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La lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l'homme

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par Sydney Adoua
Université d'Orléans - Master 2 2004
  

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2) Le recours à la force meurtrière, une limitation nécessaire du droit à la vie

L'importance de l'article 2 de la Convention n'exclut pas la possibilité d'atteintes au droit à la

vie.

L'article 2 § 2 de la Convention contient une clause d'exception, qui ne figure pas dans les conventions générales.

« La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans le cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu nécessaire :

a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;

b) pour effectuer une arrestation irrégulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ;

c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »

La Convention européenne est le seul texte international à envisager de manière réaliste le statut

du droit à la vie.

En effet, tout en reconnaissant à ce dernier un statut de droit insusceptible de faire l'objet de restrictions, la Convention fait sortir du champ d'application du droit à la vie les cas où la mort résulterait « d'un recours à la force rendu absolument nécessaire ».

Il paraissait, en effet, impossible de ne pas prévoir cette hypothèse dans un monde de plus en plus caractérisé par la montée extrême de la violence et dont le terrorisme constitue l'une des manifestations les plus extrêmes.

La lutte contre le terrorisme, ce déchaînement de violence qui porte atteinte au droit à la vie ne pourra se faire que si l'on accepte de limiter, sous certaines conditions, le droit à la vie.

Afin de concilier la lutte contre le terrorisme avec le respect des droits de l'homme, il était nécessaire que les juridictions internationales chargées de la défense des droits de l'homme fassent preuve de réalisme.

Respecter les droits de l'homme c'est d'abord permettre qu'il ne soit pas porté atteinte au droit à

la vie car l'idée qui est au coeur même des droits de l'homme, c'est que rien ne doit porter atteinte à la vie humaine (46).

43) Wilcox (C), «The Terror», in The New York Review of Books, vol. XLVIII, n°16, 19 september 2001, p. 4

44) Sur la notion de « fardeau excessif » voir l'opinion dissidente du juge Gölcüklü dans l'arrêt « Kiliç c/Turquie » du 28 mars 2000, disponible sur le site de La cour européenne des droits de l'homme http://cmisjp.echr.coe.int/

45) Sudre (F), Droit européen et international des droits de l'homme, op cit., p. 272

46) Rapport du Haut-Commissaire présenté conformément à la résolution 48/141 de l'Assemblée Générale « Droits de l'homme : un cadre fédérateur », documents des Nations Unies E/CN.4/2002/18 au 27 février 2002, § 5.

Comment protéger le droit à la vie face à des terroristes, des moudjahidin (47), qui sont prêts à

commettre des attentats suicides pour faire le plus de victimes possible, si on ne supprime pas la vie de ces êtres qui de toute façon sont prêts à mourir pour tuer (48).

Face à des hommes qui utilisent leur vie pour supprimer le droit à la vie de centaines d'innocents

les Etats apparaissent désemparés et n'ont parfois d'autres solutions que d'avoir recours à la force publique meurtrière pour empêcher les terroristes de tuer. Ils doivent supprimer la vie pour préserver celles des innocents.

La cour autorise le recours à la force, cependant elle entoure son exercice au respect de deux conditions cumulatives.

La clause de l'article 2 § 2 est d'interprétation restrictive, le recours à la force doit être strictement proportionnée à la réalisation du but autorisé (a). Les agents de l'Etat ne peuvent procéder à des homicides arbitraires car cela constituerait des exécutions extrajudiciaires.

Cette interdiction faite aux agents serait inefficace s'il n'existait pas de procédure permettant de contrôler la légalité du recours à la force meurtrière par les autorités de l'Etat (b).

a) L'obligationde proportionnalitédu recours à laforce meurtrière

En application du principe de la légitime défense, lorsque que l'on se trouve en présence d'une

impérieuse nécessitée d'assurer la défense d'une personne contre la violence illégale, le recours à

la force meurtrière est autorisé par la cour.

La cour conditionne l'autorisation du recours à la force au respect d'une obligation de proportionnalité.

L'usage de la force doit être strictement proportionné au but autorisé.

La proportionnalité s'apprécie, selon la cour, en fonction de la nature du but recherché, du danger pour les vies humaines et de l'ampleur du risque que la force employée fasse des victimes.

La doctrine s'est efforcée de limiter la portée de cette disposition en soulignant que « l'utilisation

des armes pour opérer une arrestation ou prévenir une évasion ne doit jamais procéder d'une intention de tuer. La mort ne peut être que la conséquence involontaire de cette utilisation » (49).

47) « Combattants de Dieu », surnom donnée aux combattants de l'Islam qui, mourant pour Dieu, accèdent au « paradis ».

48) Gubert (R), Le terrorisme international, la guerre des temps modernes (Les Essentiels Milan), éditions Milan, Toulouse, 2005, p.36

49) Guillaume (G), « L'article 2 », in La Convention européenne des droits de l'homme commentaire articles par articles, Decaux (E), Pettiti (L- E), Imbert (P-H) (dir.), Economica, Paris, 2e édition, 1999, p.151-152.

La cour européenne des droits de l'homme a eu l'occasion de se prononcer avec précision sur le

contenu de l'obligation de proportionnalité dans une célèbre décision rendue en 1995, il s'agit de l'arrêt «McCann et autres c/ Royaume-Uni » du 27 septembre 1995 (50).

A l'origine de cette affaire se trouve une requête introduite devant la Commission européenne

des droits de l'homme, en août 1991, par trois citoyens britanniques et irlandais, Madame

Margaret McCann, Monsieur Daniel Farrell et Monsieur John Savage.

Ces derniers sont des parents de monsieur Daniel McCann, mademoiselle Mairead Farrell et de monsieur Sean Savage qui, le 6 mars 1988, ont été tués par balles à Gibraltar par des membres du Special Air Service (régiment de l'armée britannique).

Avant le 4 mars 1988, les autorités britanniques, espagnoles et gibraltariennes avaient connaissance de ce que L'IRA projetait un attentat terroriste à Gibraltar.

Ce jour là, on signala, qu'une unité de l'IRA avait été repérée à Malaga en Espagne. A la date du

5 mars, les autorités gibraltariennes et britanniques disposaient de renseignements donnant à penser que l'unité de l'IRA (qui avait été identifiée) commettrait un attentat au moyen d'une voiture piégée qui serait probablement télécommandée.

On envisageait d'arrêter les membres de l'unité une fois qu'ils auraient introduit la voiture à

Gibraltar, ce qui permettrait de réunir des preuves en vue d'un procès ultérieur.

Toutefois, on considérait les membres de l'unité comme de dangereux terroristes qui seraient très probablement armés et qui, s'ils se heurtaient aux forces de sécurité, seraient prêt à faire usage de leurs armes où à faire exploser la bombe.

Monsieur Sean Savage fût aperçu dans l'après-midi du 6 mars 1988 en train de garer une voiture

à Gibraltar.

On le vit plus tard, en compagnie de monsieur McCann et de mademoiselle Farrell, observant l'endroit où la voiture était garée.

Après qu'ils se furent tous éloignés du véhicule, un artificier déclara, au terme d'un examen hâtif, qu'il pourrait s'agir d'une voiture piégée.

On décida alors d'arrêter les trois suspects. Les agents du SAS, en civil, se tenaient à proximité dans cette perspective.

Le contrôle de l'opération fut confié à leur commandant par le préfet de police de Gibraltar. Monsieur McCann et Mademoiselle Farrell se séparèrent de Monsieur Savage. Deux des

militaires les suivirent.

50) CEDH, « Affaire McCann et autres c/ Royaume-Uni » du 27 septembre 1995, in ACEDH, n°38, 1995, pp. 308 à 314

Lorsque McCann se retourna, l'un d'eux dégaina et lui intima l'ordre de s'arrêter. McCann porta

la main sur le côté, Farrell fit un brusque mouvement en direction de son sac.

Pensant qu'ils appuyaient sur des télécommandes pour faire sauter la voiture piégée, les militaires tirèrent plusieurs fois à bout portant, tuant les deux suspects.

Monsieur Savage était suivi par deux autres militaires. Lorsque éclata la fusillade qui tua

McCann et Farrell, il pivota brusquement pour faire face à ses poursuivants. L'un de ceux-ci lui ordonna de s'arrêter et dégaina.

Savage avança la main vers la hanche. Craignant qu'il ne cherchât à atteindre une télécommande,

les militaires tirèrent plusieurs fois à bout portant, il fût tué.

On ne trouva sur les corps des suspects ni armes ni détonateur. La voiture se révéla ne contenir ni engin explosif, ni bombe.

Toutefois, un autre véhicule, découvert ultérieurement par la police espagnole à Marbella refermait un engin explosif, au milieu de 200 cartouches, avec deux minuteries.

Mademoiselle Farrell avait louée cette voiture sous un faux nom.

Le 6 septembre 1988, le coroner de Gibraltar ouvrit une enquête judiciaire sur les fusillades.

Cette enquête révéla d'une part que mademoiselle Farrell avait reçu huit balles dont cinq à la tête alors qu'elle faisait face aux tireurs, tandis que monsieur McCann avait été frappé par cinq balles

et monsieur Savage par seize balles, étant précisé que les trois suspects étaient presque à terre lorsque certaines balles les avaient touchés (51).

Le 30 septembre 1988, le jury rendit un verdict concluant à la légalité des homicides.

Mécontents de ces verdicts, les requérants engagèrent le 1er mars 1990, devant la Haute cour de

Justice d'Irlande du Nord des actions contre le Ministère de la Défense.

Le ministre des Affaires étrangères délivra toutefois des attestations excluant toutes instances contre l'Etat.

Les requérants demandèrent en vain l'autorisation de solliciter le contrôle judiciaire de la légalité des attestations.

Leurs actions furent définitivement rayées du rôle le 4 octobre 1991. Dans leur requête à la Commission, les requérants se plaignent de ce que la mort par balles des trois suspects constitue une violation de l'article 2 qui protège le droit à la vie.

Saisie de la requête le 4 août 1991, la Commission à adopté le 4 mars 1994 un rapport établissant

les faits et à déféré l'affaire à la Cour le 20 mai 1994.

51) Pettiti (L-E), « Affaire McCann et autres », in Revue des Sciences Criminelles n°1, janvier-mars 1996, p.185

C'est à l'occasion de cette affaire que la Cour eut l'occasion de se prononcer pour la première

fois sur la question du recours à la force dans le cadre du droit à la vie.

Les requéraient soutenaient que les homicides résultaient de l'incompétence et de la négligence avec lesquelles avait été préparée et menée l'opération anti-terroriste visant à arrêter les suspects.

A ce titre la cour, a tout d'abord souligné « le cruel dilemme »devant lequel se sont trouvées les autorités britanniques.

D'une part, elles avaient le devoir de protéger la vie des habitants de Gibraltar.

D'autre part, en vertu de leurs obligations découlant du droit interne et international, elles devaient réduire au minimum le recours à la force meurtrière contre les personnes soupçonnées

de créer cette menace.

Ensuite, tenant compte de certains facteurs spécifiques du cas d'espèce (tels que la personnalité

et les activités antérieures des suspect, l'impossibilité de connaître clairement la totalité des faits

qui se préparaient), la Cour a précisé quelles seront les conditions qui devaient être réunies en l'espèce pour que l'on puisse conclure à une violation de l'article 2.

La cour, a affirmé, qu'elle devait, pour déterminer si le recours à la force était compatible avec l'article 2, examiner attentivement si le recours à la force utilisée par les militaires était

« rigoureusement proportionné » à la défense d'autrui contre la violence illégale.

Elle a également examiné la question de savoir si l'opération anti-terroriste avait été préparée et contrôlée par les autorités de façon à réduire au minimum, autant que faire se peut le recours à la force meurtrière.

Elle devait enfin, examiner, si les renseignements et instructions transmis aux militaires et qui rendaient pratiquement inévitable le recours à la force meurtrière, ont dûment pris en considération le droit à la vie des trois suspects (§ 194).

A la lumière des critères et principes ainsi posés, la Cour est arrivée à la conclusion qu'eu égard à

la décision de ne pas empêcher les suspects d'entrer à Gibraltar et au recours automatique à la force meurtrière lorsque les militaires ont ouvert le feu, elle n'était pas convaincue que la mort

des trois terroristes ait résulté d'un recours à la force rendu absolument nécessaire.

En conséquence la Cour a constaté à une courte majorité (par dix voix contre neuf) une violation

de l'article 2.

La courte majorité qui a permis d'aboutir à une telle conclusion et le fait que la Cour infirme les conclusions de la Commission illustrent bien le caractère hautement sensible de la question (52).

52) Gölcüklü (F), « Le droit à la vie dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Melanges en hommage à Louis

Edmond Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1998, p.429

Le respect de l'obligation de proportionnalité est au coeur de la notion du recours à la force

publique meurtrière prévue par l'article 2 de la Convention.

Le non respect de l'obligation de proportionnalité permet de savoir avec certitude s'il s'agissait

ou non d'un usage de la force rendu absolument nécessaire pour assurer la défense d'autrui contre la violence illégale.

Dans l'affaire « McCann et autres c/ Royaume-Uni », la question du respect de l'obligation de proportionnalité se posait.

En effet bien que la Cour ait reconnu le « cruel dilemme » auxquels étaient confrontés les autorités britanniques qui devaient protéger la vie des gibraltariens et respecter les droits de l'homme, la Cour a conclu que le recours à la force dans cette affaire constituait une violation de l'article 2 de la convention.

L'absence de la part des autorités britanniques de stratégies de rechange et la place privilégiée

qui à été faite au recours à la force publique meurtrière sont à l'origine de cette violation du droit

à la vie.

Les informations à la disposition des militaires britanniques étaient des hypothèses qui ont été présentées par leurs supérieurs comme des certitudes, privilégiant ainsi l'usage de la force sur toutes les autres solutions.

Le fait que les trois suspects n'étaient pas armés et qu'ils étaient presque à terre lorsque certaines balles les avaient touchés démontre qu'il y a eu une intention délibérée de tuer. Les militaires britanniques ont fait un usage disproportionné de leurs armes.

Les faits tels qui ont été rapportés par la Commission montre que le militaire qui tua monsieur Savage lui tira neuf balles à une distance de deux mètres visant d'abord le centre du corps puis la tête, ne s'arrêtant que lorsque ce dernier fut « immobile au sol et que ses mains fussent écartées

du corps » (53).

Un quatrième militaire avait entre-temps tiré six fois (également jusqu'à complète immobilité de

la cible) contre monsieur Savage qui avait une poche droite dont le volume l'avait inquiétée.

En admettant qu'il fallait empêcher les terroristes d'actionner leurs bombes, on est tout de même

en droit de se poser la question suivante, est ce que l'on à besoin de tirer neufs balles sur une personne pour « l'immobiliser » et quatre autres alors qu'il est déjà mort ?

La réponse est non bien sur. Rien ne saurait justifier l'usage de seize balles pour « immobiliser » une personne et de surcroît le besoin de tirer quatre balles sur un cadavre, ce comportement des militaires britanniques est une violation flagrante du droit à la vie.

Il relève d'une politique qui consiste à « tirer pour tuer » et qui est une violation claire de la

Convention (54).

53) Pettiti (L-E), « L'affaire McCann et autres », op cit., p.185

54) « Shoot to kill policy », politique mis en place par les autorités britanniques pour immobiliser un terroriste présumé

La politique de « tirer pour tuer » est une politique que les autorités ont « emprunté » aux forces

de l'ordre israéliennes.

Selon Ian Blair, le chef de la police britannique : « Cela ne sert à rien de tirer dans la poitrine de quelqu'un parce que c'est probablement là que se trouve la bombe. Cela ne sert à rien de tirer ailleurs parce que s'ils tombent, ils vont la déclencher. La seule façon de réagir c'est de tirer dans

la tête » (55).

Ces propos inquiétants du chef de la police britannique intervenaient alors que la police britannique venait de se rendre coupable d'une très grave bavure au lendemain des attentats du 7 juillet 2005.

La police britannique a abattu un jeune homme dans la station de métro de Stockwell, cet homme

fût d'abord présenté à la presse comme étant un terroriste.

Après quelques vérifications Scotland Yard a reconnu qu'il ne s'agissait pas d'un terroriste mais d'un innocent électricien brésilien nommé Jean-Charles de Menezes qui vivait à Londres depuis

3 ans et qui se rendait à son travail.

Après une poursuite dans la station, il a été abattu de sang-froid et sans sommation alors qu'il était à terre dans le wagon d'une rame à quai.

Un témoin affirme l'avoir vu sauter dans le wagon, il courait si vite qu'il est tombé par terre. Un policier lui a alors tiré sept balles dans la tête.

Ce drame ne peut que bouleverser les opinions publiques des démocraties car si l'on peut désormais tuer sur la base d'un simple soupçon, alors ce sont les droits de l'homme qui sont visées à la fois par les terroristes et par ceux qui sont censés lutter contre le terrorisme.

Le plus grave c'est l'aspect désastreux sur le plan symbolique d'une telle bavure.

En effet, cette bavure n'a pas eu lieu dans un pays quelconque, elle a eu lieu dans le pays de l'Habeas Corpus.

Cette loi est considérée à juste titre par la doctrine comme « l'emblème » des droits de l'homme

(56).

Cette loi, votée en 1679 par le parlement anglais pour empêcher les détentions arbitraires, a été l'une des premières en occident à assurer le respect des libertés individuelles. Elle protège l'individu de l'arbitraire des puissants et lui garantit la liberté et l'intégrité de sa personne.

La consigne de « tirer pour tuer » données aux forces de sécurité britanniques suscite des inquiétudes dans ce pays qui est plus que jamais partagé entre la lutte contre le terrorisme et le

respect d'un Habeas Corpus tricentenaire.

55) Intervention de Ian Blair au lendemain de la bavure policière, disponible sur le site de l'Agence France Presse : http://www.afp.com

56) Wachsmann (P), Les droits de l'homme (Connaissance du Droit), Dalloz, Paris, 4e édition, 2002, p.2

Cette politique est un véritable permis de tuer que s'arrogent les autorités britanniques sous

prétexte de lutter contre le terrorisme.

Il est vrai que la menace auxquelles ils ont été confrontés récemment justifie une vigilance particulière, cependant elle ne saurait justifier ce qui s'apparente (toute proportion gardée) à un meurtre avec préméditation.

Avec cette bavure au pays des droits de l'homme, le Royaume-Uni envoie un signal fort à tout ce

qui pense qu'au nom de la lutte contre le terrorisme on peut sacrifier les droits de l'homme, ceux qui pensent que la fin justifie les moyens.

Le paradoxe est qu'en usant de méthodes draconiennes pour protéger la société civile, on risque

de détruire ce que l'on entend protéger : le principe d'un Etat fondé sur la prééminence du droit, garant de la victoire de la justice sur l'arbitraire.

La politique qui consiste à « tirer pour tuer » et une aubaine pour tous les Etats qui se servent de

la lutte contre le terrorisme pour violer les droits de l'homme.

Désormais dans ces Etats, le terme « assassinats en raison des opinions politiques » n'existera plus, on l'appellera désormais « tirer pour tuer ».

Les Etats pourront liquider les opposants gênants en prétextant qu'ils « croyaient » qu'il s'agissait de terroristes présumés.

Certains Etats ont déjà commencé à réagir contre cette politique de « tirer pour tuer ».

La France, l'un des rares pays qui a une forte tradition de respect des droits de l'homme comparable à celle du Royaume-Uni a implicitement dénoncé cette politique qui consiste à tirer pour tuer.

Le Premier ministre Dominique de Villepin a profité de sa deuxième conférence de presse mensuelle pour rassurer les français à propos du projet de loi sur la lutte contre le terrorisme qui sera adoptée à la rentrée.

Le Premier ministre a affirmé qu'il n'était « pas question de rentrer dans des logiques d'exception, ni de remettre en cause les principes fondamentaux de notre Etat de droit dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ».

« Nous sommes très soucieux de trouver le bon équilibre entre l'exigence de sécurité et l'exigence de liberté », a-t-il insisté.

Le chef du gouvernement a également précisé qu' « aucune autorisation de tirer ne sera donnée aux forces de l'ordre, hors cas de légitime défense ».

Ces propos du Premier ministre sont une allusion directe à la politique « tirer pour tuer » adoptée

par la police britannique (57).

57) Conférence de presse du 28 juillet 2005 de Monsieur Dominique de Villepin, disponible sur le site de l'AFP, http://www.afp.com

Trois ans après l'affaire « McCann et autres c/ Royaume-Uni », la Cour a eu à nouveau

l'occasion de se prononcer sur l'obligation de proportionnalité, il s'agit de l'affaire « H.Gûleç c. Turquie » du 27 juillet 1998 (58).

Monsieur Hüseyin Güleç, ressortissant turc, est né en 1954. Le 4 mars 1991, une manifestation opposant les participants aux forces de l'ordre se déroule dans la ville de Idil.

Deux personnes, dont le fils du requérant (Ahmed, âgé de quinze ans et élève au lycée de Idil)

trouvent la mort et douze autres sont blessées.

Le 5 avril 1991, le requérant dépose une plainte contre X et le commandant des forces de l'ordre auprès du Procureur de la République d'Idil.

Il allègue que son fils a été tué par les forces de l'ordre qui ont tiré sur les manifestants pour les disperser.

Constatant que la plainte est dirigée contre le commandant des forces de l'ordre, le parquet se déclare incompétent le 19 avril 1991 et défère l'affaire au conseil administratif du département

de Sirnak.

Le 18 octobre 1991, le conseil administratif rend une ordonnance de non lieu, au motif que la mort de la victime est survenue au cours d'un affrontement entre les manifestants et les forces

de l'ordre et qu'il s'avère impossible d'identifier les responsables. L'ordonnance n'est pas notifiée au requérant.

Saisi d'office, le Conseil d'Etat confirme le non-lieu le 13 novembre 1991, précisant qu'il est impossible d'engager des poursuites contre des fonctionnaires si l'identité des responsables et leur statut de fonctionnaires n'est pas établi.

Le 20 janvier 1993, le requérant s'enquiert de la suite réservée à sa plainte en date du 5 avril

1991.

Par une lettre du 3 mars 1993, la préfecture de Sirnak lui communique une copie de l'ordonnance de non-lieu et de l'arrêt du Conseil d'Etat.

Dans sa requête du 16 mars 1993 à la Commission européenne des droits de l'homme, monsieur

Güleç allègue que la mort de son fils a été causée par des balles tirées par les forces de l'ordre

au cours d'une manifestation.

Il dénonce l'impossibilité de soumettre une plainte aux juridictions pénales, il invoque l'article

2 de la Convention.

La Commission adopte un rapport établissant les faits et défère l'affaire à la cour.

58) Affaire « Güleç c. Turquie » du 27 juillet 1998, in Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Berger (V), Sirey, Paris, 8e

édition, 2002, p.13 à 14. Voir dans le même sens CEDH, Affaire « Issaïeva c. Russie » (violation de l'obligation de proportionnalité par les forces russes en Tchétchénie), in RGDIP, Chronique de jurisprudence internationale de Weckel (P), Tome 109 /2005/2, pp. 477 à 479.

La cour commence par constater que la manifestation litigieuse fût loin d'être pacifique, les

dommages causés à des biens meubles et les blessures dont souffrirent certains gendarmes en sont la preuve.

Face à des actes de violence graves affirme la cour, les forces de l'ordre, présentes sur place en nombre insuffisant firent appel à des renforts et deux véhicules blindés furent utilisés.

Alors que le conducteur du Condor (le véhicule blindé), le sous-officier Nazim Ayhan, affirme avoir ouvert le feu en l'air, plusieurs témoins, parmi lesquels des notables locaux, ont fait état de

tirs dirigés contre la foule.

Bien que catégoriquement niée par le gouvernement, cette allégation trouve une base solide dans

le fait que presque tous les manifestants blessés furent touchés aux membres inférieurs.

Ces blessures concordent parfaitement avec les ricochets de balles à trajectoire descendante pouvant être tirées d'une tourelle de véhicule blindé.

La cour admet que l'utilisation de la force peut se justifier dans le cadre d'un recours à la force employé pour réprimer une émeute ou une insurrection, cependant elle précise qu'un équilibre doit exister entre le but et les moyens.

Les gendarmes employèrent une arme très puissante car ils ne disposaient apparemment ni de matraques et de boucliers, ni de canons à eau, balles en caoutchouc ou gaz lacrymogènes.

Cette carence est d'autant plus incompréhensible et inacceptable que le département de Sirnak se trouve, comme le souligne le gouvernement, dans une région soumise à l'état d'urgence, où, à l'époque des faits, on pouvait s'attendre à des troubles.

Quant à l'éventuelle présence de terroristes armés parmi les manifestants, la Cour note que le gouvernement n'a nullement étayé cette affirmation.

Tout d'abord aucun gendarme ne fût blessé par balles, on ne releva de traces de blessures ni à l'endroit où périt le fils du requérant, ni sur les autres lieux où se tenait la manifestation.

Ensuite, aucune arme ou douille censée appartenir à des membres du PKK (59), ne fût trouvée sur place.

Par ailleurs, les poursuites intentées devant la Cour de sûreté de l'Etat de Diyarbakir contre les propriétaires de treize fusils confisqués après les incidents et dont les douilles avaient été recueillies par les forces de l'ordre, se terminèrent par la relaxe des inculpés. Les inculpés furent relaxés car ils n'avaient pas participé aux évènements litigieux.

En conclusion, la Cour considère que la force utilisée pour disperser les manifestants et qui causa

la mort d'Ahmet Güleç, n'était absolument pas nécessaire au sens de l'article 2, il y a donc eu violation de cet article.

59) Parti des travailleurs du Kurdistan. Cette organisation est considérée comme étant une organisation terroriste par la Turquie et les Etats-Unis.

Dans cet affaire la Cour devait logiquement aboutir à une telle conclusion tant la violation de

l'obligation de proportionnalité était flagrante.

En effet même s'il y avait eu des terroristes parmi les manifestants on ne disperse pas des manifestants en tirant sur eux, qui plus est avec un véhicule blindé.

Comme le souligne la cour, les forces de l'ordre auraient dû avoir des canons à eau ou des bombes lacrymogènes.

Le fait que la manifestation se déroulait dans un endroit où l'état d'urgence avait été décrété aurait dû leur faire prendre des précautions.

Les forces de l'ordre ont utilisé des moyens disproportionnés, alors qu'ils pouvaient raisonnablement s'attendre à ce genre de manifestations à cet endroit, ils n'ont pas prévu de solutions de rechange.

Dans cette affaire non seulement il n' y avait pas de menace terroriste, mais à supposer qu'il y ait

eu une telle menace, les forces de l'ordre aurait pu s'ils avaient pris des mesures préventives contrer cette menace.

Les juges de la Cour européenne des droits de l'homme doivent non seulement prendre en compte les actes des agents de l'Etat ayant utilisé la force pour apprécier un éventuel abus, mais

ils doivent également opérer un contrôle des opérations prises par le gouvernement.

Ils doivent vérifier si les précautions prises pour organiser et contrôler l'opération sont suffisantes.

Si ce n'est pas le cas, il y a violation manifeste de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme (60).

L'efficacité de l'obligation de proportionnalité pour vérifier que le recours à la force n'a pas violé le droit à la vie ne fait plus aucun doute.

Cependant sa compatibilité avec la lutte contre le terroriste suscite cependant quelques interrogations.

En effet ne faut-il pas à craindre qu'une application trop rigoureuse de l'obligation de réciprocité paralyse l'action des Etats dans leur lutte contre le terrorisme ?

La sévérité des juges de la Cour est logique dans la mesure où le droit à la vie est considéré comme un droit intangible.

Il n'en reste pas moins que le contrôle de proportionnalité est très délicat en matière de lutte contre le terrorisme, surtout qu'il aboutit en fin de comptes à une appréciation qui est assez relative.

Une appréciation relative qui est faite par des hommes qui peuvent se tromper.

60) Rennucci (J-F), Droit européen des droits de l'homme, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, Paris, 3e édition, 2002, p.91

La lutte contre le terrorisme, elle, n'est pas relative. C'est une lutte qui est réelle et au cours de

cette lutte les forces de l'ordre, elles, n'ont pas droit à l'erreur.

En présence d'un cas où il est difficile de conclure à une violation du droit à la vie, il serait souhaitable que la Cour traite ce cas avec la plus grande précaution comme elle l'a fait dans l'affaire « Andronicou et Constantinou c. / Chypre », du 9 octobre 1997 (61).

Toutefois, malgré le caractère relatif du contrôle, celui-ci existe et dans l'hypothèse d'un recours

à la force qui serait disproportionné (et donc non absolument nécessaire), la violation de l'article

2 serait caractérisée.

Outre le contrôle de proportionnalité, la Cour opère un contrôle du respect par l'Etat des obligations procédurales découlant de l'article 2.

b) Le Contrôledu respect del'obligationprocédurale découlant del'article2

Dans l'arrêt « McCann et autres c/ Royaume-Uni » du 27 septembre 1995, la Cour a affirmé

qu'il ne suffit pas qu'une loi interdise, de manière générale, aux agents de l'Etat de procéder à des homicides arbitraires.

Cette interdiction serait efficace, précise la cour, « s'il n'existait pas de procédure permettant de contrôler la légalité du recours à la force meurtrière par les autorités de l'Etat. L'obligation de protéger le droit à la vie qu'impose l'article 2, implique et exige de mener une forme d'enquête efficace lorsque le recours à la force, notamment, par des agents de l'Etat, a entraîné mort d'hommes » (62).

Les exigences procédurales découlant de l'article 2 ont la même importance que l'obligation de proportionnalité.

En effet, pour déterminer la violation de l'obligation de proportionnalité, il est nécessaire de mener une enquête préalable.

La cour a eu l'occasion d'être plus précise sur l'obligation procédurale découlant de l'article 2 de

la Convention dans l'affaire « Kaya c. / Turquie » du 19 février 1998 (63).

Cette protection procédurale implique, selon la cour, pour les agents de l'Etat l'obligation de rendre compte de leur usage de la force meurtrière.

61) CEDH, Affaire « Andronicou et Constantinou c/ Chypre » du 9 octobre 1997, in Revue Universelle des Droits de l'Homme, Chronique de

Sudre (F), 1998, p.91.

62) CEDH, Affaire « McCann et autres c. / Royaume-Uni » du 27 septembre 1995, op cit., (§ 161)

63) CEDH, Affaire « Kaya c. / Turquie » du 19 février 1998, in Les Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, op cit., p.93

Leurs actes doivent être soumis à une forme d'enquête indépendante et publique propre à

déterminer si le recours à la force était ou non justifié dans les circonstances particulières d'une affaire (64).

Examinant dans cette optique l'activité menée par les autorités nationales, la Cour a conclu que

les autorités n'avaient pas pratiqué d'enquête effective sur les circonstances dans lesquelles le frère du requérant avait trouvé la mort. Il y avait donc eu dans ce cas précis violation de l'article

2 de la Convention.

La cour a eu l'occasion de confirmer cette jurisprudence dans l'affaire « Salman c. / Turquie » du

27 juin 2000 (65).

Le 26 février 1992, Agit Salman fait l'objet d'une première arrestation par les policiers de la section anti-terroriste de la direction de la sûreté d'Adana qui enquête sur les activités du Parti

des travailleurs du Kurdistan (P.K.K).

Relâché dans les heures qui suivent son arrestation, il déclare à son épouse et à son fils qu'il a été soumis à des actes de torture pendant sa brève détention.

Au cours d'une enquête menée ultérieurement sur les activités des membres présumées du PKK soupçonnés d'avoir participé à une attaque contre les forces de l'ordre, la police interpelle à nouveau Agit Salman sur son lieu de travail.

L'on ne reverra plus Agit Salman vivant. Le matin du 29 avril 1992, les agents en fonction à la direction de la sûreté, emmènent Agit Salman à l'hôpital public d'Adana.

Le médecin de garde constate l'arrêt des fonctions respiratoires et cardiaques et conclut au décès

de Agit Salman vingt minutes avant son arrivée à l'hôpital.

Selon les policiers, Agit Salman souffrait de problèmes cardiaques et, le policier chargé de la surveillance des gardes a vue ayant signalé qu'il paraissait se sentir mal, ils auraient décidé de l'emmener au service des urgences.

Le médecin légiste qui examine la dépouille à l'hôpital décide de pratiquer une autopsie en vue d'établir la cause du décès.

Le rapport d'autopsie qu'il rend le 21 mai 1992 conclut à l'impossibilité d'établir la cause du décès et conseille de transmettre le dossier à l'Institut de médecine légale d'Istanbul.

Après examen du dossier, la commission de l'Institut de médecine légale d'Istanbul conclut que, compte tenu des faiblesses cardiaques anciennes présentes chez Agit Salman, le décès pouvait

avoir été causé par un arrêt cardiaque.

64) CEDH, Affaire « Kaya c. / Turquie » du 19 février 1998, op cit., (§ 87)

65) CEDH, Affaire « Salman c. Turquie » du 27 juin 2000, in RTDH, 1/07/2001, observations de M. Van Nuffel (E), pp.845-885.

Sur la base de ce rapport, le procureur d'Adana décide de classer le dossier.

Mais, sur recours de Behiye Salman et ensuite, du ministre de la Justice, le dossier lui est renvoyé aux fin de poursuites des policiers présents dans les locaux de la direction de la sûreté lors de la détention de Agit Salman.

Par un arrêt rendu le 26 décembre 1994, la Cour d'assises d'Adana acquitte les policiers poursuivis au bénéfice du doute, considérant qu'il ne pouvait pas être établit que les policiers avaient soumis Agit Salman à des actes de torture.

Le requérant introduit alors une requête auprès de la Commission européenne des droits de l'homme en alléguant la violation de l'article 2 de la Convention.

Confrontant les éléments en sa possession, la Cour considère que durant sa détention Agit

Salman a reçu un violent coup qui lui a fracturé le sternum et a été soumis à des sévices.

La Commission est convaincue au-delà de tout doute raisonnable, que Agit Salman a été interrogé durant sa détention et a subi des sévices physiques d'une particulière gravité avant son décès.

La Commission a établi son rapport et a transmis l'affaire à la Cour européenne des droits de l'homme.

La cour a porté son examen sur la façon dont les autorités de l'Etat ont enquêté à la suite de la plainte du requérant pour rechercher et poursuivre les auteurs présumés de l'homicide illicite ou

des pratiques de tortures.

En effet, a estimé la cour, lorsqu'un individu est placé en garde à vue alors qu'il est en bonne santé et que l'on constate son décès, il incombe à l'Etat de fournir une explication plausible des évènements qui ont conduit au décès.

Il est d'autant plus ainsi, ajoute la cour, que « lorsque les évènements en cause, dans leur totalité

où pour une large part, sont connus exclusivement des autorités, comme dans le cas des personnes soumises à leur contrôle en garde à vue, toute blessure ou décès survenu pendant cette période donne lieu à de fortes présomptions de fait.

Il convient en vérité de considérer que la charge de la preuve pèse sur les autorités qui doivent, fournir une explication satisfaisante et convaincante » (66).

La cour a rappelé que l'obligation de protéger le droit à la vie de l'article 2 de la Convention, implique et exige de mener une forme d'enquête effective lorsque le recours à la force a entraîné

mort d'hommes.

66) CEDH, Affaire « Salmann c. Turquie » du 27 juin 2000 (§ 100), op cit.,

A cet égard, la Cour a souligné que l'obligation susmentionnée ne vaut pas seulement pour les

cas où il a été établi que la mort avait été provoquée par un agent de l'Etat.

En effet, le seul fait qu'une personne décède alors qu'elle se trouve en garde à vue fait automatiquement naître l'obligation procédurale découlant de l'article 2 de mener une enquête

sur les circonstances du décès.

La cour a conclu que les autorités n'ont pas mené d'enquête effective sur les circonstances entourant le décès d'Agit Salman, par conséquent, elle a conclu à une violation de l'article 2.

Cette obligation procédurale qui découle de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme est fondamentale.

En effet, en l'absence d'une enquête efficace sur tout recours à la force meurtrière par les agents

de l'Etat, il serait complètement impossible de punir les responsables.

Si les coupables de tels actes ne sont pas punis, il n' y a aucune garantie que des actes de ce genre ne se reproduisent. Cela entraîne une psychose au sein de la population qui craindra pour

sa sécurité.

En outre, l'absence d'une enquête effective aurait pour conséquence de conférer une immunité aux agents de l'Etat qui seront désormais assuré d'une impunité totale (67).

La présence ou l'absence d'une enquête effective sur tout recours à la force meurtrière par les agents de l'Etat est à la base de la distinction que l'on opère entre un Etat de droit et un Etat de police.

L'Etat de droit est un Etat dans lequel le pouvoir s'exerce dans le cadre du droit, en se soumettant

lui-même à cet encadrement normatif. C'est à cette seule et unique condition que l'on peut affirmer que l'arbitraire est alors exclu du pouvoir des gouvernants.

Dans un Etat de droit, l'Etat est responsable de l'usage qu'il fait du pouvoir. En cas d'abus dans l'exercice de pouvoir il doit rendre des comptes.

La doctrine allemande du « Rechtsstaat » a ainsi distingué « l'Etat de droit » de « L'Etat de police ».

L'Etat de police est un Etat qui édicte des règles opposables à ses ressortissants, mais qui ne se soumet pas lui-même à des règles supérieures (67).

Lorsque les forces de l'ordre mènent une opération et que cette dernière cause la mort d'un individu, ils doivent ouvrir une enquête afin de déterminer les causes de ce décès.

La lutte contre le terrorisme ne doit pas faire exception à ce principe, car cette lutte pour être

efficace doit toujours être menée dans le cadre de l'Etat de droit (68).

66) Cretin (T), « Immunité, impunité : rien qu'une consonne de différence ? L'immunité pénale des Chefs d'Etat : entre coutume et évolution »,

in SOS ATTENTATS terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, op cit., pp.479 à 480.

67) Kada (N), Lexique de droit constitutionnel, ellipses, Paris, 2004, p.44.

68) Sandoz (Y), « Guerre contre le terrorisme : Fondements juridique et réflexion prospective », in SOS ATTENTATS terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, op cit., pp 507 à 509.

Un Etat qui ne rendrait pas compte de l'usage de la force effectuée par ses services perdrait la

confiance de sa population.

C'est au nom de la sauvegarde du droit à la vie des populations que les Etats se sont engagés à lutter contre le terrorisme, il apparaît donc logique que les Etats ne procède pas à des exécutions arbitraires au sein de cette même population.

Si c'était le cas, on se trouverait en présence de deux formes de terrorisme ce serait le terrorisme qui lutterait contre le terrorisme.

Il y aurait d'un côté le terrorisme d'Etat qui sous prétexte de lutter contre le terrorisme confisquerait le pouvoir et instaurerait un régime de terreur fondé sur la répression, et de l'autre

le terrorisme de groupes d'individus qui se présenterait comme la seule alternative à ce régime d'oppression.

Prise ainsi entre deux feux nos démocraties ne pourraient résister à ces attaques et ce serait la fin

de l'Etat de droit et le début de l'état de nature (69).

C'est pour cette raison que les Etats doivent être très vigilants dans leur lutte contre le terrorisme,

car même au nom d'une lutte contre un phénomène qui menace les fondements démocratiques de nos sociétés, il existe des limites à ne pas franchir.

69) Jacquart (A), Petite philosophie à l'usage des non-philosophes (Le livre de Poche), Calmann-Lévy, Paris, 1997, pp.145 à 147.

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