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Soutenabilité de la dette publique et croissance économique: Cas du Burkina Faso

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par Larba Issa KOBYAGDA
Université de Ouagadougou - DEA/PTCI en Macroéconomie Appliquée 2007
  

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Chapitre II: Endettement excessif et performance économique

A la veille du troisième millénaire, plusieurs voix se sont élevées pour appeler à une annulation totale de la dette extérieure des pays pauvres, employant l'argument selon lequel cet endettement constituerait un poids insupportable qui nuirait à leur développement économique. Si la question de l'annulation totale est récente, celle du fardeau de la dette l'est moins. En effet, il y a longtemps que les économistes ont discuté les conséquences négatives du poids de l'endettement. Il est clair que si l'endettement fournit des ressources à une économie, le service de la dette qui en découle la prive d'une partie de ses ressources. Lorsque le fardeau de la dette est très important, cette réduction de ressources peut conduire à une réduction de l'investissement et de la croissance (debt overhang au sens large).

II.1 La théorie de l'endettement

Cette partie est consacrée aux concepts et théories de l'endettement. Le premier titre définit la logique de l'endettement et le second titre présente les explications de l'endettement.

II.1.1 La logique de l'endettement public

En général, les gouvernements disposent de trois moyens pour financer leurs dépenses: les impôts et taxes, l'endettement et le seigneuriage (la «planche à billets »). La dette publique est essentiellement un mécanisme qui permet de reporter dans le temps la perception d'impôts pour le financement des dépenses publiques. Plusieurs considérations peuvent justifier le recours à l'endettement. Traditionnellement, le financement par endettement était privilégié par les gouvernements pour les dépenses d'immobilisation (en accord avec le principe de bénéfice intergénérationnel introduit à la section précédente). Plusieurs organismes gouvernementaux sont d'ailleurs toujours soumis à cette règle. Le recours à l'endettement se justifie alors par le fait que les immobilisations produisent des bénéfices sur plusieurs années. La politique en matière d'endettement public qui découle de cette « règle traditionnelle » de financement des immobilisations est la suivante : financer par endettement les nouvelles acquisitions de capital fixe et prévoir le remboursement progressif du coût d'acquisition au cours de la vie utile de ce capital4(*). Une version de l'utilisation «contracyclique» de l'endettement public se retrouve dans les idées keynésiennes sur le recours aux déficits publics pour stimuler l'économie en période de récession. La dichotomie entre la théorie keynésienne et sa transcription dans la réalité est toutefois bien connue, la théorie prévoyant des surplus en période d'expansion. Le cas du Burkina Faso ne font pas exception à la règle : les déficits budgétaires enregistrés en période de faible croissance économique n'ont pas été réduits de façon considérable pendant période d'expansion ou croissance économique moyenne.

II.1.2 La théorie de l'endettement

Dans les pays en développement la quasi-totalité de la dette a été utilisée pour financer les services publics, voire des déficits budgétaires conjoncturels, dont les rendements futurs sont par essence incertains, par nature non échangeables et par voie de conséquence peu susceptibles d'assurer le remboursement de la dette à échéance. En l'occurrence, et ce à la suite de Brooks et al. (1998), les facteurs à l'origine de la croissance explosive et significative de la dette publique extérieure de la plupart des pays en développement sont de cinq ordres, au moins et le Burkina Faso n'échappe pas à cette règle. Il s'agit essentiellement :

v des chocs exogènes tels que la dégradation des termes de l'échange ou de mauvaises intempéries qui affectent plus particulièrement les pays dont la concentration des exportations porte sur deux ou trois produits agricoles ou miniers ;

v de l'insuffisante «soutenabilité» de politiques d'ajustement macro-économiques, qui entrave une réaction appropriée aux dits chocs ;

v de la politique d'endettement et de ré-endettement basée de façon prédominante sur des prêts non concessionnels ;

v de la gestion laxiste de la dette par les pays donateurs ;

v de l'instabilité politique des pays débiteurs due aux guerres civiles ou aux troubles sociaux.

C'est donc de la conjonction des facteurs externes et internes qu'il faut rechercher les déterminants de l'incidence négative du poids de la dette extérieure sur la croissance en Afrique Subsaharienne.

Dans l'analyse économique, il y a principalement deux courants qui s'affrontent sur les théories économiques, à savoir les keynésiens et les néoclassiques. Cependant, aucune théorie économique n'a encore établi de façon formelle l'existence d'un plafond optimal de dette publique. Chacune d'elles développe des argumentations très divergentes visant à démontrer que les déficits publics sont terriblement néfastes, incroyablement bénéfiques ou sans importance...

Selon la conception keynésienne, les gouvernements doivent, dans certains cas, stimuler l'économie par des augmentations des dépenses publiques ou par des diminutions de taxes; les déficits publics sont donc une solution permettant d'accélérer la reprise économique en cas de crise. En effet, concernant la théorie sur la dette extérieure et la croissance, les keynésiens pensent que l'endettement n'occasionne des charges ni pour les générations futures ni pour des générations présentes du fait des investissements qu'il génère. Le modèle de l'Etat selon les keynésiens, tire ses fondements dans la demande globale et sur ses effets multiplicateurs et accélérateurs, caractéristique fondamentale de leur théorie. Dans cette approche, l'endettement entraînant la relance de la demande provoque par l'effet accélérateur une hausse plus que proportionnelle de l'investissement, qui à son tour incite une hausse de la production. Le déficit budgétaire menant par ses flux successifs à augmenter le stock de la dette produit l'expansion du cycle économique par la demande et l'investissement autonome. Ainsi, le déficit auquel correspond l'emprunt stimule la demande et ne permet d'alléger le coût de son remboursement que seulement et probablement en situation de sous-emploi des ressources productives.

Par contre les classiques ou néoclassiques considèrent l'endettement comme un impôt futur et l'imputent à l'Etat, une connotation négative car selon eux, l'endettement public défavorise l'accumulation du capital et la consommation des générations présentes et futures. En fait les citoyens, selon Ricardo voient dans l'emprunt un impôt différé dans le temps et vont se comporter comme s'ils sont contraints de payer un impôt ultérieurement pour rembourser cet emprunt peu importe le décalage intergénérationnel. Autrement, les comportements des agents économiques sont guidés par une anticipation à la hausse des impôts. Toutefois, une réserve peut être introduite selon la nature ou la qualité des dépenses (dépenses de transferts et d'investissement) financée par l'emprunt. Barro (1974), reprenant le théorème d'équivalence attribué à Ricardo a montré que la dette publique était équivalente à l'impôt en supposant que les agents économiques anticipent rationnellement les politiques gouvernementales. Il conclut que la dette n'a pas d'impact sur l'économie et donc qu'une dette publique est toujours soutenable. Autrement dit une politique de déficit budgétaire financée par l'emprunt reste sans effet sur l'activité économique dans la mesure où les agents ne sont pas victimes de l'illusion fiscale.

Ces deux approches, aux conclusions radicalement opposées, illustrent à quel point les débats liés à l'opportunité du financement par emprunt ou par impôt et à l'impact de l'endettement sur l'activité économique sont complexes. Le théorème de Barro est moins soutenable à plusieurs égards car il suppose l'existence d'un altruisme intergénérationnel des ménages5(*), un marché financier parfait et l'absence de contrainte de liquidité chose inobservable pour les deux dernières hypothèses en pratique. Les keynésiens ne prennent pas en compte l'accumulation des arriérés due à l'inefficacité de l'investissement ou de l'utilisation de la dette (l'hypothèse est que toute dette est bien utilisée). Dans la situation des pays en développement surtout des pays africains la dette est parfois mal gérée si bien qu'en réalité elle devient un poids pour les générations futures. Les avantages et les inconvénients de chaque mode de financement dépendent grandement du contexte économique, social et politique en vigueur, au sein des pays concernés, à un moment donné. Actuellement, l'équilibre budgétaire prôné par la conception classique est assurément à la mode: aux Etats-Unis, plusieurs états ont adopté une règle visant à rendre obligatoire l'adéquation des dépenses aux recettes; au sein de la zone euro, les pays se sont engagés à respecter le pacte de croissance et de stabilité. Pour les pays en développement de la zone franc, l'application effective depuis 2000 de critères de convergences de l'UEMOA, dont l'objectif est la maîtrise de l'évolution des charges salariales, la constitution d'une épargne par les administrations publiques, la réduction des déficits publics, la réalisation d'un solde primaire de base positif et l'élimination des arriérés de paiement, est soutenue par une analyse néolibérale. L'idée de l'équivalence ricardienne a été testée dans les pays en développement en particulier par Montiel et Uqhual (cité par Raffinot. M, 1998) sur un échantillon de 16 pays en développement. Pour ces pays l'évidence empirique ne montre pas le caractère opérationnel de cette théorie puisque le financement par emprunt extérieur de la majorité de ces pays s'est traduit par des effets d'éviction. L'épargne externe se substitue à l'épargne interne entraînant une baisse de l'investissement domestique. On constate que l'analyse keynésienne a permis d'intégrer les finances publiques dans l'activité économique générale. Romer (1992), Barro et Gordon (1994) ont montré que l'intervention de l'Etat permet la croissance économique du fait des externalités positives des dépenses publiques (fournitures d'infrastructures, dépenses de santé, d'éducation,..) sur la productivité du secteur privé. Le budget de l'Etat est devenu un instrument privilégié de politiques économiques, une arme essentielle dans la régulation que les pouvoirs publics tentent de mettre en oeuvre. Par conséquent nous privilégierons dans cette étude l'approche keynésienne de l'endettement qui semble suivre la logique des pays en développement.

I.2.L'impact de l'accumulation de la dette sur les agrégats

Les effets indésirables d'une dette extérieure excessive peuvent se mesurer à l'aune de leurs impacts sur la croissance et sur l'efficacité des politiques macroéconomiques.

I.2.1 Les effets sur la croissance

Deux facteurs principaux sont responsables de ces effets : le surendettement et l'érosion de la confiance envers l'efficacité des politiques du pays débiteur.

I.2.1.1 Le surendettement

On entend couramment par surendettement l'existence d'un encours important de dette extérieure ayant des conséquences négatives sur l'investissement et la croissance. Les investisseurs s'attendront à une hausse des impôts actuels et futurs pour permettre le nécessaire transfert des ressources à l'étranger. La réduction anticipée du rendement après impôts des investissements privés et l'utilisation d'une part croissante de l'épargne intérieure aux fins du service de la dette ont pour effet d'évincer l'investissement intérieur et de décourager l'investissement étranger. Ces effets peuvent également motiver la fuite des capitaux, les propriétaires cherchant à protéger la valeur de leurs avoirs en profitant d'occasions d'investissement plus alléchantes à l'étranger (Deppler et Williamson, 1987; Ajayi, 1996). De même, la monétisation du fardeau financier plus lourd que représente la dette au moyen du financement bancaire nuirait à la croissance en causant de l'inflation et en affaiblissant la monnaie. Les salaires réels et la richesse réelle diminueraient, et la production chuterait en dessous de son niveau potentiel.

Le surendettement risque également de décourager les réformes (Claessens et al. 1997). La restructuration économique (par exemple, libéralisation du commerce, privatisation, réforme budgétaire) a des répercussions politiques et entraîne des coûts économiques connexes (prenant par exemple la forme d'un ralentissement économique), ses avantages ne se matérialisant que plus tard. Si les décideurs aux prises avec un surendettement viennent à anticiper que les créanciers étrangers chercheront à s'approprier une partie des bénéfices de la réforme économique en exigeant à long terme des remboursements plus importants, tout en laissant l'économie subir les coûts des ajustements à court terme, ils seront moins enclins à entamer des réformes, ce qui nuira à la croissance (Corden, 1989; Claessens et al. 1997). De plus, dans la mesure où les investisseurs potentiels préfèrent attendre que les rendements soient suffisants pour compenser les risques posés par l'investissement ou le rapatriement des capitaux, ils auront tendance à ne réagir que lentement à toute réforme significative (Dornbusch, 1990). L'effet possible de désincitation des réformes économiques risque d'être plus sérieux pour les pays à faible revenu très endettés où les distorsions structurelles profondes et la gestion macroéconomique inadéquate (combinées à un accès limité aux marchés étrangers des capitaux privés) font déjà obstacle à une réforme soutenue (Ndulu, 1995; Elbadawi, 1996). Il est ainsi possible d'affirmer qu'au-delà d'un certain niveau, l'accumulation des dettes extérieures décourage l'investissement et ralentit la croissance.

Les faits d'expérience confirment les effets négatifs du surendettement sur la croissance. En utilisant une analyse de régression transversale pour 99 pays en développement mettant en rapport l'endettement, l'investissement et la croissance, Elbadawi (1996) a déterminé que le cumul des dettes passées (situation comparable au surendettement) nuit à la croissance. Ses conclusions rejoignent celles de Borensztein (1990) concernant l'expérience des Philippines, où l'encours de la dette extérieure a eu un important effet négatif sur l'investissement et découragé l'investissement privé. De telles observations ont souvent été invoquées à l'appui d'une stratégie de réduction de la dette visant à réactiver la croissance des pays à faible revenu en renforçant les perspectives d'investissement du secteur privé. Warner (1992) a toutefois observé que les dettes très lourdes des années 80 n'ont eu un effet négatif sur l'investissement que dans 2 des 13 pays très endettés : l'Argentine et le Nigeria. Le déclin de l'investissement dans les autres pays était attribuable à une détérioration des termes de l'échange et à la monté des taux d'intérêts mondiaux. Cohen (1993) et Diwan et Rodrik (1992) sont arrivés aux mêmes conclusions.

I.2.1.2. La confiance des bailleurs de fonds

Si une hausse du ratio service de la dette/exportations pousse les marchés à conclure que le pays débiteur ne pourra vraisemblablement pas assurer le service de sa dette dans un avenir prévisible, les investisseurs privés risquent de chercher à réduire leur exposition en retirant rapidement leurs fonds. Une telle réaction engendrera une pénurie de liquidités, à mesure que l'accès aux marchés internationaux des capitaux devient plus limité, et réduira ainsi l'investissement sous les niveaux normaux. Lorsqu'une proportion sans cesse croissante de l'épargne intérieure est imposée aux fins du remboursement de la dette, les contraintes imposées de l'extérieur sur les liquidités peuvent limiter sensiblement l'investissement et la croissance. Dans quelles circonstances de tels retraits sont-ils provoqués? Le phénomène est étroitement lié à l'évaluation faite par les marchés de la qualité de la politique économique et de l'aptitude des pouvoirs publics à la mettre en oeuvre. Lorsque la confiance règne, le pays peut emprunter des fonds supplémentaires pour amortir les effets du processus d'ajustement nécessaire à la réduction du ratio service de la dette/exportations et ainsi éviter un déclin brutal de la croissance. Si la méfiance s'installe, le resserrement du crédit, même s'il est causé par des événements ou des chocs exogènes, risque de nécessiter un ajustement important pour faire face au déficit des transactions courantes et aux sorties de capitaux qui en découleront probablement, simplement pour établir les bases du rétablissement d'un apport normal de capitaux.

Il y a longtemps que les économistes ont discuté les conséquences négatives du poids de l'endettement. Il est clair que si l'endettement fournit des ressources à une économie, le service de la dette qui en découle la prive d'une partie de ses ressources. Lorsque le fardeau de la dette est très important, cette réduction de ressources peut conduire à une réduction de l'investissement et de la croissance (debt overhang au sens large). Ce fardeau que représente le service de la dette peut également réduire les ressources actuelles du pays (crowding-out).
Les études théoriques sur le rapport entre la dette extérieure et la croissance sont largement centrées sur les effets négatifs du surendettement : l'accumulation par un pays d'une dette si élevée qu'il risque de ne plus être capable de rembourser les emprunts passés, ce qui a un effet dissuasif sur les créanciers et investisseurs potentiels.

IB

Eo

EB

EB

EB*

EB*

eo

e1

0

A2

A1

Ao

Dépenses, A

Taux de change, E

Figure 1. Les effets des emprunts extérieurs sur

l'évolution du solde intérieur et extérieur

La figure1 fournit une illustration graphique des effets d'un endettement extérieur excessif sur la croissance. On y présente en abscisse les dépenses intérieures (l'absorption) et en ordonnée la valeur du taux de change, définie de telle sorte qu'un mouvement vers le haut représente une appréciation. La droite qui représente l'évolution du solde intérieur (IB) est affectée d'une pente positive, ce qui signifie que des dépenses intérieures plus élevées exigeront une appréciation plus forte de la monnaie qui permettra d'infléchir la demande intérieure et d'éviter ainsi l'inflation. Inversement, la droite qui représente l'évolution du solde extérieur (EB) est affectée d'une pente négative puisque le compte des transactions courantes ne restera inchangé en conditions d'augmentation des dépenses que si l'augmentation des importations causée par la hausse des dépenses est compensée par l'augmentation des exportations induite par un taux de change plus concurrentiel. Au niveau d'équilibre initial E0 associé au taux de change e0 et au taux d'absorption A0, le solde extérieur atteint une valeur telle que les apports en capitaux permettent de financer le déficit des transactions courantes. Supposons qu'une augmentation du coût des emprunts induite par l'accumulation des dettes contraigne les autorités à supprimer tout emprunt supplémentaire ou que les créanciers, préoccupés par la situation d'endettement, refusent d'accorder de nouveaux crédits. Dans ce cas, la courbe EB glissera vers la gauche pour devenir EB*, sous l'effet de la contraction des fonds disponibles pour financer le déficit des transactions courantes. Cette nouvelle position exigera un taux d'absorption moindre, pour un taux de change fixe donné. Si l'ajustement doit prendre la forme d'une compression des dépenses, il deviendra nécessaire de réduire les dépenses à A2, ce qui imposera au système un fardeau secondaire d'ajustement (A0 - A2), une mesure de l'effet négatif sur la croissance. D'autre part, si l'ajustement combine une restriction des dépenses à la dépréciation de la monnaie, la réduction du taux d'absorption (A0 - A1) sera un peu plus faible, traduisant un impact moins dur sur la croissance.

II.2.2 Endettement public et performances macroéconomiques

Il est utile de faire une distinction entre les conséquences d'une nouvelle accumulation de dette extérieure et les conséquences d'une dette extérieure existante importante sur l'efficacité des politiques macroéconomiques. L'accumulation de dette extérieure (notamment aux fins des dépenses intérieures) dans des conditions de taux de change fixe tend à affaiblir la régulation monétaire en influant directement sur la masse monétaire. Cet effet s'observe en particulier dans les pays débiteurs qui ne disposent pas des moyens appropriés pour stériliser l'impact des entrées de capitaux sur la masse monétaire. Même si les effets sur la masse monétaire et sur le revenu finiront à terme par renverser la tendance initiale à l'expansion monétaire, ce processus de correction découle de l'expansion monétaire elle-même, et perturbe la stabilité à court terme du taux de change. L'ampleur de cette perturbation dépend du cadre temporel et de l'intensité des flux par rapport à la taille de l'économie. Ainsi, pour maîtriser entièrement les conséquences des emprunts extérieurs sur l'expansion monétaire, il faudrait renoncer à l'engagement en faveur d'un taux de change fixe ou imposer des limites aux mouvements de capitaux.

Un endettement élevé peut également nuire à la politique monétaire, en particulier lorsqu'on procède au refinancement d'une dette extérieure importante ou à la correction d'un taux de change désaligné. La présence de tels facteurs signifie que des variations du taux de change peuvent avoir des incidences importantes sur le bilan des entreprises et des sociétés financières.

En particulier, une dévaluation de la monnaie peut rendre ces entreprises techniquement insolvables sous l'effet de la hausse de la valeur de la dette extérieure en monnaie nationale. Cette solution est parfois nécessaire et utile, en particulier dans les pays où les entreprises se sont mises en situation financièrement vulnérable pour avoir compté sur une monnaie surévaluée. Dans la mesure où ces entreprises utilisent des facteurs importés, leurs coûts d'exploitation risquent d'avoir été réduits artificiellement par cette surévaluation. La dévaluation de la monnaie met un terme à ce processus et impose une discipline économique salutaire. Toutefois, les autorités craignent les effets possibles de cette mesure sur les entreprises nationales et leur réticence à pousser ces dernières à la faillite pourrait les conduire à surseoir à la correction du déséquilibre du taux de change. C'est ainsi que l'existence d'une dette extérieure importante limite l'application des politiques macroéconomiques.

Une dette extérieure importante réduit également la souplesse de la politique budgétaire. Comme il est impossible de réduire les paiements d'intérêts, en particulier dans les situation où on procède à une correction du taux de change, l'ajustement a un impact plus sérieux sur les dépenses intérieures, y compris celles effectuées pour les biens non échangeables, ce qui provoque du chômage. Compte tenu des difficultés inhérentes à la mobilisation des recettes et à la réduction des salaires, les corrections prendront vraisemblablement la forme d'un gel des salaires, d'une hausse de la dette intérieure, ou d'une activation de la planche à billets, nuisant ainsi sérieusement à la compétitivité nécessaire pour améliorer l'aptitude à assurer le service de la dette. La contradiction entre l'amélioration de la compétitivité et le maintien d'un budget équilibré est plus sérieuse en conditions d'endettement public élevé (Dornbusch, 1993). Ainsi, l'existence d'obligations importantes en matière de service de la dette tend à perpétuer la surévaluation de la monnaie et les déficits budgétaires importants.

C'est pour corriger ces effets que la théorie s'est préoccupée du lien étroit qui existe entre endettement et performances économiques. Premièrement, le paiement du service de la dette (dans le présent comme dans le futur) peut réduire l'investissement (courant et futur) et par la suite la croissance économique. Pour Peter Wickam « la croissance est tronquée dans le présent, si le fardeau de la dette affecte le flux courant de ressources disponibles pour le pays ; dans le futur un taux élevé de ressources destinées au paiement du service de la dette décourage l'investissement.» Deuxièmement, le fardeau de la dette comme paiement de son service ainsi que son reéchellonnement peut affecter l'environnement politique en vigueur et pervertir les politiques économiques.

* 4 En pratique, cette « règle traditionnelle » suggère au gouvernement de s'endetter annuellement à concurrence du montant de ses investissements en capital fixe, les paiements prévus au titre des investissements passés (i.e. l'amortissement) faisant automatiquement partie des dépenses courantes par l'entremise du service de la dette.

* 5 On parle d'altruisme intergénérationnel des ménages lorsqu'ils se préoccupent du bien de leurs descendants.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo