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Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001:contribution à l'étude des dimensions pétrolière et militaire

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par Alexis NZEUGANG
Université de Yaoundé II (Soa) - Master II 2005
  

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INTRODUCTION GENERALE

En guise de rappel historique, retenons que les Etats-Unis ont entretenu des relations assez timides avec l'Afrique en général pendant les premières décennies qui ont suivi les indépendances. (Schraeder, 1994 : 1 ; Leriche, 2003). Cette situation s'explique par plusieurs raisons au nombre desquelles la conjoncture internationale dominée par la guerre froide, la sous-traitance stratégique (Ntuda, 2003 :131-154) et l'intérêt stratégiquement mineur de ce continent aux yeux des Etats-Unis (Aicardi, 1989). C'est dans cette atmosphère qu'a évolué la première phase de la coopération américano-camerounaise ; celle qui va de 1960 à 1989.

La deuxième phase qui va de 1990 à 1996 est marquée par une diplomatie assez tendue entre les deux Etats. Situation qui trouve son explication dans les exigences américaines de gouvernance à un moment où le Cameroun est en plein balbutiement démocratique (Rapport MINREX, 2005). Dans les faits, cette détérioration s'est traduite par un certain nombre d'actes tels que : la suspension de l'aide de l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID) (19 Novembre 1993), le recul du rang du Cameroun parmi les pays africains bénéficiaires de l'aide américaine, le soutien apporté à « l'opposition radicale » par l'Ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun Mme Frances  Cook, les rapports jugés particulièrement sévères du National Democratic Institute (NDI) sur l'état de la démocratie au Cameroun (Ebolo, 1998). C'est ainsi qu'à la tête de plusieurs rapports revenaient avec une certaine récurrence les termes suivant : «République multipartite seulement de nom, le Cameroun continue à être gouverné en réalité par le Président Biya et son cercle de conseillers, issus principalement de son groupe ethnique et de son parti le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais » (Ebolo, 1998).

Cette turbulence va connaître une accalmie vers la fin des années 90 donnant naissance à une nouvelle ère dans la relation Américano-camerounaise. Cette relance trouve en partie son origine dans deux élections : celle de Kofi Annan à la tête de l'ONU1(*), et l'élection présidentielle de 1997 au Cameroun. Cette dernière élection donne en effet l'occasion à l'organisme américain, « International Foundation for Election System » (IFES) de publier un rapport positif sur l'avancement démocratique du Cameroun. La suite sera ponctuée en juillet et novembre 1998, respectivement de la visite du ministre américain des transports, Rodney Sloter et d'une importante délégation conduite par le maire de New York, D C. M Marion Barryere (Rapport MINREX, 2005).

Cette phase sera accélérée à la suite des attentats du 11 septembre 2001, lesquels obligent les Etats-Unis à repenser leur stratégie globale (REDEEU, 2002). Mieux, c'est notamment l'année 2003, dans la mesure où elle suit le passage du Cameroun à la présidence tournante du conseil de sécurité de l'ONU, sustentée par la visite du Président Paul Biya à Washington à la veille de l' « opération liberté pour l'Irak », qui marque l'âge d'or de la relation américano-camerounaise ainsi que nous allons le développer plus loin.

A-SUJET ET SES INTERETS

Il convient d'abord de présenter le sujet avant de s'appesantir sur ses intérêts.

1-PRESENTATION DU SUJET

Le débat au sujet de l' [afro-péssimisme] et du désengagement stratégique des grandes puissances en Afrique entre dans une nouvelle phase à la fin des années 90. A partir de cette période en effet, on assiste paradoxalement à un redéploiement spectaculaire des grandes puissances en Afrique. Les richesses naturelles de ce continent, les questions de sécurité et d'affaires, notamment dans le Golfe de Guinée présenté comme le nouvel [eldorado pétrolier], l'impératif de la redistribution des cartes portant sur la géopolitique d'un continent de plus en plus précieux sont en partie à l'origine de cette convoitise (Awoumou, 2005 :15-20).

Délimitation spatiale : La coopération américano-camerounaise met en oeuvre deux acteurs aux limites territoriales bien déterminées. Il s'agit d'abord des Etats-Unis qui, d'une superficie d'un peu plus de 9 500 000 Km2 et peuplés d'environ trois cent millions d'habitants, se situent géographiquement en Amérique du Nord. Première puissance du monde dans de nombreux domaines (militaire, économique, technologique, politique...), ce pays est limité au nord par le Canada, au sud par le Mexique, à l'est par l'Océan Atlantique, et à l'ouest par l'Océan Pacifique. D'autre part, il s'agit du Cameroun : d'une superficie de 475 442 Km2 et peuplé d'environ 16 millions d'habitants, le Cameroun est un pays d'Afrique centrale, situé pour sa zone sud-ouest dans le Golfe de Guinée. Classé au rang des pays pauvres très endettés en 2000, mais hégémon de l'Afrique centrale (CEMAC, voir annexe 1), ce pays est depuis quelques années en pleine relance économique. Ce sont principalement ces deux acteurs qui nous intéressent dans le cadre de cette étude. Toutefois, nous garderons un regard permanent sur l'Afrique en général et le Golfe de Guinée en particulier, considérés comme le théâtre du jeu et des enjeux des différents acteurs.

Quant à la délimitation temporelle, relevons comme l'annonce déjà le thème que notre analyse prend son départ en 2001. Bien sûr qu'il n'est pas question d'une rupture rigoureuse de nature à faire fi du passé. Cette coupure tient à deux raisons principales : l'amélioration du processus démocratique camerounais, laquelle a pour corollaire le renforcement de sa coopération avec les Etats-Unis (Ebolo, 1998) ; puis les attentats du 11 septembre 2001 qui ont conduit les Etats-Unis à réviser leur politique étrangère en général et leur stratégie africaine en particulier (REDEEU, 2002).

Délimitation thématique : Notre étude porte sur les aspects pétrolier et militaire. Chacun des deux peut être traité individuellement. Mais le lien qui existe entre les intérêts pétroliers et les exigences de sécurité étant très fort, nous avons cru logique de les étudier parallèlement.

Ce thème peut être analysé de différentes manières. Il peut s'agir d'une étude comparative des deux dimensions (pétrolière et militaire), ou d'une étude des institutions qui régissent ou encadrent cette coopération, de la légalité ou de la mise en application des accords, de l'historique de cette coopération avec en perspective le rapport de force et de domination. Ces orientations ne manquent pas d'intérêts. Mais, guidés par les exigences épistémologiques, nous-nous sommes donnée une orientation précise : l'interdépendance.

Nous focaliserons donc notre attention sur la coopération militaire et pétrolière en tant que vecteur potentiel d'une interdépendance entre les deux acteurs. Walter C. Clemens définit l'interdépendance comme une relation dans laquelle deux ou plusieurs acteurs sont vulnérables, ou du moins sensibles quant à leur bien-être (Walter, 1998 :20). Peuvent contribuer à l'interdépendance, les conditions telles que la vulnérabilité mutuelle, les échanges commerciaux, le partage des informations et de certaines exigences de sécurité (Walter, 1998 :20). La mondialisation de ces dernières années et la naissance d'enjeux de plus en plus aigus ont davantage contribué à l'élargissement du sens, du théâtre et du contexte de l'interdépendance entre acteurs du jeu international de plus en plus nombreux.

2- INTERETS DU SUJET

Les intérêts de ce sujet sont à notre avis, aussi bien scientifiques que stratégiques.

L'intérêt scientifique peut s'entendre comme l'apport que l'étude d'un fait social donné confère à la science. Dans le cas d'espèce, l'exposé des rapports d'intérêt et de dépendance mutuelle entre le Cameroun et les Etats-Unis permet de comprendre la relativité de la puissance et la complexité de la réalité parfois difficilement concevable des relations internationales actuelles. Les critères de la puissance n'étant opérants que par rapport à une époque, à un fait quelconque ou à un acteur donné. C'est la relative autonomie de la politique qui suppose la latitude de chaque acteur d'agir quelque soient ses faiblesses qui est ici mise en évidence. En apportant un éclairage supplémentaire sur les relations militaires et pétrolières entre les deux Etats, cette étude nous permet de combler l'une des exigences de l'épistémologie qu'est la connaissance cumulative.

C'est aussi une hypothèse d'école de la théorie soutenue par Robert Kéohane et Joseph Nye dans leur ouvrage intitulé power and interdependance et publié en 1977. Ces auteurs enseignent en effet que, l'entrée en jeu de nouveaux acteurs crée une situation d'interdépendance asymétrique dans laquelle les asymétries constatées sont «source d'influences mutuelles». Alors qu'elle relativise le paradigme «centre-périphérie» développé par les Marxistes, cette étude renforce cependant la tendance selon laquelle aucun déterminant n'est jamais définitivement acquis chez un acteur. Toutefois, compte tenu du rôle prépondérant que nous accordons aux acteurs étatiques dans cette étude, nous la voulons plus proche de la démarche de Waltz (1979) qui suppose davantage une relative dépendance des souverainetés.

Enfin, l'importance scientifique de cette analyse réside dans la mise en relief de la nécessité de la coopération à l'heure de la globalisation. Cette dernière situation débouche en fait sur la diminution du pouvoir de contrôle sur les territoires, les hommes, les idées et les biens ; rendant ipso facto les Etats un peu plus vulnérables que par le passé.

Intérêt stratégique : Cette étude se donne pour ambition de déceler l'arrière-plan des actes posés par chacun des acteurs en jeu. En fait, la coopération ne serait qu'un moyen pour les uns et les autres de combler leurs propres déficits. Cette posture rejoint la démarche des réalistes qui trouvent dans les Etats des «monstres froids» ne coopérant que lorsque leurs intérêts sont en jeu (Morgenthau, 1948). Ainsi, tout acte posé par chacun des acteurs, fut-il d'apparence altruiste, est toujours rationnel. Cette analyse nous permettra donc d'ouvrir autant que faire se peut l'agenda caché des acteurs, afin d'en partager le contenu.

B-QUELQUES PRECISIONS TERMINOLOGIQUES

La coopération, selon le Lexique de politique, est « une politique d'entente, d'échange et de mise en commun des activités culturelles, économiques, politiques et scientifiques entre Etats de niveau de développement comparable...ou politique d'entente et d'aide entre Etats de niveau de développement inégaux » ( Dalloz, 2001). Une définition qui nous semble peu adaptée au contexte actuel des relations internationales. La présente analyse met bien en évidence deux Etats de niveau de développement inégaux. Mais, serait-on pour autant fondé à réduire leur coopération à l'aide, à l'assistance, ou à la charité ? Le second pan de la définition suscitée présente la coopération comme « ...une politique d'entente et d'aide entre Etats de niveau de développement inégaux ». Or il est d'usage que dans le jargon international, l'on ne parle d'aide que lorsqu'elle va des pays riches vers les pays pauvres. C'est donc dire suivant l'esprit de cette définition, qu'entre pays riches et pays pauvres, la coopération se réduirait aux actes de bonne volonté, de bienfaisance et de charité. Prendre cette définition telle quelle, c'est assurément infirmer cette pensée de George Washington selon laquelle « aucune nation ne doit être crue au-delà de son intérêt »2(*). Comment donc comprendre cette définition alors qu' Henry Kissinger déclare sans équivoque que « la coopération n'est pas une faveur qu'un pays concède à un autre ... [Mais qu'elle] sert les intérêts des deux parties » (Kissinger, [2001] 2003 :63) ? Et que dire de cette maxime chère aux américains : « trade not aid » ? Ou de cette pensée du Général De Gaulle devenue populaire : [entre Etats, il n'y a pas d'ami, mais seulement les intérêts].

Ainsi compris, la « dialectique des intelligences » (Coutau-Bégarie, 1999 :70) qui prévaut dans les relations entre Etats nous commande une démarche ponctuée de réserve. Cette réserve est d'autant plus nécessaire qu'il est vrai que nous sommes dans l'ère de la globalisation, de l'érosion des frontières et de l'intensification des échanges entre acteurs internationaux de plus en plus diversifiés. Est-il permis de croire qu'en dehors de l'aide apportée par les Etats-Unis au Cameroun, ce dernier n'a rien de significatif à offrir à celui là ? Au delà des considérations d'ordre matériel, n'est-il pas permis d'envisager d'autres types d'apport à caractère stratégique et non nécessairement symboliques ou insignifiants ? Sinon, comment comprendre l'importance stratégique d'un pays comme le Djibouti aux yeux des grandes puissances, telles la France et les Etats-Unis, alors qu'il est classé parmi les plus pauvres du monde ? N'est-ce pas là une manière à peine dissimulée de réaffirmer l'importance de tout territoire ? L'apport d'un Etat, mieux, d'un pays n'est-il que technologique, militaire ou industriel ? Et que dire des richesses naturelles, des apports d'ordre politique et des considérations d'ordre stratégiques, géopolitiques et géostratégiques d'un territoire ? Cette vision à travers laquelle chaque pays a quelque chose à échanger, quelque soit sa taille, son emplacement et sa nature nous conduit à lire les relations entre Etats en termes d'interdépendance.

Le terme militaire se rapporte selon Larousse (2000) à tout ce qui est «propre à l'armée et à son organisation».L'armée quant à elle se définit comme l'ensemble des forces de défense d'un territoire. Ceci peut s'étendre à tout organe officiel ou officieux chargé des questions de sécurité.

Quant au domaine pétrolier, il se rapporte à son sens industriel : toute  personne ou société qui travaille dans la recherche, la prospection, l'exploitation, le transport, la transformation ou la distribution des produits pétroliers3(*). Philippe Mareau ajoute que « le pétrole est à la fois une source majeure d'énergie et une matière première à partir de laquelle s'est développée la pétrochimie...Le pétrole émerge comme ressource vitale à l'aube du XXème siècle » (Mareau, 2002 :161). Plus loin souligne t-il encore, « Celui qui contrôle le pétrole, contrôle l'économie mondiale » (Mareau, 2002 :162).

C-REVUE DE LA LITTERATURE

Sur la question de la coopération militaire et pétrolière entre les Etats-Unis et le Cameroun, il n'existe pas à notre connaissance des travaux proprement scientifiques. Néanmoins, un certain nombre de travaux de portée générale ont été commis sur les questions militaires et pétrolières dans le monde, en Afrique ou plus précisément dans le Golfe de Guinée. Ils peuvent être classés en plusieurs catégories : ceux qui traitent de la question pétrolière et militaire de façon globale, ceux qui traitent de la politique africaine des Etats-Unis et ceux qui traitent de la position stratégique du golfe de guinée et du Cameroun.

Pour ce qui est du premier point, relevons que, suite aux travaux confiés à l'organisme «  the institute for advanced strategic and political study », la Maison Blanche a publié en Septembre 2002, le nouveau guide de référence de la politique globale des Etats-Unis. Le contenu de ce document a été revu et codifié dans la Revue Electronique du Département d'Etat, sous le titre : La stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis : une nouvelle ère (REDEEU, Décembre 2002). Après y avoir dégagé les grandes lignes de la nouvelle stratégie américaine, cette revue mentionne que « l'Afrique occupe une place de premier plan dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale ».

L'ouvrage Géopolitique du pétrole : un nouveau marché, de nouveaux risques, des nouveaux mondes, commis en 2005 par Cédric De Lestrange, Zélinko et Paillard, nous renseigne davantage sur cette question. En effet, après avoir dégagé les risques de la nouvelle géopolitique, les auteurs en présentent les enjeux actuels (conflits, projection de la puissance, émergence des marchés, domination...), suivi de l'ascension de l'Afrique et du Golfe de Guinée en particulier.

Quant aux travaux qui ont trait à la politique africaine des Etats-Unis, relevons la Revue Afrique contemporaine dans laquelle Frédéric Leriche présente la politique africaine des Etats-Unis comme prenant une nouvelle dimension à la fin de la guerre froide (Leriche, 2003). Jean Christophe Servant quant à lui souligne dans le monde diplomatique que « le pétrole africain est devenu un intérêt stratégique pour les Etats-Unis  »

Pour ce qui est des travaux qui se rapportent directement au Golfe de Guinée et au Cameroun, mentionnons Yves Alexandre Chouala qui relève dans la crise diplomatique de 2004 entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale, l'importance croissante du Golfe de Guinée aux yeux des Etats-Unis ainsi que la position stratégique du Cameroun,  leader potentiel de la sous-région (Chouala,  : 2005). Les travaux commis par Joseph .V . Ntuda Ebode (2004b :44-47), Wullson Mvomo Ela (2005 :7-11), et Damien George Awoumou (2005 :15-20) sur cette zone militent dans la même direction. En effet, ces auteurs relèvent chacun dans leurs travaux respectifs, les enjeux, la convoitise et le positionnement des puissances dans cette sous-région ô combien convoitée. Ce sont ces travaux qui ont ouvert la brèche qui tient lieu de problématique qui suit.

D - PROBLEMATIQUE

La dialectique des intelligences propre aux relations humaines s'est affirmée sur la scène internationale. Composante de la stratégie, elle confère un caractère conscient et calculé aux décisions et aux actes que posent les acteurs dans leur jeu. Cette hypothèse se vérifie davantage chez les Etats occidentaux qui jouissent d'une certaine maturité en matière de relations internationales. La doctrine réaliste à laquelle le néoréalisme emboîte le pas enseigne que les Etats sont essentiellement matérialistes et ne se rapprochent que lorsque de cela dépend leur intérêt national.

La coopération Américano-camerounaise met en évidence deux Etats qui manifestent une volonté certaine de donner un poids croissant à leurs relations. Au-delà des raisons apparemment flagrantes ou souvent clairement exprimées, l'indispensable [agenda caché] de ces acteurs peut sembler assez riche de révélations. D'où cette préoccupation lancinante qui s'emble mériter un peu plus d'attention : qu'est-ce qui justifie depuis quelques années le renforcement de la coopération militaire et pétrolière entre les Etats-Unis et le Cameroun ? Ce resserrement n'est-il pas de nature à mettre les deux acteurs dans une situation d'interdépendance ? Mieux, comment le Cameroun et les Etats-Unis en tant qu'unité diplomatique et stratégique entrent-ils dans une situation d'interdépendance par le biais de la coopération pétrolière et militaire? Quels sont les intérêts stratégiques et souvent non avoués que chacun recherche en entrant en coopération avec l'autre ?

E-HYPOTHESES

L'intérêt est au coeur du rapprochement des deux Etats. Le renforcement de la coopération américano-camerounaise constaté ces dernières années trouve son fondement dans l'intérêt national escompté par chacun des deux acteurs. Ces intérêts sont nombreux et variés. En effet, pour les Etats-Unis, il s'agit entre autres du besoin de sécurité, de la diversification de leur approvisionnement en hydrocarbures face à la demande de plus en plus croissante d'énergie et à un Golfe persique de plus en plus instable et donc de moins en moins sûr ; de la sustentation de leur hyperpuissance face aux puissances dites émergentes, des échanges commerciaux, etc. Dit [pays pauvre très endetté], le Cameroun sait pouvoir tirer parti de la réorientation de la politique africaine des Etats-Unis. En effet, en coopérant avec la première puissance du monde, le Cameroun viserait un certain nombre d'objectifs parmi lesquels le désendettement, le développement, la sécurité, la lutte contre certaines maladies, l'amélioration de l'image du pays...Vraisemblablement, les deux acteurs ont compris qu'ils ont besoin de se rapprocher pour atteindre leurs intérêts mutuels. Nanti d'une riche diversité en ressources naturelles à laquelle s'ajoutent de nombreux atouts internes, le Cameroun jouit d'une position stratégique en Afrique et dans le Golfe de Guinée. Il y'a là de quoi susciter la convoitise des grandes puissances au rang desquelles figurent les Etats-Unis. Inversement, le Cameroun bénéficie et peut continuer à compter sur l'appui multidimensionnel des Etats-Unis. Il s'agit bien là, à notre regard, d'un schéma d'interdépendance ; lequel mérite d'emblée quelques éclairages.

Nous ne manquons pas de détermination. Mais loin de nous la prétention d'épuiser un thème aussi vaste que la coopération militaire et pétrolière entre les Etats-Unis et le Cameroun. Notre tâche consistera à recenser dans ces deux dimensions un certain nombre d'arguments susceptibles de conforter cette lecture d'interdépendance. Dire qu'une hyperpuissance comme les Etats-Unis dépend du Cameroun peut sembler assez curieux ; car le degré d'inégalité qui existe entre les deux acteurs est extrêmement grand. Certes, c'est la Maison Blanche qui a établi que le pétrole du Golfe de Guinée est « un intérêt vital » pour la sécurité nationale des Etats-Unis (Awoumou : 2005 :15-20). Ce sont encore les Américains qui soulignent le leadership du Cameroun dans la sous-région. Mieux, précisent-ils, « le Cameroun est une destination essentielle pour la diplomatie américaine en Afrique »4(*). Tous arguments susceptibles d'attirer notre curiosité et donc, de fonder notre lecture d'interdépendance. Toutefois, nous ne pouvons pas perdre de vue l'hyperpuissance imposante et multidimensionnelle des Etats-Unis qui dépendraient plus symboliquement du Cameroun qu'il n'en serait inversement.

F- METHODOLOGIE

Il s'agit des lieux de recherche, de l'analyse de la collecte des données, et de l'interprétation théorique des données.

1-LIEUX DE RECHERCHE

Nous avons utilisé dans le cadre de ce travail la technique classique de recherche; à savoir l'enquête documentaire. Nous l'avons effectué à travers l'Internet et dans des bibliothèques telles que la Fondation Paul Ango Ela de Géopolitique en Afrique Centrale, le Centre Culturel Américain, l'Institut National de la Statistique, et les bibliothèques centrales des Université de Yaoundé I et II. La jeunesse relative de la coopération militaire entre les Etats-Unis et le Cameroun ne nous a pas permis de travailler avec un très grand nombre d'ouvrages. Suivant les conseils du Général Pierre Samobo que nous avons rencontré dans le cadre de ces travaux, nous avons collecté et analysé des articles scientifiques et les propos exprimés dans les médias par les officiels des deux Etats. Nous avons mené une enquête de terrain qui nous a conduit tour à tour au Ministère de la Défense, au Ministère des Relations Extérieures, à la Gendarmerie Nationale, et à l'Ambassade Américaine où malheureusement notre demande d'enquête n'a pas eu une suite favorable. Cette enquête nous a néanmoins permis à travers des entretiens simples et non directifs, de recueillir quelques informations ; lesquelles sont restées à certains égards limitées par la nature «sensible» du thème.

2-ANALYSE DE LA COLLECTE DES DONNEES

Nous pensons, fort de notre objet d'étude que la méthode positiviste nous permettra de prendre le recul épistémologique nécessaire pour analyser et expliquer les faits dans une neutralité axiologique. La jeunesse actuelle de la coopération Américano-camerounaise nous conduira aussi vers la méthode comparative. Celle-ci nous permettra en effet de faire un rapprochement entre les actes, les faits et propos d'ici et d'ailleurs, afin d'en dégager certaines similitudes et donc certaines conclusions.

3-INTERPRETATION THEORIQUE DES DONNEES

Comme mentionné plus haut, les réalités internationales sont devenues si complexes qu'il est presque impossible de prétendre les cerner à partir d'un seul paradigme. Cette difficulté ne justifie pas pourtant le recours au [cocktail méthodologique] qui ne brille pas non plus par une efficacité reconnue. Toutefois, dès lors que l'on a ciblé un angle précis, il devient plausible de mobiliser la théorie qui semble la plus pertinente pour en rendre compte.

Au regard de la problématique qu'il dégage, ce thème commanderait naturellement que nous fassions recours à l' « interdépendance complexe » comme grille d'analyse. Telle que développée en effet par Robert Kéohane et Joseph Nye (1977), l'interdépendance est une théorie qui permet d'expliquer les Relations internationales comme une discipline caractérisée essentiellement par l'effritement de la place de l'Etat en tant qu'acteur unique et l'accroissement des échanges entre des acteurs placés en des pôles différents et difficilement maîtrisables. Elle suppose une certaine complémentarité entre ces acteurs qu'elle considère comme des partenaires. Ce travail prête bien à un schéma similaire. Mais compte tenu de la place prépondérante que les Etats y occupent, nous envisageons lui donner une orientation légèrement différente, mieux, complémentaire.

Au regard de la nature des acteurs en présence, on pourrait étudier ce thème à partir du paradigme « centre-périphérie » tel que proposé par les Marxistes. Ce dernier (paradigme) se donne en effet pour vocation d'expliquer les relations internationales en terme de stratégie d'influence et de domination des Etats occidentaux dits du « nord » et généralement riches sur les Etats du « sud » généralement pauvres et facilement malléables. Ces orientations ne manquent pas de pertinence. Bien au contraire, elles permettraient de cerner davantage les contours du thème afin de le rendre encore plus intelligible. Mais nous avons opté pour le réalisme dans sa version révisée : le néoréalisme. Ce choix tient à notre avis, non seulement à l'objet de notre étude qui met en jeu deux acteurs majeurs de la scène internationale (deux Etats) ; mais également à la nature de leurs relations essentiellement dominées par la quête rationnelle de l'intérêt national.

Comme le réalisme, le néoréalisme se proposent d'observer les faits internationaux avec une certaine objectivité et d'en rendre compte tels qu'ils sont. Mais en corrigeant le réalisme du type classique (tendance soutenue au lendemain des deux guerres mondiales par des chercheurs d'obédience réaliste tels que Hans Morgenthau et Raymond Aron), le néoréalisme qui reconnaît d'ailleurs l'accès de nouveaux acteurs sur la scène internationale, ne fonde plus substantiellement les relations internationales sur la quête d'intérêts égoïstes via le recours anarchique à la force. Il (néoréalisme) présente le besoin d'intérêt via la sécurité comme le principe directeur des relations entre Etats (Waltz ,1979). Cet avis est aussi le notre et c'est dans cette optique que nous entendons conduire cette analyse.

Ce travail tiendra sur deux parties. La première porte sur le Cameroun comme point d'appui du dispositif de la géostratégie africaine des Etats-Unis, tandis que la seconde s'interroge sur l'appui Américain comme moyen de la géostratégie camerounaise.

* 1 Au terme d'un entretien que nous avons eu avec un politologue camerounais, enseignant à l'Université de Soa, nous apprenons que le deux Etats se sont rapprochés davantage à cette époque à la faveur de l'élection du Secrétaire Général de l'ONU. Le Cameroun et les Etats-Unis auraient coopéré afin de soutenir la candidature de Kofi Annan.

* 2 Voir George Washington cité par Alain (Fogue), 2002, Histoire diplomatique, extraversion étatique et conflits politiques en Afrique noire, Thèse de Doctorat.

* 3 Voir Encarta.fr.bizrate.com

* 4 Propos retenu par les médias camerounais lors de la visite en février 2006 de la secrétaire d'Etat adjointe aux affaires africaines, Madame Jendayi Frazer au Cameroun.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille