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Echec scolaire et devenir comportemental des adolescentes vivant dans les quartiers precaires a Abidjan: Le cas de Yahosei dans la commune de Yopougon

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par Naye Dominique IRITIE
Université de Cocody - UFR Criminologie - Maitrise Criminologie 2005
  

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REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE

Union - Discipline - travail

__________

MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT ANNEE ACADEMIQUE

SUPERIEUR 2004 - 2005

___________

Université de Cocody

UFR Criminologie

MEMOIRE DE MAITRISE

ECHEC SCOLAIRE ET DEVENIR COMPORTEMENTAL DES ADOLESCENTES

VIVANT DANS LES QUARTIERS PRECAIRES

A ABIDJAN : LE CAS DE YAHOSEI DANS LA

COMMUNE DE YOPOUGON

Présentée par :

Mlle VROH NAYE DOMINIQUE

Sous la direction du : et la codirection du :

Professeur ALAIN SISSOKO Professeur KOUDOU OPADOU

Professeur titulaire de Sociologie Maître de Conférences

de Psychologie, chargé de cours

UFR Criminologie

REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE

Union - Discipline - travail

__________

MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT ANNEE ACADEMIQUE

SUPERIEUR 2004 - 2005

___________

Université de Cocody

UFR Criminologie

MEMOIRE DE MAITRISE

ECHEC SCOLAIRE ET DEVENIR COMPORTEMENTAL DES ADOLESCENTES

VIVANT DANS LES QUARTIERS PRECAIRES

A ABIDJAN : LE CAS DE YAHOSEI DANS LA

COMMUNE DE YOPOUGON

Présentée par :

Mlle VROH NAYE DOMINIQUE

Sous la direction du : et la codirection du :

Professeur ALAIN SISSOKO Professeur KOUDOU OPADOU

Professeur titulaire de Sociologie Maître de Conférences

de Psychologie, chargé de cours

UFR Criminologie

SOMMA1RE

DEDICACE.....................................................................................

3

REMERCIEMENTS...........................................................................

4

AVANT-PROPOS..............................................................................

6

INTRODUCTION..............................................................................

7

PROBLEMATIQUE...........................................................................

9

METHODOLOGIE............................................................................

22

 
 

PREMIERE PARTIE :

PRESENTATION DU CADRE D'ETUDE ET APPROCHE DE LA DESCOLARISATION ET DE LA MARGINALITE....................................

26

 
 

CHAPITRE 1

PRESENTATION DU CADRE D' ETUDE.............................................

27

PARAGRAPHE 1 

Présentation du terrain d'étude...............................................................

27

PARAGRAPHE 2 

Présentation des institutions..................................................................

32

 
 

CHAPITRE 2 

APPROCHE DE LA DESCOLARISATION

ET DE LA MARGINALITE A YAO SEHI.............................................

34

PARAGRAPHE 1 

Approche de la déscolarisation...............................................................

34

PARAGRAPHE 2 

Approche de la marginalité..................................................................................

36

 
 

DEUXIEME PARTIE : 
DYNAMIQUE ENTRE LA DESCOLARISATION
ET LE DEVENIR COMPORTEMENTAL...............................................

39

 
 

CHAPITRE 1 

PRESENTATION DES RESULTATS...................................................

40

PARAGRAPHE 1 

Relâchement dans la prise en charge par les parents..................................................

40

PARAGRAPHE 2 

Processus d'imitation (les pairs comme modèle de référence)...........................

45

PARAGRAPHE 3 

Valorisation de soi et logique d'adaptation................................................

46

 
 

CHAPITRE 2 

INTERPRETATION ET DISCUSSION....................................................

51

PARAGRAPHE 1 

Interprétation....................................................................................

51

PARAGRAPHE 2 

Discussion.......................................................................................

60

 
 
 
 

TROISIEME PARTIE 

ACTIONS EN VIGUEUR OBSTACLES

A LA REINSERTION ET PROPOSITIONS DE SOLUTIONS......................

69

 
 

CHAPITRE 1 

ACTIONS DE LA MAIRIE DE YOPOUGON ET DE L'ONG MOUVEMENT DU NID....................................................................

70

PARAGRAPHE 1 

Actions de la mairie...........................................................................

70

PARAGRAPHE 2 

Actions de l'ONG.............................................................................

71

 
 

CHAPITRE 2 

OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIO ECONOMIQUE DES ADOLESCENTES ET PROPOSITIONS DE SOLUTIONS ........................

74

PARAGRAPHE 1 

Obstacles a la réinsertion......................................................................................

74

PARAGRAPHE 2 

Propositions de solutions.................................................................................

76

 
 
 
 

CONCLUSION PARTIELLE................................................................

79

CONCLUSION GENERALE................................................................

80

BIBLIOGRAPHIE

 

ANNEXES

 

TABLE DES MATIERES

 

DEDICACE

A mon père qui n'a jamais cessé de me soutenir et encourager dans les études.

Que le Seigneur te bénisse et t'accorde longue vie !

REMERCIEMENTS

Tout le long de la réalisation de ce mémoire, j'ai bénéficié de l'aide et du soutien spirituel, moral et matériel de plusieurs personnes de près comme de loin. Je tiens à remercier tous ces hommes et ces femmes de qualité qui ont nourri l'espoir et le désir de me voir passer le cap du mémoire afin d'aborder un troisième cycle. Je les remercie pour m'avoir mise et remise en confiance de sorte à ce que leur voeu qui était aussi le mien soit aujourd'hui une réalité.

De façon particulière, j'adresse mes remerciements à :

- Mr le professeur Alain Sissoko, professeur titulaire de Sociologie, pour avoir accepté d'assurer la direction de ce mémoire,

- Professeur Koudou Opadou, maître de conférences de Psychologie ; chargé de cours à l'UFR Criminologie, pour avoir accepté d'être mon encadreur, pour sa disponibilité et ses directives et recommandations avisées qui m'ont orientée dans l'élaboration de ce travail,

- Mr N'Tamé, maître Criminologue, chef du service Assistance sécurité urbaine de la mairie de Yopougon et son collaborateur Mr Ahounou, pour avoir mis à ma disposition la documentation et pour leur encadrement technique,

- Mr Koffi Kouamé Boitenin, chargé des affaires extérieures à l'ONG le « Mouvement du Nid », pour s'être disposé à partager avec moi son expérience en matière de recherche scientifique,

- MM Gnahoua, Koffi et Guadji de l'équipe chargée du contact de terrain au « Mouvement du Nid », pour m'avoir facilité les conditions d'administration du questionnaire grâce à leur présence avec moi sur le terrain,

- Mr Lasme Essoh, Commissaire au commissariat du 16eme Arrondissement de Yopougon, pour sa disponibilité et pour m'avoir donné accès aux statistiques de son service,

- Mr Franck, un habitant du quartier précaire Yahoséhi pour m'avoir servi de guide et ainsi facilité la tâche lors de l'administration du questionnaire,

- Mr kpan Clément pour m'avoir offert l'ouvrage « En quête de sécurité » de Sébastien Roché qui m'a beaucoup servi lors de ce mémoire,

- Mlle Djiké Annie Gwladys, ma promotionnaire de l'UFR Criminologie, pour sa participation à l'administration du questionnaire et son hospitalité lors de mon séjour dans la commune de Yopougon dans le cadre de l'enquête,

- Mon beau frère Mr Zamblé Marius pour avoir mis à ma disposition son ordinateur,

- Mr Douayéré Hervé pour m'avoir aidé à la saisie du texte,

- Mr Iritié Bi Goli Jean-Jacques pour son apport technique en matière de programmation et son soutien matériel pour la réalisation de ce mémoire.

Je suis particulièrement reconnaissante au Seigneur Jésus-Christ qui a rendu possible la réalisation de ce travail.

AVANT-PROPOS

La rédaction d'un mémoire semble d'emblée chose facile et plus d'un parmi les nouveaux venus dans la recherche scientifique que nous sommes pense pouvoir le faire en l'espace de deux ou trois mois sans trop de peine. On établit un chronogramme en croyant laisser suffisamment de marge, on pense déjà aux matériels de la rédaction finale, au jour de la soutenance.

La réalisation d'un mémoire impose bien plus de temps et de travail. En effet entre le choix du sujet et le jour de la soutenance, il y a toute une oeuvre de recherche de documents, de prise de contact, de rencontre, d'entretien, de déplacement, de réajustement du timing, sans oublier que tout ceci nécessite la mobilisation de fonds qui s'avèrent être plus importants qu'on le croyait. 

Par ailleurs, on apprend, on découvre plus qu'on ne sait ; on remonte le temps jusqu'aux premiers enseignements reçus ; on dépasse le programme les auteurs, la bibliographie, les auteurs des cours, les a priori pour se retrouver face à la réalité ; nous sommes dans le monde de la recherche.

Pour notre part, après la réalisation de ce mémoire, c'est un sentiment de soulagement et aussi de joie d'avoir passé cette épreuve qui nous ouvre désormais l'esprit sur le monde de la recherche scientifique.

Cette étude poursuit quatre (04) objectifs :

-Décrire le phénomène de la déscolarisation en milieu urbain pauvre.

-Décrire le devenir comportemental des adolescentes déscolarisées qui y vivent.

-Etablir une relation entre la déscolarisation et le devenir comportemental de ces adolescentes.

-Proposer des solutions.

INTRODUCTION

La société ivoirienne en pleines mutations se trouve bouleversée dans son organisation et son fonctionnement.

En effet, la crise économique des années 80 continue de prolonger ses conséquences négatives sur le niveau de vie des foyers, conduisant les populations à l'indigence. De même le chômage aujourd'hui n'est plus exclusif aux jeunes en proie à l'exode rural mais affecte aussi les jeunes diplômés du secondaire et du supérieur, de plus en plus qualifiés.

En outre, la démographie galopante du pays et l'immigration ont donné lieu à des agglomérations urbaines regroupant une forte densité de population. C'est le cas de la ville d'Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire. Elle abritait environ deux millions cinq cent milles (2 500 000) habitants1(*) avant la guerre et regorge une multitude de quartiers populeux. La croissance de la population et l'urbanisation galopante a vu aussi l'augmentation de la délinquance. L'on imagine aisément que le chômage, la déscolarisation et par conséquent la marginalisation sociale constitue un facteur favorisant de cette conduite délinquante.

Par ailleurs, la guerre que traverse la Côte d'Ivoire depuis la date du 19 Septembre 2002 a crée dans le pays un désordre social tel qu'une multitude de jeunes (adolescents) se sont retrouvés soit en situation de  « déplacés de guerre » soit en proie à l'enrôlement volontaire ou non et bien d'autres situations encore (orphelins, traumatisme de guerre, invalidité physique ou mentale ...)

Il faut noter que cette grande métropole qu'est Abidjan a encore été l'espace d'accueil de ces déplacés de guerre et apparaît ainsi comme le théâtre de prédilection de la délinquance juvénile. Cette délinquance affecte également le milieu féminin et y revêt souvent des formes particulières dont les prépondérantes semblent être le racolage, les coups et blessures volontaires...

Les facteurs de ces conduites déviantes sont généralement plus ou moins connus : il s'agit des manifestations des modalités de quête d'adaptation et d'intégration socio-économique. Cette délinquance est souvent aussi le fait d'orphelines, de filles analphabètes, de filles sorties du cursus scolaire de façon plus ou moins précoce, quelles que soient les causes c'est-à-dire des déscolarisées et d'origines socio-économiques pauvres.

Pour notre part, nous avons choisi de nous intéresser à la spécificité des adolescentes déscolarisées vivant dans les quartiers précaires à Abidjan. Il s'agit donc de comprendre la relation qui existerait entre leur situation de déscolarisées et leur inadaptation psycho sociale. Il s'agit précisément de Yahoséi dans la commune de Yopougon, la plus grande commune d'Abidjan avec une superficie de 14 800 ha et la deuxième plus peuplée avec 688 235 habitants.

Yao Sehi est un quartier d'habitat précaire au coeur même de la commune et y concentre une forte population depuis les années 80.

En effet, ce ne sont pas toutes les adolescentes déscolarisées issues de milieux pauvres qui deviennent des déviantes. De même, toutes les adolescentes socialement inadaptées ne sont ni des déscolarisées ni de milieux pauvres.

Comment alors expliquer que des filles, suite à leur déscolarisation deviennent des marginales ou même déviantes ?

Existe-t-il réellement un lien entre leur déscolarisation et l'évolution de leur conduite ?

Quelle serait alors la dynamique qui existe entre le devenir comportemental de ces adolescentes et leur déscolarisation ?

Pour mener à bien cette recherche, nous avons choisi un terrain d'étude que nous vous présenterons (première partie) A partir des données recueillies, nous essaierons de comprendre la dynamique proprement dite entre le devenir comportemental et la déscolarisation des adolescentes (deuxième partie) et nous analyserons les actions posées par la mairie et les ONG et les obstacles à la réinsertion de ces jeunes filles (troisième partie).

PROBLEMATIQUE

1) Justification du choix du sujet

Motivation et intérêt personnel

Nous avons choisi le travail en milieu féminin pour plusieurs raisons.

Premièrement, en tant que femme, nos intérêts sont liés à cette frange de la population de façon naturelle et sommes donc sensibles à ses problèmes. C'est pourquoi nous avons toujours souhaité apporter notre contribution à la résolution de ceux-ci.

Il faut noter qu'il revient comme un devoir à nous, femmes appelées "intellectuelles" en Afrique de nous occuper des aspects intellectuels des problèmes des femmes. Cela afin de jouer notre rôle dans l'émancipation de la femme africaine en particulier. C'est ainsi que nous nous sommes intéressées au domaine que nous connaissons le mieux ; notre formation en criminologie nous interpellant sur les phénomènes de marginalité et de déviance dans la société.

Pertinence scientifique

De tout temps, l'adolescence s'est révélée une période très critique dans la vie de l'homme et ce sujet nous permettra une fois de plus d'aborder la vaste problématique de la formation de la personnalité dans une société en mutations. De même, la question de la marginalité juvénile à travers un groupe comme celui des déscolarisées et le rôle de la pauvreté seront abordés.

Mettre l'accent dans notre étude sur la fille en particulier pourra sans doute permettre de comparer à nouveau les résultats déjà existants à ceux de cette étude dans l'objectif d'en savoir les points communs et les points divergents.

En outre, puisque l'étude part d'un cas particulier, il sera toujours intéressant d'en utiliser les données empiriques en complément à d'autres existantes ou éventuelles afin de mener une autre étude, recherche.

Pertinence sociale

Les résultats définitifs de notre recherche pourraient servir à :

- rapprocher les réalités que vivent les adolescentes déscolarisées des acteurs de la vie politique, des décideurs ;

- accentuer et orienter davantage la lutte contre la pauvreté vers une politique en amont, c'est-à-dire la prise en charge scolaire par exemple ;

- attirer l'attention des acteurs scolaires sur l'examen du système scolaire ivoirien actuel qui, trop tôt livre à l'oisiveté ;

- accentuer la lutte contre la criminalité sur la prévention sociale.

Par ailleurs l'existence d'une cellule spéciale chargée de l'éducation des filles (CEPEF) au sein du Ministère de l'Education Nationale et de la Formation de Base démontre l'importance de l'éducation féminine en Côte d'Ivoire.

2) Définition des notions

· Notions explicites

Echec scolaire :

- L'échec scolaire se définit d'abord comme un dysfonctionnement dans le déroulement de la scolarité. Il consiste en un redoublement ou en l'arrêt définitif de la scolarité.2(*)

- C'est aussi le revers éprouvé par quelqu'un qui voit ses calculs (scolaires) déjoués, ses espérances trompées. C'est l'insuccès.3(*)

- Dans le cadre de notre étude, nous ignorerons à dessein l'aspect redoublement ou mauvais résultats pour ne garder que celui d'arrêt définitif en termes de déscolarisation.

Nous pouvons aussi mentionner qu'un échec scolaire est toujours considéré comme un phénomène de société, mais aussi un symptôme de l'inadaptation de la personne.4(*)

Devenir comportemental

- Le devenir est le passage d'un état à un autre ou encore la suite de changements. Il s'agit d'une évolution, d'un mouvement.5(*)

- Le devenir comportemental est donc le devenir du comportement c'est-à-dire l'évolution de la personnalité de l'adolescente. De façon plus restreinte, il s'agit de la formation de la personnalité délinquante de l'adolescente.

Adolescentes

- Par référence aux travaux de SCAMMON, l'adolescence se situe chronologiquement dans la période de 12 à 20 ans grosso modo.6(*)

- Elle est par définition une période d'instabilité et donc de crise.

Quartier précaire

- Un quartier est une partie d'une ville ayant sa physionomie propre et une certaine unité. Le caractère précaire d'un quartier est dû au fait qu'il n'existe que grâce à une autorisation révocable, instable.7(*)

- Un quartier précaire se présente aussi comme un habitat caractérisé par son insalubrité et par un sous équipement en infrastructures sociocommunautaires : écoles, marchés, dispensaires...8(*)

· Notions implicites

Déscolarisation

- La déscolarisation est le fait pour un élève ou apprenant d'être exclu de l'institution scolaire.

- On distingue le déscolarisé par l'échec du déscolarisé par manque de moyen financier de même le déscolarisé sans qualification de celui avec qualification.

Pour notre part, nous nous intéresserons au déscolarisé sans distinction.9(*)

Réussite scolaire

- La réussite se définit comme un bon résultat, un succès.10(*)

- La réussite scolaire est le fait de demeurer dans le circuit scolaire.

Déviance

- La déviance est un comportement qui échappe aux règles admises par la société.11(*)

- Plus précisément, se sont des comportements antisociaux.

Marginalité

- La marginalité se présente comme l'état d'une personne vivant en marge de la société, une personne associable.12(*)

- C'est aussi l'activité de ceux qui ne sont pas intégrés socialement.13(*)

Délinquance

- Il s'agit d'une conduite caractérisée par des délits répétés considérée surtout sous son aspect social.14(*)

- Juridiquement, c'est le fait d'avoir des comportements ou poser des actes qui enfreignent aux dispositions du code pénal.15(*)

- En d'autres termes, c'est une inadaptation sociale, une inadaptation à la loi.16(*)

Jeunesse

- La jeunesse est la phase qui se situe entre l'enfance et l'âge adulte.

- Elle se présente comme une période d'incertitude et de quête de l'identité de l'individu. Une délimitation chronologique arbitraire de la jeunesse se situe de 15 à 34 ans.17(*)

La jeunesse qui concerne notre étude est la jeunesse déscolarisée.

Pauvreté

- La pauvreté est l'état d'une personne qui manque de moyens matériels, d'argent. C'est l'insuffisance de ressources.18(*)

3) Revue de littérature et cadre théorique de référence

· Revue de littérature

La recherche scientifique n'est pas restée improductive dans le domaine de l'étude du comportement marginal de l'adolescence. C'est pourquoi, nous essaierons d'en faire la revue dans la mesure de nos investigations.

- Recensions des écrits empiriques

Les thèmes de déscolarisation, de marginalité, de l'adolescence et celui du vécu en milieu urbain pauvre ont souvent été abordés par nombre d'études dans le domaine de la recherche scientifique. Ces différentes notions nous ont servi de base pour formuler notre sujet qui s'intéresse à la spécificité des filles.

Ainsi l'adolescence, la déscolarisation, l'adaptation sociale dont nous parlerons dans un contexte de vécu en milieu social défavorisé seront celles des filles. Il s'agira alors pour nous d'approcher la dynamique qui a lieu de l'échec scolaire à la déviance.

Dans une telle perspective, les écrits nous semblent peu abondants, car nous pouvons le dire avec Alain SISSOKO « la réalité sociale de la "condition féminine" des jeunes filles déscolarisées en milieu urbain ivoirien est largement méconnue ».19(*) Néanmoins, nous nous pencherons sur certains écrits que nous avons pu répertorier.

Dans l'un de ses travaux de recherche sur les jeunes filles déscolarisées, SISSOKO fait ressortir les pratiques sociales de ces jeunes filles en rupture avec l'école et leur devenir en prenant en compte le fait que la rupture constitue bien souvent un obstacle à l'engagement pro social de l'individu (en rapport avec un horizon temporel d'existence).

En effet, l'auteur explique que c'est dans une logique de débrouillardise, de recherche d'une position sociale valorisante et dans un contexte de dureté de la vie que ces jeunes filles déscolarisées et issues de milieux pauvres s'adonnent à des pratiques telles la consommation de la drogue et la prostitution.

MARGUERAT, dans les années 80 abordait, quant à lui le thème de la délinquance juvénile en milieu urbain et précisément à Abidjan. Dans ses travaux, il posait le problème de la "spécificité féminine" de la délinquance juvénile.

En effet, il note qu'au sein des délinquants adolescents qu'il a eu à enquêter (sur étude de dossiers de la justice ivoirienne) le pourcentage des filles est faible. Par ailleurs, les retards et les échecs scolaires très importants chez les garçons le sont davantage chez les filles. Il fait ainsi ressortir le caractère problématique de la rupture avec l'école chez elles surtout. Lorsqu'il jette encore un regard sur la condition socio-économique de ces adolescents, MARGUERAT remarque que les garçons comme les filles proviennent essentiellement des quartiers les plus populaires.

Dans cette étude, l'approche étant essentiellement descriptive, les facteurs explicatifs ne nous sont pas révélés.

Abordant la problématique de la relation entre l'école et la délinquance, mais pas dans sa spécificité féminine, SAIHASSI Anvo Simon20(*) se pose la question de savoir comment l'école qui devrait aider l'adolescent à s'insérer socialement en arrive à en faire un délinquant. Comme réponse, il affirme que c'est l'éjection, la mise à l'écart du système scolaire de l'adolescent qui rend son insertion sociale hypothétique et le pousse vers la délinquance, cela se rencontre surtout dans le milieu urbain pauvre, prenant le cas de la ville d'Abidjan.

En effet, les parents n'ayant pas les moyens de leur offrir une autre scolarité publique ou privée ne peuvent non plus leur trouver un patron pour l'apprentissage d'un métier.

Quant aux adolescents eux-mêmes, la culture scolaire qu'ils ont reçue les emmène à répugner le travail manuel et à refuser toute formation en la matière. « Dépourvus de qualification et de solides diplômes, ces adolescents ne peuvent évoluer favorablement sur le marché du travail [...] La mise à l'écart du monde du travail va les contraindre à une vie anormale. Cette vie caractérisée par le chômage et l'ennuie devient alors pleine de problèmes ».

Délaissés par leurs parents au profit des jeunes frères dans un contexte de famille nombreuse, « pour cette jeunesse, l'essentiel est de pouvoir mettre en oeuvre des moyens efficaces capables de leur procurer ce dont ils ont besoin sur le plan matériel et affectif

Les jeux du hasard, les vols, la drogue, etc. tous les comportements que la société considère comme dangereux pour sa stabilité sont considérés par eux comme le salut. »

Dans ce milieu, la réinsertion sociale s'avère difficile à cause des conditions de vie dans lesquelles l'adolescent évolue ; c'est ce qu'a étudié GOHI Clahon21(*).

En effet, les impactes de la pauvreté économique, la logique de débrouillardise dans laquelle se placent les adolescents, la détérioration de leurs relations familiales et l'influence du groupe, sont autant de facteurs qui constituent des obstacles à leur réinsertion sociale. S'agissant des comportements déviants qu'il a examinés, il note que chez les filles, c'est la prostitution qui semble dominer.

De façon plus générale, Fabienne Tanon22(*) aborde dans son ouvrage la question du décrochage scolaire (« drop in » et « drop out »).

Dans la préface de ce livre, C. Rojzman est d'emblée pour l'idée que dans le contexte de pauvreté, la déscolarisation a une particularité .Il affirme en effet que : « Le sentiment d'inutilité sociale qui touche une grande partie de la population touche d'autant plus ces jeunes des quartiers populaires qui ont vécu l'échec scolaire ».

L'une des collaboratrices de Fabienne Tanon, Michèle Guigue, analyse l'acuité du phénomène de déscolarisation à travers la représentation sociale moderne qui voit en l'école «une forme de socialisation, d'éducation et d'instruction qui va tellement de soi que » son abandon, sa sortie devient problématique puisque cet échec « touche à l'un des socles consensuels et fondateurs de notre société ».

En outre, le décrochage scolaire tend à devenir une préoccupation sociale du fait de « l'augmentation des actes de délinquance commis par des mineurs de plus en plus jeunes et du fait des difficultés de l'insertion professionnelle des jeunes peu formés .Le décrocheur tend donc à être considéré comme un jeune à la dérive, à risque, potentiellement dangereux »

- Recensions des écrits théoriques et méthodologiques

Les théories explicatives de la délinquance juvénile auxquelles nous nous référerons et qui ont fait l'objet d'écrits scientifiques sont d'ordre psychosocial. Toutes abordent la formation de la personnalité délinquante en association avec son milieu de vie.

Pour ROBERT Cario « Il ne fait aucun doute en effet que de la qualité de la socialisation de l'enfant, de l'adolescent, du jeune adulte dépendra le respect des valeurs qui fondent l'harmonie sociale ».23(*)

Or la personnalité des jeunes concernés selon l'auteur s'est construite dans un environnement affectif et socioculturel perturbé dont attestent les ruptures matrimoniales et les instabilités socioculturelles principalement vécues par leurs parents.

CARIO fait en outre remarquer que durant le processus de socialisation, la scolarité prend une place essentielle et du soutien familial dépendra la réussite ou l'échec scolaire dont les retentissements sur l'équilibre de l'intéressé sont incontestables. Chez lui, l'entrée en adolescence apparaît essentielle pour la consolidation de la personnalité structurée précédemment, à savoir dans l'enfance. Ici donc, tous les acquis de l'enfance se (re)jouent dans une perspective très claire : s'affirmer individuellement pour rentrer dans la société des adultes. En ce qui concerne le milieu d'origine dans le passage à l'acte, R. CARIO constate que les jeunes défavorisés sont visiblement plus délinquants que les autres simplement parce que leur socialisation, leur vécu socioculturel ne leur a pas permis d'engrammer suffisamment d'informations pour agir en toute circonstance positivement sur leur environnement par des voies socialement adéquates.

Au total, pour CARIO la délinquance est le fait du déficit de l'éducation et du soutien parental que favorise le milieu pauvre.

Le criminologue Sébastien ROCHE fait quant à lui la synthèse de trois théories majeures de l'explication de la délinquance.

En effet, il affirme que la délinquance serait l'effet d'un déficit de contrôle social, c'est à dire un déficit de l'attachement social de l'individu. Cet attachement ou contrôle social se traduit en trois types. D'abord le contrôle direct qui susciterait un attachement consiste en l'intervention d'agent du contrôle social dans l'application des règles conventionnelles. Ensuite le contrôle est aussi établi du fait de l'engagement, à savoir les choses ou liens que l'individu risquerait de perdre s'il s'engageait dans la délinquance. Enfin le contrôle interne qui s'exerce par la croyance morale liée à la délinquance mais aussi à la capacité de contrôler son propre comportement, d'ajuster ses conduites à des normes que l'on s'est fixées.

Par ailleurs, la délinquance est aussi l'effet d'une association à des délinquants ; il s'agit de l'apprentissage social. Cette théorie suggère que la délinquance n'est pas d'abord la résultante d'un manque de contrôle social, mais plutôt la conséquence d'une association à des modèles délinquants induisant l'acquisition de normes et de techniques délinquantes. Elle se base sur quatre (4) concepts majeurs que sont : l'association différentielle, les définitions, le renforcement différentiel et l'imitation.

La dernière théorie exposée par ROCHE est celle qui voit dans la délinquance la résultante des tensions subies par l'individu.24(*)

· Cadre théorique de référence ou approche disciplinaire

La criminologie est une science éclectique, c'est-à-dire qu'elle est au carrefour de plusieurs sciences sur lesquelles elle se base pour formuler sa propre approche afin de cerner son objet d'étude qu'est le criminel. C'est pourquoi nous nous devons d'appréhender le devenir comportemental de l'adolescente tant dans son interaction avec son milieu que dans sa particularité individuelle, c'est-à-dire dans une approche criminologique. CARIO Robert l'a si bien dit « Il serait vain de nier la dimension individuelle lors de toute approche de la délinquance des jeunes. Mais il serait tout aussi réducteur de ne pas considérer que le jeune acteur social devenu délinquant et jugé comme tel appartienne à une société particulière et entretient avec ses semblables des relations sociales spécifiques. »25(*)

Ainsi, nous considérerons d'une part notre travail au plan sociologique en nous appuyant sur un modèle d'analyse reposant sur deux concepts clé : celui de rapport social et d'acteur social. Ceci revient à appréhender le devenir de l'adolescente comme le résultat d'une exclusion sociale et aussi comme la réaction de l'adolescente aux influences de son milieu. D'autre part l'approche psychologique nous permettra de tenir compte du caractère individuel de l'adolescente par rapport à ses paires.

Par ailleurs, l'explication du comportement délinquantiel ou marginal ne saurait se faire à partir d'une causalité linéaire. Il nous revient donc ici à approcher le devenir des adolescentes déscolarisées dans une approche multifactorielle différentielle.

4) Formulation du problème des questions et hypothèses de recherche

Le problème

Selon l'UNICEF, « en donnant aux filles un bon départ dans la vie, on contribue à la croissance économique à long terme et à la réduction de la pauvreté »26(*). Nous partageons cette assertion d'où notre intérêt pour les filles.

En effet, la fille est la future femme, un futur agent économique. Il s'agit de lui donner les capacités de jouer pleinement ce rôle. Elle doit participer tant à la production qu'à la consommation, bases de la croissance dans le circuit économique. Dès lors, la fille devenue femme et aussi mère - ce qui signifie le deuxième chef de la famille après l'homme - pourra porter les charges primaires de la famille à savoir la capacité de se soigner, de se nourrir, d'être éduquée. Elle contribue par conséquent à la réduction de la pauvreté.

L'école se présente comme un canal pour assurer l'éducation et la formation des filles afin de leur permettre d'atteindre la capacité d'insertion socioprofessionnelle.

Cependant, force est de constater en Côte d'ivoire que cette école devient souvent source d'échec pour les filles et les éjecte de son système.

En effet, en Côte d'ivoire le taux de scolarisation des filles dans le primaire qui est de 67,3% se réduit à 16,9% dans le secondaire. En outre, le taux d'achèvement de la 6e année (CM2) chez les filles au cours de l'année scolaire 1999 - 2000 était de 40% et ce taux a ressenti une baisse de 0,86 points en 2001-2002.27(*)

Ces statistiques font état que la déperdition scolaire ou encore déscolarisation des filles est un phénomène important en Côte d'ivoire. L'on pourrait alors se poser la question de savoir ce que deviennent toutes ces adolescentes qui n'ont pu achever leur parcours scolaire.

Au surplus, l'on pourrait se demander s'il n'y a pas un certain lien entre leur devenir comportemental et leur échec scolaire.

En effet, comment expliquer les conduites de toutes ces filles déscolarisées qui s'adonnent à des pratiques telles la prostitution formelle comme informelle, le commerce illicite de médicaments et de drogues et même à, des actes d'infraction comme le vol, le recel...

Par ailleurs, le contexte urbain d'extrême pauvreté dans lequel évoluent ces adolescentes offre souvent peu de possibilités d'insertion socioprofessionnelle ; ce qui n'est pas de nature à résorber leurs comportements déviants.

Les questions

- Y a-t-il un lien entre la situation de déscolarisées des adolescentes vivant dans les milieux défavorisés et le développement des conduites délinquantes chez elles ?

- Quelle est la dynamique qui existe entre leur statut de déscolarisées et leur devenir comportemental ?

- En somme, quel est leur itinéraire de l'échec scolaire à la déviance ?

Les hypothèses

- Hypothèse générale

Il existe une dynamique, un lien entre l'échec scolaire et le devenir comportemental des adolescentes vivant dans les quartiers précaires.

- Hypothèses opérationnelles

(1) Les adolescentes déscolarisées des milieux défavorisés développent des conduites déviantes suite à l'échec scolaire parce qu'il y a un relâchement dans leur prise en charge par les parents.

(2) La fréquentation et la proximité d'autres filles déscolarisées développant des conduites déviantes amènent les adolescentes à faire de même par processus d'imitation.

(3) Les adolescentes déscolarisées issues des milieux défavorisés développent des conduites déviantes parce qu'elles veulent se valoriser dans la société.

METHODOLOGIE

1) Population et échantillon

- Population et ses caractéristiques

Notre population d'enquête est composite : il s'agit des la population cible que constituent les adolescentes déscolarisées domiciliées à Yahoséi et cela depuis au moins 6 mois. Ce critère de durée dans le temps afin de ne pas perdre de vue l'influence du milieu sur l'enquêtée. La jeune fille doit par ailleurs être âgée de 14 à 19 ans. Bien que la période de l'adolescence soit située entre 12 et 20 ans. Nous avons choisi cette délimitation à dessein pour trois raisons principales.

D'abord il faut que les répondantes soient à même de bien comprendre et répondre à nos questions.

Ensuite parce que cela va nous permettre de mieux apprécier le vécu du temps de déscolarisation de l'adolescente.

Enfin, dans l'adolescence qui constitue une période critique dans la formation de la personnalité l'âge de 14 ans marque le début de la quête de l'identité propre. Ce qui va nous permettre d'apprécier les perceptions de notre population cible.

A cette population principale, s'ajoute aussi les adolescentes scolarisées et les parents de Yao Sehi, les responsables d'une ONG, les responsables du service de sécurité de la mairie de Yopougon.

- Echantillonnage et échantillon

Notre échantillonnage se fait en prenant en compte les critères d'âge de déscolarisation, du lieu d'habitation et de sexe. Notre échantillon comportera trente (30) adolescentes déscolarisées et âgées de 14 à 19 ans résidant à Yao Sehi.

En plus de cet échantillon principal, nous aurons quinze (15) adolescentes scolarisées, cinq (5) parents tous résidant à Yahoséi, et des responsables de l'ONG « mouvement du nid Côte d'Ivoire » et du service sécurité de la mairie de Yopougon à la maison des jeunes.

2) Techniques de recherche

Deux techniques principales ont retenu notre attention. Ce sont l'observation et l'enquête.

- Observation

Nous avons fait une observation documentaire dans divers livres, ouvrages à la bibliothèque centrale de l'Université de Cocody, à l' IRD, à la documentation de l'ONG « mouvement du nid » et aussi dans les registres des services de Police du 16e Arrondissement. En outre, nous avons sillonné et parcouru le quartier à plusieurs reprises avant même l'administration des questionnaires. Cela nous a aussi permis de vérifier la précarité et l'insalubrité des lieux.

- Enquête

Nous avons fait une enquête auprès de notre échantillon en lui administrant des questionnaires constitués de questions essentiellement ouvertes et semi-ouvertes. Le choix des questions répond au désir de capter le maximum d'informations chez notre population et cerner les récits et les représentations sociales des enquêtées tout en gagnant en concision pour faciliter notre dépouillement.

Nous avons adressé un questionnaire aux adolescentes déscolarisées prostituées de 14 à 19 ans vivant à Yahoséi. Les thèmes de ce questionnaire sont l'identification des sujets, la catégorie socioprofessionnelle de leurs parents, leur milieu familial et leur prise en charge financière, les causes de leur déscolarisation et le sentiment de frustration chez elles, leur vécu déviant dans la déscolarisation et leurs perspectives d'avenir. Un autre aux adolescentes déscolarisées non prostituées qui porte sur les mêmes thèmes à la différence du vécu de la déscolarisation qui n'est pas prostitutionnel et leur perception des pratiques déviantes. Un autre encore aux adolescentes scolarisées composé des thèmes de l'identification, la catégorie socioprofessionnelle des parents ainsi que le milieu familial et leur prise en charge financière. Un entretien avec le commissaire du 16e Arrondissement, un autre aux parents de Yahoséi et un entretien avec le responsable de l'ONG « Mouvement du nid Côte d'Ivoire ».

3) Méthodes d'analyse des données

La méthode qualitative et la méthode quantitative sont ici les mieux indiquées pour le traitement des données compte tenu de notre technique de recherche qui comporte des questions ouvertes et semi ouvertes.

Nous avons opéré des tris à plat et à recourir à l'analyse de contenu.

4) Difficultés rencontrées

Tout au long de ce travail, nous avons rencontré plusieurs difficultés surtout d'ordre matériel.

En effet, l'éloignement de notre lieu de résidence de celui de notre enquête nous a contraint à séjourner dans la commune et surtout à prolonger ce séjour à maintes reprises pour les besoins de l'enquête ; toutes choses qui nous ont coûté des frais supplémentaires. Nous avons aussi eu des difficultés à travailler seule car la plupart du temps, de jour comme de nuit, il nous fallait être accompagnée à cause de l'insécurité et cela nous a par moments retardé dans notre évolution.

Par ailleurs, l'indisponibilité d'ouvrages à la bibliothèque centrale de l'Université de Cocody et la fermeture du centre de documentation de l'UNICEF nous ont limité dans la revue de littérature.

PREMIERE PARTIE

PRESENTATION DU CADRE D ETUDE

ET MANIFESTATIONS

DE LA DESCOLARISATION

ET DE LA MARGINALITE

CHAPITRE 1 : PRESENTATION DU CADRE D'ETUDE

Nous avons procédé au recueil de nos donnés à Yahoséi, quartier précaire de la commune de Yopougon. Il convient donc de présenter cette commune dans son ensemble avant d'en arriver au terrain d'étude spécifique.

PARAGRAPHE 1 : PRESENTATION DU TERRAIN D'ETUDE

I : Présentation de la commune de Yopougon

L'histoire nous raconte que Yopougon était un village ébrié situé aux environs de l'actuelle usine UNIWAX et les espaces avoisinants.

Cette collectivité territoriale dotée de personnalité morale et financière qu'est aujourd'hui la commune de Yopougon a été créée par la loi n° 78-07 du 09 Janvier 1978 portant création des communes de plein exercice en Côte d'Ivoire et organisée par la loi n° 80-1180 du 17 Octobre 1980, modifiée par la loi n° 85-578 du 29 Juillet 1985 n° 95-608 ainsi que 95-611 du 03 Août 1995.

1 Situation géographique

a) Aspects physiques

La commune de Yopougon s'étend sur une superficie de 14 800 ha et couvre le Nord-Ouest de la ville d'Abidjan. Elle est la plus vaste des communes d'Abidjan.

La commune est limitée au Nord par les communes d'Abobo et d'Anyama, au Sud par le port d'Abidjan et l'Océan Atlantique, à l'Est par la commune d'Attécoubé et à l'Ouest par la commune de Songon.

Elle se décompose en 40 quartiers dont 12 villages de type traditionnel (au plan socioculturel) et une multitude de quartiers précaires.

b) Aspects démographiques

La commune de Yopougon est la deuxième commune la plus peuplée de l'agglomération d'Abidjan.

Selon le dernier recensement de 1998, la commune comptait une population totale de 688 235 habitants, soit 341 823 hommes et 346 412 femmes. Elle avoisine aujourd'hui 1 million d'habitants dont 56.1% de jeunes de moins de 20 ans.

La commune est aussi marquée par une diversité relativement forte d'ethnies ivoiriennes et de communautés étrangères.

Appelée « cité dortoir », Yopougon est en majorité composée d'habitations groupées construites par les sociétés immobilières parapubliques et privées ainsi que par les grandes entreprises de la place, d'immeubles collectifs, de cours communes, des villages et leurs extensions.

Les quartiers précaires sont en grand nombre sont disséminés dans la commune, entre autres Yao Sehi, Doukouré, Mon mari m'a laissé.

2- Situation socio-économique

La commune de Yopougon présente un caractère diversifié dans son aspect social. Quand à sa situation économique, elle est dominée par le commerce.

a) Situation sociale

On peut retenir que 78.7% des habitants ont un niveau équivalent au moins à celui du primaire.

On y trouve des chrétiens en majorité (54.1%) et des musulmans (21.2%).

La commune dispose de plusieurs centres de santé publics et parapublics et d'un centre hospitalier universitaire.

La commune offre à sa population plusieurs établissements publics et privés. A ces établissements, s'ajoutent des institutions spécialisées telles l'Ecole des Sourds, l'Institut des Aveugles, l'Institut de Formation et d'Education Féminine (IFEF) et trois centres sociaux qui ont pour objet l'assistance des populations vulnérables, désoeuvrées, en détresse, etc.

Il faut noter aussi que quelques ONG de la commune s'occupent de la formation professionnelle des enfants en difficulté et de leur réinsertion socio-économique.

La commune de Yopougon compte au niveau institutionnel :

- 01 escadron, 02 brigades de gendarmerie et un groupement de sapeurs

pompiers militaires.

- 03 commissariats (16, 17, et 19ème Arrondissement), et un district de police.

b) Situation économique

La commune de Yopougon jouit de la présence d'une importante zone industrielle (entre Andokoi et Gesco) et d'une zone artisanale située dans le secteur de Niangon.

Le commerce connaît un essor remarquable avec plus de 15 marchés disséminés dans la commune.

A côté de ces grands espaces de commerce, l'on note la présence d'un nombre important de maquis dont la célèbre « rue princesse ». Cette rue composée d'une trentaine de maquis et bars attire chaque soir des milliers de personnes venant de divers horizons.

II- Présentation du quartier précaire de Yahoséi

1. Situation géographique

a) Aspects physiques

Le quartier précaire Yahoséi est situé en limite de deux quartiers d'habitat individuel et d'habitat sur cour : SIDECI (société immobilière de Côte d'Ivoire) et SICOGI (Société Ivoirienne de Construction et de Gestion Immobilière).

Il est en quasi-totalité entouré d'espaces résiduels et se trouve aux abords d'un canal primaire d'assainissement.

Yahoséi s'étend sur une superficie de 13ha et est implanté en totalité dans les emprises réservées à la voie primaire dite « axe médian de Yopougon ».

b) Aspects démographiques

Son appellation « Sicobois Yahoséi » est révélatrice de ce qu'il est constitué en majorité de baraques et de seulement 5%·de bâtiments en dur.

Yahoséi est composé de 3400 ménages en 1990. L'évolution de la population est de plus de 150% ; 90% des chefs de ménages travaillent à Yopougon.

On y retrouve plusieurs ethnies de Côte d'Ivoire et un grand nombre d'immigrés. Il s'agit d'une population indigente provenant de la crise économique des années 80, de l'exode rural et aujourd'hui des déplacés de la guerre que vit la Côte d' Ivoire. La population est en majorité composée de femmes seules (célibataires, veuves ou abandonnés) et d'enfants et adolescents dont beaucoup sont livrés à eux-mêmes. Elle compte aussi un fort taux d'analphabètes et de déscolarisés.

2. Situation socio-économique et culturelle

Situation sociale

On rencontre à Yahoséi une population vivant dans des courées de 10 à 12 maisons abritant chacune une famille (c'est-à-dire une seule pièce) avec une cuisine commune, le coin latrines douches fait en général défaut. Aucune cour n'a de service individuel d'eau potable, de branchement électrique légal, de service d'évacuation des eaux usées et des ordures.

Cette situation crée la promiscuité avec les risques d'épidémies, MST, SIDA et entraîne des relations de voisinage conflictuelles et violentes. Elle engendre de même le désoeuvrement des femmes, des jeunes et des enfants conduisant à la délinquance précoce et livrant une partie de cette population à une prostitution de survie.

Cependant, à Yahoséi, la population est organisée et structurée. Chaque groupe ethnique a à sa tête un chef.

Situation économique

Au plan économique, il est doté d'un marché, d'un centre de santé publique et de plusieurs officines privées. On y remarque aussi la présence de plusieurs tradi-praticiens et guérisseurs.

Il est aussi doté d'une école maternelle. A ses abords se trouve également le centre polyvalent St Jean Eudes qui abrite les locaux de l'ONG « mouvement du nid », lequel mouvement a pour objectif la lutte contre la prostitution.

PARAGRAPHE 2 : PRESENTATION DES INSTITUTIONS

I- Présentation du service social de la mairie de Yopougon

Le service social de cette commune qui a vu sa création il y a quelques années dénote de l'importance qu'accorde la commune aux différents problèmes des jeunes en général et des jeunes déscolarisés en particulier.

Il n'existe pas de programme cible pour les jeunes déscolarisés des quartiers précaires.

La mairie lutte contre ces phénomènes anti-sociaux. Cette lutte s'inscrit dans la lutte contre la pauvreté.

A côté de cela nous avons le service Assistance Sécurité Urbaine de la commune qu'abritent les locaux de la maison des jeunes de la commune. Son action s'inscrit dans la lutte préventive contre l'insécurité. Ce service développe des actions en direction des jeunes déscolarisés en vue de leur insertion sociale. Ainsi à travers le Projet d'Appui à la Sécurité Urbaine (PASU), elle entreprend des actions financées par le PNUD et le Royaume de Belgique. La mairie de Yopougon travaille aussi avec les ONG de la commune.

II- Le mouvement du Nid Côte d'Ivoire

C'est une ONG internationale représentée en Côte d'Ivoire depuis1993. Son siège social se situe au Centre d'Accueil Missionnaire (CAM) dans la commune du Plateau. Une annexe est située dans la commune de Yopougon : le centre polyvalent Saint-Jean Eudes qui abrite les activités de l'ONG. Ce centre est situé entre le quartier précaire SICOBOIS Yahoséi et la SIDECI, derrière l'antenne de Côte d'Ivoire Télécom. Il comprend plusieurs salles équipées et deux (2) abris. Il est aussi doté d'un espace de jeux.

L'objectif du Mouvement du Nid est de lutter contre la prostitution sous toutes ses formes et ses conséquences. Il agit tant au niveau de la prévention que de la réinsertion. A cet effet, le centre Saint Jean Eude abrite diverses activités que sont : la formation professionnelle, notamment la couture, la coiffure, l'alphabétisation, l'éducation à la vie familiale et l'éducation physique et sportive.

Au sein du centre se tiennent aussi des réunions hebdomadaires et d'autres activités des membres du Mouvement du Nid. Il s'agit des réunions de travail, des séances d'écoute de la population cible. En effet, l'ONG travaille par commission ou équipe. Elle comprend aussi un secrétaire général et un délégué chargé des affaires extérieures. Elle travaille aussi en collaboration avec des maîtresses d'éducation permanentes et des assistants sociaux. Ses moyens financiers proviennent des cotisations des membres et des subventions accordées par les partenaires au développement

Une permanence existe aussi au centre ou le mouvement dispose d'une documentation à l'intention des visiteurs et de toute personne désireuse d'avoir des informations.

CHAPITRE 2 : APPROCHE DE LA DESCOLA RISATION ET

DE LA MARGINALITE

La déscolarisation et la marginalité juvénile sont des phénomènes sociaux qui ne sont pas nouveaux à Abidjan, encore moins dans les milieux sociaux défavorisées. Plusieurs recherches en ont fait leur objet d'étude. C'est pourquoi leurs facteurs sont connus de façon générale, de même que leurs manifestations et leurs conséquences. Toutefois, certains aspects peuvent s'avérer spécifiques à Yahoséi.

PARAGRAPHE 1 : APPROCHE DE LA DESCOLARISATION A

YAHOSEI

Il s'agit pour nous de jeter un regard sur d'une part les manifestations et d'autre part les facteurs et les conséquences immédiates de la déscolarisation.

I- Manifestations de la déscolarisation à Yahoséi

La déscolarisation est une réalité indéniable à Yahoséi aussi. Nous y avons interrogé 30 adolescentes déscolarisées âgées de 14 à 19 ans et dont le niveau d'étude est en majorité le primaire.

Nous avons eu aussi à interroger 15 adolescentes scolarisées du même âge. Bien que ces filles aient toutes le niveau secondaire, la majorité n'en est qu'au premier cycle. Ceci nous emmène à comprendre que les filles sont victimes du retard scolaire. De même, nous pouvons remarquer que la déscolarisation intervient en bas âge à Yahoséi. En effet, si l'on fait la différence entre l'âge actuel et celui de la déscolarisation, on se rend compte que pour plus de la moitié des filles, elle est intervenue entre 5 et 11 ans. Par conséquent, on peut dire que parmi les enfants scolarisées au départ, l'éducation de base n'est pas assurée pour elles toutes.

II- Facteurs et conséquences de la déscolarisation à Yahoséi

33,33% de filles ont évoquées comme causes de leur déscolarisation le manque de moyens financiers de leurs parents. Ceci s'explique par le fait que les parents sont souvent licenciés, à la retraite ou encore de petits fonctionnaires ou commerçants et des paysans. De même, ces enfants sont souvent issus de familles nombreuses avec l'effet de la polygamie et le père n'arrive pas toujours à faire face aux besoins de tous ses enfants. A la suite de cette première cause, on note que 23,33% de filles disent avoir quitté l'école par démotivation personnelle. En effet, leur intérêt pour l'école s'affaiblit souvent à cause de redoublements répétés ou encore de frustrations reçues de la part des enseignants mais aussi de l'absence d'encouragement provenant des parents et de leurs milieu de vie qui leur offre peu ou pas de modèles en matière de réussite scolaire. En outre, ce sont 16,68% d'adolescentes déscolarisées qui le sont à cause de l'exclusion scolaire. En effet beaucoup d'élèves de Yahoséi obtiennent de mauvais résultats scolaires car il leur manque souvent le minimum de supports matériels scolaires. Leur cadre de vie et les familles recomposées ou monoparentales dont ils sont issus retentissent sur leur stabilité psychologique et leurs aptitudes scolaires. Les goulots d'étranglement que représentent souvent les classes d'examens comme le CM2, la troisième et la terminale sont de véritables freins à la scolarité des enfants des milieux défavorisés, les parents ne disposant pas de moyens financiers pour leur assurer une scolarité privée une fois renvoyés du système public. Les adolescentes dont la déscolarisation relève du décès du père ou de cas de maladie représentent chacune pour leur part, 13,33%.

Le décès du père signifie très souvent dans une famille défavorisée, la fin de toute prise en charge scolaire et même financière car celui qui reçoit la garde de l'enfant n'est pas toujours prêt à s'engager dans des dépenses scolaires. Par ailleurs, la maladie est un facteur extérieur qui handicape souvent l'enfant et lui fait prendre du retard et plus tard, quand bien même il guérit les parents ne voient plus le besoin pour lui de reprendre l'école, prétextant qu'il peut réussir par d'autres voies.

Les conséquences de toute cette déscolarisation souvent précoce (au cours préparatoire ou élémentaire) sont l'analphabétisme, le fait que les jeunes ne disposent pas de diplôme, ils se retrouvent dans une situation d'oisiveté et d'errance et quelque fois même de marginalité dite sociale.

PARAGRAPHE 2 : APPROCHE DE LA MARGINALITE

Selon les statistiques de l'année 2005 du commissariat du 16eme arrondissement qui prend en compte le secteur de Yahoséi, au mois de février, deux (02) filles de 16 et19 ans ont été déférées pour les délits de coups et blessures volontaires (CBV) sur un total de 36 cas de CBV. Au mois de Mars, trois adolescentes de 11,15 et 19 ans ont été déférées respectivement pour les délits de vol et recel, abus de confiance et vol en réunion sur un total de 41 cas de CBV, et 281 cas de vol. Au mois d'avril, une mineure de 17 ans est déférée pour le délit de vol sur un total de 196 cas de vol. Au mois de mai, trois adolescentes de 14,17 et 18 ans sont déférées respectivement pour les délits de vol, abus de confiance et enlèvement de mineure sur un total de 186 cas de vol, 215 cas d'abus de confiance et 6 cas d'enlèvement d'enfant.28(*)

Le constat est que le nombre d'adolescente déféré est très faible. Ceci montre que la commission de ce type d'infraction n'est pas fréquente dans le milieu des filles même s'il est vrai qu'il ne s'agit là que de la criminalité légale.

En effet,  « la délinquance des filles n'est pas la délinquance violente » aux dires de Mr Essoh Lasme, commissaire de police du 16eme Arrondissement. Ceci peut être l'une des raisons pour lesquelles les filles, surtout les adolescentes ne sont pas aussi mêlées à d'autres formes d'infraction que le délit racolage qui lui-même découle de la prostitution.

C'est pourquoi, bien que M. le commissaire affirme : «Yahoséi est un quartier hautement criminogène. On vient d'y tuer 11 bandits dans un fumoir »29(*) (Nous étions au mois de Juin), les comportements marginaux qui ont retenu notre attention à Yahoséi sont la prostitution et l'avortement qui est un comportement délinquantiel.

1- Prostitution

Pinatel affirmait : « Dans notre pays, la prostitution n'est pas englobée dans la définition juridique du crime. Et pourtant criminologiquement, on n'est pas loin d'admettre que la prostitution est pour la femme un équivalent du délit. Ce qui est sûr, c'est que le volume de la criminalité féminine change complètement lorsqu'on tient ou ne tient pas compte de la prostitution dans les statistiques. »30(*)

La pratique de la prostitution semble dominer les comportements marginaux des filles déscolarisées à Yahoséi. Cette prostitution est formelle c'est- à dire qu'elle consiste à se rendre sur un site prostitutionnel et à offrir ses charmes en échange d'une certaine somme d'argent. Plusieurs de nos enquêtées vivent dans des hôtels de passe. Il s'agit pour d'autres encore d'une prostitution occasionnelle qui survient chaque fois que l'adolescente a besoin d'argent.

Dans notre échantillon, 15 déscolarisées s'adonnent aujourd'hui à la prostitution formelle. En plus d'elles une autre fille s'y est adonnée par le passé.

Quant aux scolarisées, deux d'entre elles s'y adonnent également. Comme pouvait nous le dire un parent de Yahoséi,  « ce quartier est pourri. Les filles aiment la vie facile et nous, on voit mais on ne peut rien dire parce qu'il n'y a plus de respect. »

Il ressort donc que le contexte de pauvreté dans lequel évoluent ces filles et la « facilité de ce commerce » sont les causes de ces comportements marginaux chez ces adolescentes.

La perte de l'estime de soi, les IST, le SIDA et la marginalisation sociale sont souvent les conséquences de la prostitution.

2- Avortement

L'avortement est un délit en Côte d'Ivoire.

Selon l'article 366 du code pénal ivoirien,  « Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manoeuvres, violences ou par tout autre moyen procure ou tente de procurer l'avortement d'une femme enceinte, qu'elle y ait consentie ou non, est puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 150 000 à 1 500 000 francs »

Cependant, La pratique de l'avortement est très répandue à Yahoséi. Bien que seulement 20% des filles se dit être concernée, nombreuses sont en réalité celles qui l'ont déjà pratiqué car plusieurs filles reconnaissent avoir une camarade qui se soit déjà fait avorter.

C'est le plus souvent le refus du géniteur d'assumer ses responsabilités, la peur des parents, la peur de devenir fille mère qui poussent les adolescents à se faire avorter. Il s'en suit souvent des cas de décès, d'infections ou même de stérilité.

DEUXIEME PARTIE 

DYNAMIQUE ENTRE LA DESCOLARISATION DES ADOLESCENTES ET LEUR DEVENIR COMPORTEMENTAL

CHAPITRE 1 : PRESENTATION DES RESULTATS

Notre méthode d'analyse étant tout aussi qualitative que quantitative, c'est le lieu de présenter les résultats obtenus à partir de nos investigations.

Notre enquête a porté sur un échantillon de trente (30) adolescentes déscolarisées dont quinze prostituées et quinze (15) non prostituées.

Toutes ces filles ont entre 14 et 19 ans et ont pour lieu de résidence Yao Sehi.

Nous avons interrogé quinze (15) adolescentes scolarisées pour servir d'élément de comparaison toutes les fois que cela s'avèrera nécessaire. Toutes ces filles résident également à Yahoséi et ont un âge situé entre 14 et 19 ans.

PARAGRAPHE 1 : RELACHEMENT DE LEUR PRISE EN CHARGE

PAR LES PARENTS

Le relâchement de la prise en charge des adolescentes déscolarisées par leurs parents se traduit d'abord par le fait que les filles résident aujourd'hui moins chez leurs parents que du temps de leur scolarisation.

Ensuite ce relâchement consiste aussi pour les parents à prendre de moins en moins financièrement leurs enfants en charge lorsque celles-ci deviennent des déscolarisées.

Enfin le fait que la déscolarisation soit elle-même due au manque de moyens financiers des parents montre déjà l'affaiblissement de la prise en charge.

Nous avons obtenu les résultats suivants :

- Les adolescentes déscolarisées vivent en grande majorité en dehors du cadre familial.

En effet, presque toutes les adolescentes prostituées vivent avec des camarades. L'une de nos enquêtées, 16 ans et prostituée, explique  « Avant de venir ici, je vivais avec ma soeur. Mais nous avons eu des histoires et je suis partie de chez elle pour vivre ici avec mes camarades car mon père ne vit plus et ma mère n'a pas les moyens de s'occuper de moi. »

Les autres adolescentes non prostituées vivent soit chez leurs deux parents ou au moins un de leur parent (le père ou la mère), soit chez leur concubin ou encore un parent autre que le père ou la mère, c'est -à- dire toujours sous une tutelle. Mlle X a 18 ans et est déscolarisée : « Je vis avec mon concubin et c'est lui qui s'occupe de moi. Moi-même je vends dans un restaurant pour une femme.»

Une autre de 16 ans affirme à son tour : « je vis avec mon concubin. Il s'occupe de moi et mes parents aussi quelques fois le font. Moi, je vends des oranges. »

L'une encore de 18 ans raconte : « Ma mère est séparée d'avec mon père et a épousé quelqu'un d'autre en ville. Je ne m'entends pas avec ce dernier. Je vis ici avec mes deux frères et ils s'occupent aussi de moi »

Tableau 1 : Les personnes avec qui vivent les adolescentes

Statut

Lieu de

résidence

Déscolarisées

Scolarisées

Effectif

Pourcentage (%)

Effectif

Pourcentage (%)

Avec mon père

2

6,66

5

33,33

Avec ma mère

3

10

4

26,66

Avec mes deux parents

1

3,33

3

20

Avec un autre parent

5

16,66

2

13,33

Avec des camarades

13

43,33

1

6,68

Avec mon concubin

4

13,33

0

0

Avec mon tuteur

1

3,33

0

0

Seule

1

3,33

0

0

Total

30

100

15

100

Les filles déscolarisées qui vivent avec leurs camarades représentent 43,33%. Celles qui vivent avec leurs deux parents représentent 3,33%. Quand aux scolarisées, seulement 6,68% vivent avec des camarades tandis que celles qui vivent avec leurs pères représentent 33,33%, celles qui vivent avec leurs mères, 26,66% et celles qui vivent avec les deux parents représentent 20%.

- Les adolescentes encore scolarisées vivent plus dans le cadre de vie familial que les déscolarisées car plus des deux tiers (2/3) vit chez au moins un de leur parent ou les deux à la fois.

Tableau 2 : Les personnes avec qui vivaient les adolescences du temps

de la scolarité

Statut

Lieu de

résidence

Déscolarisées

Scolarisées

Effectif

Pourcentage (%)

Effectif

Pourcentage (%)

Avec mon père

4

13,33

5

33,33

Avec ma mère

9

30

4

26,66

Avec mes deux parents

12

40

4

26,66

Avec un autre parent

5

16,67

2

13,35

Total

30

100

15

100

Ce sont 40% des filles déscolarisées qui vivaient chez leurs deux parents. Le minimum des filles, à savoir 13,33% vivait chez leurs pères.

On constate que du temps de la scolarité, plus des trois quarts (3 /4) des adolescentes vivaient chez leurs parents, à savoir chez les deux parents ou l'un au moins.

Plusieurs déscolarisées se sont aujourd'hui éloignées du cadre de vie familial.

Tableau 3 : Les personnes qui prennent en charge les adolescentes

Statut

Prise en charge

Déscolarisées

Scolarisées

Effectif

Pourcentage (%)

Effectif

Pourcentage (%)

Mon père

2

6,66

5

33,33

Ma mère

2

6,66

4

26,66

Mes deux parents

3

10

3

20

Autre parent

3

10

2

13,33

Moi-même

17

56,68

1

6,68

Mon concubin

3

10 ,02

0

0

Total

30

100

15

100

Les déscolarisées, qui, aujourd'hui se prennent en charge elles-mêmes représentent 56,68%. Celles prise en charge seulement par le père ou la mère représente chacun pour sa part6, 66%. Si on veut distinguer la prise en charge parentale (à savoir par les deux parents ou un au moins) des autres prises en charge, on remarque qu'elle représente 23,32%%.

Quant aux scolarisées, 33,33% bénéficient de la prise en charge de leurs pères et 6,68% sont à leur propre charge. Les filles scolarisées qui bénéficient d'une prise en charge parentale représentent 79,99%.

Au niveau de la prise en charge financière des adolescentes par leurs parents, on constate que celle des déscolarisées est faible. En effet, seulement un cinquième (1/5) des filles vit aux dépends de leurs parents à savoir l'un au moins des deux parents. Et moins de 1/5 est pris en charge par un parent de la famille élargie.

La responsabilité des déscolarisées dans leur prise en charge, surtout celle des prostituées repose en majorité sur elles-mêmes car plus de la moitié d'entre les déscolarisées sont à leur propre charge.

Mlle X, 18 ans et prostituée, affirme à la question de savoir qui la prend en charge : « c'est moi-même qui me prend en charge. Je paie ma nourriture moi-même, ma maison, mes habits, tout, mon père ne me donne rien. »

Quant à Mlle Y, 19 ans, déscolarisée mais non prostituée, elle affirme : « je vis à la maison paternelle avec mes oncles, mes frères et soeurs. Je suis serveuse dans un maquis où je gagne 20 000frs par mois et je me prends moi-même en charge. »

Par contre, les parents font plus face à la charge financière des filles scolarisées car plus des 3/4 dépend d'eux.

Par ailleurs au temps de la scolarité, le soutien financier est presque exclusivement familial.

On se rend alors compte que la prise en charge financière par les parents diminue considérablement du temps de la déscolarisation.

Tableau 4 : Causes de la déscolarisation

 

Effectif

Pourcentage (%)

Manque de moyens financiers

10

33,33

Décès du père

4

13,33

Arrêt volontaire

7

23,33

Exclusion

5

16,68

Maladie /invalidité

4

13,33

Total

30

100

Ce sont 33,33% des adolescentes déscolarisées qui le sont par manque de moyens financiers, voire même 46,66%, sachant que même le décès du père sous entend le manque de moyens.

La maladie et l'invalidité contribuent pour 13,33%.

Considérant les causes de la déscolarisation des adolescentes, on se rend compte que le manque de moyens financiers est à l'origine de presque la moitié de celles-ci ; toute chose qui indique un relâchement de la part des parents.

PARAGRAPHE 2 : FREQUENTATION ET PROXIMITE D'AUTRES

FILLES DEVELOPPANT DES CONDUITES

DEVIANTES ET MARGINALES

L'environnement humain des adolescentes déscolarisées de Yahoséi est dominé par la pratique de la prostitution et de l'avortement. Les autres comportements interdits par le code pénal ne semblent pas être très fréquents dans l'environnement relationnel de nos adolescentes.

Par ailleurs, l'entrée dans la prostitution se fait souvent sur le conseil d'une camarade, conseil qui peut se présenter comme un véritable facteur humain déclenchant le comportement prostitutionnel.

Nous avons eu à rencontrer l'une de nos adolescentes déscolarisées non prostituée sur l'un des sites où elle a des amies qui se prostituent. Cette dernière nous confie : « moi, je ne me prostitue pas mais je bois et je fume. Je viens ici pour accompagner mes camarades et aussi pour faire le show. » Même si ces dires sont vrais, il n'en demeure pas moins que cette adolescente se trouve en situation pré prostitutionnelle et que du jour au lendemain, elle pourrait basculer dans la prostitution.

Tableau 5 : Fréquentations des adolescentes déscolarisées

 

A une camarade prostituée

A une camarade ayant subi un avortement

Effectif

Pourcentage (%)

Effectif

Pourcentage (%)

Concernées

23

76,66

26

86,66

Non concernées

7

23,34

4

13,34

Total

30

100

30

100

A la question de savoir si l'adolescente déscolarisée a une camarade au moins qui s'est déjà adonnée à la prostitution, à l'avortement, il ressort que 76,66% des adolescentes déscolarisées, qu'elles se prostituent ou non a une camarade qui s'adonne à la prostitution. 23,34% (un peu moins de 1/5) seulement représentent celles qui n'ont pas de camarade dans la prostitution.

86,66% d'adolescentes ont une camarade qui a déjà fait l'objet d'au moins un avortement et seulement 13,34% n'en ont pas.

L'influence des amis est un facteur humain décisif dans l'entrée dans le milieu prostitutionnel et la pratique de l'avortement.

Tableau 6 : Facteurs favorisant l'entrée dans la prostitution

 

Effectif

Pourcentage (%)

Manque de prise en charge

11

42,30

Décès du père

5

19,23

Situation de guerre

3

11,53

Conseils d'amis

7

26,94

Total

26

100

Les conseils donnés par les pairs et la fréquentation même de ceux-ci a contribué à hauteur de 26.94% à favoriser cette entrée ; ce qui constitue un facteur humain important.

PARAGRAPHE 3 : LOGIQUE D'ADAPTATION ET VALORISATION

DE SOI

Nombreuses sont les adolescentes déscolarisées qui ne sont pas insérées dans le tissu social surtout au plan matériel. En effet, plusieurs n'ont aucune activité lucrative qui puisse leur permettre de se prendre en charge pour les petits besoins. Par contre, on constate que les déscolarisées qui ne se prostituent pas ont une occupation tandis que les autres sont en oisiveté lors de leur situation pré-prostitutionnelle.

Par ailleurs, la logique d'adaptation des déscolarisées qui se prostituent s'analyse à travers leurs sentiments face à leur situation de déscolarisées et leurs projets d'avenir ainsi que leur revenus par mois.

Tableau 7 : Absence d'activité lucrative autre que la prostitution chez les

déscolarisées prostituées

Comportement

Activité

Prostituée

Non Prostituée

Effectif

Pourcentage (%)

Effectif

Pourcentage (%)

Rien

14

93,33

12

80

Activité lucrative

1

6,67

3

20

Total

15

100

15

100

Ce sont 93,33% des adolescentes prostituées qui n'ont aucune autre activité lucrative et 80% d'adolescentes non prostituées qui n'exercent aucune activité lucrative non plus.

L'absence d'activité lucrative est visible tant chez les adolescentes qui s'adonnent à la prostitution que chez celles qui ne s'y adonnent pas et ceci signifie que le fait de ne pas avoir d'activité lucrative n'est pas forcément source de prostitution.

Tableau 8 : Occupation des filles non prostituées

Occupation des filles déscolarisées non prostituées

N'a aucune occupation

4

026,66

A une occupation

11

073,34

Total

15

100

73,34% d'adolescentes déscolarisées non prostituées ont une occupation.

Parmi elles, presque les 3 /4 sont en apprentissage d'un métier et le reste exerce une activité génératrice de revenus, en général le commerce.

Le fait d'être occupées, de s'investir dans une action, un projet préserve souvent de la prostitution.

« Avant de venir ici, je dormais à la belle étoile au marché d'Adjamé avec d'autres camarades après avoir quitté la maison à cause de ma tante qui me maltraitait trop. Un jour à Yopougon, j'ai rencontré une camarade et je l'ai suivie ici » confie une adolescente prostituée de 13 ans.

Une autre de 19 ans nous explique : « je vivais avec mon copain avec qui j'ai eu 2 enfants à Divo. A son décès, j'étais enceinte de notre 2eme enfant et ses parents ne pouvaient s'occuper de moi. C'est ainsi que je suis venue me « chercher à Abidjan. »

Tableau 9 : Attitude face à leur situation de déscolarisées

Comportement

Attitude

Déscolarisées Prostituées

Déscolarisées non Prostituées

Effectif

Pourcentage (%)

Effectif

Pourcentage (%)

Regrette

8

053,33

13

086,66

Ne regrette pas

7

046,67

2

013,34

Total

15

100

100

100

Les déscolarisées prostituées qui regrettent leur situation de déscolarisée représentent 53,33% (un peu plus de la moitié) tandis que les non prostituées qui ont ce sentiment représentent 86,66% (plus des 3 /4).

Le sentiment de regret de l'école chez les adolescentes déscolarisées marginales ou déviantes est plus faible que chez les autres déscolarisées.

Cela traduit le fait que l'apprentissage n'est pas privilégié comme mode

d'adaptation socioprofessionnel chez les adolescentes qui s'adonnent à la prostitution contrairement aux autres filles déscolarisées.

Tableau 10 : Projet d'avenir professionnel des adolescentes déscolarisées

Comportement

Projet

professionnel

Déscolarisées prostituées

Déscolarisées non prostituées

Effectif

Pourcentage (%)

Effectif

Pourcentage (%)

Commerce

10

066,66

2

013,34

Coiffure /Couture

5

033,34

13

086,66

Total

15

100

15

100

Chez les prostituées, 66,66% projettent faire le commerce contre 33,33% qui optent pour l'apprentissage d'un métier. Quant aux non prostituées, 86,66% projettent apprendre un métier pendant que 13,34% veulent faire le commerce.

La représentation de la réussite sociale de l'adolescente marginale ou déviante est caractérisée par le gain rapide.

En effet, pour réussir, la tendance est à la tenue d'un commerce florissant chez les prostituées (les 2/3) tandis que chez les autres, l'exercice d'un métier (la coiffure ou la couture) confère un sens à la réussite sociale (plus des 3/4).

La prostitution se présente comme un moyen et non une fin car elle représente pour ces adolescentes déscolarisées un passage pour parvenir à une intégration socioprofessionnelle pro sociale.

Tableau 11 : Le revenu par mois des adolescentes déscolarisées

Comportement

Revenu par mois

Déscolarisées prostituées

Déscolarisées non Prostituées

Effectif

Pourcentage (%)

Effectif

Pourcentage (%)

Plus de 50 000 Frs

12

0080

0

000

De 31 000 à 50 000 Frs

2

003,33

2

013,33

De 5000 à 30 000 Frs

1

006,67

5

033,34

Rien

0

000

8

053,33

Total

15

100

15

100

80% des filles qui s'adonnent à la prostitution gagnent par mois plus de 50 000f. Par contre aucune des adolescentes comme elles qui ne se prostituent pas ne gagne une telle somme. Au niveau de ces dernières, 53,33% n'ont aucun revenu, 3 3,34% gagnent entre 5 000 et 30 000 et 13,33% ont entre 31 000 et 50 000F.

A la question de savoir quand elles comptent cesser de se prostituer, les filles répondent en majorité que c'est lorsqu'elles auront réuni les fonds nécessaires à leur commerce

La prostitution est une « activité » génératrice de revenus.

Le revenu par mois des adolescentes qui s'adonnent à la prostitution s'élève à plus de 50 000f pour plus de 4/5 des filles et se situe entre 31 000 et 50 000 F pour le reste.

C'est dans ce sens qu'une adolescente prostituée de 16 ans explique « Suite à la guerre, j'ai quitté Bouaké pour Abidjan. Ici, j'ai été servante chez plusieurs femmes mais elles ne me payaient pas bien et pas toujours. C'est ce qui m'a poussé à me prostituer. Lorsque j'aurai l'argent nécessaire pour mon commerce, je vais arrêter ».

CHAPITRE 2 : INTERPRETATION ET DISCUSSION DES RESULTATS

PARAGRAPHE 1 : INTERPRETATION

1- Statut de déscolarisée et prise en charge au sein de la famille

Les adolescentes des milieux défavorisés sont de moins en moins prises en charge par leurs parents une fois déscolarisées, si ce n'est le décès de son père notamment qui a fait d'elle une déscolarisée. Elles sont placées très tôt face à la question de leur propre prise en charge financière et poussées à rechercher d'autres voies et issues afin d'assumer cette charge.

· Statut de déscolarisée au sein de la famille

Dans les sociétés africaines en général et la société ivoirienne en particulier, la part belle est souvent faite au sein des familles à l'enfant qui va à l'école, surtout dans les familles modestes et pauvres. Celui-ci est considéré au départ comme un investissement et donc mérite une attention particulière contrairement au déscolarisé, surtout si ce dernier l'est du fait de son mauvais rendement scolaire.

Souvent, le décès du père, principale source de revenu, laisse la jeune fille sans autre alternative. Quand bien même elle se retrouve parfois à la charge d'un tiers parent, sa prise en charge est biaisée.

· Question de la prise en charge de la fille par les parents

La prise en charge financière de la fille par les parents s'avère être plus limitée dans le temps que celle du garçon. A partir d'un certain âge, la jeune fille doit pouvoir se « débrouiller » elle-même et ne plus vivre aux dépends de ses parents et même souvent aider ceux-ci à s'occuper du reste de la famille.

Etre fille et de surcroît déscolarisée à l'âge de l'adolescence dans un milieu pauvre comme celui de Yahoséi signifie qu'il faut se chercher ; c'est d'ailleurs le terme qu'utilisent les adolescentes déscolarisées prostituées pour désigner ce qu'elles font.

La situation de ces adolescentes n'est pas aisée quand on sait que l'adolescence est une période marquée par l'accroissement des besoins de la fille (vestimentaires, monétaire...).

« La démission parentale conduit les jeunes à organiser la vie à leur guise, leur ouvrant ainsi la porte aux phénomènes de la déviance si connu dans nos régions : [...] alcool, drogue, prostitution. [...] Parfois, les jeunes filles sont aussi touchées par la démission des mères, qui, ne sachant quoi faire, les envoient se « débrouiller » dans la rue... »31(*)

2- Affaiblissement de l'autorité parentale et recherche de prise en charge

Qu'il s'agisse de celles qui s'adonnent à la prostitution ou des autres déscolarisées, les parents sont beaucoup moins engagés dans la prise en charge financière que du temps de la scolarité.

Ce relâchement a eu pour conséquence l'affaiblissement de l'autorité parentale.

· Affaiblissement de l'autorité parentale

Les parents ne pouvant ou ne voulant plus répondre aux besoins financiers de la fille voient leur autorité sur celle-ci diminuer considérablement. La fille obtient ainsi une certaine liberté à l'égard du contrôle parental et tombe dans un laisser-aller. En plus, à peu près la moitié des familles de ces adolescentes sont des familles monoparentales constituées surtout de la mère. Ce déséquilibre psychologique qui pré existe chez la fille, soit en termes de manque d'autorité paternelle ou d'affection maternelle, favorise davantage l'affaiblissement de cette autorité.

S'agissant de son entrée dans la prostitution Mlle X explique : « après la séparation de mes parents, je suis venue vivre avec ma mère. Cette dernière n'a plus les moyens de s'occuper de moi et mon père est aujourd'hui à la retraite ».

Comme le constate Serge Larivée, « Le vécu familial des adolescents délinquants présente un tableau général d'inharmonie et d'instabilité marqué par au moins deux absences : l'absence de stabilité relationnelle et l'absence de cohérence dans leurs règles de vie (exigences parentales) oscillant dans certains cas de l'exigence tyrannique au laisser aller le plus total. »32(*)

Par ailleurs, il convient de préciser qu'il existe des situations exceptionnelles de relâchement dans la prise en charge dues au décès du père. Dans ces cas, la cause de l'affaiblissement du contrôle parental est l'absence du père.

La prise en charge financière par les parents occupe une part importante dans l'engagement pro social. Mlle Z a 19 ans et est aussi déscolarisée et vit à Yahoséi. Elle apprend la couture et habite chez ses parents qui la prennent en charge.

· A la recherche de prise en charge non parentale

Que la déscolarisée soit en apprentissage d'un métier, qu'elle n'ait aucune occupation, c'est aujourd'hui la fille elle-même qui « se cherche » pour se prendre en charge.

Certaines se mettent en ménage avec un homme à qui revient la charge de s'occuper d'elle ou encore ont plusieurs partenaires. Mlle Y, jeune prostituée de 19 ans affirme quant à elle : « quand j'ai laissé l'école, j'ai commencé à apprendre la couture mais après j'ai arrêté à cause de la mort de mon père et je suis allé vivre avec mon copain à Divo.»

D'autres encore vont vivre chez un autre parent souvent un grand frère, une grande soeur, un oncle ou une tante.

Pour ce qui est des adolescentes qui s'adonnent à la prostitution, plusieurs quittent le domicile familial pour vivre avec d'autres camarades prostituées.

« Je suis le premier enfant de mes parents. Mon père est forgeron et ma mère est commerçante. Mes parents n'ont pas suffisamment de moyens pour s'occuper de moi .C'était dur et je voulais me prendre en charge. Je suis venue habiter ici avec mes camarades », nous fait comprendre une de nos enquêtée.

Face à la problématique déjà difficile de leur propre prise en charge financière par leurs parents, les adolescentes déscolarisées ont peur d'avoir à porter la charge d'un autre individu, d'un enfant. Ceci d'autant plus que les chances que le géniteur assume ses responsabilités sont maigres, sinon inexistantes. Les filles trouvent ainsi en l'avortement une solution toute indiquée au problème des grossesses non désirées auquel elles sont nombreuses à être confrontées.

3. Influence de l'environnement et tolérance du milieu

· Influences de l'environnement prostitutionnel

A Yahoséi, la prostitution est une réalité sociale que côtoient les adolescentes déscolarisées au quotidien.

D'emblée, il est bon de préciser que Yahoséi est un quartier hautement prostitutionnel. On y trouve un grand nombre de maisons closes où vivent plusieurs filles de diverses nationalités dont les Ghanéennes et les Nigérianes mais aussi des Ivoiriennes. A côté de cela, à Yahoséi, sont aussi domiciliées d'autres filles (adolescentes ou non) qui quittent leur quartier pour aller se prostituer sur d'autre sites tel la célèbre « rue princesse ». Le « Mouvement du nid », une ONG qui lutte contre la prostitution a identifié Yahoséi au nombre des sites prostitutionnels de Yopougon.

Une adolescente de 16 ans, vendeuse d'orange affirme : « Ici à Yahoséi, presque toutes les filles se prostituent. Le matin, on est même chose mais la nuit, beaucoup vont se prostituer à la rue, au bel air ou bien même ici.»

· Tolérance de l'avortement par le milieu social

Le sentiment de culpabilité dans la pratique de l'avortement est très faible, voire inexistant dans notre société moderne tant qu'il ne s'en suit pas de drame.

Dans ce délit, la jeune fille est rarement la seule responsable car les parents, le géniteur et tous les praticiens y ont leur part. Une adolescente scolarisée confie : « moi-même j'ai déjà fait un avortement. Mes parents ne voulaient pas de la grossesse et moi aussi je voulais continuer l'école, c'est pourquoi j'ai avorté.»

 Dans tous les pays d'Afrique où il est interdit, l'avortement provoqué est pratiqué aussi bien par des médecins dans de luxueuses cliniques privées que par des membres du personnel para médical, inexpérimentés et dans des conditions désastreuses. Toutes sortes de femmes y font appel sans distinction de milieu ou de condition sociale, aussi bien la très jeune fille que la femme déjà mûre, mère de plusieurs enfants. Sa fréquence, bien qu'impossible à chiffrer de manière précise peut être exprimée par le nombre des accidents qui amènent la malade à l'hôpital, dans des circonstances souvent dramatiques : septicémie [...], péritonite [...], choc toxi-infectieux, perforation utérine .Lorsque la malade guérit, il persiste des séquelles à type de douleurs abdominales chroniques et surtout de stérilité.33(*)

Plusieurs filles ont des camarades qui se sont déjà fait avorter, mettant ainsi leur vie en danger. Il en est de même pour la prostitution.

A la vue de cette situation, il n'est pas étonnant que ces adolescentes elles aussi s'adonnent à la prostitution car l'adolescence  représente une période assez sensible aux fréquentations, surtout des pairs.

4. Sensibilité de l'adolescence et processus d'imitation

· Sensibilité de l'adolescence dans la formation de la personnalité

L'adolescence est une période caractérisée par « la crise de l'adolescence » qui est un temps de quête d'identité propre, de déséquilibre où l'adolescente cherche ses repères. Elle est un temps d'errance, d'essaie. Aussi, les fréquentations des pairs jouent-elles un rôle catalyseur au sens où l'adolescente, désormais en contestation avec les valeurs des adultes, forme avec ses camarades une « classe sociale » à laquelle elle s'identifie et se reconnaît. « Dès lors qu'ils cherchent sans cesse les occasions d'évasions et qu'ils ne se sentent à l'aise que parmi les pairs, les jeunes sont à tout moment exposés à la déviance. »34(*)

En effet, le relâchement de leurs parents dans leur prise en charge, l'affaiblissement de l'autorité parentale et l'accroissement de leurs besoins, tout cela dans un contexte de pauvreté économique ne laisse pas les adolescentes indifférentes aux propositions de leur milieu ou de leurs camarades, qu'elles soient actives ou passives. Les adolescentes « se cherchent » c'est-à-dire qu'elles cherchent des voies et moyens pour s'en sortir dans la vie. Voulant imiter leurs camarades, plusieurs filles succombent à la tentation, s'aventurent et s'installent dans la prostitution. Une adolescente élève en classe de Terminale qui s'adonne à la prostitution nous raconte : «Je vis avec ma mère. C'est une institutrice à la retraite. Si je me prostitue, c'est pour avoir de l'argent de poche pour acheter des habits à la mode comme mes camarades. » 

· Imitation des pairs

Parmi les éléments cités dans le processus d'entrée dans la prostitution, les conseils donnés par les amis ont souvent parachevés la décision finale de se livrer à la prostitution. En effet, la camarade se présente comme celle qui entraîne sur le site prostitutionnel, elle est celle qui présente la nouvelle venue aux autres. La camarade est aussi celle qui encourage ou incite par ses biens matériels. Dans ce milieu défavorisé, elle constitue un modèle, elle fait envie. Mlle X, 16 ans, explique :

Après le décès de mon père qui était militaire pendant la guerre, ma soeur aînée et moi sommes venues à Abidjan. Nos parents paternels ont mis la main sur ce qui revenait à notre père et nous ont abandonnés. Nous sommes allées vivre avec la camarade de ma soeur qui se « cherchait ». Et ma soeur aussi a commencé à se chercher en zone 4 tout en m'interdisant de faire autant. Après son départ pour la France, sa camarade à refuser de me prendre en charge alors qu'elle bloquait l'argent que ma soeur m'expédiait. C'est alors que des camarades m'ont conseillées de venir ici à Yahoséi pour me chercher aussi.

Mlle Y, à son tour déclare : « Cela fait deux ans que je suis dedans. J'ai demandé à mes camarades qui s'habillaient bien comment elles faisaient pour gagner leur argent et j'ai commencé. »

On se rend compte à la lecture de ces dires que les raisons qui poussent les filles à la prostitution sont certes le manque de prise en charge financière mais la décision finale est souvent liée au contact que les adolescentes ont avec d'autres filles prostituées.

Ce comportement semble être un facteur humain décisif dans l'adoption du comportement prostitutionnel.

Quant à l'avortement, les camarades ou pairs constituent pour les adolescentes déscolarisées des exemples ayant « bravé et réussi » cette épreuve. Leur expérience ôte la peur, la crainte de passer à l'acte. C'est pourquoi, l'avortement constitue d'ailleurs une pratique courante dans le milieu des adolescentes à Yahoséi. Ici, les camarades donnent des conseils sur les produits, la méthode à utiliser ou encore conduisent chez le praticien.

5. Société de consommation et logique d'adaptation

· Une société de consommation

La société moderne africaine dans laquelle nous vivons aujourd'hui tend à devenir une société de consommation calquée sur le modèle européen.

Posséder alors le pouvoir d'achat est ce qui compte quelque soit la manière dont cela est fait. De plus en plus, la prostitution devient un moyen pour le faire.

En outre, la représentation de la réussite sociale tant pour les prostituées que pour les autres filles équivaut à l'argent ; toute chose qui appuie le caractère de plus en plus matériel de notre société.

Comme élément de réussite sociale, le foyer est aussi pris en compte mais en dernière position. Ceci s'explique par le fait aussi de la matérialisation des relations interpersonnelles même dans le cadre du mariage. En effet, bien que la vie de couple constitue dans notre société une grande valorisation, elle tend à être reléguée au second plan au profit du gain matériel. L'idée qu'une fille qui « ne fait rien » ne peut pas trouver un mari qui puisse la prendre financièrement en charge est aujourd'hui répandue. Avoir de l'argent est en définitive un puissant vecteur de valorisation sociale car il semble ouvrir toutes les portes.

· Logique d'adaptation sous jacente à la prostitution et à l'avortement

A Yahoséi, les adolescentes déscolarisées qui s'adonnent à la prostitution la conçoivent non pas comme une fin mais un moyen. Elle est un tremplin .Il s'agit pour ces adolescentes de recueillir le capital nécessaire pour entreprendre une activité génératrice de revenus, en l'occurrence le commerce. En effet dans une société où les valeurs morales sont de plus en plus corrompues au profit du matériel, ce qui compte le plus est de s'en sortir en définitive, peu importe les moyens. Ainsi beaucoup d'adolescentes répondent à la question de savoir quand elles arrêteront de se prostituer : « lorsque j'aurai l'argent nécessaire pour faire mon commerce. » Une élève de 15 ans en classe de 4eme et qui s'adonne à la prostitution affirme : « C'est moi-même qui paie mes cours dans une école privée avec l'argent que je gagne et je me prends aussi en charge. Je suis une déplacée de guerre et mes parents sont au village et n'ont plus rien. Plus tard, je veux devenir médecin ou avocate. »

Par ailleurs, le besoin d'indépendance cité par les adolescentes au nombre des causes de leur comportement prostitutionnel dénote aussi de leur recherche de valorisation sociale en termes de liberté .En effet dans ce milieu, n'être à la charge de personne, gagner soi-même sa vie est sujette de mérite et d'envie. En dehors de notre questionnaire, une adolescente nous confiait : « Tantie, tu vois la fille là, chez elle, il y a tout. Les gens peuvent penser que c'est garçon qui paie pour elle mais ce n'est pas vrai. C'est elle-même. »

Dans leur logique, les filles refusent le statut de fille mère autant qu'elles le peuvent en pratiquant l'avortement. Aujourd'hui, les mères ne sont pas toujours prêtes à recueillir leurs petits enfants comme c'était le cas par le passé à cause des besoins de plus en plus grandissant pour l'éducation d'un enfant.

6. Refus d'apprentissage et besoin de satisfaction immédiate

· Refus d'apprentissage

Chez les adolescentes déscolarisées, on note le goût du gain rapide qui se traduit à travers leur désir de faire le commerce plutôt que d'apprendre un métier. En effet l'apprentissage demande du temps, de la patience tandis que le commerce est une activité qui génère des revenus à très court terme. Le désir de satisfaction immédiate des besoins chez elles est symptomatique du trait de caractère psychologique du déviant.

· Besoin de satisfaction immédiate

Presque la totalité des adolescentes qui s'adonnent à la prostitution disent ne pas avoir le choix quand on leur demande pourquoi elles ne font pas autre chose.

Mais, à la question qui leur est posée de savoir si elles envisagent arrêter un jour, elles répondent toutes « oui ». Et lorsqu'il leur est demandé quand précisément elles comptent arrêter, une réponse vague est donnée : « quand j'aurai réuni l'argent nécessaire pour mon commerce », ou encore « quand je trouverai autre chose à faire ». Chez ces adolescentes, il n'y a pas de projection conséquente dans le futur de façon pratique mais plutôt théorique. Elles semblent se contenter de ce qu'elles gagnent « facilement » si bien qu'elles n'envisagent pas clairement le futur sans ce gain que leur procure la prostitution.

PARAGRAPHE 2 : DISCUSSION

La question principale à laquelle nous tentons d'apporter une réponse dans cette étude est celle de savoir s'il existe un lien entre la situation de déscolarisée des adolescentes et le développement des comportements déviants chez elles en rapport avec leur milieu de vie économiquement défavorisé.

La période sur laquelle nous nous sommes focalisés est celle là qui part de la sortie déjà effectuée du système scolaire à la suite de l'évolution de l'adolescente.

A cet effet, nous avions formulé trois hypothèses selon lesquelles :

- Le relâchement de la prise en charge de la fille par les parents emmène cette dernière à développer des comportements déviants.

- Les adolescentes deviennent marginales et délinquantes par processus d'imitation de leurs pairs adolescentes (déscolarisées) qu'elles côtoient.

- Les adolescentes déscolarisées voient dans la marginalité une logique d'adaptation et un moyen de se valoriser dans la société.

Les variables explicatives sur les quelles nous nous sommes appuyées pour formuler nos hypothèses nous conduisent donc à vérifier les liens qui existent entre :

- La marginalité des adolescentes et leurs prise en charge parentale au plan financier quant on sait qu'elles sont issues de familles économiquement défavorisées.

- La marginalité des adolescentes et le vécu psychosocial de leur déscolarisation

- La marginalité des filles et leurs fréquentations (celle des pairs) D'aucuns pourraient admettre ces différents liens mais en indiquer le sens autrement tandis que d'autres pourraient même simplement et purement les nier.

L'on pourrait alors se poser la question de savoir quelles sont les limites de nos résultats.

1- Relation pauvreté- affaiblissement de l'autorité parentale

Une explication consiste à dire, de façon mécanique que l'exclusion et la marginalité socio-économique sapent l'autorité même des parents : alors que les parents de milieux aisés bénéficient de ressources sociales et morales qui leur permettent de superviser efficacement leurs enfants, les familles populaires sont confrontées à des situations de précarité et de relégation sociale qui portent atteinte à leur prestige et discréditent par avance leur autorité. (Mucchielli)

« Il est évident que les difficultés économiques posent de sérieux problèmes aux familles et que ces difficultés génèrent des situations de stress qui perturbent leur vie quotidienne, ce qui contribue à dégrader les relations familiales. [...] Cela étant, on ne saurait s'en tenir à une vision trop mécanique du lien entre la délinquance et les conditions socio-économiques. »35(*)

En fait, le relâchement de la prise en charge par les parents qui entraîne l'affaiblissement de leur autorité n'est qu'un élément parmi d'autres et son influence n'est pas automatique. Par ailleurs, plusieurs parents à Yahoséi n'ont pas leur autorité relâchée bien que ne disposant pas de grands moyens financiers ; ce serait plutôt la permissivité de certains parents à faire passer leur autorité qui entraîne l'affaiblissement : c'est la démission des parents.

C'est ce que reconnaissent KOFFI KOUAME BOITENIN et TIETIO ZOGBA J-B dans leur rapport de l'analyse des données sur la prostitution à San Pedro. Ils parlent de l'irresponsabilité des parents « comme facteur explicatif de la prostitution » par « la permissivité de certains parents à faire passer leur autorité parentale ou leur démission face aux besoins des enfants à travers des expressions comme « tu es grande maintenant, tu peux te débrouiller, je n'ai rien à te donner »

2- Relation marginalité - dé scolarité

Avec la théorie du contrôle proposée par le criminologue américain Travis Hirschi, on peut affirmer que l'incrimination de la déscolarisation dans la déviance résiderait dans le fait qu'elle ne permet plus le contrôle de l'adolescente. La thèse de Hirschi pose que l'aversion pour la délinquance résulte moins des valeurs morales que des contraintes sociales qui pèsent sur les individus. A l'analyse en effet, l'adolescente déscolarisée n'est plus soumise à la surveillance qu'exerce la scolarité sur les élèves à travers par exemple la conscience de l'obligation qu'ils ont de la fréquenter, la surveillance de la présence de l'élève par le registre de présence , l'emploi du temps, etc. L'adolescente déscolarisée est donc libérée de cette pression temporelle qu'exerçait la scolarité et qui offrait moins d'occasions de commettre des délits.

Ce contrôle de la scolarité est aussi le fait de la présence psychologique constante chez les adolescentes de la poursuite de buts que sont leur réussite scolaire et leur intégration sociale de sorte à ce que ces dernières soient conduites à prendre en compte le risque de la compromission de ces buts.

Nous pouvons dire que cette explication résulte de l'influence immédiate de la déscolarisation sur les possibilités de développer des comportements marginaux Au surplus, à long terme, lorsque va se poser la question de l'insertion socioprofessionnelle, ce déficit de contrôle pourra faciliter alors le passage à l'acte déviant comme c'est le cas chez certaines de nos enquêtées, très tôt déscolarisée. Par ailleurs, on ne peut nier le terrain psychologique glissant que représente l'échec scolaire chez l'adolescente. En effet comme l'écrit Mampaka N'Lélé Raymond, professeur de Formation Humaine et Religieuse au Collège catholique Saint Jean Bosco de Treichville à Abidjan,  « un échec est considéré comme la principale cause de frustration affective tendant à troubler l'individu parfois jusqu'à la névrose ». La déscolarisation est un échec quelqu'en soient les causes car il s'agit de l'inachèvement d'un projet, d'une rupture avec la poursuite d'un but qu'est la réussite scolaire. Alors, un sentiment d'échec marque la déscolarisée et influence son avenir. Sissoko Alain écrit au sujet de la déscolarisation : « La rupture constitue bien souvent un obstacle à l'engagement pro social de l'individu (en rapport avec un horizon temporel d'existence) »36(*). Concernant notre échantillon, nombreuses sont les adolescentes qui regrettent leur déscolarisation et désirent aujourd'hui apprendre à lire et à écrire.

L'échec peut aussi s'avérer un symptôme de l'inadaptation de l'adolescente pouvant avoir des répercussions sur son comportement futur; ce qui n'est pas le cas de la plupart des adolescentes car la cause de l'échec n'est pas souvent le mauvais résultat scolaire mais surtout « le manque de support matériel et financier dû en général à la pauvreté des familles ».37(*)

3- Relation marginalité - structure de la famille

Les influences de l'environnement immédiat de l'adolescente déscolarisée que nous avons analysées sont celles de ses pairs. A côté de cela, plusieurs recherches ont montré que la famille en tant que composante de l'environnement immédiat joue pour beaucoup dans le devenir comportemental de l'adolescente.

  Les résultats d'une étude effectuée par le criminologue Sebastien Roché montrent très clairement le parallèle entre l'augmentation de la délinquance et les mutations produites dans la famille dans la société moderne en France. Selon lui  « depuis les années 1950, la courbe des vols suit de très près celle des divorces, tandis que la courbes des agressions physiques suit celle des familles monoparentales. » Il existe donc bien un lien très fort entre la structure dissociée de la famille d'origine des adolescentes et leurs comportements marginaux ou déviants. En effet, la séparation des parents est source de perturbations qui peuvent apparaître « déstructurantes pour les enfants, en particulier lorsque ces séparations interviennent à des moments délicats du cycle de vie » à l'instar de l'adolescence. Comme nous l'avons mentionnées plus haut, certaines des adolescentes prostituées sont effectivement issues de familles monoparentales ou reconstituées.

S'il est vrai que la famille de l'adolescente peut la pousser à vivre des situations favorables à la marginalité et à la déviance et même l'y conduire tout comme la fréquentation de ses pairs, la part qui lui revient est difficile à distinguer. Raisons pour lesquelles la fréquentation des pairs n'est pas à minimiser au détriment de l'influence familiale, surtout dans un milieu où une sous culture pré-délinquantielle et marginale est de mise. Par ailleurs, les donnés de certaines recherches ont montré combien étaient centrales les relations amicales durant toute la période de l'adolescence. Toujours dans leur rapport, MM. KOFFI ET TIETIO, tous deux maîtres Criminologues affirment : « 28,6% sont passés à la prostitution sur les conseils de leurs amies. » Dans ce cas, il ne s'agit certes pas des cas d'adolescentes mais cela permet de mesurer combien l'influence des amis peut être décisive et à combien plus forte raison à l'adolescence qui est un âge moins mature.

4- Marginalité - Insertion sociale

L'adolescente déscolarisée se sent en marge de la société et cherche à l'intégrer en recherchant un moyen pour agir sur son milieu : le pouvoir  de l'argent. Dans le rapport tantôt cité, il est aussi question de la gestion des ressources financières des filles prostituées et il en ressort que ces dernières utilisent leur argent d'une part pour leur prise en charge quotidienne à savoir le loyer, la restauration, l'entretien corporel .D'autre part, elles apportent un soutien financier à leurs parents ou frères et soeurs. Certaines arrivent même à épargner dans une institution financière. La prostitution apparaît donc comme un véritable moyen d'intégration économique du moment car il représente plutôt un tremplin pour atteindre d'autres projets «  pro sociaux ». En effet les résultats de ce rapport confirment les nôtres car selon lui, « toutes les filles rencontrées veulent quitter tôt ou tard la prostitution. Cependant, les conditions de sortie ne sont pas les mêmes. En effet 85,7% veulent sortir quand elles auront assez d'argent. Pour 14,3%, la chance d'avoir un mari quel que soit le rang social pourrait les conduire à quitter la prostitution. »

La méthode que nous avons utilisée pour vérifier ces résultats nous a permis de sélectionner un échantillon d'adolescentes dont des déscolarisées et des scolarisées. La taille de notre échantillon n'est pas grande ; nous avons néanmoins pu avoir une vue des répartitions en termes de pourcentage mais n'avons pu aller plus loin dans l'exploitation des données quantitatives de sorte à pouvoir vérifier d'autres corrélations de façon significative ; ce qu'aurait permis un échantillon plus grand.

Quant à la technique utilisée, nous devons admettre que l'utilisation de questions semi ouvertes nous a été d'une certaine ambiguïté en ce sens qu'elle nous a certes permis de circoncire nos réponses pour faciliter le dépouillement mais elle nous a aussi fait perdre certaines informations qui auraient été utiles à ouvrir la voie à d'autres explications du devenir comportemental à savoir l'exode rural vers les grandes villes surtout la capitale afin de connaître quel itinéraire géographique ces adolescentes ont suivi pour se retrouver dans la marginalité en milieu urbain. Dans l'explication de leurs comportements marginaux, les facteurs de migration et ceux liés à l'illusion perdue et l'espérance déchue pourraient être étudiés plus en profondeur.

En effet lorsque nous posions la question de savoir comment s'est opérée l'entrée dans la prostitution, plusieurs filles lors de leurs récits faisaient cas de leur déplacement du milieu rural ou encore des régions de l'intérieur du pays vers la capitale ou souvent même d'un autre pays vers la Côte d' Ivoire.

M. N'Drin dans son cours sur la Marge Dis sociale, abordant l'aspect de la connaissance de l'adolescent à travers ses milieux de socialisation affirmait :

 « On assiste de plus en plus à des changements des milieux de socialisation. Ce sont ces changements qui favorisent l'évolution des marginalités et des déviances juvéniles [...] Le changement des cadres sociaux suscite une certaine distorsion des rapports temporels et spatiaux .C'est ainsi que les espace-temps intermédiaires de la marge et de la déviance, en quête de repères structuraux induisent des mécanismes de transfert symbolique dans une nouvelle distribution des activités adolescentes ».

Conclusion partielle

Au total, les adolescentes sorties du cursus scolaire acquièrent une position peu privilégiée dans leur famille du fait même de leur déscolarisation. Conscientes de la mentalité de leurs parents qui poussent les filles à se débrouiller, les déscolarisées sont livrées à elles-mêmes pour chercher à se prendre en charge autrement, en toute indépendance des parents, l'autorité de ceux-ci s'étant affaiblie. Dans cette voie, le milieu de la déscolarisée présentant une tolérance à la prostitution et l'avortement incite les filles à entrevoir cette solution.

En outre, les adolescentes elles-mêmes ont déjà un contact personnel avec ces comportements, car elles ont des camarades qui s'adonnent déjà à la prostitution ou à l'avortement. Pour ces adolescentes, ce qui compte dans l'immédiat est de gagner de l'argent le plus simplement possible pour la survie quotidienne en ce qui concerne la prostitution et de se débarrasser de toute charge pour ce qui est de l'avortement. Plus tard, elles pourront s'insérer dans le tissu social en tenant un commerce ou encore en apprenant un métier.

D'autres travaux confirment que l'autorité des parents se voit affaiblie par la permissivité des parents eux-mêmes à affirmer leur autorité sur leurs enfants, que l'influence de la déscolarisation sur le devenir déviant des adolescentes se manifeste aussi par le déficit du contrôle que l'école exerce sur les adolescentes. Ils révèlent aussi que les perturbations qui surviennent dans la famille d'origine ne sont pas à ignorer dans le domaine de la marginalité de ces adolescentes.

TROISIEME PARTIE

ACTIONS EN VIGUEUR, OBSTACLES A LA REINSERTION ET PROPOSITIONS DE SOLUTIONS

CHAPITRE 1 : ACTIONS DE LA MAIRIE DE YOPOUGON ET DE

L'ONG « MOUVEMENT DU NID »

La situation des adolescents déscolarisés n'est pas un fait nouveau dans notre société. Des institutions, tant de l'Etat qu'en dehors de l'Etat, se sont déjà engagée à mener des actions afin de voler au secours des jeunes déscolarisés pour leur insertion et réinsertion.

Dans la commune de Yopougon en particulier, la mairie et plusieurs ONG d'aide à l'enfance en situation difficile oeuvrent à l'insertion et la réinsertion des jeunes déscolarisés et en particulier des filles déscolarisées.

Pour notre part, nous avons choisi de nous intéresser aux actions de la mairie de Yopougon car c'est à elle que revient en premier lieu de veiller au bien être de la population. Ensuite, nous examinerons les actions de l'ONG « Mouvement du Nid » car nous avons fait le recueil des données de notre recherche en ce qui concerne les adolescentes prostituées avec son aide.

PARAGRAPHE 1 : ACTIONS DE LA COMMUNE DE YOPOUGON

Des programmes de financement de micro projets sont mis sur pied. Ces programmes sont destinés aux familles des déscolarisés et autres dans les quartiers précaires.

Des aides financières sont octroyées et se chiffrent entre 50 000 F CFA et 200 000F CFA. Nombreuses sont les familles qui réussissent par ces actions à améliorer leur niveau de vie. Cela se mesure en terme d'adduction d'eau, de branchements électriques dans les quartiers précaires, de scolarisation des enfants en âge de l'être, d'installation de microprojets. Parallèlement à ces actions de la municipalité, une collaboration existe entre la municipalité et les ministères : MFPF38(*) et la DPRS39(*).

A travers le Service Assistance Sécurité urbaine de la commune également, des actions sont menées en faveur de l'insertion socio-économique des jeunes déscolarisés. Il s'agit pour lui d'occuper sainement la jeunesse à travers des activités sportives et lui assurer une formation qualifiante afin de prévenir la délinquance et donc l'insécurité. A titre d'exemple, nous avons « le projet AGEFOP » dont les bénéficiaires sont des déscolarisés de 12 à 26 ans. Il consiste en une formation en menuiserie, pâtisserie, informatique, etc. allant d'une durée de 4 mois à 6 ans. Ce projet est mis en oeuvre par le Projet d'Appui à la Sécurité Urbaine (PASU).

PARAGRAPHE 2 : ACTIONS DE L' ONG « Mouvement du nid »

Le « Mouvement du nid » est une ONG internationale représentée en Côte d'Ivoire depuis 1993.Son siège social en Côte d'Ivoire se situe au Centre d'Accueil Missionnaire (C.A.M) et une annexe est située dans la commune de Yopougon, au centre polyvalent St Jean Eudes qui abrite les activités de l'ONG. Elle a pour objectif de faire émerger un mouvement de refus de la prostitution afin de rendre possible sa disparition. Ses moyens d'action sont d'abord la prévention à travers l'éducation, la sensibilisation, l'information, la conscientisation et la formation. Elle utilise ensuite la dénonciation de l'exploitation sexuelle, l'esclavage, la violence, la violation des droits humains. Un autre de ses moyens d'action est le plaidoyer auprès des autorités compétentes nationales et internationales, des acteurs sociaux. Enfin, elle fait aussi de la réinsertion une voie pour lutter contre la prostitution par la rencontre, l'écoute et l'accompagnement. Pour le Mouvement du Nid, la prostitution n'est pas un métier, encore moins un mal nécessaire. Nul ne naît prostitué et chacun peut donc en sortir.

Nous nous intéresserons en particulier aux aspects de la prévention et de la réinsertion.

Au titre de la prévention, le « Mouvement du Nid » entreprend des activités de formation à travers l'alphabétisation et la formation au métier de couture, de coiffure et de pâtisserie. Les bénéficiaires sont les filles domestiques, les déscolarisées mais aussi des femmes et des hommes. Par exemple du 21 au 23 Juillet 2003, les auditrices du nid ont bénéficié d'une formation à la fabrication artisanale de savon. Il apporte par la suite un appui à l'insertion aux personnes de sexe féminin en situation difficile. Les jeunes filles domestiques en état d'oisiveté sont aussi concernées. Cet appui consiste à bénéficier d'un prêt ou aide pour mener une activité génératrice de revenus. C'est dans ce sens qu'a eu lieu son projet « Appui à la lutte contre l'exploitation des filles domestiques » à travers une subvention de la GTZ (Coopération technique allemande). Pour réaliser ce projet, trois types d'activités ont été retenus. Ce sont le recensement des agences de placement, une étude exploratoire sur l'exploitation des filles et leur reconversion. Par cette dernière activité, 30 filles ont été entre autre en formation au métier de coiffure chez des artisans, de couture au centre St Marc des Toits Rouges et à faire une activité génératrice de revenus. Toutes ces actions ont démarré en Juin 2003.

Nous avons consulté le registre des personnes ayant bénéficié d'une aide du Mouvement du Nid et il nous avons recensé 19 cas de déscolarisées dont l'âge varie entre 15 et 35 ans. Parmi les bénéficiaires, 3 seulement ont un âge situé entre 15 et 21 ans. Le niveau d'instruction le plus élevé est la terminale et le moins élevé est le CP2. Parmi ces filles, 6 ont été subventionnées pour réaliser une activité génératrice de revenus, 4 sont formées au métier de coiffeuses et 9 au métier de couture. Parmi elles qui bénéficient d'une formation professionnelle, plusieurs suivent aussi à la fois des cours d'alphabétisation.

Voici le profil de quelques filles :

-Mlle x ,28 ans, a le niveau primaire et est fille mère. Par le passé, elle a était servante chez un libanais où elle faisait objet d'harcèlement sexuel. Ayant sollicité l'aide de l'ONG, elle fait aujourd'hui le commerce de vêtements pour enfants dans la commune de Yopougon.

-Mlle Y est une jeune fille de 24 ans déscolarisée depuis la classe de 5eme à la suite d'une exclusion. Orpheline de père et de mère, elle se retrouve chez sa tante à Abidjan au service de laquelle elle se met moyennant quelques petits cadeaux. Après avoir rencontré les responsables du Mouvement du Nid, elle apprend aujourd'hui la couture.

-Quant à Mlle W, elle a 23 ans et est fille mère. Elle quitte l'école en classe de 3eme. Son père affirme ne pas avoir les moyens de payer ses cours. Elle se retrouve sur le trottoir où elle se prostitue pendant 2 ans. Sur les conseils et avec l'aide de l'ONG, elle quitte le trottoir et apprends la couture.

-Mlle K a 18 ans. Elle a le niveau CM2. Elle est issue d'une famille nombreuse. Déscolarisée du fait de la retraite de son père, elle se retrouve au village où elle compte présenter le CEPE. Mais ceci ne sera pas possible du fait de la guerre. Aujourd'hui, elle apprend la couture avec l'aide du Mouvement du Nid. En plus, elle y a suivi des cours de remise à niveau et a présenté le CEPE auquel elle a été brillamment reçue. L'ONG a l'intention de lui payer des cours de secondaire.

-Déscolarisée en classe de Tle parce que ses parents n'avaient plus les moyens de s'occuper d'elle, Mlle G, décide d'apprendre la couture. Mais elle ne peut achever sa formation faute de moyens financiers. Aujourd'hui, elle apprend la couture avec l'appui du Mouvement Nid.

-Quand à Mlle T, elle est déscolarisée depuis le primaire. Orpheline de père, elle est venue du village chez sa soeur à Abidjan en espérant apprendre la couture ; ce qui n'a pas été possible faute de moyens financiers. Elle aussi apprend la couture avec l'aide du Nid.

« Prévention et réinsertion en Afrique de l'Ouest » est un programme qui a vu le jour à l'initiative de l' ONG et l'une de ses activités principales est la sensibilisation sur la prostitution et ses conséquences. De même à l'endroit du grand public, une revue dénommée « Afrique Prostitution » est publiée chaque trimestre depuis l'année 2002. Elle sert d'instrument de formation et d'information sur tout sujet concernant la question de la prostitution.

Au « Mouvement du Nid », la réinsertion consiste à rencontrer les personnes prostituées sur les sites de prostitution, comprendre leur vie passée, le vécu quotidien et leurs futurs projets afin de faciliter leur réintégration dans la société. Ceci est l'objectif fondamental visé.

Lors de notre séjour au sein de l'ONG, l'équipe chargée du recueil des donnés faisait une étude portant sur le recensement de tous les sites prostitutionnels des 10 communes d' Abidjan et allaient à la rencontre des personnes prostituées. En notre présence, 03 filles prostituées ont été reçues au Centre St Jean Eudes par les assistants sociaux chargés de l'écoute.

CHAPITRE 2 : OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIALE ET

PROPOSITIONS DE SOLUTIONS

Il convient de reconnaître que malgré la bonne volonté des acteurs sociaux et les actions par eux entreprises, l'objectif qui demeure celui de l'insertion et de la réinsertion sociale des adolescentes déscolarisées n'est pas souvent atteint ou du mois pas en totalité.

PARAGRAPHE 1 : OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIALE

DES ADOLESCENTES DESCOLARISEES

Les entraves ou obstacles aux divers programmes mis en oeuvre en faveur des adolescentes déscolarisées afin de permettre ou faciliter leur réinsertion sociale sont liés tant aux bénéficiaires elles-mêmes qu'aux acteurs sociaux.

II- Au niveau des adolescentes déscolarisées

Milieu de vie hostile

D'emblée, il faut noter les mauvaises conditions de vie des adolescentes caractérisées par l'insalubrité et la précarité. En effet les filles vivent dans des pièces exiguës qui manquent d'infrastructures sanitaires telles les coins latrines, toute chose qui entraîne, le manque d'hygiène, les risques d'épidémies et d'infections telles les IST et le SIDA, surtout quand on sait que plusieurs de nos enquêtées résident dans des maisons closes. C'est dire que la santé de la fille est constamment en danger.

En outre, il existe une promiscuité due au grand nombre d'habitants dans les cours mais aussi à la présence de repères de bandits. Les relations de voisinage alors souvent conflictuelles et l'insécurité qui règne sans cesse à Yahoséi de même que le cercle vicieux qu'est la prostitution ne sont pas des cadres psychologiques, moraux et physiques qui permettent à la déscolarisée marginale de sortir de sa conduite déviante.

La déscolarisée marginale ne saurait demeurer dans un tel climat pour espérer changer de comportement car la sous culture développée dans ce milieu (acceptation de la prostitution et absence d'approbation du programme) lui est préjudiciable.

Le milieu familial d'origine défavorable

La déscolarisée ayant souvent quitté la famille, les liens parentaux se sont effrités au fil du temps. Même pour celles qui apportent une aide à la famille, elles ont appris à vivre indépendamment d'elle. Ainsi, il s'avère que tout retour dans le but d'y demeurer afin de bénéficier du programme d'aide devient problématique. En plus, ce ne sont pas toutes les filles dont les parents vivent à Yahoséi.

Par ailleurs, toutes les familles, quand elles existent encore, ne sont pas réceptives aux programmes d'aide au sens ou elles ne sont pas source de motivation pour leurs enfants : cas de familles divisées, mésententes, rejet...

Quand on sait que le milieu que quittent nos adolescentes leur a souvent laissé des empreintes (rejet, moquerie), il est important que son milieu d'origine au, plan affectif, lui soit d'un grand réconfort même si il ne la prend pas financièrement en charge.

Autres obstacles

D'autres obstacles à la réinsertion sociale des adolescentes déscolarisées prostituées résident dans le fait qu'elles sont fortement habituées à manipuler de fortes sommes d'argent dont la privation est difficile à gérer. De même l'habitude de la vie facile qu'elles ont acquise fait qu'il leur est difficile d'endurer les difficultés matérielles de sorte que beaucoup rechutent dans la prostitution. Ainsi, sur neuf (9) cas d'auditrices et filles aidées par le Mouvement du Nid, seulement une (1) a pu continuer à suivre les cours. Les cas de survenue de grossesses non désirées sont aussi des obstacles à la réinsertion et emmènent les filles à l'avortement. C'est le cas d'une auditrice du Mouvement du Nid, qui a quitté la prostitution et réintégré sa famille d'origine .Aujourd'hui, elle est enceinte mais refuse de garder la grossesse, car celle-ci ne lui permettra pas de continuer normalement sa formation.

II- Au niveau des acteurs sociaux

Au plan matériel

Il est important de remarquer qu'il n'y a pas de programme qui cible particulièrement les déscolarisées et encore moins les adolescentes déscolarisées. Néanmoins, elles sont prises en compte dans les programmes en faveur de jeunesse ou des filles de la commune. Les obstacles au niveau des acteurs sociaux sont surtout d'ordre matériel et humain. En effet l'insuffisance des moyens financiers et matériels ne permet pas aux acteurs sociaux de prendre en compte un grand nombre de personnes. Pour le peu de bénéficiaires à qui ils tendent la main il leur est difficile, voire impossible de financer des activités génératrices de revenus plus importantes ou encore d'assurer les études à celles des déscolarisées qui voudraient bien reprendre le chemin de l'école. Souvent aussi, la lenteur de la mise en route des activités emmène les filles à renoncer, à se décourager et à renoncer à l'aide. On note, aussi que après l'apprentissage d'un métier, les filles ne bénéficient pas d'une prise en charge pour s'installer. Toujours du point de vue matériel, nous pouvons noter que les acteurs sociaux n'ont pas de politique propre à eux pour fructifier les subventions qu'ils reçoivent de sorte à aider un plus grand nombre de filles déscolarisées.

Au plan humain

Au plan humain, il y a l'insuffisance des travailleurs sociaux. En effet la culture du bénévolat n'est pas développée dans notre pays alors que c'est sur cela que repose en grande partie le travail social. En outre, les intervenants qui travaillent sont souvent peu formés en la matière et ne reçoivent pas non plus suffisamment de formation ; ce qui minimise leur efficacité sur le terrain. Par ailleurs, la commune de Yopougon est une vaste commune et renferme une multitude de quartiers précaires comme Yahoséi où vivent beaucoup d'adolescentes déscolarisées, que les acteurs sociaux n'arrivent pas atteindre par manque de personnel disponible.

Devant tous ces obstacles relevés, quelles solutions pouvons nous envisager ?

PARAGRAPHE 2 : PROPOSITIONS DE SOLUTIONS

Nous avons envisagé des propositions notamment au niveau des ressources financières et des actions d'une part et au niveau des ressources humaines d'autre part.

1- Au niveau des ressources financières et des activités

Il s'agit de créer un système pour fructifier le financement des subventions de l'ONG  dans le but de mieux les octroyer aux bénéficiaires, surtout pour l'installation après la phase d'apprentissage du métier choisi. Il s'agit par exemple aussi pour les acteurs sociaux d'organiser des cours à l'intention des plus nantis afin d'en d'utiliser les retombées pour aider à la scolarisation des adolescentes déscolarisées des milieux défavorisés qui le désirent.

Comme l'a Suggéré M. Otchiry du Nid, il faudrait créer des activités lucratives qui fonctionnent déjà et qui produisent des intérêts afin de les confier aux filles de sorte que les bénéfices que produisent déjà ces affaires leur servent de sources de revenus, contrairement à une nouvelle AGR qui demande que la bénéficiaire patiente longtemps avant de profiter du fruit de son investissement. Ceci concerne surtout les filles libres qui ont déjà l'habitude de l'argent.

- Favoriser les entreprises collectives au niveau des filles afin de rendre plus importants les capitaux d'investissements des activités génératrices de revenus (AGR).

- Assurer l'installation des filles qui apprennent un métier (coiffure, couture...) de sorte qu'elles servent de relais aux ateliers de placement dans l'avenir.

- Accentuer à nouveau la sensibilisation sur l'avortement comme c'est le cas pour le Sida, les IST, les grossesses non désirées, dans les quartiers précaires.

2- Au niveau des ressources humaines

Il s'agit pour les acteurs sociaux de susciter l'esprit de bénévolat chez les élèves et étudiants les plus nantis de sorte à disposer de personnel supplémentaire ou encore organiser les filles scolarisées des milieux défavorisés afin d'aider leurs soeurs déscolarisées à l'alphabétisation par exemple.

Dans le but d'augmenter leurs ressources humaines, les acteurs sociaux doivent aussi se faire connaître dans les milieux susceptibles de leur permettre de recruter des bénévoles engagés tels les milieux religieux, sanitaire, scolaire, les associations de jeunes.

Conclusion partielle

Des actions existent et sont menées pour l'insertion socioéconomique des déscolarisés en vue de prévenir la délinquance et l'insécurité,tant par la Mairie que les ONG .La réinsertion figure aussi au programme de ces acteurs sociaux.

On remarque qu'il existe peu d'actions en direction des filles de façon spécifique, bien qu'elles soient prises en compte dans les programmes sociaux de façon générale.

Les obstacles à efficacité des actions en faveur des jeunes déscolarisés sont multiples, surtout au niveau de la réinsertion. Ils sont d'ordre matériel, humain et tiennent tant aux jeunes marginaux qu'aux acteurs sociaux.

Il ressort aussi que chez les acteurs sociaux en général, la prévention est privilégiée au détriment de la réinsertion. Ainsi, les actions menées dans ce sens sont plus le fait des ONG telle que le « Mouvement du Nid » et le « Centre Amigodoumé »

CONCLUSION GENERALE

Au cours de ce travail de recherche, nous avons porté notre attention sur le devenir comportemental des adolescentes déscolarisées de Yahoséi, quartier précaire de la commune de Yopougon.

Il s'est agit pour nous de savoir s'il existe une relation entre le devenir comportemental de ces adolescentes et leur situation de déscolarisée ou d'échec scolaire. En d'autres termes, de savoir quelle est la dynamique qui existe entre le statut de déscolarisé de l'adolescente et le développement de conduites marginales chez elles.

En somme, leur itinéraire de l'échec scolaire à la déviance.

A cet effet, nous avons fait une observation documentaire en plus d'une enquête qui a porté sur des questionnaires adressés à un échantillon d'adolescentes déscolarisées prostituées de quinze (15) personnes, d'adolescentes déscolarisées non prostituées de quinze personnes et d'adolescentes scolarisées non prostituées de quinze personnes.

Pour analyser les données recueillies, nous avons eu recours tant à la méthode qualitative que quantitative en opérant des tris à plat et une analyse de contenu.

Les résultats que nous avons obtenus ont révélés principalement que 83,33% des adolescentes déscolarisées vivaient chez leurs deux parents ou l'un au moins du temps de leur scolarité. Aujourd'hui seulement 19,99% vivent ainsi pendant que 43,33% vivent avec des camarades ; ce qui est problématique à cette période que représente l'adolescence.

Les conseils donnés par les amis constituent un facteur humain important qui déclenche l'entrée dans la prostitution et l'avortement.

Il faut retenir que la déscolarisation en elle-même bien que pouvant entraîner l'adolescente dans la marginalité à travers l'image négative de soi qu'elle peut laisser comme empreinte psychologique, n'est pas directement liée au développement des comportements déviants chez l'adolescente.

Elle l'est de façon indirecte.

En effet, une fois déscolarisées, les adolescentes deviennent oisives et leurs parents s'occupent de moins en moins d'elles, souvent moins par manque de moyens financiers que par démission. Dans ces conditions, le désir de l'adolescente est de faire quelque chose pour se prendre en charge elle-même. Souvent, certaines de celles qui ont des camarades qui s'adonnent déjà à la prostitution reçoivent de ces dernières des encouragements, des incitations à faire comme elles. D'autres entrent dans la prostitution après l'échec de plusieurs essais à gagner honnêtement leur vie, souvent même par le travail domestique. D'autres encore, à la suite de leur déscolarisation ont opté pour l'apprentissage d'un métier, mais le décès du père ou l'incapacité des parents à assurer la formation les a souvent conduites à abandonner ce projet.

Par ailleurs, aujourd'hui la tolérance de leur milieu face aux pratiques comme l'avortement, la dégradation des moeurs ainsi que la cherté du coût de la vie en milieu urbain crée une situation d'anomie et légitime certains comportements tels la prostitution et l'avortement que nous avons eu à étudier.

Il existe encore d'autres comportements déviants chez les adolescentes déscolarisées de Yahoséi tel la consommation de la drogue ; seulement il est difficile d'avoir des informations sur ces agissements compte tenu du silence de la part des adolescentes autour de ce sujet.

Cette étude n'est pas exhaustive de l'explication de la dynamique entre la déscolarisation et le devenir comportemental des adolescentes de milieux socio-économiques défavorisés, d'autres travaux pourront encore nous permettre de bien cerner cette relation.

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Annexes

- Questionnaire à l'adolescente déscolarisée non prostituée

- Questionnaire à l'adolescente déscolarisée prostituée

QUESTIONNAIRE A L'ADOLESCENTE DESCOLARISEE

NON PROSTITUÉE

A- Identification

I) Lieu d'habitation

(1) Habites-tu le quartier Yahoséi ? Oui Non

(2) Depuis quand vis-tu ici ? Six mois Plus

(3) Quel genre de maison habites-tu ? en dur en bois

Habitat individuel cour commune

II) Déscolarisation

(4) Vas-tu à l'école ? Oui Non

(5) Si oui, abandonner

Si non quel est ton niveau d'étude ?

Primaire Secondaire Préciser ...................................

III) Age

(6) Quel âge as-tu ?

...............................................................................................

(7) A quel âge as-tu abandonné l'école ?

...............................................................................................

IV) Activité actuelle

(8) Que fais-tu dans la vie ?

...............................................................................................

(9) A côté de cela, que fais-tu d'autre pour gagner ta vie ?

................................................................................................

(10) Combien gagnes-tu ?

.................................................................................................

(11) Es-tu satisfaite de ce que tu gagnes ?

Satisfaite Un peu satisfaite Pas satisfaite

B- Catégorie socioprofessionnelle des parents et milieu familial

I) CSP des parents

(12) Vis-tu avec tes parents ? Père Mère Tante Tuteur Autre

.................................................................................................

(13) Si non avec qui habites-tu ?

.................................................................................................

(14) Que font tes parents dans la vie ? Retraité Fonctionnaire

Ouvrier Planteur

II) Prise en charge financière

(15) Qui s'occupe de toi ? (te donne à manger, paie le loyer, ton

habillement) Moi-même Parents Tuteur Autre

.................................................................................................

(16) De qui d'autre encore tes parents s'occupent-ils ?

.................................................................................................

(17) Quand tu allais encore à l'école, qui s'occupait de toi ?

.................................................................................................

(18) Avec qui tu vivais quand tu allais à l'école ?

.................................................................................................

(19) Que voulais-tu faire quand tu as arrêté l'école ?

...............................................................................................

(20) Pourquoi tu ne l'as pas fait ?

................................................................................................

(21) (Si elle le fait) Qui te prend en charge ?

.................................................................................................

C- Causes de la déscolarisation et sentiment de frustration

(22) Pour quelles raisons as-tu arrêté l'école ?

.................................................................................................

(23) Que penses-tu de tes camarades qui vont encore à l'école ?

.................................................................................................

(24) Penses-tu qu'elles ont plus de chance de réussite que toi dans la vie ?

.................................................................................................

(25) Qu'est ce qui compte pour toi pour dire qu'on a réussi ?

..................................................................................................

D- Le vécu de la déscolarisation et l'acceptation des pratiques et

perspectives d'avenir

(26) As-tu des camarades comme toi, des filles que tu connais qui ne

vont plus à l'école ?

...................................................................................

(27) Que font-elles maintenant dans la vie ?

...................................................................................

(28) On dit qu'ici à Yahoséi il y a beaucoup de filles déscolarisées qui se

prostituent, est-ce vrai ?

...................................................................................

(29) As-tu des camarades ou des filles que tu côtoies qui s'adonnent

aussi à la prostitution ?

...................................................................................

(30) A ton avis, pourquoi se prostituent-elles ?

...................................................................................

(31) Que penses-tu de leur comportement ?

...................................................................................

(32) A ton avis, ont-elles le choix ?

...................................................................................

(33) Te sens tu concernée par leur comportement ? (est-ce que cela te

touche ?)

...................................................................................

(34) Est-ce que les filles déscolarisées sont souvent en contact avec la

drogue ?

..................................................................................

(35) As-tu des camarades qui ont déjà fait l'avortement ? Et toi ?

...................................................................................

(36) Pour quelles raisons ?

...................................................................................

(37) Que penses-tu de la réaction de la police envers ces filles ?

...................................................................................

(38) A part les filles déscolarisées, y a-t-il aussi des filles qui vont à

l'école qui se prostituent ?

...................................................................................

(39) Y a-t-il aussi des filles qui vont à l'école qui ont à faire à la police

pour ces mêmes raisons ?

...................................................................................

(40) A ton avis, pourquoi agissent-elles ainsi ?

...................................................................................

(41) Tes camarades qui font ces choses te conseillent de faire comme

elles ?

...................................................................................

(42) Pourquoi elles n'apprennent pas un métier ?

...................................................................................

(43) Penses-tu qu'elles vont arrêter dans l'avenir ?

...................................................................................

(44) Pourquoi ?

...................................................................................

(45) Que veux-tu faire plus tard ?

...................................................................................

QUESTIONNAIRE A L'ADOLESCENTE DESCOLARISEE

PROSTITUÉE

A- Identification

I) Lieu d'habitation

(1) Habites-tu le quartier Yahoséi ? Oui Non

(2) Depuis quand vis-tu ici ? Six mois Plus

(3) Quel genre de maison habites-tu ? en dur en bois

Habitat individuel cour commune

II) Déscolarisation

(4) Vas-tu à l'école ? Oui Non

(5) Si oui, abandonner

Si non quel est ton niveau d'étude ?

Primaire Secondaire Préciser ......................................

III) Age

(6) Quel âge as-tu ?

...............................................................................................

(7) A quel âge as-tu abandonné l'école ?

...............................................................................................

IV) Activité actuelle

(8) Que fais-tu dans la vie ?

...............................................................................................

(9) A côté de cela, que fais-tu d'autre pour gagner ta vie ?

................................................................................................

(10) Combien gagnes-tu ?

.................................................................................................

(11) Es-tu satisfaite de ce que tu gagnes ?

Satisfaite Un peu satisfaite Pas satisfaite

B- Catégorie socioprofessionnelle des parents et milieu familial

I) CSP des parents

(12) Vis-tu avec tes parents ? Père Mère Tante Tuteur Autre

.................................................................................................

(13) Si non avec qui habites-tu ?

.................................................................................................

(14) Que font tes parents dans la vie ? Retraité Fonctionnaire

Ouvrier Planteur

II) Prise en charge financière

(15) Qui s'occupe de toi ? (te donne à manger, paie le loyer, ton

habillement) Moi-même Parents Tuteur Autre

.................................................................................................

(16) De qui d'autre encore tes parents s'occupent-ils ?

.................................................................................................

(17) Quand tu allais encore à l'école, qui s'occupait de toi ?

.................................................................................................

(18) Avec qui tu vivais quand tu allais à l'école ?

.................................................................................................

(19) Que voulais-tu faire quand tu as arrêté l'école ?

...............................................................................................

(20) Pourquoi tu ne l'as pas fait ?

................................................................................................

(21) (Si elle le fait) Qui te prend en charge ?

.................................................................................................

C- Causes de la déscolarisation et sentiment de frustration

(22) Pour quelles raisons as-tu arrêté l'école ?

.................................................................................................

(23) Que penses-tu de tes camarades qui vont encore à l'école ?

.................................................................................................

(24) Penses-tu qu'elles ont plus de chance de réussite que toi dans la vie ?

.................................................................................................

(25) Qu'est ce qui compte pour toi pour dire qu'on a réussi ?

.................................................................................................

D- Le vécu déviant de la déscolarisation et l'acceptation des pratiques et

perspectives d'avenir

(26) As-tu des camarades qui ne vont plus à l'école et qui se prostituent ?

Oui Non

(27) Comment es-tu arrivée à la prostitution ?

...............................................................................................

(28) Pourquoi le fais-tu ?

................................................................................................

(29) Pourquoi ne fais-tu pas autre chose ?

...............................................................................................

(30) Comptes-tu arrêter un jour ? Oui Non

................................................................................................

(31) A quel moment ?

................................................................................................

(32) Que veux-tu faire plutard ?

................................................................................................

(33) As-tu déjà fais des avortements ?

................................................................................................

(34) As-tu déjà eu affaire à la police ?

.................................................................................................

(35) Pour quelles raisons ?

................................................................................................

TABLE DES MATIÈRES

SOMMA1RE......................................................................... .. 1

DEDICACE............................................................................. 3

REMERCIEMENTS........................................................ .......... 4

AVANT-PROPOS...................................................................... 6

INTRODUCTION...................................................................... 7

PROBLEMATIQUE................................................................... 9

1) Justification du choix du sujet.................................... ........... 9

2) Définition des notions......................................................... 10

4) Formulation du problème des questions et hypothèses

de recherche........................................................................ 20

METHODOLOGIE.................................................................... 22 1) Population et échantillon..................................................... 22

3) Revue de littérature et cadre théorique de référence..................... 14

5) Technique de recherche......................................................... 23

6) Méthodes d'analyse des données.......................................... 24

7) Difficultés rencontrées...................................................... 25

PREMIERE PARTIE 

PRESENTATION DU CADRE D ETUDE ET MANIFESTATIONS

DE LA DESCOLARISATION ET DE LA MARGINALITE..................... 26

CHAPITRE 1 : PRESENTATION DU CADRE D'ETUDE................... 27

PARAGRAPHE 1 : PRESENTATION DU TERRAIN D'ETUDE................ 27

I : Présentation de la commune de Yopougon...................................... 27

1 Situation géographique.......................................................... 27

2- Situation socio-économique....................................... ............ 28

II- Présentation du quartier précaire de Yao Sehi..................... ............ 30

7. Situation géographique........................................................... 30

8. Situation socio-économique et culturelle ................................. 31

PARAGRAPHE 2 : PRESENTATION DES INSTITUTIONS..................... 32

I- Présentation du service social de la mairie de Yopougon.... ....... 32

II- Le mouvement du Nid Côte d'Ivoire.................................... 32

CHAPITRE 2 : APPROCHE DE LA DESCOLA RISATION ET

DE LA MARGINALITE.......................................... 34

PARAGRAPHE 1 : APPROCHE DE LA DESCOLARISATION

I- Manifestations de la déscolarisation à Yao Sehi........................ 34

II- Facteurs et conséquences de la déscolarisation à Yao Sehi.......... 35

PARAGRAPHE 2 : APPROCHE DE LA MARGINALITE........................ 36

I- Prostitution..................................................................... 37

II- Avortement..................................................................... 38

DEUXIEME PARTIE 

DYNAMIQUE ENTRE LA DESCOLARISATION DES

ADOLESCENTES ET LEUR DEVENIR COMPORTEMENTAL.............. 39

CHAPITRE 1 : PRESENTATION DES RESULTATS............... 40

PARAGRAPHE 1 : RELACHEMENT DE LEUR PRISE EN CHARGE

PAR LES PARENTS............................................. 40

PARAGRAPHE 2 : FREQUENTATION ET PROXIMITE D'AUTRES

FILLES DEVELOPPANT DES CONDUITES

DEVIANTES ET MARGINALES.............................. 45

PARAGRAPHE 3 : LOGIQUE D'ADAPTATION

ET VALORISATION DE SOI...................................... 46

CHAPITRE 2 : INTERPRETATION ET DISCUSSION

DES RESULTATS..................................................... 51

PARAGRAPHE 1 : INTERPRETATION..............................................

1. Statut de déscolarisée et prise en charge au sein de la famille .......... 51

2. Affaiblissement de l'autorité parentale et recherche

de prise en charge......................................................... 52 3. Influence de l'environnement et tolérance du milieu................. 54

4. Sensibilité de l'adolescence et processus d'imitation................. 56

5. Société de consommation et logique d'adaptation..................... 58

6. Refus d'apprentissage et besoin de satisfaction immédiate.......... 59

PARAGRAPHE 2 : DISCUSSION.................................................... 60

I- Relation pauvreté- affaiblissement de l'autorité parentale.................. 61

II- Relation marginalité - dé scolarité............................................... 62

III- Relation marginalité - structure de la famille................................ 64

IV- Relation marginalité -insertion sociale........................................ 65

CHAPITRE 1 : ACTIONS DE LA MAIRIE DE YOPOUGON ET DE

L'ONG « MOUVEMENT DU NID »........................... 69

PARAGRAPHE 1 : ACTIONS DE LA COMMUNE DE YOPOUGON......... 70

PARAGRAPHE 2 : ACTIONS DE L' ONG « Mouvement du nid ».............. 71

CHAPITRE 2 : OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIALE ET

PROPOSITIONS DE SOLUTIONS............................. 74

PARAGRAPHE 1 : OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIALE

DES ADOLESCENTES DESCOLARISEES.................. 74

II- Au niveau des adolescentes déscolarisées........................................ 74

II- Au niveau des acteurs sociaux...................................................... 76

PARAGRAPHE 2 : PROPOSITIONS DE SOLUTIONS............................. 77

CONCLUSION PARTIELLE............................................................. 79

CONCLUSION.............................................................................. 80

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXES

TABLE DES MATIERES

* 1 Dictionnaire universel 2000, Hachette EDICEF

* 2 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 3 Idem

* 4Raymond Mampaka NLELE , Essai d'analyse sur le phénomène des échecs scolaires, 2001

* 5 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 6 Raymond Koudou KESSIE, Eléments de psychologie de l'adolescence, PUCI, 1999

* 7 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 8 Cahiers OSTORM, Séries sciences humaines, volume 19, n°4, 1983, pp.449 - 458

* 9 In Politique africaine, n°24, Les statuts d'une génération : les déscolarisés d'Abidjan entre 1976 et 1986,

Décembre 1986

* 10 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 11 Idem

* 12 Idem

* 13 Cours de délinquance juvénile : Aspects psycho socio culturels, UFR Criminologie.

* 14 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 15 Cours de Délinquance juvénile : aspects psycho socio culturels, UFR Criminologie

* 16 Idem

* 17 Jeunesse, développement et changements sociaux, Cahiers OSTORM, séries sciences humaines, volume 19,

n°2 à 3, pp 181 - 185, éd. De l'OSTORM, Paris 1985

* 18 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 19 Alain SISSOKO, Les jeunes déscolarisées à Abidjan : logiques dynamiques d'adaptation, recomposition des relations familiales et processus de reconstruction sociale, document inédit, 2003

20 Yves Marguerat, Les jeunes délinquants d'Abidjan :une première approche quantitative, document inédit,1984

* 20 Simon Anvo SAIHASSI, Education scolaire et délinquance juvénile en Côte d'Ivoire (exemple d'Abidjan et d'Aboisso), , Mémoire de maîtrise de sociologie 1979-1980

* 21 Clahon GOHI, « Conditions de vie des jeunes déscolarisés résidant dans les quartiers précaires de la ville d'Abidjan : cas de Yao Sehi », Mémoire de maîtrise UFR Criminologie

* 22 Fabienne TANON, Les jeunes en rupture scolaire : du processus de confrontation à celui de ré médiation, l'Harmattan, 2000

* 23 Robert CARIO, Jeunes délinquants (à la recherche de la socialisation perdue), l'Harmattan, 1996.

* 24 Sébastien ROCHE, En quête de sécurité (causes de la délinquance et nouvelles réponses), Armand Colin

2003, pp 118 - 124

* 25 CARIO Robert, Jeunes délinquants (à la recherche de la socialisation perdue), l'Harmattan, 1996, pp 131 - 132

* 26 UNICEF, La pauvreté et les enfants : Bilan des dix dernières années dans les PMA, 1990

* 27 PNUD, Tableau de bord social, Côte d'Ivoire 2003, tome I : Analyses thématiques, Septembre 2004, pp. 36-37

* 28 Bilan des Statistiques Criminelles N° 523/PU16. Commissariat de police du 16ème Arrondissement de Yopougon

* 29 Entretien avec le commissaire de police M. lame Essoh du 16e Arrondissement de Yopougon

* 30 Pinatel Jean, Traité de droit Pénal et Criminologie, Dalloz 1977, p 192-193

* 31Raymond Mampaka N'Lélé, Essai d'analyse sur le phénomène des échecs scolaires, P17, Abidjan, le 1er Août 2001, composition et impression : Collège Catholique St Jean Bosco Treichville

* 32 Serge Larivée, Le fonctionnement cognitif de l'adolescent délinquant, Thèse, Montréal, Août 1977.

* 33 Encyclopédie médicale de l'Afrique, éd. Larousse Afrique, 1986, volume3, p 787.

* 34Simon Saihassi Anvo, Education scolaire et délinquance juvénile en CI : (exemples d'Aboisso et d'Abidjan),

mémoire de maîtrise de Sociologie, 1979-1980 P53

* 35 Sébastien Roché, En quête de sécurité, éd. Armand Colin , 2003, p112

Boitenin Kouamé Koffi, J-B Zogba Tietio, Etude de prospection sur le phénomène de prostitution à San Pedro 21 Janvier au 4 Février 2002

* 36Alain Sissoko, Les jeunes filles déscolarisées à Abidjan : logiques, dynamiques d'adaptation, recomposition

des relations familiales et processus de reconstruction sociale, 2002.

* 37 Raymond Mampaka N'Lélé, Essai d'analyse sur le phénomène des échecs scolaires. 2001, P. 11

* 38 Ministère de la Famille et de la Protection de la Femme

* 39 Direction de la protection et de la réinsertion sociale






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo