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Internet : Une nouvelle dimension du Système International

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par Arnaud GARRIGUES
Université des Sciences Sociales - Toulouse 1 - Master 1 De Science Politique 2006
  

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II- Les Etats : du Nord au Sud, une préoccupation désormais commune

Une approche simpliste d'Internet et mal documentée aurait très probablement pour conséquence une absence de prise en considération de l'Etat dans le « problèmes » Internet. Cependant, si l'Etat peut paraître une entité de référence déplacée pour analyser Internet, il n'en reste pas moins un cadre pertinent par le nombre et l'importance des problématiques que l'on peut traiter à son niveau d'analyse.

Concernant l'Etat, notre approche sera très similaire à celle utilisée dans la partie concernant le système. Nous nous attacherons en premier lieu à l'examen des questions liées à la souveraineté avant d'analyser celles concernant la sécurité. Ces deux thématiques principales pourront montrer combien aussi reste pertinente la notion d'Etat, même pour analyser des phénomènes comme ceux qui ont lieu sur ou autour d'Internet.

A- Les Etats et Internet : la Souveraineté

La souveraineté, telle qu'elle est conçue en science politique, possède deux faces. La première, interne, a pour conséquence que l'autorité souveraine ne connaît pas d'autorité qui lui soit supérieure dans les limites du territoire où cette souveraineté s'étend. La seconde, externe, a pour conséquence la capacité d'un pays, aussi petit soit-il à refuser les intrusions politiques de toute sorte de la part d'un autre pays. En d'autres termes, un Etats souverain est indépendant des autres dans le Système International et il ne connaît pas d'autorité supérieure à lui à l'intérieur de son pays. Cette distinction guidera notre exposé de la première partie et aussi, pourrons-nous peut-être montrer que le concept actuel de souveraineté est sans doute dépassé.

Les statuts d'Internet prévoient la souveraineté des Etats sur leur CCTLD49. Cette souveraineté se traduit notamment par un certain nombre de droits sur leur domaine réservé. En France, l'AFNIC ou Association Française pour le Nommage Internet en Coopération a la charge de gérer tout ce qui a trait au nommage dans le cadre du .fr. Cela a par ailleurs un certain nombre de conséquences relativement importantes en termes de contrôle. En effet, si l'AFNIC possède certaines prérogatives de gestion, elle n'a en revanche aucun pouvoir de police lié par exemple à l'utilisation concomitante de domaine de même nom. Cela démontre une relative inefficacité dans la capacité de résoudre les litiges et les conflits régulièrement. Cependant, cette souveraineté conserve tout de même des implications pratiques : la preuve en est du conflit entre le registrar luxembourgeois EuroDNS et l'AFNIC. Ce registrar avait, dans le cadre d'une affaire complexe, détourné la charge de l'AFNIC et cela avait conduit au blocage d'un nombre de domaine assez important (environ 4500). Par ailleurs, un décret assez récent a pour objectif de redonner au .fr un aspect plus policé, contrôlé.

Extrait : un nom de domaine en .fr « ne peut porter atteinte au nom, à l'image ou à la renommée de la République française, de ses institutions nationales, des services publics nationaux, d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales, ou avoir pour objet ou pour effet d'induire une confusion dans l'esprit du public ».

Ce court extrait montre bien que l'Etat français entend bien faire de son domaine, une zone de droit, une sorte d'extension virtuelle du territoire français. Ainsi, la notion de souveraineté à propos d'Internet trouve un écho relativement important.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l'existence en tant qu'Etat implique la détention d'un CCTLD. Cela a des implications politiques relativement importantes. Cela garantit notamment un siège à l'ICANN en tant qu'Etat, c'est-à-dire au niveau du GAC ou du CCNSO. Il est intéressant de noter que si l'ICANN réfute l'établissement d'une souveraineté ou la naissance d'un Etat à cause de la création d'un CCTLD, cela a pu poser des problèmes. En effet, la création du .tw pour Taïwan a entraîné des protestations de la part de la Chine qui a pu y voir une reconnaissance implicite de la souveraineté de l'île. On peut très bien imaginer que dans un avenir proche, la création de tels noms de domaine prenne une importance accrue avec le développement d'Internet et donc se pose en témoins de reconnaissance de souveraineté. Autrement dit, la question qui s'ensuit immédiatement est la capacité de l'ICANN à reconnaitre cette souveraineté, en fonction de quels critères et sous quels

49 Repris dans l'agenda de Tunis en 2005.

contrôles ou influences. On comprend donc la gêne de la firme californienne lors du conflit avec la Chine et ses multiples dénégations quant aux implications de la création d'un CCTLD.

D'un point de vue plus international ou cosmopolite, la prise en compte des implications et la volonté politique de gérer de façon logique et continue ces domaines n'est pas uniforme. Cela est dû à plusieurs choses : tout d'abord, les Etats n'ont pas de suite reconnu le formidable potentiel d'Internet et ont donc accumulé des années de retard dans la prise en compte des nouvelles données politiques, techniques et internationales. C'est aussi pour cela que les pays du Sud manifestent un peut-être plus grand intérêt dans tous les débats organisés autour de la Gouvernance d'Internet. L'absence relative du réseau leur permet d'espérer encore une croissance contrôlée de la ressource et la possibilité d'en profiter un maximum. Par ailleurs comme a pu le faire remarquer Mr POUZIN ou Mme INNE, les grands états ne proposent pas forcément d'alternatives, ne sont pas forcément capables de reprendre le contrôle dans une dispersion déjà très avancée et ont tendance à se servir d'Internet comme biais de négociation dans un cadre plus large, notamment avec les EtatsUnis. La conséquence peut être interprétée comme un alignement sur la politique des EtatsUnis envers Internet, tel qu'observé par Mr POUZIN, dans les grands sommets afin d'obtenir une sorte de « dette » diplomatique qui pourra être capitalisée dans d'autres négociations. Le problème, si cette vision est réelle, est la perte que cela engendre en termes de préoccupations à propos du Réseau et de son devenir. La seconde raison à cette absence se trouve dans la gestion faite par Jon POSTEL. L'attribution de la gestion des CCLTD de façon non systématique a eu pour effet un désengagement des Etats. Pour autant, le retour de l'Etat est marqué notamment par l'exemple suivant que nous allons traiter : la polémique du .iq, irakien.

A en croire, certaines sources50, le début de la seconde guerre en Irak en 2003 aurait coïncidé avec la « disparition » du CCTLD irakien. Des analystes ont sauté à la conclusion que les Etats-Unis s'étaient purement et simplement débarrassé de ce domaine pour des raisons de représailles et de sécurité. Cela a bien pu montrer l'importance que pouvait dorénavant revêtir Internet dans un conflit et donc, d'un point de vue stratégique. Cependant, l'interview réalisée avec Mme INNE, membre de l'ICANN, a donné une toute autre version. En effet, les RFC rédigés par Jon POSTEL affirment que l'absence de gestion d'un domaine a pour conséquence sa disparition progressive au sein du DNS. En d'autres termes, si les ordinateurs et les serveurs hébergeant des sites du domaine en question étaient toujours connectés et accessibles, ils devenaient littéralement introuvables sur le Réseau.

50 Notamment la revue Politique Etrangère.

La gestion du .iq avait été donnée par J.POSTEL à un américano-irakien qui y avait enregistré des sites pour ses entreprises (le .iq ne comprenait que 6 sous-domaines). Il s'est avéré, sans que l'on puisse connaître le poids des coïncidences, que cet homme avait réalisé des opérations de trafic de toutes sortes, notamment pour le compte de terroristes. Il a dont été arrêté et se trouve encore à l'heure actuelle en prison. En conséquence de quoi, la gestion de ce CCTLD a été arrêtée et il a fini par disparaître des serveurs DNS. Cela permet donc de relativiser les raisons de cet arrêt d'un point de vue des faits mais ne change rien à l'importance stratégique accordée par les auteurs à une telle action du gouvernement des Etats-Unis, action conçue de cette manière bien particulière.

Il est à noter que selon Mme INNE, une opération de cette sorte serait impossible, ce qui garantit la souveraineté des Etats et permet aussi de montrer l'importance que l'on peut y accorder. Un des problèmes posés aussi par cette souveraineté d'un point de vue internationale est bien explicité par les bases de données « Who Is ». Cette allusion humoristique au célèbre annuaire de la haute société britannique se réfère néanmoins à des besoins plus prosaïques. En effet, cela désigne simplement les coordonnées et les informations nécessaires au bon fonctionnement des noms de domaines, informations relatives aux détenteurs de nom de domaine, à l'intérieur de domaine plus important. L'ICANN juge nécessaire ces informations afin de pouvoir assurer la continuité du service. Cependant, les différences législatives ont pour conséquence de créer des conflits : la CNIL, par exemple, en France impose un strict contrôle sur de telles bases de données. Aussi, malgré l'enjeu de continuité de service Internet et les problèmes que cela peut poser en cas de faillite de ces registry ou registrar, le conflit autour de ces bases de données reste important. Peut-on imaginer la France donnant à l'ICANN les informations à propos des détenteurs de domaines en .fr alors même qu'elle est souveraine sur ce domaine ? Difficilement, en raison de la souveraineté et là réside tout le problème.

A propos de la souveraineté, il est intéressant de noter qu'Internet induit des phénomènes de mutation de la considération qu'on lui donne. En effet, l'excellent article de D. DREZNER51 montre très bien l'existence d'un marché des CCTLD, un marché à l'intérieur duquel de très petits états vont aller vendre à des grandes entreprises des domaines comme ces CCTLD. Offrant ainsi à ces entreprises un cadre Internet légalement protégé, cela constitue pour ces états des sources de revenus conséquentes : le .tv pour l'île de Tuvalu a été vendu pour 4

51 DREZNER, D. W., Sovereignty for Sale, Foreign Policy, Sep.-Oct., 2001.

millions de dollars par an pendant 10 ans. Cependant, il est à noter que ces ventes engendrent des phénomènes de création de paradis fiscaux ou de blanchiment d'argent (ce qui va souvent ensemble). Le Fonds Monétaire International, FMI, estime à 1,5 milliard de dollars, le montant blanchi grâce à ce système de vente de souveraineté.

Enfin, le phénomène des micro-états développé par F. LASSERRE pour le Groupe de Recherche en Economie et Sécurité est très intéressant. Il montre bien à quel point la notion de souveraineté peut être diluée ou redéfinie dans l'univers Internet. La multiplication des Nations, des Royaumes ou des Souverainetés sur Internet ne doit cependant pas être pris pour un jeu. Si certain sont fantaisistes, d'autres peuvent être dangereux ou poser des questions jurid iques épineuses. En effet, la Principauté de Sealand installée sur une ancienne plate-forme en eau territoriale de la marine britannique émet des passeports dont certains ont été retrouvés sur des criminels dans d'autres pays. Elle a aussi été pressentie pour accueillir des serveurs Internet, serveurs qui auraient hébergé le très célèbre site, The Pirate Bay, plate-forme de téléchargements P2P. Voici donc un exemple des enjeux que constitue la création sur Internet de ces micronations.

Ainsi se termine cet exposé à propos de la souveraineté. Nous avons pu voir à quel point le concept de souveraineté pouvait être en mutation entraînant des enjeux importants. Non content de devoir s'adapter aux exigences d'Internet, il est soit remis en cause par les pratiques de quelques uns soit considéré comme une ressource commerciale. Nous allons maintenant nous intéresser aux problématiques de contrôle et de sécurité à propos d'Internet, du point de vue des Etats.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry