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Contribution aux études méditerranéennes: les relations turco-tunisiennes (1956-2001)

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par Meriem JAMMALI
INALCO - Maîtrise de langue et de civilisation turques 2003
  

Disponible en mode multipage

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    I.N.A.L.C.O.

    Année universitaire 2002-2003

    CONTRIBUTION AUX ÉTUDES MÉDITERRANÉENNES : LES RELATIONS TURCO-TUNISIENNES

    (1956-2001)

    Mémoire de Maîtrise en langue et civilisation turques

    Préparé et présenté par

    Meriem JAMMALI

    Sous la direction de Monsieur Faruk BILICI

    Meriem JAMMALI

    CONTRIBUTION AUX ETUDES MEDITERRANEENNE : LES RELATIONS TURCO-TUNISIENNES

    (1956-2001)

    A ma famille

    REMERCIEMENTS

    Avant d'exposer les résultats de la présente étude, il m'est agréable de présenter mes sincères remerciements à toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire, particulièrement Monsieur Faruk BILICI, et mon directeur de recherches, et M. Noureddine TLILI qui a relu et corrigé ce travail

    ABREVIATIONS

    ATCT : Agence Tunisienne de Coopération Technique.

    CEPEX : Centre des Promotions des Exportations (Tunisie).

    EKETIB : Eðitim, Kültürel, Ekonomik ve Teknik iþbirliði Baþkanlýðý : (Direction de Coopération Académique, culturelle, Economique et Technique Turque).

    IGEME : Ihracati Geli°tirme Etüd Merkezi, Centre des de Promotion des Exportations (Turquie).

    OCI : L'Organisation de la Conférence Islamique.

    TKA : Türk þbirliði ve Kalkýnma daresi Baþkanlýðý : (Direction de coopération et du développement turque).

    TOBB : Türkiye Odalar ve Borsalar Birliði (Union des Chambres de commerce turques).

    TÜSIAD : Türk Sanayicileri ve I°adamlarý Derneði : Association des industriels et des hommes d'affaires turcs.

    AVANT-PROPOS

    Travailler sur les relations turco-tunisiennes entre 1956 à 2001 n'est pas le fruit du hasard. En effet, durant les quatre années d'études de la langue et de la civilisation turques au sein de l'INALCO, j'ai appris à découvrir la Turquie dans toutes ses dimensions historique, culturelle et économique. En revanche, ma curiosité me dictait de me détacher des contenus des cours souvent focalisés sur l'histoire ottomane ou sur les grands axes de la politique turque, et de chercher d'autres références me permettant de découvrir davantage la Turquie.

    Cette Turquie m'intriguait et je l'ai toujours comparée à la Tunisie, mon pays natal, surtout après y avoir séjourné. Je voulais savoir davantage sur les relations existant entre les deux pays. Cependant, je ne trouvais pas toujours des références pouvant assouvir ma curiosité de savoir. Dès que j'ai choisi de travailler sur ce sujet, je savais que la première difficulté à laquelle j'allais me heurter serait l'indigence des études traitant de cette question. Jusqu'à présent, il n'existe en effet aucune étude globale qui ait tenté une présentation actualisée et exhaustive des rapports entre la Turquie et la Tunisie. A vrai dire, la littérature historique traitant de l'histoire de la Turquie ou des anciens territoires de l'Empire ottoman est relativement abondante. Pour ce qui concerne la Tunisie, la littérature en question reste penchée sur un thème récurrent, celui de la présence ottomane en Tunisie dans ses différents aspects politique, militaire, économique et social.

    Ce constat a été confirmé tout au long de mes recherches. Lors de l'élaboration de ce travail, je suis parvenu à l'évidence que l'inexistence d'une publication sur les relations turco-tunisiennes est due essentiellement à la rareté des documents qui traitent de la question. Les quelques documents que j'ai pu réunir pour accomplir la présente recherche sont constitués en grande partie des comptes-rendus et des correspondances politiques émanant des diplomates turcs ou tunisiens, ou des articles de journaux tunisiens puisant leurs matériaux dans des sources officielles.

    D'une manière générale, les études sur la politique extérieure de la Tunisie ou de la Turquie qui, jusque-là ont été publiés, ont toujours marginalisé la question de la coopération entre les deux pays. En revanche, certaines publications s'intéressent davantage à la Turquie dans son environnement géostratégique moyen-oriental ou balkanique. Il est vrai que la Tunisie n'a pas le même poids que les pays du Moyen-Orient dans la politique turque. Cependant, dans un moment donné (pendant les années 80), la Turquie était consciente du rôle que pouvait jouer la Tunisie pour faciliter l'accès au marché maghrébin et par-delà le marché africain.

    Par souci de lancer un nouveau débat, et après avoir eu des entretiens fructueux avec mon futur directeur de recherches Monsieur BILICI, j'ai décidé de travailler sur les relations turco-tunisiennes de 1956 à 2001, tout en ayant conscience des difficultés que présentent ce sujet, surtout, quitte à me répéter, l'indigence et l'éparpillement des documents.

    INTRODUCTION

    En 2000, le quotidien turc Ak°am, « Le Soir » écrit sous le titre de « Tunisie, l'Europe de l'Afrique » que « La Tunisie qui est petite mais vit dans la prospérité, est un paradis touristique avec ses beautés historiques et ses merveilles naturelles [...] située dans le Nord de l'Afrique, petite mais magnifique, la Tunisie ressemble beaucoup à la Turquie. [...] Ils [les Tunisiens] sont les amis des Turcs et même nos deux drapeaux se ressemblent, ce qui rapprochent davantage nos deux pays ».1(*) Afin de persuader le lecteur turc des ressemblances entre la Tunisie et la Turquie, le rédacteur de cette citation a mis l'accent sur l'amitié entre les deux peuples. Il n'hésite pas à faire appel à l'histoire, en évoquant la ressemblance des drapeaux turc et tunisien, ce qui constitue, à ses yeux, un élément majeur qui rapproche les deux peuples.2(*) En dehors de la similitude des drapeaux, la Turquie et la Tunisie ont connu les mêmes expériences : la lutte pour l'indépendance, le régime du parti unique et, enfin, l'expérience de l'Etat-nation et de la «démocratie . Ces affinités d'ordre géographique et politique devraient en principe servir de base pour une coopération turco-tunisienne.

    Par ailleurs, il va sans dire que les deux pays appartiennent à la famille des Etats méditerranéens, avec ce que cette famille comporte en termes de diversité politique, économique et culturelle mais aussi en termes de conflits. C'est une famille qui occupe un espace contrasté. Ses membres, malgré leur appartenance à une même aire géographique, ont évolué dans des contextes différents. De même, la Méditerranée est le lieu de rencontre de deux mondes : le Nord et le Sud. La Turquie et la Tunisie se trouvent ainsi tiraillées entre, d'un côté un Occident qui représente leurs espérances, et de l'autre côté, un Sud qui leur rappelle leurs problèmes et leurs ambitions. Mais depuis leur indépendance, les deux pays ont fait un choix identiquement irréversible, celui de prendre l'Occident pour modèle à suivre en quête de modernisation économique et sociale.

    Cependant, quatre-vingt ans après son engagement dans la voie de la modernité, la Turquie est toujours perçue par le Nord comme un pays du Sud en développement de par ses structures sociales et économiques. Quant à la Tunisie, personne ne doute qu'elle fait partie des pays du Sud. Ses performances économiques et sa démographie maîtrisée les placent dans le rang des pays du Sud les plus avancés. Ce qui la rapproche davantage, sur le plan économique, de la Turquie. Encore un point de similitude entre les deux pays. C'est sous cet angle même que nous nous proposons de traiter ce sujet. Il importe donc de savoir comment la Tunisie et la Turquie, avec toutes les convergences politiques, géostratégiques et économiques allaient gérer leurs relations bilatérales. Qu'en est-il de ces relations ? Pourraient-elles servir de modèle pour une coopération Sud-Sud ? C'est à ces questions que nous essayerons de répondre dans le présent travail.

    Les limites chronologiques que nous nous sommes fixées ne sont pas le fruit du hasard. 1956 est en effet une date clef dans l'histoire de la Tunisie, marquant à la fois son indépendance et le début de ses relations diplomatiques avec le reste des Etats. La date à laquelle nous arrêtons notre étude (2001) coïncide avec la deuxième visite qu'un président tunisien a effectuée en Turquie depuis 1956.

    Le centre de gravité de notre étude tourne autour de plusieurs champs de recherches qui constituent en même temps des domaines où s'opère la coopération bilatérale entre les Etats du monde : les relations diplomatiques, économiques et culturelles.

    Dans une première partie, nous analyserons les relations diplomatiques entre Ankara et Tunis. Il sera surtout question d'Atatürk et de Bourguiba, deux personnalités politiques qui ont marqué à jamais l'histoire récente de leurs pays respectifs. Les convergences et les divergences de leurs choix politiques seront évoquées. Afin d'élucider l'évolution des relations politiques depuis les années 50 jusqu'à une date récente (2001), nous passerons en revue les différents accords régissant ces relations ainsi que l'impact des visites officielles effectuées par les responsables des deux pays.

    Quant à la deuxième partie du présent travail, elle traitera de la question des relations économiques et commerciales entre les deux pays. Dans cette partie, il sera question du contenu et du rythme des échanges commerciaux.

    Enfin, dans une troisième et dernière partie nous tâcherons de montrer comment les relations culturelles turco-tunisiennes sont peu intenses et nous essayerons d'en avancer les raisons.

    PRÉSENTATION CRITIQUE DES SOURCES

    Certains articles extraits des journaux tunisiens nous ont servi de support pour élaborer la présente recherche. Mais avant d'énumérer ces journaux, quelques remarques sur l'histoire de la presse en Tunisie nous semblent nécessaires.

    En effet, pendant la colonisation, les journalistes tunisiens étaient contraints d'écrire dans des journaux francophones pour contourner les restrictions imposées aux journaux arabophones aisément accessibles à un large public tunisien. Avec l'indépendance en 1956, de nombreux organes de presse se sont créés. Cependant, ils restèrent dépendants de l'appareil d'Etat. Les restrictions que ce dernier leur a toujours imposées les rendirent peu crédibles auprès de leurs lecteurs, notamment les milieux cultivés. A la fin des années 80, la presse tunisienne a connu une ouverture assez timide - en rapport avec l'autorisation du multipartisme - en abordant des sujets différents parfois audacieux. Actuellement, on se sert du danger de la propagation islamiste « à l'algérienne » pour restreindre la liberté des journalistes. 3(*)

    Les journaux appartiennent à des entrepreneurs locaux qui composent avec le pouvoir. Aujourd'hui, la Tunisie compte 8 quotidiens, 29 hebdomadaires et 38 périodiques. Hormis l'hebdomadaire Al-Anwar « Lumières » qui tire à environ 140 000 exemplaires ; le tirage des principaux titres se situe entre 20 000 et 50 000 exemplaires environ.

    Les principaux journaux que nous avons pu dépouiller pour élaborer la présente recherche sont des publications généralistes. En voici la liste :

    · L'Action (francophone) : organe de presse du parti au pouvoir, fondé par Bourguiba en 1934, rebaptisé depuis 1988  Le Renouveau  (voir titre suivant) ;

    · Le Renouveau : quotidien francophone, il paraît chaque lundi. Sa première parution date de 1988. Ce dernier nom n'est pas le fruit du hasard. Il survient après l'accession de Ben Ali à la magistrature suprême, présentée par le nouveau pouvoir comme un grand « Changement ». Son tirage est à 30 000 exemplaires  environ. Nous y avons puisé l'essentiel de nos informations sur les visites officielles échangées entre les responsables des deux pays.

    · La Presse : premier quotidien francophone du pays, paru en 1936. Il tire à 48 000 exemplaires environ. Les principaux matériaux que nous y avons réunis concernent des analyses sur l'économie et la vie politique turques ainsi que les relations de la Turquie avec le monde arabe.

    · Le Temps : quotidien francophone qui tire à 40 000 exemplaires environ. Comme le précédent titre, ce journal publie des articles sur l'actualité internationale, entre autres l'actualité de la vie politique turque et les relations de la Turquie avec les pays arabes.

    · CEPEX actualités : bulletin de liaison du Centre de Promotion des Exportations tunisiennes. Comme son nom l'indique, ce centre, créé en 1973, a pour vocation d'encourager les entrepreneurs tunisiens et étrangers à investir en Tunisie. Bien évidemment, ce centre sert également d'interface entre investisseurs tunisiens et turcs. De même, il entretient des relations étroites avec son pendant turc IGEME Ihracati Geli°tirme Etüd Merkezi.

    · L'Economiste maghrébin : magazine francophone bimensuel qui paraît depuis 1990. Il traite des sujets d'économie et de finances, entre autres les investissements communs entre des entrepreneurs turcs et tunisiens.

    Il importe de souligner que l'ensemble de ces organes de presse que nous avons consultés pour l'élaboration de notre recherche ont une source d'information presque unique. Il s'agit de la T.A.P (Tunis Afrique Agence), première et unique agence tunisienne d'information.

    Autres sources

    Le discours de Bourguiba à Ankara, le 25 mars 1965, est riche en informations. L'ex-président tunisien y trace avec pertinence l'évolution des relations arabo-turques en faisant souvent référence à des événements historiques et à des lectures personnelles des questions politiques ou sociales.

    En lisant le présent travail, le lecteur peut s'interroger pourquoi nous n'avons pas utilisé systématiquement les journaux turcs. La réponse est que d'abord, notre travail ne porte pas uniquement sur l'étude des relations bilatérales à travers la presse. Ensuite, faute de temps, nous n'avons pas pu accéder aux archives de la presse turque. Les quelques articles que nous citons dans la présente étude nous les avons découvert fortuitement. Enfin, afin de combler cette lacune, nous avons consulté des rapports diplomatiques (quoiqu'ils ne soient pas toujours objectifs car montrant ce que les gouvernements veulent véhiculer) ou des comptes-rendus des chambres de commerce, des notes de correspondances officielles ainsi que des informations que nous avons directement recueillies auprès d'un certain nombre de personnes impliquées dans les rapports turco-tunisiens. Signalons enfin que l'apport des accords et des traitées régissant les rapports tuniso-turcs a été capital pour la réalisation de la présente recherche.

    Un examen critique de l'ensemble de ces informations s'avérait indispensable pour élucider les enjeux et les perspectives de la coopération entre les deux pays. En effet, La confrontation des différentes sources fait l'intérêt de cette approche qui se veut avant tout, une approche évolutionniste et parfois comparative.

    PREMIÈRE PARTIE : L'ÉVOLUTION DES RELATIONS DIPLOMATIQUES ENTRE LA TURQUIE ET LA TUNISIE

    (1956-2001)

    Quoiqu'elle ne s'inscrive pas directement dans le cadre chronologique de la présente recherche (1956-2001), l'étude de la politique turque vis-à-vis de la décolonisation de la Tunisie nous semble nécessaire à l'exploration des relations turco-tunisiennes. En effet, la politique extérieure turque pendant les années 50 était fortement marquée par un ancrage dans l'Occident. Les prises de position turques à l'égard des revendications du mouvement national tunisien allaient affecter, dans une certaine mesure et après l'indépendance de la Tunisie, les relations politiques bilatérales. Cependant, hormis cet épisode malencontreux, les deux pays ont pour commun le fait d'avoir chacun un leader dont l'aura dépassait le simple cadre politique. Nous pensons ici à Mustafa Kemal Atatürk et à Habib Bourguiba, tous deux considérés par leurs peuples respectifs comme libérateurs de leur pays et bâtisseurs chacun de son côté d'un Etat moderne. Mais il se trouve que le premier ait fortement influencé le second et lui ait servi de modèle politique. Ce sont ces raisons mêmes qui nous ont amenée à tenir compte dans notre recherche des prises de position turque vis-à-vis de la cause nationale tunisienne. Cela permettrait de comprendre la nature des relations politiques entre les deux Etats, alors libres et souverains.

    CHPITRE I : L'ATTITUDE DE LA TURQUIE VIS-À-VIS DE LA DÉCOLONISATION DE LA TUNISIE

    1. La décolonisation de la Tunisie à travers l'opinion publique et la presse turques

    Alors que les nationalistes tunisiens menaient, à partir de janvier 1952, la lutte armée contre l'occupant français, l'opinion publique turque suivait visiblement avec intérêt l'évolution des évènements dans ce pays.4(*) De nombreux Turcs, connaissant le Maghreb, étaient solidaires avec le peuple tunisien dans sa lutte armée. La presse turque de l'époque en faisait l'écho.5(*) Cependant, Mehmet Gök a recensé dans son étude un article du journal Zafer, organe officiel du parti démocratique (Demokrat Partisi) au pouvoir, qui, en relatant les évènements sanglants survenus en mars 1952 dans le sud de la Tunisie, a essayé de légitimer la colonisation française sous prétexte que les derniers événements relevaient d'une manipulation communiste :

    « Les Tunisiens, une fois que les Français seront éloignés, auront-ils vraiment leurs libertés et leur indépendance ? Car, l'on a constaté que les bombes qui ont explosé à Bône, à Maktar et à Kassra sont de fabrication communiste. [...] D'après des informations recueillies, les communistes y ont joué un rôle important et tenté d'exploiter les purs sentiments des nationalistes tunisiens au nom de leur propre impérialisme. En effet, si l'on examine attentivement les évènements en Afrique du Nord à partir de l'Egypte, il est possible de constater la même conspiration rouge partout. »6(*)

    2. Le vote turc à l'ONU

    Revenons maintenant à la reconnaissance internationale de l'indépendance de la Tunisie. En effet après de longs combats et de multiples efforts en vue d'internationaliser la cause tunisienne, les nationalistes ont réussi de faire porter la question de l'indépendance devant le Conseil de sécurité de l'ONU. C'est le Pakistan qui l'a présentée le 31 mars 1952 devant l'instance onusienne.7(*)

    Les débats sur cette question ont eu lieu à Paris (Palais Chaillot) le 4, 10 et 14 avril 1952. Quatre membres du conseil (Brésil, Chili, Chine, Pakistan et URSS) ont voté pour l'inscription de la cause tunisienne à l'ordre du jour du Conseil. En revanche, la France qui n'était pas prête à céder son protectorat, et le Royaume-Uni, autre puissance coloniale, ont voté contre. Les autres membres du Conseil se sont abstenus : la Grèce, les Pays-Bas, les Etats-Unis et la Turquie.8(*) Détentrice du droit du veto, la France fit finalement obstacle à l'inscription de la question tunisienne à l'ordre du jour.

    Lors des débats, chaque représentant exposa ses intentions de vote. En voici la teneur de l'intervention du représentant de la Turquie : « Nous sommes convaincus qu'à condition d'être conduites d'une manière constructive et intelligente, des négociations directes entre les Français et les Tunisiens pourront apporter une solution positive à la question dont nous sommes saisis, et pourront répondre ainsi aux aspirations du peuple tunisien. Des discussions acerbes et des débats prolongés sur les évènements passés et sur le partage des responsabilités ne pourraient que rendre cette tâche encore plus ardue. »9(*)

    Des propos qui manifestaient une propension de réserves vis-à-vis de la légitimité des revendications tunisiennes, dans la mesure où le représentant de la Turquie à l'ONU a laissé entendre que son pays ne se serait pas opposé à l'inscription de la question tunisienne à l'ordre du jour du Conseil de Sécurité si la majorité des membres -surtout les puissances occidentales - avait jugé utile cette inscription.

    Aux yeux des Tunisiens, l'abstention de la Turquie signifiait une position hostile à la cause tunisienne. D'ailleurs, une délégation tunisienne qui devait se rendre en Turquie pour demander l'appui de cette dernière dut y renoncer.10(*)

    En visite officielle en Turquie en 1965, Bourguiba, alors président, en a gardé le souvenir. Pour lui, l'abstention de la Turquie signifie un vote hostile : « En mars 1952, lorsque, pour la première fois, la Tunisie s'efforçait de faire porter la question de son indépendance devant le conseil de Sécurité,[...] à ce moment là, nous comptions nos amis. Chaque signe avait sa valeur [...]. Nous étions fiévreusement à l'écoute des débats qui se déroulaient à Paris, au palais de Chaillot. [...]. Cinq voix s'exprimèrent dans un sens favorable à l'inscription de la question tunisienne. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis votèrent contre, mais aussi la Turquie, ce qui fut pour nous un profond sujet de tristesse. »11(*)

    La Turquie fut critiquée par ses propres journaux excepté Zafer, organe officiel du parti au pouvoir. « S'abstenir équivaut à s'opposer » écrivent certains journaux. Ce fut une grande déception pour l'opinion publique turque.12(*) Par ce vote, la Turquie voulait éluder « les incidents de parcours » sur le plan diplomatique susceptibles d'affecter ses relations avec les occidentaux. Ainsi, « le premier but de la politique étrangère de la Turquie est de préserver son indépendance nationale, son intégrité territoriale et d'assurer la modernisation du pays. »13(*) Trois considérations majeures d'ordre stratégique et politique justifient, à notre avis, la prise de position turque en matière de politique internationale dans les années 50. D'abord, la politique nationaliste et pro-occidentale de Atatürk. Ensuite, l'économie turque ne pouvait plus s'en passer de l'aide financière et technique des pays occidentaux. C'était un intérêt majeur pour la Turquie, d'où la nécessité de garder de bonnes relations avec les pays donateurs. Ainsi, lors de la conférence de Bandoeng en 1955, la Turquie s'est présentée comme la porte-parole de l'Occident. Les représentants turcs se sont montrés plus occidentaux que les Occidentaux eux mêmes ! Enfin, le voisin soviétique constituait pendant les années 50 une menace réelle pour la Turquie. A cette époque, la Turquie faisait partie des zones stratégiques disputées par les deux grandes puissances mondiales en pleine guerre froide. En 1945, à l'issue de la Seconde guerre mondiale, Staline dénonça les accords de 1925 entre Moscou et Ankara. Du coup, le leader soviétique n'a pas manqué de réclamer des territoires situés sous la souveraineté turque, arguant que cela permettrait à l'URSS de surveiller les détroits en installant une base aéronavale à proximité d'Istanbul.14(*) Menacée, la Turquie cherchait à obtenir le soutien des pays occidentaux contre la menace rouge.

    C'est l'ensemble de ces considérations d'ordre politique et stratégique qui ont amené la Turquie à s'aligner sur les positions française et anglaise quant à la question de la décolonisation de la Tunisie. Aux yeux d'Ankara, la France et le Royaume-Uni, avant qu'ils ne soient des puissances coloniales, sont des alliés de la Turquie, d'où la nécessité de garder de bonnes relations avec eux. Ainsi, lors de l'ouverture du conseil de la Grande Assemblée Nationale le 1er novembre 1950, le président Bayar a insisté sur les relations d'amitié qui lient la Turquie à la France et l'importance de leur attachement aux mêmes valeurs.

    CHAPITRE II : ATATüRK ET BOURGUIBA DEUX PERSONNALITÉS POLITIQUES EMBLÉMATIQUES

    Les deux pays ont chacun un personnage emblématique qui a marqué son histoire nationale. Il s'agit de Mustafa Kemal Atatürk pour la Turquie et Habib Bourguiba pour la Tunisie. Les deux hommes n'ont pas évolué dans le même cadre spatio-temporel. Néanmoins, leurs oeuvres respectives en matière des réformes qu'ils ont réalisées mettent en devanture une multitude de concordance. Les similitudes qui caractérisent les parcours des deux hommes, et l'admiration de Bourguiba envers Atatürk ont contribué à l'établissement d'un dialogue constructif entre les deux pays.

    1. Convergence de formation

    Mustafa Kemal (1881-1938), après un bref passage dans une école coranique, fréquenta, tour à tour, un établissement scolaire communal, un collège militaire, l'école des Cadets de Macédoine et enfin l'Académie militaire d'Istanbul.

    Toutes ces écoles étaient dotées d'un enseignement moderne dont l'objectif était de réformer l'armée ottomane se trouvant en difficulté logistique et technique face aux forces occidentales. En dépit de l'opposition de sa mère Zubeyda, il entama les démarches tout seul, réussit ses examens et mit sa mère devant le fait accompli. Très jeune, il s'est montré déterminé à choisir son chemin et à tracer les lignes de son futur parcours.

    Durant ses études, il découvre, grâce à un condisciple, l'univers de la littérature et de la lecture qui devient pour lui une passion, et manifeste un goût annoncé pour les mathématiques, les langues étrangères particulièrement le français, langue d'accès aux oeuvres de Voltaire, de Montesquieu et tous les philosophes des Lumières.

    Bourguiba est lui aussi de formation moderne. Il a fait ses études secondaires à Tunis au Collège Sadiki -institution fondée en 1875 où l'enseignement des sciences exactes et humaines est prodigué en français selon les normes pédagogiques modernes, et au lycée Carnot qui est un établissement français. De 1924 à 1927, Bourguiba suit à Paris les cours de la Faculté de Droit et de l'Ecole des philosophes des Lumières. 15(*)

    Ainsi, de ces deux parcours, l'on retient qu'Atatürk a croisé l'Occident en savourant les livres des philosophes. Quant à Bourguiba, « fils de la France »,16(*) il a évolué dans un contexte colonial puis intégré la société française, terre de la Révolution et des idées des Lumières.

    [...] En Turquie, se dresse déjà la silhouette ambitieuse du réformateur, le Ghazi Mustafa Kemal »17(*). Pendant la guerre d'indépendance, Atatürk était le sujet d'admiration de tous les nationalistes arabes qui suivaient de près son combat. Chaque victoire était applaudie en dehors de la Turquie. Mustafa Kemal fut l'espoir de certains peuples colonisés, surtout au Proche-Orient et au Maghreb. Pour Bourguiba, le fondateur de la Turquie moderne était guide et source d'inspiration. Il a compris le sens du vrai combat à travers le mythe de Atatürk. Les propos tenus par Bourguiba en mars 1965 lors de sa visite officielle à Ankara en tant que président de la République tunisienne en témoignent : 

    «...lorsque j'eus atteint l'âge d'hommes, le personnage de Mustafa Kemal s'imposa à mes yeux comme le modèle du héros, du chef né pour le commandement, supérieur à toutes les contingences, sachant tout exiger de son peuple pour mieux changer son destin, capable enfin de redonner une âme à sa patrie déchiquetée, d'exalter la fierté nationale sans jamais l'orienter vers des ambitions extérieures »18(*).

    C'est dans cette perspective que, pour le leader tunisien, partir en Turquie avant d'entamer la bataille définitive de l'indépendance eut un sens profond. Il est parti s'y ressourcer. « J'ai voulu voir votre pays, visiter Istanbul et Ankara, et je suis venu en Turquie. Ce pèlerinage, vous le voyez, n'a pas été sans lendemain, il a porté ses fruits. »19(*)

    Influencés par les aspirations des courants modernistes du XIXe siècle, Atatürk et Bourguiba trouvent le remède aux maux de leurs sociétés. C'est le choix de l'Occident. Ils considèrent que le modernisme implique l'adoption des valeurs occidentales. Cependant, l'application de ces valeurs sur une trame où l'islam occupe une place centrale dans la vie privée et publique de leurs sociétés demeure une tâche difficile voire grave, étant donné que la charia était la seule source de loi dans presque tous les pays musulmans.

    2. Islam et modernité chez Atatürk et Bourguiba

    Lors de la construction de leurs Etats respectifs, Atatürk et Bourguiba durent prendre en compte la question de la place de la religion musulmane dans la vie politique et sociale dans leurs pays respectifs. Les régimes mis en place par les deux leaders se ressemblent de beaucoup de points. Ainsi l'enseignement, la laïcisation et le modernisation du pays étaient les principaux objectifs des deux hommes. Cependant, une divergence non moins importante différencie les deux hommes. Il s'agit de la place que doit occuper l'islam dans l'une et l'autre société toutes deux en quête de modernité.

    Afin d'initier son peuple aux valeurs de l'Occident -vainqueur de l'Empire ottoman- Atatürk a voulu se débarrasser du poids de la religion musulmane dans la vie politique et publique turques, tandis que Bourguiba a tâché d'employer l'islam à ses fins politiques, en interprétant le texte coranique, quitte à provoquer la sensibilité populaire. Citons à ce propos l'intervention de l'ex-président tunisien à la télévision, en 1960, où il a pris un verre d'eau en pleine période de jeûne du ramadan.20(*) Selon lui, la pratique de la religion ne doit pas freiner la bonne marche de l'économie tunisienne quitte à ne pas observer le mois du ramadan !

    Cette divergence entre Bourguiba et Atatürk quant à la place de l'islam dans la société s'est trouvée répercutée dans l'une et l'autre constitution. Pour ce qui concerne la constitution turque, il y est stipulé que la Turquie est un Etat laïc. L'islam n'est plus la religion de l'Etat dès 1928 contrairement à ce qu'était prévu par la constitution de 1921-1924. En revanche, dans le préambule de la constitution tunisienne, on commence toujours par la formule coranique « Au nom de Dieu, Clément et Miséricordieux ». On mentionne plus loin la nécessité de « demeurer fidèle aux enseignements de l'islam ». L'article 1er de la constitution tunisienne déclare que « la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l'islam, sa langue est l'arabe et son régime est la République. » La religion du président de la République étant obligatoirement l'islam (article 38).

    C'est Atatürk qui s'est attaqué en premier à la question du poids de la religion musulmane. Considérant que l'islam est la cause directe de la décadence de l'Empire ottoman, l'idéologie kémaliste ne peut pas pour autant maintenir cette religion profondément présente dans les rouages de l'Etat. Par conséquent, Atatürk a voulu créer un islam d'inspiration laïque. C'est-à-dire lui accorder uniquement une dimension spirituelle en tant que foi et pratique religieuse. De ce fait, dépouillé de son pouvoir politique, il perd son aptitude à gérer la vie publique et privée de la société turque.

    La femme, sujet tabou dans la religion musulmane, retrouve progressivement sa place à côté de l'homme et partage son univers. Mais l'émancipation de la femme turque fut lente. La Turquie a commencé par l'adoption en 1924 d'un code civil contenant un droit de la famille égalitaire. Mais jusque-là, aucune loi turque ne réglait certaines questions liées au statut de la femme, tel que le port de voile. En 1937, la femme turque devient électrice et éligible. En effet, « L'émancipation des femmes alla de pair avec la réforme de l'enseignement. C'était un domaine auquel le Ghazi attachait une extrême importance. Il a voulu les associer étroitement à la vie du nouvel Etat. »21(*)

    Trente ans après les réformes engagés par Mustafa Kemal, la Tunisie allait connaître un parcours similaire à la jeune République turque. Dès son indépendance, le pays allait voir se succéder une fringale de réformes. Une Assemblée constituante fut élue le 25 mars 1956 ; la République étant proclamée le 25 juillet 1957. La constitution du 1er juin 1959 établit un régime politique basé sur la séparation des pouvoirs, l'égalité devant la loi et « la garantie des libertés d'opinion, de réunion et d'association ». Avec la promulgation du Code du Statut Personnel le 13 août 1956, la polygamie fut abolie, le divorce réglementé ce qui constitue une révolution culturelle en soi, dans la mesure où ce code met définitivement fin à près de quatorze siècle de pratique sociale, basée sur l'islam, dans le domaine civil.

    Si l'émancipation de la femme turque était longue et progressive, la femme tunisienne a trouvé dans Bourguiba un homme d'Etat éclairé et surtout courageux pour engager des réformes institutionnelles pour libérer la femme tunisienne du poids des traditions et de la charia. Ce décalage d'ordre , il convient de rappeler que le contexte des années 20 et 30 n'autorisait aucune comparaison avec celui des années 50 et 60. Et si Atatürk a divorcé avec la religion, Bourguiba en s'attaquant aux mouvements traditionalistes, a adopté une attitude conciliatrice entre le loi coranique et la législation occidentale. Cela s'explique par le fait que les deux hommes ne se sont pas confrontés aux mêmes problèmes.

    En dépit de son influence par l'idéologie kémalienne, le bourguibisme a su garder son esprit critique envers le kémalisme. En 1973, Bourguiba critique implicitement l'idéologie d'Atatürk au sujet de sa rupture radicale avec la religion.22(*) Cette critique était source de mécontentement de la classe politique turque vue que l'idéologie d'Atatürk est sacrée. Enfin, cette divergence s'explique aussi par le décalage temporel entre l'expérience turque et l'expérience tunisienne23(*).

    CHAPITRE III : QUAND ANKARA ET TUNIS COMMUNIQUENT...

    1. Introduction au dialogue diplomatique turco-tunisien

    Le dépouillement des documents diplomatiques auxquels nous avons pu accéder montre que les relations entre la Turquie et la Tunisie ont connu la même évolution que celle entre la Turquie et le monde arabe. En effet, jusqu'aux années 60, la plupart des pays arabes était sous la domination coloniale. Cela signifiait que tout contact officiel d'ordre diplomatique ou autre devait forcément passer par l'autorité colonisatrice.24(*)

    C'est dans ce contexte même que la politique extérieure turque était orientée en fonction des intérêts de la Turquie et de ses relations avec les pays occidentaux, notamment la France et le Royaume-Uni. La Turquie voulait en effet épouser la modernisation et adopter un alignement politique avec l'Occident, quitte à renier le soutien qu'elle a toujours apporté à la lutte des pays colonisés, y compris les pays arabo-musulmans25(*).

    En effet, depuis la création de la République turque et jusqu'à l'émergence du problème chypriote au début des années 60, noyés dans leurs environnements respectifs, le monde arabe et la Turquie s'ignoraient mutuellement. Les Turcs et les Arabes ne communiquaient que pour s'accuser mutuellement. En Turquie, on a vécu la révolte, en 1916, des provinces arabes contre le pouvoir ottoman comme « un coup de poignard dans le dos ». Tandis que les Arabes considèrent la Turquie, -héritière directe de l'Empire ottoman - comme la cause directe de leurs problèmes. Les réformes religieuses entreprises par Atatürk n'ont fait qu'empirer les choses. Ce qui a nourri un sentiment anti-turc, surtout dans les pays du Proche-Orient qui vécurent des siècles durant sous la domination ottomane. Par conséquent, toute tentative de réconciliation entre les deux parties devait se heurter aux faits du passé.

    Néanmoins, la période d'isolement sur la scène internationale que la Turquie a traversée dans les années 60-70, a profondément marqué la diplomatie turque. En effet, déçue par la politique occidentale relative au problème chypriote26(*), la Turquie se sentait isolée du reste du monde surtout du bloc afro-asiatique. Il en est résulté une volonté turque de dialoguer avec les pays qu'elle avait jusque-là ignorés. La Tunisie en faisait partie.

    De son côté, Tunis ne pouvait pas rester insensible à la démarche d'Ankara pour renouer avec le monde arabe. Le portrait de la Turquie dressé par la presse tunisienne tout au long de la période étudiée (1956-2001) laisse transparaître une nette évolution de l'image que les Tunisiens se font de la Turquie. En voici quelques éclaircissements.

    En effet, les journaux tunisiens d'avant 1956, date d'indépendance tunisienne, on ne parlait ni de la Turquie ni de la nécessité d'oeuvrer avec elle. Les deux pays s'ignoraient mutuellement. Mais à partir de 1956, la donne a changé. Car la dizaine d'organes de presse tunisienne que nous avons consultés dressent dans la plupart des cas un portrait élogieux de la Turquie. Etant pro-gouvernementaux, ces organes reflètent la position officielle du gouvernement tunisien vis-à-vis de la politique internationale du pays.

    La visite de Bourguiba à Ankara en 1965 marqua un tournant décisif dans la diplomatie des deux pays. Elle inaugura une nouvelle ère dans l'histoire de la coopération bilatérale, traduite, entre autres, par la visite effectuée en Tunisie en 1966 par le président turc Cevdet Sunay. Cette phase de découverte mutuelle allait se poursuivre jusqu'au début des années 70. C'est à partir de cette date que la presse tunisienne commence à évoquer la Turquie en tant que partenaire économique et politique avec qui la Tunisie pourrait entrer en partenariat.27(*) Dès lors, on la présentait comme un pays frère avec lequel on doit entretenir d'excellentes relations, dans la mesure où les deux pays sont à la fois méditerranéens et membres de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI).

    Pour illustrer ces propos, la presse tunisienne ne manquait pas de recourir si besoin est à l'histoire de l'Empire ottoman ainsi qu'aux défis et aux objectifs communs. Ils sont confrontés aux mêmes difficultés engendrées par une économie mondiale mouvementée d'où la nécessité de renforcer la coopération bilatérale. En témoigne cet extrait d'un article de L'Economiste Maghrébin, publié suite à là la visite de Ben Ali en Turquie en 2001 :

    « Tunisie-Turquie ! Deux destins qui se sont pendant longtemps croisés à travers l'Histoire et qui convergent de nouveau. Comme un jeu de miroir d'une marche forcée des deux pays à travers les méandres d'une réalité mondiale baptisée pudiquement globalisation. »28(*)

    A présent, nous proposons de revenir sur le contenu et l'évolution des relations diplomatiques entre les deux pays pendant la période étudiée (1956-2001).

    2. Tunisie-Turquie : des relations symboliques (1956-1965)

    Le 17 avril 1956, un mois après l'accession de la Tunisie à l'indépendance, le président Bayar29(*) a envoyé un télégramme de félicitations au bey de Tunis Lamine Bey30(*). Cependant, à la fin des années 50, et en dépit d'échanges de missions diplomatiques entre les deux pays et la signature d'une série d'accords bilatéraux31(*), les relations ont demeuré purement symboliques. En effet, les deux pays ont opté pour le renforcement de leurs relations avec l'Occident. Fraîchement indépendante, la Tunisie craignait les répercussions du problème algérien dans la mesure où la France voulait utiliser la base de Bizerte pour réprimer les nationalistes algériens. Bourguiba se demandait si l'on pouvait parler d'indépendance tant que le pavillon français flottait encore sur la base navale de Bizerte (ville côtière au nord de la Tunisie) et que des réfugiés algériens armées occupaient le nord de la Tunisie.32(*) Elle s'est donnée comme priorité la construction d'un Etat et d'une économie modernes, quitte à oublier ses différends avec son ancienne puissance coloniale.33(*) A l'exemple de la Turquie, elle voyait en l'Occident un modèle à suivre. Ses relations avec les pays arabes et musulmans sont reléguées au second plan. C'est ce qui explique en partie la tiédeur des relations tuco-tunisiennes depuis les années 50 et jusqu'en 1965, date de la visite présidentielle de Bourguiba en Turquie, bien que les discours politiques en la matière aient été toujours optimistes. Mais il importe de noter que la Turquie jouissait auprès de l'opinion publique tunisienne d'un sentiment de sympathie, ce qui traduisait le degré de sensibilité mutuelle entre les deux peuples. 34(*)

    Malgré les tentatives de rapprochement, le souvenir de l'indifférence de la Turquie à l'égard de la cause tunisienne a survécu quelques années plus tard dans la mémoire des responsables tunisiens.35(*)

    3. Les retrouvailles turco-tunisiennes

    3.1. La visite de Bourguiba

    Il a fallu attendre la visite officielle que le président Bourguiba a effectuée à Ankara en mars 1965, et l'arrivée au pouvoir du Parti de la Justice (Adalet Partisi), pour voir les contacts se renouer entre les deux pays. Lors de cette visite, le président tunisien, voulant tourner la page des soubresauts des relations entre les deux pays, s'adressa aux députés turcs en ces termes : « [...] laissez-moi vous dire que cet épisode [l'abstention de la Turquie] ne pouvait altérer durablement le sentiment que nous portons à la Turquie.. Il conclut son discours en saluant « la fraternité retrouvée entre le peuple turc et le peuple tunisien. » 36(*) 

    Au cours de cette visite les responsables turcs et tunisiens se sont montrées optimistes quant à l'avenir de leurs relations bilatérales. Ils ont affirmé qu'ils allaient serrer les coudes pour promouvoir une coopération très étroite dans les domaines culturel, technique et économique. A l'issue de cette visite, les deux parties ont décidé de mettre en place des programmes d'échanges supervisés par une commission mixte dont la mission principale consistait à développer les échanges entre Ankara et Tunis.37(*)

    Cependant, cette visite n'a pas donné lieu à la signature d'accords bilatéraux. Il faut noter que le déplacement du président tunisien en Turquie eut lieu alors que la Turquie traversait la crise chypriote. Interrogé par les journalistes, Bourguiba n'a pas révélé clairement la politique suivie par la Tunisie vis-à-vis du problème chypriote. Il a laissé entendre que son pays se tient neutre dans cette affaire. Et d'ajouter que prendre parti pour la Grèce ou pour la Turquie ne servirait pas la résolution du problème.38(*)

    Cette neutralité s'affirma quelques mois plus tard, lorsque la Commission de politique spéciale et de décolonisation de l'ONU a voté, le 17 décembre 1965, un texte réaffirmant l'indépendance et la souveraineté de Chypre et refusant toute intervention étrangère. Le même texte préconisait l'annulation des accords de Londres et de Zürich de 196039(*). A l'exemple de tous les pays arabes, sauf la Libye qui a voté pour, la Tunisie s'est abstenue. Cette abstention ne peut qu'enchanter la partie grecque. Quant à la Turquie, elle a exprimé sa déception de voir des pays musulmans -y compris la Tunisie - soutenir son rival « chrétien ». La question qui se pose est de savoir si cette abstention tunisienne pouvait être interprétée comme monnaie de retour que la Tunisie aurait voulu rendre à la Turquie qui, autrefois, s'est abstenue lors d'un vote onusien relatif à la cause tunisienne. Ou s'agissait-il tout simplement d'une lecture politique propre à Bourguiba selon lequel, en matière de politique, il faut savoir distinguer « l'important de l'essentiel » ?40(*)

    L'examen des propos de Bourguiba sur la crise chypriote, tenus à Ankara lors de sa visite officielle de 1965, laisse penser que l'abstention tunisienne lors de ce vote était dictée par des impératifs d'ordre purement diplomatique. En effet, en réponse à une question posée par un journaliste sur la position tunisienne vis-à-vis du problème chypriote, le président tunisien, après avoir passé en revue les différents épisodes de ce problème, a laissé entendre que le problème chypriote était tellement compliqué qu'il ne supportait une prise de parti supplémentaire. De même, il a déclaré que son pays possède de bonnes relations avec la Grèce et la Turquie41(*). Selon lui, ce qui urgeait c'était de trouver et de toute urgence une solution au problème chypriote en tenant compte des intérêts de toutes les parties. Et d'ajouter que prendre une position pour tel protagoniste ou tel autre ne ferait qu'empirer le problème. Enfin, le président tunisien résume la position de son pays en une phrase mystérieuse : « Il arrive un moment où les hommes raisonnables doivent choisir entre l'important et l'essentiel ».42(*) Pour lui, « l'essentiel » consiste à trouver une solution à la crise chypriote. Quant à « l'important », c'est le fait de ne pas compromettre les relations de son pays avec la Grèce et la Turquie !

    Il apparaît ainsi que la visite présidentielle de Bourguiba a marqué une nouvelle ère dans l'histoire des relations diplomatiques entre les deux pays. De surcroît, elle a été l'occasion de discuter des problèmes affectant les relations turco-arabes. En effet, Bourguiba s'est fait le porte-parole de ses homologues arabes en affirmant que ces derniers étaient prêts à comprendre les positions, les mobiles et les objectifs de la politique turque. En contrepartie, il espérait que les dirigeants turcs se montreront plus compréhensifs à l'égard des Arabes et de leurs problèmes légitimes, notamment la cause palestinienne43(*). La visite de Bourguiba a en quelque sorte brisé le mur de glace qui s'est établi entre Arabes et Turcs depuis 1916.

    De leur côté, les dirigeants turcs ont vu dans cette visite un signe réconfortant de la part des pays arabo-musulmans. Ce qui allait apaiser la crainte d'Ankara de se voir gérer, seule et sans aucun soutien international, certains dossiers sensibles comme la crise chypriote et la menace soviétique. D'ailleurs, peu après la visite de Bourguiba, Süleymen Demirel alors premier ministre, a déclaré que la Turquie sera compréhensive à l'égard des problèmes des pays arabes et surtout ceux du Maghreb. Un an plus tard, en décembre 1966, la visite du président turc Cevdet Sunay à Tunis est venue consacrer une nouvelle étape dans le dialogue tuniso-turque.

    Par ailleurs, notons que Bourguiba s'est rendu encore une fois en 1968 en Turquie mais dans le cadre d'une visite privée. Obsédé par le mythe de l'histoire et des grands hommes, il décida de se recueillir devant la tombe d'Hannibal, située sur les rives des Dardanelles. Il a été reçu avec le protocole d'une visite d'Etat. Il voulait ramener en Tunisie les cendres du général carthaginois. Gênés, les responsables turcs ont essayé dans un premier temps de contourner son souhait. Mais à son insistance, il ont accepté de construire un mausolée pour Hannibal qui, en outre, symboliserait la fraternité entre les deux peuples. Déception du chef d'Etat tunisien !

    3.2 La politique du Parti de la Justice

    Un autre facteur qui allait marquer l'infléchissement de la politique turque et permettre aux deux pays d'oeuvrer ensemble fut l'avènement de Adalet Partisi, Parti de Justice.44(*) Avec son arrivée au pouvoir, nous assistons à la naissance d'une « politique arabe » au sein de la diplomatie turque. Ce qui fut en soi une nouveauté jusque-là inédite dans l'histoire des relations internationales de la Turquie moderne. Il s'agit d'une politique d'ajustement et de réorganisation dictée par l'évolution de la politique nationale et internationale. Elle ne visait en aucune manière à corriger les erreurs du passé45(*). Cette tournure est le résultat d'un ensemble d'impératifs d'ordre politique et économique. En effet, en pleine crise chypriote, la Turquie dut compter ses amis et chercher à gagner davantage l'appui de plusieurs pays. Pour Ankara, gagner le soutien politique d'un pays équivaudrait à gagner une voix supplémentaire au sein de l'ONU. C'est aussi une opportunité pour les produits turcs qui pourraient gagner davantage de nouveaux marchés. Cette politique « arabe » voir « musulmane » allait se poursuivre surtout après 1974, date de l'intervention militaire turque à Chypre.

    4. Les années 70, stagnation des relations

    Le renforcement des liens avec la Tunisie ne peut être qu'avantageux pour la Turquie, dans la mesure où la jeune République tunisienne a brillé sur la scène internationale par sa politique modérée. Elle ne cessait d'être appréciée par ses voisins maghrébins et africains. A travers elle, la Turquie pouvait se faire entendre dans le zone afro-arabe. Tunis permettrait également à la Turquie de gagner un marché potentiel, le marché tunisien puis par-delà accéder aux différents marchés africains. Et puisque politique et économie sont intimement liées, la diplomatie est demeurée active pour assurer cette tâche par le biais des visites et la signature de différents accords.46(*)

    Cependant, la politique arabe de la Turquie allait montrer ses limites avec la Tunisie. En effet, après l'ouverture des voies de communication pendant les années 60, le dialogue allait s'estomper petit à petit pour devenir quasi inexistant dans la seconde moitié des années 70. Il ne s'agissait nullement d'une rupture comme on a tendance à le faire croire. En effet, confrontés chacun de son côté à une multitude de problèmes internes menaçant leur stabilité, les deux pays n'étaient pas en mesure de se consacrer au développement de leur coopération politique bilatérale. En revanche, la coopération dans le domaine économique a pris un nouvel élan et cela pour des raisons que nous évoquerons plus loin47(*).

    Du côté turc, Ankara, absorbée par le problème chypriote, était contrainte d'intervenir militairement pour occuper la partie nord de l'île après le coup d'Etat soutenue par le régime des colonels d'Athènes. Quant aux Tunisiens, la classe politique était résolue à régler des problèmes nés de la tension avec le voisin libyen, notamment après l'avortement du projet d'unification entre les deux pays, signé en 1974 conjointement par Bourguiba et Kadhafi. De même, la maladie du président Bourguiba a commencé à inquiéter les instances de l'Etat.

    En 1976, la Turquie adhère à l'Organisation de la Conférence Islamique. C'est dans ce contexte que nous étions amenée, au cours de nos recherches à nous interroger sur l'impact de l'adhésion de cette adhésion sur l'évolution des relations bilatérales entre Tunis et Ankara. Les documents que nous avons consultés et les rapports des sommets de l'organisation islamique montrent que la diplomatie tunisienne accorde peu d'importance au travail de l'OCI. Si cette adhésion a permis à la Turquie de trouver une tribune lui permettant de dialoguer davantage avec les pays musulmans surtout ceux du Moyen-Orient, elle n'a pas influencé ses relations avec la Tunisie. En effet, l'adhésion de la Turquie à l'OCI résultait d'un choix économique visant à conquérir le marché arabo-musulman, surtout au Proche-Orient, et éviter toute isolation diplomatique sur la scène internationale.

    5. Les années 80 : phase de décollage de la coopération bilatérale

    Les contacts diplomatiques entre Ankara et Tunis allaient s'affirmer davantage dans les années 80. Après la nomination, en 1980, à la tête du gouvernement tunisien, de Mohamed Mzali, homme de lettres, arabophone et ex-ministre de l'éducation, la diplomatie tunisienne a porté un réel intérêt pour les pays arabes et musulmans, entre autres la Turquie. Les décideurs politiques et économiques des deux pays allaient oeuvrer ensemble pour mettre en place une série de mesures visant à rendre leur coopération bilatérale plus fructueuse. Cette situation favorable à l'épanouissement du dialogue politique et à l'intensification des échanges économiques et culturels allait perdurer jusqu'à la fin des années 90.

    Des témoignages diplomatiques que nous avons recueillis auprès des fonctionnaires des ministères turc et tunisien des Affaires étrangères, ainsi que des comptes-rendus journalistiques confirment l'amélioration, depuis les années 80, des échanges, surtout politiques, entre Ankara et Tunis. Ainsi avons-nous recensé quatre visites officielles48(*). Chaque rencontre entre diplomates turcs et tunisiens est couronnée par la signature de plusieurs accords. A titre d'exemple, lors de la visite du premier ministre turc Özal en Tunisie, les 21, 22 et 23 avril 1989, trois accords ont été signés : un accord relatif à la création d'une commission intergouvernementale permanente qui se réunit une fois par an dans l'une et l'autre capitale sous la présidence des deux ministres des Affaires étrangères ; un accord portant sur le transport maritime, et enfin un accord de coopération en matière de cartographie et de documentation géographique. Cette visite eut lieu peu après la visite présidentielle de Kenan Evren49(*) du 16 au 18 janvier 1989. Dans cet ordre d'idées, nous pouvons citer les propos de Turgut Özal qui, lors d'une conférence de presse qu'il a tenue à l'occasion de sa visite à Tunis en mai 1989, a déclaré que « les similitudes qui existent entre la Turquie et la Tunisie sur les plans tant géographique que stratégique, ont créé dans de nombreux domaines des convergences en ce qui concerne les options [des] deux pays en matière de politique étrangère ».50(*) Sans doute, le responsable turc fait-il ici allusion à deux éléments caractérisant la politique extérieure d'Ankara et de Tunis : l'ouverture sur l'Occident et la modération dans la prise de position concernant certains problèmes internationaux, comme le conflit arabo-israélien.

    En 1998, le président turc Süleyman Demirel se rend en Tunisie dans le cadre d'une visite officielle. Lors de cette visite, il a insisté comme à chaque fois sur la volonté sincère de la classe politique turque de coopérer avec la Tunisie. Deux ans plus tard, lors de la visite officielle de Ismaïl Cem en sa qualité de ministre des Affaires étrangères, les deux gouvernements ont signé le 25 mars 2000 un protocole d'accord sur « la coopération entre les ministères des Affaires étrangères de la République tunisienne et la République de la Turquie » et un accord portant sur « le transport routier de personnes et de marchandises et sur le transit »51(*).

    La visite la plus récente entre responsables tunisiens et turcs est celle du président tunisien Ben Ali en Turquie du 22 au 23 mars 2001. Sa visite a donné lieu à la signature d'une série d'accords : un programme triennal d'échanges culturels 2001-2003 ; un accord de coopération scientifique et technologique ; un protocole de coopération tridimensionnelle entre EKETIB , ATCT (Agence Tunisienne de Coopération Technique) et le CEPEX ( Centre des promotions des Exportations tunisien) , et enfin un accord de coopération entre IGEME (Centre de Promotion des exportations turques) et ATCT. Et puisque la politique est au service de l'économie, le président tunisien s'est fait accompagner par une importante délégation d'hommes d'affaires tunisiens. Ce fut une occasion de rencontre entre le milieu des affaires des deux côtés.

    C'est dans ce contexte que les journaux turcs ont rendu hommage aux réalisations politiques et économiques accomplies par le régime de Ben Ali.52(*) De même, selon le consul de Tunisie à Ankara, la chaîne turque TRT a diffusé un reportage sur la Tunisie. Chose rare. Le milieu universitaire n'a pas manqué lui aussi de manifester son intérêt pour cette visite. Ainsi l'université de Bilkent décerna à Ben Ali un doctorat Honoris causa53(*).

    Lors de cette visite présidentielle, les entretiens politiques entre les deux parties ont porté sur la nécessité d'assurer une protection internationale au peuple palestinien et de mettre fin à l'embargo sur l'Irak54(*). Il était également question de mettre à profit toutes les opportunités pour renforcer davantage la coopération turco-tunisienne et d'oeuvrer ensemble pour l'intégration des économies des deux pays dans l'espace économique de l'Union européenne.55(*)

    Tout aussi explicite est l'extrait de la déclaration du président tunisien à l'issue de sa visite. En effet, Ben Ali a déclaré que sa visite « dans ce pays frère a été fructueuse et très utile ; elle [lui] a permis [...] de discuter avec [les hauts responsables turcs] des voies et des moyens qui permettent de raffermir les relations privilégiées de fraternité et de coopération entre [les] deux pays.»56(*) Et d'ajouter : «  Nos échanges de point de vue ont en outre porté sur diverses questions régionales et internationales d'intérêt commun ».57(*)

    Cependant, bien que les déclarations des hauts responsables des deux pays aient toujours affiché une parfaite convergence de leurs points de vue sur certaines questions internationales, la crise irakienne a constitué ces dernières années une « pomme de discorde politique » entre les deux pays. En effet, après l'institution en 1991 de la zone d'exclusion aérienne au Nord de l'Irak, les incursions de l'armée turque dans cette zone se sont multipliées. La presse tunisienne, relatant ces faits, s'est souvent montrée critique à l'égard de la politique irakienne de la Turquie. Cette attitude éditoriale des journalistes tunisiens reflète en grande partie l'opinion que la population tunisienne se fait de la Turquie en rapport avec la question irakienne. Bon nombre de Tunisiens voient en la Turquie non seulement un pays allié des Etats-Unis mais aussi un pays inféodé à la première puissance mondiale. Cette vision s'est confirmée ces dernières années lorsque les Tunisiens apprirent par le biais des médias les épisodes du rapprochement politique et surtout militaire entre la Turquie et Israël58(*), ce dernier pays avec qui les Arabes sont en guerre depuis plus d'un demi siècle.

    En 1996, les déclarations du gouvernement turc selon lesquelles la Turquie envisagerait de créer une zone tampon au Nord de l'Irak n'ont guère été appréciées ni par l'opinion publique ni par le gouvernement tunisien. Tous les journaux tunisiens ont évoqué cette scène. Nous citons ici l'exemple du Renouveau - organe officiel du gouvernement tunisien - qui a publié un article où l'on peut aisément déceler une attitude critique vis-à-vis de la politique irakienne du gouvernement turc. En voici des extraits :

    « Le gouvernement tunisien suit avec préoccupation la décision du gouvernement turc de créer des zones de sécurité dans le Nord de l'Irak, le long de la frontière entre l'Irak et la Turquie. Tout en réaffirmant la nécessité de se conformer totalement aux résolutions et principes internationaux et de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Irak, le Gouvernement Tunisien appelle le gouvernement turc à n pas s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Irak et à s'abstenir de tout ce qui pourrait porter atteinte à l'intégrité de son territoire et sa souveraineté ».59(*)

    CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

    Lorsque Ismaïl Cem compare la Tunisie à la Turquie, il les considère comme « le paradis du modernisme » car [les] deux pays font figure de modèle dans la vaste région méditerranéenne et islamique ».60(*) Ce témoignage montre clairement que les transformations politiques, économiques et sociales que connurent les deux pays au XXe siècle ne firent que les rapprocher. En effet, dès que l'occasion se présente, les deux pays affichent une certaine convergence de leurs points de vue relatifs aux problèmes régionaux et internationaux. Les visites officielles entre les deux pays ont permis non seulement d'examiner de nouvelles formes et perspectives d'échanges commerciaux, mais aussi de dégager un bilan de leur coopération. De plus, nous avons recensé à maintes reprises des manifestations de solidarité comme à l'occasion des inondations ayant frappé la Tunisie en 1989 ou le séisme en Turquie en 2001.

    Un autre facteur qui les différencie des autres pays musulmans, entre autres l'Egypte et l'Algérie, mais qui les rapproche, consiste à leur réussite à éradiquer les mouvements islamistes extrémistes. Malgré le caractère peu pesant de la religion musulmane dans leurs politiques respectives et leur appartenance symbolique à l'OCI, les deux pays se montrent soucieux de l'avenir de la communauté islamique, du moins dans leurs déclarations officielles. Notons à ce propos que le discours islamiste de Necmettin Erbakan, chef du Parti Refah qui a remporté les législatives de 1995 était une révélation politique. Ce qui a suscité des réserves surtout de la part de la Tunisie où toute revendication de ce genre est bannie. En effet Erbakan voulait donner à la Turquie le rôle de leader dans le monde islamique.

    Dans l'ensemble, les relations politiques entre la Turquie et la Tunisie continuent à s'effectuer dans un cadre d'amitié. Durant les années 1957-1987, Bourguiba, alors président de la république tunisienne et grand amateur d'Atatürk, a essayé d'adopter les réformes réalisées par ce dernier dans tous les domaines avec une vision actualisée et des réponses adéquates aux problèmes propres à la Tunisie. C'est pourquoi, nous pouvons considérer que la période de Bourguiba est une période de mise en place des relations de fraternité et d'amitié entre les deux pays.

    Un autre phénomène qui attire l'attention est l'ouverture des frontières entre les deux pays. Il n'a y a pas de visa pour la mobilité des personnes dans les deux sens. A ce stade, une interrogation s'impose. L'adhésion éventuelle de la Turquie à l'Union européenne contraindra-t-elle Ankara à verrouiller davantage la citadelle européenne ? Seules les années à venir pourront nous en fournir une réponse.

    Mais en matière de relations internationales, les liens historiques et l'entente permanente entre les Etats ne peuvent demeurer dynamiques qu'avec l'instauration d'une coopération économique d'envergure prenant compte des intérêts respectifs de chaque Etat. Alors jusqu'à où la Turquie et la Tunisie peuvent-elles aller loin dans leurs échanges économiques et commerciaux ? C'est ce que nous proposons d'analyser dans la deuxième partie de notre travail.

    DEUXIÈME PARTIE : L'ÉVOLUTION DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES TURCO-TUNISIENNES

    CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES ET COMMERCIAUX (1958-2001)

    Dans ce qui suit, nous ferons une présentation analytique des différents accords bilatéraux qui cadrent les relations commerciales. De même, nous évoquerons les structures complémentaires qui ont contribué à la promotion de ces relations. Il s'agit essentiellement d'associations regroupant certaines personnalités politiques des deux pays qui, à un moment donné, ont cru à la nécessité de promouvoir ces accords par le biais du cadre associatif.

    1. Les accords bilatéraux

    Actuellement, les relations économiques entre les deux pays sont régies par l'Accord de Coopération Commerciale, Economique et Technique, signé à Ankara le 15 juillet 1992. Cependant, il convient de rappeler que cet accord n'est pas le premier de son genre. En effet, deux ans après l'indépendance de la Tunisie, les deux pays ont signé un accord commercial le 17 avril 1958. Lequel réglementait le commerce extérieur entre les deux pays, en déterminant les marchandises échangées, ainsi que les conditions d'import-export entre les deux pays. Le même jour, les deux Etats ont signé un protocole sur la « Nation la plus favorisée ». Ce protocole fixe les modalités d'application des droits de douane. Il réglemente également la mobilité des personnes entre les deux pays.61(*)

    Entre 1967 et 1992, les échanges commerciaux s'effectuaient dans le cadre de L'Accord Commercial, signé le 17 juillet 1967 à Tunis entre les deux gouvernements. Il fut renouvelé par des protocoles additionnels.62(*) L'accord maritime signé le 23 mai 1989, et qui demeure valable jusqu'à présent, est venu compléter l'ensemble des accords commerciaux qui, jusque-là, ont été paraphés entre les deux pays. Il organise et encadre les relations maritimes entre ports turcs et tunisiens, notamment ceux d'Izmir (Turquie), Sfax et Gabès (Tunisie).

    2. Les organismes de coopération

    2.1 La commission économique mixte turco-tunisienne

    Elle est créée en juin 1981 à Ankara en vue de renforcer la coopération économique, industrielle, technique et touristique entre les deux pays. Après sa création, trois accords ont vu le jour : un accord de coopération dans le domaine touristique ; un accord de coopération économique, industrielle et technique ; et, enfin, un protocole additionnel à celui de 1967.

    La première réunion de la commission mixte s'est tenue à Ankara le 2 octobre 1982. Il était prévu que les réunions de la commission se tiennent annuellement dans l'une ou l'autre capitale. Cependant, cette cadence n'a pas été toujours respectée. Ainsi, entre 1982 et 2001, soit 19 ans, nous n'avons enregistré que neuf réunions.63(*). A notre avis, l'absence de réunions à périodicité régulière s'explique par des facteurs conjoncturels ayant affecté l'un et l'autre pays. En effet, pour ce qui concerne la Turquie, le climat politique qui a accompagné l'arrivée au pouvoir, en décembre 1995, d'une coalition gouvernementale dirigée par le Parti Refah n'a pas été propice au développement des projets communs. Les réserves observées par le gouvernement tunisien à l'égard d'un parti islamiste au pouvoir n'ont pas contribué à consolider les relations bilatérales. Quant à la Tunisie, elle a été préoccupée, pendant les années 90, par une série de réformes structurelles visant à adapter ses paramètres économiques au système européen, dans la perspective de l'accord d'association avec l'Union européenne.64(*)

    Enfin, signalons que les réunions de cette commission permettaient non seulement la promotion de projets bilatéraux mais d'autres projets en association avec d'autres pays tiers. A titre d'exemple, nous pouvons citer la mise en place, le 1er juin 1988, d'un projet de production et de traitement d'engrais chimiques en collaboration avec le Koweït.

    2.2 La commission inter-gouvernementale permanente

    En 1989, les deux gouvernements ont signé un accord relatif à la création d'une commission inter-gouvernementale permanente. A l'issue de sa première session, le 15 et 16 novembre 1990, cette commission a approuvé un système de lignes de crédit pour le financement des exportations turques en Tunisie. Le principal bénéficiaire de ce système étant Eximbank qui cherchait à s'implanter en Tunisie65(*).

    2.3 Le conseil d'affaires turco-tunisien

    Le Conseil d'affaires tuniso-turc a été créé le 23 mars 1989. L'objectif en est la promotion des relations bilatérales dans les domaines économique, financier, commercial et artisanal, ainsi que le soutien des entreprises turques ou tunisiennes voulant se développer dans d'autres pays du Sud. Le conseil est venu remplacer « le Comité de la coopération économique », fondé le 17 septembre 1987.66(*)

    2.4 IGEME et le CEPEX67(*)

    Centres de promotion des exportations des deux pays respectifs, ils s'efforcent d'intensifier les échanges bilatéraux en insistant sur le rôle majeur que peuvent jouer les hommes d'affaires des deux pays dans la création des projets communs. Les deux organismes sont à l'origine de l'organisation des journées de partenariat turco-tunisiennes.. C'est dans cette perspective que le CEPEX a pris la décision, en juillet 1998, d'ouvrir à Istanbul un bureau pour mieux faire connaître les produits tunisiens et favoriser leur écoulement sur le marché turc. Les deux organismes ont signé un accord de coopération à Ankara le 22 mars 2001. Un autre accord est signé entre l'ATCT et la TKA (Direction de coopération et de développement turque).68(*)

    2.5 La commission mixte de réflexion et d'action

    Conscients de la faiblesse des échanges bilatéraux, et aspirant à développer davantage les potentialités économiques des deux pays, Tunis et Ankara décidèrent, en mars 2000, de créer cette commission. Son rôle principal est de soutenir les initiatives des entrepreneurs turcs et tunisiens et définir les moyens de promotion de la coopération bilatérale.

    CHAPITRE II LES RELATIONS COMMERCIALES OU SYMPTÔME DE STAGNATION

    1. Evolution des échanges commerciaux

    Analysant les relations économiques arabo-turques, Boutros-Antoine Labaki conclut que ces relations sont conditionnées par des facteurs autres qu'économiques. Il insiste sur le rôle que jouent les facteurs historique, culturel, politique et religieux ainsi que la conjoncture internationale69(*).

    Les relations économiques entre la Tunisie et la Turquie n'échappent pas à cette règle, notamment suite aux mutations de l'économie mondiale - la mondialisation - et la naissance d'une politique méditerranéenne de l'Union Européenne. En effet, au cours des années 60, les échanges étaient quasi-inexistants entre Tunis et Ankara. En 1959, les exportations turques vers la Tunisie étaient de 644 000 dollars. Elle importait de la Tunisie des produits miniers à 252 000 dollars.70(*)

    En 1961, les importations turques en provenance de la Tunisie ne représentaient que 0,02% de l'ensemble des importations de la Turquie. Dix ans plus tard, c'est-à-dire en 1971, elles ont atteint - difficilement - le seuil de 0,10%. En revanche, pour la même période, la part de la Tunisie des exportations turques est passée de 0,32% à 0,09% de l'ensemble des exportations turques vers l'extérieur, enregistrant ainsi une baisse sensible. Cependant, il importe de signaler que les échanges entre les deux pays ont connu une nette amélioration entre 1965 et 1968. A notre avis, cette amélioration de courte durée est due à la visite présidentielle de Bourguiba en Turquie en mars 1965 (Voir tableau I).

    Tableau I : Importations et exportations turques avec la Tunisie

    1961-1971*

    [* Les chiffres en gras représentent le seuil maximum d'échanges commerciaux entre les deux pays entre 1961 et 1971]

    Année

    Importations

    ($)

    Exportations

    ($)

    Part du commerce extérieur

    (%)

    1961

    1962

    1963

    1964

    1965

    1966

    1967

    1968

    1969

    1970

    1971

    104.985

    407.205

    322.277

    169.818

    2.982.112

    891.375

    5.068.259

    4.748.496

    63.009

    890.221

    1.381.389

    1.120.691

    478.316

    333.557

    228.652

    138.741

    69.188

    90.714

    98.285

    650.571

    615.502

    588.669

    0,14

    0,09

    0,06

    0,04

    0,30

    0,08

    0,43

    0,38

    0,05

    0,10

    0,11

    Source : IGEME, Bulletin d'information n°45, octobre 1972.

    L'examen de ce tableau montre clairement que le volume d'échanges entre les deux pays demeure faible. Dans les meilleurs cas, il ne dépasse pas 0,5% (en 1967) de l'ensemble des échanges entre la Turquie et la Tunisie. Cette faiblesse trouve son explication dans deux raisons majeures d'ordre politique et historique. D'abord, il convient de rappeler le rôle central que joue l'Etat dans l'un et l'autre pays. A l'exemple de la plupart des pays en voie de développement, la planification de l'économie nationale dans l'un et l'autre pays relevait des compétences des entreprises et des organismes publics. Pour ce qui concerne la Tunisie, l'Etat tunisien s'est mis au lendemain de l'indépendance à redresser une économie post-coloniale décadente privilégiant la France comme partenaire économique majeur.

    Ensuite, il ne faut pas perdre de vue certaines réserves de la part de la Turquie envers les pays récemment indépendants. En effet, la Tunisie venait d'obtenir son indépendance alors que la Turquie avait déjà une longue expérience dans la construction nationale et le développement industriel et économique depuis les années 20. Par conséquent, elle se considérait comme un pays distinct -économiquement et socialement parlant - du reste des pays du Tiers-monde.

    La fin des années 70 marque le début d'une nouvelle ère dans les relations turco-tunisiennes avec la prise de conscience d'Ankara des atouts qu'offre le dialogue avec Tunis. De même, la Tunisie a amorcé une politique d'ouverture vers l'extérieur en encourageant les investissements étrangers et en diversifiant les échanges avec les autres pays71(*). Mais cette optimisme affiché de part et d'autre ne dépassait pas à l'époque le cadre diplomatique. Car le bilan des échanges a demeuré modeste entre les deux pays.

    Pour ce qui concerne la politique économique turque dans les années 70, force est de constater que la conjoncture économique internationale engendrée par le premier choc pétrolier, a profondément affecté l'économie turque. En effet, la Turquie a vu ses exportations stagner et s'est montrée incapable de faire face à la crise de paiements engendrée par la hausse brutale du prix du pétrole. En réponse à cette situation inattendue, les autorités turques ont adopté une politique de substitution aux importations (PSI). Mais cette politique n'a pas atteint ses objectifs majeurs, dans la mesure où à la fin des années 70 l'économie turque a perdu de sa compétitivité. Ce qui a poussé le gouvernement turc à engager un processus de réformes économiques. L'ouverture vers l'extérieur a figuré parmi les objectifs à atteindre.

    A l'initiative de certaines personnalités politiques des deux côtés, les échanges turco-tunisiens allaient s'améliorer au cours des années 80 pour atteindre leur apogée pendant les années 90. Ainsi, le premier ministre turc de l'époque, Özal, « [ n'a pas ménagé] son énergie, multipliant les visites à l'extérieur et les invitations de responsables étranger dans le but clairement affiché de signer des contrats économiques. »72(*) C'est dans ce contexte même que s'inscrit sa visite en Tunisie en 1989.73(*)

    Cependant, comparés aux échanges turco-libyens, les échanges turco-tunisiens ont demeuré loin des objectifs affichés. A titre de comparaison, en 1980, les exportations turques vers la Tunisie ne dépassaient pas 13,2 millions de dollars, alors que pour la même année, les exportations turques vers la Libye étaient cinq fois plus intenses (60,32 millions de dollars). De même, le volume des importations turques en provenance de la Tunisie était 43 fois plus petit (18,55 millions de dollars) celui en provenance de la Libye (778, 37 millions de dollars) (voir tableaux IIa et IIb).

    Ce déséquilibre au niveau des échanges entre, d'une part, Ankara et Tunis et d'autre part, Ankara et Tripoli s'explique par :

    · D'abord, contrairement à la Libye, la Tunisie n'est pas dotée de richesses naturelles. La Turquie importe de la Libye les hydrocarbures et y exporte des produits manufacturés Depuis la découverte des richesses pétrolières et l'arrivée de Kadhafi au pouvoir, ce pays est devenu une destination privilégiée pour les investisseurs et les travailleurs turcs.

    · Ensuite, les choix économiques tunisiens sont pro-occidentaux dans la mesure où la Tunisie a toujours privilégié les échanges avec l'Union européenne et les Etats-Unis. De surcroît, ses échanges avec la Turquie ne sont pas prioritaires.

    Tableaux IIa : Exportations turques vers la Libye et la Tunisie (1980-1988)

    (en millions de $)

    Année

    1980

    1981

    1982

    1983

    1984

    1985

    1986

    1987

    1988

    Libye

    60.32

    441.55

    234.60

    184.29

    141.03

    58.84

    135.76

    140.66

    218.14

    Tunisie

    13.2

    15.01

    24.37

    30.47

    10.91

    15.77

    62.13

    44.78

    39.76

    Source : OCI, le commerce inter-islamique, rapports annuels (1980-1988)

    Tableau IIb : Importations turques en provenance de la Libye et de la Tunisie (1980-1988) (en millions de $)

    Année

    1980

    1981

    1982

    1983

    1984

    1985

    1986

    1987

    1988

    Libye

    777.37

    789.43

    789.62

    793.36

    660.89

    620.81

    292.24

    304.74

    78.89

    Tunisie

    18.55

    30.9

    17.67

    39.40

    55.03

    21.22

    29.00

    52.20

    39.15

    Source : OCI, le commerce inter-islamique, rapports annuels (1980-1988)

    A partir de 1998, le volume des échanges entre la Tunisie et la Turquie a enregistré une forte augmentation. Il est passé de 42,4 millions de dollars en 1986 à 413 millions de dollars en 1998, soit une augmentation de près de 1000 %, avec une hausse remarquable entre 1992 à 1998 (voir tableau III). Le facteur spécifique qui a contribué à ce développement inattendu des échanges entre les deux pays, est l'embargo aérien imposé à la Libye par la communauté internationale à partir de 1992. En effet, les marchandises à destination de la Libye devaient obligatoirement transiter - par voie aérienne - par les aéroports tunisiens ou égyptiens. L'aéroport tunisien de Djerba, étant situé non loin des frontières tuniso-libyennes, a vu son trafic s'accroître en rapport avec les sanctions imposées au voisin libyen. Ainsi, la Tunisie est devenue un pays de transit pour les produits turcs à destination de la Libye. C'est ce qui explique, en partie, l'augmentation significative du volume d'échanges entre Ankara et Tunis pendant une bonne partie des années 90. Cette conjoncture favorable aux deux pays a été relayée par une politique d'ouverture engagée par les autorités turques, dont l'objectif majeur était l'intensification des exportations.74(*)

    Tableau III : Exportations et importations turques avec la Tunisie entre 1986 et 2001

    Année

    Exportations

    (M $)

    Importations

    (M $)

    Volume global

    (M $)

    1986

    13,6

    28,9

    42,4

    1987

    11,5

    52,2

    63,7

    1988

    62,1

    39,1

    101,3

    1989

    44,8

    14,2

    59,0

    1990

    39,8

    29,6

    69,4

    1991

    53,7

    20,7

    74,3

    1992

    48,5

    30,8

    79,3

    1993

    55,5

    61,9

    117,4

    1984

    74,3

    50,7

    125,0

    1995

    79,3

    46,3

    125,7

    1996

    94,4

    49,9

    144,3

    1997

    20,0

    59,9

    179,9

    1998

    350,0

    63,1

    413,1

    1999

    238,4

    66,6

    305,0

    2000

    161,6

    64,8

    226,5

    2001

    143

    65,3

    208,7

    Source : Statistiques du ministère du commerce extérieur tunisien.

    En revanche, le volume des échanges va enregistrer en 1999 une baisse considérable de 26,2% (graphique1).

    Graphique 1

    Source : Rapport de l'Attaché commercial de Turquie à Tunis, Ambassade de Turquie.75(*)

    Cette baisse s'explique par deux facteurs qui ne sont pas les moindres. D'abord la levée partielle, en décembre 1999, des sanctions imposées à la Libye. Ensuite, vient la mise en application, dès mars 1998, d'un accord d'Association entre la Tunisie et l'Union européenne visant à établir une zone de libre-échange prévue au terme de 12 années. En effet, depuis 1996, la Tunisie a lancé un démantèlement tarifaire anticipé vis-à-vis des produits en provenance de l'Union européenne. Ce démantèlement a permis d'accélérer l'intégration commerciale dans le marché européen : 80 % des exportations de la Tunisie sont destinées à l'Union Européenne et 71 % des importations de la Tunisie proviennent du même espace. De même, la Tunisie a également conclu des accords de libre-échange bilatéraux avec le Maroc, la Jordanie et l'Egypte.

    Cette influence grandissante de l'Europe ne date pas d'aujourd'hui. Elle remonte au début des années 70 avec la naissance au sein de l'Europe d'une « politique méditerranéenne ». Elle consiste en la signature d'une série d'accords avec les pays non européens. La Tunisie a été le premier pays de la rive sud de la Méditerranée à conclure un accord d'association avec l'Union Européenne. De surcroît, les produits européens n'ont cessé de gagner le marché tunisien. Les produits turcs se trouvent ainsi fortement concurrencés, d'autant plus que le consommateur tunisien a toujours tendance à privilégier tout ce qui sortait des usines de l'Occident.

    Dans le souci de sauvegarder ses intérêts en Tunisie, la Turquie a multiplié les efforts pour créer de nouveaux créneaux de coopération commerciale. Désormais, la Tunisie constitue un marché où la demande s'accroît au fil des années. Cependant, en dépit de tous les efforts consentis pour améliorer le volume des échanges entre les deux pays, les chiffres qui suivent montrent que les résultats demeurent en-deçà des objectifs escomptés.

    Tableau IV : Part des exportations et des importations entre la Turquie et la Tunisie en 2000

     

    Turquie

    Tunisie

    Exportations (%)

    0,59

    1,8

    Importations (%)

    0,12

    0,9

    Source : Statistiques du Ministère tunisien du commerce extérieur (2000)

    .

    2. Contenu des échanges commerciaux

    2.1 Les exportations turques vers la Tunisie

    La Tunisie importe de la Turquie essentiellement des biens de consommation, tels l'électroménager et le coton, des produits agroalimentaires comme les fruits secs, et des biens d'équipement (voir graphique 2).76(*) Signalons au passage que la liste des produits importés en provenance de la Turquie est peu diversifiée, elle est restée inchangé des années durant.77(*)

    En 2001, le principal produit turc importé par la Tunisie fut les céréales (37%), suivis par le tabac (8,7%), les produits métallurgiques (7,7%), alors qu'en 1996.78(*) (Voir graphique 2)

    Graphique 2

    Source : selon les statistiques du Ministère tunisien du commerce extérieur (2001)

    2.2 Les exportations tunisiennes vers la Turquie

    Les exportations tunisiennes à destination de la Turquie sont essentiellement composées de matières premières ou de produits semi-manufacturées, tels que le phosphate, l'acide phosphorique, l'aluminium, les peaux de mouton, la pâte à papier industriel et les câbles électriques, etc. La part des acides phosphoriques, principale production tunisienne d'origine minière, a atteint en 2001 75% de l'ensemble des exportations tunisiennes vers la Turquie. Par ce taux exceptionnel, la Turquie est devenue le premier client de la Tunisie pour les produits chimiques, les phosphates et dérivés (voir graphique 3).

    Graphique 3

    Source : Graphique établi à partir des statistiques de IGEME 2001.

    3. La présence économique turque en Tunisie

    La présence économique turque en Tunisie remonte au début des années 80. En effet, certaines entreprises turques spécialisées en matière de construction et de bâtiment ont pu remporter des appels d'offres lancés par les autorités tunisiennes.79(*) L'exemple le plus connu est celui de l'entreprise Sezaci Turke° Feyzi Akkaya Construction CO (S.T.FA) laquelle est devenue, pendant les années 80, fortement présente en Afrique et au Moyen-Orient. Ainsi en 1989, elle a effectué les travaux d'aménagement du port commercial de Gabès.80(*)

    3.1. L'émergence des sociétés à capital mixte

    Au cours des années 90, nous assistons à la naissance de projets dont les capitaux sont fournis par des entrepreneurs de l'un et de l'autre pays. Le principal groupe turc implanté en Tunisie dans ce cadre là est ESEN/ Zeytinoðlu, spécialisé dans la verrerie et les textiles. Il y a aussi la firme Polisan-Tunisie, spécialiste dans la colle industrielle.81(*) Quant à la société TUNIPEN, fabriquant de fenêtres et de portes, elle a commencé à produire depuis 1996.82(*) Le groupe turc d'électroménager Arçelik est devenu parmi les marques les plus vendues sur le territoire tunisien. Il était pendant longtemps parmi les principaux fournisseurs de la société tunisienne de distribution d'électroménager BATAM83(*) avant que celle-ci ne disparaisse en 2002.

    Les entreprises à capital mixte s'implantent dans des villes industrielles et portuaires comme Sfax où on trouve une usine turco-tunisienne qui fournit les armées tunisienne et turque en uniformes et en parachutes militaires. Cette émergence des firmes constitue un moyen efficace pour inciter les banques turques à suivre leurs clients et s'implanter en Tunisie. C'est dans ce contexte même qu'il y a eu, depuis 1991, des projets de coopération entre les banques des deux pays.84(*) La principale banque turque est Eximbank. Elle a tissé des liens avec les banques commerciales tunisiennes à l'exemple la Banque Internationale de Tunisie, la Banque Nationale Agricole et la Société Tunisienne de Banque.85(*)

    3.2 Autres firmes

    Le marché tunisien attire de plus en plus les firmes turques spécialisées surtout dans le domaine des services. Elles assurent des études de marché et d'information administrative, non seulement pour les investisseurs turcs et tunisiens mais aussi pour le compte de différentes firmes internationales.86(*)

    3.3 les investissements turcs en Tunisie

    Hormis ces échanges, on assiste à des flux d'investissements turcs en Tunisie surtout dans le domaine de la construction des hôtels dans les zones touristiques les plus fréquentées comme à Hammamet.87(*) Cette nouvelle vague d'investissements s'explique par les possibilités qu'offre le paysage économique tunisien. Les déclarations de Kemal Dervi°, ex-ministre de l'économie turque, lors d'une conférence organisée par la Banque Mondiale en octobre 1996, sur le thème « partenaires publics et privés en infrastructures au Moyen-Orient et en Afrique du Nord » confirment cette idée. Il a déclaré qu'en Turquie, on ne cache pas l'intérêt que suscite la Tunisie, un pays où règnent stabilité, sécurité et paix. Une terre où il fait bon vivre et où les opportunités d'investissement sont nombreuses, confortés par les avantages appréciables qui y sont accordés.88(*)

    Les projets réalisés en Tunisie par les entreprises turques sont au nombre de treize totalisant un investissement de près de 12 millions de dinars et employant 1235 personnes dans les secteurs de l'industrie chimique, de la mécanique, de l'éclairage automobile, de l'électroménager et des textiles.

    4. La coopération en matière de tourisme

    Les relations touristiques bilatérales sont régies par l'accord de coopération signé en septembre 1981. Le tourisme entre les deux pays reste un fait marginal. Les Turcs qui visitent la Tunisie sont rares. Les responsables turcs expliquent ce phénomène par le manque d'informations. Ils ignorent les possibilités d'accueil, des structures touristiques et de la compétitivité des prix en Tunisie. Le nombre de touristes turcs a atteint en 1995 16 000 touristes alors qu'il n'a pas dépassé 4 000 en 1990. Pour les Tunisiens, la Turquie constitue une destination préférée. Ils sont séduits par les articles turcs à prix abordables. Le gouvernement turc, comme l'a déclaré le sous-secrétaire du ministère de la culture et du tourisme, considère que le shopping est l'une des sources de rentrées de devises pour l'Etat. Aujourd'hui, le « commerce de valises » surtout des femmes tunisiennes est en pleine expansion et devient un fait réel. Pour éviter une taxation à 100 % des articles importés de la Turquie dans le cadre de ce commerce de valises, certains commerçants prennent en charge les frais de voyage d'un certain nombre de personnes ; les articles achetés se trouvent ainsi portés par plusieurs personnes, ce qui n'attire pas l'attention des douaniers. Cependant, ce commerce n'est pas comptabilisé dans les comptes de l'Etat parce que les marchandises ne sont pas déclarés à la douane. Il importe à ce stade de rappeler que l'ouverture des frontières entre les deux pays facilite la mobilité des personnes en l'absence des contraintes de formalités administratives, notamment le visa.

    CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

    La coopération entre les deux pays est multiforme. Elle s'appuie sur une trentaine d'accords bilatéraux notamment dans les domaines économique, technologique, commercial, financier, douanier et touristique. Or, l'examen de l'évolution et le contenu des échanges économiques et commerciaux entre les deux pays nous amène à nous interroger sur la solidité et surtout la durabilité d'une telle coopération. Bien que les échanges se fassent dans le cadre des accords bilatéraux, les relations économique et commerciale restent en-dessous des potentiels des deux pays. Ces accords officiels ne peuvent pas résoudre les problèmes structurels qui empêchent ces relations de se développer davantage. Il s'agit des choix économiques de l'un et de l'autre pays, tournés essentiellement vers la coopération avec l'Occident, notamment l'Union européenne. Loin de la panoplie des chiffres, le contenu de ces échanges reste limité aux matières premières et biens de consommation. Ce qui fait que ces échanges demeurent marginaux dans le commerce global des deux pays. Cependant, signalons que bien que le volume des échanges soit faible, la balance commerciale est relativement équilibrée entre les deux pays.

    TROISIÈME PARTIE : ETUDE DES RELATIONS CULTURELLES, TURQUIE-TUNISIE, UNE COOPÉRATION MANQUÉE

    INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES RELATIONS CULTURELLES TURCO-TUNISIENNES

    D'une manière générale, on admet que la teneur des échanges culturels entre deux pays ou aires culturelles différentes reflète l'intensité des rapports bilatéraux. Pour ce qui concerne la Tunisie et la Turquie, il va sans dire qu'il existe entre les deux pays des liens historiques communs qui devraient en principe contribuer au dynamisme des relations bilatérales. A ces liens s'ajoutent la similitude des positions géographiques et la convergence des approches sur la modernisation des deux pays. En effet, de par leur position géographique et leurs objectifs économiques et sociaux, les deux pays servent de pont entre plusieurs aires géographiques et culturelles. La Turquie sert d'une vrai passerelle qu'on peut qualifier de géo-culturelle entre le Moyen-Orient et l'Europe. Quant à la Tunisie, elle est la terre où se rencontrent des influences en provenance de trois ensembles : le monde arabe, l'Afrique et l'Europe. Tous ces facteurs créent un cadre propice permettant aux deux pays de coopérer et d'oeuvrer ensemble, tant sur le plan bilatéral que sur le plan multilatéral.

    Il est aujourd'hui admis que dans le domaine d'échanges culturels entre Etats et groupements linguistiques, la diffusion, à l'étranger, de la culture d'un pays quelconque doit s'effectuer par le biais de la langue nationale. Or, ni la Tunisie ni la Turquie n'entrent dans le cadre de cette approche. En effet, la politique d'Ankara en la matière privilégie la diffusion de la langue turque dans les pays à dominante turcophone, en Asie centrale, surtout après l'effondrement de l'URSS89(*). De même, la langue turque n'est pas une langue employée ni dans le commerce ni dans la diplomatie ; elle intéresse peu de Tunisiens.90(*) En effet, hormis un certain nombre de spécialistes de l'histoire ottomane et les quelques étudiants envoyés par le gouvernement tunisien pour apprendre -en France ! - le turc, les Tunisiens ne sont pas du tout attirés par cette langue. A l'Institut Bourguiba des Langues Vivantes (Tunis), les étudiants tunisiens optant pour l'apprentissage de la langue turque se comptent sur les doigts. Certains personnels administratifs de cet établissement nous ont confié que la plupart des étudiants qui choisissent d'apprendre le turc le font souvent par opportunisme, car ils savent qu'ils vont profiter d'un séjour -de courte durée- en Turquie. Ces étudiants bénéficient en effet à l'issue de la première année de formation d'un séjour linguistique à l'Institut Tömer à Istanbul.

    Par ailleurs, il va sans dire que la Tunisie est loin d'être un centre polarisant l'enseignement de la langue et de la littérature arabes. Souvent, les étudiants étrangers -y compris ceux de la Turquie - désireux d'apprendre l'arabe partent dans d'autres pays arabes, notamment en Egypte et en Syrie, berceaux historiques de l'éclosion de la littérature arabe classique dont le patrimoine écrit nous est parvenu. En effet, les étudiants turcs qui partent dans ces pays sont essentiellement des théologiens dont les préoccupations politique, économique et culturelle leurs sont étrangères. Ainsi, toute tentative de rapprochement culturel entre la Turquie et la Tunisie se heurte-t-elle, d'emblée, à l'obstacle de la langue de communication. Cependant, d'autres vecteurs, souvent occasionnels mais périodiques, assurent le dialogue entre les deux pays. Il s'agit principalement des manifestations culturelles, organisées ici et là dans l'un ou l'autre pays, des compétitions sportives et, enfin, des échanges universitaires et artistiques.

    CHAPITRE I : LES MANIFESTATIONS CULTURELLES

    1. L'Association d'amitié Turquie-Tunisie

    L'Association Turquie-Tunisie fut fondée à Tunis en juin 1984 sous le haut patronage de Hédi Baccouche, premier ministre de l'époque. Elle regroupait des personnalités des mondes politique et économique des deux pays. Son objectif majeur était la promotion des relations bilatérales. Les gouvernements turc et tunisien estimaient que cette initiative marquerait un nouveau rebondissement dans le développement des relations bilatérales et du rapprochement des deux peuples.91(*)

    De par un certain nombre d'activités, cette association est devenue pendant les années 80 un vecteur dynamique de la coopération entre les deux pays.92(*) Ainsi a-t-elle créé la Chambre économique tuniso-turque dont l'objectif était de développer les liens économiques. Avant l'instauration d'un programme officiel d'échange de bourses d'études, l'Association Turquie-Tunisie intervenait pour octroyer des bourses d'études au profit d'un certain nombre d'étudiants turcs et tunisiens se rendant respectivement en Tunisie pour apprendre l'arabe à l'Institut Bourguiba des Langues Vivantes ou dans le cadre d'un séjour de recherches, et en Turquie pour apprendre le turc ou pour poursuivre un cursus classique.

    Soucieux de rendre la coopération plus concrète et plus opérationnelle, les responsables ont opté pour la diversification des champs d'actions de l'Association Turquie-Tunisie par l'organisation de journées thématiques. Pour les représentants des monde politique, économique, culturel ou celui de la presse, ces manifestations sont un cadre propice pour établir des contacts et nouer des liens de travail et d'amitié. En complément à ces journées thématiques, l'Association a mis en place pour ses membres et leurs proches un système de voyages à vocation culturelle et touristique.

    Les activités de l'Association couvrait aussi le monde scientifique et universitaire. En effet, l'association participait aux échanges en la matière, en invitant des spécialistes d'histoire et de sociologie des deux pays. A titre d'exemple, elle a invité Orhan Koloðlu93(*) qui a donné le 22 février 1987 une conférence à la maison de culture Ibn-Khaldoun (Tunis) sur les « Jeunes Turcs ».

    Cependant, il se trouve que le rôle de cette association n'a cessé de s'amenuiser pendant les années 90. L'Association se fait de plus en plus absente sur la scène politique, économique et culturelle. Faute d'accès à ses archives ou de pouvoir rencontrer ses responsables, des sources diplomatiques nous ont informée que l'Association n'est plus opérationnelle et qu'elle souffre d'un manque cruel de financement.94(*) L'Association est devenue l'ombre d'elle-même. Le fait qu'elle ait regroupé des personnalités issues directement du monde politique ou celui des affaires ne lui a servi d'aucun secours. Ainsi, peut-on citer des noms connus, tels que son fondateur Hédi Baccouche, ancien premier ministre tunisien, et Madame Özal qui l'a dirigée à l'époque où son mari était premier ministre en Turquie.

    2. Les semaines culturelles

    D'une manière générale, l'organisation d'une semaine culturelle se décide à l'occasion d'une visite présidentielle ou d'un déplacement dans l'un ou l'autre pays du ministre de la culture. Ces semaines ont connu un grand succès et attiré un large public. La semaine culturelle tunisienne organisée à Ankara du 20 au 27 janvier 1988 en est l'exemple type. Elle a été sponsorisée par l'Office National Tunisien du Tourisme, Tunis Air, l'ambassade de Tunisie en Turquie et certains hôtels turcs et tunisiens. Trois cents invités issus de tous les milieux socioprofessionnels ont assisté à son inauguration. Entre 1982 et 1988, les semaines culturelles tunisiennes se sont succédé. Chaque manifestation était l'occasion pour les deux parties pour montrer que « l'organisation de cette semaine marque un tournant décisif dans l'évolution des relations tuniso-turques et contribuera au resserrement de leur amitié séculaire. »95(*) En effet, « La culture joue un rôle en tant qu'élément de communication et de compréhension mutuelle entre les peuples et d'établissement des liens entre les nations. La Tunisie [ne peut épargner] aucun effort pour donner une nouvelle impulsion à la coopération entre les deux pays et plus particulièrement dans le domaine culturel. »96(*) Le principal objectif est de faire connaître la Turquie au public tunisien et vice-versa, en vue de promouvoir leurs produits culturels respectifs : art, artisanat, musique, cinéma, cuisine, habits traditionnel, etc. Et par conséquent, renforcer les flux touristiques entre les deux pays.

    La culture est aussi au service de la politique et de l'économie. Ainsi, peut-on noter que la semaine culturelle tunisienne en Turquie la plus récente elle celle qui s'est tenue lors de la visite présidentielle de Ben Ali en mars 2001. Elle eut pour devise l'«Evolution de la condition de la femme en Tunisie». La cérémonie a été inaugurée par un défilé d'habits traditionnels et d'une exposition de documents illustrant l'évolution de la situation de la femme tunisienne depuis l'indépendance. Le film « Le silence des palais»97(*), a été projeté en présence de sa réalisatrice tunisienne.

    En revanche, du côté turc, au cours de nos recherches, nous n'avons recensé qu'une semaine culturelle turque en Tunisie dans les années 80. Elle fut organisée par l'Association d'amitié Turquie-Tunisie. Son but était de promouvoir les relations d'amitié unissant les deux peuples. Parmi les activités enregistrées pendant cette manifestation, figurait entre autres des galas de musique animés par des cantatrices turques ; la troupe des arts populaires de la ville de Kars (Département d'Ardahan) ; la projection à Tunis et à Monastir de cinq films turcs98(*).

    La présence de la communauté turque en Tunisie se limite essentiellement aux missions diplomatiques et commerciales.99(*)

    Par ailleurs, les deux pays ont tenté de créer une chambre culturelle qui aurait pour mission l'étude de la civilisation turque et son influence sur l'histoire de la Tunisie, et la conception d'un programme de jumelage entre villes turques et tunisiennes. Mais cette chambre n'a jamais pu voir le jour.

    3. Les activités artistiques

    Les activités artistiques (cinéma, musique, peinture, etc.) et les échanges inter-associatifs ou entre fédérations sportives témoignent de l'existence de liens étroits entre les deux peuples. Car ce type de manifestations émane souvent de l'initiative d'individus indépendamment de la volonté des hommes politiques. Il est vrai que l'expression artistique dans les deux pays, surtout dans les domaines de la musique et la peinture, présentent certaines similitudes ce qui rend la communication plus aisée entre professionnels du domaine.

    La musique est devenue de plus en plus présente dans les échanges officiels ou privés entre les deux pays. Des groupes musicaux participent de part et d'autre dans les célébrations des fêtes nationales. Ainsi, la troupe des janissaires « Yeni çeri » a été invitée à Tunis à l'occasion de la célébration du 5ème anniversaire (7 novembre 1992) d'accession de Ben Ali au pouvoir. Le club musical de la commune de Ben Arous, dans la banlieue de Tunis, a représenté la Tunisie lors de la fête turque de la Souveraineté de l'Enfance le 23 avril 1992. En novembre 1992, le conservatoire national d'Etat de l'université d'Istanbul et de la chaîne TRT a participé à Tunis aux festivités du lancement de la musique dramatique. Anouar Brahem, luthiste tunisien de réputation mondiale a séduit le public turc. En janvier 1997, la troupe d'Etat turc a participé au festival de la Médina à Tunis. Le 17 août 2000, le théâtre romain de Carthage a accueilli Ibrahim Tatlýses, chanteur turc connu du public tunisien. Cette soirée a eu beaucoup de succès. Envoûtés par la danse mélodieuse de la musique arabesque, de nombreux spectateurs interrogés par la télévision tunisienne ont exprimé leur souhait de voir ces soirées se répéter. Les jeunes tunisiens ont appris les paroles des chansons de Tarkan sans les comprendre.

    Pour ce qui concerne le cinéma, les manifestations cinématographiques organisées dans l'un ou l'autre pays constituent une excellente occasion pour découvrir le cinéma turc ou tunisien. Ainsi, à l'occasion des Journées cinématographiques de Carthage100(*) (session de 1994), la Turquie était remarquablement présente avec 8 films -un record ! - dont un, intitulé « Mon enfance », a remporté le grand prix. Quant à la Tunisie, elle a participé en avril 1995 au festival international du film à Istanbul. Le grand prix du jury a été décerné au film «Le silence des palais» que nous avons évoqué plus haut101(*). En juillet 1995, le Club d'Istanbul a été présent au festival du film non professionnel des amateurs de la photographie et de cinématographie à Tunis.

    Le dialogue inter-associatif demeure actif surtout entre les associations féminines, souvent encadrées par les épouses des diplomates. Le 8 mars 1993, journée mondiale de la femme, l'épouse de l'ambassadeur tunisien à Ankara a participé au symposium sur la femme moderne organisée par la Fondation pour le progrès et la reconnaissance de la femme. Le centre tunisien de recherches sur la femme CREDIF (Centre de Recherches d'Etudes de Documentation et d'Information sur la Femme) a participé à la conférence organisée par l'association turque CKD (Cumhuriyet Kadýn Derneði) portant sur « le nouvel ordre mondial : la femme et le fondamentalisme ».

    Dans le domaine de la coopération sportive, des échanges de visites entre encadreurs et sportifs ont eu lieu en 1996. Nous citons à ce propos la participation d'une équipe tunisienne de lutte au tournoi international d'Istanbul. Une équipe tunisienne d'échecs a été quant à elle invitée par les organisateurs du tournoi international d'échecs qui s'est tenue à Instanbul en septembre 1996. Les fédérations turques et tunisiennes entretiennent des échanges actifs d'où la création d'une commission mixte en matière de jeunesse et de sport.

    Les deux pays sont présents dans les différentes manifestations de peinture qui se déroulent en Turquie et en Tunisie. En avril 1991, à l'occasion de l'exposition internationale de la peinture de l'enfant qui s'organise chaque année à Ankara, la Tunisie a participé avec 65 tableaux.102(*) Du côté turc, on note la participation, en 1997, de quatre enfants dans la conférence sur les « Enfants et développement durable en Méditerranée », organisée par le ministère tunisien de l'environnement. Plusieurs autres jeunes turcs ont participé aux concours de dessin dans le cadre de « Tunis, capitale culturelle, couleurs méditerranéennes. »103(*)

    Hédi Turki, peintre tunisien d'origine turque a offert un de ses tableaux au musée d'Ankara. Alors qu'un autre peintre, Najah Mahdaoui, a exposé ses chefs-d'oeuvre à Atakule à Ankara du 1/10/2000 au 20/11/2000. En 2000, le ministre tunisien de la culture, Abdelbaki Elhermessi, a assisté avec son homologue turc à l'exposition tunisienne d'arts plastiques du 3 au 6 janvier 2000 à Ankara.104(*)

    CHAPITRE II : LA COOPÉRATION DANS LES DOMAINES UNIVERSITAIRE ET ÉDUCATIF

    1. Echanges de bourses et d'étudiants

    A partir des années 90, c'est le domaine de l'enseignement et de la formation qui allait faire l'objet de pourparlers et d'accords. En effet, les deux pays sont liés par des accords qui cadrent leur coopération culturelle. Ainsi l'accord signé à Tunis le 25 février 1991 régit un certain nombre d'échanges dans les domaines universitaire et éducatif. Il incite les autorités académiques des deux pays à échanger leurs expériences en matière d'éducation et de jeunesse, et les encourage à soutenir la mobilité des étudiants. Des visites de responsables de part et d'autre se sont succédé. Cela a contribué à une meilleure connaissance entre enseignants, responsables et étudiants.105(*)

    En vertu de cet accord, un système d'échange d'étudiants a été bel et bien institué. Il s'est concrétisé par l'envoi de lauréats du lycée pilote d'Ariana (banlieue de Tunis) pour poursuivre leurs études à l'université de Bilkent, première université privée turque dispensant ses cours entièrement en anglais. La première promotion était composée des 25 étudiants. Selon M. Ibrahim Khouja, ex-ministre tunisien de la communication et l'un des initiateurs du projet, «  il est surtout question de permettre aux étudiants tunisiens de s'asseoir sur le même banc que les lauréats turcs, cadres de la Turquie de demain. Ce qui en définitive, jette les ponts de liens futurs à un très haut niveau. »106(*) Ce responsable donne en effet une dimension plus large à la question des relations turco-tunisiennes. Car en formant des étudiants dans une université turque mais dispensant ses enseignements uniquement en anglais, ce responsable tunisien misait sur le rôle que pourraient jouer cette élite dans un monde qui bouge et qui s'adapte avec les exigences de la mondialisation.

    L'accord de coopération de 1991 institue aussi des échanges de bourses. On distingue alors des boursiers nationaux et des boursiers de coopération. En Turquie, il y a deux types d'étudiants tunisiens : ceux qui sont inscrits à l'université libre de Bilkent où l'enseignement est de très haute qualité ; et ceux qui fréquentent les universités publiques. Qu'il s'agisse des uns ou des autres, le flux d'étudiants tunisiens séjournant en Turquie n'a cessé d'augmenter entre 1993 et 1996. Ainsi en 1993, 15 lauréats sont partis à Ankara pour poursuivre des études scientifiques. Pour la même année, on a recensé 70 étudiants tunisiens à l'université de Bilkent. Mais à partir de 1996, les étudiants tunisiens partent de moins en moins en Turquie à cause des aléas affectant la scène politique turque, notamment l'arrivée au pouvoir, en décembre 1995, d'une coalition islamiste. Ces aléas politiques, bien qu'ils n'aient directement pas touché le étudiants tunisiens désirant étudier en Turquie, ont eu des répercussions néfastes sur les flux d'étudiants inscrits dans les universités turques.107(*) En effet, le changement du gouvernement en Turquie, survenu à l'extrême fin de 1995, eut pour conséquence directe, pour ce qui concerne les relations avec la Tunisie, le gel ou le report de plusieurs projets communs.

    Du côté turc, nous avons relevé qu'il y a peu d'étudiants turcs qui manifestent leur désir de poursuivre leurs études en Tunisie.108(*) Les rares étudiants turcs qui se rendent en Tunisie suivent des cours intensifs d'arabe pendant l'été. Ces cours intéressent surtout des ingénieurs ou des médecins envisageant d'exercer dans un pays arabe, surtout les pays du Golfe.

    Le tableau suivant détaille les différentes bourses octroyées à des étudiants turcs et tunisiens, entre 1991et 1999. L'examen de ce tableau fait apparaître une diminution sensible à partir de 1997.

    Tableau : Coopération universitaire Turquie-Tunisie (1991-1999)

    Année

    Bourses octroyé à des étudiants

    turcs en Tunisie

    Bourses octroyées à des étudiants

    tunisiens en Turquie

    1991

    - Des bourses post-universitaires :

    · 3 bourses pour des études à l'Université Ezzeitouna

    (théologie musulmane)

    · 2 bourses pour des études de Beaux-arts

    · 5 bourses pour l'apprentissage

    de l'arabe à l'Institut Bourguiba

    - 6 bourses turques octroyées à des

    étudiants tunisiens pour étudier la langue et la civilisation turques

    1992

    · 5 bourses de

    recherches universitaires

    · 5 bourses pour apprendre l'arabe

    - Bourses dont 6 pour apprendre le turc

    1993

    · 10 bourses de

    recherches universitaires

    · 5 bourses pour apprendre l'arabe

    · 10 bourses de recherche

    · 5 bourses pour cadres désirant apprendre

    le turc

    1994

    *10 bourses de recherches

    * 10 bourses (autres)

    - 20 bourses pour des études scientifiques

    1995

    10 bourses d'été pour apprendre l'arabe

    -11 bourses pour des études scientifiques

    1996

    · 10 bourses de recherches

    · 10 bourses pour l'apprentissage de l'arabe

    - 11 bourses pour des études scientifiques

    1997

    -10 bourses pour des cours intensifs

    d'arabe

    -5 bourses diverses

    1998

    *4 bourses de 3ème cycle

    * 6 bourses pour des cours d'arabe

    - Néant

    1999

    -1 bourse

    -Néant

    Source : Rapports d'activités de l'Ambassade de Tunisie en Turquie, 1990-1999

    Par ailleurs, nous avons appris lors de notre enquête que des étudiants turcs ont bénéficié d'un certain nombre de bourses accordées dans le cadre d'un accord de coopération passé entre l'université tunisienne de théologie musulmane «Ezeitouna» et le YÖK (Yüksek Öðretim Kurumu).109(*)

    L'accord de 1991 fut remplacé par un protocole de coopération culturelle, signé entre les deux pays suite à la visite qu'a effectuée le ministre tunisien de la culture, Mongi Boussnina, du 20 au 25 janvier 1994. Mais cet accord a été à son tour renouvelé par un autre programme d'échanges culturels pour les années 1998-2000, arrêté lors de la visite présidentielle de M. Demirel en Tunisie le 4 et 5 avril 1998.

    2. Echanges de visites

    Outre l'échange d'étudiants, les responsables universitaires et éducatifs des deux pays ont tissé des liens étroits et entrepris des politiques de rapprochement. Leur détermination de resserrer les liens et d'intensifier la coopération reflète une nouvelle perspective dans les relations culturelles entre les deux pays. C'est dire comment le rôle du milieu universitaire, vecteur et vitrine de la modernité, est très important dans la consolidation des liens entre les deux peuples. En témoigne le fait que lors de sa deuxième visite en Tunisie du 30 avril au 3 mai 1992, le président du Conseil de l'Enseignement Supérieur de Turquie et principal fondateur de l'université de Bilkent, Ihsan Doðromacý, a déclaré que tout en renforçant la coopération Nord-Sud, il faudrait aussi amorcer une coopération Sud-Sud.

    L'importance accordée par les deux pays à la coopération universitaire et scolaire transparaît à travers l'échange de visites officielles entre responsables de l'éducation et de l'enseignement des deux pays. Ainsi, entre 1991 et 1993 nous avons recensé huit visites officielles, y compris celles de ministres, de recteurs d'universités et groupes d'étudiants accompagnés de hauts responsables de l'un ou l'autre pays. En outre, des responsables turcs et tunisiens ont décidé de promouvoir l'enseignement de la langue turque en Tunisie, dispensé désormais à l'Institut Bourguiba des Langues Vivantes (Tunis).

    Néanmoins, malgré tous les efforts consentis de part et d'autre pour créer un dialogue positif dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, un long chemin reste à parcourir avant de bannir de nombreux obstacles tant sur le plan linguistique que sur le plan logistique. En effet, il se trouve que depuis une dizaine d'années environ, les deux pays sont devenus répulsifs même pour leurs propres étudiants. Avec la montée du chômage et la multiplication du nombre d'étudiants, surtout en Tunisie, nombreux sont les étudiants qui rêvent de partir se former en Europe ou en Amérique du Nord. Pour eux, partir étudier dans une université européenne ou nord-américaine c'est garantir une formation de marque et par-delà avoir une chance supplémentaire d'être embauché. Bien que les structures universitaires dans l'un et l'autre pays soient en mesure de dispenser aux jeunes tunisiens et turcs une bonne formation scientifique et professionnelle, le nombre d'étudiants qui acceptent de partir étudier en Turquie ou en Tunisie demeure en-deçà des objectifs escomptés. Du côté tunisien, nous avons recensé 40 étudiants qui, pendant les années 1991 et 1992, ont bénéficié d'une bourse d'étude en Turquie, en vertu de l'accord culturel de 1991. En revanche, pour les étudiants turcs séjournant en Tunisie, certains responsables tunisiens nous ont informée qu'il est arrivé que des bourses n'aient pas été prises et des séjours inaccomplis. La question qui se pose est de savoir si cette répulsion est due essentiellement à des considérations objectives. Les réponses à une telle interrogation sont multiples. D'abord, personne ne peut ignorer que les autorités académiques tunisiennes ou turques se montrent réservées à l'égard des diplômes obtenus dans des universités du Sud. Il arrive parfois qu'elles refusent de délivrer une équivalence à tel diplôme ou tel autre obtenu dans une université arabe ou proche-orientale. Ce qui pousse de nombreux étudiants à chercher à se former plutôt en Occident. Le résultat est décevant. Les échanges culturels entre Ankara et Tunis, à l'exemple des échanges économiques, revêtent un aspect symbolique qui, dans l'état actuel des choses, n'est pas prêt à évoluer.

    3. La coopération dans le domaine des archives

    Les archives des deux pays attirent de plus en plus un certain nombre de chercheurs et d'historiens travaillant sur l'histoire de l'Empire ottoman. En vertu du programme d'échanges culturels pour les années 1998-2000, les deux pays ont institué un système d'échange de techniciens dans le domaine des archives. L'objectif affiché en est de profiter des expériences mutuelles dans la sauvegarde des archives historiques. Selon un diplomate tunisien à Ankara que nous avons rencontré, deux techniciens tunisiens ont reçu une bourse de formation de deux semaines en Turquie. Toutefois, l'ambassade de Tunisie en Turquie ne dispose d'aucune information les concernant.

    4. Bilan de la coopération culturelle

    Le recensement des manifestations culturelles bilatérales qui ont eu lieu dans la dernière décennie nous permet de constater que d'une part, les échanges culturelles entre les deux pays s'inscrivent dans la plupart des cas dans un cadre officiel. Hormis les séjours des étudiants, les semaines culturelles, les spectacles de musique et les expositions artistiques sont souvent organisés à l'occasion d'une visite présidentielle ou ministérielle dans l'un ou l'autre pays. D'autre part, les flux d'échanges ont enregistré un déséquilibre frappant entre les deux pays. Car statistiquement parlant, les manifestations culturelles tunisiennes organisées en Turquie se taillent la part du lion de l'ensemble des manifestations bilatérales, alors que les manifestations culturelles turques en Tunisie se font rares. Les étudiants turcs séjournant en Tunisie se comptent sur les doigts. Puis, il est arrivé de par le passé que des bourses tunisiennes destinées à des étudiants turcs n'ont pas trouvé preneur !.

    Par ailleurs, l'application des accords culturels ne bénéficient d'aucun suivi permanent. Car contrairement aux accords d'ordre politique ou économique, il n'existe aucune structure intergouvernementale qui veille sur la réalisation des projets culturels communs. Comme nous l'avons signalé plus haut, les quelques manifestations culturelles ou universitaires qui ont eu lieu se sont produits dans l'ombre des rencontres politiques ou à l'initiative de certains responsables du monde universitaire.

    Comment expliquer un tel bilan si maigre et décevant ? Les raisons en sont multiples. D'abord, les deux pays, à part la religion, n'ont rien de commun sur le plan culturel. La culture tunisienne est une culture élaborée à travers les siècles sur le substrat de la culture arabe et les traditions musulmanes. Tandis que la culture turque est une culture qui s'est greffée sur un substrat religieux, celui de l'islam. La présence ottomane en Tunisie n'a pas permis un échange culturel entre les deux pays. Exceptés quelques mots turcs qui se sont glissés dans le dialecte tunisien, la langue que parlent aujourd'hui les Tunisiens n'a gardé aucun souvenir de la langue des conquérants ottomans. L'occidentalisation de la société turque, processus engagé depuis les années 20, a profondément marqué la personnalité turque. Et c'est précisément le problème de la langue qui constitue un obstacle infranchissable pour accéder à l'une ou l'autre culture. Ainsi est-il presque impossible de voir, hier comme aujourd'hui, la radio ou la télévision tunisienne diffuser une chanson ou un film turcs.

    CONCLUSION GENERALE

    Voilà donc terminée l'enquête que nous avons menée sur les relations turco-tunisiennes. Il convient à présent d'en dresser le bilan. Certes, il ne saurait être question de résumer ici les différents thèmes que nous avons développés, mais il est utile de rappeler, outre les conclusions majeures, certaines conclusions partielles auxquelles nous nous sommes parvenue à propos de certains points en suspension. Au cours de ce travail, nous avons essayé d'analyser les relations turco-tunisiennes dans leur approche générale. Nous nous sommes efforcée de reconstituer l'historique de ces relations à travers l'ensemble des documents auxquels nous avons pu accéder. Ainsi, l'intérêt de cette étude réside d'abord dans la réunion d'un certain nombre de données et de rapports restés jusqu'ici méconnus.

    Les relations entre les deux pays a connu une évolution qui est fonction à la fois de la conjoncture propre à chaque pays et de la conjoncture internationale. Pour la Turquie des années 50, pays foncièrement tournée vers l'Occident, la Tunisie n'est qu'un pays parmi d'autres du Tiers-Monde. Il ne présentait aucun intérêt sinon de ne pas le compter sur l'échiquier diplomatique de la Turquie. L'influence que le fondateur de la Turquie moderne a exercé sur Bourguiba, premier président de la Tunisie et bâtisseur incontestable d'un Etat moderne, n'est qu'une coïncidence hasardeuse de l'histoire des grands hommes. Certes, pour Bourguiba Atatürk est un modèle à suivre, mais pas aveuglément. D'où les divergences qui caractérisent l'action de l'un et de l'autre.

    Pendant les années 60, les relations entre la Tunisie et la Turquie ont connu une nouvelle tournure. Isolée sur la scène internationale, et affrontant seule la crise chypriote et la menace communiste, la Turquie a senti le besoin de se retourner vers un monde qu'elle avait rompu avec depuis les années 20. La Tunisie disposait alors d'un certain nombre d'atouts qui la qualifiaient de devenir le partenaire maghrébin et arabe privilégié de la Turquie. Les flux commerciaux ont pris corps entre les deux pays. Mais le bilan demeure modeste. La teneur des échanges est faible. Les deux peuples se connaissent mal malgré les déclarations politiques optimistes, les rencontres sportives, musicales et universitaires et la mobilité non moins remarquable des simples citoyens de part et d'autre.

    Dans la dernière décennie, la Tunisie a commencé à attirer des entrepreneurs turcs. En revanche, rares sont les entrepreneurs tunisiens qui s'aventurent en Turquie. L'instabilité gouvernementale dans ce pays, les répercussions du problème irakien depuis 1991 et l'évolution du processus de la mondialisation de l'économie internationale sont autant de facteurs qui n'encouragent guère les hommes d'affaires tunisiens à investir en Turquie.

    Comment explique-t-on ce bilan du reste modeste des relations bilatérales ?

    La Tunisie et la Turquie, deux pays possédant des similitudes tant sur le plan géostratégique que sur le plan social, et appartenant à la fois à la famille méditerranéenne et au groupe du Sud, regardent en effet ensemble et en même temps, côte à côte, vers une seule direction, l'Occident, source de modernisation et modèle à suivre. C'est peut-être cela qui explique que les deux pays s'ignorent mutuellement et peinent à se regarder en face. Dans quelques années, l'adhésion tant attendue de la Turquie dans l'espace européen ne fera qu'empirer le phénomène. Car les Turcs auront fondu, économiquement et socialement, dans le monde de la modernité qu'ils ont toujours espéré. Quant aux Tunisiens, à l'exemple de leurs voisins algérien et marocain, ils auront commencé à faire le bilan de l'accord d'association avec l'Union européenne, mis en application depuis 1998. Les relations entre Ankara et Tunis auront fondu à ce moment là dans une nouvelle perspective : les relations entre les deux rives -du reste contrastées - de la Méditerranée ! ./.

    ANNEXES

    LISTE DES ANNEXES

    I. Copie du premier accord commercial entre la Turquie et la Tunisie, le 17 avril 1958, publié dans le Journal Officiel de la République Tunisienne, le 28 novembre 1958.

    II. Accord commercial et de coopération économique et technique entre le gouvernement de la République de Turquie et le gouvernement de la république tunisienne publié dans Journal Officiel de la République Turque le 24/01/1993.

    III. Liste des visites officielles entre responsables turcs et tunisiens de 1956 jusqu'en 2001.

    IV. Les différents accords qui unissent la Turquie et la Tunisie 1956-2001.

    V. Extraits du discours de Bourguiba lors de sa visite en Turquie en mars 1965.

    VI. Extraits d'une interview de S. Demirel par La presse en 1998.

    VII. Extraits de l'interview du président tunisien Ben Ali à l'Agence de presse « Anatolie » en mars 2001.

    VIII. Dates des réunions de la commission économique mixte : 1982-2002.

    IX. Les firmes turques en Tunisie.

    ANNEXE I

    Accord commercial entre la Turquie et la Tunisie du 17 avril

    1958 (publié dans le Journal Officiel de la République Tunisienne le 28 novembre 1958).

    Il s'agit du premier accord signé entre les deux pays.

    ANNEXE II

    Extraits d'Accord commercial et de coopération économique et technique entre le gouvernement de la République de Turquie et le gouvernement de la République tunisienne

    Journal Officiel de la République Turque

    Le 24/01/1993

    Le gouvernement de la République de Turquie et le gouvernement de la République tunisienne (dénommés ci-après « Parties contractantes »),

    Désireux de renforcer les liens d'amitié existants entre les deux pays,

    Déterminés à promouvoir et à intensifier la coopération dans les domaines commercial, économique et technique entre les deux pays dans les conditions d'égalité et à leur avantage mutuel,

    Convaincus que l'expansion du commerce et de la coopération économique et technique est un élément essentiel d'une stratégie de développement rapide dans leurs pays respectifs ;

    Sont convenus de ce qui suit.

    Article I

    Les Parties contractantes sont convenues d'assister, d'encourager et de faciliter le développement contenu et la diversification des échanges commerciaux, la coopération économiques, entreprises et firmes, dans le cadre des lois, statuts et règlements en vigueur dans leurs pays respectifs.

    Article II

    Aux fins de réaliser les objectifs visés par l'article I ci-dessus, les domaines de coopération porteront, entre autres, sur :

    a) - la création et la gestion d'entreprises industrielles et commerciales conjointes ;

    b) Les échanges d'informations économiques, scientifiques et techniques ;

    c) L'échange d'experts, de spécialistes et de conseillers dans les domaines techniques et scientifiques ;

    d) L'octroi de bourses, l'organisation de stages et de séminaires dans les différents domaines de coopération technique et scientifique ;

    e) L'octroi de facilités dans le cadre de la formation et de services de consultation ;

    f) Toute autre forme de coopération qui sera convenue entre les deux parties contractantes.

    ANNEXE III

    Les visites officielles des responsables turcs en Tunisie

    16 décembre 1966 : visite du président turc Cevdet Sunay en Tunisie.

    4-7 novembre 1982 : visite du premier ministre Bülent Ulusu en Tunisie.

    16-18 janvier 1989 : visite du président turc Org. Kenan Evren en Tunisie.

    21-23 avril 1989 : visite du premier ministre Turgut Özal en Tunisie.

    4-5 avril 1998 : visite du président Süleyman Demirel en Tunisie

    23-26 mars2000 : visite du ministre des Affaires étrangères turc en Tunisie

    Juin 2000 : visite du président de la Grande Assemblée Nationale Turque

    Les visites officielles des responsables tunisiens en Turquie

    24-30 mars 1965 : la visite du président Habib Bourguiba en Turquie. 

    24-28 avril 1983 : visite du premier ministre tunisien Mohamed Mzali en Turquie.

    14-16 juin 1992: visite du premier ministre Hamed Karoui en Turquie.

    22-23 mars 2001: visite du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali en Turquie.

    ANNEXE IV

    Les différents accords signés entre la Tunisie et la Turquie

    (1958-2001)

    I- Les accords diplomatiques

    5 janvier 1962  à Tunis:

    · Echange de lettres concernant l'accord consulaire.

    3 mars 1962 à Tunis:

    · Echange de lettres concernant l'accord consulaire.

    8 août 1973 à Tunis :

    · Traité d'amitié.

    23 mai 1989 à Tunis 

    · Accord portant sur la création d'une commission inter-gouvernementale permanente.

    28 mars 1990 à Tunis :

    · Convention de coopération dans le domaine agricole.

    15 juillet 1992 à Ankara 

    · Protocole tuniso-turc relatif à l'échange de terrains destinés à abriter les missions diplomatiques à Ankara et à Tunis.

    II-Les accords commerciaux

    17 avril 1958 à Tunis :

    · Accord commercial.

    17 juillet 1967 à Tunis :

    · Accord commercial.

    14 mai 1969 à Ankara :

    · Accord sur la navigation maritime.

    4 juillet 1969 à Ankara :

    · Protocole annexe à l'accord commercial du 17 juillet 1967.

    14 novembre 1970 à Tunis :

    · Protocole annexe à l'accord commercial du 17 juillet 1967.

    10 mars 1972 à Ankara 

    · Protocole additionnel à l'accord commercial du 17 juillet 1967.

    · Echange de lettres concernant le Protocole relatif à la coopération économique du 17 juillet 1967.

    1 avril 1976 à Tunis :

    · Protocole additionnel à l'accord commercial du 17 juillet 1967.

    13 octobre 1977 à Ankara : 

    · Protocole additionnel à l'Accord commercial du 17 juillet 1967.

    18 octobre 1978 à Tunis :

    · Protocole additionnel à l'Accord commercial du 17 juillet 1967.

    28 septembre 1981 à Ankara :

    · Protocole d'accord concernant la coopération dans le domaine du tourisme.

    29 septembre 1981 à Ankara :

    · Accord de coopération économique, industrielle et technique.

    7 mai 1982 à Ankara :

    · Accord relatif aux transport aériens Convention consulaire.

    2 octobre 1986 à Ankara :

    · Accord en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.

    23 mai 1989 à Tunis :  

    · Accord relatif au transport maritime.

    29 mai 1991 à Istanbul :

    · Accord relatif à la promotion et à la protection réciproque des investissements.

    15 juillet 1992 à Ankara 

    · Accord commercial et de coopération économique et technique

    · Protocole sur la mise en place et les attributions du comité de coopération agricole

    20 octobre 1999 à Ankara :

    · Accord sur le transport routier de personnes et de marchandises et sur le transit entre le Gouvernement de la République Tunisienne et le Gouvernement de la République de Turquie

    22 mars 2001 à Ankara :

    · Accord de coopération entre l'ATCT et la EKETIB (Direction de coopération Economique, Culturelle, Académique et Technique Turque).

    · Accord de coopération entre le CEPEX et l'IGEME.

    III- Accords culturels et scientifiques

    25 février 1964 à Ankara 

    · Accord culturel

    19 avril 1983 à Ankara :

    · Convention relative à la coopération dans le domaine de l'enseignement et la formation militaire.

    23 mai 1989 à Tunis 

    · Accord de coopération en matière de cartographie et de documentation géographique

    12 mai 1992 à Ankara :

    · Protocole de coopération dans le domaine de l'hydrographie.

    20 décembre 1995 à Ankara :

    · Protocole concernant l'Education et l'instruction du personnel des Forces Armées Tunisiennes aux académies de guerre turque.

    mai 1998 à Tunis :

    · Programme de coopération culturelle et scientifique pour les années 1998-1999 et 2000.

    20 octobre 1999 à Ankara :

    · Accord de coopération entre l'Université d'Ankara et l'Université des sciences, des Techniques et de Médecine de Tunis

    22 mars 2001 à Ankara :

    · Accord dans le domaine des Sciences et de la Technologie

    Accord de coopération culturelle et scientifique (2001-2003)

    V- Autres accords

    17 avril 1958 :

    · Protocole concernant la clause de la nation la plus favorisée

    7 octobre 1982 à Tunis :

    · Convention relative à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires en matière civile et commerciale.

    7 mai 1982 à Ankara :

    · Convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à l'entraide judiciaire en matière pénale et à l'extradition

    ANNEXE V

    Quelques extraits du discours de Bourguiba à Ankara,

    le 25 mars 1965

    1- La politique turque vis-à-vis de la décolonisation tunisienne

    « Notre colonisation était notre défaite. Votre révolution kémaliste a été notre levain. Puis nous nous avons cheminé pendant quelque temps sans tenter de nous mieux connaître. »

    « En politique, les sentiments d'un jour font parfois oublier les amitiés de toujours. J'aurais mauvaise grâce à venir, en ce lieu, proclamer l'existence d'un lien nouveau entre nos deux pays. Je voudrais plutôt rappeler ce qui fait la vigueur et la permanence d'un lien très ancien.

    « En mars 1952, lorsque pour la première fois, la Tunisie s'efforçait de faire porter la question de son indépendance devant le Conseil de sécurité, alors que les membres du gouvernement tunisien étaient démis et jetés en prison par la puissance occupante, [...], à ce moment là, nous comptions nos amis, chaque signe avait sa valeur ; chaque marque de solidarité apportait son réconfort. [...] La Grande-Bretagne et les Etats-Unis votèrent contre, mais aussi la Turquie, ce qui fut pour nous un grand sujet de tristesse. Laissez-moi vous dire que cet épisode ne pouvait altérer durablement le sentiment que nous portons à la Turquie. Si les relations entre nos deux Etats n'avaient été qu'un perpétuel coude-à -coude de l'amitié, [...]Nous sommes de ceux qui ont bien compris les impératifs auxquels votre politique se devait d'obéir, et nous nous félicitons maintenant de voir la Turquie exercer son rôle de grande puissance dégagée de toutes contingences mineures. »

    2- La Turquie et les Tunisiens

    « Pour un Tunisien, Messieurs, la Turquie n'a jamais été un rivage étranger. Le monde voulut nous convaincre que nous subissions un joug turc, mais nous savions déjà que notre entreprise de persuasion n'avait rien de particulièrement désintéressé. En réalité, ce joug n'était qu'une allégeance et, d'une certaine façon, une alliance. [...] Mieux encore : dans la mesure où vos sultans étaient les suzerains de nos Beys. »

    « Aussi loin que remontent mes propres souvenirs, je constate que la Turquie y occupe une place privilégiée, à la fois inconnue et familière distante dans l'espace, mais proche par le coeur et la pensée. Sur la page de garde de mon cahier d'écolier, au collège Sadiki, j'avais inscrit une phrase suivante : « A bas le colonialisme ! Vive la Turquie ! ». dans cette formule, il y avait un refus et un espoir. Et la Turquie représentait cet espoir. »

    3- Le mythe d'Atatürk chez Bourguiba

    « Lorsque j'eus atteint l'âge d'homme, le personnage de Mustafa s'imposa à mes yeux comme modèle du héros, du chef né pour le commandement, supérieur à toutes les contingences, sachant que tout exiger de son peuple pour mieux changer son destin, capable enfin de redonner une âme à sa patrie déchiquetée, d'exalter la fierté nationale sans jamais l'orienter vers des ambitions extérieures. »

    4- L'écho des réformes d'Atatürk dans le monde musulman

    « c'est assurément dans son attitude très critique envers l'héritage religieux qu'il nous faut voir la raison pour laquelle l'action d'Atatürk a suscité bien des réserves au sein des pays arabes et des pays musulmans [...]. Pour le fondateur de la Turquie moderne, les traditions islamiques apparaissent en ces temps comme un facteur d'immobilisme et de stagnation. En d'autres termes : comme un frein non comme un levier. Et lorsqu'il s'agit de tout reconstruire et d'insuffler une énergie farouche dans un organisme éteint, il est facile d'établir entre l'immobilisme et la décadence un rapport de cause à effet. Notre jugement sur ce point- à la lumière de l'expérience tunisienne et de tout ce que nous apprend l'évolution de l'islam -diffère sensiblement de ces conclusions trop radicales. »

    « La création d'un Etat laïc en terre musulmane a été, indiscutablement, une nouveauté troublante pour la plupart des Musulmans, et c'est à partir de là qu'un hiatus s'est produit entre la Turquie et les pays du Machrek et du Maghreb. »

    5- Les relations turco-arabes

    « En plus d'une occasion, nous avons ressenti, non sans quelque amertume, tous les inconvénients d'une situation où la Turquie, d'une part, les Etats arabes de l'autre, évitaient de se comprendre, hésitaient à s `expliquer se dérobaient au besoin de se concerter. Situation d'autant plus regrettable que nous savions, les uns et les autres, ce que nous y perdions. »

    « [...], un certain écart a fait que nous n'avons réellement profité ni des épreuves, ni de nos succès respectifs. Je ne vous apprend rien en vous disant que notre collaboration au sens le meilleur du terme n'a pas encore commencé. Le livre des relations arabo-turques compte trop de page décevantes : ce sont les pages d'une collaboration manquée, de chances sacrifiées. »

    « Il vous seraient facile de retrouver et d'étendre votre rayonnement au sein du monde arabe, non par les moyens classiques d'une propagande onéreuse, mais par les moyens classiques d'une propagande onéreuse, mais par la seule vertu de certains gestes , par la sympathie et l'intérêt que vous pourriez témoigner aux Arabes, à leurs épreuves, à leurs problèmes. »

    Source : Discours de Bourguiba de 1965 ANNEXE VI

    Extrait de l'interview du président Demirel

    Nous présentons quelques extraits de l'interview de M. Demirel accordée au journal tunisien La Presse paru le 4 mai 1998 à la ville de sa visite en Tunisie le 4 et 5 avril 1998. A travers les déclarations du président turc, nous pouvons déceler aisément la politique turque vis-à-vis de la Tunisie et les perspectives de coopération.

    Q- Dans quel cadre situez-vous votre visite en Tunisie ? cette visite ne répondrait-elle pas à la volonté de deux nations soucieuses de coopérer et d'être solidaires dans un monde où s'abolissent les frontières ?

    1- La coopération commerciale

    Demirel : « Si nous développons davantage nos relations, cette solidarité se développera d'elle-même. Nous avons une capacité commerciale d'environ 150 millions de dollars et nous avons des projets communs crées par des hommes d'affaires des deux pays. Dans la conjoncture mondiale actuelle, les économies des deux pays sont basées sur la compétitivité. Le commerce de la Tunisie se fait plutôt avec l'Europe. Une importante partie du commerce de la Turquie se fait également avec l'Europe.

    Il y a des mécanismes qui ont été mis en place à cette fin. La commission économique conjointe est active et les hommes d'affaires collaborent. Une plate-forme est en place sur la base de laquelle peut se développer la coopération entre les deux pays. De bons accords ont été signés par les deux pays pour encourager les investissements communs et pour empêcher la double imposition.

    La Turquie, dans le secteur du bâtiment , par exemple a une position respectables à l'échelle mondiale. En particulier dans le domaine de la construction des infrastructures, des barrages, des systèmes d'irrigation, des routes, des grands édifices publics, des écoles, des hôpitaux, des logements. »

    2- Les relations politiques

    « Nous voulons une relation solide avec la Tunisie , pays frère. L'objectif de ma visite est de rencontrer mon frère le Président Ben Ali et d'avoir avec lui des échanges de vues sur l `évolution de la situation, sur le plan régional et international. Nous voulons sincèrement développer nos relations.

    3- La volonté de tisser des liens dans le domaine éducatif

    Dans le domaine de la culture et de l'éducation (...), nos universités doivent entrer en relation de coopération. Il faut faire des échanges d'étudiants. Il faut établir des ponts à travers des étudiants tunisiens qui viendront en Turquie et des étudiants turcs en Tunisie pour les études. On a besoin également de relations dans le domaine de la radio-télévision, des médias et de la communication. »

    « Dans les 6 pays de l'Asie centrale, la population est musulmane. Et ces pays frères sont très proches de la Turquie. Il y a un lien de langue et de religion. Nous avons également des rapports étroits avec les pays des Balkans. D'un autre côté, cependant, le conflit israélo-arabe persiste. Le problème de l'Irak n'a pas été résolu, (...) nous pouvons dire que dans le futur nous agirons pour que les relations de la Turquie avec les pays du Moyen-Orient soient de bonnes relations. »

    « La Turquie est en même temps un membre important de la conférence islamique et elle est active dans cette organisation. Nous le disons à nos amis tunisiens : tirez profit de la position de la Turquie, et des rapports qu'elle a su établir avec les pays nés du dénombrement de l'Union soviétique. »

    4- La religion et l'Etat

    « Même si la Turquie retrouvera sa stabilité politique, il y aura des gens qui abuseront de la religion et qui l'exploiteront. L'Islam politique est un courant dans le monde actuel. Et la séparation de la religion et de l'Etat, en fait, n'est pas un processus facile. C'est mon avis personnel. La laïcité n'est pas ne s'oppose pas à la religion ; au contraire, elle la protège. »

    Source, La Presse du 4 mai 1998.

    ANNEXE VII

    Extraits de l'interview du président tunisien M. Ben Ali à l'Agence de presse turque « Anatolie » du 22 au 23 mars.

    Dans cette interview, le président tunisien évoque les perspectives du développement des relations tuniso-turques et les flux des investissements entre les deux pays.

    : Quelle évaluation faites-vous, M. le Président, des relations tuniso-turques et quelles sont les perspectives qui s'offrent à leur développement ?

    Ben Ali : « La Tunisie et la Turquie entretiennent des relations solides. Leurs affinités plongent leurs racines dans les profondeurs de l'histoire. En témoignent les liens de rapprochement et de convergence tissés au fil des différents étapes de leur histoire commune.

    Tout en ayant l'esprit l'histoire de nos deux pays, leur contribution à l'enrichissement de la civilisation universelle et leur rôle dans la diffusion des valeurs de tolérance, de solidarité et de culture commune.

    Bien que des résultats positifs aient été réalisés au cours des dernières années et que les échanges commerciaux aient connu une progression, les rapports bilatéraux de coopération sont appelés à être consolidés davantage ».

    Q- la Tunisie, c'est bien, connu accorde des avantages substantiels aux investisseurs étrangers. Si vous aviez à lancer un appel aux investisseurs turcs que leur diriez-vous ?

    Ben Ali : «  Je voudrais, tout d'abord, faire remarquer que nous nous sommes employés, en Tunisie, à nous adapter aux mutations mondiales et que nous avons mis en oeuvre, à cet effet, un programme de libéralisation et de restructuration économiques.

    La Tunisie offre, désormais, une plate-forme solide pour l'instauration d'un partenariat fructueux comme c'est le cas avec l'Union européenne, d'une part, et le monde arabe, d'autre part, un partenariat qui sert nos intérêts mutuels et qui est profitable à toutes les parties.

    En ce qui nous concerne, nous sommes désireux de faciliter la tâche aux investisseurs turcs afin qu'ils trouvent, en Tunisie un espace sûr et efficient et garantissant la rentabilité de l'investissement. »

    ANNEXE VIII

    Les dates de réunions de la commission économique mixte turco-tunisienne

    · Première réunion le 02.10.1982

    · Deuxième réunion le 25.05.1983

    · Troisième réunion le 15.06.1984

    · Quatrième réunion le 02.10.1986

    · Cinquième réunion le 04.06.1988

    · Sixième réunion le 28. 05. 1991

    · Septième réunion le 08.07. 1992

    · Huitième réunion le 10.03.1998

    · Neuvième réunion le 07.02.2002.

    ANNEXE IX

    Les firmes turques en Tunisie

    1) Firmes à capital commun

    Firmes

    Partenaire turc

    domaine d'activité

    adresse

    TUNISIAN-TURKISH CONTAINERS S.A

    Le holding de Zeytinoglu

    Produits de résine

    et containers

    Z.I. SOCEMENA

    7060 Menzel Bourguiba

    POLISAN-

    TUNISIE

    Polisan Kimya sanayi

    La colle industrielle

    Z.I Ben Arous

    B.P295, 2013 TUNIS

    SOCIETE TUNISIENNE D'ECLAIRAGE AUTOMOBILE

    Le holding de Bayraktarlar

    Les phares

    d'automobiles

    Z.I Cedria B.P62,

    2055 Bir El Bey, Tunis

    WBS-WINNEN BORJI SFAX

    Le groupeYegin

    Tenues militaires

    et fabrication de parachutes

    29, Rue Août 3002

    SFAX

    SOKATEX

    Ilhan ALTUNBEY

    Fabrication de

    pantalons

    Rue ferhat Hached 8099 ZAOUIT JEDIDI

    PHILANTEX

    Ilhan ALTUNBEY

    Fabrication

    de pantalons

    Rte. Beni Khalled 8099 ZAOUIT JEDIDI

    TUNIPEN

    Nihat ASICI

    Production de

    fenêtres et de portes

    55av Kheireddin

    Pacha, Tunis

    ZAHIR IMPORT-EXPORT

    Zahir KIRK

    Import-Export

    18, Rue Hamadi

    Jaziri-Tunis

    ONUR PLASTIQUE S.A.R.L

    Tevfik BARAN

    Fabrication des

    cintres en plastiques

    Rte. De Fouchana

    Km4,5 Sejumi-TUNIS

    ATLAS

    MODE CONFECTION

    Mehmet ISIK

    La confection

    Z.I. Soukra

    Bousten-Tunis

    Source : Attaché commercial turc en Tunisie (1998-2001)

    2) Autres firmes

    Nom de la firme

    Propriétaire/ Gérant

    Activités

    Adresse

    CHOC

    ASSISTANCE

    Gün ERTE

    Etude, information et représentation

    2, Rue Ahmed

    Khabtheri 2080

    Ariana-TUNIS

    COM.

    INTERNATIONALE

    DE COURTAGE

    ET DE NEGOCE

    Nihat ASICI

    Commerce

    international

    48 Rue de l'EmirAbdelkader Mutuelleville 1002-

    TUNIS

    BOSPHORE SERVICE

    Nihat ASICI

    Services

    d'information, d'étude et de représentation

    48, Rue de

    l'Emir

    Abdelkader

    Mutuelleville 1002-

    TUNIS

    STFA

    CONSTRUCTION CO.

    Selahttin ERTIM

    Service

    administratif

    Cité Karawan Res.

    Imm. Houda 5 Ap N° 1 El Menzah 9 TUNIS

    Source : L'attaché commercial turc en Tunisie, avril 1998

    3) Les hôtels tunisiens financés par des capitaux turcs

    Sarana Turizim ve ticaret A.S, MAGIC LIFE DER CLUB MZANAR***** Rte. Touristique Merazka - 8050 HAMMAMET.

    Alaadin AKCAY & CIE , HOTEL LE PRINCE ***, Avenue Mohamed V 8000 NABEUL.

    My Club International Turizm, I°letmecilik A.S, HOTEL SULTAN BEACH***, Rte. Touristique 8039 HAMMAMET

    BIBLIOGRAPHIE

    I.- SOURCES

    A) Sources journalistiques tunisiennes

    Voir p. 12-14.

    B) Rapports de missions diplomatiques et économiques

    - DEIK(Di° Ekonomik ili°kiler kurulu),

    · Tunus ekonomisi. Türkiye ile ili°kiler, Istanbul, 1994.

    · Le bulletin du DEIK, mars 1998.

    · Tunus ve Türkiye ile Ekonomik liþkileri, octobre 2000.

    · Istanbul Ticaret Odasi, Tunus- Ülke Etüdü, sayi 38, 1997

    - IGEME :

    · 1970-1971 YýllarýTunus'a ihracatýmýz.

    · IGEME, Türkiye Cumhuriyeti Hükümeti ile Tunus Cumhuriyeti Hükümeti arasýndaki 17 Temmuz 1967 tarihli ticaret anlaþmasý, Ankara, 1972.

    · Ülke raporlarý, Tunus ( Rapport sur la Tunisie)

    · Türkiye Cumhuriyeti Hükümeti ile Tunus Cumhuriyeti Hükümeti arasýndaki 17Temmuz 1967 tarihli ticaret anlaþmasýna ek protokol, 1972.

    - T.C. Tunus Büyükelçiliði Ticaret Ataþeliði, Tunus'un genel ekonomik durumu ve Türkiye-Tunus ticari mübadeleri,Tunus, 1970.

    - Tunus'un Genel Ekonomik Durumu ve Türkiye ile Ticari Iliþkileri, 1988 yýlý raporu, Ankara:T.C. Baþb. Haz. ve Tic. Müstearlýðý Ekonomik Araþtýrmalar ve Deðerlendirme Gen.Müd., [1988].

    - TOBB , Maðrib Ülkeleri ve Türk-Tunus Ekonomik Iþberliði, Ankara 1990.

    - T.C Baþbakanlýk Dýþ Ticaret Müsteþarlýðý, Anlaþmalar Genel Müdürlüðü, Türkiye-Tunus Karma Ekonomik Komisiyonu VIII Dönem Toplantýsý Dosyasý, Ankara, 9-10 mayýs 1998. (Rapport de la VIIIe réunion de la commission mixte de la coopération turco-tunisienne).

    - Istanbul Ticaret odasý, Tunus Ülke Etüdü, yayýn n°1997-38.

    - OCI, Le commerce inter-islamique,

    · rapport annuel 1986/1987 ; 1988/1989 ; 1990 ; 1993 ; 1994 ; 1994 ; 1995 ; 1996-1997 ; 1998 ; 1999 ; 2000.

    - Islamic Centre for developpement of trade, inter-islamic trade, annual report 1989/1990.

    - IHSANOÐLU (Ekmeleddin), «OIC Cooperation and Turkey's contributions», Economic Dialogue,1986, pp. 20-22.

    C) Autres références

    -Discours de Bourguiba à Ankara le 25 mars 1965.

    - JORT (Journal Officiel de la République de la Tunisie).

    - Resmi Gazetesi (JORT, Journal Officiel de la République de la Turquie).

    II. OUVRAGES ET ARTICLES

    - KOLOðLU (Orhan) «The Turkish-Libyan relations», dans Turkish Review of Middle east studies, 7 (1993), pp. 137-146.

    - Revue de Presse. Maghreb. Proche-Orient. Moyen-Orient, Alger. In 4, N° 11(Janvier 1957).

    - ZAIM (Sabahddin), Türk ve Islam Dünyasýnýn yeniden yapýlanmasý ve Türkiye ile iliþkileri, Yeri Asya, yay, 1993.

    - MAHJOUBI (Ali), « La perception du modernisme chez Mustafa Kemal Atatürk et Habib Bourguiba », dans Le kémalisme et les kémalistes, Actes de la 1ère Table Ronde Arabo-Turque, publication de la Fondation Temimi pour la Recherche Scientifique et l'information, Zaghouan, Avril 1999, p. 83-90.

    - MANTRAN (Robert), L'évolution des relations entre la Tunisie et l'Empire ottoman du XVIe au XIXe siècle, cahiers de Tunisie, no. 26-27, Tunis, 1959, p. 319-333

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    - COUTROT (Thomas), Les destins du Tiers-monde : analyse, bilan, perspectives, Paris, Nathan, 1993.

    - DE BOUTEILLER (Georges), Tiers monde islamique-Tiers monde, Paris, Economica,

    -, Demain la Méditerranée : la parole est aux riverains du Sud, Fondation méditerranéenne d'études stratégiques, Paris, Publisud, 1995.

    - JOUVE (Edmond), Relations internationales du Tiers-monde : le Tiers-monde en lutte, Paris, Berger-Levrault, 1976.

    - OMINAMI (Carlos), Le Tiers monde dans la crise : essai sur les transformations récentes dans des rapports Nord-Sud, Paris : La Découverte, 1986.

    - RAVENEL (Bernard), Méditerranée, le Nord contre le Sud, Paris, L'Harmattan, 1990.

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    - AHMAD (F), La politique étrangère de la Turquie dans les années 80.

    - ANCIAUX (Robert), La République laïque turque , trois quarts de siècle après sa fondation par Atatürk, Editions complexe, Paris, 2003.

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    Turquie : l'ère postkémaliste ?, « Peuples méditerranéens »  Paris, 1992.

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    - PAUTARD (André), Bourguiba, Paris, Media, 1977.

    - SAYAH (Mohamed), Le nouvel Etat aux prises avec le complot 1956-158, Tome I, Tunis, 1982.

    - TOUMI (Mohsen), La Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, Paris : Presses universitaires de France, 1989.

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    - AKBAÞOÐLU (Ramazan), Maðrib Ülkelerin Sosyal ktisadý Yapýlarý ve Türkiye ile liþkileri, Yüksek lisens tezi, Turquie, 1997.

    - La Documentation française, Turquie : Relations Turquie-pays arabes et pays du Moyen-Orient, dossier ouvert en 1982.

    - Maroc et Tunisie, le problème du protectorat, La Nef, 10 année, cahier n°2, Paris, Julliard, 1953.

    3. Outils de travail

    -L'encyclopédie de Bordas

    -L'encyclopédie Universalis 1997

    -Histoire universelle des nation, Tome 8.

    - Encyclopédie de l'Islam.

    - Encyclopédie de l'Afrique du Nord, Tunisie, Algérie, Maroc, I.M.A (Institut du monde arabe)

    - GANIAGE Jean Histoire contemporaine du Maghreb de 1830 à nos jours, Paris, Fayard, 1994.

    TABLE DES MATIERES

    Liste des abréviations..........................................................................5

    AVANT PROPOS.............................................................................6

    INTRODUCTION...........................................................................8

    Présentation critique des sources............................................................12

    PREMIERE PARTIE : L'évolution des relations diplomatiques entre la Tunisie et la Turquie (1956-2001).........................................................15

    CHPITRE I : L'ATTITUDE LA TURQUIE VIS-A-VIS DE LA DECOLONISATION DE LA TUNISIE................................................17

    1. La décolonisation de la Tunisie à travers l'opinion publique et la presse turques.........................................................................17

    2. Le vote turc à l'ONU......................................................18

    CHAPITRE II : ATATÜRK ET BOURGUIBA DEUX PERSONNALITES POLITIQUES EMBLEMATIQUES................................................... ...22

    1. Convergence de la formation..............................................22

    2. Islam et modernité chez Atatürk et Bourguiba..................................................................24

    CHAPITRE III : QUAND ANKARA ET TUNIS COMMUNIQUENT.............28

    1. Introduction au dialogue diplomatique turco-tunisien.................28

    2. Tunisie-Turquie : relations symboliques (1956-1965)..................31

    3. Les retrouvailles turco-tunisiennes.......................................32

    3.1. La visite de Bourguiba en Turquie...............................32

    3.2. La politique du Parti de la Justice.................................36

    4. Les années 70 : stagnation des relations..................................36

    5. Les années 80 : phase de décollage de la coopération bilatérale.....................................................................38

    Conclusion de la première partie..........................................43

    DEUXIEME PARTIE : L'évolution des relations économiques et commerciales turco-tunisiennes..........................................................45

    CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE DES ECHANGES ECONOMIQUES ET COMMERCIAUX (1958-2001)...................................................... .46

    1. Les accords bilatéraux...............................................................46

    2. Les organismes de coopération..................................................47

    2.1. La commission économique mixte turco-tunisienne..................47

    2.2. La commission inter-gouvernementale permanente...................48

    2.3. Le conseil d'affaires turco-tunisien.......................................48

    2.4. IGEME et CEPEX.........................................................49

    2.5. La commission mixte de réflexion et d'action..........................49

    CHAPITRE II : LES RELATIONS COMMERCIALES OU SYMPTÔME DE STAGNATION...............................................................................50

    1. Evolution des échanges commerciaux..........................................50

    2. Contenu des échanges commerciaux..............................................58

    2.1. Les exportations turques vers la Tunisie.................................58

    2.2. Les exportations tunisiennes vers la Turquie............................59

    3. La présence économique turque en Tunisie....................................60

    3.1. L'émergence des sociétés à capital mixte................................60

    3.2. Autres firmes...............................................................61

    3.3. Les investissements turcs en Tunisie....................................61

    4. La coopération en matière de tourisme..........................................62

    Conclusion de la deuxième partie................................................64

    TROISIEME PARTIE : Etude des relations culturelles turco-tunisiennes, une coopération manquée......................................................................65

    Introduction à l'étude des relations culturelles turco-tunisiennes........................66

    CHAPITRE I : LES MANIFESTATIONS CULTURELLES..........................69

    1. L'Association d'amitié Turquie-Tunisie..........................................69

    2. Les semaines culturelles...........................................................71

    3. Les activités artistiques............................................................73

    CHAPITRE II : LA COOPERATION DANS LES DOMAINES UNIVERSITAIRE ET EDUCATIF......................................................76

    1. Echanges de bourses et d'étudiants.............................................76

    2. Echanges de visites................................................................80

    3. La coopération dans le domaine des archives..................................82

    4. Bilan de la coopération culturelle.................................................82

    CONCLUSION GENERALE......................................................84

    Annexes................................................................................87

    BIBLIOGRAPHIE..................................................................109

    * 1 Ak°am, « Tunus Afrika'nýn Avrupasýdýr» « Tunisie, l'Europe de l'Afrique », du 16/11/2000.

    * 2 Il est vrai que la conception des drapeaux remonte loin dans l'histoire. Le drapeau tunisien, adopté en 1831 par Hassine Ier, huitième bey de la dynastie husseinite, témoigne des liens qui unirent la Tunisie à l'Empire ottoman. D'ailleurs, le fond rouge, l'étoile et le croissant sont des symboles spécifiques à l'Empire ottoman et on les retrouve sur divers drapeaux de pays islamiques. Sur le drapeau turc actuel figure un croissant et une étoile tous deux blancs, frappés sur fond rouge. L'étoile en question a été rajoutée en 1844, ce qui a donné au drapeau turc sa forme actuelle, fixée par la loi du 29 mai 1926.

    * 3 M. DARIF, « Tunisie », dans Le guide de la presse 2002, Paris, 2002, p. 394.

    * 4 Mehmet GÖK, L'attitude de la Turquie face à la décolonisation 1945-1965, thèse de doctorat (inédite), Université Paris I, 1976, p. 140.

    * 5 Mehmet Gök a recensé trois journaux qui étaient hostiles à la politique française en Tunisie : Ulus, organe semi-officiel du C.H.P. (Cumhuriyet Halk Partisi)  Hürriyet et Yeni Sabah.

    * 6 M.F FENIK, « Tunus'taki son hadisler » (Les derniers évènements en Tunisie) dans Zafer du 3 mars 1952.

    * 7 Maroc et Tunisie, le problème du protectorat, La Nef, 10 année, cahier n°2, Paris, Julliard, 1953, p. 34.

    * 8 Georges DAY , Les affaires de la Tunisie et le Maroc devant les Nations Unies, Paris, Pedone, 1953, p. 20.

    * 9 Ibid., p. 21.

    * 10 La Turquie n'était pas la seule à manifester son indifférence à l'égard de la cause tunisienne. Ainsi, les pays arabes, malgré leur soutien politique à la cause tunisienne lors des votes successifs au Conseil de sécurité, ont adopté une attitude de « réserve » révélée par la politique de la Ligue arabe qui était absorbée par des conflits intestinaux entre les différents dirigeants arabes. La Ligue arabe a abordé la question tunisienne dans un esprit de compromis en privilégiant la médiation onusienne pour ne pas heurter la France.

    * 11 Discours de Bourguiba de mars 1965.

    * 12 M. GÖK, op.cit, p.139.

    * 13 Didier BILLION, La politique extérieure de la Turquie une longue quête d'identité, Paris, L'Harmattan 1997, p. 33.

    * 14 Pendant la guerre d'indépendance turque, Moscou a apporté son aide au gouvernement d'Ankara. Les relations turco-soviétiques étaient bonnes étant donné que les deux pays étaient confrontés aux mêmes ennemis : le bloc occidental. Cette amitié a été traduite par la signature d'une série de traités jusqu'en 1945, date du refus de l'URSS de valider le traité d'amitié et de neutralité du 17 décembre 1925, et qui était jusque-là renouvelé tous les trois ans.

    * 15 Ali MAHJOUBI, « La perception du modernisme chez Mustafa Kemal Atatürk et Habib Bourguiba », dans Le kémalisme et les kémalistes, Actes de la 1ère Table Ronde Arabo-Turque, publication de la Fondation Temimi pour la Recherche Scientifique et l'information, Zaghouan (Tunisie), Avril 1999, p. 87.

    * 16 Camille BEGUE, Une politique de l'homme, le message de Bourguiba, Paris, Hachette, 1972, p. 37.

    * 17 André PAUTARD, Bourguiba, Paris, Media, 1977, p. 64.

    * 18 Cf. Discours de Bourguiba de 1965.

    * 19 Ibid.

    * 20 Jean GANIAGE, Histoire contemporaine du Maghreb de 1830 à nos jours, Paris, Fayard, 1994, p. 667.

    * 21 BENOIST-MECHIN, Mustafa Kemal ou la mort d'un empire, Paris, Albin Michel,1954, p. 406.

    * 22 Fathi KASMI, « Hal al-bourguibia t'aadyloun lil-kamaliyaah ? » (en arabe) (= « Le bourguibisme est-il une réforme du kémalisme ? », dans Vérités, n° 682 du 7 au 13 janvier 1999.

    * 23 Menter SAHINLER, Origine, influence et actualités du kémalisme, Paris, Publisud, 1995, p. 163.

    * 24 Orhan KOLOðLU «The Turkish-Libyan relations», dans Turkish Review of Middle East studies, 7 (1993), passim.

    * 25 L'attitude très critique d'Atatürk envers l'héritage religieux musulman a suscité bien des réserves au sein des pays musulmans.

    * 26Rappelons ici la prise de position américaine vis-à-vis de la Turquie en rapport avec le problème chypriote. En effet, dans une lettre adressée le 5 juin 1964 au premier ministre turc, le président américain, Johnson, déclare que les Etats-Unis ne sont pas prêts à défendre la Turquie contre une éventuelle menace soviétique. La Turquie, bien qu'elle fasse partie de l'OTAN, s'est sentie déçue de l'attitude occidentale. Les Américains voulaient certainement ménager les Britanniques, ex-puissance coloniale à Chypre ainsi que la Grèce, membre actif de l'Alliance atlantique. Cette situation allait conduire les Turcs à ajuster leur politique internationale, en essayant de créer une atmosphère de détente avec l'URSS et en s'approchant davantage des pays arabo-musulmans.

    * 27 Dans Le Temps du 23/3/1979.

    * 28Hédi MECHRI « Ben Ali en Turquie, coopération », dans L'Economiste Maghrébin, n°284, du 28/3 au 11/4/2001.

    * 29 Fondateur du Parti démocratique en 1945, Celal Bayar fut élu Président de la République turque en 1950. Réélu en 1954, il fut renversé par l'armée en mai 1960.

    * 30 (Arap-Turk Münâsebetleri,iki Tarafin Görüs Açýlarýndan( Les relations arabo-turques du point de vue arabe et turc), IRCICA, Istanbul, 1991-1993, p. 237.

    * 31 Les deux pays ont signé le 17 avril 1958 à Tunis un protocole concernant la clause de « la nation la plus favorisée » et un autre accord portant sur la coopération commerciale. Cependant, il importe de noter que la Turquie n'entretient pas les mêmes relations en matière de diplomatie extérieure avec les pays du Maghreb. Cela s'explique par le fait que chacun de ces pays a connu sa propre évolution et ses propres expériences. Mais, comparées aux relations turco-libyennes ou encore turco-algériennes, les relations avec la Tunisie sont les plus stables en dépit de leur caractère souvent symbolique.

    * 32 Jean GANIAGE, op. cit., p.686

    * 33 Peu après l'indépendance de la Tunisie, Bourguiba a demandé des prêts auprès de la France et des Etats-Unis pour redresser l'économie tunisienne.

    * 34 D'après les informations que nous avons recueillies à l'ambassade de Tunisie à Ankara, lorsque la France refusa en 1961 d'évacuer la base navale de Bizerte, le consulat de Tunisie à Ankara a reçu des demandes de la part de nombreux citoyens turcs voulant partir combattre aux côtés des Tunisiens.

    * 35 Cf. Discours de Bourguiba de mars 1965.

    * 36 L'allocution du président tunisien devant les députés turcs, le 25 mars 1965, a été considérée à l'époque comme une première, dans la mesure où c'était la première fois dans l'histoire de la Turquie moderne qu'un dirigeant arabe s'adressait directement aux députés turcs.

    * 37 Cf. Conférence de presse de Bourguiba du 26 mars 1965 à Istanbul.

    * 38 Cf. Discours de Bourguiba de 1965.

    * 39 Rappelons qu'en vertu des ces accords, les trois pays signataires (Grèce, Turquie et Royaume-Uni) se réservaient le droit d'intervenir en Chypre s'ils constataient que l'application des accords mettaient en cause ce qui a été convenu. Mais peu après l'indépendance de Chypre, prévue par ces accords, les deux principaux protagonistes de l'affaire chypriote, en l'occurrence la Grèce et la Turquie, ont usé de ce droit d'intervenir pour multiplier les actions d'ingérence dans les affaires de l'île. C'est ce qui a poussé la commission onusienne à préconiser l'annulation des accords de Londres et de Zürich, tout en réaffirmant l'indépendance de l'île.

    * 40 Cette expression a été prononcée par Bourguiba même lors d'une conférence de presse donnée lors de sa visite à Ankara en mars 1965.

    * 41 Discours de Bourguiba de 1965 : « Chef d'Etat, ami des Turcs et des Grecs, je n'ai pas le droit de prendre une position nette qui risquerait de rendre difficile tout compromis ».

    * 42 Cf. Discours de Bourguiba de 1965.

    * 43 Rappelons que la Turquie est le seul pays musulman qui ait reconnu, très tôt, la création de l'Etat d'Israël en 1948.

    * 44 Le Parti de Justice a gagné les élections du 10 octobre 1965 avec 53% des suffrages.

    * 45 Didier BILLION, op. cit., p. 34

    * 46 Voir annexe IV.

    * 47 Voir infra, p. 45 sq.

    * 48 Nov. 1982 : visite du premier ministre Bulent Uluslu en Tunisie , avril 1983 : visite du premier ministre tunisien Mohamed Mzali en Turquie ; janvier 1989 : visite du président turc Kenan Evren en Tunisie ; avril 1989 : visite du premier ministre turc Turgut Özal en Tunisie.

    * 49 Président de la Turquie entre 1982 et 1989.

    * 50 Propos tenus par DEMIREL lors de sa visite présidentielle en Tunisie, en mai 1998. (Voir annexe VI)

    * 51 Voir annexe IV.

    * 52 Sabah, du 21 mars 2001.

    * 53 Les échanges entre les universités tunisiennes et l'université privée de Bilkent seront évoqués plus loin (infra, p. 77).

    * 54 En illustrent les déclarations de l'actuel président turc, Necdet Sezer : « La sauvegarde des droits légitimes du peuple palestinien frère et l'impératif d'accorder à la Palestine la place rayonnante qu'elle mérite au sein de la communauté internationale figurent parmi les centres d'intérêt de la politique étrangère de la Turquie », dans le Le Renouveau du 24 mars 2001.

    * 55 Il est clair que ce type d'affirmation ne dépasse pas le cadre des déclarations, dans la mesure où les approches des deux pays concernant les relations avec l'Union européenne diffèrent considérablement : alors que la Tunisie est liée à cet espace par un accord de partenariat, la Turquie l'est aussi mais elle est en même temps candidate à l'Union européenne.

    * 56 Dans Le Renouveau du 24 mars 2001.

    * 57 Idem.

    * 58 Contrairement à la majorité des pays arabes, la Tunisie, dès la création a adopté une politique modérée envers Israël.

    * 59 Dans Le Renouveau du 12/10/1996.

    * 60 Déclarations de Ismaïl Cem lors de sa visite en Tunisie en 2000.

    * 61 Voir annexe I.

    * 62 Voir Annexe IV.

    * 63 Voir annexe V.

    * 64 Ce point sera développé plus loin (infra, p. 57).

    * 65 Dans Le Renouveau du 20 novembre 1990.

    * 66 Ramazan AKABAþOðLU, Maðrib Ülkerinin Sosyal-Iktisadi Yapýlarý ve Türkiye ile Iliþkileri, Istanbul 1997, p. 112.

    * 67 Les principaux acteurs de ces deux organismes sont des institutions politiques, notamment les ministères turque et tunisien chargés du commerce extérieur, des hommes d'affaires, des firmes et des institutions d'investissement.

    * 68 Voir supra, p. 40 sq.

    * 69 Boutros-Antoine LABAKI, « L'évolution des relations économiques arabo-turques de 1970 à 1992 », dans La Turquie entre trois mondes, actes du colloque international de Montpellier, 5-7 octobre 1995, Paris, L'Harmattan, 1998.

    * 70 GÖK, op. cit., p. 49.

    * 71 En 1972 et 1974, la Tunisie a mis en place une législation avantageuse aux investisseurs étrangers s'implantant en Tunisie. Le but en était de créer des emplois, car la plupart des projets sont des usines sous-douane, c'est-à-dire elles n'avaient pas le droit d'écouler leurs productions sur le territoire tunisien.

    * 72 Didier BILLION, op. cit., p. 276.

    * 73 Voir Annexe VII.

    * 74 En octobre 1996, près avoir reçu l'ambassadeur tunisien qui a transmis les sentiments d'estime de Ben Ali au président turc et sa volonté de raffermir les relations d'amitié et de coopération turco-tunisiennes, Demirel a déclaré que la Turquie suit avec attention l'évolution de la Tunisie, surtout ses liens avec l'Union Européenne notamment la signature de l'accord d'association.

    * 75 Ihracat : exportations ; Ithalat : importations ; Denge : balance commerciale ; Hacim : volume.

    * 76 Sahbi CHERIF, « Partenariat, comment relancer le courant des échanges avec la Turquie », dans I.E.A.  n° 282, mai 1998, p. 12. (cité dans L'Economiste Maghrébin).

    * 77 Selon les statistiques du ministère tunisien du commerce, en 1997, la Tunisie était le 10ème client de la Turquie et son 14ème fournisseur.

    * 78 Selon les statistiques du ministère tunisien du commerce extérieur (2001).

    * 79 TOBB, Maðrib Ülkeleri ve Türk-Tunus Ekonomik Iþbirliði, Ankara, 1990, p. 30.

    * 80 Attaché commercial turc à Tunis.

    * 81 Elle a été fondée en 1992 avec 45% d'investissement appartenant au groupe turc Polisan Kimya Sanayi et 55% au groupe Tunisien Chérif. La firme a conquis le marché tunisien. Elle essaye de diversifier ses activités pour supporter la concurrence internationale.

    * 82 Voir annexe X.

    * 83 L'équivalent de Darty en France.

    * 84 La Türkiye Kalkýnma Bankasý A.Þ a conclu un protocole d'accord avec la Banque de Tunisie le 24 décembre 1992. La banque participe à toutes les réunions de la commission économique mixte. Elle envoie des experts en Tunisie afin de déterminer les domaines d'investissement.

    * 85 Istanbul Ticaret Odasý, Tunus Ülke Etüdü, yayýn, 38, 1997, p. 87.

    * 86 Istanbul Ticaret Odasý, Tunus Ülke Etüdü, yayýn, 38, 1997, p. 87.

    * 87 TC. Baþbakanlýk, DýþTicaret Müsteþarlýðý, Anlaþmalar Genel Müdürliði, Türkiye-Tunus Karma Ekonomik Komisiyonu, 8. Dönem Toplantýs, Açýklamalý Konularý, Türkiye, 1998.

    * 88 Dans Le Renouveau du 22 octobre 1996.

    * 89 L'effondrement de l'URSS en 1991 et l'indépendance des ex-républiques à dominante turcophone, ont constitué un tournant décisif dans la politique extérieure turque. Ainsi Demirel a déclaré que l'Asie centrale est devenue une région où on ne peut pas dire « advienne ce qui pourra ». Sur le plan culturel, la Turquie veille à la diffusion de la langue et la civilisation turque par le biais des aides, des bourses d'études et la construction des écoles. Cependant, ces pays las de toute sorte de tutelle désapprouvent les initiatives du « grand frère turc ».

    * 90 La Tunisie est un pays arabophone, mais la langue de Voltaire y est enseignée dès l'école primaire. Mais il se trouve que depuis une dizaine d'années environ, l'enseignement du français en Tunisie connaît un véritable tour d'écrou. La tendance actuelle privilégie l'apprentissage de la langue de Shakespeare, langue internationale par excellence. Pour ce qui concerne la Turquie, elle n'est francophone.

    * 91 Nous avons commencé notre analyse des relations culturelles par les années 80, car avant cette date nous n'avons recensé aucune manifestation d'échanges culturels entre les deux pays. La coopération culturelle a démarré pendant les 80 avec la prise de conscience de la Turquie de son environnement arabo-musulman et l'avènement en Tunisie d'une politique extérieure arabe et musulmane initiée et encouragée Mohamed Mzali, premier ministre tunisien entre 1980 et 1986, et homme de lettres (écrivain). Notons à ce propos, qu'il y a un Accord culturel entre les deux pays depuis 1964 (Voir annexe III). Cependant, les échanges étaient quasi-inexistants et l'accord ne dépassait pas le cadre de déclarations d'intentions.

    * 92 L'association fut à l'origine de l'organisation des journées gastronomiques dans l'un et l'autre pays ; la première journée tunisienne s'étant tenue à Ankara en février 1985. Elle a également organisé pendant les années 80 des semaines culturelles tunisiennes en Turquie ; celle de 1988 a connu un grand succès, comme l'a rapporté le journal tunisien « L'Action » dans un article du 28/01/1988 intitulé : « Grand succès de la semaine tunisienne en Turquie ».

    * 93 Ancien professeur d'histoire à l'Université d'Istanbul et spécialiste des questions relatives à l'évolution des mentalités dans les sociétés musulmanes.

    * 94 Nous saisissons cette occasion pour remercier l'Ambassadeur de Tunisie à Ankara, M. Mohamed Lessir et le consul général de Tunisie à Ankara M. Slah Salhi qui ont eu l'obligeance de nous recevoir et de nous accorder un entretien très fructueux.

    * 95 D'après Hédi Baccouche.

    * 96 « Semaine culturelle tunisienne à Ankara », dans La Presse du 14/04/ 1982

    * 97 Le film raconte l'histoire d'une jeune tunisienne, Alia, 25 ans, fille d'une servante qui l'avait conçue dans un palais du bey. L'histoire se déroule dans les années 60. L'annonce de la mort d'un ex-bey la replonge brutalement dans son passé. A l'occasion des obsèques, elle revisite le palais de son enfance et de son adolescence, où elle est née d'un père inconnu qui pourrait être le prince décédé. Le film dresse un portrait sur la condition féminine en Tunisie d'hier et d'aujourd'hui, ainsi que le monde, souvent mystérieux, des palais princiers.

    * 98 Nous ne disposons pas des titres des films en question.

    * 99 Durant nos recherches en Tunisie auprès de l'ambassade de Turquie à Tunis, nous avons constaté que la communication passait mal entre visiteurs tunisiens et fonctionnaires turcs. Ces derniers, ne parlant que le turc ou l'anglais, ont des difficultés à entrer en contact avec les Tunisiens, dont la majorité sinon la quasi-totalité parle l'arabe ou le français. Pour ce qui concerne la scolarisation des enfants des personnels diplomatiques, nous avons appris qu'il est d'usage, de part et d'autre, de scolariser les enfants dans le pays d'origine.

    * 100 C'est la plus grande manifestation cinématographique de son genre en Tunisie. Organisée tous les deux ans, elle attire des cinéastes de nombreux pays, surtout l'Afrique et le Moyen-Orient.

    * 101 Voir note 97.

    * 102 D'après le Rapport annuel d'activités culturelles de l'ambassade de Tunisie à Ankara, pour l'année 1991.

    * 103 D'après le Rapport annuel d'activités culturelles de l'ambassade de Tunisie à Ankara, année 1997.

    * 104 D'après le Rapport annuel des activités culturelles de l'ambassade de Tunisie à Ankara, année 2000.

    * 105 Lors de sa visite en Tunisie en 1998, Demirel, dans une interview accordée au journal tunisien francophone La Presse, déclare ceci : « Dans le domaine de la culture et de l'éducation (...), nos universités doivent entrer en relation de coopération. Il faut faire des échanges d'étudiants. Il faut établir des ponts à travers des étudiants tunisiens qui viendront en Turquie et des étudiants turcs en Tunisie pour les études. On a besoin également de relations dans le domaine de la radio-télévision, des médias et de la communication. » Dans l'interview de La Presse du 4 mai 1998. Voir annexe VII.

    * 106 Suite à sa rencontre avec Ihsan Doðramacý, fondateur de l'université Bilkent (en mai 1992).

    * 107 Cette information a été évoquée par le Consul général de Tunisie à Ankara lors de notre entretien avec lui.

    * 108 Les chiffres que nous évoquons ici sont extraits des rapports d'activités culturelles de l'ambassade de Tunisie à Ankara.

    * 109 D'après les informations fournies par l'Ambassade de Tunisie à Ankara.






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo