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Echec scolaire et devenir comportemental des adolescentes vivant dans les quartiers precaires a Abidjan: Le cas de Yahosei dans la commune de Yopougon

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par Naye Dominique IRITIE
Université de Cocody - UFR Criminologie - Maitrise Criminologie 2005
  

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INTRODUCTION

La société ivoirienne en pleines mutations se trouve bouleversée dans son organisation et son fonctionnement.

En effet, la crise économique des années 80 continue de prolonger ses conséquences négatives sur le niveau de vie des foyers, conduisant les populations à l'indigence. De même le chômage aujourd'hui n'est plus exclusif aux jeunes en proie à l'exode rural mais affecte aussi les jeunes diplômés du secondaire et du supérieur, de plus en plus qualifiés.

En outre, la démographie galopante du pays et l'immigration ont donné lieu à des agglomérations urbaines regroupant une forte densité de population. C'est le cas de la ville d'Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire. Elle abritait environ deux millions cinq cent milles (2 500 000) habitants1(*) avant la guerre et regorge une multitude de quartiers populeux. La croissance de la population et l'urbanisation galopante a vu aussi l'augmentation de la délinquance. L'on imagine aisément que le chômage, la déscolarisation et par conséquent la marginalisation sociale constitue un facteur favorisant de cette conduite délinquante.

Par ailleurs, la guerre que traverse la Côte d'Ivoire depuis la date du 19 Septembre 2002 a crée dans le pays un désordre social tel qu'une multitude de jeunes (adolescents) se sont retrouvés soit en situation de  « déplacés de guerre » soit en proie à l'enrôlement volontaire ou non et bien d'autres situations encore (orphelins, traumatisme de guerre, invalidité physique ou mentale ...)

Il faut noter que cette grande métropole qu'est Abidjan a encore été l'espace d'accueil de ces déplacés de guerre et apparaît ainsi comme le théâtre de prédilection de la délinquance juvénile. Cette délinquance affecte également le milieu féminin et y revêt souvent des formes particulières dont les prépondérantes semblent être le racolage, les coups et blessures volontaires...

Les facteurs de ces conduites déviantes sont généralement plus ou moins connus : il s'agit des manifestations des modalités de quête d'adaptation et d'intégration socio-économique. Cette délinquance est souvent aussi le fait d'orphelines, de filles analphabètes, de filles sorties du cursus scolaire de façon plus ou moins précoce, quelles que soient les causes c'est-à-dire des déscolarisées et d'origines socio-économiques pauvres.

Pour notre part, nous avons choisi de nous intéresser à la spécificité des adolescentes déscolarisées vivant dans les quartiers précaires à Abidjan. Il s'agit donc de comprendre la relation qui existerait entre leur situation de déscolarisées et leur inadaptation psycho sociale. Il s'agit précisément de Yahoséi dans la commune de Yopougon, la plus grande commune d'Abidjan avec une superficie de 14 800 ha et la deuxième plus peuplée avec 688 235 habitants.

Yao Sehi est un quartier d'habitat précaire au coeur même de la commune et y concentre une forte population depuis les années 80.

En effet, ce ne sont pas toutes les adolescentes déscolarisées issues de milieux pauvres qui deviennent des déviantes. De même, toutes les adolescentes socialement inadaptées ne sont ni des déscolarisées ni de milieux pauvres.

Comment alors expliquer que des filles, suite à leur déscolarisation deviennent des marginales ou même déviantes ?

Existe-t-il réellement un lien entre leur déscolarisation et l'évolution de leur conduite ?

Quelle serait alors la dynamique qui existe entre le devenir comportemental de ces adolescentes et leur déscolarisation ?

Pour mener à bien cette recherche, nous avons choisi un terrain d'étude que nous vous présenterons (première partie) A partir des données recueillies, nous essaierons de comprendre la dynamique proprement dite entre le devenir comportemental et la déscolarisation des adolescentes (deuxième partie) et nous analyserons les actions posées par la mairie et les ONG et les obstacles à la réinsertion de ces jeunes filles (troisième partie).

PROBLEMATIQUE

1) Justification du choix du sujet

Motivation et intérêt personnel

Nous avons choisi le travail en milieu féminin pour plusieurs raisons.

Premièrement, en tant que femme, nos intérêts sont liés à cette frange de la population de façon naturelle et sommes donc sensibles à ses problèmes. C'est pourquoi nous avons toujours souhaité apporter notre contribution à la résolution de ceux-ci.

Il faut noter qu'il revient comme un devoir à nous, femmes appelées "intellectuelles" en Afrique de nous occuper des aspects intellectuels des problèmes des femmes. Cela afin de jouer notre rôle dans l'émancipation de la femme africaine en particulier. C'est ainsi que nous nous sommes intéressées au domaine que nous connaissons le mieux ; notre formation en criminologie nous interpellant sur les phénomènes de marginalité et de déviance dans la société.

Pertinence scientifique

De tout temps, l'adolescence s'est révélée une période très critique dans la vie de l'homme et ce sujet nous permettra une fois de plus d'aborder la vaste problématique de la formation de la personnalité dans une société en mutations. De même, la question de la marginalité juvénile à travers un groupe comme celui des déscolarisées et le rôle de la pauvreté seront abordés.

Mettre l'accent dans notre étude sur la fille en particulier pourra sans doute permettre de comparer à nouveau les résultats déjà existants à ceux de cette étude dans l'objectif d'en savoir les points communs et les points divergents.

En outre, puisque l'étude part d'un cas particulier, il sera toujours intéressant d'en utiliser les données empiriques en complément à d'autres existantes ou éventuelles afin de mener une autre étude, recherche.

Pertinence sociale

Les résultats définitifs de notre recherche pourraient servir à :

- rapprocher les réalités que vivent les adolescentes déscolarisées des acteurs de la vie politique, des décideurs ;

- accentuer et orienter davantage la lutte contre la pauvreté vers une politique en amont, c'est-à-dire la prise en charge scolaire par exemple ;

- attirer l'attention des acteurs scolaires sur l'examen du système scolaire ivoirien actuel qui, trop tôt livre à l'oisiveté ;

- accentuer la lutte contre la criminalité sur la prévention sociale.

Par ailleurs l'existence d'une cellule spéciale chargée de l'éducation des filles (CEPEF) au sein du Ministère de l'Education Nationale et de la Formation de Base démontre l'importance de l'éducation féminine en Côte d'Ivoire.

2) Définition des notions

· Notions explicites

Echec scolaire :

- L'échec scolaire se définit d'abord comme un dysfonctionnement dans le déroulement de la scolarité. Il consiste en un redoublement ou en l'arrêt définitif de la scolarité.2(*)

- C'est aussi le revers éprouvé par quelqu'un qui voit ses calculs (scolaires) déjoués, ses espérances trompées. C'est l'insuccès.3(*)

- Dans le cadre de notre étude, nous ignorerons à dessein l'aspect redoublement ou mauvais résultats pour ne garder que celui d'arrêt définitif en termes de déscolarisation.

Nous pouvons aussi mentionner qu'un échec scolaire est toujours considéré comme un phénomène de société, mais aussi un symptôme de l'inadaptation de la personne.4(*)

Devenir comportemental

- Le devenir est le passage d'un état à un autre ou encore la suite de changements. Il s'agit d'une évolution, d'un mouvement.5(*)

- Le devenir comportemental est donc le devenir du comportement c'est-à-dire l'évolution de la personnalité de l'adolescente. De façon plus restreinte, il s'agit de la formation de la personnalité délinquante de l'adolescente.

Adolescentes

- Par référence aux travaux de SCAMMON, l'adolescence se situe chronologiquement dans la période de 12 à 20 ans grosso modo.6(*)

- Elle est par définition une période d'instabilité et donc de crise.

Quartier précaire

- Un quartier est une partie d'une ville ayant sa physionomie propre et une certaine unité. Le caractère précaire d'un quartier est dû au fait qu'il n'existe que grâce à une autorisation révocable, instable.7(*)

- Un quartier précaire se présente aussi comme un habitat caractérisé par son insalubrité et par un sous équipement en infrastructures sociocommunautaires : écoles, marchés, dispensaires...8(*)

· Notions implicites

Déscolarisation

- La déscolarisation est le fait pour un élève ou apprenant d'être exclu de l'institution scolaire.

- On distingue le déscolarisé par l'échec du déscolarisé par manque de moyen financier de même le déscolarisé sans qualification de celui avec qualification.

Pour notre part, nous nous intéresserons au déscolarisé sans distinction.9(*)

Réussite scolaire

- La réussite se définit comme un bon résultat, un succès.10(*)

- La réussite scolaire est le fait de demeurer dans le circuit scolaire.

Déviance

- La déviance est un comportement qui échappe aux règles admises par la société.11(*)

- Plus précisément, se sont des comportements antisociaux.

Marginalité

- La marginalité se présente comme l'état d'une personne vivant en marge de la société, une personne associable.12(*)

- C'est aussi l'activité de ceux qui ne sont pas intégrés socialement.13(*)

Délinquance

- Il s'agit d'une conduite caractérisée par des délits répétés considérée surtout sous son aspect social.14(*)

- Juridiquement, c'est le fait d'avoir des comportements ou poser des actes qui enfreignent aux dispositions du code pénal.15(*)

- En d'autres termes, c'est une inadaptation sociale, une inadaptation à la loi.16(*)

Jeunesse

- La jeunesse est la phase qui se situe entre l'enfance et l'âge adulte.

- Elle se présente comme une période d'incertitude et de quête de l'identité de l'individu. Une délimitation chronologique arbitraire de la jeunesse se situe de 15 à 34 ans.17(*)

La jeunesse qui concerne notre étude est la jeunesse déscolarisée.

Pauvreté

- La pauvreté est l'état d'une personne qui manque de moyens matériels, d'argent. C'est l'insuffisance de ressources.18(*)

3) Revue de littérature et cadre théorique de référence

· Revue de littérature

La recherche scientifique n'est pas restée improductive dans le domaine de l'étude du comportement marginal de l'adolescence. C'est pourquoi, nous essaierons d'en faire la revue dans la mesure de nos investigations.

- Recensions des écrits empiriques

Les thèmes de déscolarisation, de marginalité, de l'adolescence et celui du vécu en milieu urbain pauvre ont souvent été abordés par nombre d'études dans le domaine de la recherche scientifique. Ces différentes notions nous ont servi de base pour formuler notre sujet qui s'intéresse à la spécificité des filles.

Ainsi l'adolescence, la déscolarisation, l'adaptation sociale dont nous parlerons dans un contexte de vécu en milieu social défavorisé seront celles des filles. Il s'agira alors pour nous d'approcher la dynamique qui a lieu de l'échec scolaire à la déviance.

Dans une telle perspective, les écrits nous semblent peu abondants, car nous pouvons le dire avec Alain SISSOKO « la réalité sociale de la "condition féminine" des jeunes filles déscolarisées en milieu urbain ivoirien est largement méconnue ».19(*) Néanmoins, nous nous pencherons sur certains écrits que nous avons pu répertorier.

Dans l'un de ses travaux de recherche sur les jeunes filles déscolarisées, SISSOKO fait ressortir les pratiques sociales de ces jeunes filles en rupture avec l'école et leur devenir en prenant en compte le fait que la rupture constitue bien souvent un obstacle à l'engagement pro social de l'individu (en rapport avec un horizon temporel d'existence).

En effet, l'auteur explique que c'est dans une logique de débrouillardise, de recherche d'une position sociale valorisante et dans un contexte de dureté de la vie que ces jeunes filles déscolarisées et issues de milieux pauvres s'adonnent à des pratiques telles la consommation de la drogue et la prostitution.

MARGUERAT, dans les années 80 abordait, quant à lui le thème de la délinquance juvénile en milieu urbain et précisément à Abidjan. Dans ses travaux, il posait le problème de la "spécificité féminine" de la délinquance juvénile.

En effet, il note qu'au sein des délinquants adolescents qu'il a eu à enquêter (sur étude de dossiers de la justice ivoirienne) le pourcentage des filles est faible. Par ailleurs, les retards et les échecs scolaires très importants chez les garçons le sont davantage chez les filles. Il fait ainsi ressortir le caractère problématique de la rupture avec l'école chez elles surtout. Lorsqu'il jette encore un regard sur la condition socio-économique de ces adolescents, MARGUERAT remarque que les garçons comme les filles proviennent essentiellement des quartiers les plus populaires.

Dans cette étude, l'approche étant essentiellement descriptive, les facteurs explicatifs ne nous sont pas révélés.

Abordant la problématique de la relation entre l'école et la délinquance, mais pas dans sa spécificité féminine, SAIHASSI Anvo Simon20(*) se pose la question de savoir comment l'école qui devrait aider l'adolescent à s'insérer socialement en arrive à en faire un délinquant. Comme réponse, il affirme que c'est l'éjection, la mise à l'écart du système scolaire de l'adolescent qui rend son insertion sociale hypothétique et le pousse vers la délinquance, cela se rencontre surtout dans le milieu urbain pauvre, prenant le cas de la ville d'Abidjan.

En effet, les parents n'ayant pas les moyens de leur offrir une autre scolarité publique ou privée ne peuvent non plus leur trouver un patron pour l'apprentissage d'un métier.

Quant aux adolescents eux-mêmes, la culture scolaire qu'ils ont reçue les emmène à répugner le travail manuel et à refuser toute formation en la matière. « Dépourvus de qualification et de solides diplômes, ces adolescents ne peuvent évoluer favorablement sur le marché du travail [...] La mise à l'écart du monde du travail va les contraindre à une vie anormale. Cette vie caractérisée par le chômage et l'ennuie devient alors pleine de problèmes ».

Délaissés par leurs parents au profit des jeunes frères dans un contexte de famille nombreuse, « pour cette jeunesse, l'essentiel est de pouvoir mettre en oeuvre des moyens efficaces capables de leur procurer ce dont ils ont besoin sur le plan matériel et affectif

Les jeux du hasard, les vols, la drogue, etc. tous les comportements que la société considère comme dangereux pour sa stabilité sont considérés par eux comme le salut. »

Dans ce milieu, la réinsertion sociale s'avère difficile à cause des conditions de vie dans lesquelles l'adolescent évolue ; c'est ce qu'a étudié GOHI Clahon21(*).

En effet, les impactes de la pauvreté économique, la logique de débrouillardise dans laquelle se placent les adolescents, la détérioration de leurs relations familiales et l'influence du groupe, sont autant de facteurs qui constituent des obstacles à leur réinsertion sociale. S'agissant des comportements déviants qu'il a examinés, il note que chez les filles, c'est la prostitution qui semble dominer.

De façon plus générale, Fabienne Tanon22(*) aborde dans son ouvrage la question du décrochage scolaire (« drop in » et « drop out »).

Dans la préface de ce livre, C. Rojzman est d'emblée pour l'idée que dans le contexte de pauvreté, la déscolarisation a une particularité .Il affirme en effet que : « Le sentiment d'inutilité sociale qui touche une grande partie de la population touche d'autant plus ces jeunes des quartiers populaires qui ont vécu l'échec scolaire ».

L'une des collaboratrices de Fabienne Tanon, Michèle Guigue, analyse l'acuité du phénomène de déscolarisation à travers la représentation sociale moderne qui voit en l'école «une forme de socialisation, d'éducation et d'instruction qui va tellement de soi que » son abandon, sa sortie devient problématique puisque cet échec « touche à l'un des socles consensuels et fondateurs de notre société ».

En outre, le décrochage scolaire tend à devenir une préoccupation sociale du fait de « l'augmentation des actes de délinquance commis par des mineurs de plus en plus jeunes et du fait des difficultés de l'insertion professionnelle des jeunes peu formés .Le décrocheur tend donc à être considéré comme un jeune à la dérive, à risque, potentiellement dangereux »

- Recensions des écrits théoriques et méthodologiques

Les théories explicatives de la délinquance juvénile auxquelles nous nous référerons et qui ont fait l'objet d'écrits scientifiques sont d'ordre psychosocial. Toutes abordent la formation de la personnalité délinquante en association avec son milieu de vie.

Pour ROBERT Cario « Il ne fait aucun doute en effet que de la qualité de la socialisation de l'enfant, de l'adolescent, du jeune adulte dépendra le respect des valeurs qui fondent l'harmonie sociale ».23(*)

Or la personnalité des jeunes concernés selon l'auteur s'est construite dans un environnement affectif et socioculturel perturbé dont attestent les ruptures matrimoniales et les instabilités socioculturelles principalement vécues par leurs parents.

CARIO fait en outre remarquer que durant le processus de socialisation, la scolarité prend une place essentielle et du soutien familial dépendra la réussite ou l'échec scolaire dont les retentissements sur l'équilibre de l'intéressé sont incontestables. Chez lui, l'entrée en adolescence apparaît essentielle pour la consolidation de la personnalité structurée précédemment, à savoir dans l'enfance. Ici donc, tous les acquis de l'enfance se (re)jouent dans une perspective très claire : s'affirmer individuellement pour rentrer dans la société des adultes. En ce qui concerne le milieu d'origine dans le passage à l'acte, R. CARIO constate que les jeunes défavorisés sont visiblement plus délinquants que les autres simplement parce que leur socialisation, leur vécu socioculturel ne leur a pas permis d'engrammer suffisamment d'informations pour agir en toute circonstance positivement sur leur environnement par des voies socialement adéquates.

Au total, pour CARIO la délinquance est le fait du déficit de l'éducation et du soutien parental que favorise le milieu pauvre.

Le criminologue Sébastien ROCHE fait quant à lui la synthèse de trois théories majeures de l'explication de la délinquance.

En effet, il affirme que la délinquance serait l'effet d'un déficit de contrôle social, c'est à dire un déficit de l'attachement social de l'individu. Cet attachement ou contrôle social se traduit en trois types. D'abord le contrôle direct qui susciterait un attachement consiste en l'intervention d'agent du contrôle social dans l'application des règles conventionnelles. Ensuite le contrôle est aussi établi du fait de l'engagement, à savoir les choses ou liens que l'individu risquerait de perdre s'il s'engageait dans la délinquance. Enfin le contrôle interne qui s'exerce par la croyance morale liée à la délinquance mais aussi à la capacité de contrôler son propre comportement, d'ajuster ses conduites à des normes que l'on s'est fixées.

Par ailleurs, la délinquance est aussi l'effet d'une association à des délinquants ; il s'agit de l'apprentissage social. Cette théorie suggère que la délinquance n'est pas d'abord la résultante d'un manque de contrôle social, mais plutôt la conséquence d'une association à des modèles délinquants induisant l'acquisition de normes et de techniques délinquantes. Elle se base sur quatre (4) concepts majeurs que sont : l'association différentielle, les définitions, le renforcement différentiel et l'imitation.

La dernière théorie exposée par ROCHE est celle qui voit dans la délinquance la résultante des tensions subies par l'individu.24(*)

· Cadre théorique de référence ou approche disciplinaire

La criminologie est une science éclectique, c'est-à-dire qu'elle est au carrefour de plusieurs sciences sur lesquelles elle se base pour formuler sa propre approche afin de cerner son objet d'étude qu'est le criminel. C'est pourquoi nous nous devons d'appréhender le devenir comportemental de l'adolescente tant dans son interaction avec son milieu que dans sa particularité individuelle, c'est-à-dire dans une approche criminologique. CARIO Robert l'a si bien dit « Il serait vain de nier la dimension individuelle lors de toute approche de la délinquance des jeunes. Mais il serait tout aussi réducteur de ne pas considérer que le jeune acteur social devenu délinquant et jugé comme tel appartienne à une société particulière et entretient avec ses semblables des relations sociales spécifiques. »25(*)

Ainsi, nous considérerons d'une part notre travail au plan sociologique en nous appuyant sur un modèle d'analyse reposant sur deux concepts clé : celui de rapport social et d'acteur social. Ceci revient à appréhender le devenir de l'adolescente comme le résultat d'une exclusion sociale et aussi comme la réaction de l'adolescente aux influences de son milieu. D'autre part l'approche psychologique nous permettra de tenir compte du caractère individuel de l'adolescente par rapport à ses paires.

Par ailleurs, l'explication du comportement délinquantiel ou marginal ne saurait se faire à partir d'une causalité linéaire. Il nous revient donc ici à approcher le devenir des adolescentes déscolarisées dans une approche multifactorielle différentielle.

4) Formulation du problème des questions et hypothèses de recherche

Le problème

Selon l'UNICEF, « en donnant aux filles un bon départ dans la vie, on contribue à la croissance économique à long terme et à la réduction de la pauvreté »26(*). Nous partageons cette assertion d'où notre intérêt pour les filles.

En effet, la fille est la future femme, un futur agent économique. Il s'agit de lui donner les capacités de jouer pleinement ce rôle. Elle doit participer tant à la production qu'à la consommation, bases de la croissance dans le circuit économique. Dès lors, la fille devenue femme et aussi mère - ce qui signifie le deuxième chef de la famille après l'homme - pourra porter les charges primaires de la famille à savoir la capacité de se soigner, de se nourrir, d'être éduquée. Elle contribue par conséquent à la réduction de la pauvreté.

L'école se présente comme un canal pour assurer l'éducation et la formation des filles afin de leur permettre d'atteindre la capacité d'insertion socioprofessionnelle.

Cependant, force est de constater en Côte d'ivoire que cette école devient souvent source d'échec pour les filles et les éjecte de son système.

En effet, en Côte d'ivoire le taux de scolarisation des filles dans le primaire qui est de 67,3% se réduit à 16,9% dans le secondaire. En outre, le taux d'achèvement de la 6e année (CM2) chez les filles au cours de l'année scolaire 1999 - 2000 était de 40% et ce taux a ressenti une baisse de 0,86 points en 2001-2002.27(*)

Ces statistiques font état que la déperdition scolaire ou encore déscolarisation des filles est un phénomène important en Côte d'ivoire. L'on pourrait alors se poser la question de savoir ce que deviennent toutes ces adolescentes qui n'ont pu achever leur parcours scolaire.

Au surplus, l'on pourrait se demander s'il n'y a pas un certain lien entre leur devenir comportemental et leur échec scolaire.

En effet, comment expliquer les conduites de toutes ces filles déscolarisées qui s'adonnent à des pratiques telles la prostitution formelle comme informelle, le commerce illicite de médicaments et de drogues et même à, des actes d'infraction comme le vol, le recel...

Par ailleurs, le contexte urbain d'extrême pauvreté dans lequel évoluent ces adolescentes offre souvent peu de possibilités d'insertion socioprofessionnelle ; ce qui n'est pas de nature à résorber leurs comportements déviants.

Les questions

- Y a-t-il un lien entre la situation de déscolarisées des adolescentes vivant dans les milieux défavorisés et le développement des conduites délinquantes chez elles ?

- Quelle est la dynamique qui existe entre leur statut de déscolarisées et leur devenir comportemental ?

- En somme, quel est leur itinéraire de l'échec scolaire à la déviance ?

Les hypothèses

- Hypothèse générale

Il existe une dynamique, un lien entre l'échec scolaire et le devenir comportemental des adolescentes vivant dans les quartiers précaires.

- Hypothèses opérationnelles

(1) Les adolescentes déscolarisées des milieux défavorisés développent des conduites déviantes suite à l'échec scolaire parce qu'il y a un relâchement dans leur prise en charge par les parents.

(2) La fréquentation et la proximité d'autres filles déscolarisées développant des conduites déviantes amènent les adolescentes à faire de même par processus d'imitation.

(3) Les adolescentes déscolarisées issues des milieux défavorisés développent des conduites déviantes parce qu'elles veulent se valoriser dans la société.

METHODOLOGIE

1) Population et échantillon

- Population et ses caractéristiques

Notre population d'enquête est composite : il s'agit des la population cible que constituent les adolescentes déscolarisées domiciliées à Yahoséi et cela depuis au moins 6 mois. Ce critère de durée dans le temps afin de ne pas perdre de vue l'influence du milieu sur l'enquêtée. La jeune fille doit par ailleurs être âgée de 14 à 19 ans. Bien que la période de l'adolescence soit située entre 12 et 20 ans. Nous avons choisi cette délimitation à dessein pour trois raisons principales.

D'abord il faut que les répondantes soient à même de bien comprendre et répondre à nos questions.

Ensuite parce que cela va nous permettre de mieux apprécier le vécu du temps de déscolarisation de l'adolescente.

Enfin, dans l'adolescence qui constitue une période critique dans la formation de la personnalité l'âge de 14 ans marque le début de la quête de l'identité propre. Ce qui va nous permettre d'apprécier les perceptions de notre population cible.

A cette population principale, s'ajoute aussi les adolescentes scolarisées et les parents de Yao Sehi, les responsables d'une ONG, les responsables du service de sécurité de la mairie de Yopougon.

- Echantillonnage et échantillon

Notre échantillonnage se fait en prenant en compte les critères d'âge de déscolarisation, du lieu d'habitation et de sexe. Notre échantillon comportera trente (30) adolescentes déscolarisées et âgées de 14 à 19 ans résidant à Yao Sehi.

En plus de cet échantillon principal, nous aurons quinze (15) adolescentes scolarisées, cinq (5) parents tous résidant à Yahoséi, et des responsables de l'ONG « mouvement du nid Côte d'Ivoire » et du service sécurité de la mairie de Yopougon à la maison des jeunes.

2) Techniques de recherche

Deux techniques principales ont retenu notre attention. Ce sont l'observation et l'enquête.

- Observation

Nous avons fait une observation documentaire dans divers livres, ouvrages à la bibliothèque centrale de l'Université de Cocody, à l' IRD, à la documentation de l'ONG « mouvement du nid » et aussi dans les registres des services de Police du 16e Arrondissement. En outre, nous avons sillonné et parcouru le quartier à plusieurs reprises avant même l'administration des questionnaires. Cela nous a aussi permis de vérifier la précarité et l'insalubrité des lieux.

- Enquête

Nous avons fait une enquête auprès de notre échantillon en lui administrant des questionnaires constitués de questions essentiellement ouvertes et semi-ouvertes. Le choix des questions répond au désir de capter le maximum d'informations chez notre population et cerner les récits et les représentations sociales des enquêtées tout en gagnant en concision pour faciliter notre dépouillement.

Nous avons adressé un questionnaire aux adolescentes déscolarisées prostituées de 14 à 19 ans vivant à Yahoséi. Les thèmes de ce questionnaire sont l'identification des sujets, la catégorie socioprofessionnelle de leurs parents, leur milieu familial et leur prise en charge financière, les causes de leur déscolarisation et le sentiment de frustration chez elles, leur vécu déviant dans la déscolarisation et leurs perspectives d'avenir. Un autre aux adolescentes déscolarisées non prostituées qui porte sur les mêmes thèmes à la différence du vécu de la déscolarisation qui n'est pas prostitutionnel et leur perception des pratiques déviantes. Un autre encore aux adolescentes scolarisées composé des thèmes de l'identification, la catégorie socioprofessionnelle des parents ainsi que le milieu familial et leur prise en charge financière. Un entretien avec le commissaire du 16e Arrondissement, un autre aux parents de Yahoséi et un entretien avec le responsable de l'ONG « Mouvement du nid Côte d'Ivoire ».

3) Méthodes d'analyse des données

La méthode qualitative et la méthode quantitative sont ici les mieux indiquées pour le traitement des données compte tenu de notre technique de recherche qui comporte des questions ouvertes et semi ouvertes.

Nous avons opéré des tris à plat et à recourir à l'analyse de contenu.

4) Difficultés rencontrées

Tout au long de ce travail, nous avons rencontré plusieurs difficultés surtout d'ordre matériel.

En effet, l'éloignement de notre lieu de résidence de celui de notre enquête nous a contraint à séjourner dans la commune et surtout à prolonger ce séjour à maintes reprises pour les besoins de l'enquête ; toutes choses qui nous ont coûté des frais supplémentaires. Nous avons aussi eu des difficultés à travailler seule car la plupart du temps, de jour comme de nuit, il nous fallait être accompagnée à cause de l'insécurité et cela nous a par moments retardé dans notre évolution.

Par ailleurs, l'indisponibilité d'ouvrages à la bibliothèque centrale de l'Université de Cocody et la fermeture du centre de documentation de l'UNICEF nous ont limité dans la revue de littérature.

* 1 Dictionnaire universel 2000, Hachette EDICEF

* 2 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 3 Idem

* 4Raymond Mampaka NLELE , Essai d'analyse sur le phénomène des échecs scolaires, 2001

* 5 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 6 Raymond Koudou KESSIE, Eléments de psychologie de l'adolescence, PUCI, 1999

* 7 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 8 Cahiers OSTORM, Séries sciences humaines, volume 19, n°4, 1983, pp.449 - 458

* 9 In Politique africaine, n°24, Les statuts d'une génération : les déscolarisés d'Abidjan entre 1976 et 1986,

Décembre 1986

* 10 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 11 Idem

* 12 Idem

* 13 Cours de délinquance juvénile : Aspects psycho socio culturels, UFR Criminologie.

* 14 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 15 Cours de Délinquance juvénile : aspects psycho socio culturels, UFR Criminologie

* 16 Idem

* 17 Jeunesse, développement et changements sociaux, Cahiers OSTORM, séries sciences humaines, volume 19,

n°2 à 3, pp 181 - 185, éd. De l'OSTORM, Paris 1985

* 18 Dictionnaire Petit Robert, 1989

* 19 Alain SISSOKO, Les jeunes déscolarisées à Abidjan : logiques dynamiques d'adaptation, recomposition des relations familiales et processus de reconstruction sociale, document inédit, 2003

20 Yves Marguerat, Les jeunes délinquants d'Abidjan :une première approche quantitative, document inédit,1984

* 20 Simon Anvo SAIHASSI, Education scolaire et délinquance juvénile en Côte d'Ivoire (exemple d'Abidjan et d'Aboisso), , Mémoire de maîtrise de sociologie 1979-1980

* 21 Clahon GOHI, « Conditions de vie des jeunes déscolarisés résidant dans les quartiers précaires de la ville d'Abidjan : cas de Yao Sehi », Mémoire de maîtrise UFR Criminologie

* 22 Fabienne TANON, Les jeunes en rupture scolaire : du processus de confrontation à celui de ré médiation, l'Harmattan, 2000

* 23 Robert CARIO, Jeunes délinquants (à la recherche de la socialisation perdue), l'Harmattan, 1996.

* 24 Sébastien ROCHE, En quête de sécurité (causes de la délinquance et nouvelles réponses), Armand Colin

2003, pp 118 - 124

* 25 CARIO Robert, Jeunes délinquants (à la recherche de la socialisation perdue), l'Harmattan, 1996, pp 131 - 132

* 26 UNICEF, La pauvreté et les enfants : Bilan des dix dernières années dans les PMA, 1990

* 27 PNUD, Tableau de bord social, Côte d'Ivoire 2003, tome I : Analyses thématiques, Septembre 2004, pp. 36-37

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault