificats médicaux qui contiennent des observations médicales précises et concordantes.

    Ces certificats indiquent en outre les dates de survenance de ses blessures, lesquelles correspondent à celles du séjour dans les locaux de la police.

    Il y a des éléments sérieux, conclu la cour, pour conférer à ce traitement un caractère inhumain et dégradant.

    Les nécessités de l'enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en matière de terrorisme, ne sauraient conduire à limiter la protection due à l'intégrité physique de la personne. La cour a donc conclu à l'unanimité qu'il y avait eu violation de l'article 3.

    Dans l'affaire « Aksoy c. Turquie » du 18 décembre 1996, les faits étaient les suivants.

    M Zéki Aksoy, métallurgiste turc né en 1963 et vivant à Mardlin, est arrêté et placé en garde à vue au siège de la sécurité de Kiziltepe vers la fin de novembre 1992.

    On le soupçonnait d'être un membre actif du PKK. Il est détenu quatorze jours. D'après le requérant, la police lui a fait subir, entre autres, une forme de torture connue sous le nom de

    « pendaison palestinienne ».

    Il a été complètement déshabillé, ses mains ont été liées dans le dos et enfin il a été pendu par les bras. On lui aurait aussi infligé des décharges électriques dans les parties génitales, on lui aurait donné des coups de pied et des gifles.

    Selon lui, par suite de la pendaison il a perdu l'usage de ses bras et de ses mains. Le gouvernement, en revanche, affirme que les griefs du requérant sont dénués de tout fondement.

    Le 8 décembre 1992, l'intéressé est traduit devant le Procureur de Mardlin qui, après l'avoir interrogé, ordonne sa libération.

    Relâché le 10 décembre, l'intéressé est hospitalisé le 15 décembre et l'on diagnostique une paralysie bilatérale des avant-bras qui nécessitait la pose d'éclisses.

    Il demeure à l'hôpital jusqu'au 31 décembre, date à laquelle il quitte l'hôpital de son propre chef.

    Le 21 décembre, le procureur a prononcé le non-lieu.

    Dans sa requête du 20 mai 1993 à la Commission, M. Aksoy allègue une violation de l'article 3

    de la Convention européenne des droits de l'homme. Le 20 avril 1994, ses représentants

    informent la Commission qu'il a été tué par balles le 16 avril.

    Ils allèguent que le 14 avril, le requérant a reçu des menaces de mort afin qu'il retire sa requête à

    la Commission.

    La Commission a constaté entre autres que M. Aksoy avait été soumis à la « pendaison palestinienne », ce qui signifie qu'on lui avait ôté tous ses vêtements et lié les mains au dos, puis qu'on l'avait suspendu par le bras.

    D'après la cour, ce traitement ne peut avoir été infligé que délibérément. En effet sa réalisation exigeait une dose de préparation et d'entraînement.

    Il apparaît avoir été administré dans le but d'obtenir du requérant des aveux ou des informations. Hormis les graves souffrances qu'il doit avoir causées à l'intéressé à l'époque, les preuves médicales montrent qu'il conduit à une paralysie des deux bras, paralysie qui mit un certain temps avant de disparaître.

    Ce traitement était d'une nature tellement grave et cruelle que l'on ne peut le qualifier que de

    « torture ».La cour a donc conclu qu'il y avait eu violation de l'article 3 (huit voix contre une).

    Cette interprétation restrictive de la Cour est pleinement justifiée par le caractère monstrueux et inhumain de la torture.

    L'interdiction de la torture ne doit souffrir d'aucune exception, quelque soit « le caractère brûlant des enjeux en temps de crise », selon l'expression de Patrick Wachsmann (110).

    La lutte contre le terrorisme ne saurait en aucune façon constituée une exception à ce principe fondamental.

    Les brutalités policières lors d'une arrestation (111), l'isolement prolongé (112), le fait d'incendier

    des maisons d'habitation dans un village (113) sont considérés comme des traitements inhumains

    et dégradants, la lutte contre le terrorisme ne pouvant justifier de telles pratiques. Le recours à la torture constitue un crime de guerre selon le statut de la Cour pénale internationale adopté le 17 juillet 1998, il est donc susceptible d'être poursuivi sur le plan international devant cette juridiction.

    Malheureusement le refus des Etats-Unis de ratifier le statut de la Cour pénale internationale ne permettra jamais qu'une véritable justice soit rendue aux malheureux prisonniers irakiens torturés

    ignominieusement par des militaires américains dans la prison irakienne d'Abou Ghraïb.

    110) Wachsmann (P), Les droits de l'homme (connaissance du droit), op cit., p.62.

    111) Voir CEDH, « Tomasi c France » du 27 août 1992

    112) Voir CIADH, « Velasquez Rodriguez c. le Honduras » du 29 juillet 1988

    113) Voir CEDH, « Selçuk et Akser c. Turquie » du 24 avril 1988.

    B) Le principe de la légalité des délits et des peines

    « Les peines encourues par une personne accusée d'activités terroristes doivent être prévues

    par la loi pour une action ou une omission qui constituait déjà une infraction au moment où elle a été commise ; aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ne peut être infligée » (114).

    Cette ligne directrice reprend les éléments contenus dans l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme qui consacre le principe de la légalité des délits et des peines (115).

    L'article 7 § 1 de la Convention consacre les règles « nullum crimen sine lege » et « nulla poena sine lege ».

    Il s'agit de principes fondamentaux de droit pénal qui sont reconnus par de nombreux pays.

    La prééminence de l'article 7 est soulignée par le fait que l'article 15 § 2 interdit de déroger à l'article 7.

    Les principes fondamentaux auxquels l'article 7 § 1 fait allusion sont les suivants : la légalité des infractions, la non rétroactivité des infractions, la légalité des peines, la non rétroactivité des peines.

    Ces principes s'inspirent de l'idée de sécurité juridique des citoyens, ce qui est punissable et

    les sanctions qui y sont attachées doivent être prévisibles.

    Le principe est clair, il n'y a pas d'infraction sans base juridique. Le principe contraint le juge

    à ne jamais se fonder sur l'usage ou la coutume pour créer une incrimination.

    Le citoyen doit être au courant des normes qui sont applicables, le droit doit être accessible et prévisible.

    La sécurité juridique exige que le citoyen sache quel comportement fait l'objet d'une incrimination.

    Cette exigence est mise en danger si l'incrimination n'est pas claire. Le principe de la légalité des délits et des peines comporte l'exigence d'une interprétation pas trop extensive des

    infractions. Le principe de légalité des délits et des peines exclut l'interprétation par analogie.

    114) Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, « Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme/Textes

    références », point X, p.23.

    115) « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. » (article 7 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme)

    La cour distingue trois principes faisant parties de l'article 7 : le principe «pas d'infraction, pas

    de peine sans texte légal», le principe de la non rétroactivité pénale et l'interdiction d'interprétation par analogie.

    La cour a eu l'occasion de rappeler le caractère fondamental du principe de la légalité des délits

    et des peines lors de l'affaire « S.W et C.R c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995 » (116).

    La cour a ainsi rappelé que :

    « La garantie que consacre l'article 7, élément essentiel de la prééminence du droit, occupe une place primordiale dans le système de protection de la Convention, comme l'atteste le fait que l'article 15 n'y autorise aucune dérogation en temps de guerre ou autre danger public.

    Ainsi qu'il découle de son objet et de son but, on doit l'interpréter et l'appliquer de manière à assurer une protection effective contre les poursuites, les condamnations et sanctions arbitraires ».

    L'article 7 § 1 pose également le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale au profit de la personne concernée. Son comportement doit constituer une infraction au moment où il a été commis.

    Portalis avait souligné l'importance de ce principe bien avant la Convention européenne des droits de l'homme lorsqu'il avait dit :

    « Le législateur ne doit point frapper sans avertir ; s'il en était autrement, la loi, contre son objet essentiel, ne se proposerait pas de rendre les hommes meilleurs, mais seulement de les rendre plus malheureux. » (117).

    Le projet de loi antiterroriste britannique qui doit être présenté au Parlement britannique d'ici l'automne, s'il était adopté tel quel, porterait une sérieuse atteinte au principe de non rétroactivité

    de la loi pénale.

    En effet la loi prévoit de punir l'incitation à la haine religieuse et raciale de façon rétroactive. Au nom de la lutte antiterroriste on ne peut restreindre les droits intangibles.

    En revanche il est possible, sous certaines conditions, de restreindre certains droits.

    116) Affaire « S.W et C.R c. Royaume-Uni » du 22 novembre 1995, série A n° 335-B et 335-C, pp.41-42 et pp 68-69.

    117) Larguier (J), Le droit pénal (collection Que sais-je ?), PUF, Paris, 15e édition, 2004, p.20

    2) Les droits susceptibles de faire l'objet de restrictions

    La lutte contre le terrorisme, n'est pas une lutte comme les autres. C'est une lutte contre un

    ennemi sans visage dont la barbarie est sans commune mesure.

    La lâcheté et la cruauté aveugle des terroristes font de ces derniers une menace redoutable pour notre société.

    Le terrorisme ne respecte aucune des règles de la guerre, c'est une philosophie de l'horreur et

    de la terreur qui privilégie la fin plutôt que les moyens.

    Face à de tels dangers les démocraties ne peuvent rester insensibles, elles doivent lutter contre le terrorisme, et cette lutte passe par la restriction de certaines libertés au nom de l'intérêt général.

    Les droits de l'homme ne doivent pas être considérés comme des freins à la lutte contre le terrorisme.

    Au contraire, les droits de l'homme constituent le cheminement qui doit mener à la victoire dans la lutte contre le terrorisme.

    Les juridictions internationales en matière de droits de l'homme en général et la Cour européenne des droits de l'homme en particulier ont reconnu la spécificité de la lutte antiterroriste.

    On ne peut vouloir d'une chose et de son contraire et si on veut que les Etats luttent efficacement contre le terrorisme, il faut leur donner les moyens « légaux » de le faire.

    Au sein des droits de l'homme, certains sont susceptibles de faire l'objet de restrictions sous certaines conditions.

    La Convention européenne des droits de l'homme l'a bien précisé dans son article 8 § 2 :

    « Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection

    de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

    Le droit à la liberté et à la sûreté (a) et le droit au respect de la vie privée (b), constituent des droits susceptibles de faire l'objet de restrictions.

    a) Le droit à la liberté et à la sûreté

    « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf

    dans les cas suivants et selon les voies légales :

    a) s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;

    b) s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention irrégulière pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi ;

    c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y

    a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuira près l'accomplissement de celle-ci ;

    d) s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond ;

    e) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion

    ou d'extradition est en cours. »

    L'article 5 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme définit avec précision les conditions précises qui entourent la restriction du droit à liberté et à la sûreté.

    Le droit à la liberté et à la sûreté vise à protéger la liberté physique de la personne contre toute arrestation et détention arbitraire ou abusive. Les terroristes constituent l'archétype parfait de ces personnes dont le droit à la liberté doit être restreint.

    Ce droit occupe une place centrale dans le dispositif protecteur des droits individuels, et la

    Cour européenne en a solennellement reconnu l'importance particulière dans une société démocratique (118).

    118) Affaire « De wilde, Ooms et Versyp » du 18 juin 1971 (§ 64-65), in Les Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, op

    cit., p. 35.

    L'Etat doit cependant pouvoir priver de liberté ceux qui représentent une menace pour l'ordre

    social.

    Le Pacte international des droits civils et politiques (article 9) (119) et la Convention américaine

    des droits de l'homme (article 7) (120), se contentent de préciser que la privation de liberté ne peut intervenir que dans les cas prévus par le législateur national.

    La Convention européenne des droits de l'homme dresse une liste précise de cas autorisant la restriction à ce droit.

    La cour précise qu'il s'agit d'une liste exhaustive devant faire l'objet d'une interprétation étroite,

    ce qui ne laisse aux Etats qu'une très faible marge d'appréciation pour l'application de l'article 5. Néanmoins, la notion de « privation de liberté », qui est soumise à l'article 5 § 1, reste incertaine. Pour déterminer si une personne se trouve privée de liberté, il faut partir de sa situation concrète

    et prendre en compte un ensemble de critères, tel le genre, la durée et les modalités d'exécution

    de la mesure considérée.

    Ces critères sont nécessaires pour apprécier le degré et l'intensité des restrictions à la liberté de la personne.

    La privation de liberté, pour être conforme aux exigences inhérentes à un Etat de droit, doit respecter non seulement la législation nationale, mais aussi internationale.

    En effet, le sacro-saint principe de souveraineté des Etats ne saurait faire obstacle au respect par ces derniers des standards minimum en matière de respect des droits de l'homme.

    La question de la conciliation du droit à la liberté et à la sûreté avec les impératifs de la lutte contre le terrorisme se pose avec une acuité particulière sur le plan international.

    En effet, dans la répression des crimes « terroristes », l'Etat est dans l'obligation de respecter scrupuleusement les normes internationales en matière de privation de liberté et de sûreté juridique des personnes

    Ce problème s'est posé et continue de se poser pour les prisonniers de Guantanamo, arrêté lors de

    la guerre d'Afghanistan, dans le cadre de la guerre contre le terrorisme menée par les Etats-Unis.

    119)« Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention

    arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévue par la loi. »

    120)« (...) Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et dans des conditions déterminées à l'avance

    Par les constitutions des Etats parties ou par les lois promulguées conformément à celles-ci. »

    Lors de la fin de la guerre d'Afghanistan des prisonniers ont été capturés et transférés sur la base

    de Guantanamo Bay, une base américaine situé sur l'île de Cuba.

    Selon l'administration américaine une distinction doit être faite entre les prisonniers talibans qui sont des prisonniers de guerre et les combattants d'Al Quaeda, qui, sont des « combattants illégaux ».

    Le statut juridique incertain des prisonniers de Guantanamo est une violation du droit à la sécurité juridique.

    On pourrait faire valoir que les terroristes ne méritent aucune protection juridique. Même si ce point de vue est compréhensible étant donné sa portée émotionnelle, la question doit être examinée à la lumière des règles fondamentales du droit.

    Tout être humain, sans exception, a une dignité inhérente. Ceci est reconnu par tous les Etats dont la Constitution est fondée sur la primauté du droit, par tous les traités humanitaires et les traités relatifs aux droits de l'homme et par toutes les grandes religions.

    Il ne faut pas abandonner des règles et principes d'un tel poids et d'une telle force sous le choc

    du moment.

    En outre, l'une des fonctions les plus importantes de la loi est de distinguer entre ceux qui sont responsables et ceux qui ne le sont pas, de même qu'entre ceux qui sont coupables et ceux qui sont innocents.

    Les procédures servant à déterminer si un individu est responsable n'ont pas pour seule finalité

    de protéger les responsables d'éventuels abus d'un Etat, mais aussi d'éviter à ceux qui ne le sont pas, d'être tenus à tort pour responsables.

    La loi protège inévitablement le terroriste du seul fait qu'elle protège ceux qui ne sont pas responsables et, si elle ne protégeait plus le terroriste, toutes les personnes qui ne sont pas responsables seraient aussi privées de protection.

    Comme le dit si bien Philippe Weckel : « Il ne saurait exister sur terre un espace sur lequel les préoccupations d'humanité et le principe du respect des droits de l'homme n'auraient pas droit de cité (121).

    En refusant de qualifier ces personnes de prisonniers de guerre et en les considérants comme des

    « combattants illégaux », une qualification qui n'existe pas en droit international, les Etats-Unis démontrent le peu d'importance qu'ils accordent aux Conventions de Genève.

    121) Weckel (P), « Le statut incertain des détenus sur la base américaine de Guantanamo », in RGDIP 2002.2, p.358

    Le droit international humanitaire prévoit que les membres des forces armées, de même que les

    membres des milices faisant partie de ces forces armées, qui sont capturés par l'adversaire dans

    un conflit armé international sont protégés par la 3e Convention de Genève.

    Le droit international ne constitue en aucune façon un obstacle à la lutte contre le terrorisme.

    Le droit international humanitaire accorde à la puissance détentrice le droit de poursuivre en justice les prisonniers de guerre soupçonnés d'avoir commis des crimes de guerre ou tout autres délits avant ou pendant les hostilités

    .Dès lors, permettre à tous les détenus de Guantanamo de bénéficier, en application du droit

    international humanitaire, du statut de prisonnier de guerre n'empêcherait pas les Etats-Unis de

    les juger.

    Le refus d'appliquer le statut de prisonnier de guerre s'explique certainement par le fait que ce statut ne permet pas de prolonger indéfiniment cette situation de captivité, or les Etats-Unis ont reconnu que s'ils avaient capturé ces prisonniers c'était pour les empêcher de recommencer.

    Comme l'a souligné le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld :

    « But the reality is that they have been charged with something. They have been found to be engaged in battle on behalf of the al Quaeda or the Taliban, and have been captured.

    And we have decided, as a country, that we prefer not to be attacked and lose thousands of lives here in the United, and that having those people out on the street to engage in further terrorist attacks is not our first choice.

    They are Being detained so they don't do that. That is why they were captured, and that is they're detained (122) ».

    Quoiqu'il en soit le droit international est clair à cet égard, les personnes qui tombent pendant un conflit armé international au pouvoir de la partie adverse sont soit des combattants (et dans ce cas elles deviennent des prisonniers de guerre protégés par la IIIe Convention de Genève), soit des civils protégés par la IVe Convention.

    Il ne peut y avoir de statut intermédiaire, aucune personne se trouvant aux mains de l'ennemi ne peut être en dehors du droit.

    L'une des premières réactions du Président Bush au lendemain des attentats du 11 septembre, fût

    de déclarer que les Etats-Unis offraient une récompense à quiconque capturerait Oussama Ben

    Laden « mort ou vif ».

    Cette déclaration est incompatible avec le droit international humanitaire, car même en temps de guerre il est interdit d'offrir une récompense pour la capture d'un ennemi « mort ou vivant » (123). Des voix se sont élevées au sein des juristes américains pour critiquer ce trou noir judiciaire dans

    lequel on veut placer les détenus de Guantanamo. Comme l'a souligné Daryl Mundis:

    « Article 5 of Geneva Convention No III, provides that persons captured during an international

    armed conflict are entitled to the protections of the treaty even if their identify as prisoners of war

    as defined by article 4 is in doubt, until a competent tribunel has determined their status.

    Thus the text of the treaty leads to the conclusion that a competent tribunal, and not the president

    of the United States acting unilaterally, must determine wether or not anyone captured is a lawful combatant (124). »

    Au nom du pouvoir de l'exécutif en matière militaire, le gouvernement a détenu deux citoyens

    Américains qu'il avait qualifiés de « combattants ennemis illégaux » et qui, en tant que tels, ne bénéficiaient pas des garanties du « due process of law ».

    L'un de ces citoyens, M. Yasser Hamdi, s'est fait capturer en Afghanistan avec des talibans.

    Il a demandé un avocat en invoquant l'Habeas Corpus.

    La Cour d'appel de Virginie lui a reconnu ce droit, le gouvernement a fait appel. La cour d'appel

    du quatrième circuit, estimant que la Cour d'appel de Virginie n'avait pas pris en compte l'argument du gouvernement selon lequel M. Hamdi était un combattant ennemi illégal et donc n'avait pas droit à se faire assister par un avocat a annulé la décision.

    Elle a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel, cette dernière a confirmé les pleins pouvoirs de l'Exécutif et du Congrès en matière militaire et défini les limites du contrôle judiciaire dans ce domaine, elle s'est exprimée en ces termes :

    « Articles I and II (of the Constitution) prominently assign to Congress and the President the shared responsibilty for military affairs... In accordance with this constitutional text, the Supreme court has shown great deference to the political branches when called upon decide cases implicating sensitive matters of foreign policy, national security, or military affairs...

    This deference deference extends to military designations of individuals as enemy combatants in

    times of active hostilities, as well as to their detention after capture on the field of battle (120) ».

    121) Conférence de presse de Donald Rumsfeld, Secrétaire à la défense des Etats-Unis, du 22 janvier 2002, disponible sur du

    Département à la défense des Etats-Unis, http://www.defenselink.mil/news/jan2002/ .

    122) Article 23 (b) du Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la Convention IV de 1907, interdit « de tuer ou blesser par trahison des individus appartenant à la nation ou à l'armée ennemie ».

    123) Mundis (D), « The use of military commissions to prosecute individuals accused of terrorists acts », in The American Journal of

    International Law, 2002-02, p.325

    124) Vroom (C), « Etats-Unis, lutte contre le terrorisme et protection des droits fondamentaux », op cit., p.187

    Cela dit, la Cour a néanmoins confirmé la légitimité du contrôle judiciaire lorsqu'elle a affirmé:

    « Without meaningful judicial review, any American Citizen alleged to be an enemy combatant could be detained indefinitely without charges or counsel on the gouvernment's say so (125) ».

    La cour d'appel, à son tour, a demandé au gouvernement de fournir des pièces justificatives du statut de M. Hamdi. Le gouvernement, refusant de faire droit à cette demande pour des raisons de sécurité nationale, a encore une fois fait appel de cette décision.

    Le 28 juin 2004 la Cour suprême va rendre deux décisions retentissantes dans les affaires

    « Hamdi vs Rumsfeld » et « Shafik Rasul vs Georges Bush ».

    Ces deux arrêts sont réunis par un fil rouge qui doit se lire comme un désaveu des prétentions de l'exécutif dans sa lutte contre le terrorisme.

    L'administration prétendait que l'autorité militaire avait le droit de détenir « indéfiniment » toute personne classée par ses soins de « combattant ennemi » aux fins de recueillir les informations nécessaires à la lutte contre le terrorisme.

    Le 28 juin 2004, la Cour Suprême a fermement rejeté cette prétention. Le droit fondamental affirmé par la Cour dans ses deux arrêtes peut s'énoncer comme suit :

    « Toute personne de nationalité américaine ou non, détenue par les autorités militaires ou civiles

    des Etats-Unis, a droit, en temps de paix comme en temps de guerre, d'une part à être informée

    des charges qui pèsent contre elle et, d'autre part, à pouvoir les contester devant un tiers impartial ».

    Ces deux décisions reconnaissent à toute personne soupçonnée d'activité ou de complicité terroriste et incarcérée pour interrogatoire le bénéfice du respect des droits de la défense.

    Les décisions du 18 juin 2004 rappellent la suprématie du droit sur la raison d'Etat.

    Ces décisions sont la preuve que le droit doit, et ceci en toutes circonstances rester la référence, surtout dans un grand pays comme les Etats-Unis, car comme le dit si bien Georges Aldrich :

    « Article 14 of the International Convenant on Civil and Political Rights (ICCPR) is the most important human rights treaty provision governing due process rights. The treaty entered into force for the United States on Septembre 8, 1992.

    Although states may derogate from the terms of ICCPR, the United States has not formally announced the intention to do so (...) The Departement of Defense is bound to respect the terms

    of the ICCPR (...) In addition, the minimum standards guaranteed by article 14 include a fair and public hearing before a « competent, independent and impartial established by law ; the presumption of innocence ; due process rights ;and the right to appeal a conviction to a « higher tribunal according to law (126) ».

    Les grandes démocraties ne doivent pas oublier dans leur lutte contre le terrorisme, que ce n'est

    pas la capacité de réaction militaire d'un Etat qui fait sa grandeur.

    La capacité de réaction militaire est la démonstration de la puissance d'un Etat, or être puissant

    ne veut pas dire être grand.

    La grandeur d'un Etat se mesure à l'attention qu'il accorde au respect et à la protection des droits fondamentaux.

    b) Le droit au respect de la vie privée

    La notion de vie privée ne peut être définie avec précision. Il s'agit d'une notion contingente dont

    le contenu varie en fonction de l'époque, du milieu et de la société dans lequel l'individu vit.

    Il existe néanmoins une conception commune de la vie privée que la doctrine a contribué à mettre en lumière.

    C'est ainsi que Thierry Garé définit la vie privée comme étant : « Le domaine réservé à l'individu, et protégé contre l'action et la connaissance d'autrui » (127).

    Une fois que l'on a pu la définir, la notion de vie privée pose un autre problème, qui est celui de savoir si au nom de la lutte contre le terrorisme, l'Etat peut s'ingérer dans la sphère d'intimité d'une personne ?

    La cour européenne des droits de l'homme a répondu par l'affirmative à cette question dans l'affaire « Klass et autres c. Allemagne » du 6 septembre 1978 (128).

    Dans cette affaire, les requérants (juges et avocats de Heidelberg et Mannheim) mettaient en cause la compatibilité avec la Convention d'une modification apportée en 1968 à l'article 10 de

    la Loi fondamentale ainsi que d'une loi sur les restrictions au secret de la correspondance et des télécommunications.

    L'amendement constitutionnel visait à permettre des mesures d'interdiction des communications sans notification à l'intéressé et sans contrôle juridictionnel si ces mesures « visent à protéger l'ordre fondamental libéral et démocratique, ou l'existence et la sécurité du Pays. »

    Bien qu'ils eussent obtenu de la Cour constitutionnelle, un arrêt dans lequel celle-ci limitait la possibilité d'une absence de toute notification à l'intéressé des mesures de surveillance dont il faisait l'objet dans le cas où la notification pouvait compromettre le but de la surveillance, ils

    restèrent insatisfaits.

    125) Vroom (C), op cit., p.187

    126) Aldrich (G), « The taliban, Al Quaeda, and the determination of illegal combatants », in AJIL, 2002-4 volume 96, p.894.

    127) Garé (T), Le droit des personnes (Connaissance du droit), Dalloz, Paris, 2e édition, 2003, p.76.

    128) Affaire « Klass et autres c. Royaume-Uni », du 6 septembre 1978, in Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, op cit., pp.452-455.

    Les requérants contestaient la possibilité même de mesures de surveillance secrètes adoptées sans

    notification à l'intéressé, ainsi que la substitution à un contrôle par le juge d'un contrôle parlementaire.

    La cour européenne fit néanmoins le constat suivant : « Les sociétés démocratiques se trouvent menacées de nos jours par des formes très complexes d'espionnage et par le terrorisme, de sorte que l'Etat doit être capable, pour combattre efficacement ces menaces, de surveiller en secret les éléments subversifs opérant sur son territoire.

    La cour doit donc admettre que l'existence de dispositions législatives accordant des pouvoirs de surveillance discrète de la correspondance, des envois postaux et de télécommunications est, devant une situation exceptionnelle, nécessaire dans une société démocratique à la sécurité nationale, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales » (129).

    La cour conclut à l'absence de violation du droit au respect de la vie privée. Cette jurisprudence évoque la nécessité d'une « conciliation entre les impératifs de la défense de la société démocratique et ceux de la sauvegarde des droits individuels ».

    La cour dans cette affaire a fait preuve d'un réalisme salutaire car il était impératif d'admettre des restrictions afin de lutter efficacement contre le terrorisme.

    Cependant il ne faut pas perdre de vue que ces restrictions doivent toujours se faire dans le cadre

    du respect des droits fondamentaux.

    Certaines lois par leurs dispositions violent impunément ce droit à la vie privée, la loi USA Patriot Act » constitue en la matière l'exemple le plus frappant.

    Cette loi permet d'élargir la portée des mandats de perquisition pour les communications électroniques des abonnés à un Service Internet.

    Avant, on pouvait obtenir le nom et les coordonnées de l'abonné. « Le Patriot Act » y ajoute des renseignements sur la durée des visites à des sites Internet, et sur la source et le moyen de paiement de l'abonnement.

    Le projet « Patriot II », s'il est adopté, permettra de donner au gouvernement fédéral la possibilité de contrôler les abonnements à des revues, l'emprunt de livres et bien d'autres choses (130).

    Il est donc admis de déroger à certains droits dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, encore

    faut-il le faire en respectant certaines conditions.

    129) Ibidem, § 58.

    130) Foillard (P), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paradigme, Orléans, 10e édition, 2004, p.97

    B) Les Conditions de dérogation aux droits fondamentaux

    Le PIDCP (article 4), la CEDH (article 15, alinéa 1), la CADH (article 27, alinéa 1) contiennent

    une disposition similaire autorisant l'Etat partie à suspendre la jouissance et l'exercice des droits proclamés en cas de circonstances exceptionnelles.

    La clause dérogatoire, qui confie à l'Etat le soin d'apprécier les circonstances en cause et donc de

    se libérer des obligations relatives aux droits de l'homme, n'est pas sans risque.

    En effet, c'est dans les circonstances exceptionnelles que les droits de l'homme sont les plus menacés.

    Toutefois, l'Etat ne dispose pas de pouvoirs arbitraires en la matière, et les textes internationaux stipulent que le recours à la clause dérogatoire par un Etat n'a pour effet de supprimer pour ce dernier toutes les obligations découlant de la Convention pertinente.

    La clause dérogatoire substitue à la légalité normale une légalité exceptionnelle adaptée aux circonstances.

    Le recours à la clause dérogatoire est subordonné à des conditions formelles (obligations d'informer l'organe administratif compétent) et à des conditions de fond.

    Afin de pouvoir invoquer l'état d'urgence et pouvoir ainsi déroger à certains droits de l'homme, l'Etat doit démontrer qu'il existe un danger public menaçant la vie de la nation (1), il doit démontrer la nécessité de l'utilisation de ses mesures dérogatoires (2) pour mettre fin à cette menace.

    1) L'existence d'un danger public menaçant la vie de la nation

    Le droit de dérogation existe seulement en cas de guerre ou de danger public, que la Cour à

    définit lors de l'affaire « Lawless » du 7 avril 1961.

    M. Richard Lawless est manoeuvre dans une entreprise de bâtiment et réside à Dublin. Le 21

    septembre 1956, il est arrêté, avec trois hommes, dans une grange désaffectée où la police trouve des armes.

    Traduits devant la Cour criminelle du circuit de Dublin, les quatre inculpés sont acquittés le 23

    novembre 1956.

    Soupçonné d'activités illégales, M. Lawless est de nouveau arrêté le 14 mai 1957. Au cours d'une perquisition à son domicile, on découvre un document manuscrit sur la guérilla.

    Le 16 mai, la Cour criminelle du circuit de Dublin le condamne à un mois de prison pour ce fait,

    mais l'acquitte du chef d'appartenance à l'IRA.

    Le 5 juillet 1957 paraît au journal officiel une proclamation du gouvernement irlandais mettant

    en vigueur, à compter du 8 juillet, les pouvoirs d'arrestation et de détention confiés aux ministres d'Etat par la loi n°2 de 1940 qui modifie la loi de 1939 sur les atteintes à la sûreté de l'Etat.

    En application de cette législation, le ministre de la justice prend, le 12 juillet 1956, un arrêté de détention à l'encontre de M. Lawless, qui avait été appréhendé la veille alors qu'il s'apprêtait à s'embarquer pour l'Angleterre.

    Le requérant est interné dans un camp militaire, en compagnie d'environ 120 autres personnes, sans être traduit devant un juge.

    Le 10 décembre 1956, il comparaît devant la commission de détention : il prend l'engagement verbal de ne se livrer à aucune activité illégale au sens des lois de 1939 et 1940.

    Le lendemain, le ministre de la justice ordonne sa libération.

    Entre-temps, le 11 octobre, la Haute cour avait rendu un arrêt rejetant une requête d'Habeas Corpus introduite par l'intéressé, lequel a alors interjeté appel sans succès, devant la Cour suprême.

    M. Lawless saisit la Commission européenne des droits de l'homme le 8 novembre 1957. Il allègue une violation de la Convention du fait de sa détention sans jugement depuis le 13 août

    1957.

    Celle-ci après avoir établi son rapport, transmet l'affaire à la Cour européenne des droits de l'homme.

    L'un des problèmes de droit qui se posait dans cette affaire, était celui de savoir si la détention de

    M. Lawless se fondait-elle sur le droit de dérogation reconnu aux Etats contractants par l'article

    15 § 1.

    La cour avant de se prononcer sur cette question, commence par examiner si les conditions donnant lieu à une dérogation étaient réunies.

    En premier lieu, le gouvernement pouvait légitimement déclarer qu'un danger public menaçait la vie de la nation pendant la période en cause.

    Il existait, sur le territoire de la République d'Irlande, une armée secrète agissant en dehors de l'ordre constitutionnel et usant de la violence pour atteindre ses objectifs.

    Cette armée opérait également en dehors du territoire de l'Etat, compromettant ainsi gravement

    les relations de ce dernier avec le pays voisin.

    Les activités terroristes avaient augmenté de manière alarmante pendant tout le premier semestre

    de 1957.

    En deuxième lieu, la détention sans comparution devant un juge apparaissait comme une mesure strictement limitée aux exigences de la situation.

    En effet, l'application de la législation ordinaire n'avait pas permis en 1957 de freiner

    l'accroissement du danger pesant sur la République.

    Le fonctionnement des juridictions pénales ordinaires et même des cours criminelles spéciales ou des tribunaux militaires ne pouvait suffire à rétablir la paix et l'ordre public.

    La réunion des preuves suffisantes pour convaincre les personnes mêlées aux activités de l'IRA

    se heurtait aux plus grandes difficultés en raison du caractère militaire et secret de ceux-ci et de

    la crainte qu'ils inspiraient parmi la population.

    C'est pourquoi la détention administrative des individus soupçonnés de vouloir participer à des entreprises terroristes apparaissait justifiée.

    Cet arrêt de la Cour européenne a permis de clarifier les conditions qui permettent aux Etats de déroger aux droits de l'homme.

    D'une manière générale, l'Etat ne peut exercer son droit de dérogation, dans un but autre que celui pour lequel ce droit a été prévu auquel cas ce serait un détournement de pouvoir.

    La première question qui se pose dans le cadre des dérogations et de savoir s'il existe véritablement un danger public menaçant la vie de la nation.

    Le problème s'est récemment posé lorsque le Royaume-Uni à la suite des attentats du 11

    septembre 2001, et au lendemain de l'adoption de la loi « Antiterrorism, Crime and Security Act

    2001 » a notifié son intention de recourir à l'article 15 de la Convention européenne.

    La détention de personnes suspectées de liens avec des organisations terroristes telle que le prévoyait la loi était incompatible avec l'article 5 § 1 de la convention européenne.

    Le problème, c'est qu'au moment de cette notification de dérogation, il n'y avait pas de menace terroriste précise qui menaçait la vie de la nation.

    Il est vrai qu'au lendemain des attentats du 11 septembre, certains terroristes on formulé des menaces à l'encontre des citoyens ou des intérêts britanniques, mais peut-on considérer que cette menace constituait « une menace grave mettant en péril la nation » ?

    Le gouvernement n'avait fourni au moment de la notification de sa dérogation, aucun indice tangible que cette organisation faisait peser une menace imminente sur le Royaume-Uni (131).

    La question ne se serait certainement pas posée si cette dérogation avait été demandée au lendemain des attentats du 7 juillet 2005.

    Si tel est le cas une question mérite d'être posée, celle de savoir si il faut attendre la survenance d'un attentat terroriste pour que surgisse ce fameux « danger public menaçant la vie de la

    nation ? »

    131) Avis du Commissaire aux droits de l'homme Alvaro Gil-robles sur la dérogation à l'article 5 § 1, adoptée par le Royaume-Uni, in RUDH

    2002 volume 14 n° 1-4, pp 157-158.

    Cependant on ne peut permettre que les Etats dérogent facilement aux droits humains, car dans

    une société démocratique, les droits de l'homme bénéficient d'une priorité de principe, les Etats doivent démontrer la nécessité de recourir à un régime dérogatoire.

    2) La nécessité des mesures dérogatoires

    Les mesures dérogatoires doivent revêtir un caractère de nécessité absolue et être strictement

    indispensables pour faire face au danger public, elles doivent être prises dans la stricte mesure où

    la situation l'exige.

    L'Etat ne peut, au titre de l'article 15, suspendre les droits et libertés garantis que dans la mesure

    où l'exercice de ceux-ci serait de nature à l'empêcher de faire face audit danger public.

    Un lien concret doit exister entre la mesure dérogatoire et la menace pesant sur la vie de la nation.

    Toutefois, le contrôle exercé par les organes de la Convention n'exclut pas que l'Etat concerné puisse conserver une certaine marge d'appréciation quant à la stricte mesure exigée par la situation.

    La cour l'affirme très nettement dans son arrêt du 18 janvier 1978, « Irlande c/ Royaume-Uni »

    (132).

    « Les autorités nationales se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur la présence de pareil danger comme sur la nature et l'étendue des dérogations nécessaire pour le conjurer » (133).

    La cour européenne opère un contrôle particulièrement poussé comme le montre l'affaire

    « Brannigan et McBride c. Royaume-Uni » du 28 mai 1993 (134).

    M. Peter Branningan réside en Irlande du Nord. Il est appréhendé le 9 janvier 1989 puis conduit

    au centre d'interrogatoire de la caserne de Gough (Armagh).

    Son arrestation se fonde sur l'article 12 § 1-b de la loi de 1984 portant dispositions provisoires

    sur la prévention du terrorisme, qui permet l'arrestation sans mandat d'une personne soupçonner d'être ou d'avoir été impliquée dans l'accomplissement d'actes terroristes.

    Le 10 janvier, le ministre autorise une prolongation de deux jours de la détention. Le 12 janvier intervient une nouvelle prolongation, de trois jours. L'intéressé est libéré le 15 janvier, après

    avoir été gardé à vue pendant six jours, quatorze heures et trente minutes au total.

    132) Affaire « Irlande c/ Royaume-Uni » du 18 janvier 1978, in Les Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, op cit., pp.17-

    20.

    133) Ibidem, § 207.

    134) Affaire « Branningan et McBride c. Royaume-Uni » du 28 mai 1993, in Les Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme,

    op cit., pp 99-101.

    M. Patrick McBride, lui, est appréhendé le 5 janvier 1989 en vertu de la même disposition de la

    loi de 1984, puis conduit au centre d'interrogatoire de Castlereagh.

    Le 6 janvier, le Ministre autorise une prolongation de trois jours de cette détention. L'intéressé

    est relâché le 9 janvier, après une garde à vue de quatre jours, six heures et vingt-cinq minutes en tout.

    Il est tué le 4 février 1992 à Belfast par un policier devenu fou furieux et qui avait attaqué le siège du Sinn Fein.

    Le 23 décembre 1988, le Royaume-Uni informe le secrétaire général du Conseil de l'Europe que son gouvernement se prévaut du droit de dérogation prévu à l'article 15 § 1 de la Convention, dans la mesure où l'exercice des pouvoirs définis à l'article 5 § 3 de la Convention.

    L'un des problèmes de droit qui se posait dans cette affaire, était celui de savoir si les mesures prises par le Royaume-Uni étaient strictement exigées par la situation.

    La cour constate que depuis 1974 le gouvernement britannique estime avoir besoin du pouvoir d'arrestation et de détention prolongée pour combattre la menace du terrorisme.

    Comme le pouvoir de détention prolongée sans contrôle judiciaire et l'avis du 23 décembre 1988 étaient nettement liés à la persistance due l'état d'urgence, rien ne montre que la dérogation fût autre chose qu'une riposte véritable à celle-ci.

    La cour apprécie suivant le cas qui lui est soumis la nécessité ou non pour un Etat de recourir aux mesures dérogatoires.

    Avec la montée du terrorisme international, il est à craindre que les Etats usent et abusent de la faculté de dérogations prévues dans les instruments pertinents en matière de droits de l'homme.

    Afin de lutter contre le terrorisme, il est bien évidemment parfois nécessaire de déroger à l'application de certaines règles.

    Cependant la suspension du droit par les Etats durant la période de dérogations n'est pas sans risque.

    En effet, certains Etats risquent de profiter de cette période pour museler les droits de l'homme et museler l'opposition démocratique.

    Les mesures adoptées par un Etat partie à la Convention sous couvert de la dérogation doivent être conformes aux autres obligations qu'il assume en droit international.

    Les Etats ne doivent pas oublier que s'il est vrai que le régime dérogatoire peut suspendre l'application d'une règle de droit, ce dernier ne peut suspendre l'Etat de droit car c'est en vue de protéger ce dernier que ce régime a été instauré.

    Il est regrettable qu'un contrôle très poussé ne soit pas effectué sur les mesures de dérogations une fois que la dérogation a été obtenue par l'Etat.

    L'absence d'un contrôle des mesures employées sous couvert de dérogations est très

    préjudiciable à l'Etat de droit, à fortiori dans un domaine aussi sensible que celui de la lutte contre le terrorisme.

    Conclusion

    Le Terrorisme est une menace à laquelle les Etats de la communauté internationale font face

    depuis longtemps.

    Afin de lutter efficacement contre le terrorisme, et éviter d'errer dans cette entreprise, la réflexion doit se porter sur la compatibilité des mesures qui doivent être adoptées avec les impératifs de l'Etat de droit.

    Le terrorisme, menace de dimension mondiale n'est jamais justifié. Nul ne peut donner à autrui le droit de tuer des civils innocents.

    Le terrorisme ne sert aucune cause, aussi digne soit-elle, il ne peut que la pervertir, et donc lui nuire.

    Le fléau du terrorisme appelle une réaction inflexible, mais cette réaction ne peut être émotionnelle, elle doit être réfléchie.

    La colère et le sentiment d'impuissance que nous inspirent les attentats terroristes, ne doivent pas nous empêcher de raisonner.

    C'est aussi se bercer d'illusions que de croire que la force militaire peut à elle seule avoir raison

    du terrorisme.

    Le recours à la force est parfois la seule façon de neutraliser les groupes terroristes. Mais il y a bien d'autres choses à faire pour éliminer le terrorisme.

    Le désespoir constitue le terreau du terrorisme. Les terroristes recrutent des membres et des partisans parmi ceux qui ne trouvent pas des moyens pacifiques et légitimes de faire entendre leurs griefs.

    Le fait que quelques individus malfaisants tuent au nom d'une cause ne dispense pas la communauté internationale de répondre à des griefs légitimes.

    Le terrorisme ne sera vaincu, que si cette dernière, fait le nécessaire pour régler les différends politiques et les conflits qui font que le terrorisme trouve des adeptes.

    Ce qui doit se profiler à l'horizon, c'est plus qu'une victoire sur le terrorisme. C'est un monde meilleur, plus juste.

    Dans ce combat contre le terrorisme et pour un monde meilleur le respect des droits de l'homme constitue un allié indispensable.

    Nous ne devons jamais, dans notre combat contre les terroristes, nous abaisser à les imiter. Les Etats doivent donc veiller à respecter les limites qu'impose le droit international en ce qui concerne le recours à la force.

    Il y va de la survie de l'Etat de droit et de la démocratie qui constituent nos valeurs communes.

    Les groupes terroristes peuvent gagner cette bataille quand, en réaction à leurs actes de violence,

    les gouvernements vont trop loin et commettent eux-mêmes des atrocités.

    Ces actes ne sont pas seulement illégaux et injustifiables. Ils sont aussi susceptibles d'être exploités par les terroristes, ce genre d'actes aide ces derniers à recruter des adeptes et à perpétuer un climat de violence.

    Les droits de l'homme ne peuvent être sacrifiés au profit de la lutte contre le terrorisme. Il n'y a rien d'incompatible entre la défense des droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme.

    Au contraire, le principe moral qui sous-tend les droits de l'homme, celui d'un profond respect pour la dignité de chaque individu, est une de nos armes les plus puissantes pour combattre le terrorisme.

    Transiger sur les droits de l'homme reviendrait à donner aux terroristes une victoire qu'ils ne peuvent obtenir eux-mêmes.

    La promotion et la défense des droits de l'homme, ainsi que le respect le plus strict du droit international, doivent donc être les piliers de la lutte antiterroriste.

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    11) Gubert (R), Le terrorisme international, la guerre des temps moderne, édition Milan, collection Les essentiels Milan, Toulouse, 2005, 63 pages.

    12) Jacquart (A), Petite philosophie à l'usage des non philosophes, Calmann-Lévy, collection

    Le livre de poche, Paris, 1997, 250 pages.

    13) Larguier (J), Le droit pénal, PUF, collection Que sais-je ?, Paris, 15e édition, 2004, 127

    pages.

    14) Lochak (D), Les droits de l'homme, La découverte, collection Repères, Paris, 2005, 127

    pages.

    15) Renucci (J-F), Droit européen des droits de l'homme, LGDJ, Paris, 3e édition, 2002, 819

    pages.

    16) Renout (H), Institutions européennes, Paradigme, Orléans, 7e édition, 2002, 357 pages.

    17) Sudre (F), Droit européen et international des droits de l'homme, PUF, collection Droit fondamental, Paris, 7e édition, 2005, 715 pages.

    18) Wachsmann (P), Les droits de l'homme, Dalloz, collection Connaissance du droit, Paris,

    4e édition, 180 pages.

    II) Articles

    1) Aldrich (G), « The Taliban, Al Quaeda and the determination of illegal combattants »,

    American Journal of International Law, 2002-4, volume 96, pp. 891-898

    2) Cohen-Jonathan (G), « cour interaméricaine des droits de l'homme. L'arrêt Velasquez »

    RGDIP, 1990, pp. 455-471.

    3) Crépeau (F) et Jimenez (E), « L'impact de la lutte contre le terrorisme sur les libertés fondamentales au Canada », Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, Bribosia (E) et Weyemberg (A) (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 249-287.

    4) Crétin (T), « Immunité, impunité : rien q'une consonne de différence ? L'Immunité pénale des Chefs d'Etat :Entre coutume et évolution », SOS ATTENTATS

    terrorisme, victimes et responsabilité internationale, Calmann-lévy, Paris, pp. 475 à

    484.

    5) Crowley (J), « Sécurité et liberté : Une nouvelle donne (Triomphe des sécuritaires) », Critique internationale n°14, 2002, pp. 29-33.

    6) De Schutter (O), « La Convention européenne des droits de l'homme à l'épreuve de la

    Lutte contre le terrorisme », Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, Bruylant, Bruxelles, 2003, pp. 85-152.

    7) Doucet (G), « Terrorisme : Recherche de définition ou dérive liberticide ? », SOS ATTENTATS, Terrorisme, victimes et responsabilité internationale, Doucet (G) (dir.), Calmann-lévy, Paris, 2003, pp. 389-400.

    8) Gardbaum (S) et Guy (S), « L'actualité dans les pays de Common law et de droit mixte », Revue française de droit constitutionnel n°50, 2002, pp. 458-461.

    9) Gölcüklü (F), « Le droit à la vie dans la jurisprudence de la Cour européenne des droit de l'homme », Mélanges en hommage à Louis-Edmond Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1998, pp. 415-435.

    10) Guillaume (G), « L'article 2 », La Convention européenne des droits de l'homme

    commentaire articles par articles, Decaux (E), Pettiti (L-E), Imbert (P-H) (dir.), Economica, Paris, 2e édition, 1999, pp. 143-153.

    11) Mundis (D), « The use of military commissions to prosecute individuals accused of terrorists acts », American Journal of International Law, 2002-02, pp. 320-328.

    12) Paye (J-C), « The Prevention Security Act britannique du 11 mars 2005 », Revue

    Trimestrielle des Droits de l'Homme n°63, pp. 635-647.

    13) Pellet (A), « La responsabilité des dirigeants pour crime internationale de l'Etat quelques remarques sommaires au point de vue du droit international », SOS ATTENTATS Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, Doucet (G) (dir.), Calmann-lévy, Paris, pp. 403-415.

    14) Pettiti (L-E), « Affaire McCann et autres », Revue des Sciences Criminelles n°1,

    1996, pp. 184-187.

    15)Pierre (L), « La protection des droits intangibles dans les situations de conflits armées », Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme n°42, 2001, pp. 241-259.

    16) Sandoz (Y), « Guerre contre le terrorisme : « fondements juridiques et réflexion prospective », SOS ATTENTATS Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, Doucet (G) (dir.), Calmann-lévy, pp. 505-515.

    17) Sorasio (D), « La coopération européenne », SOS ATTENTATS Terrorisme victimes

    et responsabilité pénale internationale, Doucet (G) (dir.), Calmann-lévy, pp. 77-81.

    18) Sorel (J-M), « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? », Le droit international face au terrorisme, Pédone, Paris, 2002, pp. 35-68.

    19) Thomas (I), « La mise en oeuvre en droit européen des dispositions internationales contre le terrorisme », Revue Générale de Droit International Public, 2004-2, pp. 463-480.

    20) Vroom (C), « Etats-Unis, Lutte contre le terrorisme et protection des droits

    fondamentaux », Annuaire Internationale de Justice Constitutionnelle XVIII-2002, pp.

    161-193.

    21) Weckel (P), « Le statut incertain des détenus sur la base américaine de Guantanamo », Revue Générale de Droit International Public, 2002-2, pp. 357-369.

    22) Weyemberg (A), « L'impact du 11 septembre sur l'équilibre sécurité/liberté dans

    l'espace pénal européen », Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, Bribosia (E) et

    Weyemberg (A) (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 153-195.

    23) Zoller (E), « Due process of law et principes généraux de droit », Les mutations contemporaines du droit public, Mélanges en l'honneur de Benoît Jeanneau, Dalloz, Paris,

    2002, pp. 235-247.

    III) Lexique

    1) Kada (N), Lexique de droit constitutionnel, Ellipses, Paris, 2004, 128 pages.

    2) Salmon (J) (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2001,

    1198 pages.

    IV) Mélanges etRecueils deJurisprudence

    1) Mélanges en l'honneur de Benoît Jeanneau, Dalloz, Paris, 2002, 720 pages.

    2) Mélanges en hommage à Louis Edmond Petitti, Bruylant, Bruxelles, 1998, 791 pages.

    Indexalphabétique

    Les références visent les numéros des pages.

    A

    Attentats terroristes de Londres

    -Attentats de Londres et Habeas Corpus : 48

    - Attentats de Londres et réaction des dirigeants européens : 14, 15

    - Attentats de Londres et nouvelles mesures antiterroristes britanniques : 48, 49, 50, 51

    - Attentats de Londres et violation du droit à la vie : 38, 39, 40, 41, 42

    - Attentats de Londres et réactions de la presse britannique : 51

    C

    - Canada et lutte contre le terrorisme : 56

    Conseil de l'Europe

    - Conseil de l'Europe et droits de l'homme : 25

    - Conseil de l'Europe et lutte contre le terrorisme : 25, 26

    Convention européenne des droits de l'homme

    - Convention européenne des droits de l'homme et lutte contre le terrorisme : 26

    Cour européenne des droits de l'homme

    -Cour européenne des droits de l'homme et contrôle du respect de l'obligation procédurale : 43, 44, 45,

    46, 47

    - cour européenne des droits de l'homme et contrôle du recours à la force : 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41,

    42, 43

    - cour européenne des droits de l'homme et droit à la vie : 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38,

    39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47

    - cour européenne des droits de l'homme et droit au respect de la vie privée : 73, 74

    - cour européenne des droits de l'homme et obligation de prévention : 27, 28, 29, 30, 31

    - cour européenne des droits de l'homme et obligation de proportionnalité : 33, 34, 35, 36, 37

    - cour européenne des droits de l'homme et interdiction d'être soumis à la torture : 60, 61, 62, 63

    D

    - Danger public : 75, 76, 77, 78

    Définition du terrorisme

    - Définition des conventions internationales : 7, 8

    - Définition doctrinal : 5, 6

    - Définition étymologique : 4

    - Démocratie et terrorisme : 12, 13, 14

    Dérogations

    - Conditions d'exercice de la dérogation : 75, 76, 77, 78, 79, 80

    - Dérogation du Royaume-Uni dans le cadre de la lutte contre le terrorisme : 77

    - nécessité des mesures dérogatoires : 78, 79, 80

    Droit à la liberté et à la sûreté : 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73

    Droit à la vie

    - Droit à la vie et recours à la force : 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47

    - Droit à la vie et protection des personnes : 27, 28, 29, 30, 31

    - Droits de l'homme et terrorisme : 17, 18, 19

    - Droit au respect de la vie privée : 73, 74

    - Droits susceptibles de restrictions : 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74

    - Droits insusceptibles de restrictions : 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65

    - Due process of law : 54

    E

    - Equilibre sécurité-liberté: 20, 21, 57, 58

    - Etat de droit: 12

    H

    - Human right Act: 49

    I

    - Interdiction d'être soumis à la torture : 59, 60, 61, 62, 63

    L

    - Loi britannique contre le terrorisme du 11 mars 2005 et présomption d'innocence : 52, 53, 54

    - Loi britannique contre le terrorisme du 11 mars 2005 et vie privée : 53

    - Loi américaine du 26 octobre 2001 contre le terrorisme Patriot Act et vie privée : 74

    O

    - Obligation de prévention: 27, 28, 29, 30, 31

    - Obligation de proportionnalité: 33, 34, 35, 36, 37

    - Obligation procédurale: 43, 44, 45, 46, 47

    P

    - Présomption d'innocence et loi britannique contre le terrorisme du 11 mars 2005: 52, 53

    - Principe de légalité des délits et des peines : 64, 65

    R

    Recours à la force

    - Conditions d'exercice du recours à la force : 33, 34, 35, 36, 37

    - Violation du recours à la force : 38, 39, 40, 41, 42

    S

    - Statut juridique des détenus de Guantanamo : 69, 70, 71

    T

    - Tirer pour tuer: 38, 39, 40, 41

    Indexdes Textes

    Les textes sont classés par ordre alphabétique, les numéros renvoient aux pages.

    A

    Antiterrorism crime and security Act du 19 décembre 2001: 21, 51

    C

    C-36 : 56

    Convention de Genève sur le terrorisme de 1937 : 7

    Convention américaine des droits de l'homme du 22 novembre 1969 : 59, 60, 68

    Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 : 26, 32, 33, 59, 64, 67, 68

    Convention de Genève (IIIe ) du 12 août 1959 : 70

    Convention de Genève (IVe ) du 12 août 1959 : 70

    Convention relative aux infractions et certains autres actes survenant à bord des aéronefs du 14

    septembre 1963 : 8

    Convention des Nations unies pour la répression du financement du terrorisme du 9 décembre

    1999 : 8

    D

    Décision cadre relative à la lutte contre le terrorisme du 13 juin 2002 : 23, 24

    Déclaration de vienne du 25 juin 1993 : 9

    H

    Human right Act de 1998 : 49

    L

    Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme du 15 juillet 2002 : 25

    Loi française relative à la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001 : 11

    Loi française du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure : 21

    P

    Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 : 59, 60, 68, 72

    Prevention security Act du 14 mars 2005 : 52, 53

    R

    Résolution 1373 des Nations Unies du 28 septembre 2001 : 3

    U

    USA PATRIOT ACT du 26 septembre 2001 : 21, 74

    Indexde jurisprudence

    1) Jurisprudence de la Cour internationale de justice

    Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c/ Etats-Unis d'Amérique), 27 juin 1986, CIJ rec. 1986, p. 17

    2) Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme

    Affaire Lawless, 7 avril 1961, pp. 75, 76, 77

    Affaire X c Irlande, 20 juillet 1973, pp. 29, 30

    Affaire Klass et autres c/ Allemagne, 6 septembre 1978, pp. 73, 74

    Affaire Mme W. c/ Royaume-Uni, 28 février 1983, pp. 29, 30

    Affaire Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, p. 59

    Affaire Tomasi c. France, 27 août 1992, pp. 61, 62

    Affaire McCann c. Royaume-Uni, 27 septembre 1995, pp. 34, 35, 36, 37, 38, 43

    Affaire S.W et C.R c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, p. 65

    Affaire Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, pp. 61, 62, 63

    Affaire Kaya c. Turquie, 19 février 1998, pp. 44

    Affaire Güleç c. Turquie, 27 juillet 1998, pp. 40, 41, 42

    Affaire Osman c. Royaume-Uni, 28 Octobre 1998, pp. 27, 28, 29

    Affaire Salman c. Turquie, 27 juin 2000, pp. 44, 45, 46

    3) Jurisprudence de la Cour suprême des Etats-Unis

    Affaire Hamdi vs Rumsfeld, 28 juin 2004, pp. 72, 73

    Annexes






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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe