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Un champ scientifique à l'épreuve de la Seconde guerre mondiale les revues de géographie françaises de 1936 à 1945

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par Laurent Beauguitte
Université Paris 7 - Master 1 2007
  

Disponible en mode multipage

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Master de Géographie (M1)

Année universitaire 2006 - 2007

Un champ scientifique à l'épreuve de la seconde guerre mondiale : les revues de géographie françaises

de 1936 à 1945

Laurent Beauguitte

Mémoire réalisé sous la direction de

Catherine Rhein, Paris VII, CNRS, Géographie-cités, UMR n°8504

et de Marie-Claire Robic, Paris I, CNRS, Géographie-cités,

UMR n°8504

Je souhaite remercier les personnes suivantes sans qui la réalisation de ce mémoire n'aurait sans doute pas pu être possible :

- Isabelle et Nicolas Ignudetti qui ont su me renvoyer à l'Université et m'aider à mener ce travail à son terme

- le personnel de la bibliothèque de l'Institut de Géographie (étudiants du samedi matin inclus)

- Alain Reynaud qui a éveillé ma passion pour l'histoire de la géographie et a bien voulu me conseiller tout au long de l'élaboration de ce travail

- Catherine Rhein et Marie-Claire Robic qui ont toujours su trouver le temps pour répondre à mes interrogations

- Jean-Louis Tissier qui a bien voulu accepter de faire partie du jury pour la soutenance de ce mémoire

« Le désir dit : " Je ne voudrais pas avoir à entrer moi-même dans cet ordre hasardeux du discours ; je ne voudrais pas avoir affaire à lui dans ce qu'il a de tranchant et de décisif ; je voudrais qu'il soit tout autour de moi comme une transparence calme, profonde, infiniment ouverte, où les autres répondraient à mon attente, et d'où les vérités, une à une se lèveraient ; je n'aurais qu'à me laisser porter, en lui et par lui, comme une épave heureuse." »

Michel Foucault, 1971, L'ordre du discours, Paris, Gallimard, p.9

Introduction

Problématique

Ce travail porte sur les revues françaises de géographie durant la seconde guerre mondiale. Il vise à répondre à deux questions complémentaires mais distinctes : comment les revues parviennent-elles à survivre en temps de guerre ? les articles publiés montrent-ils une perméabilité aux idéologies vichystes ?

Tous les articles, chroniques, notes et comptes-rendus publiés dans les revues du corpus, à l'exception des articles de géographie physique, ont été parcourus. Une attention particulière a été accordée aux comptes rendus d'ouvrages et aux chroniques d'actualité. J'ai relevé les termes utilisés pour évoquer les sujets suivants : travail agricole et industriel, habitat rural et urbain, exode rural, dénatalité, immigration, ville, colonies, actualité politique. L'objectif est de comparer le vocabulaire utilisé avant et après l'armistice signé le 25 juin 1940.

Cette approche qualitative ne permet évidemment pas, à elle seule, d'épuiser le thème, surtout qu'il est parfois difficile de maintenir une attention correcte à la lecture de la trentième monographie sur un canton rural en voie de dépeuplement. Autre travers, il est tentant de ne noter que les expressions les plus frappantes, les plus excessives. Un travail d'analyse textuelle serait tout à fait intéressant à mener, mais le temps disponible - ne serait-ce que pour la saisie des textes - n'a pas permis cette approche.

Un travail de nature plus quantitative a été mené également. Il est apparu pertinent de vérifier la pagination, le nombre de planches hors-texte, le nombre et le sexe des collaborateurs, la répartition des articles par thème et par zone géographique.

Les hypothèses principales que ce travail tente de vérifier sont les suivantes :

- la guerre a entraîné des restrictions de toute nature, il est donc probable que la pagination et le nombre d'articles baissent, que le nombre de collaborateurs et d'ouvrages reçus (notamment de l'étranger) diminuent. Pour compenser le départ des collaborateurs juifs et l'absence des prisonniers, les femmes ont pu prendre une importance plus grande. La proportion d'articles consacrés à la France a sans doute augmenté du fait des difficultés de déplacement.

- constituée en champ scientifique autonome depuis le début du siècle, la géographie de l'époque ne se laisse pas influencer par les orientations politiques du régime de Vichy. Une telle influence peut être perçue dans certains mémoires de Diplôme d'Études Supérieures (notés DES dans la suite du texte) publiés à partir de 1942, c'est à dire les travaux d'étudiants jeunes qui viennent de subir deux années de propagande et qui sont sans doute plus influençables. À l'inverse, la nature des mesures prises par Vichy ou par l'occupant hérisse certains géographes qui, malgré les censures, manifestent un rejet certain des dites mesures. Par prudence, les articles de géographie physique se font plus nombreux.

Si un « contrôle préventif des imprimés » est mis en place dès septembre 1939 (Ridderstad, 2002, p.698), ses effets seront cependant étudiés dans la partie concernant les rapports avec l'idéologie vichyste. En effet, si la censure en 1939 concerne les aspects militaires, elle devient ensuite l'expression de volontés idéologiques.

Outils théoriques et choix méthodologiques

Il serait naïf d'imaginer que, du jour au lendemain, sous l'effet des circonstances extérieures, aussi dramatiques soient-elles, le contenu de revues scientifiques change du tout au tout. Le concept de champ élaboré par Pierre Bourdieu nous paraît pertinent pour cette recherche. « Un champ est un univers dans lequel les caractéristiques des producteurs sont définies par leur position dans des rapports de production, par la place qu'ils occupent dans un certain espace de relations objectives » (Bourdieu, 1984, p.82). Il suppose que « les contraintes externes, de quelque nature qu'elles soient, ne s'exerçant que par l'intermédiaire du champ, sont médiatisées par la logique du champ. Une des manifestations les plus visibles de l'autonomie du champ, c'est sa capacité de réfracter, en les retraduisant sous une forme spécifique, les contraintes ou les demandes externes »1(*) (Bourdieu, 1997, p.15). C'est pour cette raison que la chronologie de la période ne sera pas évoquée ici, exceptée pour les décisions ayant un impact sur le contenu même des revues, et plus particulièrement sur le recrutement des collaborateurs.

Toujours en accord avec Pierre Bourdieu, nous pensons que les approches internalistes (se limiter aux textes) conduisent, au même titre que les approches externalistes (se limiter au contexte), à une impasse (Bourdieu, 1997, p.13). Pourtant, le travail accompli par l'historien Olivier Dumoulin prouve que l'étude attentive de ce qui disent - et de ce que taisent - les textes publiés à l'époque, si elle n'épuise pas la question, permet d'en éclairer certains aspects.

L'approche choisie est essentiellement comparative : que publient les revues avant 1940 ? que publient-elles entre 1940 et 1944 ?

Il me paraît important de préciser que le choix du sujet n'a obéi à aucune intention polémique et / ou politique. La vigueur des affrontements des années 70 entre une « nouvelle géographie » autoproclamée et une prétendue science « normale », ruraliste et conservatrice me procure toujours un grand plaisir de lecteur. Ce n'est pourtant pas l'histoire de la géographie à laquelle j'ai envie de contribuer. Mon intention est au contraire toute poppérienne : ne rien affirmer qui ne puisse être réfuté et fuir toute appréciation personnelle. Coller des étiquettes et distribuer des jugements de valeur me paraît d'un intérêt relatif. J'avoue également que les généralisations me paraissent toujours légèrement abusives : la géographie que j'ai fréquentée ces derniers mois est plurielle, et souvent ambivalente, voire contradictoire. La géographie de l'époque ne se limite pas aux lamentations rituelles concernant l'exode rural. Elle comporte également les articles enthousiastes d'urbanophiles comme Léon Aufrère ou Jean Soulas, met en avant les questions touristiques, étudie avec attention les changements et les mutations en cours. Il me faut enfin ajouter que je comprends mal les précautions stylistiques utilisées par certains auteurs pour aborder l'histoire de la géographie sous l'Occupation. L'un des indices les plus flagrants de cette gêne est ainsi le découpage chronologique adopté par Paul Claval (1998) : le chapitre 7 étudie la géographie de 1919 à 1939 ; le chapitre suivant la géographie de 1945 à 1965. André Meynier (1969) n'éludait pas la question et faisait débuter en 1939 « le temps des craquements ».

Le champ des géographes avant-guerre

La géographie française à la fin des années 1930 présente une structure en trois auréoles aux frontières parfois délicates à tracer. Le noyau central est constitué par les géographes titulaires dans l'enseignement supérieur. Ce groupe comprend les professeurs dans les Facultés de Lettres (21 en 1939), les chargés de cours et les assistants (9 en 1939). La très grande majorité a soutenu une thèse, mais il y a au moins deux exceptions à la règle : Jean Gottmann à Paris et Maurice Zimmermann à Lyon. Il faut y ajouter les géographes en poste dans les grandes écoles et les écoles militaires : Camille Vallaux et Charles Robert-Muller à l'École des Hautes Études Commerciales de Paris, Antoine Albitreccia à l'École Supérieure de Commerce de Paris, Francis Ruellan à l'École navale de Brest. Enfin, des géographes enseignent au Collège de France (André Siegfried), dans les universités catholiques (Pierre Deffontaines à Lille), au Conservatoire nationale des arts et métiers (Y.-M. Goblet) (Broc, 1993, p.226-227). Ce noyau central compte au total moins de cinquante personnes dont certaines sont présentes à la tête des différents Instituts de Géographie et dans les comités de rédaction des revues universitaires. La plupart de ces géographes restent en poste longtemps au même endroit : Raoul Blanchard exerce 42 ans à Grenoble, André Meynier 34 ans à Rennes, Philippe Arbos 33 ans à Clermont-Ferrand, Jules Sion 31 ans à Montpellier, Daniel Faucher 26 ans à Toulouse (Broc, 1993, p.245).

Un groupe de géographes beaucoup plus hétérogènes gravite autour de ce noyau central. Il mêle des agrégés préparant leur thèse, des Docteurs es Lettres, des militaires (Colonel Édouard de Martonne, Colonel Ruby, Capitaine Urvoy), des administrateurs des colonies (MacLatchy) et des universitaires, naturalistes, géologues et historiens, proches des géographes (Marcel Blanchard, Henri Gaussen, Emmanuel de Margerie). Toutes ces personnes collaborent régulièrement aux revues. Leur nombre est difficile à établir de façon précise et semble varier entre 70 et 90 selon les années. Ce groupe comporte des géographes en voie d'intégration au noyau central (Paul Arqué, Pierre George) et d'autres qui semblent au contraire en voie de marginalisation (administrateurs des colonies, militaires).

Enfin, le groupe périphérique comprend essentiellement des professeurs de lycée ou d'École Normale. Ce sont eux qui fournissent le plus de textes dans les revues régionales, ce sont eux qui apparaissent une seule et unique fois dans les tables des matières. Une petite minorité intègre au cours des années suivantes l'un des deux précédents groupes : tous les universitaires des années 1940 et 1950 ont commencé par écrire un DES durant cette période (Max Derruau, Henri Enjalbert, Philippe Pinchemel etc.).

Le noyau central est marqué par une double fracture : Paris et province, « école de Paris » et « école de Grenoble ». La Sorbonne compte en 1939 cinq professeurs d'université (Jacques Ancel, André Cholley, Albert Demangeon, Emmanuel de Martonne, Charles Robequain), un chargé de cours (Marcel Larnaude) et deux assistants (Pierre Birot, Jean Gottmann), soit près du tiers des géographes universitaires. Paradoxalement, les géographes parisiens ne disposent d'aucune revue pour diffuser leurs travaux. Les effectifs sont plus réduits en province comme l'indique le tableau ci-dessous.

Figure 1 : Les géographes universitaires en province en 1939.

 

Aix

Alger

Bordeaux

Caen

Clermont-Ferrand

Dijon

Grenoble

Professeurs

Ernest Bénévent

Robert Capot-Rey

Henri Cavaillès

René Musset

Philippe Arbos

Georges Chabot

Raoul Blanchard

Maurice Pardé

Chargé de cours

 

Jean Despois

Paul Marres

 
 
 

Henri Onde

 

Lille

Lyon

Montpellier

Nancy

Poitiers

Rennes

Strasbourg

Toulouse

Professeurs

Roger Dion

André Allix

André Gibert

Jules Sion

Jules Blache

Théodore Lefebvre

André Meynier

Henri Baulig

Daniel Faucher

Chargé de cours

André Lequeux

Maurice Zimmermann

 
 
 
 
 

Georges Jorré

Source : BAGF, 1939, n°118, p.15-31

La deuxième ligne de fracture oppose les disciples de Raoul Blanchard (parmi lesquels André Allix, Philippe Arbos, Jules Blache, Ernest Bénévent, Daniel Faucher, André Gibert) aux élèves d'Emmanuel de Martonne (Jean Chardonnet, André Cholley, Robert Perret etc.). La genèse et l'évolution du conflit ont été retracées par Numa Broc (Broc, 2001a). Ses conséquences sur le contenu des revues universitaires ne sont visibles que dans la RGA dirigée par Raoul Blanchard. Ailleurs, les élèves de l'un et de l'autre cohabitent sans difficulté, et les travaux des deux « maîtres » font l'objet de comptes rendus élogieux.

Durant la seconde guerre mondiale, le groupe central se renforce. Trois chaires de géographie coloniale sont créées en 1942 (Aix-Marseille, Bordeaux, Strasbourg), des postes d'assistant sont créés en 1942 à Grenoble (Paul Veyret), Lyon (Jean Demangeot), Montpellier2(*) (Jean Galtier) et Toulouse (François Taillefer), en 1943 à Clermont-Ferrand (Lucien Gachon). René Musset étant déporté à Buchenwald, Louis Poirier, plus connu ensuite sous le pseudonyme de Julien Gracq, est nommé assistant à Caen en novembre 1942. Il y est le seul enseignant à temps plein jusqu'en 19463(*). Ces informations sont tirées de l'étude des comités de rédaction, de la présentation des auteurs dans les revues entre 1936 et 1945, de la liste des membres de l'Association de Géographes Français et enfin de l'article de Numa Broc (Broc, 1993). Je n'ai pas eu le temps de consulter L'information universitaire pour combler d'éventuelles lacunes.

Le choix du corpus

Le sujet de cette recherche est la production des revues de géographie française entre 1940 et 1944. Cette étude porte sur deux aspects complémentaires : les difficultés de fonctionnement des revues en temps de guerre, la perméabilité éventuelle du champ scientifique aux idéologies vichyssoises. Aussi, n'étant a priori pas concernés par le deuxième aspect, les bulletins de géographie physique n'ont pas été étudiés. Les principales revues scientifiques continuant à paraître pendant la période considérée ont été prises en compte. Le corpus constitué comprend, par ordre alphabétique :

- les Annales de géographie (noté AG dans la suite du texte)

- le Bulletin de la Société Languedocienne de Géographie (BSLG)

- le Bulletin de l'Association de Géographes Français (BAGF)

- les Études Rhodaniennes (ER)

- la Revue de Géographie Alpine (RGA)

- la Revue de Géographie des Pyrénées et du Sud-Ouest (RGPSO).

Sur ces six revues, deux seulement (AG et BAGF) ont vocation à couvrir l'ensemble du champ disciplinaire et la totalité de l'espace géographique. Les quatre autres mettent au centre de leurs préoccupations les recherches de géographie régionale.

L'éditorial du BSLG affirme en 1930 que le bulletin reste fidèle au programme défini dès 1878 : « encourager par tous les moyens possibles la vulgarisation et le développement des études géographiques, servir les intérêts commerciaux, industriels et agricoles de la région » (Thomas4(*), 1930, p.5). Si le BSLG est au départ largement ouvert aux récits d'explorateurs, il se replie sur l'étude régionale après la première guerre mondiale (Faidutti, 1990, p.311). Les Études rhodaniennes affirment leur « limitation fondamentale à l'étude des régions du Rhône » (Allix, 1935, p.10). La RGA, dès le départ, entend se consacrer « presque exclusivement à l'étude géographique du Sud-Est de la France » (Recueil des travaux de l'Institut de Géographie Alpine5(*), 1913, tome I, p.1). Les exceptions concernent des travaux portant sur des montagnes étrangères, et les travaux réalisés à l'étranger par Raoul Blanchard, au Canada notamment, et par ses élèves (Jacques Richard-Molard). Daniel Faucher, directeur de la RGPSO, se félicite en 1936 car « peu à peu, nous couvrons d'études diverses tout le Sud-Ouest » (Faucher, 1936, p.401). Pour éviter autant que faire se peut les répétitions, AG et BAGF seront parfois appelées les revues parisiennes, les quatre autres seront souvent nommées revues régionales.

L'information géographique n'a pas été prise en compte. Le régime de Vichy a montré un vif intérêt pour les questions pédagogiques (Giolitto, 1991 ; Lefort, 1992, p.35-37) mais en évaluer l'impact éventuel sur le contenu de la revue nécessiterait une étude à part entière. L'argument principal justifiant cette exclusion est donné par André Cholley lui-même :

« nous laisserons systématiquement de côté la publication de travaux géographiques originaux. La recherche scientifique reste en dehors de notre domaine. Nos préoccupations sont d'ordre essentiellement pédagogiques : l'enseignement de la géographie seul nous intéresse » (Cholley, 1936, p.1).

De plus, la revue interrompt sa parution d'avril 1942 à juin 1945. Si d'autres revues étudiées ont, elles aussi, connu des interruptions de publication (ER, un seul tome pour les années 1940-1941, pas d'AG en 1944, pas de RGPSO en 1945), jamais elles ne furent aussi longues.

Le Bulletin de la Société de Géographie de Lille n'a pas été étudié. Malgré la présence dans les tables des matières de noms prestigieux (en 1939, Max Sorre, André Siegfried), et la présence, parmi les collaborateurs, de Pierre Deffontaines et de Roger Dion, ce bulletin juxtapose des contributions beaucoup trop hétérogènes pour pouvoir être considéré comme une publication scientifique. Ainsi, en 1938, un article présente la christianisation comme solution au conflit sino-japonais, et l'auteur de conclure que :

« pour sortir du bouleversement actuel - les événements d'Extrême-Orient n'en sont qu'un épisode - il faut dire : obéissez d'abord à la loi de Dieu et le reste, paix et prospérité s'ensuivra. Ce sera vrai en Extrême-Orient comme c'est vrai partout !» (Bernard, 1938, p.140).

Le Bulletin de la Société de géographie et d'études coloniales de la ville de Marseille, co-dirigé par Ernest Bénévent, n'a pas été étudié. Il s'agit en effet d'une revue dont les articles concernent principalement l'histoire de la conquête de l'Empire français.

Le Bulletin de l'IFAN (Institut Français d'Afrique Noire) comprend de nombreux articles géographiques. Il a cependant été écarté du corpus. Si les géographes y apportent une contribution non négligeable, les ethnologues, instituteurs, administrateurs des colonies et autres militaires forment une grande partie des auteurs. La revue est ainsi classée dans la catégorie ethnographie dans la « liste des périodiques nécessaires aux études scientifiques » établie en mai 1942 (Duclert, 1997, p.195). Mais la raison principale justifiant son exclusion est que, si les numéros 1 et 2 de 1940 sont imprimés en décembre 1941, les numéros 3 et 4 de la même année le sont en octobre 1946. Les numéros de 1941 et 1942 sont imprimés en mars 1947. Il est donc illusoire d'espérer y trouver autre chose que les stéréotypes raciaux et la vulgate coloniale en vogue à l'époque.

Le choix des dates

Pour savoir quels sont les changements apportés par la guerre et par le régime de Vichy, le premier travail consiste à tenter de caractériser la production d'avant-guerre.

La date de départ choisie est 1936.

Affirmer qu'en 1936, toutes ces revues ont plusieurs années d'existence et que leur contenu est probablement stabilisé, gommerait de profondes différences d'ancienneté (AG 1891, RGA 1913, BAGF 1924, ER 1925, BSLG 19306(*), RGPSO 1930). Surtout que toutes n'ont pas trouvé leur rythme de croisière dès le départ : les Études rhodaniennes deviennent une revue à part entière à partir de 1928 seulement, le BAGF tâtonne presque deux ans avant de fixer son contenu. Notons que ce dernier ne prétend pas être une revue, ce qu'Emmanuel de Martonne rappelle régulièrement (BAGF, 1935, n°86, p.56 ; 1947, n°183-184, p.22).

Les deux motifs expliquant le choix de cette date sont les suivants : il est difficile d'imaginer contraste contextuel plus fort qu'entre 1936 et 1940, et le temps disponible pour cette recherche limite les possibilités. Disposer de trois années de paix à distance de la crise économique du début des années 1930 paraît à l'auteur une base de comparaison suffisante.

Prolonger l'étude jusqu'en 1945 apparaît nécessaire. Les informations données sur les conditions de parution et la vie des différents Instituts de Géographie sont tout à fait précieuses pour notre travail. De plus, il est évident, comme le signale l'historien Pierre Laborie que « toute l'histoire de la France de Vichy ne commence certainement pas en juin 1940 et, l'observation vaut dans les deux sens, tout ce qui lui appartient ne s'arrête pas en août 1944 ». Il ajoute en note : « Ceci, pour insister sur le fait que Vichy ne peut être considéré, en aucune façon, comme une simple parenthèse » (Laborie, 1990, p.20).

Vocabulaire, style et anachronisme.

Plonger dans des textes des années 1930 et 1940 expose à quelques surprises lexicales et stylistiques. Ce n'est pas une géographie familière et, de la construction des textes en passant par leurs thèmes de prédilection, cette géographie paraît de prime abord étrange. Certes, et j'étais prévenu, et le terme se trouve dans toutes les histoires de la géographie, la géographie de l'époque est « organiciste ». Mais la multiplicité des métaphores biologiques, qu'elles concernent le monde rural, les industries ou le développement urbain, étonne un lecteur contemporain. Que les campagnes souffrent de congestion puis s'anémient à force d'hémorragies surprend peu - d'autant que certains discours actuels continuent d'utiliser ce vocable -, mais je ne m'attendais pas à lire des phrases comme « en Suisse, les toits de tuiles creuses (dites ici tuiles courbes) meurent » (Biermann, 1939, p.289) ou lire une description de « la verdure que trouent ça et là les os jaunis des maisons mortes » (Bozon, 1943, p.135).

Autre facteur d'étrangeté, l'utilisation extrêmement fréquente des termes race, raciale, ethnie. L'emploi de ces mots est normal, il ne présuppose aucun racisme et fait partie du vocabulaire scientifique courant de l'époque. Ainsi, le programme du Congrès international de la population informe que la deuxième partie traite des :

« Problèmes qualitatifs de la population :

1.) Méthodes propres à caractériser les individus (biométrie individuelle), à déterminer des types (biotypologie), à définir les races (ethnologie).

2.) Transmission héréditaire des caractères humains (caractères fragmentaires et ensembles typiques), les croisements entre les races.

3.) Questions pratiques (eugénique). » (BAGF, 1937, n°103, p.34).

Pour en rester au chapitre racial, les jugements de valeur sur certaines ethnies, notamment d'Afrique noire, paraissent choquantes aujourd'hui. Cela aussi faisait partie du langage scientifique en vigueur à l'époque.

Afin d'éviter tout contresens et toute interprétation erronée, j'ai lu, outre les revues, un certain nombre d'ouvrages de géographie publiés à l'époque. Il ne s'agissait pas de les lire en fonction de critères contemporains, ou de découvrir de supposés précurseurs, mais de se familiariser avec une langue, avec des expressions et des modes de raisonnement autres. Pour la même raison, j'ai respecté les catégories utilisées par les auteurs et par les comités de rédaction. Je nomme « article » ce qui est considéré comme article à l'époque, « chronique » ce qui est appelé chronique dans les tables des matières.

Une géographie vichyste ?

Si les conséquences sur la production scientifique d'une guerre, situation propice aux restrictions et à la censure, sont relativement aisées à mettre à jour, il n'en est pas de même concernant l'éventuel impact des thématiques de la Révolution nationale sur la production des géographes français. Les obstacles sont nombreux et tout aussi nombreux sont les risques de contresens.

Un des obstacles principaux concerne la nature fondamentalement hétéroclite du projet pétainiste. Le régime de Vichy n'a appliqué aucun corps de doctrine clairement défini. De plus, l'écart a souvent été grand entre le discours officiel et les actes. L'exemple du régionalisme étudié par Pierre Barral illustre de manière exemplaire le hiatus entre des volontés passéistes affirmées et un projet administratif visant l'efficacité, projet qui sera d'ailleurs repris dans ses grandes lignes à la Libération (Barral, 1974). De la même façon, le discours réactionnaire glorifiant les vertus de l'économie traditionnelle a peu pesé face à une expérience d'économie dirigée qui sera, elle aussi, reprise dans ses grandes lignes à la Libération, que ce soit dans le domaine agricole ou industriel (Rousso, 1993, p.450).

Autre difficulté, les obsessions de Vichy n'apparaissent pas brutalement en 1940. Que ce soit le problème de la dénatalité, celui des étrangers ou celui de l'exode rural, tous ont occupé les premières places dans les préoccupations politiques de la vie française des années 1930. Qu'un géographe se lamente en 1943 sur les maisons en ruines des campagnes mourantes n'en fait nullement un thuriféraire de Pétain. Et louer l'oeuvre colonisatrice française fait partie, comme nous le verrons par la suite, des figures courantes de la géographie coloniale des années 1930.

Les éléments suivants ont été retenus comme indicateurs de soutien à la politique du régime de Vichy : expression de sentiments anti-urbains et anti-industriels, éloge appuyé des valeurs traditionnelles (notamment religieuses), éloge de la politique pétainiste. J'ai également été attentif aux auteurs qui publient pendant toute la période étudiée pour voir s'il est possible de noter des changements de ton dans la façon d'aborder les sujets chers au Maréchal, que ce soit le vocabulaire utilisé ou les explications proposées.

Dernière difficulté, un article paru en 1942 peut avoir été écrit avant guerre. Les dates d'écriture sont rarement indiquées par les auteurs ou par les rédactions. Il est fréquent par ailleurs que des articles d'un auteur récemment décédé soient publiés à titre d'hommage. La fraîcheur des statistiques données, les références bibliographiques ou les allusions à l'actualité permettent le plus souvent d'évaluer l'année d'écriture de l'article. Mais ce problème ne se pose guère pour les chroniques d'actualité et les comptes rendus d'ouvrages.

Pistes abandonnées

Il paraissait raisonnable de supposer qu'au cours de la période étudiée, outre une féminisation peut-être plus poussée, un changement dans le statut des collaborateurs se produirait. Cette piste n'a pas pu être explorée. Certaines revues délivrent des informations sur le statut professionnel des auteurs, c'est le cas de la RGPSO ou des Études rhodaniennes. Mais ces informations manquent pour certaines années, en raison semble-t-il des habitudes prises pour relier les fascicules en volume : les pages de publicité disparaissent, parfois les premières et quatrièmes de couverture. De plus, les informations concernant la formation reçue sont rarement données. La RGA donne des informations fragmentaires sur une partie seulement de ses collaborateurs. Quant aux Annales de géographie, au BAGF ou au BSLG, elles n'en donnent aucune. Ayant tenté malgré tout de faire avec les informations disponibles, je n'ai pas réussi à trouver un codage permettant de répondre de façon satisfaisante à cette interrogation. Ajoutons que le nombre de collaborateurs différents recensés pour la période est de 455.

L'éventualité d'un rapprochement scientifique franco-allemand n'a pas été étudiée. Les conflits entre les deux écoles géographiques sont connus et, à une hostilité nette envers la géopolitique, illustrée par les articles d'Albert Demangeon (Demangeon, 1932, 1939) et par de nombreux comptes rendus d'ouvrages dans les AG, s'ajoute une hostilité personnelle entre Passarge et de Martonne (Robic et al., 1996, p.241-252). Rappelons que ce dernier est considéré par les Allemands comme un des initiateurs du traité de Versailles.

Une des hypothèses de départ concernait les comités de rédaction. Ceux-ci pouvaient se modifier durant la période, et sans doute plus en zone occupée qu'en zone libre, du fait de pressions plus fortes exercées par l'occupant. La simple lecture de la composition des comités de rédaction suffit à mettre à mal cette hypothèse. Les changements observables sont dus soit à des décès (Albert Demangeon et Lucien Gallois aux AG, Jules Sion et Marcel Moye au BSLG), soit à l'âge des membres (Emmanuel de Margerie quitte la présidence de l'A.G.F. fin 1941), soit à des changements d'affectation (Paul Marres).

Première partie

Des revues en guerre

1.1. Pourquoi continuer à paraître ?

« Faire paraître, fût-ce avec retard, un numéro de revue, cela n'a l'air que d'une opération de bibliophile : c'est une manière de victoire contre les puissances de mort. »

extrait d'une lettre de Henri Hauser à Lucien Febvre, printemps 1941 (cité par Dumoulin, 1997, p.52).

Il est difficile aujourd'hui d'imaginer ce qu'a pu représenter la défaite de 1940. De nombreux témoins de l'époque ont insisté sur le besoin de reprendre au plus vite une activité normale. Les études effectuées par Vincent Duclert (1997) sur l'ensemble des revues scientifiques et par Olivier Dumoulin sur les revues historiques (1997) montrent que la très grande majorité continue de paraître pendant l'occupation. Philippe Burrin, étudiant le cas des Annales7(*) (Burrin, 1995, p.322-328), écrit « l'absorption dans l'étude est un réconfort, le langage scientifique fait une carapace qui isole de l'actualité, les tirages restreints détournent l'occupant d'y regarder de trop près, encore qu'il ne perde rien de vue » (op.cit., p.322). Pour lui, les scientifiques montrent « un effort de sauvegarde de la normalité, de préservation du monde d'hier pour rendre moins dur le présent et éclairer l'avenir, sans qu'il y entre la moindre inclinaison pour le vainqueur » (id., p.328). C'est par exemple le sentiment exprimé par Paul Veyret dans la préface de sa thèse, thèse écrite entre 1938 et 1944 : « pendant les années amères dont nous sortons à peine, il [notre ouvrage] a été notre refuge, notre acte de foi en un avenir meilleur, notre façon de travailler à son avènement » (Veyret, 1945, p.III) . Vincent Duclert résume ainsi l'attitude des savants : « le simple maintien de la recherche nationale équivalait au refus de la soumission, voire à une position de résistance » (Duclert, 1997, p.170).

Pour les revues de géographie, en prenant comme référence la liste des périodiques français reçus par La Géographie en 1939 (tome LXXII, n°3, p.187-189), une recherche bibliographique sur le Sudoc montre que la plupart continue à paraître en 1940 et 1941. Les seuls cas de disparition concernent semble-t-il des revues éditées par l'Armée (Revue des Questions de Défense nationale, Revue des Troupes coloniales). Il faut cependant se méfier d'un indicateur aussi fragile : l'exemple cité plus haut du Bulletin de l'IFAN illustre ce que peut cacher une apparente continuité chronologique.

Publier est une quasi obligation quand la revue dépend d'un éditeur qui a tout intérêt, d'un point de vue économique, à publier (Duclert, 1997, p.163). Or les AG dépendent d'Armand Colin et la RGPSO est coéditée par Privat, il est donc logique qu'elles continuent à paraître.

Publier est aussi vécu comme un devoir patriotique. Les premiers numéros parus en temps de guerre illustrent cette exigence. Le BAGF affirme en quatrième de couverture, à partir du n°124 de 1939 : « L'activité de l'AGF doit continuer et on a le droit d'espérer que tous les membres de notre groupement tiendront à y contribuer dans la mesure de leurs moyens ». Le numéro suivant (n°125, novembre décembre 1939) commence cette affirmation : « Notre Association maintiendra son activité, en témoignant de l'union des géographes français dans les circonstances graves que traverse notre pays » (p.165). Emmanuel de Martonne affirme à l'Assemblée générale du 1ier février 1940 :

« Notre principal devoir est de vivre, de tenir, de continuer notre activité dans toute la mesure du possible [...] Ce n'est pas seulement l'amour de la Géographie qui nous réunit ici mais celui de la Patrie [...] Il s'agit d'unir les efforts pour que l'éducation et les recherches géographiques souffrent le moins possible, pour que le jour de la paix, c'est à dire de la Victoire totale, les liens avec l'avant-guerre n'apparaissent pas brisés » (BAGF, 1940, n°126-127, p.13-15).

Les mêmes arguments sont utilisés par Daniel Faucher : 

« Nous pensons servir modestement, mais utilement, en continuant le travail commencé, avec la même foi et le même courage que dans le passé [...] Les mauvais jours passés, nous espérons avoir fait notre devoir en poursuivant notre tâche sans défaillance » (Faucher, 1939, p.273).

Raoul Blanchard, comme pendant la guerre 1914-19188(*), continue à publier la RGA. Il affirme avant la déclaration de guerre : « Il s'agit d'une période où les nerfs des Français ont été à plusieurs reprises mis à l'épreuve. Bien entendu, nous avons essayé de travailler comme si de rien n'était. Nous y avons à peu près réussi » (Blanchard, 1939, p.481). Au printemps 1940, il écrit : « Puisqu'il faut que la vie reste aussi nourrie que jamais, nous signalons avec plaisir que notre activité scientifique ne se ralentit pas » (1940a, p.248).

L'humiliation de la débâcle et ses conséquences pratiques ne modifient ni l'attitude des directeurs de revue ni les arguments utilisés. Il faut cependant souligner une différence entre les revues paraissant en zone occupée et celles paraissant en zone libre : les premières n'utilisent pas l'argument patriotique pour justifier l'aspect nécessaire de leur parution. Le court texte placé en quatrième de couverture du BAGF reste inchangé jusqu'au début 1945. Ce n'est qu'en 1945, à l'occasion de l'Assemblée générale du 3 février, qu'Emmanuel de Martonne donne des informations supplémentaires : 

« Dès le début, nous avons délibéré sur la conduite à suivre en présence des règlements imposés par l'autorité occupante. Nous avons décidé de maintenir notre activité dans toute la mesure du possible, sans nous soumettre à un contrôle s'il pouvait être évité. » (BAGF, 1945, n°167-168, p.10)

L'allusion au possible évitement du contrôle paraît plus être un argument fourni dans le but d'obtenir une autorisation de reparaître que l'expression d'une quelconque réalité historique. Ce qui paraissait en France en général, et à Paris en particulier, était contrôlé par le Syndicat des éditeurs qui soumettait ensuite les imprimés à la censure allemande (Fouché, 1987, II, p.187).

En zone libre, le ton l'est davantage. Faucher écrit ainsi : 

« Malgré la tristesse du temps présent, il a bien fallu reprendre une activité normale. Après tout, notre devoir n'est-il pas de continuer notre tâche et d'essayer de lui donner une efficacité accrue ? Le pays ne peut pas se laisser gagner par l'anémie intellectuelle. Pour notre modeste part, nous cherchons à entretenir la flamme [...] Le premier devoir, dans le moment présent, est d'assurer la continuité des publications par où la science française affirme sa vitalité » (Faucher, 1941c, p.458-459).

Son maître, Raoul Blanchard, emploie des formules similaires : 

« Au milieu des épreuves qui accablent notre pays, nous avons la consolation un peu mince - mais on n'a pas le droit d'être difficile - de nous dire que nous avons fait, dans notre coin de l'arrière, tout ce que nous pouvions pour maintenir une activité normale [...] Nous sommes donc décidés à aller de l'avant, persuadés qu'il s'agit là du plus élémentaire devoir patriotique » (Blanchard, 1940b, p.593)

« bien décidés à témoigner ainsi que la France n'est ni morte ni moribonde » (Blanchard, 1941b, p.371),

« Nous tenons bon et au cours d'une période si spéciale, ce n'est déjà pas si mal. Nous n'abandonnons rien » (Blanchard, 1943b, p.269).

La conclusion qu'il donne après la Libération est d'une concision exemplaire : « Comme en 1914-1918, l'Institut de Géographie alpine a fait son devoir » (Blanchard, 1944, p.611).

Daniel Faucher explique quant à lui :

« au milieu des douleurs et des préoccupations que nous a causées, après le désastre de 1940, l'occupation allemande, nous n'avons jamais cessé nos activités habituelles. La première forme de la résistance était de donner notre enseignement sans rien changer ni à nos programmes, ni à nos méthodes » (Faucher, 1944, p.236).

Un contre-exemple est fourni par la Société de géographie de Paris dont le bulletin, La Géographie, paraît pour la dernière fois sous ce nom fin 19399(*). Dans les « Actes de la Société » parus en 1945 dans les Annales de géographie, Aimé Perpillou, secrétaire général de la Société de Géographie de Paris, donne les informations suivantes : 

« la Société de Géographie ne fit aucune diligence pour obtenir des autorités le droit d'exercer une activité réduite ; c'eût été s'exposer à se voir imposer des conférenciers indésirables. A plusieurs reprises, le Secrétariat dut décliner des offres de conférences et s'abriter derrière l'interdit qui continuait à peser sur les manifestations publiques de la Société, pour refuser toute apparence de participation à des réunions, qui, sous des apparences scientifiques n'étaient que des occasions de propagande » (AG, 1945, n°294, p.157).

Ce souci ne semble guère s'être posé en zone libre, ni même en dehors de la capitale. En effet, la Société Languedocienne de Géographie inaugure en 1943 des causeries mensuelles (Marres, 1944, p.171), la Société de Géographie de Lyon reprend ses activités fin 1941 (Bonnoure, 1942, p.63), André Allix crée début 1944 un Cercle d'Études de la Société de Géographie (Leclerc, 1944, p.83). La Société de Géographie commerciale de Bordeaux tient ses assemblées générales mensuelles pendant toute la période (Arqué, 1948, p.101) et la Société de Géographie de Marseille organise 12 conférences en 1942 et 13 en 1943 (Bulletin de la Société de Géographie et d'études coloniales de Marseille, 1943, tome LXIV, p.137).

Si le devoir de continuer à produire est partout affirmé, sa réalisation concrète pose davantage de problèmes. L'occupation est une période de pénurie et de restrictions : en particulier pénurie en papier dont nous allons étudier les conséquences pour les revues, et restrictions des échanges et de la mobilité que nous étudierons ensuite.

1.2. Les besoins en papier

La plus grande difficulté à laquelle se heurtent les éditeurs sous l'Occupation est le manque de papier. Les chiffres cités par Pascal Fouché sont les suivants : la consommation totale de papier (moyenne mensuelle en tonnes) tombe de 50000 en 1938 à 13850 en 1942 et 10500 en 1944 (Fouché, 1987, I, p.343). La pénurie de papier ne cesse d'ailleurs pas à la Libération et c'est pourquoi la pagination des différentes revues a été relevée jusqu'en 1947. Dans l'ensemble, la pagination des revues dans l'ensemble diminue fortement au cours de la période, comme le montre le tableau ci-dessous.

Figure 2 : Pagination des revues de 1936 à 1947

 

1936

1937

1938

1939

1940

1941

1942

1943

1944

1945

1946

1947

Nb de pages

2724

2328

2468

2422

1416

1962

2074

1894

1378

1560

1664

1588

Base 100

117

100

106

104

60.8

84.3

89.1

81.4

59.2

67

71.5

68.2

Source : Beauguitte Laurent

Si l'année 1937 a été choisie comme référence, c'est parce qu'en 1936, la RGA, qui est, pour toutes les années considérées, la revue la plus volumineuse, se surpasse. Raoul Blanchard écrit « En 1936, la Revue avait atteint des dimensions record, et qui m'effrayaient déjà en elles-mêmes. J'ai dû mettre le holà, refuser des manuscrits, en alléger d'autres, lésiner sur l'illustration. Notre publication retrouvera pour son tome XXV une taille plus modeste » (Blanchard, 1937b, p.451). Cette diminution globale ne frappe pas toutes les revues de la même façon, comme l'illustrent les graphiques de la page suivante.

Figure 3 : Pagination des différentes revues de 1937 à 1947 (base 100 : 1937)

Source : Beauguitte Laurent

Ces graphiques appellent quelques commentaires. Les AG informent ses lecteurs et leur signalent, dès 1940 : « Nos lecteurs comprendront que nous sommes obligés de nous conformer aux prescriptions gouvernementales résultant de l'état de guerre et de réduire de 50

p.100 le nombre de pages ». Visiblement le BAGF n'est pas tenu d'obéir aux dites prescriptions gouvernementales. Un cas plus étonnant encore est fourni par le BSLG. En effet,

il affirme en 1939 : « Nos lecteurs comprendront que nous sommes obligés de nous conformer aux prescriptions gouvernementales résultant de l'état de guerre et de réduire de 50 pour cent

le nombre de pages ». La formulation change en 1940, « l'état de guerre » se transformant alors en « état actuel ». La formule sera imprimée à l'intérieur de la revue jusqu'en 1947 inclus, elle n'a pourtant guère été suivie d'effets entre 1940 et 1945.

Les recettes employées par les différents directeurs sont les mêmes : à partir de 1942 ou 1943, le papier utilisé est de moins bonne qualité10(*), la taille des caractères diminue, celle des interlignes également, les AG utilisent même les quatrièmes de couverture pour la rubrique « Statistiques récentes ». Raoul Blanchard, comme souvent, est le plus explicite sur le sujet : « nous nous sommes adaptés aux restrictions sur le papier en transformant notre justification et nos caractères, comme nos lecteurs ont pu le remarquer ; de la sorte, la densité de la Revue restera équivalente pour un emploi de papier diminué d'un quart » (Blanchard, 1943b, p.269). Cette réduction plus ou moins brutale de la pagination correspond à une période de regroupement : les Études Rhodaniennes publient à partir de 1942 le Bulletin de la Société de Géographie de Lyon et de la Région lyonnaise, les Annales de géographie intègrent à la même date le Bulletin de la Société de Géographie de Paris.

La continuité apparente du BAGF, et son apparente indifférence aux restrictions, ne doivent pas faire illusion, les retards de parution ont été extrêmement fréquents : le numéro 130-131 de 1940 et les numéros de l'année 1942 sont imprimés en 1943, quant aux numéros de 1944 et 1945, ils sont imprimés respectivement en 1946 et en 1947. Des retards de plus en plus importants marquent également la parution de la RGPSO. La date du dépôt légal du dernier numéro de 1940 est avril 1941, celle du fascicule 4 de 1941 est le 12 mai 1942, et les délais entre la date théorique de parution et la date de dépôt légal deviennent plus importants par la suite. Les fascicules 2 et 3 de 1942 sont imprimés respectivement en février et en août 1943, le décalage est le même pour les fascicules 2 et 3 de 1943 ; quant au tome correspondant à 1944, il paraît au cours du quatrième trimestre 1945. Les informations manquent pour le BSLG. Il est tout à fait probable que la seule revue qui ne souffre d'aucun retard de publication soit la RGA. Cette dernière souffrira d'un retard - minime, un mois et demi - de publication en 1946 seulement. Il est tentant de rapprocher cette indifférence aux événements extérieurs des excellents rapports entretenus par Raoul Blanchard avec les milieux patronaux régionaux (Veitl, 1994 et 2001).

Si la pagination diminue, une tendance identique apparaît en ce qui concerne les planches de photographies hors-texte. La date de référence est cette fois encore 1937, en 1936 la RGA publie 50 planches, ce qui est une sorte de record qui fausserait les comparaisons. Seules les revues publiant de façon régulière des photographies hors-texte ont été considérées.

Figure 4 : Nombre de planches de photographies hors-texte

 

1937

1938

1939

1940

1941

1942

1943

1944

1945

1946

A.G

13

19

13

7

9

16

17

-

8

13

RGA

29

27

35

12

16

9

27

26

20

5

RGPSO

12

7

10

12

13

5

6

2

-

3

Total

54

53

58

31

38

30

50

28

28

21

Source : Beauguitte Laurent

Le papier devenant plus rare, les restrictions d'électricité se multipliant, les frais d'impression des revues augmentent fortement, et avec eux le tarif des abonnements. L'abonnement annuel pour la France aux AG passe de 55 Francs en 1936 à 75 en 1940 et à 150 en 1945. Le coefficient multiplicateur est le même pour la RGA qui passe de 40 Francs en 1938 à 120 en 1946. La RGPSO passe de 35 Francs en 1937 à 120 en 1947. Les augmentations sont du même ordre pour les autres revues du corpus et elles continuent d'ailleurs jusqu'en 1947-1948.

La revue qui souffre le plus, et la seule qui suive à la lettre les prescriptions gouvernementales, est les Annales de géographie : elle dispose de deux fois moins de papier tout en intégrant les « Actes de la Société de Géographie ». Le simple décompte du nombre d'articles, de chroniques et de notes publiés chaque année illustre les effets quantitatifs de cette pénurie. J'ai voulu vérifier si la réduction de la pagination s'accompagnait d'une réduction de la taille des articles publiés pendant la période. Leur taille n'a diminué que très marginalement : de 1936 à 1939 inclus, un article des AG compte en moyenne 15 pages, de 1940 à 1943 inclus, il en compte en moyenne 14.4. Le calcul n'a pas été effectué pour les autres revues. En effet, le BAGF imprime les textes d'exposés oraux dont la durée est calibrée, et le secrétaire général fait à ce sujet de nombreux rappels au règlement. Quant aux revues régionales, ce qu'elles nomment « article » est d'une très grande hétérogénéité. Les textes peuvent comporter dix pages sur un sujet précis ou une thèse entière. Calculer une taille moyenne n'aurait guère de sens dans ces conditions.

Figure 5 : La production des Annales de géographie de 1936 à 1945

Source : Beauguitte Laurent

1.3. Les besoins en collaborateurs

Le recrutement des collaborateurs varie peu selon les revues et il est possible de distinguer deux groupes. Il y a d'une part les directeurs, entourés d'une poignée de collaborateurs réguliers, bénévoles et, pour la plupart, universitaires. Il y a d'autre part des étudiants qui publient leur Diplôme d'Études Supérieures (DES11(*)), en partie ou en totalité. La très grande majorité de ces étudiants disparaît ensuite des tables des matières. Entre 1936 et 1945, 455 collaborateurs différents écrivent dans les six revues du corpus. Seuls 165 publient pendant deux années minimum, 102 pendant trois années ou plus. Cette centaine d'auteurs stables comprend essentiellement les professeurs de faculté et les chargés de cours à l'université, qu'ils soient géographes, historiens ou professeurs de sciences. Ils appartiennent aux deux groupes centraux définis en introduction (p.4). Autre marqueur intéressant, les auteurs publiant dans plusieurs revues du corpus au cours d'une même année sont toujours une faible minorité comme l'indique la figure 6. Les résultats seraient encore plus faibles en éliminant les collaborations AG - BAGF qui représentent sur l'ensemble de la période plus du tiers des collaborations multiples. La faiblesse extrême des collaborations croisées en 1944 s'explique aisément : c'est l'année où les AG ne paraissent pas. Or les trois quarts des collaborations multiples fonctionnent sur le schéma AG plus une autre revue. Pour l'anecdote, signalons que Pierre George est déjà l'un des géographes les plus productifs : il publie dans 3 revues du corpus en 1938, et dans 4 en 1943 (un seul auteur égale cette performance sur toute la période considérée, Maurice Pardé en 1936). Signalons que George collabore également à L'information géographique jusqu'en 1942.

Figure 6 : Nombre de collaborateurs à deux revues ou plus

 

1936

1937

1938

1939

1940

1941

1942

1943

1944

1945

Nombre

16

18

10

15

6

5

10

7

3

9

Proportion

0.13

0.15

0.1

0.13

0.08

0.06

0.11

0.07

0.04

0.11

Source : Beauguitte Laurent

De nombreux collaborateurs sont mobilisés ou s'engagent dès l'été 1939. La déroute militaire du printemps 1940 se solde par plus d'un million huit cent mille prisonniers dont 50% des officiers engagés (Azéma et al., 1993, p.99). Un certain nombre de géographes plus ou moins connus font partie de ces prisonniers (Pierre Birot, Henri Enjalbert, Jean Galtier, Louis Poirier, Jean Soulas...). Si certains sont rapidement libérés, il reste un million de prisonniers en terre allemande en 1945.

La figure 7 illustre cette baisse du nombre de collaborateurs, baisse qui frappe les différentes revues de façon variable. La stabilité apparente du nombre de collaborateurs aux ER, une fois le rythme normal de parution repris (1942), ne doit pas abuser. En effet, à partir de 1942, les auteurs du Bulletin de la Société de Géographie de Lyon et de la Région lyonnaise apparaissent dans les sommaires des ER.

Figure 7 : Nombre de collaborateurs par année et par revue

 

1936

1937

1938

1939

1940

1941

1942

1943

1944

1945

A.G

51

56

50

49

21

24

27

25

-

34

BAGF

18

18

18

20

16

15

16

19

16

15

BSLG

6

6

6

3

5

6

5

3

7

4

ER

18

17

15

30*

8

9

13

20

19

20

RGA

26

27

17

20

15

22

22

22

18

18

RGPSO

24

16

14

13

13

11

14

15

14

-

Total**

125

117

110

112

71

82

87

93

70

81

* le nombre élevé s'explique par la nature du fascicule 1-2-3, il s'agit en effet d'un compte rendu de congrès

** le total est différent de la somme, certains auteurs collaborant à plusieurs revues

Source : Beauguitte Laurent

Les auteurs juifs pouvaient continuer à publier dans les revues scientifiques. Le Statut des Juifs, adopté en octobre 1940 par Vichy, interdisait les professions suivantes  :  « directeurs, gérants, rédacteurs de journaux, revues, agences ou périodiques, à l'exception des publications de caractère strictement scientifique » (texte intégral reproduit dans Baruch, 1996, p.647-650). Les deux premières listes Otto des ouvrages interdits par la censure allemande (septembre 1940, juillet 1942) ne mentionnaient aucun auteur scientifique. Mais, interdits d'enseignement dès octobre 1940, donc privés de moyens d'existence, il est normal que certains Juifs choisissent l'exil. Seule une poignée d'universitaires juifs, dont Marc Bloch, a obtenu une dérogation lui permettant de continuer à enseigner. Jean Gottmann, assistant d'Albert Demangeon de 1934 à 1940, s'exile aux États-Unis en décembre 1941, il donne des cours à Princeton et élabore des cartes pour l'Armée américaine à Washington. Jacques Ancel est démis de ses fonctions fin 1940, puis emprisonné à proximité de Compiègne de décembre 1941 à mars 1942. Il est probable que le géopoliticien allemand Haushofer soit intervenu pour demander sa libération. Jacques Ancel meurt en décembre 1943 (Speckling, 1979).

La censure allemande se durcit au printemps 1942 (Dumoulin, 1997, p.49) et, en 1943, les Allemands contraignent les revues à déclarer l'absence de collaborateurs « non-aryens ». Si les revues n'obtempèrent pas, leur allocation de papier est supprimée et la revue disparaît (Duclert, 1997, p.186). Ce durcissement de l'attitude allemande explique que le nom de Gottmann cesse d'apparaître dans les revues étudiées de 1942 à 1944. Jean Gottmann est signalé comme membre à vie de l'A.G.F. fin 1941 (BAGF, 1941, n°140-141, p.89), il n'est pas crédité pour la co-réalisation de la carte mondiale de l'aridité des AG en 1942 (carte parue dans le n°288 d'octobre décembre). Les ER contournent le problème en cessant à partir de 1941 de fournir le nom des membres de la « Commission des Études rhodaniennes », peut-être pour des raisons « raciales », sans aucun doute pour des raisons politiques : Édouard Herriot, maire radical et inamovible de Lyon, opposant déclaré du régime de Vichy, était systématiquement le premier nommé dans cette liste d'une quarantaine de membres. Le même type de stratégie est adopté par le BAGF qui cesse de publier la liste de ses membres (dernière liste parue en 1939, n°118, p.15-31). L'explication est donnée clairement dans le Procès-verbal de l'Assemblée générale du 1ier février 1940 : « le Conseil a jugé bon de ne pas publier la liste des membres pour éviter les difficultés avec la censure » (BAGF, n°126-127, p.14).

Il était possible d'imaginer que, étant donné le nombre de prisonniers, le départ des collaborateurs juifs, et, à partir de 1943, l'application du STO, les femmes prendraient une plus grande place. La situation apparaît variable selon les années et selon les revues. Pourtant, que ce soit en proportion du nombre de collaborateurs ou du nombre de pages, les femmes n'ont pas pris, durant cette période, une importance accrue.

Figure 8 : Nombre de collaboratrices par année et par revue

 

1936

1937

1938

1939

1940

1941

1942

1943

1944

1945

A.G

1

1

2

2

0

0

0

2

-

0

BAGF

0

0

1

2

0

0

1

1

1

1

BSLG

0

0

0

0

0

0

1

0

0

1

ER

0

1

3

0

0

1

3

2

1

1

RGA

1

2

2

2

3

3

2

1

4

4

RGPSO

4

3

0

1

0

1

1

0

1

-

Total

6

7

8

5

3

5

8

6

7

7

Source : Beauguitte Laurent

Figure 9 : Proportion de collaboratrices par année et pourcentage de pages écrites par ces auteurs

 

1936

1937

1938

1939

1940

1941

1942

1943

1944

1945

Auteurs

0.05

0.06

0.07

0.06

0.04

0.06

0.09

0.06

0.1

0.09

Pages*

3

11

13

3

6

6

13

2

10

13

* quand une femme participe à un article collectif, le nombre de pages qui lui est attribué est égal au nombre total de pages divisé par le nombre d'auteurs Source : Beauguitte Laurent

Globalement, la guerre change peu la place des femmes dans les revues de géographie étudiées. Elles écrivent 7.5% des pages publiées de 1936 à 1939 et 7.4% des pages publiées de 1940 à 1944. Il ne serait pas très sérieux d'expliquer cette stabilité par la politique sexiste suivie par Vichy : la carrière universitaire de Jacqueline Beaujeu-Garnier commence en 1942 (Broc, 2001b, p.180), Germaine Veyret-Verner écrit dans la RGA pendant toute la période.

Pour conclure, il apparaît que les revues adaptent le nombre de collaborateurs au nombre de pages disponibles. Les AG se réduisant de moitié, le nombre de collaborateurs suit la même tendance. La RGA gardant la même densité tout au long de la période, le nombre de collaborateurs reste à peu près stable. Il faut rappeler que l'université française a peu souffert, dans son fonctionnement, durant l'Occupation. Le nombre d'étudiants et d'étudiantes augmente régulièrement, les cours sont assurés, les diplômes délivrés. Ce vivier d'étudiants étant l'une des deux grandes ressources des comités de rédaction, trouver des auteurs n'est pas un réel problème. Il est pourtant surprenant de trouver l'aveu suivant sous la plume de Raoul Blanchard : « profitant d'un peu de place disponible, nous donnons ici le chapitre sur la vigne (...) » (RGA, 1943, p.443). C'est sans doute la première fois depuis des décennies qu'il y a « un peu de place disponible » dans la RGA. Toutes les années précédentes, Raoul Blanchard se plaignait au contraire du manque de place (voir citation p.17).

Par contre, obtenir des informations, sous forme de statistiques, de revues ou d'ouvrages, est beaucoup plus difficile.

1.4. Obtenir livres et informations

Dès le déclenchements des hostilités, les échanges internationaux sont perturbés. La Géographie donne la liste des échanges interrompus par la guerre en décembre 1939 : elle compte 20 périodiques dont 8 allemands (tome LXXII, n°3, p.194). Par la suite, ce ne sont pas les périodiques de cette nationalité qui feront défaut. Les Actes de la Société de Géographie fournissent des informations très précieuses sur le fonctionnement de la bibliothèque et le volume des échanges. Fin 1942, la bibliothèque de la Société reçoit 40 revues dont 21 revues étrangères alors qu'elle en recevait 173 en 1939 (AG, 1943, n°289, p.77-78). En 1943, les échanges sont normaux avec cinq pays seulement : Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Norvège et Roumanie ; sur les 15 revues faisant l'objet d'un échange, 10 sont allemandes (AG, 1943, n°290, p.158-159). La présentation de la Bibliographie géographique internationale dans le BAGF est très claire à propos des obstacles rencontrés : cette « bibliographie de guerre [...] ne peut renseigner complètement sur les pays avec lesquels les communications sont devenues impossibles depuis 1940 » (BAGF, 1941, n°140-141, p.90). Le comptage effectué par Marie-Claire Robic sur les volumes de la Bibliographie Géographique Internationale illustre cette tendance : 2144 entrées pour le volume consacré à 1937 (paru en 1938), 2012 pour le volume de 1938 (paru en 1939), 1686 pour le volume portant sur 1939 (paru en 1941) et seulement 2138 entrées correspondant aux années 1940-1944 (paru en 1947) (Robic, 1991, p.558-559).

Le cas le plus flagrant du rétrécissement des sources d'informations est celui des AG (figure 10). La revue reçoit de moins en moins de livres, de moins en moins d'ouvrages étrangers et ces derniers proviennent d'un nombre de plus en plus réduit de pays. Le nombre de pays émetteurs varie avant la guerre entre 25 et 27, il descend à 21 en 1939, 13 en 1940 puis oscille entre 4 et 6 entre 1941 et 1945 (l'Autriche ayant été compté comme un État indépendant).

Figure 10 : Livres reçus par les Annales de géographie de 1936 à 1945

Source : Beauguitte Laurent

Les revues régionales souffrent moins de la perturbation des échanges. Le nombre de références de la « Bibliographie des Alpes françaises » ne connaît une chute brutale qu'en 1941. Raoul Blanchard s'en excuse d'ailleurs auprès des lecteurs avec les termes suivants :

« On voudra bien ne pas accueillir avec surprise la maigre gerbe que nous avons rassemblée ici. Elle ne présente guère, avec l'adjonction des laissés pour compte de 1939, qu'un volume inférieur de moitié à la normale. Lecteurs et chercheurs voudront bien faire la part des circonstances «  (Blanchard, 1941a, p.359).

Il faut préciser que la bibliographie parue en 1941 porte sur les travaux publiés l'année précédente. La même année, il écrit :

« ce qui nous fait le plus défaut, ce sont les comptes rendus critiques, car nous recevons peu, bien que certains échanges aient pu être repris » (Blanchard, 1941b, p.372).

Le cas de la Bibliographie pyrénéenne pose plus de problèmes : elle ne paraît pas chaque année, y compris en temps de paix. J'ai donc complété l'information pour la RGPSO en comptant le nombre d'ouvrages reçus et le nombre d'ouvrages chroniqués par année. Les informations ainsi obtenues semblent contredire la tendance générale : la revue reçoit un maximum d'ouvrages en 1943. Je n'ai pas d'éléments de réponse permettant d'expliquer ces chiffres. La démonstration est moins convaincante encore avec les ER : les variations observées concernent le nombre d'ouvrages chroniqués par année, elles sont peut-être dues à des modifications de la ligne éditoriale de la revue.

Figure 11 : Bibliographies provinciales

 

1936

1937

1938

1939

1940

1941

1942

1943

1944

1945

Bibliographie alpine*

98

82

85

71

92

45

75

80

77

59

Bibliographie pyrénéenne

54

48

-

39

31

-

-

38

-

*

RGPSO

21

31

28

12

12

23

12

32

11

*

ER

7

9

17

3

0

0

5

10

20

8

*cartes non prises en compte

Source : Beauguitte Laurent

Les revues internationales, à l'exception des revues allemandes, ne sont plus reçues par les géographes français. Philippe Pinchemel souligne que ces échanges ne reprennent pas à un rythme normal sitôt la guerre finie, et il y voit une raison du décrochage scientifique des géographes français par la suite, notamment vis à vis des géographies anglo-saxonnes (Pinchemel, 1984, p.13). Mais, s'il est difficile de recevoir les revues étrangères, recevoir les revues françaises n'est pas toujours plus aisé. La circulation paraît relativement facile dans le sens zone occupée / zone libre. Même si la censure de Vichy, installée à Clermont-Ferrand, a empêché la diffusion d'ouvrages autorisés en zone occupée, AG et BAGF sont reçus et commentés à la RGA, et les ouvrages édités à Paris sont chroniqués dans les revues provinciales.

Par contre, la circulation paraît plus difficile dans le sens inverse. Ce qui est publié en zone sud jusqu'en 1942 doit être soumis au Syndicat des éditeurs parisiens qui soumet, à son tour, les manuscrits aux deux bureaux allemands s'occupant de la censure, bureaux qui fusionnent en 1942 (Fouché, 1987, II, p.135). Les délais de réception se trouvent donc allongés. Les tomes du BSLG conservés à l'Institut de Géographie portent la marque de ces difficultés : le tome de 1942 est reçu le 8 février 1945 (tampon sur la couverture), le tome de 1943 porte inscrit au crayon la date 1946 (on peut supposer qu'il s'agit de la date de réception). Le volume des ER de 1942 porte un tampon daté du 3 février 1944. Le volume de 1943 porte la note manuscrite suivante : « date d'arrivée 16-6-44 ». Il serait tout à fait utile de compléter ces informations éparses en étudiant la diffusion des revues pendant la période. Il est fort probable qu'une des raisons de la hausse des abonnements soit, en plus de la pénurie de papier, les obstacles à la diffusion, que ce soit en direction des pays étrangers ou de la zone occupée.

Les informations livresques ne sont pas les seules à devenir plus difficiles à obtenir pendant l'Occupation. Travaillant sur le réseau aérien, René Crozet écrit « à partir de cette période [septembre 1939], les informations se sont raréfiées ou ont été, plus qu'auparavant, plus ou moins faussées par l'esprit de propagande » (Crozet, 1940, p.214). Un chroniqueur des livres reçus dans les AG en 1942 signale que « nous ne disposons plus, à l'heure actuelle, de l'Annuaire statistique de la Société des Nations » (p.225). La rédaction des ER présente un article en précisant « on ne s'étonnera pas de ce que notre collaborateur, mobilisé, et manquant actuellement d'informations pour la période de guerre 1939-1940, ait laissé dans son état initial son manuscrit » (ER, 1941, p.117). Dans la même revue, en 1941, J. Willemain précise que « ce manque de renseignement, joint à la carence totale des statistiques pour les années de guerre et l'année immédiatement précédente (1939) nous a interdit de citer aucun chiffre » (Willemain, 1941, p.277). Citons enfin Charles Robequain qui en 1944 écrit : « les circonstances nous empêchaient d'utiliser d'autres documents que ceux trouvés dans la métropole [...] pour les colonies étrangères, les difficultés d'information étaient encore plus grandes » (Robequain, 1944, p.96-97). L'ardeur administrative de Vichy a permis à certains géographes de compenser partiellement ces difficultés d'accès à l'information. Il est cependant erroné de prétendre, comme l'a fait Aimé Perpillou juste après guerre, que les géographes n'étaient pas autorisés à publier des articles contenant des statistiques économiques, même périmées12(*) (Perpillou, 1946, p.50). Mais l'occupation ne fait pas que limiter la mobilité des revues et des livres, les déplacements personnels eux aussi deviennent plus difficiles.

1.5. Des géographes limités dans leurs déplacements

La période 1940-1944 n'était pas la période idéale pour se déplacer en toute liberté, que ce soit à l'intérieur du territoire, ou plus encore à l'étranger. Franchir la ligne de démarcation nécessitait un laisser passer, se déplacer en automobile une autorisation, et la zone interdite était inaccessible (voir notamment Noiriel, 1999, p.162-171). Certes, des géographes ont pu voyager pendant la période : Jacques Richard-Molard fait ses premières armes en Afrique en 1941-1942 (Pinchemel et al., 1984, p.225) et Gilles Sautter accomplit en compagnie de Pierre Gourou une mission de janvier à juillet 1942 en A.O.F (BSLG, 1944, XV, n°1, note p.3). Raoul Blanchard est à Lyon fin 1941 (Bonnoure, 1942, p.63), il assiste à Toulouse en 1942 à la soutenance de thèse de Lucien Goron (Faucher, 1942c, p.390), mais il doit interrompre ses voyages annuels au Canada. Emmanuel de Martonne est à Lyon début 1944 (Leclerc, 1944, p.84), André Allix assiste aux réunions parisiennes de 1943 préparant l'agrégation de géographie (Dumoulin, 1990, p.249), Jean Sermet obtient, avec retard, un visa lui permettant de se rendre en 1943 au congrès de géographie de Grenade (RGPSO, 1943, p.239). Mais ces quelques exemples ne peuvent masquer la difficulté des déplacements. Henri Gaussen renonce à un nouveau voyage au Portugal où il comptait compléter sa documentation (Gaussen, 1940, p.219), les excusions de l'AGF sont suspendues, un jury pour l'agrégation doit être organisé en zone libre.

Les déplacements étant plus difficiles, les articles portant sur la France se font sans doute plus nombreux pendant la guerre. Pour le BAGF, j'ai divisé le nombre de communications portant sur la France métropolitaine par le nombre de communications totales. Pour les AG, le nombre d'articles, de notes et de chroniques13(*) portant sur la France métropolitaine a été divisé par le nombre total d'articles, de notes et de chroniques.

Figure 12 : La part de la France dans les revues parisiennes (1)

 

1936

1937

1938

1939

1940

1941

1942

1943

1944

1945

 

A.G

0.16

0.2

0.22

0.20

0.26

0.25

0.14

0.20

-

0.25

 

BAGF

0.63

0.32

0.58

0.45

0.54

0.6

0.55

0.73

0.7

0.53

 
 

Source :Beauguitte Laurent

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Le recours à une représentation graphique permet de mieux mettre en évidence les tendances observables.

Figure 12bis : La part de la France dans les revues parisiennes (2)

Source : Beauguitte Laurent

Cette tendance paraît se vérifier à peu près à l'aide de cet indicateur pour le BAGF, peu pour les AG. Calculer la proportion d'articles consacrés à la France par rapport aux articles paraissant sur l'Europe permet d'obtenir des résultats plus conformes à l'hypothèse formulée (voir figure 13). Se limiter aux articles et délaisser notes et chroniques est l'optique choisie en 1965 par McDonald pour étudier la production des Annales de géographie. Ce choix expose au risque de négliger des informations importantes : McDonald affirme par exemple qu'aucun article sur la situation démographique française n'a pu paraître durant la guerre faute de statistiques disponibles (McDonald, 1965, p.130). La situation démographique a pourtant été abordée à plusieurs reprises dans les chroniques, dans les notes et dans la rubrique « Statistiques récentes ».

Figure 13 : La part de la France dans les articles sur l'Europe dans les AG

1936

1937

1938

1939

1940

1941

1942

1943

1945

0.46

0.9

0.73

0.81

0.75

0.67

0.8

0.67

1

Source : Beauguitte Laurent

1.6. Les bénéfices secondaires

Une période de restriction s'accompagne logiquement de rationnement et d'une volonté de contrôle plus grande. Vichy a multiplié les formulaires administratifs permettant de surveiller et de gérer la population (Noiriel, 1999, p.162-171). L'utilisation de ces documents a été d'une grande utilité pour certains géographes. Ainsi, l'utilisation des cartes d'alimentation permet le recensement des populations, que ce soit en France (AG, 1942, n°286 « Statistiques récentes », p.155) ou en Bohême-Moravie (Meynier, 1942, p.229). Elle s'avère également très utile à Raoul Blanchard pour étudier l'émigration dans les Alpes. Jean de Beauregard écrit en effet : 

« les "fiches bis des cartes d'alimentation" portaient l'adresse de ceux qui avaient quitté le pays et étaient renvoyées à la mairie du lieu de naissance qui les conservait. De sorte qu'il était possible de connaître, à l'unité près, la destination des émigrés » (In memoriam Raoul Blanchard, 1966, p.25-26).

Colette Laffond, élève de Raoul Blanchard, utilise le même outil pour étudier les transformations de l'économie dans les Gradins de Forcalquier (Laffond, 1945, p.95). Il est permis de supposer que d'autres géographes ont utilisé les données produites par Vichy, à condition bien entendu qu'ils aient pu y avoir accès. Les géographes n'ont pas été les seuls à bénéficier de tels effets secondaires positifs. Alfred Sauvy écrit ainsi qu' « actuellement, le rationnement alimentaire fournit un nouveau moyen de recensement » (Sauvy, 1944, p.13) et que le contrôle des étrangers est facilité par « les réglementations nouvelles : carte de travailleur, carte d'alimentation » (id., p.20).

1.7. La petite guerre dans la grande : Blanchard vs de Martonne

Le conflit entre « École de Grenoble » et « École de Paris », ou plus exactement l'inimitié profonde entre Emmanuel de Martonne et Raoul Blanchard, débute dès 1910. L'aspect scientifique du conflit porte sur les hypothèses géomorphologiques concernant la formation des Alpes, et les rôles respectifs de l'érosion fluviale et de l'érosion glaciaire. L'hostilité personnelle est tout aussi importante, et il est possible d'interpréter ce conflit comme une volonté d'autonomie de la part de Raoul Blanchard (Broc, 2001b). Le contexte dramatique de la période ne justifie visiblement pas l'arrêt des hostilités entre les deux écoles. Il est probable que certaines allusions m'aient échappé et que de nombreux articles de géographie physique que Raoul Blanchard prend un plaisir visible à démolir dans son « Bulletin bibliographique des Alpes françaises » annuel aient été écrits par des représentants de « l'école parisienne ».

Les élèves de Raoul Blanchard n'insistent pas sur ce conflit mais l'évoquent de façon transparente pour les lecteurs géographes de l'époque. André Allix, dans son compte rendu des Étapes de la géographie de René Clozier, écrit :« il présente maintes citations ; le choix est bon, et l'on ne s'étonnera pas que la part des maîtres parisiens y ressemble à celle du lion » (Allix, 1944, p.95). Le même, commentant le tome de la Géographie Universelle sur la France physique d'Emmanuel de Martonne, parle d'un texte « assez inégalement prodigue de mentions » (Allix, 1943c, p.250).

Le ton est comme toujours beaucoup plus tranchant avec Raoul Blanchard. Commentant un article de Jean Chardonnet, élève d'Emmanuel de Martonne, il écrit « M. Chardonnet [...] a envahi au mépris de toute équité le domaine d'études que s'était réservé avant lui P. Veyret [...] Nous apprenons aussi que le rôle des glaciers a été nul en montagne et qu'il n'y a eu qu'une glaciation. Cela promet » (Blanchard, 1943a, p.252). Et il est amusant de citer le compte rendu intégral consacré à l'ouvrage d'Emmanuel de Martonne concernant la France physique : « Les Alpes sont étudiées de la p.141 à la p.195. On notera avec intérêt qu'au cours du développement, aucune allusion n'est faite aux travaux du géographe qui se consacre depuis 37 ans à l'étude des Alpes françaises » (id., p.255). Il est peu probable qu'un volume de la Géographie Universelle ait fait auparavant l'objet d'un compte rendu aussi lapidaire.

Les revues scientifiques en général, et les revues de géographie en particulier, continuent à paraître pendant l'Occupation, que ce soit en zone occupée ou en zone libre. Poursuivre ses recherches, les publier, les diffuser, est un devoir patriotique, un moyen d'affirmer que, malgré les restrictions et le manque d'informations, la science française continue de progresser. Si étudier l'aspect quantitatif de la production ne pose pas de problème majeur, il est plus délicat d'en évaluer l'aspect qualitatif pour tenter de répondre à la question suivante : les géographes ont-ils été sensibles à l'idéologie pétainiste ? Un changement de ton est-il perceptible dans les articles parus entre 1940 et 1944 par rapport aux articles publiés entre 1936 et 1939 ?

Deuxième partie

Des revues sous Vichy

« La stratégie globale est facile à comprendre : faites subir tout ce que vous pouvez à la littérature qui précède afin qu'elle se prête du mieux possible à ce que vous avez l'intention de soutenir. »

Bruno Latour, 1995 (1ière éd.1987), La science en action, p.97

La relation éventuelle entre les thématiques des géographes et les discours du régime de Vichy est un sujet qui a peu été traité jusqu'à maintenant. L'implication de certains géographes dans les travaux de la DGEN (commission Dessus) est maintenant bien connue (Couzon, 2001 ; Markou, 2005, p.62-79), l'intérêt des géographes de l'époque pour le monde rural est fréquemment évoqué (Chanet, 1994), mais l'aspect idéologique a été, à ma connaissance, peu étudié. Paul Claval a montré l'absence de dimension fasciste dans les travaux des géographes français dans les années 1930 (Claval, 1997). Les travaux de Jean-Louis Tissier concernent principalement l'utilisation de la méthode Deffontaines par l'école des cadres d'Uriage (Tissier, 2001). Une communication non publiée de Marie-Claire Robic et Jean-Louis Tissier s'interroge à propos d'un article d'André Cholley paru dans L'information géographique en 1941, mais sans apporter de réponse claire (Robic, Tissier, 1989). Le fonctionnement des universités pendant l'Occupation et à la Libération ainsi que les conséquences universitaires de la politique antisémite de Vichy sont connus (Gueslin 1994, Singer 1992 et 1997). Mais il manque l'équivalent pour les géographes de ce qu'Olivier Dumoulin a réalisé pour les historiens (Dumoulin 1990 et 1997), c'est à dire une étude des rapports entre la production scientifique des géographes et le régime de Vichy.

Certains auteurs semblent considérer la question résolue : Jean-Louis Tissier écrit ainsi que la création de l'agrégation de géographie s'explique :

« en partie par les relations personnelles et influentes d'Emmanuel de Martonne (élu à l'Académie des Sciences en 1943), mais aussi par le fait que l'École française de géographie soutient les thèmes proches des préoccupations politiques de l'époque : retour à la terre, régionalisation, exaltation de l'Empire colonial [...] » (texte repris dans son HDR, p.73).

L'influence d'Emmanuel de Martonne ne fait aucun doute, mais le lien supposé entre les thèmes des géographes français et les préoccupations politiques est plus contestable. Les géographes français s'intéressent au problème de la région depuis des décennies, de Paul Vidal de la Blache à Raoul Blanchard sans oublier Jean Brunhes ou Daniel Faucher. L'exaltation de l'Empire colonial est à l'origine de la création de nombreuses sociétés de géographie. Quant au seul géographe ayant prôné le retour à la terre, il l'a fait, non dans des articles scientifiques, mais dans un roman écrit en 1941 (Lucien Gachon, 1943, La première année). Les préoccupations politiques de Vichy n'ont pas surgi brutalement en juin 1940, elles n'ont pas non plus disparu comme par enchantement en juin 1944. La majorité des historiens de la période insistent au contraire sur la très grande continuité entre les politiques menées et les discours tenus entre la fin de la IIIe République, le régime de Vichy et le début de la IVe République (Hoffmann 1961, Paxton 1973, Azéma 1979, Burrin 1995). Les rares aspects politiques originaux de Vichy concernent la lutte contre « l'ennemi intérieur », qu'il soit Juif, Franc-maçon ou communiste.

Les géographes ont pu trouver refuge dans la géographie physique pour éviter les problèmes avec la censure, que ce soit celle de Vichy, installée à Clermont-Ferrand, celle des éditeurs parisiens ou la censure allemande. À l'inverse, profitant d'une conjoncture favorable, ils ont peut-être appuyé le discours ruraliste du régime de Vichy, tout en fustigeant l'urbanisation et l'industrialisation à outrance. L'Empire colonial représentant, avec la Marine, l'un des deux atouts de Vichy pour négocier avec l'Allemagne, il peut être utile d'étudier le contenu des articles de géographie coloniale. Autre préoccupation essentielle, la question démographique et, ce qui apparaît à l'époque comme sa conséquence logique, le problème des étrangers : comment sont-ils traités avant et après 1940 ? Y a t'il enfin, non dans les actes14(*) mais dans les écrits, des marques de soutien ou au contraire des marques d'hostilité au régime en place ?

2.1. Un refuge dans la géographie physique ?

Ce qui est considéré comme article par les différents comités de rédaction a été réparti en deux classes : physique et autres. L'objectif était de déterminer si, comme l'affirme à propos des AG McDonald (1965, p.126), les géographes de l'époque se réfugient dans la géographie physique, a priori moins sujette à polémique15(*), si ce n'est entre « école de Grenoble » et « école de Paris ». Le corpus a été divisé en revues de la zone occupée - ou revues parisiennes - et revues de la zone libre - ou revues régionales. Il est en effet possible qu'une plus grande proximité géographique avec l'occupant entraîne une plus grande prudence. Que ce soit d'un point de vue global, ou revue par revue, cette tendance n'apparaît pas clairement. Les moyennes annuelles pour la période 1936-1939 et 1940-1944 sont respectivement de 0.43 et 0.45 pour les revues parisiennes et de 0.34 et 0.38 pour les revues régionales.

Figure 14 : Proportion d'articles de géographie physique par année

 

1936

1937

1938

1939

1940

1941

1942

1943

1944

1945

Revues parisiennes

0.40

0.36

0.49

0.50

0.46

0.41

0.48

0.47

0.41

0.48

Revues régionales

0.32

0.26

0.24

0.52

0.43

0.39

0.44

0.28

0.38

0.24

Source : Beauguitte Laurent

Le seul indicateur d'une telle tendance réside dans le contenu des « Actualités » paraissant dans les Annales de géographie. Celles-ci font, avant guerre, une grande place aux événements politiques, notamment à ceux liés aux conflits en Asie et aux ambitions allemandes. Elles disparaissent en 1940. En 1941, la rubrique réapparaît, mais porte presque exclusivement sur la géographie physique (événement climatique, tremblement de terre). Les rares actualités politiques sont anodines et / ou concernent des pays lointains. Ainsi, en 1941, dans le n°281, les deux informations politiques concernent respectivement la Thaïlande et Tanger (p.68). La tendance est plus nette encore pour l'année 1942, seuls trois faits de géographie humaine sont signalés : l'achèvement d'un tunnel à Rotterdam (n°285, p.63), l'unité de la colonie portugaise du Mozambique (n°287, p.227) et le changement par les Japonais d'un toponyme urbain (n°288, p.301). La situation se rétablit légèrement en 1943, 8 faits de géographie humaine sont signalés. L'autocensure des auteurs apparaît ici de façon évidente.

La même dépolitisation contrainte apparaît dans les pages « Statistiques récentes » des AG. Instaurées en 1937, elles visent à donner les dernières informations économiques disponibles sur les grands pays occidentaux, la France, ses colonies, et les principales matières premières. Or en 1941, les statistiques données concernent « le monde souterrain » : les gouffres les plus profonds, les cavernes les plus vastes...(A.G, 1941, p.159-160). Hormis ces deux exemples, les géographes ne semblent pas se réfugier dans la géographie physique.

Bien au contraire, certains n'hésitent pas à aborder l'actualité de façon frontale. Les conséquences des restrictions d'énergie sont étudiées par de multiples auteurs, que ce soit pour étudier les modifications dans les transports, l'intensification de l'exploitation forestière ou la reprise de l'exploitation de certains gisements : « actuellement, avec les transports très réduits de la période de crise que nous traversons, une reprise temporaire de l'exploitation peut offrir un certain intérêt » (Perret, 1943, p.35), « les transports par route ont pratiquement cessé, faute de combustible. Le rail a reconquis provisoirement ses anciens clients [...] Mais il s'agit d'une situation exceptionnelle » (Mercier, 1941, p.675). Jean Suret-Canale signale les « conditions toutes spéciales » qui voient la concurrence des transports automobiles supprimée, « l'intensification active de l'exploitation du bassin houiller tarnais depuis l'armistice » et la « disparition de la houille anglaise » (Suret-Canale, 1942, p.340-341).

Les conséquences directes du conflit au niveau démographique et économique sont également abordées. Le sort des prisonniers, des déplacés, des Alsaciens et des Lorrains « évacués à l'intérieur » est régulièrement évoqué (voir par exemple AG, 1942, n°290, p.156). Les « difficultés de main d'oeuvre et la pénurie de matériaux » sont évoquées (Messines du Sourbier, 1942, p.626) tout comme «les réfugiés et les prisonniers de guerre » (Coppolani, 1942, p.20). Un article tout à fait étonnant de J. Servas, article d'ailleurs omis dans la table des matières du BAGF, décrit de façon très claire les conséquences de la guerre sur l'agriculture marnaise : manque de main d'oeuvre, réquisition des cheveux, rareté du carburant, des engrais, hausse des prix (Servas, 1942, p.141-144). Dans les Études rhodaniennes, l'année suivante, le constat est similaire : manque d'engrais, pénurie de transports, hausse des prix, restrictions de la consommation d'électricité (Lanier, 1943, p.88-89). L'aspect exceptionnel, provisoire, de ces transformations est chaque fois souligné par les auteurs. Les géographes de l'époque, loin de se réfugier dans une tour d'ivoire, décrivent et expliquent ce qui se passe autour d'eux. Ainsi, dès la fin 1940, un article sur les réfugiés alsaciens est publié dans la RGPSO (Luxembourg, 1940).

2.2. « Géographie rurale » et retour à la terre

Le discours de certains géographes sur l'histoire de la géographie « classique » est parfois étonnant. Paul Claval écrit par exemple « les spécialistes du monde rural sont les agents d'idéologies conservatrices, voire franchement passéistes. Les géographes n'échappent pas à la règle » (Claval, 1998, p.189). André-Louis Sanguin prétend qu'à partir de 1945, la géographie française « ne peut plus continuer à occulter les espaces urbains et à fabriquer de belles monographies sur des espaces figés » (Claval, Sanguin, 1996, p.335). L'article beaucoup plus nuancé de Jean-François Chanet reprend en partie ce discours, il affirme à propos des géographes que « leur regard reste surtout tourné vers le passé » (Chanet, 1994, p.11). De là à faire des géographes des partisans du retour à la terre, il y a une marge difficile à franchir. L'étude des articles de ce qui n'est pas considéré à l'époque comme de la géographie rurale (voir la mise au point de Plet, 2003) permet d'infirmer nombre de ces affirmations. Le monde rural étudié par les géographes n'est certainement pas dans les années 1930 et 1940 un monde figé. Il s'agit bien au contraire d'un monde en pleine transformation : transformation des cultures et des modes de production, de l'habitat, des moeurs, bouleversement démographique (voir Paxton, 1996, « La triple crise de la paysannerie française », p.23-85). Tous les auteurs sans exception insistent sur les changements en cours. Qu'ils s'intéressent aux espaces ruraux ne doit pas surprendre, il suffit de rappeler qu'en 1936, un tiers de la population active est agricole (Moulin, 1988, p.180). Et l'abondance de monographies sur des « petites patries » à dominante rurale semble être en partie la conséquence du mode de fonctionnement des Instituts de Géographie provinciaux. Les Alpes sont ainsi découpées en territoires, territoires qui feront chacun l'objet d'un mémoire de DES, mémoire qui a ensuite de fortes chances d'être publié dans la RGA (7 DES publiés sur 9 présentés de 1937 à 1941). Grenoble étant la chasse gardée de Raoul Blanchard depuis 1916, il est normal de rencontrer tant d'études sur des vallées rurales dans la Revue de géographie alpine.

Il convient également de rappeler que ce n'est pas Vichy mais toute la IIIe République qui met à l'honneur les vertus campagnardes. Les travaux d'Anne-Marie Thiesse (1991, 1997) et de Jean-François Chanet (1996) montrent comment le discours républicain et ses prolongements scolaires ont promu les valeurs supposées du monde rural : stabilité, prévoyance, modération, enracinement. Ce thème a son origine dans les fondations mêmes de la IIIe République : louer les vertus paysannes doit favoriser le ralliement des paysans à la République après l'écrasement de la Commune de Paris. Ce discours n'est d'ailleurs pas le privilège d'un parti politique : L'Humanité publie un feuilleton en 1911 pour combattre la dépopulation des campagnes, le feuilleton se termine par un chapitre intitulé « Résurrection » qui décrit le retour à la terre de l'héroïne (Thiesse, 1991, p.189). Ajoutons enfin qu'après la première guerre mondiale, le paysan français est considéré par l'opinion comme le sauveur du pays, celui qui a payé « l'impôt du sang » pour défendre ses terres.

Les termes utilisés pour décrire les transformations en cours et le « fléau de la dépopulation » ont été relevés dans les articles parus dans les revues du corpus de 1936 à 1945. L'objectif était d'évaluer la pénétration, à partir de 1940, des idéologies pétainistes dans le champ scientifique. L'ouvrage de Marcel Braibant (1943) - propagandiste vichyssois qu'Abetz a fait libérer au début de la guerre (Burrin, 1995, p.378) - a servi de point de comparaison. Une approche quantitative a été tentée puis abandonnée. En effet, la catégorie « géographie rurale » fonctionne très mal pour les articles de l'époque. En fonction des critères d'inclusion retenus, il est facile de prouver tout et son contraire. De nombreuses monographies portent sur des espaces à dominante rurale, mais les villes y sont traitées. D'autres articles s'apparentent davantage à la géographie économique ou à la géographie de la population. Les géographes n'utilisent pas cette catégorie pendant la période, j'ai jugé plus sage d'agir de même.

Les termes employés pour décrire l'habitat traditionnel sont en général extrêmement péjoratifs : « misérables bâtisses », « tout paraît pauvre, étriqué, étrangement désuet » (Lhéritier, 1937, p.628), le même auteur écrit un peu plus loin : « la vue de ces maisons rustiques évoque un long passé de médiocrité ou de pauvreté » (id., p.646). Les descriptions évoquent « l'aspect sombre des intérieur : cheminée noire, murs gris, plafond noir » (Veyret, 1936, p.853) ou une maison qui « est partout sale et sans hygiène » (Duroselle, 1943, p.292). Les maisons anciennes donnent une « impression misérable » et où règne « l'absence de confort et d'hygiène » (Mory, 1939, p.462). Le ton est le même pour décrire les bâtiments d'exploitation : étables « obscures, mal aérées [...] mal tenues, fangeuses » (Ombret, 1937, p.181), ou bien « basses, sombres et malsaines » (Amalric, 1937, p.232). Les modes d'exploitation traditionnels ne sont pas davantage mis à l'honneur et les termes « archaïque », « inadapté » et « désuet » reviennent très fréquemment avant comme après 1940.

Les transformations des modes d'exploitation (remembrement, mécanisation, spécialisation) sont louées de façon quasi unanimes : « formes nouvelles, mieux liées à la vie économique moderne » (Ombret, 1936, p.171), « partout des fermes aménagées, agrandies, des constructions neuves » (Christophe, 1942, p.157), « progrès généraux de la vie agricole» (Sentou, 1941, p.316), « la production [...] fait circuler l'aisance dans le pays, elle oblige le paysan à sortir de ses habitudes. Elle le pourvoit de moyens nouveaux, elle ouvre son esprit vers des progrès intéressant peu à peu toute la vie rurale » (Orue, 1941, p.450). L'enrichissement des agriculteurs se traduit notamment par des transformations de l'habitat et les avis se font plus nuancés. Tous louent les progrès de l'hygiène et du confort mais rares sont ceux qui vont jusqu'à se réjouir du changement du mobilier : « on apprécie cependant la solide banalité [des pièces de mobilier ancien] quand elles se juxtaposent à ces meubles de pacotille qui commencent à encombrer les logis paysans » (Sauvan, 1942, p.358), « les meubles modernes viennent détruire l'originalité faite d'une adaptation autrefois mieux conçue » (Jourdan, 1938, p.119). Des formules positives apparaissent cependant : « à la lourde table de chêne massif succède un meuble plus maniable » (Mory, 1939, p.464), « un mobilier plus moderne et plus confortable » (Méjean, 1939, p.205). La majorité des auteurs, tout en se réjouissant du « progrès dans la manière de vivre », regrette « la perte de ce qui faisait le charme de la maison traditionnelle » (Faucher, 1945, p.252).

Le sujet le plus constamment évoqué à propos du monde rural est le « fléau de la dépopulation » et sa conséquence paysagère, la multiplication des ruines. Le sujet a été traité par Jean-François Chanet (1994) et je passerai sur ce thème beaucoup plus rapidement que ne le firent les géographes de l'époque. Ceux-ci utilisaient un modèle théorique parfaitement résumé par Henri Onde, l'émigration était « un moyen de proportionner sa population à ses ressources, de parvenir à un équilibre [...], d'échapper à une surcharge dangereuse et à la misère » (Onde, 1942b, p.392). Tous les auteurs insistent sur la surcharge démographique des campagnes autour de 1850 et tous insistent également sur le caractère nécessaire de l'émigration. Ce qui échappe à la compréhension des auteurs, c'est qu'un pays continue à perdre des habitants alors qu'il pourrait très bien faire vivre confortablement toute la population restante. Cette incompréhension est tout à fait nette lorsque Raoul Blanchard, à propos du Québec, écrit qu'il est « affligeant » de découvrir les « méfaits » de l'émigration dans « une région où la moitié du sol reste inculte » (1937a, p.130), ou que « le voyageur s'étonne de ne trouver que 1000 âmes dispersées dans un secteur qui pourrait en faire vivre 20000 » (1938, p.91). La poursuite de l'émigration, une fois dépassé cet état d'équilibre, inquiète et désole la plupart des géographes pendant toute la période. Il y a là un phénomène que les contemporains jugent anormal : « la dépopulation progressive que nous allons retracer n'aurait pas dû se poursuivre jusqu'à la désertion presque absolue » (Veyret, 1941, p.514). Ses effets positifs sont cependant soulignés : Philippe Arbos, dans son compte rendu de la thèse de Lucien Gachon, après avoir évoqué « l'extension lamentable des friches »,  « les ruines villageoises », « un air d'abandon qui serre le coeur » écrit qu'ensuite « on a assisté au progrès d'un paysage naturel de pelouses et de forêts, à la reconstitution des réserves en terre, en eau, en humus, au remembrement de la propriété, à la décongestion des vieux villages » (Arbos, 1941, p.528). Henri Gaussen évoque à plusieurs reprises les conséquences bénéfiques de la dépopulation sur la flore (Gaussen, 1937, p.363 et 368). Et un auteur écrit en substance que les tares résultant de mariages consanguins sont moins nombreuses depuis que la dépopulation oblige à chercher son conjoint plus loin (Delaruelle, 1943, p.58). Des arguments nouveaux apparaissent après guerre pour déplorer cette « désertion » : il convient d'éviter une « hémorragie mortelle telle qui accumulerait des charges administratives trop lourdes pour une population réduite » (Smotkine, 1945, p.128).

Si l'exode rural est décrit comme un drame, aucun géographe ne croit au retour à la terre. Il importe de rappeler que là encore, Vichy n'invente rien. Un Comité de retour à la terre, placé sous l'autorité du Ministère de l'Agriculture, est créé en 1922 (Faure, 1987, p.107), et de nombreux romans et feuilletons publiés dans les années 1930 illustrent la popularité du thème. Le ton est parfois nuancé : « il est à supposer et à craindre [que] toutes les cultures abandonnées des Alpes Maritimes ne puissent être rendues à leur vocation primitive » (Dugelay, 1943, p.164).  Il est parfois beaucoup plus explicite : « il ne faut pas compter sur le "retour à la terre"  pour repeupler la montagne » (Fourchy, 1943, p.186), « Prêcher le retour à la terre et décrire les joies de la campagne est bien ; mais il est à croire que ceux qui les décrivent et les prêchent n'ont jamais habité dans le cadre sinistre de Callibet » (Defos du Rau, 1944, p.53). À ma connaissance, le seul géographe ayant prôné sous Vichy le retour à la terre est Lucien Gachon, mais il l'a fait dans son oeuvre romanesque (voir l'analyse de Thiesse, 1991, p.274-280), et ce thème n'apparaît pas dans ses articles scientifiques. La lecture de sa thèse principale et de sa thèse complémentaire, celle de ses articles parus pendant l'Occupation, montre au contraire un géographe certes amoureux de son terrain et fort peu sensible au monde urbain, mais nullement un propagandiste à la Braibant. Ce dernier voit dans le retour à la campagne et à l'artisanat traditionnel le remède au chômage, à la dénatalité et aux conflits sociaux (Braibant, 1943, p.141-142). Aucun géographe ne croit à sous Vichy que le retour à la terre soit une solution viable - la politique d'aide à l'installation en milieu rural a d'ailleurs été un échec total, moins d'un millier de familles ayant cédé aux charmes de la campagne malgré une propagande intense (Giolitto, 1991, p.26). Si Vichy a mis les campagnes à l'honneur, c'était en partie pour lutter contre les supposées « industrialisation et urbanisation à outrance ». Les géographes classiques ayant une réputation tenace - et discutable - des ruralistes indécrottables, il est apparu intéressant d'étudier la façon dont ils traitent avant et après l'armistice de 1940 des villes et de l'industrie.

2.3. Urbanisation et industrialisation à outrance ?

« Le développement des villes domine tous les phénomènes démographiques de notre époque »,

Léon Aufrère, 1936, p.465.

« C'est autour d'une ville que se cristallise aujourd'hui toute région »,

Georges Chabot, 1941, La Bourgogne, p.213

La méthode retenue a une nouvelle fois été exclusivement qualitative : j'ai relevé les termes utilisés pour évoquer les villes et les industries. Il est certes plus aisé de constituer une classe d'articles « géographie urbaine et industrielle » qu'une classe d'articles « géographie rurale ». Pourtant, là encore, j'ai abandonné ma tentative de quantification. La définition des critères d'inclusion permet de prouver, au choix, que la place de cette branche diminue, qu'elle augmente ou encore qu'elle reste stable durant la période. Il suffit d'inclure ou non les chroniques et les notes, d'exclure ou non les articles liés à l'approvisionnement ou aux transports. Un alignement de citations me paraît donc intellectuellement plus honnête, malgré l'aspect peu convaincant de la démarche.

La légende d'une géographie urbaine dont la montée serait « perceptible à partir de 1955 » (Claval, Sanguin, 1996, p.9) a été clairement réfutée par Marie-Claire Robic qui note un tel regain dans les années 30 (Robic, 2003, p.117-122). Les géographes des années 1930 et 1940 s'intéressent aux villes, à leurs aires d'influence, à la façon dont elles polarisent l'espace régional. Et lorsqu'un auteur néglige l'étude des villes dans un ouvrage ou une thèse, les chroniqueurs le regrettent systématiquement. Ainsi, chroniquant un ouvrage sur la Méditerranée, Albert Demangeon écrit « personne ne se consolera de ne pas trouver, dans cet excellent livre, un chapitre sur les villes » (Demangeon, 1937, p.308). Maurice Pardé, chroniquant un ouvrage sur la géographie des montagnes, s'étonne : « des faits capitaux comme l'activité industrielle, ou les voies de communication, sont passés sous silence [...] Enfin l'auteur paraît oublier qu'il existe dans les montagnes des villes » (Pardé, 1938, p.630). Et lorsque André Allix publie un compte rendu globalement élogieux de la thèse de Lucien Gachon, il « s'étonne du silence fait sur les rapports avec Paris, Lyon, voire même Clermont-ferrand à 35 km » (Allix, 1943a, p.101).

Si les géographes soulignent fortement l'archaïsme de l'habitat rural traditionnel, ils insistent de façon identique sur les dangers de la ville ancienne. Dans les articles, l'opposition est systématique entre les miasmes des quartiers centraux et le caractère hygiénique des quartiers périphériques récents. Les quartiers centraux de Limoges sont « malsains », les rues y sont « encombrées d'immondices et d'eaux stagnantes », certains endroits étant décrits comme des « foyers d'épidémie » (Perrier, 1938, p.369-372). Le centre de Toulouse est marqué par « l'étroitesse des cours, l'absence de soleil, voire de lumière, aux étages inférieurs », les appartements y sont humides et manquent de confort, « bon nombre de ces vieilles maisons sont des taudis » (Coppolani, 1942, p.30). Le développement de Marseille pose de « redoutables problèmes d'hygiène et de logement, de circulation » (Pierrein, 1939, p.332). Les transformations des vieux centres villes sont systématiquement décrites de façon positive, excepté chez Jean Coppolani qui maugrée à longueur de pages sur presque tous les aspects architecturaux en usage depuis la fin du XVIIIe siècle.

Quant au développement des cités ouvrières, il fait l'objet de descriptions élogieuses : « maisons ouvrières modernes, propres et saines, accompagnées d'un petit jardin » (Coppolani, 1942, p.52), « constructions coquettes [qui apportent] un cachet de propreté et d'aisance » (Pradalié, 1936, p.56) « partout s'étendent ces faubourgs neufs, plein de jeunesse et de gaîté, avec leurs maisons coquettes et confortables dans les jardins fleuris » (Soulas, 1938, p.323). Cette dernière citation est de l'auteur le plus urbanophile de l'époque, avec Léon Aufrère. Jean Soulas conclut un article de 1939 de la façon suivante : « car chaque jour voit un peu plus la mer des maisons envahir le paysage au détriment du champ et de la forêt. L'heure du retour à la terre n'est pas encore venue » (Soulas, 1939, p.471).

Les seuls exemples trouvés d'un discours anti-urbain l'ont été dans deux articles d'Albert Demangeon. Dans un compte rendu d'ouvrage, il résume les conclusions de l'auteur et écrit :

« l'urbanisation démesurée, due à l'industrialisation, a compromis l'équilibre social en beaucoup de pays d'Europe : dislocation de la famille, déracinement d'une masse de ruraux, affaiblissement des habitudes propriétaires et individualistes des paysans. N'est-il pas à souhaiter, demande Mr H. Decugis, que, par réaction contre les excès de la grande industrie et de l'agglomération urbaine, on cherche à consolider ou à reconstituer les sociétés rurales ? » (Demangeon, 1938a, p.61).

Le fait de s'abriter derrière la question de l'auteur cache mal la pensée d'Albert Demangeon qui signale quelques mois plus tard qu'avant la guerre, l'Allemagne était un pays « purement industriel » donc « économiquement déséquilibré » et que depuis 1933, les dirigeants allemands ont pris une « remarquable série de mesures pour restaurer l'agriculture » (Demangeon, 1938b, p.119). Mais le développement des villes l'inquiète surtout parce qu'il ne s'accompagne pas d'une modernisation suffisante des campagnes, et notamment des campagnes françaises.

En ce qui concerne le regard porté sur l'industrie, il est unanimement élogieux. Les adjectifs et les formules employés illustrent ce phénomène : « gigantesques hangars », « usine monumentale », « armée de grues » (Cottier, 1936, p.248) ; « ruche industrielle », « essor inouï [des industries] », « industrie trépidante » (Arbos, 1943, p.266-267) ; « « grandes usines [...] belles réalisations [...] ces usines sont parmi les plus considérables de France » (Faucher et al., 1941, p.108). La houille blanche est particulièrement mise en valeur : « magnifique lac artificiel », « ensemble impressionnant d'usines », « aménagement hydro-électrique remarquable » (Faucher, 1940, p.74-75). Citons enfin Raoul Blanchard, à propos d'une ville canadienne : « les vrais monuments ici, ce sont les usines, bâties pour la plupart avec soin, souvent agréables à voir avec leurs pelouses [...] [elles] dressent leurs formes amples et éclatantes jusqu'au milieu des quartiers les plus pauvres » (Blanchard, 1936, p.178). Si les bâtiments et les réalisations matérielles sont l'objet de commentaires élogieux, c'est le cas également pour les effets de l'industrie sur la région environnante. « Là où l'industrie prospère, elle retient les hommes [...] elle attire les étrangers » (Jorré, 1938, p.129). « L'industrie nouvelle retient la population [...], introduit des habitudes d'hygiène et même de confort dans une région qui les ignorait [...] L'industrie électrique transforme jusqu'au paysage et parfois l'embellit » (Taillefer, 1939, p.257-258). Quant au retour à des formes plus traditionnelles, le sujet n'est abordé que de façon exceptionnelle, sans doute parce qu'il n'est pas plus crédible que le retour à la terre. Rappelons que dès 1920, Albert Demangeon écrivait : « Il est difficile d'admettre que la restauration des petites industries puisse avoir une grande portée économique. On peut regretter leur déclin qui a été une cause puissante d'exode rural [...] L'avenir est à la production mécanique, à l'américaine ; il faut produire en masse, par séries » (Demangeon, 1975, p.301-302). Presque vingt ans plus tard, le ton est sans appel : « plus chimérique encore est l'espoir d'un retour à l'industrie familiale et artisanale » (Veyret-Verner, 1939, p.645).

2.4. Le rôle clé des colonies

Les colonies françaises représentaient, pour le régime de Vichy, l'un des deux seuls atouts - avec la Marine - lui donnant l'illusion d'une possibilité de négociation avec l'Allemagne nazie. Mais glorifier l'oeuvre coloniale française ne suppose pas un soutien à Pétain. Raoul Girardet a montré que les formules vichystes et les formules gaullistes concernant la « grande France » sont identiques pendant la guerre (Girardet, 1972, p.194-201). Les chaires de géographie coloniale créées par Vichy ne sont pas remises en cause à la Libération, bien au contraire, le gouvernement en crée de nouvelles et instaure une licence d'étude coloniale (Singer, 1997, p.364-365). L'Office des Recherches Scientifiques Coloniales créé en 1942 ne fait que reprendre un projet d'avant-guerre, et la structure est maintenue après la Libération, devenant l'ORSTOM (Picard, 1990, p.79-80). Si, pour les historiens Pascal Blanchard et Gilles Boëtsch, le régime de Vichy représente l'apothéose de la propagande coloniale, il est intéressant de constater que, dans la liste fournie des 45 ouvrages coloniaux les plus marquants, ne figure aucun géographe (Blanchard et Boetsch, 1994, p.29-30). Enfin, l'article d'Hervé Théry montre que Vichy ne représente pas une solution de continuité dans les discours scolaires des géographes français sur le monde colonial (Théry, 1988, p.304-305). L'un des exemples les plus flagrants de cette continuité est la parution dans L'information géographique en 1945 d'un article de Pierre et Marcel Clerget intitulé « Comment faire pénétrer par l'enseignement la notion d'Empire français », article qui résume un ouvrage des mêmes auteurs paru en 1938 (Clerget, 1945). Si j'ai pourtant choisi d'y consacrer quelques pages, c'est pour deux raisons. Tout d'abord me confronter à une littérature employant des stéréotypes raciaux d'une violence surprenante pour un lecteur contemporain. Ensuite pour noter comment est décrit le rôle colonial de l'Europe en général et de la France en particulier.

Une approche quantitative est dans ce cas plus facile à mettre en oeuvre, le lieu étudié permet d'inclure l'article dans la « géographie des colonies ». J'ai compté le nombre de communications relatives aux colonies françaises parues dans le BAGF, le nombre d'articles et de « notes et comptes-rendus » concernant les mêmes espaces parus dans les AG. Lorsqu'un article aborde un sujet relatif à la colonisation dans son ensemble, il a été comptabilisé. Lorsqu'un article traite d'une zone géographique incluant des colonies françaises, il a également été comptabilisé. Les chroniques parues dans les AG n'ont pas été considérées : le fait que leurs auteurs n'apparaissent pas dans la liste des collaborateurs indique, me semble-t-il, le caractère très factuel de ces chroniques. De plus, leur taille est très nettement inférieure à celle des autres textes retenus. De 1936 à 1939 inclus, en moyenne 10 textes par an concernent les colonies françaises. De 1940 à 1943 inclus16(*), cette moyenne annuelle tombe à 5.75 textes. Dans la mesure où les AG ont un volume diminué de moitié, la part de la « géographie des colonies » reste donc stable. La même stabilité apparaît dans le contenu de ces textes.

Que ce soit avant ou pendant la seconde guerre mondiale, l'« indigène colonisé », et plus particulièrement « le noir17(*) », n'est pas bon à grand-chose. En Afrique noire, l'anthropophagie n'a pas disparue, elle est heureusement en voie de régression, grâce à l'action des administrateurs (Robequain, 1937, p.131 ; MacLatchy, 1937, p.69). Qu'il soit jaune, noir ou musulman, l'indigène est « imprévoyant » (Célérier, 1939, p.539 ; Marres, 1942, p.56 ; Richard-Molard, 1943, p.363 ; Tinthoin, 1938, p.546). Toutes les « races » ne sont pas considérées de la même façon. Le travail agricole minutieux des populations asiatiques est loué par les différents auteurs. Le musulman est forcément « xénophobe ». Le plus difficile reste pourtant de mettre « le noir » au travail : « le travail lui est à coup sûr très pénible, il cherche à l'esquiver autant qu'il peut » (Richard-Molard, 1943, p.362), « [ils] se fatiguent vite et ne peuvent consentir qu'un court et assez faible effort [...] abandonné à lui-même, l'indigène évite le travail » (Ladurantie, 1943, p.100 et p.108).

Heureusement pour ces peuples barbares, l'Europe est intervenue. Les effets de la colonisation sont loués, qu'il s'agisse de la colonisation italienne (Capot-Rey, 1937, p.549), néerlandaise (Robequain, 1941, p.37-57), britannique (Robequain, 1942a, p.75) ou, bien entendu, française. Multiplier les citations serait fastidieux : le colonisateur met fin aux guerres intertribales (Ladurantie, 1943, p.101), il apporte hôpitaux et écoles (Bélime, 1936, p.149 ; Robequain, 1941, p.57) ; en un mot, grâce à une « souple et compréhensive tutelle », il permet le « développement économique, social et intellectuel » (AG, 1938, p.638, compte rendu d'un ouvrage sur le Cameroun). Cette géographie est très facile à caricaturer et les lignes précédentes cèdent sans doute en partie à cette tentation. Les phrases les plus ahurissantes pour le lecteur d'aujourd'hui n'ont pourtant pas été citées18(*). À côté des inepties d'un Jacques Richard-Molard, il existe également des articles passionnants où l'auteur blanc cherche à comprendre un paysage agraire qui ne ressemble pas à ce qu'il connaît : l'article de Jules Blache paru en 1940 dans la RGA en est le parfait exemple19(*). Les limites, les ratés de la colonisation et les événements politiques ne sont pas passés sous silence. L'agitation destourienne en Tunisie est signalée (Tinthoin, 1939, p.551). Priver les indigènes de fusils appauvrit leur régime alimentaire et « de nombreux villages restent souvent 2 ou 3 mois sans manger de viande » (Ladurantie, 1943, p.121). Charles Robequain apparaît particulièrement lucide sur les transformations en cours :

« la société noire se transforme rapidement au contact des Européens. Les cadres traditionnels du village et de la grande famille éclatent, l'ancien droit coutumier [...] cède à des conceptions nouvelles. Un prolétariat urbain se constitue, la vie en économie fermée disparaît peu à peu. Il faut diriger cette évolution, sous peine d'aboutir au chaos » (Robequain, 1942b, p.139).

Il faut noter que l'article plusieurs fois cité d'A. Ladurantie, administrateur des colonies, est le premier article de « géographie coloniale » à paraître dans la RGPSO depuis sa création. L'explication en est donnée par Daniel Faucher : l'impression de l'article a été financée par le Ministère des Colonies. Y voir la mainmise de Vichy serait excessif, le Ministère des Colonies finançait l'impression d'un article de Charles Robequain dans la RGA en 1938. Il semble plus logique d'y voir une indication sur les besoins financiers de la revue. Dernier point, l'appellation même de géographie coloniale pose problème aux géographes de l'époque. Georges Hardy, dans son ouvrage Géographie et colonisation, refusait l'étiquette : « nous ne disons pas géographie coloniale, pour n'avoir point l'air de prétendre que la géographie des colonies échappe aux règles ordinaires de la géographie tout court » (Hardy, 1933, p.206). Le compte rendu du Congrès d'Amsterdam paru dans les AG précise : « il semble qu'une méthode soit encore à chercher dans ce domaine, si tant est que les problèmes coloniaux constituent un groupe spécial d'étude géographique » (Gibert, 1938, p.569). S'il est vrai que les questions posées aux textes passés sont toujours des questions actuelles, il m'est amusant de rencontrer, dans une génération de géographes dont certains auteurs soulignent volontiers la paresse méthodologique et épistémologique, des questions tout à fait contemporaines. Des géographes s'interrogent aujourd'hui pour savoir s'il existe une « géographie du développement », des géographes s'interrogeaient avant-guerre pour savoir s'il existait une « géographie coloniale ».

2.5. L'obsession démographique et le « problème des étrangers »

Le caractère obsessionnel du déclin démographique français a été particulièrement étudié par les historiens (Tomlinson, 1985, Huss, 1990, Reggiani, 1996. Pour la propagande nataliste propre à Vichy, voir Jennings, 2002). La parfaite continuité des discours et des politiques est très clairement mise en évidence par tous ces auteurs, de la fin du XIXe siècle jusqu'aux débuts de la IVe République. Dès Émile Levasseur, ce déclin est considéré comme un problème angoissant (Noiriel, 1988, p.80). Albert Demangeon écrit en 1920 « la plus grande richesse d'une nation, ce sont ses hommes. Nous ne demeurerons pas une nation riche si nous n'augmentons pas notre capital humain. Depuis longtemps, la France n'a presque plus d'enfants » (Demangeon, 1975, p.294). L'intervention de l'État dans ces domaines ne débute pas avec Vichy. Le gouvernement crée un Conseil supérieur de la natalité en 1920 (Reggiani, 1996, p.728), la médaille de la famille française est instaurée au début des années 192020(*), la fête nationale des mères est créée en 1926 (Reggiani, 1996, p.733). Ce sujet est particulièrement propice aux anachronismes. Les discours natalistes de l'époque sont d'une virulence surprenante pour un lecteur contemporain, et certaines brochures font penser aux actuels mouvements anti avortement, mouvements qui sont clairement situés aujourd'hui à l'extrême droite (voir figure 15 p.64). Ce n'est pas du tout le cas à l'époque : un spécialiste reconnu comme Alfred Sauvy considère, en 1945, que lutter contre l'avortement est le moyen le plus efficace et le moins onéreux pour stimuler la natalité (cité par Watson, 1953, p.285). Le problème de « l'anémie de la race française » fait l'objet d'une unanimité politique complète à partir de 1936. À cette date, le PCF rejoint la campagne nataliste, Maurice Thorez expliquant que, si les ouvriers ne font pas assez d'enfants, ils ne pourront jamais remporter la lutte des classes - Staline a interdit l'avortement en URSS l'année précédente (Tomlinson, 1985, p.414).

L'auteur qui écrit pendant toute la période sur le sujet est Georges Mauco. Ce géographe soutient une thèse sur les étrangers en France en 1932, thèse réalisée sous la direction d'Albert Demangeon. Il continue à travailler avec ce dernier, notamment sur le rôle des étrangers dans les campagnes françaises. G. Mauco est le spécialiste des questions démographiques dans les Annales de géographie et sa compétence lui permet d'obtenir des fonctions au niveau national et international. Il rédige un rapport concernant l'assimilation des étrangers pour la Société des Nations en 1937, il est secrétaire général de l'Union scientifique sur les questions de population de 1937 à 1953 (Noiriel, 1988, p.121). Après guerre, il est nommé secrétaire général du Haut Comité consultatif de la Population et de la Famille, il exerce cette fonction jusqu'en 1970 (Weil, 2004, p.69). Les autres géographes traitent de l'immigration, ou de l'exode rural, mais la dénatalité, dont l'immigration est considérée comme la conséquence inévitable, n'est guère traitée que par G. Mauco et, de façon moins insistante, par A. Demangeon. Autant le signaler dès à présent, G. Mauco pose problème à un lecteur contemporain et c'est pour cette raison que j'ai choisi de considérer, outre ses articles parus dans les AG, les ouvrages qu'il a pu écrire dans les années 1930 et 1940. Outre certains écrits qui font plus que flirter avec la xénophobie et l'antisémitisme, écrits dont il sera question plus loin, son admiration pour les régimes totalitaires apparaît clairement dans plusieurs de ses articles. En 1938, dans un article des AG qui n'a qu'un très lointain rapport avec la géographie, il cache mal sa fascination pour le fascisme et le communisme « mots redoutables, dont la charge affective obscurcit le jugement ». Il poursuit ainsi :

« Ceux qui détiennent le pouvoir le doivent au bulletin de vote de l'électeur. Il faut séduire ce dernier, lui promettre un monde facile. Or les faits exigeraient au contraire que l'on proclamât la nécessité de disciplines nouvelles et d'un effort plus pénible. [...] L'abandon des anciennes lois exige l'acceptation de servitudes nouvelles. C'est une nécessité que les démocraties n'ont pas eu jusqu'ici la virilité de reconnaître. La pression de l'État doit remplacer celle de la nature. C'est que la vie n'est pas facilité, elle est effort » (Mauco, 1938, p.573-574).

En 1939, Georges Mauco loue la politique démographique allemande : elle est « la plus énergique et la plus efficace » (Mauco, 1939b, p.181) ; puis il expose les différentes mesures adoptées sans jamais exprimer la moindre réserve : « favoriser le mariage entre sujets sains », « restreindre, voire même prohiber, la procréation de sujets atteints d'une maladie héréditaire » (p.182). Il souligne « l'importance du revirement opéré dans l'attitude morale du peuple allemand »(p.183).

Son discours nataliste est d'une parfaite continuité tout au long de la période étudiée. Les comptes rendus, non signés, mais qui ressemblent à s'y méprendre aux articles de Georges Mauco, des ouvrages de Fernand Boverat21(*) parus respectivement en 1938 et 1943 ne montrent aucune différence de ton : « Éloquent plaidoyer contre la dénatalité, l'auteur en montre les nombreux dangers » (AG, 1938, p.516) ; « Lucide, courageuse et indispensable campagne pour le relèvement de la natalité en France [...] Il est bien évident qu'il est inutile de parler du redressement de la France s'il n'y a plus de Français » (AG, 1943, p.61). En 1939, Georges Mauco évoque « l'effondrement de la natalité », « le mouvement naturel de la population française [qui] tend fortement vers la régression » et « l'anémie démographique » (Mauco, 1939a, p.86-89). Les recommandations sont claires : « il est urgent que la France fasse passer le problème démographique au premier plan de ses préoccupations » (Mauco, 1939b, p.183). Il est donc logique de le voir applaudir aux dispositions du Code de la famille de 1939, y compris bien entendu aux sanctions aggravées en cas d'avortement : « le secret médical - qui masque parfois tant d'abus - est pratiquement supprimé en matière d'avortement, et la dénonciation est admise » (Mauco, 1941, p.74). Ce type de discours n'apparaît pas avec Vichy et ne disparaît pas à l'été 1944. Il suffira pour s'en convaincre de lire un manuel destiné aux maîtres de 1948 où on apprend que « fonder une famille est un devoir envers soi-même, envers la société, envers la Patrie » (Mauco, Grandazzi, 1948, p.67), « Fonder une famille d'au moins trois enfants est un devoir pour chaque jeune Français et chaque jeune Française. Prendre la résolution d'avoir plus tard au moins trois enfants est un devoir pour chaque élève de la classe »(p.104). Il est en outre essentiel d'habituer l'enfant à « CONSIDERER LA FAMILLE NOMBREUSE COMME LA FAMILLE NORMALE22(*) » (p.65). Et les exemples donnés de pays qui ont réussi à redresser la natalité , redressement qui suppose « le renoncement à l'égoïsme, le goût de l'effort et du sacrifice, le sens social et l'esprit de solidarité », sont l'URSS et l'Allemagne d'après 1933 (p.57)...

Les dérapages de Georges Mauco pendant l'Occupation sont connus (Noiriel, 1999, p.215-217 et 252-254 ; Weil, 2004, p.58-59). Il lui est principalement reproché d'avoir écrit dans L'Ethnie française, revue de propagande raciale créée par Georges Montandon en 1941 avec l'aide financière de l'occupant. Dans un article paru en 1942, Georges Mauco évoque notamment « les âmes [juives] façonnées par les longues humiliations d'un état servile où la haine refoulée se masque sous l'obséquiosité ». Les mêmes Juifs dont la « francisation restait superficielle, faute d'avoir vécu les travaux et les soucis du peuple, faute [...] notamment d'avoir senti, au contact de la terre et des paysans, l'atavisme français » (cité par Noiriel, 1999, p.216). Rappelons également qu'il vient témoigner devant la Cour Suprême de Justice à Riom le 3 septembre 1941 pour déclarer « les derniers apports (éléments coloniaux : Africains et Asiatiques, Juifs de toutes nationalités, Balkaniques et Levantins, Russes, Assyriens) apparaissent même non désirables, tant du point de vue humain que du point de vue économique » (cité par Weil, 2004, p.59). Il n'est pas question ici de jouer à l'avocat ou au procureur mais de chercher à évaluer si le discours scientifique de Georges Mauco se radicalise entre 1940 et 1944. Les deux faits signalés ci-dessus ont en effet lieu en dehors du champ scientifique. La comparaison entre sa thèse et ses articles parus dans les Annales de géographie de 1935 à 1939 d'une part, et ses articles parus entre 1940 et 1944 d'autre part, a paru un indicateur pertinent.

Avant guerre, du fait même de l' « anémie démographique française », la présence des étrangers dans l'agriculture et dans l'industrie est considérée comme nécessaire, utile et indispensable (Mauco, 1935, p.381 ; 1937, p.515 ; 1939c, p.293 ; 1939d, p.400). Mais il y a deux problèmes. Tout d'abord, les nouveaux venus (« africains, levantins, israélites de toutes nationalités ») sont d'une assimilation plus difficile par suite « de différences plus marquées de moeurs, de civilisation et de langue » (1935, p.382). Parfois même, « l'assimilation est impossible, et au surplus, très souvent, physiquement et moralement indésirable ». Il convient donc de limiter « le nombre déjà trop important des non-assimilables » (1932, p.523). En 1932, un aspect positif était souligné, cette diversification permettait de « diminuer le risque qu'entraîne le fait d'être tributaire d'un nombre trop réduit de sources d'immigration » (Mauco, 1932, p.147). Cet aspect ne sera plus mentionné par la suite. Deuxième problème, certains étrangers concurrencent de façon déloyale des travailleurs français. Les premiers visés sont les « levantins et les israélites », « inaptes au travail manuel et qui ne viennent en France que pour y employer leurs dispositions innées au trafic et au négoce ». La présence de ces « éléments improductifs » est estimée « plus préjudiciable qu'utile » (1932, p.467). Il convient de remarquer que « beaucoup d'entre eux, entrés en fraude, échappent d'ailleurs à tout contrôle et à tout recensement » (1932, p.196). Et « fréquentes sont les affaires véreuses, faillites frauduleuses, escroqueries où l'on retrouve de ces métèques23(*), souvent naturalisés de fraîche date » (1932, p.467). En 1939, le discours est le même, de nombreux israélites échappent à « tout contrôle professionnel efficace », ils « ignorent les lois sociales et les charges fiscales », beaucoup d'étrangers sont entrés en fraude et « contribuent pour une large part au peuplement des prisons, des hôpitaux et des asiles ». L'une des solutions proposées est de « tenter le placement dans l'agriculture de nombreux réfugiés israélites [...] les grandes associations israélites devront fournir les fonds nécessaires » (Mauco, 1939c, p.295). Le caractère peu amène de certains citations ne doit pas abuser, les années 1930 ne sont pas celles où le discours sur les étrangers a été le plus mesuré (voir Schor, « Le temps des crises : la montée de la xénophobie », p.547-709 et Laborie, 1990, p.125-131).

Dans ses grandes lignes, le discours de Georges Mauco ne change ni pendant l'Occupation ni après. Le manuel à l'usage des maîtres de 1948 (Mauco, Grandazzi) rappelle par exemple que la venue de millions d'étrangers a posé de « multiples problèmes d'importance nationale » (p.45), et que, s'il s'agit d'un « appoint indispensable à la vie démographique et économique du pays » (p.47), « il reste le danger de l'invasion pacifique » (p.51). La nécessité de choisir ses immigrés, des immigrés culturellement proches et destinés à travailler dans certains secteurs seulement, sera d'ailleurs explicitement formulée dans une lettre souvent citée du Général de Gaulle adressée au Ministre de la Justice en 1944 :

« Sur le plan ethnique, il convient de limiter l'afflux des méditerranéens et des orientaux qui ont depuis un demi-siècle profondément modifié la composition de la population française [...] Pour conserver au pays son pouvoir d'assimilation, il est nécessaire que les professions libérales, commerçants, banquiers, ne soient pas largement ouvertes aux étrangers » (cité par Noiriel, 1988, p.39 et par Drouard, 1992, p.1458-1459).

Pour en revenir à Georges Mauco, les deux dérapages signalés plus hauts l'ont été en dehors du cadre des revues scientifiques. Mais le même type d'outrance se retrouve dans les AG en 1941 :

« Quant au Statut des Étrangers, un effort avait été amorcé pour dégager le peuple français de l'invasion étrangère et le protéger contre l'influence déliquescente24(*) d'apatrides inassimilables. Mais ici le mal était déjà trop profond, et les mesures de salubrité ne purent être prises. L'intérêt général du pays fut tenu en échec par les intérêts des étrangers indésirables et par leur influence sur les pouvoirs publics »(Mauco, 1941, p.75).

Les termes employés ne le sont pas pour la première fois, il était déjà question auparavant d'invasion, d'apatride et d'inassimilables, mais c'est la première fois - et d'ailleurs la seule - qu'un article de Georges Mauco se transforme en quelques phrases en un tract xénophobe.

Les autres géographes évoquant le « problème des étrangers » le font de façon plus mesurée. Dans le Languedoc, nécessité fait vertu : « puisque l'immigration est, pour le département, une nécessité vitale, il est bon que l'étranger s'incorpore définitivement à nous » (Azeau, 1936, p.30). Dans le bassin houiller de la Mure, les Italiens « ont fait souche » et se sont « fondus dans la population », seuls les Polonais restent « réfractaires à l'assimilation [...] cependant, eux comme les autres se fixent au pays » (Angelier, 1940, p.300). Dans une région alpine, « grâce à eux [les étrangers] subsistent, souvent prospères, nombre de communautés rurales qui, sans leur secours, se seraient depuis longtemps éteintes dans la région » (Mercier, 1941, p.688). Des expressions plus douteuses apparaissent sous la plume d'Henri Onde : certaines communes subissent une « grave altération de leur caractère primitif » parce qu'elles ont une proportion d'étrangers « comprise entre 10 et 24% » (Onde, 1942a, p.60). Heureusement, les hautes vallées, grâce à l'absence de l'industrie, échappent à « l'invasion des éléments allogènes » (id., p.61).

2.6. Des articles vichystes ?

Le champ scientifique obéit à ses logiques propres. Un sujet politique ne sera exprimé que retraduit selon les préoccupations de ce champ. Philippe Pinchemel signalait déjà que, dans les congrès internationaux de géographie, l'actualité est présente « filtrée par la curiosité scientifique d'alors, ajustée à l'état présent de développement de la géographie, adaptée à la perception, au savoir, à la sensibilité du temps » (Pinchemel, 1972, p.191). Il est donc logique de trouver peu de traces de vichysme dans les articles de l'époque. Pourtant, certains articles s'inscrivent plus ou moins clairement dans cette idéologie composite. Il est possible de distinguer deux types d'articles, ceux où se manifestent des tendances politiques nettement conservatrices, ceux qui s'approchent des discours anti-urbains et anti-industriels chers au Maréchal.

L'article de Paul Guichonnet publié dans la RGA en 1943 est tiré de son mémoire de DES. Il est clairement orienté politiquement à droite. Les catholiques ont une « attitude ferme et fidèle » (p.63). Voter à droite indique des « idées politiques stables et bien dessinées » (p.66). Le vote de gauche obéit à des logiques bien différentes. Il prospère dont les villes où « la vie privée est très blâmable. Les gains sont dévorés en quelques jours. Immoralité des familles » (p.64). Le radicalisme est le résultat de « dépit, de revendications et de jalousie envers les possédants » (p.76). « Née de l'activité industrielle, ou d'une mauvaise humeur héritée d'un passé politique orageux, elle [la gauche] occupe les cluses et guette tous les secteurs instables d'économie bâtarde » (p.85). Quant aux poussées de communisme, elles s'expliquent par « des manoeuvres locales de quelques meneurs » (p.68). Les idées de gauche en général, et l'anticléricalisme en particulier, sont des « idées extrémistes » (p.79). Si l'orientation politique de l'auteur est évidente, nous sommes pourtant loin des excès de la propagande anticommuniste et anti-bolchevique du régime en place. Signalons que l'auteur de ces lignes s'engage dans les F.T.P. à la fin de la guerre (Blanchard, 1945, p.329). Les monographies de géographie religieuse présentées par l'abbé Etienne Delaruelle dans la RGPSO, revue qui est pourtant celle où un esprit résistant est le plus lisible, illustrent également des tendances très nettement conservatrices. Deux types de comportement sont distingués. D'un côté, « un comportement religieux remarquable » (Delaruelle, 1943, p.53), « une population restée attachée à son sol et fidèle à ses traditions » (p.53). De l'autre, « un relâchement des anciennes moeurs » (p.53), des « nouvelles générations moins saines » qui subissent l'influence démoralisante d'un cabaret (p.62). L'influence des gens de la plaine est ainsi décrite : « légèreté des moeurs, confort amollissant, exploitation moins routinière et plus rationnelle » (p.60). Les coupables sont selon les cas l'industrie, elle a « ruiné complètement la fidélité morale et religieuse » (p.52), ou les étrangers (p.59). Cet article détonne dans la production habituelle de la RGPSO, pourtant là encore, l'auteur apparaît plus conservateur que partisan de la Révolution nationale. Et l'auteur qui présente ces travaux peut difficilement être suspectée de vichysme comme nous le verrons plus loin.

Des sentiments anti-urbains s'expriment nettement dans certains articles, et des arguments sexistes apparaissent, ce qui est une nouveauté. L'auteur d'un DES publié dans la RGA peut ainsi écrire : « les villes, avec leurs attraits fallacieux, mais irrésistibles, surtout pour les jeunes filles » (Bozon, 1943, p.126), « seuls la route et le chemin de fer surtout pouvaient permettre aux jeunes filles de faire le trajet que les hommes accomplissaient à pied, et d'autre part les voies de communication amenaient les touristes et les estivants, qui par leur exemple et, parfois leurs propositions, étaient une tentation de départ » (id., p.128). L'auteur a dû oublier qu'au printemps et à l'été 1940, un grand nombre de femmes a su parcourir de grandes distances en marchant. Un autre auteur de DES parle de « ces villes dont la mentalité paysanne se faisait encore, en 1939, une idée enchanteresse, mirage enfantin vers lequel le paysan et surtout la paysanne gardent les yeux obstinément fixés, sans prendre en compte le repos de l'hivernage, les substantiels profits des foins ou de la lavande, au prix de quelques semaines de gros travail » (Sauvan, 1942, p.350). Elle dénonce également, parlant des effets du tourisme et des transports, « l'influence impie [qui] a mis sur les toits des vermillons criards ou les tôles ondulés d'allure banlieusarde » (id., p.359). Décalage chronologique oblige entre écriture et publication, c'est un article paru en 1945 dans la BSLG qui, à deux reprises, reprend des thématiques pétainistes. L'auteur (l'une des deux seules femmes publiant dans la revue en dix ans) écrit que l'avenir du cerisier « ne s'avère pas brillant. Le responsable de cet état de fait, c'est l'homme, qui ne veut plus fournir le travail lent, minutieux, bien fait, que réclame le greffage sur merisier et refuse de consacrer son temps à donner aux arbres les soins assidus qu'ils exigent » (Passe, 1945, p.128). Elle conclut son article avec ces phrases : 

« malheureusement, il est à craindre que la principale originalité de la région sauvaine et ce qui fait son importance, la fabrication des fourches, voit son avenir menacé par la paresse et l'incurie de ses habitants qui désertent les campagnes pour la ville. Peut-être le retour actuel à la terre ramènera-t-il aussi les paysans de Sauve à leurs « essarts », peut-être comprendront-ils que là seulement, dans cette culture d'arbres à fourche, est le salut de leur pays » (id., p.140). 

Dans ce dernier cas, les expressions utilisées indiquent clairement les sources idéologiques de l'auteur. Dans les cas précédents, il est difficile de faire la part entre éloge des traditions et pétainisme. Ainsi, l'un des plus beaux exemples de glorification du travail paysan, travail évidemment opposé au travail en usine, date de 1939. L'article contient les phrases suivantes : « sages sont ceux qui restent à la terre. Là du moins on ignore le chômage, on ignore la sujétion et l'automatisme de l'usine, pour régler sa vie sur la marche du soleil et ses travaux sur le cours des saisons » (Chaumeil, 1939, p.145), « l'électricité dissipe les ombres où s'agitait le monde fantastique des contes d'antan dont la tradition n'est pas perdue » (p.148), « le paysan n'est pas comme le riveur d'un chantier normal, qui répète toujours les mêmes gestes » (p.159). Il s'agit d'ailleurs du seul auteur qui utilise le mot progrès entre guillemets, pour le déplorer (p.152). Nul doute que s'il avait été publié deux ans plus tard, je l'aurais rangé sans hésiter dans la catégorie pétainiste.

Tous les articles évoqués jusqu'à maintenant présentent la même particularité, ils sont écrits par des auteurs non intégrés dans le champ scientifique. La plupart sont des auteurs de DES qui abandonnent ensuite la recherche pour enseigner en lycée25(*). De surcroît, il s'agit d'étudiants jeunes, qu'il est permis de supposer plus influençable à l'intense propagande de Vichy. Je cherchais à vérifier deux hypothèses. Premièrement, les évènements politiques ont un impact marginal sur la production géographique, et je pense l'avoir montré dans les chapitres précédents. Deuxièmement, la « contamination » des idées vichystes ne concerne que des articles dont les auteurs sont marginaux dans le champ scientifique. Là encore, l'hypothèse se vérifie. Il y a une exception de taille, celle de Marcel Blanchard. Cet historien universitaire, en poste à Montpellier jusqu'en 1940, est très proche des géographes. Ses engagements politiques sont connus, il s'agit d'un des universitaires qui s'est le plus compromis avec le régime de Vichy (Singer, 1997, p.283). Ses articles publiés dans le BSLG ou dans la RGA ne portent pas la marque de cet engagement, ils traitent presque exclusivement de sujets historiques, et son beau-frère, Raoul Blanchard, intervient peut-être pour maintenir cette retenue. La supposée neutralité du savant s'écroule pourtant à la lecture de sa Géographie des chemins de fer parue en 1942 dans la collection « Géographie humaine » dirigée par Pierre Deffontaines. La description des moeurs démocratiques n'est pas élogieuse : « politiciens de l'opportunisme »(p.61), « jeux de démagogie » (id.), « cette époque [...] où quelque sordidité égalitaire était tenue pour vertu nationale » (p.158), la France étant « figée dans le culte des droits acquis, même de fraîche date » (p.210). Fort heureusement, après « un demi-siècle de démagogique obstination dans l'erreur », une occasion unique se présente grâce aux « méthodes salvatrices d'une quasi dictature financière de salut public » (p.210-211). Les marques de soutien à Vichy et à sa politique s'expriment dans les revues de façon très marginale, et elles sont exprimés par des auteurs situés eux-mêmes dans une position marginale dans le champ scientifique. De façon surprenante, les marques de défiance sont beaucoup plus nombreuses.

2.7. Censure et résistance

Je ne pensais pas, au commencement de mes recherches, trouver la matière permettant l'écriture d'un tel chapitre. Une double contrainte pèse sur les auteurs. D'une part, la censure peut, en interdisant l'impression, compromettre la survie d'une revue, voire la survie des auteurs. D'autre part, les auteurs doivent respecter les normes de la production scientifique, normes qui supposent distance et impartialité (Dumoulin, 1997, p.51). La lecture de l'article d'Olivier Dumoulin consacré aux revues historiques pendant cette période m'a permis de creuser cet aspect. La résistance au régime en place peut s'exprimer de façon plus ou moins voilée mais, dans la mesure où il s'agit d'une littérature scientifique, les allusions les plus ténues ont toutes les chances d'être perçues par les lecteurs des dites revues. Dumoulin parle de discours ésotériques pour lesquels les risques de sur interprétation s'estompent. À l'inverse des discours vichystes, il est probable que les auteurs osant tenir des discours tièdes, voire hostiles, soient des personnes qui ne risquent guère de représailles du fait de leur situation institutionnelle.

Il y a d'abord le choix du vocabulaire. Aucun géographe ne reprend à son compte la fiction pétainiste d'une France neutre. Chaque fois que l'actualité apparaît dans un article, le terme guerre est employé. Le record est détenu par J. Willemain en 1941 qui réussi à l'employer 17 fois en dix pages de texte (Willemain, 1941). L'expression « régime de Vichy » n'a pas été rencontrée une seule fois. Des expressions plus étonnantes sont employées : « dès les premiers mois du régime de l'économie dirigée et des restrictions alimentaires » (Faucher, 1941b, p.357), ou encore « en ces temps moroses de pénitence nationale, de restriction et de récupération » (Onde, 1942c, p.444). En ces temps de culte de la personnalité, la seule fois où j'ai lu le nom « Pétain » imprimé signale un article du Maréchal intitulé « Carburant national et véhicules à gazogène », article paru en avril 1936 (Maillat, 1943, p.265). Comment ne pas non plus déceler une forme de résistance quand, sur 14 ouvrages reçus par les AG en 1941, le seul qui n'ait droit à aucun commentaire soit un ouvrage publié à Paris en 1941 et intitulé La Franc-Maçonnerie vous parle ? (n°283 p.307-308). Les AG prennent clairement leur distance à l'égard de certains ouvrages. Un livre traduit de l'allemand et consacré au Japon est expédié en une ligne : « Brochure de circonstance, mieux illustrée que traduite, en faveur du Japon » (AG, 1943, p.65). La critique d'un ouvrage de René Martial est tout aussi négative :

« les anthropologues se sont donnés beaucoup de mal pour définir avec précision la notion de race ; mais il est juste de reconnaître que le docteur MARTIAL ne s'en donne pas moins pour l'embrouiller. Pour lui, c'est la psychologie qui caractérise les races [...] et la langue est un fait racial [...] Avec lui, le mot "race", ramené au rang de synonyme de nation, redevient aussi vague qu'au temps des frères THIERRY (Auguste et Amédée) ou d'Arthur de GOBINEAU. Faut-il s'étonner, après cela, de le voir encore qualifier les Hongrois de Mongols (p.21) ? [...] » (AG, 1943, p.59).

Il est utile de rappeler que René Martial, médecin hygiéniste devenu anthropologue, a tenté d'introduire un enseignement raciste à l'Université - l'historien Henri Labroue fait la même tentative à la Sorbonne à la même période (Singer, 1993). Le premier cours de Martial, intitulé « Les crânes et leurs lois », était prévu en janvier 1943 à la Faculté de médecine, il a été annulé grâce à l'hostilité des universitaires et des étudiants (version de Singer, 1992, p. 293 ; version nuancée par Larbiou, 2005, p.108-115).

Le choix des références peut également être interprété, dans certains cas, comme une forme de résistance. Marc Bloch était évidemment cité par les géographes avant les mesures antisémites adoptées par Vichy en 1940. Il semble que les mentions de son travail deviennent, en 1941 et 1942, beaucoup plus longues et appuyées. Un article commence ainsi en 1941 :

« Dans son grand ouvrage sur Les caractères originaux de l'histoire rurale française, qui a remué tant de questions, apporté des conclusions si nouvelles, suggéré aux géographe, comme aux historiens, des réflexions si fécondes, M. Marc Bloch a partagé la France en deux régions » (Sclafert, 1941, p.471).

L'année suivante, un compte rendu d'ouvrage signale « le résultat de ces recherches paraît dans la collection qui compte déjà parmi ses publications le remarquable travail de M. Bloch sur Les caractères originaux de l'histoire rurale française » (Arbos, 1942, p.193). Certains articles s'émaillent de citations d'auteurs peu appréciés à l'époque : Marc Bloch et Karl Marx (Delaruelle, 1941, p.455-456) ; Staline, Lénine, Engels (plus des extraits du plan quinquennal) (Péchoux, 1941, p.94, 95 et 107). Et, à une période où le cinéma américain est interdit26(*), Jean Soulas termine un article en écrivant qu'il est possible de voir apparaître aux États-Unis des toponymes urbains reprenant des noms d'acteurs, il cite Charlie Chaplin, Clark Gable, W.C. Fields, Garbo, Laurel et Hardy (Soulas, 1941, p.36).

La comparaison des notices nécrologiques permet également de discerner certaines orientations. Celle de Lucien Gallois parue dans la RGA se distingue nettement par l'accent mis sur le patriotisme. Gallois a mis « toutes ses forces au service de la patrie blessée » (Blanchard, 1941c , p.505). C'est un « grand patriote », « un fervent patriote » (p.509), « un grand serviteur de la Géographie, de l'Université et de la France »(p.510). Sa mort engendre une grande mélancolie, « parmi les affres d'une effroyable défaite ». Il convient donc de rendre hommage à une vie « tout entière consacrée aux siens, à la science, à ses élèves et à son pays » (p.512). La nécrologie de Jules Sion parue dans les ER se termine par cette phrase : « sa perte, survenue au lendemain du grand désastre, est de celles auxquelles le grand public ne prend pas garde. Elle compte pourtant parmi les plus sensibles, non seulement pour l'Université, pour la science, mais pour le pays, qu'il honorait » (Gibert, 1941, p.323).

Les effets de la censure seront peu évoqués après guerre. Une note d'André Allix permet pourtant de comprendre comment les géographes composent avec elle. Au lieu d'appeler une conférence tenue en 1943 « La puissance japonaise », il l'intitule « Paysages inattendus de l'archipel nippon et du territoire mandchou » (Allix, 1945, p.1). Plus surprenant, Raoul Blanchard explique à ses lecteurs « il nous a fallu abandonner deux projets de notes d'Actualité, dont la publication était jugée inopportune » (Blanchard, 1943b, p.269). Daniel Faucher, avec d'autres termes, semble évoquer des problèmes identiques : « les circonstances actuelles [...] nous ont de même contraint à renvoyer en des temps meilleurs la publication de certains travaux qu'il nous eut été agréable d'offrir tout de suite à nos lecteurs » (1942c, p.391).

Le refus de se plier à l'air du temps est net dans un article consacré à la Champagne berrichonne. L'auteur rappelle les occupations d'exploitations agricoles et les grèves qui se déroulèrent en 1936 à proximité d'Issoudun. Plutôt que d'évoquer un effet de la propagande communiste, il explique que « ce fait est caractéristique de la structure sociale particulière de la région » (Ratouis, 1942, p.192).

Une revue, et principalement un auteur, se détache du lot : il s'agit de Daniel Faucher, directeur de la RGPSO. Sa façon d'entamer le compte rendu d'une thèse de géomorphologie est inhabituelle :

« Professeur aux Écoles Normales d'Instituteurs et d'Institutrices de Foix, M. Goron offre ainsi à ses anciens élèves, qui ont tant profité de son enseignement, l'exemple d'une vie toute entière consacrée au travail désintéressé. Dans un temps où les carrières sont si souvent déterminées et dirigées par de moins nobles soucis ».

Et il poursuit ensuite en louant « les qualités de conscience, de probité intellectuelle qui ne va pas sans probité morale [...] [Ses ouvrages] sont des chefs d'oeuvre de scrupule » (Faucher, 1942b, p.358).

Il faut rappeler que Vichy a supprimé les Écoles Normales deux ans auparavant (Paxton, 1973, p.156), et il est difficile de ne pas lire dans cet éloge appuyé une critique en creux de comportements moins scrupuleux. L'allusion à l'actualité est transparente lorsque, rendant compte d'un congrès d'une société savante étudiant le Moyen Age, Daniel Faucher écrit qu'une seule communication intéresse la géographie, en effet son auteur a étudié « la colonie juive de Toulouse en 1382 », colonie qui a eu à subir « bien des vicissitudes » (Faucher, 1943, p.336). Ses critiques sur le supposé retour aux provinces sont on ne peut plus explicites. Il écrit par exemple : « l'Association de la Renaissance de la Province de Toulouse porte un nom fallacieux. Ses dirigeants n'ont pas l'ambition de faire renaître l'ancienne province du Languedoc ». Les travaux de cette association sont descendus en flèche avec toute la correction académique requise : « on pense qu'une Association qui se propose de faire renaître la province de Toulouse - ou plutôt la faire naître dans le cadre nouveau des institutions françaises - devrait d'abord définir ce qu'elle entend revendiquer [...] forme d'échantillonnage que je ne goûte guère [...] il s'en prend au Code Civil et déplore la régression du métayage : il n'est pas dit que ses condamnations soient sans appel ». Cela n'empêche pas Faucher d'affirmer dans le même compte rendu la « nécessité du Régionalisme » (Faucher, 1941a, p.227-229). Commentant un ouvrage sur la nouvelle organisation provinciale l'année suivante, il indique « il s'agit donc de "région" plutôt que de province, du moins si ce mot devait garder son sens traditionnel. La province de Toulouse ne sera pas l'ancienne province du Languedoc » (Faucher, 1942a, p.263). Militer pour le régionalisme, et Daniel Faucher le fera pendant toute la période, que ce soit par des articles, des conférences, des émissions de radio, n'est pas un indicateur pertinent de soutien à Vichy, bien au contraire.

Ses collaborateurs ne sont pas en reste, et son élève Lucien Babonneau écrit en 1942 :

« il ne faut pas croire que tout est facile pour les organisateurs et les chefs de chantier : constamment préoccupés de savoir s'ils pourront continuer à travailler, si les matériaux leur seront fournis en assez grande quantité pour leur permettre l'achèvement des ouvrages ; inquiets sur leur embauche et les possibilités de conserver leur main d'oeuvre [...] Quel tour de force ne doivent-ils pas faire pour diriger leur économie particulière au milieu de la grande économie dirigée ! » (Babonneau, 1942, p.376).

Contrairement à ce qu'on pouvait supposer, des formes de résistance apparaissent, que ce soit dans les revues provinciales ou dans les revues parisiennes. C'est d'ailleurs dans le BAGF que paraît en 1942 l'article le plus étonnant qu'il m'ait été donné de lire, article qui m'apparaît comme une forme évidente de résistance intellectuelle. Écrivant sur les Champs-Élysées, Léon Aufrère laisse éclater son enthousiasme à chaque page. « Spectacle moderne le plus expressif », « motif le plus moderne des nocturnes parisiens » (Aufrère, 1942, p.94), « devant cette élévation du niveau de vie, nous dirons sans un regret adieu aux neiges d'antan » (p.95). « En quelques années, la vie moderne a libéré le monde des servitudes séculaires qu'on tenait pour des convenances et même pour des vertus » (p.97). Il applaudit à la « modification considérable du paysage urbain » constituée par l'apparition chez les femmes des « jambes découvertes », « cheveux coupés », « têtes nues » (p.97). Pour rendre compte de cette « révolution morale » (p.97), il en appelle à une « géographie des plaisirs » (p.98). Et, après avoir noté que « l'Avenue des Champs-Élysées est le centre d'un centre qui rayonne sur toute la terre » (p.96), il conclut ainsi : « on pourrait écrire des kilogrammes de thèses sur cette région, qui est tout de même plus importante que le Groenland et le Sahara » (p.98). Il serait intéressant de savoir comment a réagi le public de cette communication.

Conclusion

Ce travail avait un double objectif : déterminer les conséquences matérielles de la guerre, évaluer les conséquences idéologiques du régime de Vichy sur le contenu des revues universitaires françaises de géographie.

Les conséquences matérielles sont flagrantes : réduction quasi générale de la pagination, nombreux retards de publication, baisse du nombre d'articles, du nombre de collaborateurs, du nombre d'ouvrages reçus et chroniqués. Les deux revues basées à Paris ont plus souffert des restrictions que celles basées en zone libre : les Annales de géographie diminuent de moitié et ne paraissent pas en 1944, le BAGF paraît avec des mois voire des années de retard. Quelles que soient les difficultés, tous les directeurs de revue s'efforcent de continuer la parution. Maintenir une science active est vécu comme un acte de patriotisme, voire de résistance. L'étude des archives des différentes revues et des instituts de géographie permettraient de compléter ces données. Ainsi, les informations sur les tirages et la diffusion seraient un complément précieux à ce travail.

Les conséquences idéologiques sont beaucoup moins nettes. Le flou idéologique qui marque le régime de Vichy ne facilite pas la tâche. La continuité des discours et des pratiques paraît l'avoir emportée, et ce quel que soit le domaine d'étude. Le retour à la terre n'est pas considéré par les géographes comme une solution viable, et ils n'hésitent pas à l'écrire. Le développement de l'industrie, l'aménagement urbain apparaissent au contraire comme des nécessités. Le discours sur la « grande France » ne change pas de nature. La question démographique continue à obséder les esprits avant comme après la guerre. Les dérapages xénophobes, les marques de soutien au régime de Vichy se comptent sur les doigts d'une main. Plus surprenant, les marques d'hostilité, parfois à peine voilées, au régime en place, sont régulières et explicites. Le souci d'impartialité, d'objectivité propre aux scientifiques semble donc avoir beaucoup plus joué dans un sens que dans l'autre.

Nous sommes tout à fait conscient des limites de la méthodologie utilisée. Dix, vingt ou trente citations ne font pas preuve, et la citation de Bruno Latour mise en exergue de la deuxième partie n'est ni décorative ni cynique. Prétendre que ce travail a été mené avec rigueur et honnêteté est un argument scientifiquement peu probant. J'espère cependant avoir apporté quelques éléments de réponse à la question posée.

Il est peut-être un sujet qui apparaît en filigrane en ces années d'occupation. Les restrictions au déplacement ont pu amener certains géographes à développer une réflexion épistémologique. La science géographique des années 1930 est souvent décrite comme une géographie monolithique, tenue en main par les vidaliens (Pinchemel, Sanguin, 1996, p.13) , sûre d'elle-même et de ses méthodes et souffrant de paresse méthodologique (l'expression est de Numa Broc). Sans vouloir adopter l'attitude consistant à prendre le contre-pied systématique de ce qui a été écrit par les générations précédentes, cette description cadre mal avec la teneur de certains textes publiés à l'époque. André Allix s'interroge beaucoup en ces années sur la géographie, ses méthodes, son enseignement, et les résultats qu'elle produit. Que ce soit dans son compte rendu de la thèse de Lucien Gachon (Allix, 1943a) ou dans ses « Souvenirs d'un correcteur à l'agrégation » (Allix, 1943b), le questionnement domine sur les certitudes. Ce sujet n'a pas été développé car son étude nécessiterait un corpus de textes différent de celui considéré dans ce mémoire. Certains géographes ont véhiculé dans les années 1970 l'image d'une « science normale », ruraliste, conservatrice et ignorante des soucis épistémologiques. Il est sans doute temps de revenir aux textes publiés dans les années 1930 et 1940 pour nuancer cette image.

Annexes

Figure 15 : Une propagande nataliste vigoureuse

Source : extrait d'une brochure de Fernand Boverat, Le massacre des innocents, parue début 1939. Reproduction tirée de Reggiani, 1996, p.738.

Parcours et engagements personnels

Bien que cela ne concerne qu'indirectement mon mémoire, il apparaît utile de rappeler quels sont les engagements connus durant la période. Les informations manquent pour un grand nombre d'auteurs et notamment pour ceux qui publient leur mémoire de DES dans les revues régionales puis qui cessent de produire. De plus, la recherche n'a pas été effectuée de façon systématique. Les informations synthétisées ici ont été recueillies au hasard des lectures effectuées. Seules les personnes citées dans le mémoire ont été retenues.

L'objectif de cette liste n'est pas de distribuer des bons et des mauvais points. Il s'agit simplement de montrer qu'être passionné par le monde rural ne signifie pas automatiquement être pétainiste, et que continuer de faire paraître une revue sous l'Occupation n'est pas synonyme de collaboration : le cas de Daniel Faucher en fournit une preuve exemplaire.

Par ailleurs, même des auteurs prônant le retour à la terre en 1941 ont pu être très tôt actifs dans des mouvements de résistance : c'est le cas d'Albert Dauzat, professeur à l'École pratique des Hautes Études (Maigron, 1993, p.136). De plus, tous les ouvrages sur la période rappellent à juste titre qu'on pouvait être à la fois pétainiste et patriote, voire pétainiste et résistant. Ainsi, un des premiers journaux clandestins de la Résistance, Le Combat, porte en manchette des citations de Foch et de Pétain jusqu'en 1942 (Paxton, 1973, p.48). Dans son ouvrage de 1997, Claude Singer montre également que le fait de ne pas avoir été sanctionné à la Libération ne signifie pas absence de collaboration (voir les cas de J.-F. Gravier et de F. Perroux). Les cas de Jacques Ancel, Jean Gottmann et Georges Mauco, étudiés dans le développement (p.), n'ont pas été repris ici.

Les fonctions principales (mais non exhaustives) des personnes citées sont indiquées entre parenthèses.

Avant-guerre, présence dans le Comité d'accueil et d'aide aux victimes de l'antisémitisme allemand des géographes suivants : André Cholley, Albert Demangeon, Emmanuel de Martonne, André Siegfried (Schor, 1985, p.614).

ARQUE Paul (professeur agrégé au Lycée de Bordeaux, collaborateur régulier de la RGPSO) : fustige dans Géographie des Pyrénées françaises (1943) les " érudits intoxiqués de racisme " (p.29), évoque l'inconvénient du facteur " pseudo-ethnique " (p.77) et vante les effets des congés payés (p.63).

BAULIG Henri (professeur de géographie à la Faculté de Strasbourg, Faculté repliée à Clermont-Ferrand à partir de 1940) : aide des étudiants juifs et des étudiants évadés de l'Alsace annexée, emprisonné par la Gestapo à Clermont-Ferrand durant 2 mois en 1944 (Juillard, 1962, p.564).

BENEVENT Ernest (professeur de géographie à la Faculté d'Aix-Marseille) : sanctionné à la Libération (Singer, 1997, p.297).

BLACHE Jules (professeur de géographie à la Faculté de Nancy, détaché à Grenoble en 1940-1941) : promu à la Libération (nommé préfet de Meurthe et Moselle) (Gottmann, 1946, p.81).

BLANCHARD Marcel (professeur d'histoire à la Faculté de Montpellier jusqu'en 1940, recteur de l'académie de Grenoble de 1941 à 1943, beau-frère de Raoul) : membre du Conseil national, pétainiste inconditionnel, assiste en 1943 aux funérailles d'un milicien tué par la résistance (Demeyrez, 1994, p.127). Suspendu à la Libération et mis à la retraite d'office (Singer, 1997, p.283).

BLANCHARD Raoul (professeur de géographie à la Faculté de Grenoble, directeur de l'Institut de Géographie alpine et de la RGA) : nombreux témoignages de son hostilité à Vichy dans In memoriam Raoul Blanchard (voir notamment Berthoin p.8, De Beauregard p.26, Arbos p.54, Guichonnet p.68). Nommé à la Libération « délégué du commissaire de la République aux relations interalliées » (Veitl, 1994, p.93).

CHOLLEY André (professeur de géographie à la Sorbonne, fondateur et directeur de L'information géographique) : protège de nombreux étudiants contre le STO. Promu à la Libération (Gueslin, 1994, p.134).

CLOZIER René (enseignant de géographie à l'ENS de Fontenay-aux-Roses de 1931 à 1945) : soutient activement les actions du Front National Universitaire, mouvement de résistance proche du PCF (Maigron, 1993, p.136).

COLIN Elicio (directeur de la Bibliographie géographique internationale de 1919 à 1949) : arrêté et emprisonné deux mois pour avoir dissimulé des aviateurs américains (Gottmann, 1946, p.81)

DION Roger (professeur de géographie à la Faculté de Lille) : membre du jury du prix Sully-Olivier de Serres créé en 1942 par Vichy pour promouvoir la littérature consacrée à la vie paysanne. Sera reconduit comme membre du jury après la Libération (Thiesse, 1997, p280-285)

DRESCH Jean (professeur agrégé au lycée de Rabat en 1939): membre du PCF, hostile à Vichy (Dumoulin, 1994, p.29)

FAUCHER Daniel (professeur de géographie à la Faculté de Toulouse, directeur de la RGPSO) : militant de la Ligue des Droits de l'Homme et militant antifasciste avant-guerre (Pinchemel et al., 1984, p.206-207), résistant dès 1940 (Broc, 1993, p.248). S'oppose après guerre au retour d'un universitaire pétainiste (Singer, 1997, p.137)

GACHON Lucien (thèse soutenue en 1939, professeur de lycée jusqu'en 1942 puis assistant à l'Institut de Géographie de Clermont-Ferrand) : publie La première année, un roman prônant le retour à la terre, en 1943 (Thiesse, 1997, p.274 à 280). Membre du jury du prix Sully-Olivier de Serres (voir DION). Sera reconduit comme membre du jury après la Libération (Thiesse, 1997, p280-285)

GEORGE Pierre (professeur au lycée Charlemagne à Paris) : membre du PCF depuis 1936, militant syndicaliste et membre actif de comités antifascistes avant-guerre, hostile à Vichy, échappe de justesse à une arrestation en 1942 (Maitron, 1987, p.287). Membre de la commission Dessus à partir de 1943 (il y remplace Jacques Weulersse nommé professeur de géographie coloniale à Aix-Marseille).

GOUROU Pierre (professeur de géographie à l'Université de Bruxelles) : vice-président du Comité régional de la Libération à Bordeaux (Gottmann, 1946, p.81)

HARDY Georges : nommé recteur de l'académie d'Alger le 20-12-1940. Président du comité de propagande de la Légion française des combattants d'Afrique du Nord (pétainiste). « Révoqué sans pension, avec interdiction absolue d'enseigner, même à titre privé » par décret du 05 février 1944 (Singer, 1997, p.24-25)

LEFEBVRE Théodore (professeur de géographie à la Faculté de Poitiers) : arrêté et déporté en Allemagne, à la prison de Wolfenbuttel. Décapité à la hache le 3 décembre 1943 (BAGF, 1946, n°177-178, p.48).

MARRES Paul (assistant de géographie à la Faculté de Bordeaux jusqu'en 1941 puis professeur de géographie à la Faculté de Montpellier, directeur de l'Institut de Géographie de Montpellier et de la Société Languedocienne de Géographie) : proche de Marc Bloch à Montpellier. Participe à la création d'une école supérieure de guerre clandestine (Gueslin, 1994, p.49). Responsable de la résistance dans le département de l'Hérault (Broc, 1993, p.248).

MARTONNE Emmanuel de (professeur de géographie à la Sorbonne, un des directeurs des AG, secrétaire général de l'AGF jusqu'en 1942, date à laquelle il en devient le président) : utilise des arguments idéologiquement proches des thèmes de la Révolution nationale dans sa correspondance avec Abel Bonnard pour obtenir l'agrégation de géographie (Dumoulin, 1994, p.29-30). Mis à la retraite en 1944, peut-être pour éviter des sanctions administratives (Singer, 1997, p.238)

MEYNIER André (professeur de géographie à la Faculté de Rennes) : arrêté par la Gestapo en 1944 (Broc, 1993, p.248).

MUSSET René (professeur de géographie à la Faculté de Caen) : détenu deux ans à Buchenwald (Gottmann, 1946, p.81)

PARDE Maurice (professeur de géographie à la Faculté de Grenoble) : pétainiste jusqu'en 1942, se rapproche des gaullistes ensuite. Reste proche durant toute la période de René Gosse, recteur limogé par Vichy en 1940 et assassiné par la Gestapo en décembre 1943 (Demeyrez, 1994, p.129)

SIEGFRIED André (titulaire d'une chaire de géographie économique et politique au Collège de France à partir de 1933) : sans doute l'auteur sur lequel l'opinion actuelle est la plus différente de ses contemporains (pour un aperçu de cette dernière, voir Gottmann, 1989). Grand vulgarisateur des stéréotypes raciaux avant guerre. Explique par exemple, en 1927, l'antisémitisme américain par « la course effrénée du Juif à la réussite » (Noiriel, 1999, p254-260 ; extraits dans Pinchemel et al., 1984, p.146-151). Participe aux petits déjeuners à l'Institut allemand début 1941 (Burin, 1995, p313). Devient dans les années 50 le chantre du la légende du bon Vichy (Pétain) opposé au mauvais Vichy (Laval) (Azéma, 1993, p.153).

URVOY Yves (Capitaine, collaborateur régulier des Annales de géographie pour les questions coloniales) : doctrinaire pétainiste (Lindenberg, 1990, p246). Publie avec François Perroux cinq cahiers Renaître en 1942-1943 (Baruch, 1997, p.589).

Liste des articles cités

ALLIX André, 1935, « Après dix ans. Un programme, un appel », ER, XI, n°1, p.5-12

ALLIX André, 1943a, « Profits et problèmes d'une étude régionale, à propos des Limagnes du Sud », ER, XVIII, n°1, p.93-104.

ALLIX André, 1943b, « La Géographie à l'agrégation, souvenirs d'un correcteur », ER, XVIII, n°2, p.127-150 et n°3, p.213-230.

ALLIX André, 1943c, « Les aspects de la nature en France, d'après Emmanuel de Martonne », ER, XVIII, n°4, p.249-262.

ALLIX André, 1944, « CLOZIER (René), Les Étapes de la Géographie », ER, XIX, n°1, p.94-95.

ALLIX André, 1945, « La puissance japonaise », ER, XX, n°1, p.1-23.

AMALRIC S., 1937, « La vie rurale dans la vallée du Thoré », RGPSO, VIII, n°3, p.213-236.

ANGELIER Clovis-Henri, 1940, « Le bassin houiller de la Mure », RGA, XXVIII, n°3, p.249-346.

ARBOS Philippe, 1941, « Les Limagnes méridionales, d'après L. Gachon », RGA, XXIX, n°3, p.521-529.

ARBOS Philippe, 1942, « La vie pastorale dans les Alpes, d'après J. Frödin », RGA, XXX, n°1, p.193-198.

ARBOS Philippe, 1943, « Les Grandes Alpes françaises du Nord, d'après Raoul Blanchard », ER, XVIII, n°4, p.263-268.

ARQUE Paul, 1948, « La Société de Géographie commerciale de Bordeaux », Cahiers d'Outre-Mer, I, n°1, p.101-102.

AUFRERE Léon, 1936, « Le paysage spirituel de l'Occident », AG, XLV, n°257, p.449-468.

AUFRERE Léon, 1942, « La dissymétrie de l'Avenue des Champs-Élysées », BAGF, n°146-147, p.87-98.

AZEAU Jean, 1936, « Les étrangers dans le département des Pyrénées-Orientales. Problèmes actuels », BSLG, VII, n°1, p.16-30.

BABONNEAU Lucien, 1942, « Nouveaux aménagements hydro-électriques dans les Pyrénées », RGPSO, XIII, n°3, p.368-377.

BELIME, 1936, « Les irrigations du Niger ; conditions physiques et humaines », BAGF, n°101, p.147-149.

BERNARD R.P., 1938, « Où va la Chine », Bulletin de la Société de Géographie de Lille, CXXXII, n°4, p.125-140.

BIERMANN Charles, 1939, « Les toits de tuiles creuses dans la Suisse rhodanienne », ER, XV, n°1-2-3, p.289-293.

BLACHE Jules, 1940, « La campagne en pays noir. Essai sur les caractères du paysage rural en Afrique Occidentale », RGA, XXVII, n°3, p.347-388.

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Table des figures

Figure 1 : Les géographes universitaires en province en 1939 p.8

Figure 2 : Pagination des revues de 1936 à 1947 p.20

Figure 3 : Pagination des différentes revues de 1937 à 1947 (base 100 : 1937) p.21

Figure 4 : Nombre de planches de photographique hors texte p.23

Figure 5 : La production des Annales de géographie de 1936 à 1945 p.24

Figure 6 : Nombre de collaborateurs à deux revues ou plus p.25

Figure 7 : Nombre de collaborateurs par année et par revue p.26

Figure 8 : Nombre de collaboratrices par année et par revue p.27

Figure 9 : Proportion de collaboratrices par année et pourcentage de pages écrites par ces auteurs p.27

Figure 10 : Livres reçus par les Annales de géographie de 1936 à 1945 p.29

Figure 11 : Bibliographies provinciales p.30

Figure 12 : La part de la France dans les revues parisiennes (1) p.32

Figure 12bis : La part de la France dans les revues parisiennes (2) p.33

Figure 13 : La part de la France dans les articles sur l'Europe dans les AG p.34

Figure 14 : Proportion d'articles de géographie physique par année p.39

Figure 15 : Une propagande nataliste vigoureuse p.67

Table des matières

Introduction p.4

Première partie : des revues en guerre p.17

1.1. Pourquoi continuer à paraître ? p.17

1.2. Les besoins en papier p.20

1.3. Les besoins en collaborateurs p.24

1.4. Obtenir livres et informations p.28

1.5. Des géographes limités dans leurs déplacements p.32

1.6. Les bénéfices secondaires p.34

1.7. La petite guerre dans la grande : Blanchard vs de Martonne p.34

Deuxième partie : des revues sous Vichy p.37

2.1. Un refuge dans la géographie physique ? p.38

2.2. « Géographie rurale » et retour à la terre p.41

2.3. Urbanisation et industrialisation à outrance ? p.45

2.4. Le rôle clé des colonies p.48

2.5. L'obsession démographique et le « problème des étrangers » p.51

2.6. Des articles vichystes ? p.54

2.7. Censure et résistance p.59

Conclusion p.65

Annexes

Une propagande nataliste vigoureuse p.67

Parcours et engagements personnels p.68

Liste des articles cités p.72

Sources p.77

Bibliographie p.78

Table des figures p.82

* 1 Cette citation, comme toutes celles contenues dans ce mémoire, respecte la typographie du texte original.

* 2 Paul Marres est assistant de géographie à Montpellier de 1932 à 1936, il n'est apparemment pas remplacé après son départ pour Bordeaux en 1937. Il est nommé professeur à la faculté de lettres de Montpellier après le décès de Jules Sion en 1941.

* 3 Information communiquée par Alain Reynaud.

* 4 Les noms placés entre parenthèses et en italique renvoient à la liste des articles cités placée en annexe.

* 5 Le changement de nom intervient en 1920, sans qu'il y ait modification de contenu ou de présentation

* 6 Le bulletin est beaucoup plus ancien (1878), 1930 marque le début de la deuxième série, et la reprise en main du bureau de la Société par l'Institut de géographie de l'université de Montpellier. Voir Thomas (1930) et Saussol (1990).

* 7 La revue s'intitule Annales d'histoire économique et sociale de 1929 à 1940. Elle reparaît à partir de 1942 sous le titre Mélanges d'histoire économique et sociale.

* 8 En 1918, Raoul Blanchard écrivait : « Nous avons continué, dans la mesure du possible, à exercer notre activité dans les mêmes directions que si l'état de guerre n'existait pas », Recueil des Travaux de l'Institut de géographie alpine, VI, n°2, p.257.

* 9 Le bulletin de la Société de Géographie de Paris reparaît à partir de 1947 sous le titre Acta geographica.

* 10 Il suffit de consulter les exemplaires conservés à l'Institut de Géographie ou à la bibliothèque de la Sorbonne pour s'en rendre compte.

* 11 Diplôme devenu obligatoire pour les candidats à l'agrégation en 1894 (Lefort, 1992, p.44). Durant la période étudiée, la liste des DES présentés est en principe publiée chaque année dans les Annales de géographie.

* 12 L'expression originale est « prohibited from publishing containing economic statistics, even if out of date »

* 13 Les rubriques « l'actualité », « statistiques récentes » et « livres reçus » n'ont pas été prises en compte.

* 14 Pour cet aspect, voir la liste des engagements connus pendant la période située en annexe.

* 15 La formule de MacDonald est la suivante : « articles on geomorphologic topics were the easiest to research and safest to publish ».

* 16 Les Annales de géographie ne paraissant pas en 1944, cette année n'a pas été considérée.

* 17 La majorité des auteurs de l'époque n'utilise pas de majuscule.

* 18 Pour faire travailler le noir, Richard-Molard s'interroge : « Une solide raclée ? Quelle tentation, on s'en doute ! » (1943, p.364). Et « le noir démonte tout moteur, un peu comme l'enfant qui veut savoir comment est faite sa poupée ! » (p.366). Il est vrai qu'il s'agit là de ses premières publications.

* 19 Qu'il ait été repris dans Pages géographiques sans la moindre modification montre la pertinence de l'article. En 1963, nombre d'articles de « géographie coloniale » écrits à la même époque auraient sans doute fait scandale s'ils avaient été republiés.

* 20 Elle récompense par une médaille de bronze, d'argent ou d'or, les mères de respectivement 5, 8 et 10 enfants.

* 21 Fernand Boverat est le propagandiste nataliste le plus actif et le plus virulent pendant tout l'entre-deux-guerres.

* 22 Le texte original est en majuscules, voir note 1 p.3

* 23 Dans sa thèse, Mauco emploie le plus souvent l'expression métèque entre guillemets.

* 24 L'adjectif est déjà présent dans sa thèse : « Non moins pernicieuse est la déliquescence morale de certains Levantins, Arméniens, Grecs, juifs et autres « métèques » négociants et trafiquants » (Mauco, 1932, p.558).

* 25 Paul Guichonnet devient ensuite professeur à l'université de Genève.

* 26 Les films américains et britanniques sont interdits dès l'été 1940 en zone occupée, quelques uns sont diffusés en zone libre jusqu'en 1942 (Jacques SICLIER, 1981, La France de Pétain et son cinéma, Paris, éditions Henri Veyrier, p.448).

* I L'article n'est pas signé mais Paul Marres est à cette date le président de la Société Languedocienne de Géographie.






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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984