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Contribution aux études méditerranéennes: les relations turco-tunisiennes (1956-2001)

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par Meriem JAMMALI
INALCO - Maîtrise de langue et de civilisation turques 2003
  

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5. Les années 80 : phase de décollage de la coopération bilatérale

Les contacts diplomatiques entre Ankara et Tunis allaient s'affirmer davantage dans les années 80. Après la nomination, en 1980, à la tête du gouvernement tunisien, de Mohamed Mzali, homme de lettres, arabophone et ex-ministre de l'éducation, la diplomatie tunisienne a porté un réel intérêt pour les pays arabes et musulmans, entre autres la Turquie. Les décideurs politiques et économiques des deux pays allaient oeuvrer ensemble pour mettre en place une série de mesures visant à rendre leur coopération bilatérale plus fructueuse. Cette situation favorable à l'épanouissement du dialogue politique et à l'intensification des échanges économiques et culturels allait perdurer jusqu'à la fin des années 90.

Des témoignages diplomatiques que nous avons recueillis auprès des fonctionnaires des ministères turc et tunisien des Affaires étrangères, ainsi que des comptes-rendus journalistiques confirment l'amélioration, depuis les années 80, des échanges, surtout politiques, entre Ankara et Tunis. Ainsi avons-nous recensé quatre visites officielles48(*). Chaque rencontre entre diplomates turcs et tunisiens est couronnée par la signature de plusieurs accords. A titre d'exemple, lors de la visite du premier ministre turc Özal en Tunisie, les 21, 22 et 23 avril 1989, trois accords ont été signés : un accord relatif à la création d'une commission intergouvernementale permanente qui se réunit une fois par an dans l'une et l'autre capitale sous la présidence des deux ministres des Affaires étrangères ; un accord portant sur le transport maritime, et enfin un accord de coopération en matière de cartographie et de documentation géographique. Cette visite eut lieu peu après la visite présidentielle de Kenan Evren49(*) du 16 au 18 janvier 1989. Dans cet ordre d'idées, nous pouvons citer les propos de Turgut Özal qui, lors d'une conférence de presse qu'il a tenue à l'occasion de sa visite à Tunis en mai 1989, a déclaré que « les similitudes qui existent entre la Turquie et la Tunisie sur les plans tant géographique que stratégique, ont créé dans de nombreux domaines des convergences en ce qui concerne les options [des] deux pays en matière de politique étrangère ».50(*) Sans doute, le responsable turc fait-il ici allusion à deux éléments caractérisant la politique extérieure d'Ankara et de Tunis : l'ouverture sur l'Occident et la modération dans la prise de position concernant certains problèmes internationaux, comme le conflit arabo-israélien.

En 1998, le président turc Süleyman Demirel se rend en Tunisie dans le cadre d'une visite officielle. Lors de cette visite, il a insisté comme à chaque fois sur la volonté sincère de la classe politique turque de coopérer avec la Tunisie. Deux ans plus tard, lors de la visite officielle de Ismaïl Cem en sa qualité de ministre des Affaires étrangères, les deux gouvernements ont signé le 25 mars 2000 un protocole d'accord sur « la coopération entre les ministères des Affaires étrangères de la République tunisienne et la République de la Turquie » et un accord portant sur « le transport routier de personnes et de marchandises et sur le transit »51(*).

La visite la plus récente entre responsables tunisiens et turcs est celle du président tunisien Ben Ali en Turquie du 22 au 23 mars 2001. Sa visite a donné lieu à la signature d'une série d'accords : un programme triennal d'échanges culturels 2001-2003 ; un accord de coopération scientifique et technologique ; un protocole de coopération tridimensionnelle entre EKETIB , ATCT (Agence Tunisienne de Coopération Technique) et le CEPEX ( Centre des promotions des Exportations tunisien) , et enfin un accord de coopération entre IGEME (Centre de Promotion des exportations turques) et ATCT. Et puisque la politique est au service de l'économie, le président tunisien s'est fait accompagner par une importante délégation d'hommes d'affaires tunisiens. Ce fut une occasion de rencontre entre le milieu des affaires des deux côtés.

C'est dans ce contexte que les journaux turcs ont rendu hommage aux réalisations politiques et économiques accomplies par le régime de Ben Ali.52(*) De même, selon le consul de Tunisie à Ankara, la chaîne turque TRT a diffusé un reportage sur la Tunisie. Chose rare. Le milieu universitaire n'a pas manqué lui aussi de manifester son intérêt pour cette visite. Ainsi l'université de Bilkent décerna à Ben Ali un doctorat Honoris causa53(*).

Lors de cette visite présidentielle, les entretiens politiques entre les deux parties ont porté sur la nécessité d'assurer une protection internationale au peuple palestinien et de mettre fin à l'embargo sur l'Irak54(*). Il était également question de mettre à profit toutes les opportunités pour renforcer davantage la coopération turco-tunisienne et d'oeuvrer ensemble pour l'intégration des économies des deux pays dans l'espace économique de l'Union européenne.55(*)

Tout aussi explicite est l'extrait de la déclaration du président tunisien à l'issue de sa visite. En effet, Ben Ali a déclaré que sa visite « dans ce pays frère a été fructueuse et très utile ; elle [lui] a permis [...] de discuter avec [les hauts responsables turcs] des voies et des moyens qui permettent de raffermir les relations privilégiées de fraternité et de coopération entre [les] deux pays.»56(*) Et d'ajouter : «  Nos échanges de point de vue ont en outre porté sur diverses questions régionales et internationales d'intérêt commun ».57(*)

Cependant, bien que les déclarations des hauts responsables des deux pays aient toujours affiché une parfaite convergence de leurs points de vue sur certaines questions internationales, la crise irakienne a constitué ces dernières années une « pomme de discorde politique » entre les deux pays. En effet, après l'institution en 1991 de la zone d'exclusion aérienne au Nord de l'Irak, les incursions de l'armée turque dans cette zone se sont multipliées. La presse tunisienne, relatant ces faits, s'est souvent montrée critique à l'égard de la politique irakienne de la Turquie. Cette attitude éditoriale des journalistes tunisiens reflète en grande partie l'opinion que la population tunisienne se fait de la Turquie en rapport avec la question irakienne. Bon nombre de Tunisiens voient en la Turquie non seulement un pays allié des Etats-Unis mais aussi un pays inféodé à la première puissance mondiale. Cette vision s'est confirmée ces dernières années lorsque les Tunisiens apprirent par le biais des médias les épisodes du rapprochement politique et surtout militaire entre la Turquie et Israël58(*), ce dernier pays avec qui les Arabes sont en guerre depuis plus d'un demi siècle.

En 1996, les déclarations du gouvernement turc selon lesquelles la Turquie envisagerait de créer une zone tampon au Nord de l'Irak n'ont guère été appréciées ni par l'opinion publique ni par le gouvernement tunisien. Tous les journaux tunisiens ont évoqué cette scène. Nous citons ici l'exemple du Renouveau - organe officiel du gouvernement tunisien - qui a publié un article où l'on peut aisément déceler une attitude critique vis-à-vis de la politique irakienne du gouvernement turc. En voici des extraits :

« Le gouvernement tunisien suit avec préoccupation la décision du gouvernement turc de créer des zones de sécurité dans le Nord de l'Irak, le long de la frontière entre l'Irak et la Turquie. Tout en réaffirmant la nécessité de se conformer totalement aux résolutions et principes internationaux et de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Irak, le Gouvernement Tunisien appelle le gouvernement turc à n pas s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Irak et à s'abstenir de tout ce qui pourrait porter atteinte à l'intégrité de son territoire et sa souveraineté ».59(*)

* 48 Nov. 1982 : visite du premier ministre Bulent Uluslu en Tunisie , avril 1983 : visite du premier ministre tunisien Mohamed Mzali en Turquie ; janvier 1989 : visite du président turc Kenan Evren en Tunisie ; avril 1989 : visite du premier ministre turc Turgut Özal en Tunisie.

* 49 Président de la Turquie entre 1982 et 1989.

* 50 Propos tenus par DEMIREL lors de sa visite présidentielle en Tunisie, en mai 1998. (Voir annexe VI)

* 51 Voir annexe IV.

* 52 Sabah, du 21 mars 2001.

* 53 Les échanges entre les universités tunisiennes et l'université privée de Bilkent seront évoqués plus loin (infra, p. 77).

* 54 En illustrent les déclarations de l'actuel président turc, Necdet Sezer : « La sauvegarde des droits légitimes du peuple palestinien frère et l'impératif d'accorder à la Palestine la place rayonnante qu'elle mérite au sein de la communauté internationale figurent parmi les centres d'intérêt de la politique étrangère de la Turquie », dans le Le Renouveau du 24 mars 2001.

* 55 Il est clair que ce type d'affirmation ne dépasse pas le cadre des déclarations, dans la mesure où les approches des deux pays concernant les relations avec l'Union européenne diffèrent considérablement : alors que la Tunisie est liée à cet espace par un accord de partenariat, la Turquie l'est aussi mais elle est en même temps candidate à l'Union européenne.

* 56 Dans Le Renouveau du 24 mars 2001.

* 57 Idem.

* 58 Contrairement à la majorité des pays arabes, la Tunisie, dès la création a adopté une politique modérée envers Israël.

* 59 Dans Le Renouveau du 12/10/1996.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld