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L'indicible à porté du regard. Les nouvelles technologies: vers un au-delà de la scène ?

( Télécharger le fichier original )
par Yannick Bressan
Université Paris 3, Sorbonne nouvelle - DES 2003
  

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C) Le « chat » : voir, proposer, commenter, apprécier ?

« 1 > bonjour

217 > silencieux et troublé

3 > troublant certainement... »115

Les trois phrases ci-dessus sont les trois premières phrases du « chat » du spectacle Bal 5. Dans cet exemple trois spectateurs-net sont intervenus. Ces trois spectateurs ainsi que tous les autres connectés au spectacle avaient la possibilité d'envoyer ponctuellement des propositions aux danseurs, nous l'avons vu, mais aussi de commenter leur choix (voir annexes 10, 11, 12, pages XXXVII à XLVII). Ces commentaires étaient intégrés au développement de l'événement. Les danseurs s'en emparaient et jouaient avec. Le chat était là pour « colorer » les propositions faites par les spectateurs-web. L'internaute voyait donc dans la fenêtre vidéo de la page web comme dans une lorgnette pointée sur le spectacle. A partir de cette vision, il pouvait être amené à proposer des orientations chorégraphiques, ou de lumière ou encore de cadrage. Il devait ensuite, s'il le désirait commenter son choix, ses sensations, ses impressions, etc. Il était donc actif et fortement sollicité voire, peut- être, sur-sollicité. En effet, il semble difficile d'accomplir toutes les actions demandées en pleine conscience de cause et, de plus, apprécier un spectacle. Soit le spectateur-web tente de saisir le fond et les répercussions de son action et il nous paraît difficile qu'il puisse alors apprécier réellement l'intérêt plastique et artistique du spectacle. Il peut alors avoir la sensation de se retrouver face à un projet informatique expérimental parfois complexe et rébarbatif et rate donc les enjeux profonds du projet. Soit il délaisse la part conceptuelle pour se concentrer sur le jeu mis en place, la beauté des images et, dans ce cas, toutes les interrogations que pose e-toile sur l'utilisation du médium Internet au spectacle risquent de ne pas le toucher.

115 Extrait du chat de Bal 5, Cf. Annexes 12, page XLIV.

3. Problématiques posées par l'utilisation du levier

« réseau informatique » à des fins spectaculaires.

L'élargissement.

La rupture des limites traditionnelles en ce qui concerne les concepts de : « Public », « Spectacle », « Metteur en scène ».

a. Proposition de définition traditionnelle d'un public de spectacle théâtral ou chorégraphique et sa transformation au spectacle présenté sur le réseau :

Des gens assis ou disposés à l'intérieur d'une salle de théâtre ou d'un espace délimité :

- Soit par des conditions architectoniques (On prend ici en compte les spectacles développés dans d'autres espaces non théâtraux, tel que hangars, parking, etc...)

- Soit par les limites propres à la vision ainsi qu'à l'écoute du spectacle réalisé [sur scène ou l'espace dédié à la représentation de la fiction]. (Les spectacles de rue, ou /et en plein air, ont pour limites les possibilités physiques des spectateurs pour entendre et voir le spectacle).

Dans des spectacles et expériences en réseau, il est nécessaire d'élargir le concept de « public ». Appliqué aux spectacles utilisant le réseau Internet cette définition se transforme. Le public demeure l'ensemble des gens qui peuvent entendre et voir le spectacle. Cependant, cet ensemble n'a plus besoin, pour les spectacles présentés exclusivement sur le réseau116, d'être rassemblé au même endroit. Les données « temporelles » reste sensiblement les mêmes : le public doit entendre et voir le spectacle sur son écran d'ordinateur (dans le cas d'expériences sur le réseau Internet) pendant la durée « live » du spectacle. Si l'on y regarde de plus près, il apparaît que le coefficient temporel de vision et d'écoute du spectacle sur la « scène web » varie en fonction de la puissance des ordinateurs qui reçoivent la vidéo, mais aussi en fonction de l'encombrement du réseau. La possibilité d'être spectateur tout

116 Voir à ce sujet les expériences du groupe de recherche et de création e-toile sur www.e-toiler.com

en restant éloigné des réactions d'autres spectateurs souligne la solitude de l'individu et renforce son sentiment de perception individuelle face au spectacle.

La solitude des spectateurs devant un spectacle présenté exclusivement sur Internet élargit les possibilités de réaction des spectateurs. La « ceinture » de règles sociales largement acceptées à l'intérieur des salles de spectacles (XX-XXI ème siècles.) comme par exemple ne pas commenter à haute voix, ne pas boire, ne pas manger, ne pas exprimer de façon excessive et trop expressive le mécontentement, l'ennui, la fascination, la joie... bref, garder, dans son statut de spectateur, toutes les attitudes de respect d'autrui qui permettent d'assister à un spectacle dans les meilleures conditions.

Ces lois nous semblent exister seulement à l'intérieur d'une salle. (Dans la rue ou dans des spectacles en plein air les carcans de la conventions, bien que moins rigides, n'en restent pas moins présents).

Le public du Net compte avec son intimité et sa liberté d'expression. Toutes les lois énumérées ci-dessus semblent, dans le cadre d'un spectacle présenté et/ou vu exclusivement sur Internet, caduques.

Il est important de noter que les spectateurs sur Internet sont dans l'absolue ignorance de la réaction des autres spectateurs. L'absence de « retour »117 de l'ensemble des spectateurs-net, laisse les acteurs et les spectateurs dans un silence tant physique que sensible qui peut s'avérer être angoissant. L'interactivité peut parfois permettre, outre le sentiment d'échange avec la scène-web, de connaître les choix de certains spectateurs lorsqu'ils déterminent une action sur la page web à laquelle tous les autres Internautes peuvent assister. Cela n'est certainement pas suffisant pour ressentir l'impression physique et psychique du spectateur-net. Le groupe de recherche et de création e-toile a néanmoins, dans ce sens, proposé dans certaines de ses créations (nous l'avons vu avec la série des Bals) un système de « Chat » qui permettait à l'internaute de commenter le choix qu'il venait de faire et d'envoyer aux artistes. Ce commentaire était visible à tous les autres Internautes et aux spectateurs dans le théâtre118. Pour l'acteur : comment ressentir une « salleInternet » ? Pour le spectateur : quelle est la réaction des autres spectateurs ?

117 Ici « retour » est employé comme en musique. Les chanteurs et les musiciens ont en « live » des enceintes personnelle qui leur donne leur « retour ».

118 Cf. supra pages 61. 62.

Il semble difficile de sentir la réaction « collective » du public-net. Il faut néanmoins noter quelques expériences à cet égard fort intéressantes. L'une d'elles en particulier nous semble éloquente pour illustrer une esquisse de contre-exemple de l'idée que nous venons de développer plus haut.

e-toile présenta les 28, 29, 30 novembre 2000 Le Martyre119 . Il s'agissait de l'adaptation d'un mystère inédit du XV ème siècle. Sans s'attarder sur la mise en scène et l'histoire mise en jeu ici qui est celle du martyre de Saint Etienne, premier martyre chrétien, nous allons nous attacher plus particulièrement au système d'interactivité utilisé pour ce spectacle. Ce système, par une interface très simple, permit au comédien sur le plateau ainsi qu'aux internautes connectés durant le spectacle de connaître les humeurs du groupe d'Internautes- spectateurs.

Concrètement, sur la page Internet était disposée une « fenêtre » d'environ 10 cm sur 12 dans laquelle était diffusée la vidéo filmée en direct du spectacle (visible exclusivement pour Internet, construit et pensé pour ce support).

Sous cette « fenêtre », ouverte sur le spectacle, étaient placés trois boutons de couleurs différentes qui représentaient l'humeur et l'avis du spectateur-web en réaction au message (de tolérance) que St Etienne voulait faire passer. Trois boutons pour trois humeurs :

Le bleu pour l'accord avec les propos et le soutien d'Etienne.

Le vert pour la neutralité vis à vis de Etienne, ce qui lui arrive et ce qu'il dit.

Le rouge pour le désaccord et d'une certaine façon lui « jeter des pierres virtuelles ». Chaque Internaute parmi tous ceux connectés pouvaient donner son avis en cliquant sur l'un de ces boutons trois fois par acte. La pièce comprenant trois actes l'Internaute pouvait « voter » neuf fois au total. Le choix de restreindre le nombre de vote par Internaute marquait la volonté d'éviter le « clic frénétique » qui aurait faussé une grande partie de l'intérêt de l'interactivité proposée. En effet, ces votes apparaissaient dans le temps du spectacle sous forme de pourcentage (x % de bleu, y % de vert et z % de rouge) sur un écran informatique face au régisseur lumière120.

Celui-ci faisait varier l'intensité et la couleur de la lumière sur le plateau en fonction du vote des Internautes et donnait de ce fait des indications d'atmosphères au comédien.

119 Le Martyre , adapté et mis en scène par Yannick Bressan. « Streamé » en direct depuis « La Fabrique de théâtre » de Strasbourg. Production e-toile, 2000, Cf. annexes 6, page VII.

120 Voir annexes 6, page VII.

Il est à noter qu'en aucun cas les Internautes n'influaient sur ce qui était dit, mais sur l'atmosphère (lumineuse) autour d'Etienne et donc, le comédien connaissant les codes de couleurs, sur sa façon de jouer, de donner le texte.

Il est évident que si les propos d'Etienne remportaient une forte approbation (atmosphère plutôt vert), le comédien jouait différemment (le même texte) que si il avait « face à lui » une foule hostile (atmosphère à dominante rouge).

On voit bien, ici, combien l'attitude du spectateur derrière son écran pouvait avoir des répercussions fortes dans le spectacle pour le comédien ainsi que pour les autres spectateurs (Ce système est finalement une adaptation contemporaine assez proche de l'atmosphère participative du public des mystères médiévaux).

Cet exemple reste aujourd'hui encore un exemple relativement peu courant de théâtre interactif en direct sur Internet.

L'individualisme, la solitude, l'absence de lois sociales (hormis celles de la sphère privée) définissent l'attitude d'un spectateur-Internaute, de plus, l'ignorance des réactions des autres spectateurs nous semble définir (délimiter) un nouveau public. Ce public nouveau, plutôt éclaté, ne trouve plus dans sa présence au spectacle théâtral des expériences de collectivité, d'association, de rassemblement en un lieu et en un temps identique, de complicité, de synchronisation, d'empathie... L'éclatement géographique du spectacle (public/scène) par l'utilisation du réseau Internet délimite de nouveaux codes spectaculaires et nous donne une nouvelle définition du « spectateur de théâtre ».

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway