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Le Parti communiste français (PCF) et l'alternance

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par Joël THALINEAU
Université François RABELAIS - TOURS - DEA Droit Public 1979
  

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II - LE RESPECT DES PRATIQUES POLITIQUES BOURGEOISES - L'ELECTORALISME

H WEBER (86) relève que dans le discours de l'Internationale communiste, il y avait une pratique révolutionnaire et une pratique intégrée du suffrage universel. Dans la première, l'élection est un moment de la lutte des classes au cours duquel le mouvement ouvrier constate l'efficacité de son action de sape contre le pouvoir bourgeois et ses appareils idéologiques. Dans la seconde, l'élection est un but auquel tout est subordonné, la lutte électorale remplace la lutte des classes.

(84) - Résolution XXIème congrès précité p. 45 et s.

(85) - M. SIMON in "Socialisme, Démocratie et Epanouissement de la personne" - précité - p. 18.

(86) - H. WEBER et O. DUHAMEL in "Chiznger Le P.C." p. 16 P.U.F. 1979.

Le P.C.F. affirme que la voie qu'il a choisie pour construire le socialisme n'est ni uniquement parlementaire, ni uniquement électorale, mais plus fondamentalement une voie de développement des luttes de classe. Les faits, nous le verrons, infirment ces propositions, tout comme ils montrent deux pratiques électoralistes du P.C.F.

A - L'électoralisme.

1) - Citant Lénine, G. COGNIOT disait dans une conférence à l'Institut. M. THOREZ (87) l'idéal du militant ouvrier est d'être le tribun du peuple". Le problème est de savoir à quoi sert ce tribun. A organiser le changement révolutionnaire ? A légitimer le système ? G. LAVAU (88) montre que par sa fonction tribunitienne, le P.C.F. recueille le mécontentement des travailleurs, qu'il canalise et maintient dans des limites précises. Ce faisant, non seulement le P.C.F. légitime le système, mais en outre il s'intègre à celui-ci comme un rouage important.

En effet, sous la Vème République (mais cela ne date d'elle) le P.C.F. a toujours adopté une conduite orientant les revendications ouvrières vers la seule issue électorale. Ainsi; en 1963, lors de la grève des mineurs, il explique à ceux-ci qu'ils ont obtenu par la voie syndicale tout ce qu'ils pouvaient attendre et que la solution de leurs problèmes dépendait du soutien qu'ils accordaient au P.C. pour le rassemblement contre le pouvoir gaulliste.

En 1968, en traversant les événements sans les comprendre et les maîtriser, il saisira la perche des élections législatives dont le résultat, hélas, ne sera pas à la hauteur de ses illusions. Le mouvement s'accentue avec le programme commun signé en 1972, le pouls de la vie nationale est réduit aux pulsations électorales.

L'électoralisme a pris véritablement son envol, nous le remarquions à l'instant, à partir de l'union de la gauche, mais dès 1959, le P.C.F. développait la nécessité d'une alliance de toutes les forces démocratiques contre le gaullisme.

Cependant, il faudra attendre 1962 pour constater les premiers accords. Le scrutin majoritaire à deux tours favorise et même oblige à de telles alliances. En 1962, le P.C.F. n'est pas "très regardant" sur la "nature" de ses alliés.

(87) - G. COGNIOT in "Lénine et la Science Politique" précité p.5.

(88) - G. LAVAU in "Le P.C.F. dans le système politique français" précité.

En effet, lors des élections législatives des 18 et 25 Novembre, des accords sont passés entre P.C., S.F.I.O. et d'autres républicains, dans lesquels le P.C. retire son candidat parfois arrivé en tête au premier tour pour assurer l'élection d'un "républicain" ; que celui-ci soit réactionnaire comme le Chanoine KIR, ou anti-communiste comme Jules MOCH.

Cependant, cette alliance va se dessiner plus nettement, notamment avec l'influence grandissante de M17TERAND sur la gauche non communiste, au fil des années, pour aboutir à la conclusion de l'union de la gauche sur le programme commun en 1972 après le renouveau du P.S. fraîchement émoulu d'Issy-Les-Moulineaux et d'Epinay.

2) - Ce qui a caractérisé l'électoralisme du P.C.F. de 1959 à aujourd'hui c'est sa défiance viscérale à l'égard de tout ce qui ne sort pas de l'appareil, son refus de l'auto organisation des masses. Le mouvement des femmes, des consommateurs, des écologistes, des régionalistes, ... etc ..., manifeste une volonté de prise en charge des problèmes par les acteurs eux-mêmes, que le P.C.F. ne reconnaît pas ou plutôt reconnaît dès lors qu'elle s'exprime dans le cadre du parti c'est-à-dire sans risque de vagues importantes. Ces mouvements ont été dénigrés par le P.C.F., tout comme certaines manifestations de "l'esprit" de Mai-Juin 1968.

Non seulement, l'électoralisme se manifeste par cette attitude négative à l'égard des formes d'auto-organisation des masses, mais aussi par l'émiettement, la dispersion, voire même l'étouffement des mouvements revendicatifs, dont certains, dans des structures dépendant du parti (89). Méfiance pour ces "mouvements étranges venus d'ailleurs', patience pour les justes revendications pourraient être les deux mots d'ordre de l'électoralisme bon teint pratiqué par le P.C.F. Certains communistes déplorent ce comportement. France VERNIER, dans la Nouvelle Critique d'Avril 1978 remarquait Nous avons aussi craint le "danger gauchiste", les luttes ou mouvements sauvages, irresponsables, etc ... Nous avons trop craint aussi les initiatives venues d'ailleurs et qui 'risquaient" de dévoyer l'action révolutionnaire (lutte des femmes, mouvements écologistes, etc au lieu de nous engager résolument sur tous ces terrains et de faire évoluer par notre action ces mouvements en un sens transformateur". (90)

(89) - Article de Michel BARAK Maître-assistant à l'Université de Provence dans le Monde du 13/12/78 p.2 sur le silence du parti et la non application des principes proclamés (autogestion, droits syndicaux) aux travailleurs des sociétés d'édition et de vente du parti (Club Diderot, CDLP, librairie Racine à Paris).

(90) - F. VERNIER, enseignante à l'université de Tours, in "La Nouvelle Critique" Avril 1978 "Il ne suffit pas de perdre pour avoir raison".

Cependant, les idées véhiculées par ces différents mouvements sont récupérées au moment opportun (91).

Le développement, hors des partis, de ces mouvements marque une certaine sclérose des partis traditionnels, y compris du P.C.F., qui se manifeste par la réduction des luttes de classe aux luttes électorales, la réduction de la politique "aux formes officiellement consacrées comme politiques par l'idéologie bourgeoise" (92).

3) - L'électoraliste est condamné à ne rien faire qui puisse détourner, le moment venu, l'électeur potentiel de la victoire, de la bonne pile de bulletins.

Pendant qu'est "diffusé" cet "appel au calme, la bourgeoisie procède à un matraquage désuet mais toujours opérant sur un corps social atomisé parce que déconnecté des luttes. L'aventure de l'union de la gauche sur le programme commun, c'est l'histoire de l'électoralisme petit bourgeois. Nouveau décalogue issu de tractations d'Etats majors, lu par quelques milliers de personnes, invoqué comme une nouvelle "jouvence' il ne pouvait pourtant, à lui seul, unifier, solidifier, donner une cohérence aux masses qu'Il concernait.

Lors du XXIIIème congrès du P.C.F., il a été affirmé que le programme commun avait été démobilisateur. C'est faux, ce n'est pas le programme commun qui a été démobilisateur, c'est la pratique qu'en ont faite les organisations ouvrières (P.S., P.C., C.G. et C.F.D.T.) (93). En désarmant les luttes, ces organisations ont présenté le programme commun comme la bouée de sauvetage universelle, mais celle-ci ne pouvait porter tous les espoirs qu'à la condition d'être gonflée à bloc par de profonds mouvements de lutte. C'est l'union sans les luttes qui a noyé les français. La nouvelle tactique du P.C.F., d'union à la base, décidée au XXIIIème congrès, ne pourra renflouer l'union de la gauche si elle est conçue comme l'alignement sur les positions communiste. Par contre, si elle est envisagée comme une union contradictoire, sur la base d'une confrontation idéologique entre communistes, socialistes, consommateurs, syndicats, écologistes, ... etc ..., sur la base d'actions unitaires à la base et au SOMMET, dans lesquelles les communistes ne seront pas toujours majoritaires, peut-être verra-t-on naître alors une nouvelle forme de pratique politique.

(91) - Ex l'élection législative partielle de Tours en 1976 Une campagne du
point vert.

(92) - L'ALTHUSSER in revue Dialectiques n° 23 Printemps 78 p.8

(93) - Au cours de la préparation du XXIIIème congrès, les dirigeants ont essayé de démontrer que la démobilisation, ainsi que la conception du "grand soir électoral", n'avaient pas été le fait du P.C.F., mais du P.S. Voir notamment France Nouvelle 12/03/1978 p.5 et s.

En limitant la politique à la sphère électorale, on limite celle-ci à "la production d'un consentement" (94), l'Électeur n'étant qu'un bulletin de vote en instance de transfert. On reproduit ainsi le mode de fonctionnement bourgeois de la politique, en contribuant à la séparation vie privée vie politique.

Avec un comportement électoraliste, le P.C.F. ne peut convaincre qu'II "veut non pas aller au pouvoir, mais donner à la majorité les moyens de l'exercer" (95), surtout si cette attitude présente deux faces : "l'électoralisme - unitaire - l'électoralisme sectaire" (96) comme dans la période récente.

B - Des différents buts de l'électoralisme.

Dans la dernière décennie, la tactique électoraliste du P.C.F. a connu deux orientations différentes à mesure que s'épanouissait et se fanait une certaine vision de l'union de la gauche.

La première période (1970-1974) débute avec le rapprochement P.C. - P.S. consacré par la signature du programme commun. Le P.C.F. adopte alors une attitude résolument unitaire, masquant ainsi les contradictions de l'alliance.

La seconde période commence au lendemain des élections présidentielles de Mai 1974. Dès l'été 1974, en effet, le comportement unitaire du P.C.F. s'infléchit progressivement vers une attitude 'Sectaire" qui apparaît nettement après les élections municipales de 1977.

L'approche d'une consultation électorale (cantonales, municipales) fut toujours ; à l'exception de la plus capitale, les législatives de 1978 ; l'occasion d'une accalmie dans le flot des récriminations.

(94) - C. BUCI- GLUCKSMAN in "changer le P. C." p.133.

(95) - Emile BRETON in la Nouvelle Critique Avril 1978 "Dans mon jargon".

(96) - L. ALTHUSSER in "Ce qui ne peut plus durer dans le P.C." précité p.114.

1) - L'électoralisme unitaire

A l'époque de la signature du programme commun, le P.C.F. était de loin, la première force politique d'opposition. Rappelons que le socialiste DEFERRE avait obtenu au premier tour des élections présidentielles de 1969 environ 5 % des suffrages exprimés, alors que le communiste DUCLOS en recueillait 21,52 % (97). Le P.C.F. pensait alors que l'union de la gauche, dont il avait été l'initiateur, le hisserait plus haut encore et qu'en tout état de cause, il resterait le premier mouvement d'opposition. Or le programme commun va profiter beaucoup plus au P.S. qu'au P.C,.

En effet, si les législatives de 1973 laissent au P.C. la première place dans l'union de la gauche, elles marquent un renforcement très conséquent du P.S. qui, pour la première fois, sous /a dème République, atteint presque 20 % des voix. Ce n'était qu'un début. Comment expliquer ce phénomène, alors que le P. C. F était en plein développement de sa stratégie pacifique de passage au socialisme et déployait tous ses efforts pour montrer une image de parti FRANÇAIS, de parti démocratique respectueux des libertés (98) ?

La réponse est relativement simple. Dès lors que le P.C. et le P.S. sont présentés unis vers un même but, l'électorat toujours marqué par l'image du "couteau entre les dents',' image renforcée complaisamment par la majorité, s'oriente toujours plus facilement vers le P.S. que du côté du P.C.

Or, en ne soulignant pas publiquement la nature contradictoire de l'alliance, le P.C.F. permet l'amalgame des deux partis dans un ensemble flou et idéalisé : l'union de la gauche sur le programme commun.

Les propos du premier secrétaire du P.S. F. MITTERAND déclarant "qu'il n'est pas normal... que cinq millions de Françaises et de Français ... choisissent le P. C. ... (99), et que sur ces cinq millions, "trois peuvent voter socialiste" (100) n'alertent pas le P.C.F., ni même

(97) - in Constitutions et Documents Politiques M. DUVERGER p.432.

(98) - Voir la publication d'un "projet de déclaration des libertés" en 1975 Ed. Soc. Intitulé "Vivre libres".

(99) - F. MITTERAND au congrès d'Epinay le 11/06/71 in "POLITIQUE" F. MITTERAND p.532 Fayard 1977.

(100) - F. MITTERAND au congrès de l'INTERNATIONALE SOCIALISTE à Vienne en 1972.

que cet objectif soit "la raison de cet accord" (101). Par son combat, le P.C.F. a mis l'union en avant et ce faisant, le P.S. ; auquel il ouvre un gigantesque crédit politique en lui délivrant un diplôme de bonne conduite. En effet, malgré son renouveau, le P.S. serait resté, sans union, longtemps marqué par ses pratiques passées. N'oublions pas que tous les membres de la S.F.I.O. ne se sont pas opposés à la venue du Général DE GAULLE, certains d'entre eux participèrent même, à son gouvernement (Guy MOLLET par exemple).

Le congrès d'Epinay avait redonné une cohérence au mouvement socialiste, l'union de la gauche sera le vecteur de son unité, et le support de son expansionnisme.

Le renoncement aux alliances avec la droite (102), à la collaboration de classe (103) sont nommément cités comme étant l'élément fondamental de l'union de la gauche. Le P.C.F. renforce ainsi le mythe de la gauche unie, c'est-à-dire l'idée d'une union sans contradiction, d'une union idéale. Il entre dans un engrenage duquel il ne pourra sortir, où il se condamne à présenter le P.S. soit tout blanc, soit tout noir.

Croyant avoir le vent en poupe, alors qu'il souffle pour le P.S. ; les communistes joueront à fond la carte de l'union de la gauche. Ils seront unitaires pour deux, acceptant même des reculs par rapport au programme commun.

Ainsi; pour les élections présidentielles de 1974, F. MITTERAND n'est pas le candidat de l'union de la gauche, mais le candidat soutenu par l'union de la gauche. Sa plateforme électorale ne sera pas discutée, selon lui ce ne peut-être le programme commun de gouvernement, du fait qu'il s'agit de présidentielles ... Le P.C.F. manifestera un mécontentement public violent suite à la démarche de l'ambassadeur soviétique auprès de GISCARD D'ESTAING entre les deux tours (104). GISCARD D'ESTAING est élu, la gauche échoue de peu, mais échoue.

(101) - F. MITTERAND au congrès de l'INTERNATIONALE SOCIALISTE à Vienne en 1972.

(102) - Préface du programme commun - précité p.25.

(103) - "Le défi démocratique" G. MARCHAIS précité p.135.

Paul LAURENT in France Nouvelle 6 Août 1974.

(104) - Voir à propos des élections présidentielles : entretien avec Thierry PFISTER in "changer le P.C." p.159 et François LONCLI in "Autopsie d'une rupture" Ed. J.C. Simoen 1979.

Le P.C.F., en se fourvoyant dans la lune de miel, au sommet, avec le P.S., a été l'artisan de la puissance nouvelle de celui-ci. La volonté des communistes, d'acquérir le pouvoir, car tel était le fondement de cet électoralisme unitaire, leur a fait oublier ce qu'ils appelleront plus tard la "nature" réformiste, social démocrate autres qualificatifs du P.S.

Pourtant dès le 29 juin 1972, dans un rapport au Comité Central (105), Georges MARCHAIS soulignait l'ambiguïté des attitudes du P.S. serait dangereux, disait-il, de se faire la moindre illusion sur la sincérité ou la fermeté du P.S. au sujet de son engagement". En conséquence de quoi; le parti devait affirmer de façon permanente ses propres positions. Ce rapport allait non seulement rester secret, mais rien dans la pratique du P.C. ne fera soupçonner son existence. Pourquoi cette attitude ?

En 1972, le P.C.F., même s'il a des doutes sur son allié, se croit doté d'un avantage certain, et pense récolter prochainement les résultats de ses efforts pour apparaître sous un nouveau visage. En outre, son objectif est d'aller au pouvoir, or pour arriver à cette fin, il a besoin du P.S., il ne peut donc faire état publiquement de ses inquiétudes à moins de briser l'élan naissant et d'apparaître comme diviseur.

Cependant, ce qui s'était esquissé dans les élections législatives de 1973, approfondi aux présidentielles de Mai 1974, apparaît nettement à la suite d'élections législatives partielles à l'automne .1974 l'union de la gauche favorise le P.S. au détriment du P.C. qui reste à peu près stable. Or, si le P.C.F. envisageait l'union de la gauche comme rampe d'accès au pouvoir, il ne pouvait accepter de perdre à l'intérieur de celle-ci sa position dominante. A partir de ce moment-là, les sentiments unitaires vont être progressivement altérés, (avec de minutieux dosages dans la prévision des cantonales de 1976, et des municipales de 1977) pour faire place au sectarisme.

2) - L'électoralisme sectaire.

Lors de son congrès (XXIème) de Vitry à l'automne 1974, le P.C.F. pose trois questions

au P.S.

· le projet socialiste a-t-il vocation à remplacer le programme commun ?

· Le P.S. maintiendra-t-il ses alliances avec la droite pour les municipales de 1977 ?


· Le P.S. entend-t-il réduire le P.C. à "un rôle de force d'appoint" en affirmant la nécessité d'un rééquilibrage de la. gauche ? (106)

L'union de la gauche pour aller au pouvoir, d'accord ! Mais à condition que ce soit pour "un changement politique réel" pour lequel le P.C.F. constitue la "meilleure garantie" (107).

Finalement, l'avenir dépend de la place du P.C.F. dans l'union pour que le programme commun soit appliqué, pour contraindre, s'il le faut, le P.S. aux listes communes pour les municipales de 1977. Or, actuellement, la place dominante est occupée par le P.S. (tout le fait pressentir après les législatives partielles). Il faut tout faire alors pour rétablir la situation à l'avantage du P.C.F. Cela va donner lieu dans les mois et années suivants à une valse d'hésitation où l'on fait tantôt ami-ami, tantôt ami-ennemi, pour finalement arriver à se faire ennemi-ennemi. Pour remonter la pente, le P.C.F. va essayer de ressaisir ses militants, sympathisants et électeurs, il publiera "l'union est un combat', le ''socialisme pour la France" (XXIIème congrès), les 'Aidez-nous" dans l'humanité ... Il fallait convaincre l'électorat que sans un P.C. fort, le P.S. jouerait des mauvais tours. Celui-ci était-il dès 1974 entrains de fourbir les armes de l'abandon du programme commun ?

Poser le problème de cette façon, c'est présenter l'union à son origine de façon idyllique.

Il faut remonter aux sources. En 1971, le P.S. refait son unité pour "que le parti prenne le pouvoir" (108).

Sous la dème République, le système électoral (scrutin majoritaire à deux tours) conduit inéluctablement celui qui veut prendre le pouvoir à conclure des alliances.

(106) - XXIème congrès à Vitry du 24 au 27 octobre 1974. Rapport du Comité Central présenté par G. MARCHAIS p.64 et s. Edité par le P.C.

(107) - Ibid p. 89.

(108)-F. MITTERAND au congrès d'Epinay in "Politique" p. 533.

Le P.S., se voulant résolument à gauche, la seule alternative possible, était l'alliance avec les communistes. Une alliance voulue dans une optique bien déterminée faire revenir une partie de l'électorat communiste dans le giron socialiste et "équilibrer la gauche" pour que cesse "la vassalisation du P.S." par le P.C. (109).

Thierry PFISTER (110) montre en outre que F. MIr tRAND ne s'est "rallié à la notion

du programme commun que sur un jeu tactique obtenir les 7 % des voix du C.E.R.ES." qui lui permettront de gagner Epinay et de devenir premier secrétaire du P.S. Si la réussite électorale a permis au P.S. de s'éloigner du programme commun, au profit du projet socialiste, cela n'a pas été un "virage à droite',' mais la continuité d'une stratégie.

Dès lors, si le P.C.F. a fait abstraction de ces données, et mis tout en oeuvre pour la réussite du P.S., il ne peut s'en prendre qu'à lui-même et notamment à son comportement électoraliste qui lui fait délaisser le développement des luttes pour le jeu électoral. Ses appels au ressaisissement tombent à plat, sur un corps social démobilisé, et focalisé sur le nouveau "bréviaire" que constituait le programme commun.

Dans l'impossibilité de redresser la barre, il dénonce la trahison du P.S. (qui espérait recueillir les fruits de ce comportement où il tenait la dragée haute au P.C.) qui renoue avec la social-démocratie, avec le réformisme. Mais le P.S. avait-il cessé d'être réformiste ? S'il a pu apparaître comme ayant rompu avec la collaboration de classe, le P.C.F. n'a-t-il pas été le meilleur laudateur de ce changement ? Les nationalisations qui ont constitué apparemment la pierre d'achoppement étaient certes un élément fondamental du dispositif mis en place par le P.C. et le P.S., mais comment se fait-il que cette question n'ait pas été réglée dès l'origine, époque où le P. dominait ? Non, l'objectif non avoué de cette agitation sectaire était d'empêcher les socialistes de considérer le P.C. comme une force d'appoint. Le P.C. préfère renoncer au pouvoir pour lui-même, pour mieux briser son partenaire dont tous les politologues s'accordent à dire que c'est un parti qui, à terme, s'écartèle lorsqu'on le lèse du pouvoir.

Le but de l'électoralisme n'est plus alors de conquérir le pouvoir, mais de tout faire pour que le P.S. n'y arrive pas en force sans cependant sacrifier ses propres positions parlementaires, d'où l'accord du 13 Mars 1978 et le fameux "CA Y EST" à la une de l'Humanité. Comme quoi les vices du parlementarisme bourgeois ont quelques vertus, utilisés par les communistes ...

(109) - Ibid p.539-540.

(110) - Thierry PFISTER in "Changer le P.C." précité p. 162-163.

Nous avons essayé de démontrer que l'acceptation de l'alternance par le P.C.F. était le signe d'une importante évolution théorique. Celle-ci se caractérise par un abandon du marxisme-léninisme conduisant à la reconnaissance de la démocratie bourgeoise et de /'Etat bourgeois comme lieu du changement.

Certains désignent cette évolution comme le symbole de "l'adhésion" du P.C.F. à "l'eurocommunisme" (111). Selon C. BUCI-GLUCKSMAN, celui-ci se présente comme :

1) "la revendication d'une indépendance des P.C. par rapport à Moscou,'

2) "le développement d'une nouvelle stratégie démocratique de passage au socialisme ,

3) "la prisa de conscience de la nécessité d'une transformation des P.C. eux-mêmes". (112)

Nombreux sont encore aujourd'hui les commentateurs politiques qui relèvent dans telle ou telle action du P.C.F., l'influence de Moscou (la fameuse "main de Moscou" ou son ombre). Le P.C.F. ne manque jamais de dénoncer de telles affirmations et d'insister sur l'indépendance des P.C. à l'égard du "grand frère oriental. Ainsi, par exemple, G. MARCHAIS déclarait à l'Association de la Presse Etrangère à Paris en 1977: "...il est exclu de discuter avec Léonid BREJNEV des décisions prises par le P.C. (113)

En outre, de nombreuses fois, le P.C.F. s'est élevé' contre les atteintes aux libertés et à la démocratie en U.R.S.S.

Ce mouvement est certain, néanmoins il apparaît que le P.C.F. ne s'est pas dégagé, encore aujourd'hui, de l'idéologie issue de l'Internationale dans sa période stalinienne. Ainsi sa vision économiste du socialisme ne lui permet pas d'analyser correctement la réalité soviétique et en particulier '7e phénomène de la dissidence". La conception du socialisme, comme mode de production autonome et de la dictature du prolétariat comme voie de passage au socialisme, remonte à Staline à l'époque où il mettait fin à la dictature du prolétariat et proclamait l'État du peuple tout entier.

(111) - Voir à ce propos le n° 88-89 de "RECHERCHES INTERNATIONALES" 1976 - Editions de la Nouvelle Critique.

(112) - C. BUCI-GLUCKSMAN in "Changer le PC" précité p.126 et s.

(113) - G. MARCHAIS à l'Association de la Presse Etrangère à Paris le 1er Juin 1977.

La dénonciation d'une telle absence d'analyse concrète était et est encore très, difficile, d'une part en raison de la séparation dirigeants-dirigés au sein du parti (c'est-à-dire l'absence d'une véritable démocratie) et d'autre part parce que seuls les dirigeants politiques détenaient et détiennent la vérité du marxisme et la dé de son utilisation.

Que le P.C.F. soit engagé sur la voie eurocommuniste, nous l'admettrons, malgré ces réflexions ; mais cela nous apparaît, à l'issue de nos développements, n'être qu'une nouvelle appellation de la social-démocratie.

En effet, eurocommuniste ou non, le P.C.F. comme n'importe quel parti social- démocrate, renonce à briser l'Etat bourgeois et à instaurer la dictature du prolétariat pour construire la société nouvelle.

Rien ne différencie le social-démocrate et "l'eurocommuniste libéral" (114), sinon l'apparence du discours. "Pour eux, l'avenir du monde se résout dans la propagande et la mise en pratique de leurs plans sociaux. Dans la conception de ces plans, toutefois, ils ont conscience de défendre avant tout les intérêts de la classe ouvrière, parce qu'elle est la classe la plus souffrante. Pour eux, le prolétariat n'existe que sous cet aspect de la classe la plus souffrante" (115).

(114) - C. BUCI-GLUCKSMAN distingue "eurocommunisme libéral" et "eurocommunisme démocratique". Le premier, c'est la social-démocratie, le second c'est le retour à La théorie conçue comme guide pour l'action.

(115) - K. MARX "Le manifeste du P.C." - précité p.58.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984